ACTUALITE DROIT PENAL

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ACTUALITE DROIT PENAL 2012
Céline Garçon
Légalité criminelle
Cons. const. QPC 16 septembre 2011 – Légalité de la qualification pénale d’inceste : une loi du 8 février
2010 avait donné naissance à la qualification pénale d’inceste. En effet, ce texte avait introduit dans le Code
pénal un article 222-31-1, selon lequel, « Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux
lorsqu'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou
par toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin, d'un membre de la famille ayant sur la victime une
autorité de droit ou de fait ». Dans une décision du 16 septembre 2011, le Conseil constitutionnel, saisi par la
voie de la QPC, a examiné la conformité de cette disposition au principe de la légalité des délits et des peines tel
que garanti par l’art. 8 DDHC. Plus précisément, les requérants invoquaient l’imprécision de la définition légale
des liens familiaux conduisant à ce que des viols et agressions sexuelles soient qualifiés d'incestueux.
Le Conseil constitutionnel fait droit à l’argument, considérant que le législateur « ne pouvait, sans méconnaître le
principe de légalité des délits et des peines, s'abstenir de désigner précisément les personnes qui doivent être
regardées, au sens de cette qualification, comme membres de la famille ». Il conclut ainsi à la violation des
exigences constitutionnelles par la disposition contestée, et décide de son abrogation à compter de la publication
de la décision commentée.
Cons. const. QPC 17 février 2012 – Légalité de la qualification pénale d’inceste : dans la lignée de sa
décision du 16 septembre 2011, le Conseil constitutionnel abroge l’article 227-27-2 du code pénal relatif à la
définition du délit d’atteintes sexuelles incestueuses.
Cons. const. QPC 4 mai 2012 – Légalité de la qualification pénale de harcèlement sexuel : le délit de
harcèlement sexuel est défini par l’article 222-33 CP comme « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des
faveurs de nature sexuelle ». Cette incrimination est rédigée en termes beaucoup plus larges qu’elle ne l’était à
l’origine par la loi du 22 juillet 1992, qui lui avait donné naissance. En effet, le texte de 1992 définissait le délit
comme « le fait de harceler autrui en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d’obtenir des
faveurs de nature sexuelle, par une personne usant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ». Une loi du 17
janvier 2002, était ensuite venue supprimer la condition d’autorité d’une part, et l’énumération des moyens du
harcèlement d’autre part, pour élargir le champ de l’incrimination. Saisi du texte actuel par la voie de la QPC, le
Conseil constitutionnel décide dans une retentissante décision du 4 mai 2012 que l’article 222-33 CP n’est pas
rédigé en termes suffisamment clairs et précis. Il le juge ainsi contraire au principe de la légalité criminelle, tel
que garanti par l’art. 8 DDHC. Par suite, le Conseil constitutionnel décide de son abrogation avec effet immédiat
à compter de la publication de la décision. Cette abrogation s’applique à toutes les affaires non jugées
définitivement à la date de la publication.
Crim 11 juillet 2012 et Soc. 11 juillet 2012 – Légalité de la qualification de harcèlement moral : l’art. 222-332 CP définit le délit de harcèlement moral comme « le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant
pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à
sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Après la
censure par le Conseil constitutionnel de la qualification de harcèlement sexuel pour obscurité et imprécision, une
prise de position était attendue sur le délit de harcèlement moral. Saisies d’une question prioritaire de
constitutionnalité la chambre criminelle et la chambre sociale de la Cour de cassation se penchent sur cette
question dans deux arrêts rendus le 11 juillet 2012. Les deux chambres décident de ne pas renvoyer au Conseil
constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité du délit de harcèlement moral
aux exigences de la légalité criminelle. Pour justifier ces décisions, la Cour de cassation rappelle que le délit a
récemment été jugé conforme aux exigences constitutionnelles par le Conseil constitutionnel (Cons. const., 12
janv. 2002), et énonce que la décision du Conseil constitutionnel déclarant le délit de harcèlement sexuel
contraire à la Constitution ne constitue pas un changement de circonstances justifiant le réexamen « dès lors que
les textes en cause sont rédigés de manière différente ».
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Projet de loi du 31 juillet 2012 relatif au harcèlement sexuel (texte définitif) : à la suite de la censure par le
Conseil constitutionnel de la qualification de harcèlement sexuel, avec pour conséquence son abrogation
immédiate, le législateur a eu recours à une procédure accélérée pour donner son nouveau fondement légal au
délit. Ainsi, le nouveau texte définit le harcèlement sexuel comme « le fait d’imposer à une personne, de façon
répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de
leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou
offensante ». En outre, « est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de
pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au
profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ». Ces faits sont punis de deux ans d’emprisonnement et de
30 000 € d’amende lorsqu’ils sont commis à l’état simple. Le texte met toutefois en place de nombreuses
circonstances aggravantes, qui portent les peines à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € : circonstances
aggravantes d’infraction commise 1) par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ; 2)
sur un mineur de quinze ans ; 3) sur une personne d’une particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie,
à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de
leur auteur ; 4) sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa
situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ; 5) par plusieurs personnes agissant en
qualité d’auteur ou de complice. » Par ailleurs, le texte complète le dispositif répressif applicable au harcèlement
sexuel, en prévoyant au chapitre des discriminations que « constitue une discrimination toute distinction opérée
entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel ou témoigné de
tels faits. » Enfin, de manière à assurer aux victimes de faits de harcèlement sexuel commis antérieurement à la
loi nouvelle la certitude de voir leur préjudice réparé au civil, le nouveau texte prévoit que « lorsque, en raison de
l’abrogation de l’article 222-33 du code pénal résultant de la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2012, le
tribunal correctionnel ou la chambre des appels correctionnels constate l’extinction de l’action publique, la
juridiction demeure compétente, sur la demande de la partie civile formulée avant la clôture des débats, pour
accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont
fondé la poursuite ainsi que le paiement d’une somme qu’elle détermine au titre des frais exposés par la partie
civile ».
Crim. 19 juin 2012 – interprétation stricte de l’incrimination de dénonciation calomnieuse : l’article 226-10
CP incrimine la dénonciation calomnieuse, qu’il définit comme « la dénonciation, effectuée par tout moyen et
dirigée contre une personne déterminée, d’un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires,
administratives ou disciplinaires et que l’on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu’elle est adressée soit
à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d’y donner
suite ou de saisir l’autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l’employeur de la personne
dénoncée ». En l’espèce, le prévenu du chef de dénonciation calomnieuse avait faussement dénoncé la police
des faits de violences commis par un mineur de moins de 10 ans. Or, un mineur de 10 ans n’encourt en toute
matière que les mesures éducatives prévues par l’ordonnance du 2 février 1945. Or, la Cour de cassation énonce
dans l’arrêt commenté qu’il« se déduit du principe d’interprétation stricte de la loi pénale que la plainte d’une
personne se disant victime d’une infraction commise par un mineur âgé de moins de dix ans, n’étant pas
susceptible, selon l’article 2 de l’ordonnance du 2 février 1945, d’exposer celui-ci à une sanction éducative ou à
une peine, ne peut être qualifiée de dénonciation calomnieuse au sens de l’article 226-10 du code pénal ».
Application de la loi pénale dans le temps
Crim. 23 mai 2012 – Non rétroactivité d’une loi pénale plus sévère : la Cour de cassation se livre ici à une
application classique du principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère, en décidant qu’une loi nouvelle
instituant une nouvelle peine complémentaire ne s’applique pas à des faits commis avant son entrée en vigueur.
Crim. 24 janvier 2012 – Application immédiate de la loi pénale plus douce : la Cour de cassation applique ici
le principe de l’application immédiate de la loi pénale plus douce à l’incrimination pénale de déstockage. Elle
décide en effet que la loi du 4 août 2008 qui abroge l’incrimination de déstockage (art. L. 310-5, 3°, du code de
commerce), s’applique aux faits commis antérieurement à son entrée en vigueur non encore définitivement jugés.
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CEDH 10 juillet 2012, Del Rio Prada c. Espagne – Application de la jurisprudence dans le temps : la CEDH
réitère ici contre l’Espagne la position qu’elle avait déjà adoptée dans l’arrêt Pessino c/ France du 10 octobre
2006, en énonçant que le principe de non rétroactivité s’oppose à l’application immédiate de revirements de
jurisprudence défavorables à la personne poursuivie en matière pénale.
Crim. 23 mai 2012 – Abrogation de loi et non rétroactivité : jusqu’à une loi du 12 mai 2009, l’art. 227-3 CP
prévoyait que les obligations familiales susceptibles de donner lieu à l’application du délit devaient être prévues
par les titres V, VI, VII et VIII du livre Ier du code civil, relatifs au mariage, au divorce, à la filiation et à la filiation
adoptive. La loi du 12 mai 2009 sur la simplification du droit avait supprimé ces références pour renvoyer
uniquement aux « obligations familiales prévues par le titre IX du livre Ier du code civil». Cette rédaction avait eu
pour conséquence de restreindre le délit aux seuls manquements aux obligations relatives à l’autorité parentale,
et de le rendre inapplicable aux manquements aux obligations à l’égard du conjoint à l’image d’une prestation
compensatoire. Au lendemain de l’entrée en vigueur de la loi de 2009, la doctrine a unanimement considéré qu’il
ne s’agissait là que d’une erreur matérielle du législateur, celui-ci n’ayant pas entendu restreindre le champ du
délit d’abandon de famille. Une loi du 17 mai 2011 vint corriger cette erreur en intégrant un renvoi au Code civil
dans son ensemble. Dans l’arrêt commenté, les faits soumis à la Cour de cassation avaient été commis
antérieurement à la loi de 2009, et la question de posait de savoir s’ils pouvaient être poursuivis. Au visa de l’art.
112-1 CP la Cour de cassation énonce « qu’en cas de conflit entre plusieurs lois pénales de fonds successives,
lorsqu’une infraction a été commise sous l’empire d’une première loi, dont des dispositions ont ensuite été
abrogées, ce qui a eu pour effet de la rendre inapplicable aux faits, cette deuxième loi étant elle-même
remplacée par une troisième réprimant les faits objet de la poursuite, le principe de non rétroactivité de la loi
pénale implique que les faits ne puissent plus être poursuivis. » Ainsi, du fait de cette erreur rédactionnelle,
l’absence de versement des pensions dus aux descendants majeurs, aux ascendants et aux conjoints, dans les
conditions prévues par l’article 227-3 précité, ne tombent pas sous le coup de la loi pénale dès lors qu’ils ont été
commis antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2011.
Application de la loi pénale dans l’espace
Crim. 9 novembre 2011 – Territorialité : l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 9 novembre 2011 fournit une
nouvelle illustration de l’application extensive du principe de territorialité. En l’espèce un prévenu du chef de
proxénétisme avait recruté en Suisse des prostituées, pour qu’elles se rendent sur un yacht au large de Monaco.
Pour justifier la compétence de la loi pénale française sur le terrain du principe de territorialité, la Cour de
cassation retient que « le fait d’escorter des jeunes femmes de l’aéroport à l’hôtel Sheraton à Nice, d’organiser
leur séjour dans l’hôtel dans le seul but de les conduire quotidiennement à Monaco où elles auraient des relations
sexuelles au préalable rémunérées avec les clients ou les organisateurs de la société V. constitue des actes
d’aide et d’assistance à la prostitution ». Ainsi, le fait d’escorter des prostituées est considéré comme un fait
constitutif de l’infraction de proxénétisme justifiant l’application de la loi pénale française en vertu du principe de
territorialité.
Peines
Crim. 21 mars 2012 – Motivation des peines d’emprisonnement ferme : depuis la loi pénitentiaire du 24
novembre 2009, l’art. 132-24 CP prévoit que le juge qui, en matière correctionnelle, prononce une peine
d’emprisonnement ferme sans aménagement doit spécialement motiver ce choix. Depuis l’entrée en vigueur de
ce texte, la Cour de cassation a censuré sur ce fondement de nombreuses condamnations (v. nota. Crim. 12 oct.
2010 ; Crim. 10 nov. 2010), de telle sorte qu’il devenait difficile de cerner le contenu de cette exigence nouvelle.
L’arrêt du 21 mars 2012 apporte quelques précisions à cet égard. Il ressort en effet de cette décision que les
juges du fond doivent par leur motivation démontrer la nécessité de la peine choisie. Ainsi, en l’espèce, la Haute
Cour approuve la motivation des juges du fond qui reposait de manière concrète sur la gravité de l’infraction et la
personnalité de son auteur.
Crim. 12 avril 2012 – Révocation du sursis avec mise à l’épreuve : la révocation du sursis avec mise à
l’épreuve pose problème en jurisprudence lorsqu’elle intervient postérieurement à l’expiration du délai d’épreuve.
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L’art. 132-52 CP prévoit que « la condamnation assortie du sursis avec mise à l’épreuve est réputée non
avenue lorsque le condamné n’a pas fait l’objet d’une décision ordonnant l’exécution de la totalité de
l’emprisonnement. Lorsque le bénéfice du sursis avec mise à l’épreuve n’a été accordé que pour une partie de
l’emprisonnement, la condamnation est réputée non avenue dans tous ses éléments si la révocation du sursis n’a
pas été prononcée dans les conditions prévues par l’alinéa précédent ». Ce texte laisse entière la question de
savoir si un sursis avec mise à l’épreuve peut faire l’objet d’une révocation partielle après l’expiration du délai
d’épreuve. Dans un arrêt rendu le 2 septembre 2009, la chambre criminelle énonçait que la révocation partielle
d’un SME est permise après l’expiration du délai d’épreuve, dès lors que sa cause est intervenue pendant ce
délai. L’arrêt commenté revient sur cette solution, en énonçant dans un attendu de principe la règle selon laquelle
« après expiration du délai d’épreuve, le sursis avec mise à l’épreuve assortissant la condamnation à une peine
d’emprisonnement ne peut plus faire l’objet d’une révocation partielle ».
Crim. 6 mars 2012 – Détermination de la peine plancher en matière de récidive : la circonstance aggravante
de récidive emporte deux conséquences importantes du point de vue du quantum de la peine encoure. En
premier lieu, la récidive a pour effet de doubler le quantum des maxima encourus. En second lieu, elle emporte
l’application de minima (peines planchers). Pour l’application de cette seconde règle, l’art. 132-19-1 CP prévoit
que « pour les délits commis en état de récidive légale, la peine d'emprisonnement ne peut être inférieure aux
seuils suivants : 1° Un an, si le délit est puni de trois ans d'emprisonnement ; 2° Deux ans, si le délit est puni de
cinq ans d'emprisonnement ; 3° Trois ans, si le délit est puni de sept ans d'emprisonnement ; 4° Quatre ans, si le
délit est puni de dix ans d'emprisonnement. » Dans l’arrêt rendu le 6 mars 2012, la Cour de cassation énonce
dans un attendu de principe que, « pour déterminer la peine encourue par application de ce texte, la circonstance
de la récidive ne doit pas être prise en compte ». La peine à prendre en compte pour déterminer le taux de la
peine plancher est donc celle encourue au titre de l’infraction commise à l’état simple, et non la peine aggravée
par la circonstance de récidive.
CEDH 17 janv. 2012, Harkins et Edwards c. Royaume-Uni – Perpétuité réelle : la CEDH énonce ici que la
perpétuité réelle (enfermement à vie) n’est pas contraire aux exigences de l’art. 3 CESDH, sous réserve d’une
disproportion manifeste au regard de la gravité des infractions reprochées. La juridiction strasbourgeoise semble
ainsi revenir sur la jurisprudence établie par l’arrêt Léger c/ France du 11 avril 2006, dans lequel elle avait jugé
que « l’exécution de peines privatives de liberté à vie et incompressibles peut poser problème au regard de la
Convention lorsqu’il n’existe aucun espoir de pouvoir bénéficier de mesures telles que la libération conditionnelle
».
CEDH 23 février 2012 G c/ France – Incarcération de condamnés atteintes de troubles mentaux : la CEDH
conclut à la condamnation de la France, sur le terrain de l’art. 3 CESDH (prohibition des traitements inhumains
ou dégradants), pour avoir maintenu en établissement carcéral, sans pris en charge médicale appropriée, un
condamné atteint de graves troubles mentaux (schizophrénie). C’est une position qu’avait déjà adoptée la
juridiction strasbourgeoise (CEDH 11 avril 2006, Rivière c/ France ; CEDH 16 octobre 2008, Reynolde c/ France).
Abus de confiance
Crim. 16 novembre 2011 – Elément préalable de l’abus de confiance : l’abus de confiance nécessite pour
être démontré que soit constaté à titre d’élément préalable que des fonds, valeurs ou biens quelconques ait été
remis à titre précaire en vertu d’un contrat. L’arrêt rendu par la chambre criminelle le 16 novembre 2011 vient
adopter une conception extensive de la notion de « biens quelconques » en incluant dans le champ de
l’incrimination des informations relatives à la clientèle. En l’espèce, l’un de ses directeurs avait détourné la
clientèle d’une société de services téléphoniques au profit d’une société concurrente, en utilisant des
renseignements dont il était dépositaire à raison de ses fonctions. La Cour de cassation juge qu’un tel
comportement peut caractériser l’abus de confiance. Cette décision s’inscrit dans la lignée d’une jurisprudence
qui tend à entendre toujours plus largement le domaine d’application de l’abus de confiance (en ce sens, v. nota.
Crim. 14 nov. 2000, qui admet que l’abus de confiance porte sur un numéro de carte bancaire détaché de tout
support matériel).
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Crim. 5 octobre 2011 – Abus de confiance commis par un salarié au préjudice de son employeur : en
l’espèce, était poursuivi du chef d’abus de confiance, un serveur qui avait, à l’insu de son employeur,
gratuitement servi des boissons à des clients du bar dans lequel il était employé. La Cour d’appel, approuvée en
cela par la Cour de cassation, y voit un détournement d’une chose remise à titre précaire caractérisant le délit
d’abus de confiance. Cette solution s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence de la Cour de cassation qui juge
qu’il n’est pas nécessaire pour que l’infraction soit constituée que la personne poursuivie en ait retiré un profit
personnel. Il suffit que le détournement s’opère au préjudice de son légitime possesseur (Crim. 2 déc. 1911 ; 9
avr. 1973)
Harcèlement moral
Crim. 6 décembre 2011 – Définition du délit de harcèlement moral : l’article 222-33-2 CP incrimine le
harcèlement moral, qu’il définit comme « le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet
ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité,
d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Au titre de son élément
matériel, ce délit est édicté en la forme d’une infraction formelle (« ayant pour objet ou pour effet ». en ce sens, v.
Crim. 24 mai 2011). En outre, aucune relation de subordination hiérarchique n’est requise pour que l’infraction
soit constituée. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt du 6 décembre 2011 dans une affaire ou
la victime de l’infraction était le supérieur hiérarchique de l’auteur.
Sur ce point, v. également Crim 11 juillet 2012 et Soc. 11 juillet 2012 (Légalité criminelle)
Secret professionnel
CEDH, 15 déc. 2011, Mor c. France – Secret de l’instruction et liberté d’expression : la CEDH condamne ici
la France sur le terrain de l’article 10 CESDH pour avoir fait prévaloir le secret de l’instruction sur la liberté
d’expression, dans sa composante droit du public à l’information. En l’espèce, dans l’affaire du vaccin contre
l’hépatite B, une avocate avait été condamnée par les juridictions répressives nationales du chef de violation du
secret professionnel pour s’être exprimée dans la presse à propos d’un rapport d’expertise couvert par le secret
de l’instruction. La CEDH conclut à une violation par la France de l’art. 10 CESDH, prenant notamment appui sur
le contexte de « débat d’intérêt général » dans lequel s’inscrivaient les informations divulguées. La juridiction
strasbourgeoise estime en effet que « l’article 10, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme ne
laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours politique ou,
comme en l’espèce, des questions d’intérêt général et que, dans un contexte médiatique, la divulgation
d’informations peut répondre au droit du public de recevoir des informations sur les activités des autorités
judiciaires ».
Contestation de crimes contre l’humanité
Cons. const. 28 février 2012
Un projet de loi, adopté le 23 janvier 2012, incriminait pénalement la contestation des génocides reconnus par la
loi. Seul le génocide arménien ayant fait l’objet d’une telle reconnaissance, le texte avait pour finalité de pénaliser
sa contestation. Dans sa décision du 28 février 2012, le conseil constitutionnel le déclare contraire à la
Constitution. Il estime en effet que « la liberté d’expression et de communication est d’autant plus précieuse que
son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés »,
ce qui implique que « les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et
proportionnées à l’objectif poursuivi ». Or, « en réprimant ainsi la contestation de l’existence et de la qualification
juridique de crimes qu’il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte
inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication ».