L`épopée des rois thraces, des guerres médiques aux invasions celtes

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L`épopée des rois thraces, des guerres médiques aux invasions celtes
Sélection d’ouvrages présentés en hommage
lors des séances 2015 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
« J’ai l’honneur de déposer sur le bureau de
l’Académie le catalogue de l’exposition L’épopée des
rois thraces, des guerres médiques aux invasions
celtes qui s’est tenue au Louvre, en cette année
2015, du 16 avril au 20 juillet. On sait bien, ici,
qu’elle a été accompagnée d’un colloque
international, dont une séance s’est tenue dans
cette salle.
Le catalogue que je présente compte 400 pages
illustrées d’un très grand nombre d’images, des
photos surtout, mais aussi des cartes, des plans, des
dessins qui permettent de suivre pas à pas le
cheminement choisi par les concepteurs de
l’exposition pour faire comprendre la singularité de
l’histoire des Thraces, particulièrement celle des
Odryses, qui fondent un véritable royaume à la fin
du Ve siècle av. J.-C. Jean-Luc Martinez, Alexandre Baralis, Néguine Mathieux, Totko
Stoyanov et Milena Tonkova ont donc dirigé dans cet esprit la rédaction de ce gros
volume collectif rassemblant les textes d’une soixantaine d’auteurs, dont beaucoup sont
traduits du bulgare.
L’exposition, que certains d’entre nous ont vue sous la conduite d’Alexandre Baralis, est
venue à Paris à la suite de plusieurs manifestations qui, par le passé, y avaient déjà
transporté certains trésors exhumés du sol bulgare. Pour faire plus, cette dernière
présentation a tenu non seulement à mettre l’accent sur les découvertes les plus
récentes, mais aussi à offrir aux visiteurs, dans les vitrines du Louvre, la vision d’objets
regroupés appartenant à la même tombe, donnant ainsi une idée claire des coutumes
funéraires des Thraces. Suivant le rythme de l’exposition, le volume a été organisé en six
grandes parties : après avoir rappelé la place que tient cette culture dans l’imaginaire
antique et moderne, ses pages évoquent tour à tour l’émergence de l’aristocratie odryse,
l’organisation de son royaume, ses modes de vie, ses relations avec les peuples voisins,
enfin la religion particulière que les objets nous font découvrir.
Au cœur de ces tribus qui ont suscité de nombreuses légendes où, comme le montre déjà
le mythe d’Orphée, musique et violence se trouvent étrangement associées, on assiste à
l’émergence de l’aristocratie odryse, que nous aident à comprendre Hérodote,
Thucydide et Xénophon. De cette aristocratie, on prend connaissance des insignes du
pouvoir, et de l’armement qui la distinguait. Deux mobiliers de tombes, l’une féminine,
l’autre masculine, mettent bien en lumière les différences qu’engendrait l’alternance du
sexe. Le contenu d’un autre tombeau, riche en œuvres de grande valeur, fait prendre la
mesure des soins extrêmes et des honneurs qui entouraient l’inhumation d’un
souverain. Mais c’est la fouille du tumulus de Golyama Kosmatka qui en révèle le mieux
les splendeurs : l’or y foisonne, prêtant sa matière précieuse à toutes sortes d’objets,
voire à des décors comme les délicates incrustations d’un glaive et de son fourreau.
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Sélection d’ouvrages présentés en hommage
lors des séances 2015 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
Trouvée à proximité, une tête en bronze, admirable de vie et de caractère, créée sans
doute par un des plus grands maîtres grecs, doit être le portrait incroyablement
saisissant de Seuthès III, qui a régné sur les Odryses dans le dernier quart du IVe siècle
av. J.-C. L’observation de tous ces tombeaux conduit naturellement à une brève synthèse
rassemblant, avec les rites qui s’y pratiquent, leur architecture et leur peinture, célèbre
depuis le milieu du XXe siècle grâce au décor du tombeau de Kazanlak, auquel se sont
ajoutées de récentes découvertes, comme celle de la tombe d’Alexandrovo. Après un
aperçu sur la langue thrace, rarement écrite, et remplacée par le grec comme le montre
la stèle de Seuthopolis, la vie quotidienne de cette capitale est évoquée par quelques
objets, dont un ensemble de monnaies brillamment commentées par notre confrère
Olivier Picard. À propos du fonctionnement des échanges, le fameux trésor de Rogozen
incite à réfléchir sur le rôle particulier qu’y jouaient certains objets comme les phiales en
argent. Quant à la stèle de Vetren, elle permet d’affirmer désormais que les emporia
grecs qui étaient impliqués dans ces échanges ne se limitaient pas à ceux des rivages
coloniaux, mais qu’on en rencontrait aussi dans l’intérieur des terres, comme celui de
Pistiros.
L’exposition a remis sous les yeux extasiés de ses visiteurs les trésors de l’orfèvrerie, où
les artistes locaux, au contact des Grecs, ont tenu leur place : les vestiges de quelques
ateliers en portent un témoignage sûr. Tous ces vases d’un grand prix, comme ceux de
Borovo, étaient destinés au banquet, événement majeur de la vie aristocratique que
menaient les Thraces au sein de leurs résidences. L’extraordinaire opulence de la
vaisselle de Panagyuristhe, composée de chefs-d’œuvre sans doute sortis des mains de
maîtres hellènes, montre quels modèles étaient mis sous les yeux des orfèvres locaux. À
cette influence grecque se mêlaient par ailleurs celles de la Perse achéménide et de la
Macédoine.
L’exposition et son catalogue ont voulu aussi souligner la pluralité de ces populations :
les trouvailles faites dans le pays des Gètes ou celui des Triballes attestent de la
puissance de ces tribus qui gardent leur indépendance. Là encore, l’orfèvrerie parle : le
trésor de Rogozen, déjà cité, et celui du tumulus de Moguilanskata Moguila, qui brillent
de faux parfois sauvages, comme sur la cnémide de Vratsa, sont des preuves de leur
pouvoir.
Tout cet univers thrace est par ailleurs bordé de la présence grecque, qui remonte au
moins jusqu’au VIIIe siècle av. J.-C. Les fouilles franco-bulgares d’apollonia du Pont en ont
révélé la vitalité. Sa nécropole, comme celles de Mesambria ou d’Odessos, est riche
d’objets en marbre, en bronze et en argile qui font écho à ceux que l’on retrouve partout
ailleurs en Grèce. On ne sera pas étonné d’y retrouver de l’orfèvrerie, comme cette paire
de boucles d’oreille en forme de Nikè trouvée dans un tombeau de la rue Prilep à Varna,
et qui sont de véritables petites merveilles.
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Sélection d’ouvrages présentés en hommage
lors des séances 2015 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
La dernière partie du catalogue entretient le lecteur de la religion des Thraces, où des
dieux et déesses du panthéon grec viennent rejoindre de multiples divinités tribales. Les
images rudes que reflètent les trésors de Letnitsa et surtout de Rogozen aident à
apprécier le choix qu’ils ont fait parmi les figures de la mythologie hellène pour les
mêler à leurs croyances.
Voilà donc un catalogue qui, tout en perpétuant par de belles pages le souvenir d’une
brillante exposition, enregistre les avancées considérables qui ont été réalisées dans la
connaissance historique par l’archéologie sur le sol de la Thrace antique, et où la
collaboration entre savants français et bulgares a joué un rôle majeur. »
Alain PASQUIER
Le 16 octobre 2015
L’épopée des rois thraces,
des guerres médiques aux invasions celtes
Musée du Louvre
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