RFI - Calder, sculpteur du mouvement

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RFI - Calder, sculpteur du mouvement
RFI - Calder, sculpteur du mouvement
C’était avant les Stabiles monumentaux qui ont fait le tour de la planète. Autrement dit bien avant le début
des années 1940. Quand Calder, ingénieur de formation et illustrateur de profession, débarque à Paris
en juillet 1926, son nom n’est connu de personne. De bricolages (terme qu’il affectionnait
particulièrement), il n’est même pas encore question. Ce n’est qu’à l’automne, après avoir rencontré un
fabricant de jouets, qu’il se lance dans la confection de canards, poissons et autres chevaux en bois dont
quelques exemplaires sont d’ailleurs présentés dans la seconde partie de l’exposition, deux étages plus
bas.
Cette dimension ludique guidera de nouveau sa main deux ans plus tard quand, reprenant cette fois
ce thème si cher aux artistes du cirque, il créera son fameux Cirque Calder dont les représentations,
lui en marionnettiste penché sur la piste aux étoiles et ses proches en musiciens-techniciens, feront
courir le tout Paris avant-gardiste. Dans les « gradins » se bousculeront les Miro, Picasso, Duchamp,
Léger, Foujita (bientôt réquisitionné pour donner un coup de main), Cocteau et autres Man Ray.
Calder en Monsieur Loyal
Du reste quand le visiteur pénètre dans la première
salle de l’exposition, il est comme catapulté sur la piste
du Cirque Calder, tombant nez à nez avec le film
inédit de Jean Painlevé réalisé en 1927 lors d’une
performance avec, au générique, tout le petit monde de
Calder depuis l’avaleur de sabre jusqu’à la danseuse en
passant par le dompteur et son lion sans oublier le
clown, tous constitués de fil de fer et habillés de
morceaux de tissus, bouchons, caoutchouc et bouts
de laine. « En créant ce spectacle très coloré,
plein de gouaille et d’humour, Calder cherche
à se faire connaitre des collectionneurs et des
artistes. Ce sera d’ailleurs un succès et c’est
à partir de là qu’il se lance vraiment dans la
sculpture bricolée, du jamais vu jusqu’alors »,
explique Brigitte Léal, la commissaire de l’exposition. Il
déclinera ainsi toute la famille circassienne dans des
numéros d’équilibristes absolument prodigieux. Témoin,
La famille en fil de cuivre (1929) soit six acrobates
juchés sur les épaules herculéennes du père. Au cours
de cette même année 1929, il réalise son premier
"Cirque Calder", Alexander Calder (1926-1931).
portrait en fil de fer « fait à main levée, avec la
© Calder Foundation, New York/ ADAGP.
rapidité normalement réservée au dessin ».
Son modèle n’est autre que Kiki de Montparnasse, la muse des artistes montants. Il vient d’inventer « le
dessin dans l’espace ».
Portraits de ses amis artistes ou des membres du Cirque Fratellini… L’exposition les convoque tous,
dans une mise en scène de toute beauté, restituant la magie de ses sculptures transparentes et
néanmoins étonnamment habitées et dont la présence est justement mise en relief grâce au jeu sur les
ombres portées qui contribue à souligner plus encore la délicatesse, la tendresse (même dans la
caricature) et la grâce de ces pièces, par ailleurs souvent drôles et touchantes, « à la fois
sophistiquées et rudimentaires », ajoutera Brigitte Léal : « Il est dans l’antithèse de la
sculpture traditionnelle. Abandonnant les matériaux habituels, délaissant le socle, il
travaille sur le vide et la transparence. Et bien sûr, sur le mouvement. C'est en cela
qu'il est révolutionnaire ».
La sculpture dans l’espace
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Et de fait, les visages qui tombent du plafond
paraissent s’animer. Itou pour les grandes sculptures
de Joséphine Baker, au nombre de quatre, qui
semblent danser le charleston dans l’espace. A partir
d’un métal très froid comme le fer, Calder réussit le tour
de force de donner vie à un monde joyeux, ludique et
généreux.
S’il n’abandonnera pas ce travail sur le mouvement
considéré comme un élément de la composition à part
entière, sa rencontre en 1930 avec Piet Mondrian, lui
aussi installé à Paris, l’amène toutefois à abandonner la
sculpture figurative et humoristique pour l’abstraction.
« L’année 1930 marque un tournant dans la
carrière de Calder. En visitant l’atelier de
Mondrian il a une révélation mystique,
métaphysique ». En 1931, il réalise sa toute
première sculpture suspendue, il vient d’inventer « la
"Portrait de Joan Miró", Alexander Calder (vers 1930). sculpture mécanomorphe, en constante
© Calder Foundation, New York/ ADAGP.
métamorphose sous l’impact du souffle de
l’air ou sous l’impulsion d’un moteur ou d’une manivelle. Ce principe de la sculpture
vivante sera repris ensuite par des artistes comme Tinguely ». Ses sculptures renvoient
désormais à l’ordre cosmique de l’univers.
Dès 1932, la reconnaissance est au rendez-vous. En février, la galerie Vignon à Paris présente une
trentaine de ses œuvres. Les « mobiles » de Calder - terme trouvé par Marcel Duchamp - deviennent
des « Stabiles », vocable inventé par Jean Arp. Stabiles qui n’atteignent pas encore les dimensions
monumentales qu’on leur connaitra par la suite, notamment à partir de 1937 et le Devil Fish, le premier
Stabile agrandi de Calder.
Et la petite sphère s'anima...
Durant l’été 1933, les Calder quitte la France pour rentrer aux Etats-Unis. Le sculpteur conservera
toutefois un atelier en Touraine. Du reste, en 1937, il exposera sa Fontaine de mercure aux côtés du
Guernica de Picasso et du Faucheur de Miro au pavillon espagnol de l’Exposition internationale à
Paris marquant ainsi, au-delà de son engagement politique, son attachement à cette Europe qui l’aura vu
« naître ». Mais c’est déjà une autre histoire.
Pour l’heure, c’est avec Small Sphere and Heavy Sphere (1932-33) que se referme l’exposition
soit une installation de bouteilles vides et de boites de conserve en métal ou en bois récupérées dans les
poubelles qui émettent des sons pour peu que la plus petite des deux balles vienne les percuter, au gré
de sa course. Sandy Rower, le petit-fils de Calder présent pour l’ouverture de l’exposition, accepte bien
volontiers de mettre cette sculpture en mouvement. En le voyant ainsi les pieds déchaussés et le corps
penché sur l’installation, on pense aussitôt à son grand-père qui, à notre arrivée, nous invitait au cirque.
Et d'ailleurs, c'est sans la moindre hésitation que l'on repart sur nos pas pour un nouveau tour de piste.
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