Un francophile à la tête du KVS
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Un francophile à la tête du KVS
Le Soir Samedi 23 et dimanche 24 avril 2016 LACULTURE 51 Un francophile à la tête du KVS SCÈNES L’ouverture à de nouveaux publics Michael De Cock prend les rênes du Théâtre Royal Flamand. Quelle vision pour une capitale mal aimée de la Flandre ? Quelle place pour les jeunes ? RENCONTRE ncien directeur de t,arsenaal à Malines, Michael De Cock arrive à la barre du KVS, succédant à Jan Goossens, qui est appelé à diriger le Festival de Marseille. Hasard des mandats, c’est dans quelques semaines que l’on saura qui succède à Jean-Louis Colinet pour diriger le Théâtre National. Dans une ville comme Bruxelles, au vivre-ensemble malmené, les attentes sont grandes envers ces hauts lieux culturels qui sont censés révolutionner nos modes de pensée et retisser du lien entre les communautés. Michael De Cock, 43 ans, avance quelques idées. quête de nouvelles voix urbaines. Le projet MAPping Brussel établira une cartographie artistique et alternative de la capitale, avec des performances in situ et des balades en ligne. Les sessions SlOW (Slam our world) enverront des pointures internationales dans les rues pour concocter des soirées slam et saisir, en vers, l’âme de la ville. Dans Malcom X, l’activiste américain inspirera des acteurs, musiciens, danseurs et slameurs pour questionner Bruxelles aujourd’hui. Pour finir d’irriguer la diversité de son terreau, le KVS lance des auditions ouvertes, pour trouver notamment un jeune Ulysse de moins de 18 ans qui rejoindra Odysseus, spectacle avec 24 acteurs, écrit par Michael De Cock. A S’ouvrir encore aux francophones Le symbole est fort ! La nouvelle saison du KVS s’ouvrira avec Cold Blood de Jaco Van Dormael et Michèle Anne De Mey. Un chef-d’œuvre du théâtre francophone, mais qui se jouera pour la première fois en version Séduire les jeunes Michael De Cock veut renforcer les liens entre Bruxelles et son théâtre. © DANNY WILLEMS. flamande, avant la reprise de la version originale en français. Le même Jaco Van Dormael devient artiste en résidence au KVS. « Jaco continuera de faire ses films, mais j’avais envie de lui donner une petite île pour créer », précise Michael De Cock, vrai passionné de la culture francophone. Il a étudié la littérature française à Anvers et à Caen, a consa- cré sa licence au théâtre de Nathalie Sarraute et a largement collaboré, comme metteur en scène et directeur, avec des scènes francophones comme le Manège Mons. Il va sans dire que le projet Toernee General, entre le KVS et le Théâtre National (artistes des deux communautés), se poursuivra, au moins la saison prochaine, la suite dépendant du nouveau directeur du Théâtre National. La diversité bruxelloise Ce qui frappe dans ce KVS nouveau, c’est la diversité. Rien qu’à voir le nom des artistes en résidence – Lisbeth Gruwez, Mesut Arslan, Sachli Gholamalizad, Rashif El Kaoui, Ultima Vez, Josse De Pauw, Valentijn Dhaenens, Junior Mthombeni, Fikry El Azzouzi, Jaco Van Dormael, Jessica Fanhan –, on comprend que le KVS se veut interculturel et intergénérationnel. « En Flandre, on en est encore à se demander si c’est possible de faire de la diversité. Ce n’est plus le moment de faire des débats, il faut juste le faire ! » Michael De Cock n’habite pas Bruxelles mais il y a fait ses études, au Conservatoire de Bruxelles, et veut approfondir les liens avec une ville aux multiples facettes. Une bande de dramaturges partira en « Pour attirer les jeunes, il faut qu’ils se sentent représentés sur la scène, mais il faut aussi adapter nos prix. On ne peut pas se plaindre de ne pas avoir de jeunes quand on fait des spectacles à des prix qu’ils ne peuvent pas se permettre », dit celui qui a imaginé des initiatives détonantes, comme le « Pay as you want » : pour certaines représentations, le public paie ce qu’il veut à la sortie du spectacle. « Il faut pouvoir adapter notre communication, toucher un public qui ne lit pas les journaux, s’inspirer d’événements urbains où on ne recrute pas les gens au mois de mai, mais où on leur envoie un SMS quelques jours avant pour leur donner rendezvous dans un lieu qu’ils ne connaissent pas. » Michael De Cock veut casser l’image bourgeoise du théâtre, avec un lieu qui ne serait pas qu’une salle de spectacle le soir, mais qui serait ouvert toute la journée avec un café, des concerts, des ateliers, etc. Le nouveau directeur introduit aussi le théâtre jeune public au KVS, avec un spectacle sur l’immigration, Kamyon, qui se déroule à l’intérieur d’un camion et sillonnera la ville. BRUXELLES The place to be A contre-courant de certains discours anti-Bruxelles déversés récemment par certains intellectuels et politiques flamands, Michael De Cock redore le tableau. « Il y a ici une ouverture au monde. Cette ville EST le monde. Sa population est l’avenir de la Flandre, de la Belgique, de l’Europe en général. Le monde change et Bruxelles est en avance par rapport à cela. C’est le moment de se regarder dans les yeux, de se redresser, de faire du chemin ensemble. Bruxelles, au niveau artistique, est la ville la plus intéressante du moment, justement parce qu’il y a ces clashs de culture, des gens qui arrivent de partout. J’ai lu que Bruxelles est le nouveau Berlin. En tout cas, il s’y passe énormément de choses. Quand je voyage à l’international, je remarque que tout le monde veut collaborer avec Bruxelles. De la France à Istanbul, il y a une grande curiosité pour ce qui se passe ici. Le KVS doit tout faire pour parler avec la ville en traduisant sa diversité dans les pièces mais aussi en invitant des pièces de renommée mondiale. » Là où Jan Goossens privilégiait des thèmes – la pauvreté, la Palestine, le Congo –, Michael De Cock préfère dialoguer avec les artistes. Malgré tout, des fils rouges émergent, comme la figure du héros : ce sera Ulysse dans Odysseus ou Jésus dans Mockumentary of a contemporary saviour de Wim Vandekeybus. Josse De Pauw questionne l’héroïsme qui pousse certains jeunes à poser des bombes aujourd’hui dans De Helden. On retrouvera aussi d’autres repères de la scène flamande : Alain Platel, Tristero, Ontroerend Goed, Joan Simons, etc. ■ CATHERINE MAKEREEL je dirais même plus Alain Berenboom Ecrivain REMARQUABLE FOCUS VIF ESSENTIEL LE SOIR EFFICACE PREMIÈRE HALETANT MOUSTIQUE POUR SAUVER SON PAYS, IL FAUT SAVOIR LE TRAHIR ACTUELLEMENT AU CINÉMA Bxl Destroy un ministre se plante, ce n’est jamais Q uand parce qu’il a fait une er- reur – jamais. C’est à cause d’un défaut de communication. Ses collaborateurs ont mal expliqué son action, déformé ses propos. Dans son for intérieur, il pense surtout que les citoyens n’ont rien compris. Sont pas toujours malins, malins, les citoyens. L’effondrement de l’économie dans le centre de Bruxelles, son image dégradée ? La capitale aussi est victime d’une mauvaise communication. La réalité est beaucoup moins noire que ne le racontent ces sacrés journalistes. Et les gens adorent gémir. De quoi se plaint-on ? Le métro ne roule plus depuis un mois en soirée alors qu’à Paris, il fonctionnait dès le lendemain des attentats ? Et alors ? Pas de métro est bon pour l’économie : cela oblige les gens à faire appel aux taxis qui justement se plaignaient de la concurrence d’Uber. Voilà la preuve qu’un secteur peut être sauvé par la crise sécuritaire. D’un mal, on fait un bien. L’effondrement des tunnels, du viaduc ? Un autre exemple de mauvaise communication. Quel buzz aurait pu faire la région en transformant toutes ces catastrophes en opportunités, mieux en spectacles. Au lieu de décourager les automobilistes de traverser la ville et d’effrayer les touristes en jumelant Bruxelles avec Alep, un office de tourisme audacieux aurait dû fabriquer un événement : Bruxelles vous offre en direct la destruction de ses ouvrages d’art. On aurait installé des chaises devant le tunnel Stéphanie, devant Montgomery ! On attend la nuit, l’éclairage public éteint, pendant que retentit Wagner, crac, tout s’effondre ! Un show catastrophe magnifique avec sons et lumières – et un peu de poussières d’amiante, sans doute mais on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs. Les séances de la Chambre aussi auraient pu être métamorphosées en attractions, avec vente de tickets, boissons et photos dédicacées. Au lieu de cacher honteusement M. Jambon dans une petite salle de commission, il fallait l’exhiber à Forest national, organiser un face-à-face avec l’opposition en s’inspirant de « Règlement de comptes à OK Corral ». Avec de la poudre, de l’adrénaline, le bon, la brute et le truand. Et Jacqueline Galant ? On avait sous la main Cat Ballou, Ma Dalton et Calamity Jane réunies et on l’a laissée partir sur la pointe de ses petits pieds ? Alors que, sur la scène, faisant face à une bande de cow-boys bien décidés à l’abattre, on aurait joué à bureaux fermés. Personne n’a pensé à ça ? C’est à s’arracher les cheveux ! La preuve une fois de plus de la place insignifiante de la culture en Belgique et du mépris dans lequel la tiennent les politiques. Alda Greoli a du pain sur la planche mais estelle prête à mettre l’imagination au pouvoir ? www.berenboom.com 51