Le mépris n`aura qu`un temps

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Le mépris n`aura qu`un temps
ÉDITORIAL
:
Le mépris n’aura qu’un temps...
Nicole Filion
Présidente
Les instruments de défense
des droits de la personne n'exigent pas une forme particulière
de gouvernement. La condition
posée réside plutôt dans le caractère démocratique du modèle et
exige que tous les droits de la
personne soient respectés1.
Si le modèle ne constitue pas
en soi un critère de détermination
de violations de droits, à l'évidence, certains ont néanmoins une
signature idéologique elle-même
porteuse de violations de droits
de la personne. Le modèle mis de
l'avant par le gouvernement
Harper en est un exemple frappant. Il s'inscrit à certains égards
dans la foulée des orientations
données par le gouvernement
précédent alors que dans
d'autres cas, il est venu changer
la donne. Il ne s'agit pas ici
d'évaluer la portion novatrice du
modèle par rapport au gouvernement précédent, mais bien de
mesurer l'ampleur des écarts à
l'égard des droits de la personne
et de leurs conditions d'exercice.
La lutte pour le respect des droits
de la personne se transporte plus
que jamais dans l'arène politique,
le mépris affiché à leur égard
devant être considéré comme un
enjeu incontournable de la prochaine campagne électorale.
Il est utile ici de faire un survol
rapide de quelques-unes des plus
récentes décisions et prises de
positions de ce gouvernement,
certaines ayant été plus médiatisées que d'autres.
Parmi les plus médiatisées
figure sans contredit la position
sur l'intervention israélienne au
Liban, faisant fi de toute considé-
ration à l'égard des grands
principes et règles du droit international humanitaire qui visent à
protéger les populations en cas
de conflits armés et à imposer
des limites dans la façon de
mener les combats.
Plus récente et moins connue
peut-être, la décision du Canada
de ne pas voter, lors de la 21e
séance du nouveau Conseil des
droits de l'homme, en faveur de
la Déclaration des Nations Unies
sur les droits des peuples autochtones2. Cette déclaration était fort
attendue sur le plan international
parce que représentant un grand
pas en avant pour contrer les violations de droits dont sont victimes les peuples autochtones.
Par ce vote, le gouvernement
canadien a ni plus ni moins signifié qu'il refusait de reconnaître
que les peuples autochtones ont
le droit, à titre collectif ou individuel, de jouir pleinement de l'ensemble des droits de l'homme et
des libertés fondamentales
reconnus par la Charte des
Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme et
le droit international des droits de
l'homme.3 De surcroît, le Canada
a par la suite annoncé qu'il persisterait dans son obstruction pour
empêcher l'adoption de cet instrument alors que par le passé, il
en avait été l'un des artisans les
plus engagés. Selon les observateurs, dès l'arrivée au pouvoir de
l'actuel gouvernement, celui-ci
s'est empressé, sur cette question (comme sur quelques autres
!), de joindre les rangs des ÉtatsUnis, de la Nouvelle-Zélande et
de l'Australie.
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
Par ailleurs, quelques annonces et projets de loi en matière
criminelle proposent d'axer l'intervention étatique en cette
matière sur le modèle répressif
plutôt que sur un modèle axé sur
la prévention et les interventions
à la source du problème alors que
la plupart des intervenants en criminologie sont venus démontrer
le bien-fondé de cette dernière
approche. Mentionnons également la proposition qui « flirte »
avec l'idée du renversement du
fardeau de la preuve en défaveur
du prévenu lorsque la Couronne
cherche à obtenir contre celui-ci
une déclaration de criminel dangereux. Au soutien de ces propositions, le gouvernement Harper
prétend que le crime est une
plaie qui ne cesse de s'étendre et
qu'il faut à tout prix réprimer pour
rendre notre société plus sécuritaire. Il a pourtant été largement
démontré, chiffres à l'appui, que
le crime est en régression au
Canada, ce qui met davantage en
lumière le caractère idéologique
et électoraliste de ces orientations.
L'une des positions les plus
controversées de ce gouvernement, notamment sur le plan de
l'opinion publique canadienne,
demeure son désaveu à l'égard
du Protocole de Kyoto et son
refus d'imposer des contraintes
obligeant les entreprises à agir
afin de réduire leur contribution
au réchauffement climatique4. Et
ce, alors que les enjeux sont largement reconnus et que les
régions les plus touchées actuellement sont celles occupées par
des populations déjà très marginalisées et vulnérables. À ce
3
propos, un nouveau rapport,
rendu public à l'occasion de la
Conférence des Parties de la
Convention sur le changement
climatique tenue à Nairobi en
novembre 2006, souligne l'extrême vulnérabilité du continent
africain face à ces changements :
30 % des infrastructures côtières
d'Afrique risquent d'être submergées, le rendement des cultures
céréalières baissera de 5 % d'ici
les années 2080 et les cultures
de base, seront également affectées en raison du changement climatique . Ce scénario rejoint celui
annoncé au nord de notre continent, mettant en péril les populations autochtones qui y vivent,
leur mode de vie et leurs conditions de survie. En définitive, ce
sont les populations qui n'ont
aucune responsabilité à l'égard
de ces changements climatiques
qui en subissent le plus lourdement les conséquences.
En septembre dernier, le gouvernement se lançait dans un
exercice
de
compressions
budgétaires qui s'est soldé par
l'élimination d'une série de programmes et l'abolition du financement de soutien à différents
organismes ayant pour mission
de favoriser la participation de la
population aux prises de décisions gouvernementales, de
favoriser l'accès à la justice des
groupes les plus vulnérables de
notre société ou de défendre
leurs droits. Ainsi, ont été abolis
le Programme de consultation,
recherche et information du
public en matière de politique
étrangère, le financement de la
Commission du droit du Canada,
celui du Programme de recherche sur la politique en matière de
santé et du Programme de
contestation judiciaire (PCJ).
D'autres programmes ont été
« recentrés » afin de mieux
répondre aux objectifs de ce gouvernement qui entend dorénavant approuver « uniquement les
fonds vraiment nécessaires pour
obtenir des résultats mesurables
d'une manière efficace et qui
assure qu'on en ait pour son
argent » . Dans le cadre de cette
approche « du gros bon sens5 »,
le Programme d'apprentissage,
d'alphabétisation et d'acquisition
des compétences essentielles
pour les adultes a été « reciblé »
et des modifications de fond ont
été introduites au programme de
soutien aux organismes voués à
la défense des droits des
femmes de Condition féminine
Canada, leur interdisant désormais d'utiliser des subventions
fédérales pour entreprendre des
activités de défense de droits ou
de lobbying. Les organismes de
défense des droits des femmes
estiment que le modèle d'intervention qui sera dorénavant
« acceptable » est celui de la charité, sans effet sur les causes systémiques de la discrimination à
l'égard des femmes. Jumelées à
l'abolition du PCJ, ces nouvelles
orientations privent les groupes
les plus vulnérables du point de
vue de la réalisation de leurs
droits, de moyens de les faire
valoir… et c'est le principal
responsable en cette matière qui
leur coupe la voie des recours.
Que faire devant ces reculs?
Encore une fois passer à l'action,
interpeller publiquement le gouvernement sur les enjeux de
droits soulevés par ces positions
et prises de décisions. Il faut
l'amener à reconnaître son recul
face à ses obligations à l'égard
des droits de la personne et à
réviser ses positions. Il faut le
relancer notamment sur son obstruction à l'adoption de la
Déclaration sur les droits des
peuples autochtones. Dans la
foulée des recommandations de
la Commission Arar, il faut dénoncer l'inaction du gouvernement
canadien qui tarde indûment à
ratifier le Protocole facultatif à la
Convention contre la torture.
Et peut-être faudrait-il aussi
considérer le fait que le Canada,
parce que siégeant au Conseil
des droits de l'Homme, serait
susceptible d'être prochainement
en examen conformément à ce
que prévoit la résolution de
l'Assemblée générale de l'ONU
ayant institué le Conseil des
droits de l'homme. Il y est précisé en effet que les membres élus
du Conseil observeront les
normes les plus strictes en
matière de promotion et de
défense des droits de l'homme,
coopéreront pleinement avec le
Conseil et seront soumis à la
procédure d'examen périodique
universel au cours de leur
mandat6.
1
Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU, Observation générale no 3, E/1991/23, paragraphe 8.
2
Celle-ci a été adoptée, le 29 juin 2006, par le Conseil des droits de l'homme par 30 voix contre 2 (dont celle du Canada), avec
12 abstentions.
3
Article premier de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones :
http://www.ohchr.org/french/issues/indigenous/declaration.htm
4
En ligne : http://unfccc.int/
5
Mettre l'emphase sur les priorités des Canadiens et des Canadiennes, Secrétariat du conseil du trésor du Canada, en ligne :
http://www.tbs.sct.gc.ca
6 C'est nous qui soulignons. A/RES/60/251, en ligne : www.ohchr.org/french/bodies/hrcouncil/
4
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
UN
MONDE
SOUS
SURVEILLANCE
Dominique Peschard
Membre du comité des libertés civiles de la Ligue
Le 21 janvier 2004, la GRC
perquisitionne le domicile de
la journaliste Juliet O'Neill et
son bureau du Ottawa
Citizen, elle y saisit de nombreux documents ainsi que du
matériel informatique. La
journaliste aurait participé à
des « fuites » d'information
gouvernementale
classée
« secret officiel », par la publication d'un article concernant Maher Arar dans
l'Ottawa Citizen du 8 novembre 2003. Cette perquisition
est effectuée en vertu de
l'article 4 de la Loi sur la protection de l'information. Cet
article, qui élargit démesurément la notion de « secret
officiel », est une des nombreuses modifications apportées aux lois canadiennes par
la Loi antiterroriste (C-36).
1 O'Neill v. Canada (Attorney General),
2006 CanLII 35004 (ON S.C.) [ les citations sont notre traduction]
http://www.canlii.org/on/cas/onsc/
2006/2006onsc16405.html
Coup sur coup,
deux jugements invalident
des dispositions de la loi antiterroriste (C-36)
Les perquisitions chez
la journaliste Juliet O'Neill
Dans un jugement rendu le 19 octobre 2006 [O'Neill c. Canada]1, la
juge Lynn Ratushny de la Cour supérieure de l'Ontario déclare inconstitutionnelles des portions de l'article 4 parce qu'elles portent atteinte,
d'une manière qui ne peut être justifiée « dans des limites qui soient
raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre
d'une société libre et démocratique » [Charte, art. 1], à la « liberté de
pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté
de la presse et des autres moyens de communication » [Charte, art.
2b]. La juge a également conclu que la loi porte atteinte au «…droit à
la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté
atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. » [Charte, art. 7] en rendant une personne coupable d'un
crime passible de 14 ans d'emprisonnement pour un acte dont la définition est tellement vague que cette personne pourrait être condamnée sans qu'elle n'ait jamais eu l'intention de commettre un crime
(l'intention coupable ou la mens rea du droit criminel).
La juge a déclaré que l'article 4 donnait à l'État le pouvoir de déclarer arbitrairement confidentielle ou « secret officiel » toute information puis de criminaliser toute personne qui « recevrait » cette information », « en entendrait parler » ou « en parlerait » : « C'est une
législation qui ne définit d'aucune manière son champ d'application et
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automne 2006
5
Les perquisitions chez la journaliste Juliet O'Neill
(suite)
puis qui, utilisant la forme la plus extrême de contrôle gouvernemental, criminalise la conduite de ceux qui transmettent et reçoivent
l'information gouvernementale qui tombe à l'intérieur de ce champ illimité, y inclus la conduite des fonctionnaires et des membres du
public et de la presse » [ jugement par. 62].
La juge conclut également que « …les allégations de criminalité à
l'encontre d'O'Neill dans les mandats de perquisition constituent une
conduite abusive et une intimidation de la presse qui portent atteinte
au droit constitutionnel de la liberté de presse ». [ par. 157] D'après le
juge, « cette conduite [les perquisitions] offense le sens de la justice
de la population et mine l'intégrité du processus judiciaire » [par. 164].
Cette affaire illustre le caractère nettement abusif des dispositions
introduites par la loi C-36 qui portent atteinte aux libertés fondamentales sans contribuer d'aucune manière à la lutte contre le terrorisme.
Le procès de Momin Khawaja
pour terrorisme
Mohammad Momin Khawaja, arrêté le 29 mars 2004 à Orleans, près d'Ottawa, est la première
personne à être inculpée en vertu de la Loi antiterroriste (C-36). Il est accusé d'avoir participé
à une activité terroriste et d'avoir facilité une activité terroriste. Neuf autres personnes ont
été arrêtées en Angleterre en lien avec ce présumé complot terroriste.
Dans un jugement rendu le 24 octobre 2006, le
juge Douglas Rutherford de la Cour supérieure de
l'Ontario a sérieusement entaillé la qualification
légale du terrorisme en invalidant une partie importante de la définition inscrite dans la Loi antiterroriste. Le juge a déclaré inconstitutionnel ce qui définit
une « activité terroriste » comme une action ou une
omission commise « ..au nom -- exclusivement ou
non -- d'un but, d'un objectif ou d'une cause de
nature politique, religieuse ou idéologique, … »
Selon le juge, mettre ainsi l'accent sur les motifs
religieux, idéologiques ou politiques, porte atteinte
au droit des Canadiens de penser et de croire ce
qu'ils veulent et stigmatisera ceux qui partagent les
mêmes croyances ou la même religion que les
terroristes. D'après le juge Rutherford « Le citoyen
ordinaire aurait bien de la difficulté à saisir les
motifs de certains - sinon de tous - ces crimes
6
notoires (comme ceux du 11 septembre) » et il
ajoute « [Le fait de savoir…] quelle cause ou objectif, politique, religieux ou idéologique, poursuivaient, au juste, les responsables de ces actes ne
compte pas beaucoup pour les populations affectées. Pour une bonne raison. Ça n'a pas vraiment
d'importance. » Bref, un crime est un crime, et
ceci, quel qu'en soit le mobile.
Il est important de souligner que le retrait de
cette partie de la détermination d'un acte terroriste
dans la Loi antiterroriste ne rend pas la définition
acceptable pour autant. La définition demeure si
vague et si large qu'on peut l'appliquer à des actes
de dissidence ou de protestation qui n'ont rien à
voir avec ce que tout le monde entend par « terrorisme ».
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
SWIFT remet en secret
aux autorités américaines
les renseignements personnels
de Canadiens
La société SWIFT,
Society for Worldwide
Interbank
Financial
Telecommunication, est
une société incorporée
en Belgique qui gère les
transactions internationales de 7,863 institutions financières dans
204 pays. Par exemple,
si vous envoyez de
l'argent à l'étranger par
votre banque, la transaction sera presque
certainement gérée par
SWIFT. SWIFT dispose
de deux centres de traitements, un en Europe,
l'autre aux États-Unis.
Les données des transactions sont conservées aux deux centres
de SWIFT pendant 124
jours.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001, SWIFT a reçu et
accepté, à l'insu de ses clients et des gouvernements - autres que
celui des États-Unis, 64 demandes de transfert de données de la
part du US Department of the Treasury (UST). Les sommations de
l'UST peuvent être qualifiées de demandes non individualisées et
massives, où toutes les transactions à partir de tel ou tel pays, de
telle date à telle date, doivent être remises à l'UST. L'UST peut
garder ces données indéfiniment. Dans une lettre du 14 septembre 2006, SWIFT a confirmé que l'UST « a parfaitement le
droit, en vertu du droit américain [le Patriot Act], de soumettre la
section américaine de SWIFT à une sommation afin que soient
communiqués tous les messages SWIFT ». Cela signifie, rien que
pour 2005, un total de plus de 2 milliards et demi de messages.
Pour se protéger, SWIFT a signé un protocole avec l'UST qui
prévoit que l'UST ne pourra extraire de cette masse de données
que les informations sur des individus associés à la lutte au terrorisme. Le respect de cette entente est vérifié par l'auditeur américain Booz, Allen & Hamilton. L'American Civil Liberties Union a
dévoilé que cette firme compte parmi son personnel des anciens
membres de la National Security Agency (NSA) et de la CIA, dont
un ancien directeur, et qu'elle a collaboré au Total Information
Awareness Program !
Dans un AVIS du 27 septembre 2006, la Commission de la protection de la vie privée de la Belgique estime que « SWIFT s'est
limitée au respect du droit américain et à la recherche de solutions
via des négociations secrètes avec l'UST », que la protection que
SWIFT a prévue pour le traitement des données dans le cadre de
son centre de traitement aux États-Unis contrevient à la Loi relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de
données à caractère personnel de Belgique et que « les mesures
exceptionnelles en vertu du droit américain pouvaient difficilement légitimer une violation cachée, systématique, massive et de
longue durée des principes européens fondamentaux en matière
de protection des données. »
Le 27 juin 2006, Privacy International adressait une plainte au
Commissaire à la vie privée du Canada, madame Jennifer
Stoddart, à l'effet que SWIFT avait violé la vie privée des clients
des 13 banques et 63 institutions financières canadiennes qui
avaient recours à ses services.
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automne 2006
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RISQUE DE TORTURE
Le Canada ne peut renvoyer
M. Jaballah en Égypte
Catherine Gauvreau
Avocate
Dans cette affaire (Re. Jaballah 2006 FC 1230 ), la Cour devait déterminer si le certificat,
délivré en août 2001 par le ministre de l'Immigration et le solliciteur général du Canada,
selon lequel M. Jaballah est à leur avis inadmissible au Canada pour des motifs se rapportant à la sécurité nationale est « raisonnable ». Le gouvernement canadien juge que M.
Jaballah constitue un danger puisqu'il allègue que ce dernier est un membre de l'organisation terroriste Al Jihad. Dans ce jugement, la Cour fédérale a confirmé le caractère raisonnable de ce certificat. Notons qu'en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des
réfugiés, une personne détenue en vertu d'un certificat de sécurité n'a pas accès à la
« preuve » et n'a pas la possibilité de la réfuter dans le cadre d'un procès juste et équitable.
Dans un deuxième temps, la Cour fédérale devait décider si le renvoi de M. Jaballah vers
la torture viole l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés qui garantit le droit
à la vie, la liberté et l'intégrité. Il est important de souligner que dans cette affaire, le gouvernement fédéral ne contestait pas le fait que M. Jaballah serait exposé à la torture ou
risquerait la mort advenant un retour en Égypte.
Dans le jugement de la Cour fédérale, le juge rappelait qu'en signant des conventions
internationales, le Canada s'est engagé à rejeter l'utilisation de la torture. Sans écarter la
possibilité que des circonstances exceptionnelles puissent exister, le juge MacKay a cité
les propos du juge O'Connor, qui a présidé la Commission Arar, qui soulignait que le recours
à la torture est une violation à la dignité humaine et ne peut jamais être justifié en droit.
Ceci irait à l'encontre de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, de la Convention
contre la torture, de la Charte canadienne des droits et libertés et du Code criminel du
Canada.
En conclusion, le juge MacKay a noté que, dans ce cas en particulier, aucun argument
n'a été exposé par le représentant du ministre à l'effet que des circonstances exceptionnelles soient présentes et que celles-ci justifieraient un renvoi vers la torture. Après avoir
révisé la preuve au dossier, le juge de la Cour fédérale conclut à l'absence de circonstances
qui justifieraient le renvoi vers la torture.
Toutefois, le concept de « circonstances exceptionnelles », pouvant justifier le renvoi
vers la torture, est vigoureusement critiqué, autant par les organisations de surveillance
des Nations Unies (Comité contre la torture, Comité des droits de l'Homme), que par les
organisations de défense des droits de la personne. En droit international, la pratique de la
torture est considérée particulièrement odieuse et AUCUNE circonstance ne peut en justifier la pratique ou le renvoi vers la torture. Même dans le cas où un danger exceptionnel
menacerait l'existence même de la nation, la torture est interdite (article 4, Pacte international relatif aux droits civils et politiques).
Espérons que le jugement attendu de la Cour suprême portant sur les certificats de
sécurité, dans l'affaire Charkaoui, sera conforme au droit international et enverra un
message sans équivoque aux agents de l'État que la torture ne se justifie jamais.
8
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
D O S S I E R
Le droit
MESURES OUTRE MESURE :
international
le Canada et l'opération
« Juste Rétribution »
est-il encore
important
Me Jean-François Gareau
Faculté de droit et de science politique de l'UQAM
pour le
Canada?
« Israël a le droit de se défendre. Dans les circonstances,
la riposte israélienne a été mesurée. »
Stephen Harper, le 13 juillet 2006
Les récents affrontements qui ont ensanglanté le Liban et le
nord d'Israël ont offert au monde un triste spectacle.
L'embuscade meurtrière et la capture de deux soldats de Tsahal,
ainsi que l'opération israélienne « Juste Rétribution »1 y répondant, ont donné lieu à un véritable échange de crimes de guerre,
dont nul ne peut prétendre sortir les mains nettes. Ce constat,
qui s'appuie sur les témoignages d'observateurs crédibles2, n'est
pas une vision partisane, mais une réalité avec laquelle on doit
compter dans l'appréciation de la crise.
Dans ce contexte, la déclaration du premier ministre Stephen
Harper est lourde de sens. Il s'agit certes d'une prise de position
politique tranchée en faveur de l'une des parties, mais elle représente aussi une appréciation de la légalité des actions entreprises. Pas étonnant, donc, que ces quelques mots aient fait
l'effet d'un coup de tonnerre, et que ses retentissements n'aient
pas fini de faire l'objet de discussions. Animant un débat, déjà
bien nourri par la question afghane, sur un « virage » affectant
la vocation pacifique du Canada dans le monde, là ne s'arrête pas
leur impact : M. Harper y démontre en effet, malgré son usage
du terme « droit », soit une méconnaissance - ce qui serait affligeant - ou un mépris - ce qui serait bien pire ! - des règles juridiques applicables en la matière.
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
9
DOSSIER:
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
Puisqu'on parle du loup :
quelques mots sur la trame juridique
10
Le droit international humanitaire (DIH) est un
vaste corps de règles d'origine conventionnelle3 et
coutumière4 s'appliquant aux conflits armés. Le
jus in bello - littéralement « droit dans la guerre » régit ainsi la conduite des hostilités une fois
déclenchées, nonobstant la légalité de ce déclenchement (encadrée par les règles du jus ad bellum,
qui relèvent du droit international général). Sa fonction principale est d'en limiter les effets délétères,
notamment en protégeant les non-combattants et
en restreignant les moyens et méthodes
employés.
Le DIH tend à se démarquer des paramètres traditionnels du droit international public, produit
avant tout par et pour des États souverains, sur
trois plans : ses normes ont vocation à s'appliquer
à tous les types de combattants, et non aux seuls
organes étatiques5 ; les obligations imposées ne
sont pas soumises au principe de réciprocité, où le
respect par l'un conditionne celui de l'autre; et la
répression des infractions graves, qui peuvent
générer directement la responsabilité pénale internationale des auteurs en tant qu'individus. Ainsi,
quiconque prend les armes peut se rendre coupable de violations du DIH, qui, en l'espèce, s'applique à Tsahal tout autant qu'au Hezbollah. D'autre
part, les écarts commis par l'adversaire ne peuvent
justifier qu'un combattant fasse fi des devoirs qui
lui incombent. Enfin, les auteurs d'actes contraires
au droit pourraient se voir frappés d'une sanction
pénale.
Ses règles ont parfois été qualifiées de
« désuètes », datant de l'ère des conflits « classiques » entre États. Le DIH serait ainsi mal adapté aux « conflits postmodernes », plus déstructurés, et carrément inapplicable au terrorisme organisé à l'échelle globale, qui se situe d'emblée hors
de la légalité6. S'il nous rappelle la nécessaire adaptation de toute régulation aux divers contextes
dans lesquels elle est appelée à jouer, l'argument
ainsi formulé équivaut toutefois à jeter le bébé
avec l'eau du bain.
«Israël a le droit de se défendre » :
considération de jus ad bellum
Cette assertion du premier ministre comporte à
la fois une évidence - qui, hors des cercles les plus
extrémistes, songerait à nier un tel droit à Israël? et une référence juridique plus délicate, puisque
l'invocation de la légitime défense comporte des
modalités… et des limites. Israël a le droit de se
défendre, certes, mais pas n'importe comment.
L'interdiction du recours unilatéral à la force, clé
de voûte de l'ordre juridique international contemporain, est une nouveauté qui, en 1945, rompt
avec une tradition plus axée vers l'encadrement de
la guerre autorisée7 et l'atténuation de ses conséquences néfastes. C'est cependant un principe
cardinal : de ce fait, il ne saurait admettre que de
rares exceptions, dont la portée doit, en outre, être
interprétée restrictivement.
Une de ces exceptions est précisément le droit
« naturel » de légitime défense8 , permettant à tout
État de repousser une agression armée dont il
serait victime. L'exercice de ce droit, encadré
aujourd'hui par l'article 51 de la Charte des Nations
Unies, est d'emblée soumis à deux conditions
d'origine coutumière : la nécessité (emploi de la
force en dernier recours, pour éviter un péril immédiat et réel) et la proportionnalité (usage d'une
force congrue à celle que déploie l'adversaire). De
plus, en vertu de l'article 51, le péril envisagé ne
peut être qu'une agression armée en cours9 , et la
riposte, limitée dans le temps et l'espace, doit
avoir pour objectif de repousser l'agression10 . Le
droit international n'admet donc pas la « légitime
défense préventive » pour écarter une menace
redoutée, l'intervention unilatérale pour défendre
des individus ou groupes jugés vulnérables, les
assassinats ciblés ou les représailles armées à
fonction punitives.
En l'occurrence, les actes provocateurs qui ont
mis le feu aux poudres sont certes criminels et
odieux, mais ils ne semblent pas constituer une
agression armée au sens où l'entend le droit international.11 En matière de jus ad bellum, ceci remet
en doute la légalité même de l'opération « Juste
Rétribution », et ce, peu importe la manière dont
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automne 2006
Pour évaluer le bien-fondé de la seconde affirmation du premier ministre, il importe de rappeler
ici trois piliers porteurs du droit humanitaire : le
principe de distinction, qui limite les attaques
licites aux combattants et aux objectifs dont la destruction, la capture ou la neutralisation offre un
avantage militaire décisif; le principe de proportionnalité, qui exige que l'on évite de provoquer
des pertes ou dommages excessifs par rapport à
l'avantage militaire concret et direct escompté
(notamment par l'emploi d'armes « aveugles » qui
ne peuvent distinguer les cibles civiles des militaires, comme les mines anti-personnel ou les
bombes à fragmentation); et le principe d'humanité duquel découle l'interdiction formelle d'infliger
à l'adversaire des maux ou dommages superflus,
inutiles à la réalisation des buts militaires.
Quoiqu'on puisse penser des positions respectives adoptées quant à la légalité (ou à la légitimité,
ce qui n'est pas la même chose) de la réaction
israélienne, force est d'admettre que la conduite
des opérations avait, déjà à cette date, pris une
telle ampleur, et entraîné un tel niveau de dévastation (en pertes humaines et en destruction délibérée d'infrastructures civiles) qu'elle avait perdu
toute proportion avec les actes hostiles posés
concrètement par le Hezbollah. Dans « les circonstances » évoquées par M. Harper, la riposte de
Tsahal a dépassé les bornes.
C'est par ailleurs pure malhonnêteté intellectuelle que d'apparenter cette critique à une quelconque position « anti-israélienne » (insinuation où
plane toujours, même discrètement, le spectre de
l'antisémitisme) ou pire encore, à une prise de parti
en faveur du Hezbollah. Il s'agit encore moins de
justifier ou d'excuser des comportements qui
constituent indubitablement des crimes de guerre
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
Il ne fait nul doute que la prise en otage, après
une embuscade meurtrière, de deux soldats
israéliens en vue de négocier un échange de
prisonniers constitue une « infraction grave » sanctionnée par le DIH. Il en va de même des barrages
quotidiens de roquettes et d'obus de mortier
essuyés par la population civile du nord d'Israël.
L'usage par le Hezbollah (et par certains militants
du Hamas) de roquettes de type Katioucha, munitions non-guidées et notoirement imprécises, est
en soi criminel, et le devient d'autant plus lorsqu'on les équipe d'ogives remplies de billes
d'acier, destinées à accroître leur efficacité létale
aux alentours du lieu touché. En outre, prendre
délibérément et systématiquement pour cible des
bâtiments civils et des zones résidentielles est une
attaque directe et prohibée contre la population, et
donc un crime de guerre. On doit toutefois en dire
autant des raids aériens et tirs d'artillerie massifs employant notamment les bombes à sousmunitions ( cluster bombs )12, dont certaines explosent encore à ce jour - grâce auxquelles Tsahal a
anéanti les infrastructures civiles de transport et de
communication, et réduits en ruines maints bâtiments résidentiels au sud du Liban.
C'est toutefois en termes quantitatifs que se
creuse l'écart entre attaques et riposte. Les
ravages au Liban ont eu tôt fait d'atteindre un
niveau n'ayant plus de commune mesure avec les
préjudices subis, ni, compte tenu des principes
susmentionnés, avec les objectifs avoués de
Tsahal.13 Triste ironie, le nom même de l'opération
« Juste Rétribution » révèle une intention punitive
contraire à l'esprit de la règle.14
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
« … la riposte israélienne a été
mesurée » : considérations
de jus in bello.
avérés. Mais des violations claires, attestées par
des témoins dignes de foi, ont été commises dans
les deux camps, et il importe d'en faire état.
DOSSIER:
elle aura été menée. La conduite des hostilités,
elle, demeure régie par les règles de jus in bello
sans égard à la légalité formelle du déclenchement
des opérations.
11
Notes
DOSSIER:
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
CONCLUSION
12
Les propos du premier ministre ne sont ni
anodins ni dépassés : jamais démentie
depuis, la position s'est vue confortée par le
ministre des Affaires étrangères, Peter
MacKay :
«Ce n'était pas un choix difficile à
faire entre un État, un gouvernement démocratiquement élu, une
démocratie qui est attaquée par des
terroristes, un groupe de tueurs
sans pitié. Le Liban est l'otage du
Hezbollah. Le Hezbollah est un cancer qui ronge le Liban en détruisant
sa stabilité et sa démocratie.»15
Même en se rangeant à cette conception
quelque peu manichéenne de la crise, il est
toutefois difficile de voir en quoi cela justifierait la destruction physique à grande
échelle infligée au Liban, pays que le
ministre lui-même voit comme une sorte de
victime collatérale du conflit.16 Il faut faire
preuve d'aveuglement volontaire, tant
envers les dégâts matériels qu'envers les
règles du droit humanitaire, pour qualifier
ainsi de « mesurée » l'opération « Juste
Rétribution ».
Certes, la posture - résolue ou belliqueuse,
c'est selon - dans laquelle le premier
ministre a placé le Canada ne fait rien pour
infirmer une impression de radicalisation de
sa politique étrangère. Mais son traitement
cavalier des exigences de la légalité internationale est un élément tout aussi préoccupant du « nouveau ton » adopté par Ottawa
en matière de politique étrangère.
1
Traduction officielle des termes « Just Reward ».
2
Voir notamment les communiqués du Comité international de la
Croix-Rouge (www.icrc.org), chien de garde du droit international
humanitaire, ou ceux d'ONG réputées comme Amnesty
International (rapport « Destructions délibérées ou 'dommages collatéraux'? : Les attaques israéliennes contre les infrastructures
civiles », Document public MDE 18/007/2006, Août 2006) et par
Human Rights Watch (rapport « Frappes mortelles : les attaques
israéliennes indiscriminées contre les civils du Liban » du 3 août
2006, « Hezbollah Must End Attacks on Civilians » du 5 août 2006,
et nombreux textes disponibles sur
http://hrw.org/campaigns/israel_lebanon/).
3
L'essentiel du DIH est consigné dans les quatre Conventions de
Genève du 12 août 1949, complétées en 1977 par deux Protocoles
additionnels relatifs à la protection des victimes des conflits armés.
Pour un éventail plus complet des traités relatifs au DIH, consulter
la banque de données Droit International Humanitaire du CICR
(www.cicr.org/dih)
4
Les normes coutumières sont des règles non-écrites fondées
notamment sur la pratique des États. Une vaste étude du CICR sur
le sujet, recensant 161 règles, a été publiée en mars 2005 (L.
Dostwald-Beck & J.-M. Henckaerts (eds.), Customary International
Humanitarian Law, 3 vol., Cambridge University Press, 2005).
5
Il peut s'agir d'organes de jure, comme les membres en règle des
forces armées, ou de facto tels que groupes paramilitaires, mercenaires ou milices opérant, bien que sans statut officiel, pour le
compte de l'État.
6
Par définition, le terrorisme prend délibérément pour cible des
populations et biens civils, et tente de causer les dommages les
plus étendus, les plus spectaculaires et les plus indiscriminés possible : son « succès » est tributaire du choc et du degré d'horreur
qu'il suscite. Voir p.e. L. Richardson, What Terrorists Want, Random
House, New York, 2006.
7
Ainsi de la théorie de la « guerre juste », héritée du droit naturel et
de la doctrine scolastique. Voir p.e. P. Haggenmacher, Grotius et la
doctrine de la guerre juste, Presses universitaires de France, Paris,
1983.
8
Dans sa version anglaise de la Charte, le terme est « inhérent
right ».
9
Le terme a été défini plus précisément en 1974 par la Résolution
3314 (XXIX) de l'Assemblée générale.
10 Les suites du 11 septembre ont introduit un certain flottement dans
la conception classique, avant tout interétatique, de la légitime
défense. Ainsi, bien que n'étant pas rattachées directement à un
État et émanant d'une entité à la fois confuse et désincarnée (un
« réseau »), les attaques de New York et de Washington ont parfois
été assimilées à une agression, comme en fait foi l'invocation par
l'OTAN de l'Article 5 du Traité de l'Atlantique Nord. Toutefois, cette
pratique ne fait pas l'unanimité et ne s'est pas généralisée par la
suite.
11 Contra : le ministre canadien des Affaires étrangères, Peter
MacKay, a officiellement condamné « l'agression du Hezbollah
contre Israël » dans un communiqué du 12 juillet.
12 Le 18 octobre 2006, Human Rights Watch confirmait que le
Hezbollah a lui aussi fait usage de ce type de bombes durant le
conflit.
13 Ces objectifs étaient : récupérer les soldats détenus en otage, stopper définitivement les tirs sur le territoire israélien en provenance du
Liban, et contraindre le gouvernement libanais à désarmer les
milices et à déployer des forces le long de sa frontière, comme l'en
a enjoint le Conseil de Sécurité de l'ONU.
14 Ce n'est peut être pas par hasard que l'opération fut rebaptisée
sans attendre « Changement de direction » (« Changing
Direction »).
15 Période de questions, Chambre des Communes, le 1er août 2006
16 Dans un point de presse suivant la période de questions susmentionnée (note 14), le ministre MacKay affirmait le Liban « pris dans
les feux croisés » d'une confrontation entre Israël et le Hezbollah.
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
EN AFGHANISTAN :
Dominique Peschard
Membre du comité des libertés civiles de la Ligue
Le 18 décembre 2005, le général R.J. Hillier,
Chef d'état-major de la Défense du Canada,
signait avec le Ministre de la défense de
l'Afghanistan l'Entente sur le transfert des
détenus conclue entre les Forces canadiennes et le Ministère de la défense de la
République islamique d'Afghanistan. Le
paragraphe 7 de l'entente prévoit que les
prisonniers peuvent également être « transférés à toute autre puissance acceptante
ultérieure », donc éventuellement aux autorités américaines.
Pourquoi cette entente? Les Forces canadiennes en Afghanistan n'ont pas construit d'installations leur permettant de détenir les gens
qu'elles faisaient prisonniers. Avant la signature
de cette entente, elles remettaient ces prisonniers directement aux forces américaines. Une
fois connus les cas de torture commis par l'armée
américaine, à Abou Ghraib et ailleurs, cette
pratique est devenue la cible de critiques de plus
en plus nombreuses. L'entente se veut une
réponse à ces critiques.
Plusieurs experts en droit international tels que
le professeur Amir Attaran de l'Université
d'Ottawa et le professeur Michael Byers de
l'University of British Columbia estiment que
cette entente ne respecte pas les obligations du
Canada en matière de droits humains. D'après le
professeur Byers, cette entente contrevient à
deux conventions ratifiées par le Canada : la
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
Convention contre la torture et
autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants
ainsi que la Convention de
Genève relative au traitement
des prisonniers de guerre1. Le
professeur Attaran juge qu'elle
contrevient aussi à la Charte
canadienne des droits et libertés2. Par ailleurs, le ministère de
la Défense maintient que cette entente n'est pas
un traité ayant force légale, ce que conteste le
professeur Attaran3.
À l'instar des États-Unis, le Canada ne reconnaît pas le statut de prisonniers de guerre aux
combattants capturés par l'Armée canadienne en
Afghanistan. Selon le lieutenant-général Michel
Gauthier qui dirige toutes les forces canadiennes
déployées à l'étranger : « Les règles [ concernant
les prisonniers de guerre ] s'appliquent dans le
cas de conflit armé entre États. Ils n'y a donc pas
de fondements permettant d'affirmer que ces
individus sont des prisonniers de guerre »4.
Les prisonniers capturés par le Canada sont
néanmoins soumis à l'article 3 des quatre
conventions de Genève de 1949 qui s'applique
précisément aux conflits « internes » et qui stipule :
En cas de conflit armé ne présentant pas un
caractère international et surgissant sur le territoire de l'une des Hautes Parties contractantes, chacune des Parties au conflit sera tenue d'appliquer
au moins les dispositions suivantes :
1. Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres de
forces armées qui ont déposé les armes et les
personnes qui ont été mises hors de combat
par maladie, blessure, détention, ou pour
DOSSIER:
à ses prisonniers?
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
Quel sort le Canada réserve-t-il
13
Notes
1
Michael Byers : Legal Opinion on the December 18,
2005 « Arrangement for the Transfer of detainees
between the Canadian Forces and the Ministry of
defence of the Islamic Republic of Afghanistan »,
7 avril 2006.
2
Amir Attaran : Arrangement for the Transfer of detainees between the Canadian Forces and the Ministry
of defence of the Islamic Republic of Afghanistan Effect of the Canadian Charter of rights and
Freedoms, 7 avril 2006.
3
Selon l'article 2 de la Convention de Vienne sur le
droit des traités de 1969, « l'expression «traité»
s'entend d'un accord international conclu par écrit
entre États et régi par le droit international…».
4
Paul Koring : Troops told Geneva rules don't apply to
Taliban, Globe and Mail - 31 mai 2006 [notre traduction].
5
Commission nationale afghane des droits de l'homme, rapport annuel 2003 - 2004.
6
« Les plaintes dénonçant les violations graves des
droits de l'homme perpétrées par des représentants
de ces institutions [les forces de sécurités
afghanes], dont des arrestations arbitraires, des
détentions illégales et des actes de torture, sont fréquentes. Il n'y a pas d'enquête approfondie, transparente et publique, et la plupart du temps les procès
ne respectent pas le droit aux garanties d'une procédure régulière consacré dans la Constitution. » Haut
commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme - 62ième session - document E/CN.4/2006/108.
7
8
9
« Des observateurs crédibles ont rapporté que les
autorités locales d'Hérat, Helmand et d'ailleurs abusaient des détenus et les torturaient de manière routinière. La torture et les abus consistaient à arracher
les ongles de doigts et d'orteils, à infliger des brûlures avec de l'huile bouillante, et à se livrer à la
sodomie et autres abus sexuels …» U.S.
Department of State Country Report on Human
Rights Practices 2005 - Afghanistan - March 2006
[ notre traduction ].
L'entente canadienne est beaucoup plus vague à ce
sujet et ne fait que « reconnaître le rôle légitime de
la Commission en ce qui a trait au traitement des
détenus » - paragraphe 11 de l'Entente.
Paul Koring : Troops told Geneva rules don't apply to
Taliban, Globe and Mail - 31 mai 2006 [notre traduction]
10 Michael Den Tandt : Ottawa stands behind handover
deal with Afghanistan, Globe and Mail - 3 avril 2006
[notre traduction].
11 L'appel a été lancé par le collectif ÉCHEC à la GUERRE
et est disponible sur le site
www.echecalaguerre.org
12 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, article 1 : Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent
librement leur développement économique, social
et culturel,
14
toute autre cause, seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité, sans aucune distinction de caractère
défavorable basée sur la race, la couleur, la religion ou la
croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou tout
autre critère analogue.
A cet effet, sont et demeurent prohibés, en tout temps et
en tout lieu, à l'égard des personnes mentionnées cidessus :
a) les atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle,
notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices;
b) les prises d'otages;
c) les atteintes à la dignité des personnes, notamment les
traitements humiliants et dégradants;
d) les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendu par un tribunal
régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires
reconnues comme indispensables par les peuples civilisés.
Le Canada doit également se conformer à l'article 3 de la
Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants qui stipule :
1. Aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera
une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux
de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.
2. Pour déterminer s'il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l'existence, dans
l'État intéressé, d'un ensemble de violations systématiques
des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives.
Or, tant la Commission nationale afghane des droits de
l'homme5, que Louise Arbour, Haut Commissaire aux droits de
l'homme des Nations Unies6, que le département d'État des
États-Unis7 rapportent que la torture des détenus est une pratique courante de la part des forces de sécurité afghanes.
Quant aux États-Unis, le président Bush vient de signer une loi
l'autorisant à définir les méthodes coercitives d'interrogation un euphémisme pour la torture - que peuvent utiliser les
agents de l'État.
Comparée à une entente similaire signée entre les représentants des Pays-Bas et de l'Afghanistan, l'entente canadienne offre beaucoup moins de garanties aux prisonniers.
L'entente des Pays-Bas stipule que les prisonniers doivent
être traités conformément aux dispositions pertinentes du
droit international, ce qui inclut les quatre conventions de
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
La Ligue appuie
Plus gravement, dans l'entente canadienne, le Canada n'a
plus de responsabilités une fois les prisonniers transférés,
alors que celle des Pays-Bas insiste sur le droit qu'ont les autorités néerlandaises, ainsi que la Commission nationale afghane
des droits de l'homme, de suivre et de visiter les détenus
après leur transfert8. De plus, l'entente canadienne, contrairement à celle des Pays-Bas, ne demande pas que le Canada
soit informé lorsque les prisonniers sont remis à une tierce
partie. L'entente des Pays-Bas prévoit un droit d'accès aux
détenus de la part de toutes les organisations pertinentes du
système des Nations Unies, ce qui inclut le Rapporteur spécial
des Nations Unies sur la torture. Le Canada s'en remet uniquement à la Croix-Rouge et à la bonne foi des autres parties.
Comme le souligne M. Byers, la Croix-Rouge n'a pas pour
habitude d'aviser les autres États lorsqu'un pays lui refuse
l'accès à des détenus. Selon M. Attaran, l'entente des PaysBas « est formulée pour véritablement protéger les détenus »
alors que l'entente canadienne « est écrite avec l'intention de
faire du blanchiment de prisonniers »9. Comme l'a dit un
représentant du gouvernement canadien face aux critiques de
l'entente : « Le gouvernement afghan a clairement exprimé
son intention de respecter les conventions de Genève. Pour
nous, c'est acceptable »10.
troupes canadiennes
de l'Afghanistan11
Contrairement à ce que prétend la
propagande du gouvernement canadien qui vise à convaincre l'opinion
publique du bien-fondé de l'intervention militaire en Afghanistan,
cette intervention n'a pas comme
objectif d'apporter la liberté, la prospérité et la sécurité au peuple
afghan. Il s'agit d'une guerre d'occupation menée en fonction d'objectifs stratégiques et économiques.
La première liberté dont jouit
chaque peuple est l'autodétermination.12
En tant qu'organisation
vouée à la défense des droits
humains, nous dénonçons la tentative de déguiser cette guerre de
conquête et de domination en une
opération humanitaire et nous
demandons le retrait des troupes
canadiennes de l'Afghanistan.
DOSSIER:
Une telle affirmation est bien loin de satisfaire aux
exigences du droit international en cause dont la Convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui imposent clairement des obligations de résultats. De plus, en remettant des personnes à des
États qui risquent de les torturer et en s'en lavant les mains, le
Canada fait affront au Comité des Droits de l'Homme et au
Comité contre la torture des Nations Unies en passant outre
aux blâmes et recommandations que ces deux organes de
l'ONU, lui avaient adressés coup sur coup l'an dernier.
l'appel au retrait des
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
Genève de 1949, la Convention contre la torture ainsi que
toutes les règles et droits du droit humanitaire international,
alors que l'entente canadienne ne fait référence qu'à la troisième convention de Genève.
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
15
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
DOSSIER:
16
Les retombées
des condamnations du Canada
Lucie Lamarche
Professeure de Droit
« Faire tapisserie » dans son propre salon :
regard critique sur l'efficacité
des interventions des ONG québécoises
devant les comités des droits de la personne
des Nations Unies
Les éditions successives du Bulletin de la Ligue
des droits et libertés du Québec ont fait état des
observations finales adoptées par divers comités
des Nations Unies chargés d'évaluer la mise en
œuvre des principaux traités des droits de la personne au Canada et au Québec. Encore récemment, la
Ligue des droits et libertés, en collaboration avec
une coalition élargie de syndicats et de groupes communautaires québécois, a transmis au Comité des
droits de l'homme et au Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies des
informations relatives à la détérioration du respect de
tous les droits de la personne (civils, politiques, économiques, sociaux et culturels) au Québec. Ces
informations, toujours bienvenues par ces comités,
reçoivent un accueil favorable car elles relaient un
autre son de cloche que celui claironné par les rapports gouvernementaux, qui ont la fâcheuse habitude d'affirmer que tout va bien à bord en noyant le
poisson sous une montagne de données statistiques. Font foi de ces progrès les observations
finales adoptées par le Comité des droits de l'homme des Nations Unies en avril 2006 (Doc NU
CCPR/C/CAN/CO/5) et celles adoptées par le Comité
des droits économiques, sociaux et culturels en
mai 2006 (Doc NU E/C.12/CAN/CO/4- et
E/C.12/CAN/CO/5). Ces évaluations sont périodiques
et sont destinées aux gouvernements des États
ayant ratifié les traités constituant la Charte universelle des droits de la personne, dont le Canada et le
Québec. Elles n'ont pas le même effet juridique
qu'une décision rendue par un tribunal mais elles
sont néanmoins cruciales. En théorie, elles constituent des guides incontournables tant en ce qui
concerne les politiques publiques et l'action gouver-
nementale que l'interprétation des lois et des
chartes, dans le cas des tribunaux. Les juristes nous
pardonneront cette dernière affirmation, qui nécessiterait des nuances qui ne sont pas ici appropriées.
En 2006 seulement, les observations finales
adoptées par les divers comités de contrôle des
Nations Unies en ce qui concerne le Canada et le
Québec ont fourni de nombreuses raisons d'affirmer
que chez nous, les droits de la personne prennent
l'eau. Le Canada se rend complice de la torture et ne
respecte pas la vie privée des citoyens. De plus en
plus, la liberté de s'exprimer et celle de manifester
sont bafouées. Au Canada comme au Québec, on
s'appauvrit, encore plus lorsqu'il s'agit des membres
des groupes les plus vulnérables, dont les femmes,
les Autochtones et les immigrants. La privatisation
de nombreux services a pour effet de priver des
groupes croissants de personnes du bénéfice de
leurs droits les plus élémentaires tels la santé, le
logement ou l'éducation. Enfin, il apparaît clairement
de ces observations finales que les citoyens et
citoyennes du Canada et du Québec n'ont plus
accès à la justice et sont systématiquement privés
de recours utiles et de ressources adéquates afin de
protéger et de faire valoir leurs droits.
En résumé, tout porte à croire que la fédération
canadienne peine à marcher et à mâcher de la
gomme en même temps. Ce qui est essentiel
ailleurs, notamment le respect de la règle de droit,
est superflu pour le gouvernement canadien. Le
Canada peut même s'enorgueillir d'appartenir au
groupe de pays pour lesquels le Comité des droits
de l'homme des Nations Unies a prévu un suivi
annuel de certaines de ces recommandations,
notamment au chapitre des certificats de sécurité et
des mesures dites antiterroristes.
Le droit international des droits de la personne se
destine à protéger les droits de chacun d'entre nous.
Sans des retombées nationales tangibles, il perd son
sens. C'est donc légitimement que l'on pourrait
espérer que l'aide à la mise en œuvre des droits de
la personne que constituent les observations finales
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
Regardons maintenant du côté des tribunaux.
Sauf pour la décision de la Cour supérieure du
Québec rendue dans l'affaire de la Loi sur l'équité
salariale en janvier 2004, on constate un silence radio
au chapitre de la prise en compte par des gouvernements des engagements internationaux en matière
de droits de la personne. Un passage de cette décision de 2004 mérite d'être cité malgré l'espace restreint. La Juge Julien disait ce qui suit : Les instruments internationaux comportent de multiples
facettes reliées à l'amélioration du sort des femmes
en pleine égalité avec les hommes. Ils font de l'équité salariale une question de dignité pour les
femmes. Ils insistent sur la nécessité de recours
efficaces pour contrer la discrimination, sur le renforcement des institutions chargées de promouvoir
l'égalité entre hommes et femmes, sur la participation pleine et entière des femmes à la vie de la société et sur l'accroissement de leur pouvoir d'action.
Voilà qui est juste et utile. Pourtant, des décisions
cruciales rendues par la Cour suprême du Canada
dans des affaires comme Gosselin (2002) ou Chaoulli
(2005) se distinguent par un silence total concernant
l'impact du droit international des droits de la personne sur le droit domestique.
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
On pourrait multiplier les exemples. Mais une
question demeure : pourquoi faisons-nous tapisserie
dans notre propre salon? Une réponse facile consiste à dire que le système onusien n'a pas assez de
dents. C'est en partie exact. Mais est-ce à lui de
mordre? Non. La culture et les exigences des droits
de la personne nous appartiennent à chacun et il faut
les défendre localement. En ce sens, le droit international est une aide à l'action politique et une injonction faite au politique. Un gouvernement qui ne respecte pas cette injonction n'est pas un gouvernement démocratique. Il ne peut substituer des solutions technocratiques, voire des mantras idéologiques, aux exigences de la justice sociale et de la
dignité humaine.
J'appartiens à un large groupe d'individus qui participent volontairement au travail inlassable mené par
la Ligue des droits et libertés. Et je suis toujours
étonnée de constater que la Ligue n'est même pas
traitée au Québec comme une vieille dame digne
que le gouvernement pourrait au moins inviter à
l'heure de l'apéro. Elle en a des choses à dire, cette
Ligue, et elle est la mémoire vivante des jalons de la
lutte pour les droits de la personne au Québec. C'est
donc ensemble qu'il faut notamment travailler à la
politisation des observations finales adoptées par les
comités de traités des Nations Unies. Non pas
uniquement ou surtout à Genève, mais bien dans
chacune de nos communautés. Non pas en nous
contentant de compiler les observations adoptées
par les Nations Unies, mais bien en les diffusant et
en les utilisant dans l'espace politique québécois et
canadien.
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
Citons rapidement quelques indices de cette
inquiétante sclérose. La récente Politique internationale du Québec adoptée en 2006 est dramatiquement muette sur la question des droits de la personne. Rien, eu égard aux engagements internationaux
du Québec en la matière sinon l'aspiration légitime
du Québec de faire entendre sa voix sur la scène
internationale! Aucune ONG de droits humains n'a
été consultée dans le cours de l'élaboration de cette
Politique. On ne peut en dire autant des associations
de producteurs et d'exportateurs !
Sur le plan politique, les choses ne sont guère
plus reluisantes. Prenons l'exemple du Comité de la
liberté syndicale de l'Organisation internationale du
travail (OIT). Ce Comité a jugé que la loi québécoise
qui niait (et qui nie encore) aux travailleuses des services de garde en milieu familial le statut de salarié
n'était pas conforme à la lettre et à l'esprit de la
Convention 87 de l'OIT sur la liberté syndicale et la
protection du droit syndical que le Canada a ratifiée.
Cela n'a rien changé à rien. Encore plus récemment,
le gouvernement canadien nous a soumis à une
série d'homicides, dont celui du Programme de
contestation judiciaire, destiné à soutenir des litiges
en matière d'égalité et de droits linguistiques. Fait
ironique, tant les observations du Comité des droits
de l'homme que celles du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies ont
réitéré en 2006 l'importance de ce programme. Rien
n'y a fait.
DOSSIER:
adoptées par les comités des Nations Unies améliore l'état général de ces droits au Canada et au
Québec. Hélas, on constate un étrange phénomène.
Plus se développe un fructueux rapport de travail
entre les ONG québécoises et les organes de surveillance de l'application des traités des Nations
Unies, moins les gouvernements québécois et canadien tiennent compte des observations et des
recommandations de ces mêmes comités. Au terme
de plus d'une décennie de collaboration avec les
Nations Unies, il n'est pas exagéré d'affirmer que
nous «faisons tapisserie» au sens où le dictionnaire
décrit cette expression comme signifiant que nous
ne sommes pas invités à danser dans notre propre
salon.
17
LES TEMPS SONT DURS POUR LES DROITS CIVILS ET POLITIQUES AU CANADA
DOSSIER:
DOSSIER:
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
Le Canada condamné par l’ONU
18
Pierre-Louis Fortin-Legris
Avocat
En 2005, le Canada a participé à l'évaluation
périodique de sa mise en application de deux
traités majeurs du système international de
protection des droits de la personne: le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques1 et la Convention contre la torture2 .
En plus d'offrir un éclairage non-partisan
sur des questions qui sont d'actualité au
niveau national, les comités responsables de
ces examens ont remis en question, d'une
manière souvent tranchante, certaines pratiques du Canada contraires au respect des
droits de la personne.
Plusieurs sujets abordés dans leurs
Observations finales ont eu un retentissement médiatique important. On peut se rappeler leur dénonciation de l'application des
certificats de sécurité, leur doute concernant la portée excessive de la définition de
l'infraction de terrorisme, leur critique de la
pratique des arrestations massives à
Montréal, ou leur rappel de l'illégalité des
renvois d'individus vers des pays où ils risquent la torture. Ces violations des droits
sont dénoncées sans relâche par les organismes de défense des droits au Canada et
ces dénonciations avaient déjà été reprises
dans une certaine mesure par les médias.
Certains autres sujets de préoccupation de
ces deux comités sont peut-être moins
connus, nous en aborderons quelques-uns.
L'accès à la justice pour
les victimes de discrimination
Le Comité des droits de l'Homme (CDH) a servi
aux gouvernements des provinces une leçon d'accessibilité à la justice, une illustration supplémentaire du principe voulant qu'on n'ait de droits que
s'il existe une possibilité de les faire valoir. Le
CDH s'est dit préoccupé par l'insuffisance des
recours ouverts aux justiciables qui ne peuvent
avoir accès aux tribunaux spécialisés en matière
de discrimination que dans la mesure où les commissions des droits de la personne décident de
référer le dossier au tribunal, comme c'est le cas
actuellement au Québec. En effet, si la
Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse décide que la plainte n'est
pas fondée, la personne qui s'estime victime de
discrimination ne peut plus avoir accès au tribunal
spécialement constitué pour entendre les recours
en discrimination, à moins que la Commission ait
constaté qu'il existe effectivement une discrimination mais qu'elle ait estimé qu'il ne vaut pas la
peine de soumettre le dossier au tribunal3 .
Le CDH demande donc aux gouvernements de
modifier la loi « afin que toutes les victimes de discrimination aient pleinement et effectivement
accès à un tribunal compétent et à un recours
utile » et se dit préoccupé « par le fait que l'aide
juridictionnelle permettant d'accéder aux tribunaux n'est pas toujours disponible » (Observation
#11). Cette situation est d'autant plus préoccupante
compte tenu de la récente (ré)abolition du
Programme de contestation judiciaire fédéral, qui
permettait justement de financer l'accès aux tribunaux pour contester des mesures discriminatoires.
La disparition de ce programme rend encore plus
aléatoire la possibilité pour les personnes et les
groupes marginalisés ou exclus d'entreprendre
des recours visant à faire reconnaître et appliquer
leur droit à l'égalité.
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
Le Comité contre la torture (CCT) rappelle aux
autorités canadiennes que la Convention contre la
torture l'engage à « assurer l'indemnisation par la
juridiction civile de toutes les victimes de torture ».
L'exclusion des autochtones de la
protection contre la discrimination
Certaines personnes seront surprises d'apprendre que la Loi canadienne sur les droits de la
personne, qui interdit la discrimination dans les
domaines de compétence fédérale, exclut spécifiquement les autochtones de son champ d'application. Ainsi, ceux-ci ne peuvent contester des
mesures discriminatoires dès le moment où cellesci sont prévues dans la Loi sur les Indiens, qui régit
le « statut d'Indien » au Canada. En plus de cette
négation du droit à l'égalité des autochtones, le
CDH « s'inquiète de ce qu'il n'ait pas encore été
remédié aux effets discriminatoires de la Loi sur
les Indiens pour les femmes autochtones et leurs
enfants en ce qui concerne l'appartenance aux
réserves, et de ce que la question des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves n'ait pas été
traitée comme il convient. » Il invite ainsi l'État
canadien à « assurer un financement égal des
associations de femmes et d'hommes autochtones »6 (Observation #22).
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
Certains comités de l'ONU, tels le CDH et le
CCT, possèdent un triple mandat: en plus de participer au développement du contenu des droits par
la rédaction d'Observations générales et d'examiner périodiquement l'application générale de la
convention dont ils sont responsables, ils ont le
mandat de recevoir des plaintes individuelles et de
statuer sur l'application de la convention dans ces
cas particuliers, lorsque tous les recours nationaux
ont été tentés. Un État peut parfois décider de
signer une convention sans pour autant accorder
au comité le pouvoir d'entendre des plaintes individuelles.
Le Canada a accepté volontairement de soumettre ses décisions administratives et judiciaires
au jugement de ces deux comités, qui agissent un
peu comme une cour d'appel ultime. Or, bien qu'il
ait reconnu cette compétence des comités, le gouvernement canadien refuse d'appliquer certaines
décisions des comités qui contredisent les décisions canadiennes. Par exemple, le ressortissant
iranien Mansour Ahani a été renvoyé vers son pays
d'origine malgré deux demandes officielles du
Comité des droits de l'Homme de suspendre provisoirement le renvoi dans l'attente d'une décision
finale du Comité sur la légalité du traitement de M.
Ahani.
Devant un tel mépris affiché envers leur rôle
« d'ultime rempart », les deux comités réagissent
avec leurs formules diplomatiques de circonstances. Le Comité contre la torture se dit « préoccupé par le peu d'empressement de l'État partie à
se conformer à toutes les demandes de mesures
provisoires de protection » (Observation #4f), par
lesquelles le comité demande par exemple aux
autorités de ne pas renvoyer un demandeur du statut de réfugié pendant que le Comité analyse son
dossier. Le Comité des droits de l'Homme se
montre plus cinglant. Il se permet un cours de droit
international 101 à l'intention du gouvernement en
« rappel[ant] qu'en adhérant au Protocole facultatif,
l'État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour recevoir et examiner des plaintes émanant de particuliers relevant de sa juridiction. Ne
pas tenir compte des demandes de mesures provisoires formulées par le Comité est incompatible
avec les obligations contractées par l'État en
vertu du Pacte et du Protocole facultatif »
(Observation #7).
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
La question de l'accès au système de justice
afin de se faire indemniser pour des gestes de torture a été soulevée récemment devant les tribunaux de l'Ontario, et elle s'est finalement rendue
jusqu'à Genève. Un ressortissant iranien résidant
au Canada s'est adressé aux tribunaux afin de faire
condamner son État d'origine pour les gestes de
torture subis aux mains de responsables iraniens4 .
Le tribunal a refusé d'entendre la demande, se rendant aux arguments du gouvernement canadien
qui invoquait la Loi sur l'immunité des États. L'État
canadien prenait ainsi position dans un débat entre
les tenants du caractère hiérarchiquement supérieur de la norme de l'interdiction de la torture dans
le droit international et des obligations qui en
découlent, et les tenants de l'application d'une
immunité des États étrangers pour de tels gestes5 .
Le respect des décisions des
comités internationaux
DOSSIER:
L'accès à la justice pour
les victimes de torture
19
DOSSIER:
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
Renvoyer au lieu de juger
20
Notes
Malgré l'intégration, en 2000, dans la loi canadienne du principe de
la compétence universelle limitée, on ne peut pas dire que les procureurs du ministère de la Justice aient fait un usage excessif de leurs
pouvoirs de poursuivre les responsables de crimes de guerre ou de
crimes contre l'humanité présents sur le territoire. À une exception
près, on a préféré les expulser plutôt que de les juger7. De la même
manière, les personnes soupçonnées de représenter une menace à la
sécurité nationale ont pour la plupart été traitées en vertu de la Loi sur
l'immigration et la protection des réfugiés, notamment au moyen des
certificats de sécurité, au lieu d'être formellement poursuivies en
application du Code criminel. Le Comité contre la torture exprime ses
inquiétudes par rapport à ce choix des responsables canadiens pour
des raisons évidentes de protection de la vie et de la sécurité de ces
personnes ainsi renvoyées (#4e). Une autre manière de dire que malgré l'adage selon lequel « Ce que l'on ne sait pas ne nous fait pas
mal », cela peut faire mal à ceux que l'on ne voit plus…
1
Entré en vigueur en 1976, le Canada l'a
ratifié cette même année. 160 pays l'ont
ratifié. Le Comité des droits de l'Homme
(CDH) est responsable de superviser sa
mise en application. Les travaux du
Comité, dont les récentes Observations
sur le Canada, sont accessibles au
www.ohchr.org/french/bodies/hrc/index.
htm
2
Entrée en vigueur en 1987, le Canada l'a
ratifiée cette même année. 142 pays
l'ont ratifiée. Le Comité contre la torture
(CCT) est responsable de superviser sa
mise en application. Les travaux du
Comité, dont les récentes Observations
sur le Canada, sont accessibles au
www.ohchr.org/french/bodies/cat/index.
htm
3
Il en est ainsi depuis le jugement
Ménard c. Rivest de la Cour d'appel du
Québec rendu en 1997. Avant ce jugement, alors qu'une personne pouvait
toujours déposer un recours malgré son
rejet par la Commission des droits de la
personne, le Tribunal des droits de la personne avait donné raison à des plaignants éconduits par la Commission à
quelques reprises, ce qui laissait penser
que le filtre de la Commission était peutêtre « trop efficace ».
4
Bouzari c. Iran, Cour d'appel de l'Ontario,
30 juin 2004 CanLII 871.
5
Pour une analyse de l'état de ce débat,
voir l'excellente étude de l'organisation
REDRESS, Immunity v. Accountability :
considering the relationship between
state immunity and accountability for torture and other serious international
crimes, 2005, disponible en ligne :
http://www.redress.org/publications/
StateImmunity.pdf
6
On peut rappeler le tristement célèbre
vote du Canada contre le projet de
Déclaration des Nations Unies sur les
droits des peuples autochtones lors de la
première réunion du nouvellement
constitué Conseil des droits de
l'Homme, en juin dernier. Le texte de
cette déclaration est disponible au
www.ohchr.org/french/issues/indigenous/declaration.htm
7
Le seul cas de poursuite en vertu de ces
nouvelles infractions est celui du
Rwandais d'origine hutue Désiré
Munyaneza, arrêté à Toronto en octobre
2005.Pour des informations générales
sur le Programme canadien sur les
crimes contre l'humanité et les crimes
de guerre, voir le site du Ministère canadien de la Justice :
http://www.justice.gc.ca/fr/ps/wc/
mwcp-pcgc.html
8
Pour plus d'informations à ce sujet, voir
le document de présentation préparé par
Human Rights Watch, Universal Periodic
Review, août 2006, http://hrw.org/backgrounder/un/un0806/ ou celui de
l'International Service for Human Rights,
http://www.ishr.ch/handbook/Chpt6.pdf.
Et après…?
Les défenseurs des droits de la personne déplorent le fait que
le peu de temps et de ressources accordés à l'exercice ne
permet pas d'aller en profondeur et de saisir l'ampleur, qualitativement et quantitativement parlant, des violations des conventions internationales. Sans compter les experts eux-mêmes, qui
constatent souvent, examen après examen, que les mêmes
problèmes persistent, que les mêmes réponses reviennent.
C'est pourquoi le Conseil des droits de l'Homme nouvellement
créé et le Haut-Commissariat aux droits de l'Homme, dirigé par
Louise Arbour, planchent présentement sur un mécanisme universel de révision périodique, permettant potentiellement un
meilleur dialogue entre les comités, les États et les groupes de
défense des droits8. Dialogue constructif ou dialogue de sourds,
nous verrons bien… D'ici là, la longue lutte pour le respect des
droits de la personne continue, car si le mécanisme de révision
sera peut-être, un jour, universel, les droits, eux, le sont aujourd'hui.
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
Discrimination
Les femmes veulent protéger les droits qui leur sont garantis en
vertu des traités internationaux. Mais tout semble indiquer que
les différents gouvernements du Canada , eux, ne s'en soucient
guère.
Depuis quelques années déjà, les femmes du Canada et du Québec
ont déployé beaucoup d'efforts pour faire en sorte que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux donnent suite aux
recommandations que le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes des Nations Unies a adressées au
Canada en février 2003. Ces recommandations ont été formulées
après un examen rigoureux de l'observation par le Canada de la
Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes
de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF), examen dans
lequel les organisations non-gouvernementales de femmes ont
joué un rôle de premier plan. L'Alliance canadienne féministe
pour l'action internationale (AFAI), qui est un regroupement de
plus d'une cinquantaine d'organisations de femmes à l'échelle nationale, provinciale et
locale, a notamment joué un rôle prépondérant lors de cet examen. La Fédération des
femmes du Québec et le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale sont également des membres très actifs
au sein de l'AFAI.
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
Shelagh Day
Coprésidente du Comité directeur de L'Alliance canadienne féministe pour l'action internationale
DOSSIER:
Qui se soucie des
DROITS DES FEMMES
enchâssés dans les traités ?
21
DOSSIER:
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
Le Comité a présenté vingt-trois RECOMMANDATIONS au Canada, dont celles-ci :
22
o Trouver des façons novatrices de renforcer les
mécanismes en place aux paliers fédéral, provincial et territorial pour que des mesures cohérentes
et uniformes soient mises en place pour assurer
l'application de la Convention.
o Revoir les changements apportés aux ententes fiscales entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires afin de ré-instituer des normes
nationales en matière d'aide sociale et de programmes sociaux, pour que les femmes partout
au pays puissent jouir des droits qui leur sont
accordés dans les traités.
o Rendre obligatoires les analyses comparatives des
incidences des politiques sur les hommes et les
femmes.
o Offrir du financement dans les provinces et les territoires pour les causes type en matière d'application équitable des droits prévus par la Constitution.
o Veiller à ce qu'une aide juridique appropriée soit
offerte aux femmes pour leur permettre de plaider
des causes en matière civile et familiale.
o Intensifier les efforts pour lutter contre la pauvreté
chez les femmes en général, et plus particulièrement au sein des groupes de femmes vulnérables.
o Accélérer l'adoption de mesures visant à éliminer
la discrimination sociale et économique à l'égard
des femmes autochtones; mettre un terme aux
manifestations de cette discrimination contenue
dans les lois qui régissent les biens matrimoniaux
dans les réserves; mettre fin à la discrimination
contenue dans la Loi sur les Indiens en ce qui a
trait au statut d'Indien et à l'appartenance à une
bande; sensibiliser les communautés autochtones
au sujet des droits des femmes; et fournir aux
femmes autochtones un financement adéquat
pour promouvoir leur participation aux mécanismes de gouvernance et de prise de décisions.
o Supprimer, dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, les dispositions qui sont discriminatoires à l'égard des femmes immigrantes.
o Revoir les exigences relatives à la résidence énoncées dans le Programme concernant les aides
familiaux résidents et veiller à ce que ces personnes aient droit à la protection sociale et qu'elles
puissent obtenir plus rapidement la résidence permanente.
o Aider les victimes de la traite des personnes en
leur offrant des services de consultation et de réinsertion sociale.
o Intensifier les efforts de lutte contre la violence
faite aux femmes et aux filles et augmenter le
financement des centres et des refuges pour
femmes victimes de violence.
o Prendre des mesures supplémentaires pour
accroître la représentation des femmes sur la
scène politique et dans la vie publique.
o Introduire des mesures dans le domaine de l'emploi pour faire en sorte que plus de femmes disposent d'un contrat de travail en bonne et due forme
et qu'elles jouissent d'avantages sociaux appropriés.
o Accélérer les initiatives pour mettre en oeuvre le
principe « à travail égal, salaire égal ».
o Augmenter l'offre de services de garde abordables
dans l'ensemble du pays.
o Revoir les règles d'admissibilité au titre de la Loi
sur l'assurance-emploi et envisager la possibilité
d'augmenter les prestations pour congés parentaux.
o Concevoir un nouveau type d'aide pour le logement social en ayant recours à une analyse fondée
sur l'égalité hommes-femmes.
o Diffuser le plus largement possible les Conclusions
finales pour que la population canadienne, plus particulièrement les fonctionnaires et les politiciens,
connaissent les étapes à suivre à l'avenir.
Ces recommandations signalent les principaux problèmes qui doivent encore être réglés du point de vue
des femmes au Canada, notamment la pauvreté et la
discrimination fondée sur le sexe ou la race en matière de conditions de travail et d'équité salariale, l'insuffisance de la couverture sociale, l'accès inégal à la justice, la sous-représentation dans la vie politique et,
exception faite du Québec, le manque de services de
garde de qualité à prix abordable. Si les pouvoirs
publics décidaient d'agir dans ces domaines, cela
aurait une incidence positive palpable dans la vie de
beaucoup de femmes au pays. Ce qui est frappant
cependant, c'est que jusqu'à maintenant, les autorités
du Canada n'ont pas réagi aux recommandations du
Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard
des femmes. Ces recommandations n'ont pas été
examinées par le Parlement ou par les législatures
provinciales. Aucun comité parlementaire ou législatif
n'a été saisi de ces recommandations, et elles n'ont
pas mené à la tenue d'audiences publiques, à l'élaboration de nouveaux plans ou à des changements dans
les politiques ou les lois.
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
Depuis que le Comité a émis ses recommandations, deux autres organes des Nations Unies
chargés du suivi des traités ont examiné la performance du Canada en matière de droits de la
personne, une première fois en octobre 2005,
sous le régime du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques, puis en mai 2006, aux
termes du Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels. Dans les
deux cas, les organes de surveillance ont mis en
évidence le fait que le Canada omet de mettre en
œuvre leurs recommandations et ils ont dénoncé
le vide institutionnel dans lequel leurs recommandations aboutissent. Aux yeux de ces
organes de surveillance, comme pour les
femmes ici au pays, tout semble indiquer que le
Canada se soucie fort peu de ses obligations
dans le domaine des droits de la personne, aux
termes des traités internationaux auxquels il a
souscrits.
Il ressort clairement des efforts déployés par
les femmes du Canada qu'elles veulent des améliorations réelles au chapitre de leurs droits de la
personne. Si les pouvoirs publics au pays n'agissent pas, les droits protégés par les traités resteront des engagements sur papier qui enjolivent
sans doute l'image du Canada dans le monde,
mais qui font bien peu pour améliorer le sort des
femmes canadiennes.
Le 10 décembre marquera le 25e anniversaire
de la ratification par le Canada de la Convention
sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Il reste encore tellement à faire dans ce domaine, et parmi tous les
pays du monde, le Canada, grâce à sa richesse et
à ses ressources, peut prendre des mesures
concrètes pour améliorer la vie des femmes. Il
est grand temps que tous les paliers de gouvernement au pays respectent leurs engagements
de protéger vraiment les droits des femmes.
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
Tous les chefs de parti qui ont présenté leur
candidature aux dernières élections ont pris l'engagement que s'ils étaient élus, ils « prendraient
immédiatement des mesures concrètes, comme
le recommandent les Nations Unies, pour faire
en sorte que le Canada respecte pleinement ses
engagements envers les femmes au pays ».
Cependant, nous avons eu l'illustration frappante
de ce que cet engagement représente pour le
Premier ministre Harper. Son gouvernement a
abandonné des plans visant une stratégie nationale dans le domaine des services de garde à
l'enfance; il a refusé d'aller de l'avant avec un
projet visant à améliorer la loi en matière d'équité salariale; il a mis fin au Programme de contestation judiciaire; il a réduit le budget de la
Condition féminine; et il a modifié les conditions
d'admissibilité au programme de financement
des organisations de femmes, de sorte que les
bénéficiaires ne puissent plus exercer des pres-
sions ou plaider une cause en se servant de
fonds fédéraux. Toutes ces décisions sont directement contraires aux recommandations formulées par le Comité en 2003.
DOSSIER:
En tout cas, ce n'est pas parce que les
femmes ne se sont pas mobilisées pour obtenir
ces changements. Après que le Comité ait fait
connaître ses recommandations en 2003, l'AFAI
a pris des mesures concrètes pour susciter une
réaction de la part des pouvoirs publics. L'AFAI a
écrit à l'ancien Premier ministre Paul Martin et à
des ministres en vue pour leur demander
d'enclencher, de concert avec les femmes, un
processus pour mettre en œuvre les recommandations du Comité. L'AFAI a également eu des
échanges avec Jean Augustine, puis avec Liza
Frulla, qui détenaient le portefeuille de la
Condition féminine au gouvernement fédéral,
pour examiner la façon et les moyens de mettre
en oeuvre ces recommandations. L'organisme
est également intervenu lors de conférences
annuelles fédérales/provinciale/territoriale des
ministres responsables de la Condition féminine
pour souligner le besoin de concertation et de
collaboration pour assurer la mise en oeuvre des
recommandations et le respect des droits découlant des traités; il a préparé des trousses d'information et de sensibilisation au sujet des recommandations du Comité; il a travaillé de concert
avec des groupes de femmes partout au pays, et
il a cherché à obtenir un engagement de la part
des chefs de parti au cours de la dernière campagne électorale.
23
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
DOSSIER:
24
Maher Arar :
quand les droits humains
sont sacrifiés au nom de la sécurité
Dominique Peschard
Membre du comité des libertés civiles de la Ligue
« Si on épargnait les innocents,
trop de coupables s'échapperaient »
Joseph Staline
3. un aveuglement volontaire face à la torture
subie par M. Arar lors de sa détention en
Syrie et des comportements de la part des
autorités policières qui nuisent aux efforts
pour le ramener au Canada;
Le 18 septembre 2006, la Commission d'enquête présidée par le juge Dennis O'Connor
déposait son Rapport sur les événements
concernant Maher Arar dans lequel on peut
lire : « Je suis en mesure d'affirmer catégoriquement qu'aucune preuve n'indique que M.
Arar a commis quelque infraction que ce soit
ou que ses activités constituent une menace
pour la sécurité du Canadai.»
4. une pratique de fuites visant à discréditer M.
Arar dans l'opinion publique et à justifier l'action des forces policières à son égard.
L'histoire de Maher Arar (voir encadré) est celle
d'un homme innocent, broyé par les appareils de
sécurité du Canada, des États-Unis et de la Syrie.
Cette histoire montre ce qui arrive lorsqu'une
société laisse tomber, au nom de la sécurité, les
gardes fous d'un système de justice fondé sur le
respect des droits fondamentaux.
Le rapport révèle :
1. une enquête de la GRC qui trace un portrait
de M. Arar fondé sur des faits inexacts ou
carrément erronés et qui le décrit sans fondement comme un islamiste extrémiste lié à AlQaïda;
2. une pratique d'échange d'information sans
restrictions avec les autorités américaines qui
ne respecte même pas les propres règles de
la GRC;
L'enquête de la GRC
et le partage d'information
Dans les semaines qui suivent les attentats du
11 septembre 2001, le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) transfère à la
Gendarmerie royale du Canada (GRC) la responsabilité de certaines enquêtes liées au terrorisme. Le
Projet A-O Canada est alors mis sur pied par la
GRC pour surveiller les activités d'Abdullah Almaki
soupçonné de liens avec Al-Qaïda (voir encadré).
Le Projet A-O Canada remarque M. Arar pour la
première fois le 12 octobre 2001 lorsque ce dernier
rencontre M. Almaki au Mango's Café à Ottawa et
que les deux hommes marchent ensemble sous la
pluie pendant vingt minutes. M. Arar devient alors
une « personne d'intérêt » dans l'enquête.
Fin octobre, la GRC demande qu'un avis de surveillance « pour un terroriste » soit diffusé à la frontière pour M. Arar et pour son épouse Mme
Mazigh! Douanes Canada télécharge même les
profils de Mme Mazigh et de ses enfants dans le
Système de gestion de renseignement des
douanes (SGR) qui compile les données sur les
personnes soupçonnées de représenter un risque
à la frontière ou reconnues comme telles. Au
même moment, la GRC s'adresse aux autorités
frontalières américaines pour obtenir des avis de
guet pour M. Arar et Mme Mazigh affirmant qu'ils
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
En février, le FBI demande à la GRC de lui
remettre les éléments recueillis lors des perquisitions du 22 janvier et d'autres documents utiles à
l'enquête. La GRC remet au FBI trois disques compacts contenant tous les documents en sa possession relatifs à l'enquête :
Le 5 octobre, dans un échange entre le caporal
Flewelling de la GRC et un agent du FBI, ce dernier
dit craindre ne pas avoir assez d'informations pour
déposer des accusations contre M. Arar. Il demande au caporal Fewelling si la GRC est en mesure
de déposer des accusations contre M. Arar ou si le
Canada peut lui refuser l'entrée. Le caporal répond
par la négative aux deux questions. Le 7 octobre,
le département américain de la Justice rend une
ordonnance concluant que M. Arar est membre
d'Al-Qaïda et lui interdit l'entrée aux États-Unis. Le
8 octobre, M. Arar est expulsé vers la Syrie, contre
son gré, et en violation de la Convention contre la
torture qui interdit d'expulser une personne vers
un pays où il risque d'être torturé.
• sans annexer de réserves quant à l'utilisation
qui pouvait être faite de ces données, comme
elle aurait dû le faire pour se conformer à sa politique de partage d'information;
• sans contrôler la pertinence, la fiabilité et le
caractère personnel des documents qui
n'étaient pas liés aux perquisitions;
• en transmettant des documents du SCRS et de
Douanes Canada auxquels des réserves étaient
attachées sans demander leur consentement;
• en transmettant des informations inexactes sur
M. Arar.
En septembre 2002, M. Arar part de Tunis, où il
passait des vacances avec sa famille, pour rentrer
au Canada en passant par Zurich. Il est arrêté lors
de l'escale à New York, en toute vraisemblance sur
la base des informations fournies par les autorités
canadiennes à son sujet. Le FBI avise la GRC qu'il
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
La détention en Syrie et
l'aveuglement volontaire face
à la torture
M. Arar arrive le 9 octobre en Syrie où il est torturé et maintenu au secret jusqu'au 21 octobre.
Pour mettre fin au supplice, M. Arar avoue s'être
entraîné en Afghanistan. Le 21 octobre, les autorités syriennes avisent l'ambassadeur du Canada,
M. Pillarela, que M. Arar est arrivé en Syrie le jour
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
a l'intention de refuser à M. Arar l'entrée aux ÉtatsUnis et demande à la GRC si elle a des questions
qu'elle souhaite que le FBI lui pose. La GRC envoie
immédiatement une liste de questions, essentiellement celles qu'elle aurait souhaité poser lors de
l'interview. Ces questions contenaient de l'information erronée au sujet de M. Arar. Cette information indiquait que M. Arar était dans la région de
Washington le jour des attentats du 11 septembre,
alors que ce dernier était à San Diego pour affaires
ce jour -à. Elle affirmait que M. Arar avait refusé
d'être interviewé, alors qu'il avait seulement posé
des conditions à l'interview. Elle prétendait que M.
Arar avait quitté le Canada peu après les discussions au sujet de l'interview alors que M. Arar était
parti cinq mois plus tard. Comme le souligne le
juge O'Connor, « pris ensemble, ces éléments
d'information donnaient l'image suspecte, voire
très négative, d'une personne qui avait refusé de
se faire interviewer, probablement parce qu'elle
avait quelque chose à cacher, et qui avait rapidement plié bagage et quitté le Canada pour éviter
qu'on enquête davantage sur elle ». Encore une
fois, toute cette information a été fournie sans
réserve écrite.
DOSSIER:
font partie d'un « groupe d'extrémistes islamistes soupçonnés
d'être liés au mouvement terroriste
Al-Qaïda ».ii Pourtant, dans le cadre
d'une série de perquisitions effectuées le 22 janvier 2002, la GRC
envisage, puis rejette la possibilité
de demander un mandat de perquisition visant la demeure de M. Arar
car elle ne possède pas assez
d'éléments de preuves pour en
obtenir un. Comme le souligne le
juge O'Connor, la GRC n'avait
aucun motif de fournir cette description inexacte et incendiaire,
laquelle, compte tenu des attitudes
et des pratiques des Américains à
l'époque, pouvait avoir de graves
conséquences pour M. Arar.iii Fin
janvier, la GRC demande à interviewer M. Arar et celui-ci accepte
aux conditions fixées par son
avocat. La GRC juge les conditions
trop contraignantes et l'entrevue
n'a pas lieu.
25
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
DOSSIER:
même. Le 23 octobre, le consul du Canada, Léo
Martel, rend visite à M. Arar. La visite se déroule
en présence des responsables syriens qui insistent
pour que M. Arar s'exprime en arabe, l'un d'eux
agissant comme interprète. M. Arar indique avec
les yeux à M. Martel qu'il ne peut parler librement
et répondre à toutes les questions. M. Arar réussit
à glisser dans la conversation qu'il n'a passé que
quelques heures en Jordanie, indiquant que les
Syriens mentent à propos de sa date d'arrivée en
Syrie. Lorsque, vers la fin de l'interview, M. Martel
demande à M. Arar s'il souhaite que l'ambassade
lui remette quelque chose, ce dernier répond : « Je
suis Syrien et j'obéis à la loi syrienne. Je suis fier
de mon pays d'origine et je suis également fier du
Canada, mon pays d'adoption. Mes frères syriens
me traitent avec respect et je suis heureux d'être
de retour en Syrie. Les autorités n'ont exercé aucune pression sur moi. Vous pouvez voir que je vais
bien. On me donne tout ce que je demandeiv. »
Le 19 novembre, des agents du SCRS se rendent à Damas rencontrer des représentants du
Renseignement militaire syrien (RMS) afin d'obtenir plus d'information sur M. Arar. D'après le juge
O'Connor, « le SCRS s'est fondé sur cette information au détriment de M. Arar à au moins deux occasions dans des circonstances qui m'ont été relatées à huis closvi ». Comme le souligne le juge :
« Ses représentants [de la Syrie] peuvent interpréter les communications avec les enquêteurs canadiens comme un signe d'approbation de leurs tactiques abusives ou, dans le cas où le Canada sollicite la libération du détenu, comme un signal que
les enquêteurs ne souscrivent pas à la position
canadienne » Il affirme aussi : « La présente affaire a fait la preuve des risques du genre lorsqu'en
janvier 2003, les responsables syriens ont indiqué,
à au moins trois occasions, que le SCRS avait affirmé ne vouloir ni la libération de M. Arar, ni son
retour au Canada vii ».
Le juge O'Connor, considérant que le dossier de
la Syrie en matière d'abus à l'égard des détenus
politiques était bien connu, que M. Arar était un
détenu politique lié au terrorisme, que le nom de la
prison où il était détenu revient souvent dans les
rapports de torture en Syrie, que les Syriens mentaient et qu'ils avaient détenu M. Arar au secret
pendant presque deux semaines, qu'il est hautement improbable que M. Arar ait avoué spontanément avoir des liens avec des organisations terroristes, ainsi que l'attitude de M. Arar lors de la rencontre et sa déclaration forcée à la fin, affirme que
ces faits « brossent un portrait très net, virtuellement écrasant, d'une situation d'interrogatoire et
de torture durant la période qui a précédé la visite
consulaire ».
Lorsque Michael Edelson, un avocat qui avait
déjà représenté M. Arar et Gar Pardy, directeur
général des Affaires consulaires, sollicitent une
lettre de la GRC qui déclarerait que M. Arar n'était
pas recherché au Canada pour quelque infraction
que ce soit et que M. Arar n'était pas soupçonné
d'avoir commis un crime terroriste, la GRC refuse
et au moins un haut responsable estime que cela
pose problème compte tenu des aveux du «bout
de papierviii ».
Malgré cela, l'ambassadeur Pillarela s'est montré réticent à conclure qu'il était probable que M.
Arar ait été torturé, avec comme résultat que le
ministre canadien des Affaires étrangères, responsable de veiller aux intérêts de M. Arar et le plus en
mesure de solliciter sa libération, Bill Graham, n'a
pas été informé correctement de la situation de M.
Arar. Peu après, à la demande de l'ambassadeur, le
général Khalil remet à M. Pillarela un « bout de
papier1 » qui résume les aveux de M. Arar. Le
« bout de papier » est transmis à Affaires étrangères et Commerce international Canada (MAECI),
à la GRC et au SCRS sans être accompagné d'une
mise en garde quant à sa fiabilité.
Le 5 mai 2003, M. Gar Pardy rédige une note
qu'il transmet à d'autres organismes, dont la GRC
et le SCRS, dans le but de rédiger une lettre
consensuelle selon laquelle le Canada n'avait aucune preuve que M. Arar était ou avait été membre
d'Al-Qaïda et selon laquelle l'information dont les
États-Unis s'étaient servis pour renvoyer M. Arar
vers la Syrie ne provenait pas du Canada. « Le
SCRS n'était pas à l'aise, entre autres, avec la
déclaration selon laquelle il n'y avait aucune preuve
établissant des liens entre M. Arar et Al-Qaïda. Il
craignait également, comme je le dis plus tôt, que
la libération de M. Arar envoie aux États Unis, le
pays qui avait restitué M. Arar à la Syrie, le mauvais
message quant à la motivation et la détermination
du Canada dans la lutte antiterroriste. »ix Le rapport
révèle également que M. Hooper, directeur adjoint
des opérations du SCRS, « avait pensé que, si M.
Arar était renvoyé au Canada et alléguait avoir été
torturé2 , le SCRS aurait du mal à déclencher tout le
processus applicable à un dossier de sécurité ».3
1 Un « bout de papier » est le terme utilisé en diplomatie pour
désigner un compte rendu relativement informel.
26
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
La première fuite a lieu alors que la campagne
pour ramener M. Arar au Canada s'intensifie. « Un
individu non identifié était cité disant que M. Arar
était un individu peu recommandable qui avait reçu
un entraînement militaire dans un camp d'AlQaïdaxi ». Comme le souligne le juge : « L'objectif
que semblait viser cette fuite n'est pas reluisant :
tenter d'influencer l'opinion publique contre M.
Arar à un moment où le gouvernement du Canada,
dont le premier ministre, tentait d'obtenir sa libération.xii »
Une autre fuite en octobre 2003 laisse entendre
que M. Arar a été « malmené » et non torturé.
« Ceci suppose que si des responsables canadiens
avaient eu quelque lien que ce soit avec ce qui est
arrivé à M. Arar, il serait préférable de leur point de
vue qu'il n'ait pas été sérieusement brutalisé.xiii »
Le 8 novembre 2003, la journaliste Juliet O'Neill
de l'Ottawa Citizen publie un article qui révèle une
quantité sans précédent d'informations confidentielles concernant l'enquête.4 L'article explique les
motifs de la fuite : « …c'était pour défendre leur
travail d'enquête - contre des suggestions selon
lesquelles la GRC et le Service Canadien de renseignement de sécurité avaient soit bousillé le dossier
de M. Arar, soit, pire encore, avaient volontairement envoyé un homme innocent se faire torturer
en Syrie - que les responsables de la sécurité ont
coulé des allégations contre lui durant les
semaines qui ont précédé son retour au Canada. »
Dans un article du 30 décembre 2003 qui titre :
« Les É. - U. et le Canada sont certains à 100% que
M. Arar s'est entraîné avec Al-Qaïda », on affirme
« … ce type n'est pas un enfant de cœur…il y a
plus ici que ce qu'il n'y paraît. »
Conclusion
Un principe fondamental de justice est que l'accusé a le droit de connaître les accusations qui
pèsent contre lui et de pouvoir les réfuter. M. Arar
a été fiché, à son insu, comme étant un terroriste ce qui constitue une forme de condamnation sans
procès - sur la base de fausses informations et de
« preuves » circonstancielles - comme par
exemple d'avoir marché sous la pluie vingt minutes
avec M. Almaki. Si les autorités avaient eu l'obligation de démontrer publiquement les gestes reprochés, tous auraient pu constater l'absence de fondement des accusations et le calvaire de Maher
Arar n'aurait jamais eu lieu. Or cette mise au rancart de la présomption d'innocence, dont M. Arar a
été victime, a été institutionnalisée au Canada dans
les certificats de sécurité et dans la Loi antiterroriste.
Au Canada, cinq personnes sont présentement
en détention ou en liberté surveillée en vertu de
certificats de sécurité; certaines, depuis plus de
cinq ans. Ces personnes n'ont pas subi de procès
et ne connaissent pas, encore une fois au nom de
la sécurité nationale, les éléments de preuve retenus contre elles. Par contre, tout comme pour M.
Arar, ces personnes sont victimes de fuites, dont la
véracité n'a pas été établie lors d'un procès, afin
d'accréditer dans l'opinion publique qu'elles sont
coupables et doivent être maintenues en prison.
Ces personnes sont-elles condamnées à croupir
indéfiniment en prison sans procès?
Le Canada a adopté en décembre 2001 la Loi
antiterroriste qui prévoit qu'un accusé puisse être
jugé dans un procès à huis clos sans que cet accusé ou son avocat connaissent la totalité de la preuve retenue contre lui. Deux causes sont présentement en cours suite à des arrestations faites en
vertu de cette loi. La première concerne
2 Notez que les services de sécurité considéraient la torture de M. Arar comme une allégation, alors qu'ils n'hésitaient pas à parler de ses liens
terroristes comme d'un fait avéré.
3 La crainte de M. Hooper s'est heureusement confirmée. Dans un jugement rendu le 16 octobre 2006, le juge Andrew MacKay de la Cour supérieure a rejeté catégoriquement la demande de renvoi de Mahmoud Jaballah vers l'Égypte où il risquait la torture. Le juge MacKay s'est largement appuyé sur le rapport du juge O'Connor pour déclarer qu'il ne pouvait y avoir renvoi vers la torture en aucune circonstance.
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
L'utilisation calculée de fuites de la part des services de sécurité pour discréditer M. Arar et couvrir
leurs méfaits est un des aspects les plus révoltants
de cette histoire. La Commission a entendu des
témoignages sur des reportages ayant trait à des
fuites qui se sont échelonnées sur deux ans, de
juillet 2003, alors que M. Arar était encore détenu
en Syrie, à juillet 2005.
Les auteurs de ces fuites n'ont jamais été identifiés. Ce que souligne, non sans ironie, le juge
O'Connor : « Comme les auteurs des fuites sont
vraisemblablement des responsables au sein d'organisations qui se vantent d'avoir des enquêteurs
très compétents, on aurait espéré que ceux qui ont
mené les enquêtes sur les fuites auraient eu
davantage de succès pour en trouver les auteurs. »
DOSSIER:
Les fuites
27
LA COMMISSION ARAR
DOSSIER:
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
(suite conclusion) Maher Arar
28
M. Khawaja, arrêté à Ottawa le
29 mars 2004 et la deuxième,
les 17 personnes arrêtées à
Toronto le 2 juin 2006 pour
complot terroriste. Au moment
des arrestations à Toronto, les
allégations, à l'effet que ces
personnes complotaient pour
faire exploser des édifices et
prendre d'assaut le Parlement,
pour tenir des parlementaires
en otage et même pour décapiter le Premier ministre, ne
sont pas sans rappeler les
fuites orchestrées pour conditionner l'opinion publique à
l'idée que M. Arar était coupable. Il serait totalement inacceptable que la poursuite ait
recours éventuellement aux
dispositions de la Loi antiterroriste permettant de mener les
procès à huis clos et ex parte,
sans que les accusés ou leurs
avocats aient accès à toute la
preuve. Il est tout aussi essentiel que les procès soient
publics et qu'ainsi, la population soit informée quant à la
preuve des gestes et intentions des accusés afin de pouvoir évaluer la menace réelle
qu'ils représentent.
Ce qui est arrivé à M. Arar
n'est pas seulement le résultat
du travail de policiers incompétents mais bien ce qui arrive
lorsqu'un État assujettit les
droits humains à la sécurité
nationale. En effet, le cas de
M. Arar illustre le prix payé par
des personnes innocentes
lorsqu'une société perd ses
repères en matière de droits
humains. Ce cas nous rappelle
l'urgence de retirer la Loi antiterroriste et d'abolir les certificats de sécurité.
LE MANDAT DE LA COMMISSION* COMPORTAIT DEUX PARTIES. La
première, l'enquête sur les faits, devait porter sur les actions des
responsables canadiens relativement à Maher Arar. La deuxième,
portant sur la politique, devait formuler des recommandations visant
à soumettre à un mécanisme d'examen indépendant. les activités
de la GRC touchant la sécurité nationale Le rapport concernant la
première partie du mandat a été rendu public le 18 septembre. Le
rapport concernant la deuxième partie devrait être rendu public en
novembre. Les autorités des États-Unis, de la Jordanie et de la Syrie
ont refusé de témoigner devant la Commission.
Dès le départ, la Commission a dû relever le défi d'une enquête
publique ayant à examiner des documents dont certains devaient
être gardés secrets pour des questions de Confidentialité liée à la
sécurité nationale (CSN). Bien qu'il était du ressort du juge de décider ce qui pouvait être rendu public et ce qui devait être gardé
secret, le Procureur général du Canada pouvait contester ces décisions à cet égard devant la Cour fédérale, conformément aux dispositions de la Loi sur la preuve au Canada. Les pouvoirs du juge
étaient donc sévèrement restreints en matière de CSN.
Fin juin 2004, la Commission a tenu cinq jours d'audiences
publiques pendant lesquelles des témoins de la GRC, du SCRS et
du MAECI ont décrit leurs modes de fonctionnement. Pour ne pas
paralyser l'enquête, face aux nombreuses contestations CSN faites
par le gouvernement, le juge O'Connor a décidé d'entendre à huis
clos toute la preuve du SCRS et de la GRC sur les faits. Après avoir
entendu les témoins du SCRS, M. O'Connor a produit un résumé
des témoignages qui à son avis pouvait être divulgué au public. Le
gouvernement a contesté la divulgation d'une partie importante de
l'information du résumé devant la Cour fédérale. Le juge a donc
décidé de ne plus publier de résumé de la preuve reçue à huis clos
et de reporter toutes les contestations CSN lors de la publication du
rapport final.
Conformément à son mandat, le juge a produit deux versions du
rapport : une version confidentielle contenant toute la preuve et un
version publique où les éléments portant atteinte à la CSN avaient
été retranchés. Comme on pouvait s'y attendre, le gouvernement a
présenté des allégations CSN à l'égard du rapport public préparé par
le juge O'Connor. En définitive, le rapport déposé le 18 septembre
a été « censuré » pour tenir compte des objections du gouvernement. Contrairement à la pratique courante qui consiste à couvrir
d'une bande noire les parties censurées, ces dernières ont été remplacées par des […] ce qui ne permet pas de voir l'ampleur des
coupures. Malgré cela, les faits dévoilés sont accablants pour les
agents du gouvernement, en particulier ceux de la GRC.
*
4 Voir chronique : Un monde sous
surveillance
Commission d'enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à
Maher Arar
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
Le 26 septembre 2002, de retour vers le Canada sur un vol d'American Airlines en provenance de Zurich, M. Arar est arrêté lors de l'escale à New York. Il est fouillé à nu, détenu pendant 12 jours au Metropolitan Detention Centre et interrogé par des agents américains. Le 8
octobre on le fait monter à bord d'un avion privé et il est amené, enchaîné et entravé à
l'arrière de l'avion, à Amman en Jordanie après de courtes escales à Washington, Portland et
Rome. Les gardes jordaniens le battent et l'interrogent avant de l'enfermer dans une cellule.
Le lendemain, M. Arar est transféré, les yeux bandés, à bord d'une voiture, au tristement
célèbre centre de détention de Far Falestin, aussi appelé la Section palestinienne, dirigé par
le Renseignement militaire syrien (RMS). Il est interrogé et torturé. M. Arar est enfermé au
sous-sol de la prison dans une minuscule cellule mesurant sept pieds de haut sur trois de
large et six de long, humide et froide en hiver, étouffante en été. La seule ouverture au plafond est une lucarne de un pied sur deux. Il doit dormir à même le sol sur deux minces couvertures. M. Arar est resté dix mois et dix jours dans ce sordide cachot.
C'est un homme dévasté psychologiquement, souffrant de stress post-traumatique, qui
revient au Canada. Mme Mazigh avait épousé un homme concentré, patient, facile à vivre et
elle le retrouve soumis, méfiant, le regard éteint. L'épreuve a également eu des effets dévastateurs au niveau économique. Cet ingénieur de la classe moyenne doit avoir recours à
l'aide sociale pour faire vivre sa famille.
Les fuites visant à ternir sa réputation, qui mettent en doute son récit et qui laissent
entendre que M. Arar a des liens avec des activités terroristes, continuent après son retour.
M. Arar vit difficilement la méfiance d'une partie de la communauté musulmane à son égard.
Il devra attendre la sortie du rapport de la Commission d'enquête, le 18 septembre 2006,
pour être définitivement blanchi. Son épreuve aura duré quatre ans. Malgré les conclusions
du juge O'Connor, les États-Unis considèrent toujours M. Arar comme une menace à la sécurité. Il est interdit de séjour dans ce pays, ce qui continue de nuire, non seulement à sa réputation, mais aussi à une reprise de sa carrière d'ingénieur informatique.
Chaque année l'organisation américaine Institute for Policy Studies accorde le prix international des droits humains Letelier-Moffitt, décerné en honneur du diplomate chilien Orlando
Letelier et de l'américaine Ronni Karpen Moffitt assassinés à Washington en 1976. Cette
année, le prix a été remis à Maher Arar et au Center for Constitutional Rights qui a défendu
la cause de M. Arar aux États-Unis. M. Arar a été victime du programme de « restitution
extraordinaire » de l'administration américaine et il a été récompensé pour le combat courageux qu'il a mené pour obtenir justice. M. Arar n'a pas pu se rendre aux États-Unis pour recevoir son prix.
Bulletin de la LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
automne 2006
DOSSIER:
Né en Syrie en 1970, Maher Arar arrive au Canada à titre d'immigrant reçu en 1987 et
devient citoyen canadien en 1995. Il obtient un bac en génie informatique de l'université
McGill et une maîtrise en télécommunications de l'INRS de l'université du Québec. Il épouse Monia Mazigh qui complète son doctorat en finance à l'université Mc Gill en 2001. Le
couple a deux enfants. Selon le professeur Stephen Toope, enquêteur de la Commission :
« M. Arar est un homme travailleur qui accorde une très grande valeur à son professionnalisme, [qui] est dédié à sa famille et [qui] tire une grande partie de son estime de soi de sa capacité de la faire vivre.xvi »
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
Maher ARAR
29
LE CANADA VIOLE LA CONVENTION
Les recommandations
DE LA COMMISSION
CONTRE LA TORTURE : les cas
DOSSIER:
LE DROIT INTERNATIONAL est-il encore important pour le Canada
Almaki, El Maati et Nureddin
30
Une des recommandations du juge
O'Connor a moins retenu l'attention des
médias, mais elle est capitale. M. O'Connor
recommande qu'une enquête indépendante
soit instituée pour clarifier le rôle du Canada
dans la détention et la torture de trois autres
citoyens canadiens : M. Almaki, M. El Maati
et M. Nureddin. Tous les trois ont été arrêtés
par les autorités syriennes alors qu'ils voyageaient dans ce pays. Ils ont été torturés
dans la même prison que M. Arar et interrogés à partir de renseignements en provenance du Canada. Dans son rapport , le juge
O'Connor en arrive à ces conclusions : « Une
pratique des organismes canadiens constatée dans toutes les enquêtes était celle
d'accepter et d'exploiter de l'information qui
pouvait avoir été obtenue sous la torture » et
« Les responsables canadiens ont semblé
minimiser les allégations de torture ». Ces
conclusions soulèvent d'importantes questions : les services de sécurité canadiens
collaborent-ils de quelque manière que ce
soit avec des régimes qui pratiquent la torture pour faire avancer leurs enquêtes, en
faisant faire par d'autres ce qu'ils ne peuvent
faire ici - torturer? Il faut se rappeler que le
Canada n'exclut pas la possibilité de renvoyer vers des pays qui pratiquent la torture
des personnes qu'il considère un risque pour
la sécurité nationale. Ce refus du Canada
d'exclure toute possibilité de renvoi vers la
torture a fait l'objet d'une condamnation de la
part du Comité des droits de l'homme de
l'ONU et viole la Convention contre la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants que le Canada a signée
et ratifiée.
I
Commission d'enquête sur les actions
des responsables canadiens relativement
à Maher Arar, Rapport sur les événements
concernant Maher Arar - Analyse et
recommandations, p. 64
Ibid, p. 93.
bid, p. 14 et P. 93.
Ibid, p. 198.
Ibid, p. 212.
Ibid, p. 212.
Ibid, p. 213.
Ibid, p. 216
et 217.
IX Ibid, p. 239.
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
X Ibid,
XI Ibid,
XII Ibid,
XIII Ibid,
XIV Ibid,
XV Ibid,
XVI Ibid,
XVIII Ibid,
XIX Ibid,
p.
p.
p.
p.
p.
p.
p.
p.
p.
244.
276.
277.
277.
279.
281.
58.
298.
296.
Le juge O'Connor formule 23 recommandations que nous résumons
ici. La GRC devrait s'assurer que ses activités relatives à la sécurité
nationale demeurent dans les limites de son mandat; que les ententes
conclues avec d'autres corps policiers et agences soient consignées
par écrit; que ceux qui participent à des enquêtes reliées à la sécurité
nationale aient reçu une formation adéquate. Ces enquêtes devraient
faire l'objet d'une surveillance centralisée et leur orientation assujettie
à des directives ministérielles. La GRC et le SCRS devraient élaborer
des lignes directrices sur les circonstances dans lesquelles on peut
demander des avis de surveillance à la frontière, au Canada ou dans
d'autres pays.
La GRC devrait s'assurer qu'elle se conforme aux politiques clairement établies lorsqu'elle transmet de l'information à d'autres ministères ou organismes, étrangers ou canadiens, que cette information
soit fiable et que l'information personnelle soit filtrée afin de respecter
les dispositions législatives pertinentes sur les renseignements personnels. La Direction des renseignements criminels de la GRC devrait
superviser le partage d'information et la GRC ne devrait jamais partager
d'information sans y rattacher des réserves écrites.
Trois recommandations sont particulièrement importantes. Les pratiques et ententes de la GRC en matière de partage d'information
devraient être sujettes à examen par un organisme indépendant;
les organismes canadiens autres que la GRC qui partagent de l'information ayant trait à la sécurité nationale devraient s'assurer que leurs politiques en la matière suivent celles préconisées [par le juge] pour la
GRC; on ne devrait jamais communiquer d'information à un pays
où il y a un risque crédible d'entraîner un recours à la torture ou
d'y contribuer. Les politiques devraient comprendre des directives
visant expressément à éliminer toute possibilité de complicité du
Canada dans la torture, à éviter le risque d'autres transgressions
des droits de la personne et à assurer l'imputabilité. Le MAECI
devrait transmettre à la GRC, au SCRS et aux autres ministères des
rapports annuels évaluant la situation des droits de la personne dans
divers pays. Le gouvernement canadien devrait élaborer des politiques
et une formation précises sur la situation des Canadiens détenus dans
des pays où il y a un risque de torture.
Les organismes canadiens menant des enquêtes relatives à la sécurité nationale, y compris la GRC, le SCRS et l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), devraient se doter de politiques écrites
claires indiquant que de telles enquêtes ne doivent pas être fondées
sur un profilage racial, religieux ou ethnique. Ils devraient bonifier la
formation qu'ils donnent à leurs membres sur ces questions ainsi que
sur l'interaction avec les communautés musulmane et arabe.
Trois recommandations de la Commission concernent M. Arar et sa
famille. Douanes Canada devrait expurger de son Système de gestion
du renseignement l'information sur Mme Mazigh et ses enfants. Le
gouvernement du Canada devrait porter plainte auprès des gouvernements de la Syrie et des États-Unis et il devrait dédommager M. Arar.
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Membres du C.A.
2006-2007
Nicole Filion
Présidente
Avocate
Francine Néméh
1ère vice-présidente
Militante
Dominique Peschard
2ième vice-président
Professeur retraité
Louise Riendeau
Trésorière
Coordinatrice
de dossiers politiques
Daniel Bekoutou
Journaliste
Mounia Chadi
Journaliste
Martine Eloy
Conseillère syndicale
Elisabeth Garant
Coordinatrice
des activités du secteur
Vivre ensemble au
Centre Justice et foi
François Gauthier
Retraité
Vincent Greason
Coordinateur
Table ronde des OVEP
de l'Outaouais
Lise Martel
Militante syndicale
Rachid Raffa
Analyste en transport
Jacques Tousignant
Retraité de l'Université
du Québec et consultant
La Ligue des droits et libertés compte trois nouvelles
membres au sein de l'équipe de la permanence.
Marie Guylda Thélusmond, Directrice générale :
Marie Guylda est née en Haïti où elle a travaillé
pendant plusieurs années au sein de diverses
organisations non gouvernementales et d'organismes de coopération internationale dans le
cadre de différents projets et programmes, au
bénéfice des organisations paysannes, et en
particulier des femmes.
Elle a fait des études en agronomie, en
sciences du développement et en développement rural intégré, respectivement à
l'Université d'État d'Haïti et à l'Université Laval.
Pendant les trois dernières années, elle a été coordonnatrice de la
Fédération des ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec, un organisme provincial regroupant
40 maisons d'hébergement pour femmes à travers le Québec.
Elle a un profond engagement en faveur de l'équité et de l'égalité
entre les sexes, de la promotion des droits de la personne, de la
justice sociale, de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Afifa Maaninou, Adjointe à la direction :
Afifa Maaninou se définit comme une militante
pour la justice et la paix. Elle a été commissaire à la Commission scolaire de Montréal, représentante du quartier Côte-des-NeigesSnowdon pendant près de dix ans. Conseillère
au Conseil scolaire de l'île de Montréal, elle a
également travaillé au Conseil central du
Montréal métropolitain (CSN) à titre de responsable des comités Solidarité, Immigration et
Relations ethnoculturelles
Afifa Maanimou a une formation en informatique, bureautique et
en linguistique.
Mélanie Connelly, Responsable du financement-membership :
Avant de se joindre à l'équipe, Mélanie
Connelly a été assistante de recherche à
l'Université de Montréal et a participé à des
projets sur la société civile et l'activisme
autochtone. Membre d'un groupe de
recherche sur la gouvernance globale, elle s'intéresse au développement des droits humains.
Elle a notamment travaillé au succès des campagnes de financement de l'UNICEF et a particulièrement apprécié l'expérience. Mélanie a
une maîtrise en science politique.
BIENVENUE À LA NOUVELLE ÉQUIPE!
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