L`Allemagne doit oser la jupe !

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FOKUS: FRAUENQUOTE
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L’Allemagne doit
oser la jupe !
Tant de postes de dirigeants occupés par des hommes, tant de haine
envers les femmes. Et pourquoi pas une prime à la casse pour vieux machos ?
Une lettre ouverte à la chancelière Angela Merkel.
Par Angela Hornberg
Traduction : Sophia Andreotti, avec Clémence Delmas
© AIAZZI
—
Angela Hornberg, 55 ans,
est une économiste d’origine
italienne. Elle a travaillé pour
des banques d’investissements à Francfort, Berlin et
Londres. Depuis 2002, elle est
coach de carrière pour cadres
dirigeant(e)s.
M
adame la chancelière,
Sans doute vous rappelez-vous ce
fameux 18 septembre 2005 (au soir
des résultats des élections fédérales
remportées par la CDU, ndlr) : lors
du débat télévisé entre chefs de partis, vous étiez assise face à Gerhard
Schröder. Lui qui venait de subir un revers électoral déclarait
alors, imperturbable : “À part moi, personne n’est en mesure
de former un gouvernement stable.” Alors que tout portait
à penser le contraire, il vous qualifiait de “perdante”, vous,
désormais la femme politique la plus puissante d’Allemagne,
et rejetait toute discussion dans l’hypothèse où vous vous
arrogeriez le leadership. Gonflé à la testostérone, il assenait
qu’il ne fallait pas tomber dans l’exagération, invoquant une
réalité à laquelle il était bien le dernier à croire.
Comme pour vous ce jour-là, il en va pour des milliers de
femmes managers aujourd’hui, en Allemagne. Des études ont
beau démontrer que les femmes ont des résultats équivalents
à leurs collègues masculins – si ce n’est meilleurs ; qu’elles
réussissent mieux à l’école et à l’université ; qu’elles ont de
meilleures compétences relationnelles et une plus grande
aptitude à diriger ; qu’elles savent mieux anticiper les risques
et assurer l’avenir de leur entreprise ; malgré tout, chaque jour
ou presque, lorsqu’elles réclament des postes à responsabilité,
on leur oppose une fin de non-recevoir, elles sont étiquetées
de perdantes, subissant un mépris qui s’exprime autant par
la parole que par les gestes.
Dans les 30 entreprises du Dax, elles sont tout juste onze
femmes à être parvenues jusqu’aux conseils d’administration et – plus admirable encore – à avoir tenu bon à
leur poste. Parmi elles, six sont en charge des ressources
humaines, cinq seulement ont le privilège d’assumer
d’autres fonctions. Les femmes se voient offrir des sièges
éjectables, et la plupart sont débarquées prématurément.
Lors du dernier Sommet des femmes en mai 2013, vous
aviez exigé, Madame la chancelière, “de passer la seconde”.
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F O C U S : Q U O TA D E F E M M E S
Or actuellement, on a plutôt enclenché la marche arrière. il s’agit d’une réforme politique qui tarde à se mettre en place.
Sept des 18 femmes en poste au sein des comités de direc- Nous, Allemands, sommes volontiers pionniers en matière
tion du Dax ont depuis lors perdu la manche, quittant d’innovations techniques. En terme d’innovations sociales,
toutes leur fonction “pour raisons personnelles” et passant c’est tantôt blanc, tantôt noir : votre prédécesseur, Madame la
à la trappe des stratégies économiques.
chancelière, a imposé des réformes sociales et économiques
Personne ne s’en est indigné, on s’est gardé de toute exagé- drastiques, l’Agenda 2010, qui ont permis de relancer la comration et, à la fin de la journée, ces messieurs ont sagement pétitivité de l’Allemagne en seulement quelques années. Mais
récité leur prière du soir : “À part moi, personne n’est en la question des femmes semble insoluble : pourquoi est-ce le
mesure de former un gouvernement stable.” Une conviction cas uniquement dans notre pays ?
si profondément ancrée chez les hommes que certains n’hé- Au cours des douze derniers mois, trois des quatre sièges
sitent pas à aller en justice pour la faire respecter. C’est le cas qui se sont libérés au sein des conseils d’administration et de
d’un ex-directeur des ressources humaines de la Commerz- surveillance en Allemagne ont été attribués à des hommes.
bank qui a porté plainte contre
À l’échelle de l’Union eurosa révocation – et a remporté
péenne, les femmes occupent en
Pourquoi pas une prime
son procès. Parmi ces dames,
moyenne un tiers des sièges ; en
à la casse pour vieux
aucune n’a porté plainte, ou ne
France, c’est un siège sur deux ;
s’est même lamentée sur son sort.
en Belgique, c’est même deux
machos?
Imaginons un instant qu’en l’essièges sur trois. L’économie allepace de 12 mois, on révoque non pas la moitié des femmes, mande est en queue de peloton. L’Allemagne, la patrie des
mais la moitié des hommes des conseils d’administration machos. Et qu’en pense notre dirigeante ?
du Dax. 85 hauts dirigeants perdraient leur poste, renon- Madame la chancelière, vos nombreux conseillers écoceraient à leurs prérogatives “pour raisons personnelles” nomiques pourront vous le confirmer : les innovations et
et se consacreraient à leur vie privée. Les journaux ne les réformes ne s’amorcent que lorsqu’elles sont le fait du
feraient pas seulement leurs titres sur “La nouvelle colère chef. Alors pourquoi ne pas introduire une prime à la casse
des hommes” (une allusion à la couverture de l’hebdomadaire Die pour vieux machos ? L’ex-chancelier Schröder présenterait
Zeit qui titrait début octobre sur “Die Wut der Männer”, la colère des ses excuses non seulement pour sa déclaration au soir des
hommes, ndlr), ce serait une déclaration de guerre !
élections, mais aussi pour son utilisation du mot “Gedöns”
Mais pas d’inquiétude : les 173 hommes siégeant aux (En 1998, quand Christine Bergmann fut nommée ministre sous
conseils d’administration du Dax ont leur place bien au Gerhard Schröder, ce dernier la déclara responsable pour “la famille et
chaud. Lorsqu’ils quittent leur entreprise, c’est pour prendre autres bavardages de bonne femme” (“Familie und das ganze andere
une “retraite bien méritée” ou accéder à une position plus Gedöns”) signant l’une des plus belles maladresses de langage de sa
prestigieuse. Même les managers délogés publiquement se carrière, ndlr). On ne prendrait pas au sérieux des managers
retournent facilement.
comme Gerhard Cromme (chef du conseil de surveillance
Ces messieurs les dirigeants d’entreprise sont d’ailleurs de Siemens, ndlr) qui, en argumentant que les conseils de
presque tous “heureux en mariage et père de X enfants”. surveillance ne sont pas le lieu “pour boire le thé entre
Même le plus court des CV l’affiche fièrement. Permettez- copines”, refusent aux femmes l’accès aux centres du poumoi une petite question à ce sujet, Madame Merkel : l’un de voir économique. Il faut secouer les esprits, l’Allemagne doit
ces messieurs était-il présent lors de votre récente rencontre oser la jupe ! Nous avons besoin d’un “Agenda 50:50” !
avec des pères de famille à la chancellerie ? Vous est-il arrivé
d’évoquer avec eux la difficulté de concilier vie profession- Ce texte est paru originellement dans le quotidien allemand
nelle et vie familiale ? Ou de leur demander si, lors de leurs ­Süddeutsche Zeitung sous le titre “Es muss ein Rock durch
déplacements professionnels, ils ont mauvaise conscience de Deutschland gehen”.
ne pas pouvoir aller chercher leur fille à l’école ou de manquer
le spectacle de danse de leur fils ? Il est probable que non car,
hommage leur est rendu dans les discours de remerciements,
derrière le bonheur d’un homme marié se cache une femme
qui veille à lui assurer les coudées franches.
On ne pourrait être plus hypocrite. Le directeur de la plus
grande société de conseil en Allemagne réclame haut et fort
Zu viele Männer in Chefsesseln, zu viele
davantage de femmes aux postes de direction, pour avouer
Frauen auf den unteren Etagen: Die Wirtensuite dans l’embarras, que dans sa propre entreprise, les
schaftswissenschaftlerin Angela Hornfemmes aux postes de responsable sont des oiseaux rares.
D’après lui, c’est la fréquence des déplacements professionberg kritisiert, dass Frauen als Mananels qui ne serait pas conciliable avec les tâches familiales.
gerinnen häufig nicht ernst genommen
Ça par exemple ! À croire qu’en Allemagne, les chefs d’entrewerden. Ihre Forderung? Es muss ein
prise sont tous de grands voyageurs dans l’âme sans enfant.
Rock durch Deutschland gehen!
Venons-en au fait : instaurer la parité dans les postes de direc-
•
tion sonne peut-être comme une révolution, mais en réalité,
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Plus jamais
dernier de la classe
La France envisage de supprimer les notes à l’école. Qu’en pensent nos
voisins allemands ? Reportage dans la banlieue de Reinickendorf, au
nord-est de Berlin, où une école a imaginé un système d’évaluation
différent et mis les notes au rencard.
Par Sophia Andreotti
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Plus de notes, plus de bonnet d’âne ?
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© MARY EVANS/SIPA
D
e son bureau, Nuri Kiefer aperçoit les particularité ici, c’est de prendre en compte le rythme de
tours d’habitation du Märkisches Viertel, l’élève”, explique Nuri Kiefer. “Nous mélangeons les âges,
cité populaire de la banlieue est de Ber- les niveaux, les compétences, pour créer une hétérogénéité
lin : “Ici, en Allemagne, plus qu’ailleurs, qui agisse positivement en retour, parce que justement, il
l’origine sociale conditionne le succès à faut s’occuper de chacun individuellement.”
l’école – c’est ce qu’a révélé la dernière Surtout, ici, pas de notes de 1 à 6. À la fin de la journée,
étude Pisa. Avec notre école, nous voulons chaque élève renseigne un “Logbuch”, une sorte de cahier
offrir plus de chance pour apprendre que d’évaluations où il note ce qu’il a appris durant la journée,
dans le système traditionnel très sélectif les progrès réalisés et les nouveaux objectifs à atteindre.
et très hiérarchisé.” Cet ancien professeur L’établissement a ainsi repensé l’intégralité de son système
et directeur de Realschule à Karlsruhe dirige aujourd’hui le d’évaluation : “Plus l’enfant grandit, plus ce système se difCampus Hannah Höch, une “Gemeinschaftsschule” qui va de férencie”, explique Nuri Kiefer. Dans les premières années,
la première à la dixième classe (du CP à la seconde). En plus l’enfant se contente de remplir, avec son professeur, un
de retenir les élèves dans le même circuit – en Allemagne, il questionnaire qui détaille ses compétences : “Je sais écoufaut habituellement choisir entre trois parcours à partir de ter”, “Je travaille en silence”, “Je sais réciter des poèmes”,
la cinquième classe (Hauptschule/
“Je sais reconnaître des mélodies”,
Realschule/Gymnasium) –, l’établisseetc. À partir de la septième classe,
La fin du
ment scolaire expérimente une autre
toutes les quatre à six semaines, les
zéro pointé
manière d’enseigner.
élèves se voient remettre des “ZertiC’est non sans fierté que Nuri Kiefikate”, une évaluation rédigée pour
fer fait visiter sa classe modèle.
chaque matière. “Il y a trois types
Ici, pas de tables en rangs serrés ou d’institutrice debout de Zertifikate qui montent en grade, ‘Basis’, ‘Kompakt’ et
devant des élèves sages comme des images. Ça chuchote ‘Master’ : plus l’élève s’applique, plus il a de chance d’obtenir
à droite à gauche, quelques petits vont et viennent dans un Zertifikat avec un niveau ‘Master’”, précise Nuri Kiefer.
leurs pantoufles, mais l’ambiance générale est à la concen- Enfin, deux fois par an, parents, enfant et instituteur s’astration. Sur tout un étage, les murs ont été abattus pour soient ensemble pour discuter et faire le point.
réunir trois niveaux : les quatrième, cinquième et sixième Nuri Kiefer espère recevoir à l’avenir de nouveaux fonds
classes. Tandis qu’un groupe d’élèves s’instruit sur les du Sénat de Berlin pour renforcer ce projet pilote. En
méfaits du réchauffement de la planète, un autre s’exerce France, plusieurs collèges se sont aussi essayés à des sysaux mathématiques : réunis en cercle autour du professeur, tèmes de notation alternatifs. Les bulletins se colorent en
ils écoutent ses explications, avant de les mettre en applica- rouge (non acquis), vert (acquis) ou jaune (partiellement
tion dans des exercices. Besoin d’aide ? Chacun dispose d’un acquis) et ce sont là encore les compétences des élèves
magnet à son nom qu’il peut coller sous une pancarte “Hilfe qui sont valorisées.
gebraucht” pour obtenir le secours d’un éducateur. “Notre La fin de ces bonnes vieilles notes. Qui, enfant, >>
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