Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Il n`est pas si

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Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Il n`est pas si
ALLOCUTION DE CHRISTIAN ECKERT, SECRÉTAIRE D'ETAT AU BUDGET
Visite de l'ARJEL - 27 avril 2015
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Il n'est pas si fréquent qu'un Ministre du Budget se rende à l'Autorité de Régulation des Jeux
en Ligne (ARJEL). Il m'a pourtant paru utile de venir rencontrer ses équipes et de vous
présenter les mesures que le Gouvernement entend prendre pour améliorer encore la
protection des joueurs et la prévention du jeu excessif.
Ma présence parmi vous aujourd'hui est l'occasion de rappeler que le Ministre du Budget a
parmi ses responsabilités la régulation des jeux. Il s'agit là d'une compétence finalement peu
connue de nos concitoyens, alors qu'elle concerne la vie quotidienne de millions de Français
qui, chaque jour, achètent un jeu instantané, parient sur une course hippique, jouent au loto ou
se connectent sur les sites agréés par l'ARJEL. J'attache, pour ma part, un intérêt particulier à
ce volet de mes responsabilités ministérielles, puisqu'il touche à des enjeux tout à fait
essentiels de finances publiques bien sûr, mais également d'ordre public et social, et de santé
publique.
Je veux saluer la qualité de l'intervention de l'ARJEL qui joue un rôle primordial, depuis
2010, dans la régulation des activités en ligne ouvertes à la concurrence : paris sportifs, paris
hippiques et poker.
L'autorité s'est attachée à construire un encadrement efficace de ce nouveau secteur d'activité .
Elle est un pivot essentiel de la protection des joueurs, du contrôle des activités en ligne, et de
la construction d'une offre de jeu équilibrée et sécurisée. Elle contribue aussi à la réflexion sur
l'évolution économique et le développement du secteur.
Bien entendu la lutte contre l'offre illégale est un combat de chaque jour mais le jeu en vaut la
chandelle – si j'ose dire ! : l'offre illégale est une menace pour l'équilibre des finances
publiques et le modèle économique des opérateurs agréés mais aussi et peut-être surtout pour
la sécurité et la santé des joueurs.
Je tiens donc à remercier son président, Charles Coppolani, pour son accueil ce matin, mais
aussi et surtout pour son implication de tous les instants à la tête de l'institution.
Bien connu de la « maison Bercy », puisque vous dirigiez précédemment le contrôle général
économique et financier, vous aviez acquis dès avant votre nomination à l'ARJEL une
connaissance fine du secteur, en votre qualité de Président de l'observatoire des jeux, fonction
que vous exercez depuis 2011. Votre nom a donc assez naturellement émergé lorsque votre
prédécesseur, Jean-François Vilotte, a quitté la présidence de l'autorité de façon anticipée.
Je voudrais pour entamer cette conférence de presse établir une forme de bilan, près de cinq
ans après l'ouverture du marché.
Cette réforme visait à mettre en place une offre légale encadrée pour juguler le développement
d'une offre souterraine plus risquée pour le public comme je le disais à l'instant. De fait, grâce
à l'action de l'ARJEL, les sites légaux en « .fr » ont assez largement pris le pas sur l'offre
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illégale s'agissant des segments ouverts à la concurrence. L'étude publiée par l'Observatoire
des Jeux à l'été 2013 sur « les jeux d'argent et de hasard sur Internet en France » démontre
ainsi que l'offre illégale représente désormais moins de 10 % du secteur en concurrence.
Cette même étude a néanmoins démontré que le dispositif de régulation et de contrôle méritait
d'être ajusté et renforcé, afin notamment de mieux lutter contre les opérateurs proposant les
jeux les plus addictifs. L'étude a ainsi mis en évidence que la fréquentation de sites illégaux
demeurait non négligeable, concentrée notamment sur les jeux de casino, machine à sous, et
autres jeux exclus du champ de l'offre ouverte en raison précisément de leur dangerosité. La
prévalence du jeu problématique est en effet la plus élevée sur ces activités : près du tiers des
joueurs en ligne ayant joué à des machines à sous ont une pratique excessive.
C'est la raison pour laquelle un volet « jeux » a été intégré à loi relative à la consommation de
2014. Il accorde à l'Autorité des moyens juridiques supplémentaires notamment dans la lutte
contre l'offre illégale. Sa capacité d'agir a ainsi été étendue à toutes les formes de jeu d'argent
en ligne, et à la publicité pour ces sites.
En parallèle, l'offre légale a été sécurisée, pour ancrer l'idée que les joueurs peuvent s'inscrire
en toute confiance sur les sites des opérateurs agréés, alors qu'ils ont tout à craindre,
notamment en termes de fraude ou de manipulation, s'ils s'aventurent sur les sites illégaux :
les sommes déposées par les joueurs sur les sites agréés doivent désormais être garanties par
l'opérateur, afin de les prémunir contre la perte de leurs avoirs en cas de défaillance. Cela
renforce significativement l'attractivité de l'offre légale par rapport à l'offre souterraine.
L'ARJEL s'est totalement saisie de ces nouveaux outils. Depuis votre prise de fonction,
Monsieur le Président, vous avez en effet tenu à donner une impulsion spécifique sur la
question de la lutte contre l'offre illégale : je ne peux que vous en féliciter, et vous encourager
à poursuivre les efforts dans cette voie.
Il y a adjoint un engagement ferme sur un autre enjeu, parfaitement complémentaire : la
promotion du jeu responsable. En effet, réguler le marché du jeu en ligne repose sur la
responsabilisation des opérateurs autant que des joueurs. La nouvelle étude de l'Observatoire
des Jeux, de l'INPES et de l'OFDT, présentée le 16 avril confirme l'importance cruciale de
cette question pour l'ensemble des segments de jeu, y compris naturellement pour le jeu en
ligne qui comporte des risques d'addiction spécifiques compte tenu notamment de sa
disponibilité permanente.
Sur un échantillon très large de 16.000 individus de 15 à 75 ans, l'enquête met en évidence
une forte augmentation de la prévalence du jeu par rapport à la précédente étude menée en
2010 : elle atteint désormais 56%, soit une hausse de 10 points. Cette hausse de la prévalence
n'est pas en soi problématique, dès lors qu'elle repose sur le modèle de jeu que nous
souhaitons promouvoir : un jeu non-intensif, purement ludique et récréatif, modéré et
responsable.
Or l'étude montre que ce modèle n'est pas exempt de fragilité, ce qui impose une vigilance
permanente. Ainsi, le jeu excessif concerne environ 200.000 personnes, un chiffre
relativement stable. Le jeu « à risque modéré », en revanche, constitue un sujet de
préoccupation croissante : il concerne aujourd'hui 2,2% de la population contre moins de 1%
il y a 5 ans. Une partie de cette hausse s'explique par une amélioration de la méthodologie, qui
permet un repérage plus efficace, mais la réalité du phénomène ne peut être occultée.
Plus frappant encore, l'étude met en évidence une véritable alerte sur le jeu des mineurs :
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malgré l'interdiction légale, près d'un jeune de 15 à 17 ans sur trois déclare avoir joué au
moins une fois dans l'année, notamment à des jeux de grattage.
L'ARJEL est en première ligne pour contrecarrer cette tendance. Ainsi, les modérateurs
imposés aux joueurs en ligne et les bonnes pratiques diffusées par l'ARJEL ont permis de faire
reculer de 8,3 % à 6,6 %, entre 2010 et 2012, la proportion de joueurs excessifs sur internet.
La mise en ligne du site internet d'auto-évaluation qui vient de vous être présenté est une
nouvelle brique apportée à cet édifice. Elle constituera à la fois un outil d'auto-sensibilisation
et un instrument d'objectivation du risque éventuel pour l'entourage des joueurs.
Ce site a été conçu par l'ARJEL, avec l'aide des experts les plus reconnus dans le domaine du
jeu responsable, notamment :
le Dr Marc Valleur, dont je tiens à saluer l'action à la tête de l'hôpital Marmottan ainsi
qu'en tant que membre de la COJEX et du collège de l'ARJEL ;
Mme Achour, et son organisme d'aide aux joueurs SOS Joueurs.
L'outil de l'ARJEL repose sur la méthodologie de l'Indice Canadien du Jeu Excessif (ICJE),
mondialement reconnu et évalué scientifiquement, utilisé également par l'Observatoire des
Jeux dans son étude. Ce site a donc vocation à s'imposer comme un outil de prévention de
référence, pour aider les joueurs à autoévaluer leur pratique et à obtenir des conseils
personnalisés, tout en respectant pleinement leur anonymat.
Avec recul tant sur l'ouverture du marché des jeux en ligne que sur la loi relative à la
consommation, je crois pouvoir dire que l'Autorité remplit son rôle efficacement et sait
approfondir et renouveler ses outils.
Le Gouvernement lui aussi fait sa part du chemin pour promouvoir le jeu responsable. J'ai
ainsi souhaité que plusieurs mesures soient intégrées dans le projet de loi relatif au numérique,
en cours de préparation et que présenteront prochainement Emmanuel Macron et Axelle
Lemaire :
Premièrement, les missions de l'ARJEL, telles que fixées par la loi, seront élargies afin d'y
inclure explicitement la lutte contre le jeu excessif ou pathologique. Non pas que l'ARJEL soit
aujourd'hui inactive dans ce domaine - le site Evalujeu qui vient d'être présenté prouve le
contraire. Mais l'élargissement de ses missions, qui revêt évidemment une portée symbolique,
aura également des conséquences concrètes : les données transmises par les opérateurs
pourront ainsi être utilisées à des fins de santé publique – pour le repérage des joueurs
problématiques, en particulier – et non plus seulement, comme aujourd'hui, dans le but de
contrôler la régularité des opérations et de prévenir la fraude ou le blanchiment.
L'ARJEL me semble particulièrement apte à opérer ce repérage préventif : l'analyse doit en
effet porter sur l'activité globale de jeu d'une personne, auprès de l'ensemble des opérateurs
dont elle est cliente, et non uniquement auprès de tel ou tel opérateur agréé pris séparément.
Son action en la matière respectera naturellement la législation sur les données personnelles.
Elle pourra utilement s'appuyer sur les structures de recherche ou d'aide aux joueurs, comme
c'est déjà le cas pour le site d'autoévaluation.
Deuxièmement, toujours dans un souci de prévention du jeu excessif, les joueurs de poker
bénéficieront de modérateurs du temps de jeu, qui complèteront les modérateurs
« classiques » sur les mises. Plusieurs études récentes ont en effet démontré l'efficacité de tels
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dispositifs, parfois supérieure encore aux limites monétaires.
Troisièmement, les procédures judiciaires que mène l'ARJEL à l'encontre des opérateurs
illégaux seront simplifiées, pour en réduire les délais et les coûts, et en accroître d'autant
l'efficacité. Il s'agit d'autoriser l'ARJEL à n'agir qu'en direction des fournisseurs d'accès à
internet, sans avoir à agir simultanément contre l'hébergeur. En effet, cette contrainte est
actuellement complexe à mettre en œuvre lorsque l'hébergeur – et c'est presque toujours le cas
– est implanté hors de France, et surtout elle s'avère trop souvent vaine car le site illégal peut
aisément riposter en changeant tout simplement et rapidement d'hébergeur.
D'autres mesures sont encore à l'étude : il pourra s'agir notamment de confier à l'ARJEL la
capacité d'organiser des médiations entre joueurs et opérateurs, rôle que l'autorité a déjà
développé de façon informelle, en tant que « facilitateur », mais qu'il est sans doute opportun
de conforter et de formaliser, d'autant que la règlementation européenne nous y invite.
Nous réfléchissons également aux moyens de renforcer l'attractivité des jeux proposés par les
opérateurs agréés, afin de réduire l'attrait que peut avoir l'offre illégale pour certains joueurs :
l'ARJEL travaille notamment sur l'idée de conclure des accords avec certains de ses
homologues européens, en vue de permettre l'organisation de parties de poker communes et
donc co-régulées à la fois par l'ARJEL et une autorité européenne partenaire. J'avais manifesté
mon accord de principe mais l'avait conditionné à l'accord de Tracfin et du Ministère de
l'Intérieur. Ils ont été obtenus en fin de semaine, je m'en félicite. La possibilité d'ouvrir des
tables européennes est une proposition utile car elle contribuera à assécher l'offre illégale
grâce au renforcement de l'attractivité de l'offre légale.
Je n'élude pas la question du réseau physique. C'est sur ce segment que le jeu des mineurs,
que j'évoquais il y a un instant, est le plus problématique : essentiellement à travers les jeux de
grattage, et secondairement via les paris sportifs et les jeux de tirage. J'ai longuement abordé
cette question lors de ma rencontre récente avec Hélène Gisserot, présidente de la COJEX. Le
Gouvernement s'est saisi de ce problème dès 2013, en mettant en place un bonus « jeu
responsable » consenti aux détaillants du réseau de la Française des Jeux qui respectent un
certain nombre d'engagements relatifs au jeu responsable, au tout premier rang desquels
figure la prévention du jeu des mineurs. L'ensemble des plus de 30.000 points de vente du
réseau est contrôlé chaque année par la FdJ, et les manquements relevés – qui demeurent
heureusement marginaux – sont réprimés : plus de 500 sanctions financières ont été
prononcées en 2014. Afin d'améliorer l'efficacité pédagogique de ce dispositif, j'ai demandé à
la présidente de la FdJ qu'un bilan précis de l'application de ce bonus me soit présenté, ainsi
qu'à la COJEX, et que des perspectives de renforcement soient proposées.
Qu'il s'agisse de lutter contre l'offre illégale, de renforcer l'attractivité de l'offre légale, de
prévenir le jeu excessif, l'objectif est toujours le même : offrir aux Français un cadre de jeu
récréatif, sûr, encadré. Cet objectif est celui du Gouvernement, dans sa régulation du réseau
sous monopole ; il est pleinement partagé par l'ARJEL s'agissant de l'offre concurrentielle.
Les mesures que nous avons prises depuis 2012, celles que nous souhaitons mettre en œuvr et
que je viens de vous présenter, sont autant de jalons dans la construction de cette offre
responsable.
Je vous remercie.
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