Georges Feydeau en quelques questions

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Georges Feydeau en quelques questions
Georges Feydeau en quelques questions
Ciel mon Feydeau ! L’auteur de Feu la mère de Madame ! ou d'Un fil
à la patte est absolument partout. Dans les théâtres privés mais aussi, chose
plus nouvelle, dans sur les scènes subventionnées. Au delà de
l’incontournable triangle mari-femme-amant, l’auteur cultive un humour
bien plus subtil qu’il n’y paraît et tricote des mécaniques savamment
huilées.
1. Qui était Georges ?
On connaît – plus ou moins – son œuvre, ou au moins ses titres phares, moins les
grandes lignes de sa carrière, et de son existence. Pourtant sa vie est un roman. Etait-il le vrai fils
de son père, l’écrivain Ernest Feydeau ? Sa mère, Lodzia Zelewska, aurait été la maîtresse du duc
de Morny et même de Napoléon III. Est-ce pour cela que l’adultère tient une place centrale dans
son œuvre ?
Plutôt brillant, le petit Georges quitte le lycée en troisième. S'étant juré de devenir le plus
grand vaudevilliste de son époque, il se consacre entièrement au théâtre. Il écrit donc avec
fougue, livre des monologues et des imitations dans les soirées mondaines…
Après dix ans d’échecs relatifs, il triomphe à 29 ans, avec Monsieur chasse. Puisant
notamment son inspiration chez Maxim’s et sur les grands boulevards parisiens, il collectionne
alors les succès : Un fil à la patte, L’Hôtel du libre échange, Le Dindon, La puce à l’oreille, On purge bébé,
La Dame de chez Maxim, dont son biographe Henri Gidel dira que « c’est le Soulier de satin du
vaudeville ».
Au rythme d’une à quatre pièces par an, l’auteur-metteur en scène dévoile une production
foisonnante. Au total, une quarantaine de pièces, et de nombreux monologues. Celui qui sera
l’ami de Flaubert et de Théophile Gautier prend la relève de son illustre prédécesseur, Eugène
Labiche, et conduit le vaudeville vers des sommets. Pourtant le rire ne soigne pas de tout. Il
s’éteint en 1921 à l’âge de 58 ans, après avoir passé deux ans interné, en raison de troubles
psychiques liés à la syphilis dont il souffrait…
2. La recette ?
Feydeau, c’est entendu, ça fait rire. Tout le monde, ou presque. Au cœur de ses pièces, un
triangle amoureux fréquent : le mari-la femme-l’amant, mais pas seulement. Le comique de
situation régit tout. Chez Feydeau, c’est folie et dérapage à tous les étages. Des surprises, des
quiproquos, des malentendus en cascade, des rebondissements totalement improbables, des
portes qui claquent et des amants dans le placard… Pour se sortir des difficultés, ses personnages
s’enlisent dans des difficultés plus grandes encore. La machine s’emballe, et c’est un tourbillon
absurde qui se met en place, provoquant immanquablement un rire franc, décomplexé. L’auteur
construit une mécanique de précision. La condition sine qua non des éclats de rire, c’est qu’elle
soit ultra-huilée dans les adaptations qu’on en livre.
Autres incontournables de ses pièces, un sens du rythme, une langue soignée, une écriture
ciselée. Des bonnes blagues, des calembours, des formules qui font mouche… Pour n’en citer
que quelques-unes : « C'est avec les sourds qu'on s'entend le mieux », « Elle respire la vertu. Mais
elle est tout de suite essoufflée », « J'aime encore mieux du sale argent qu'on a que du propre
argent qu'on n'a plus », « L'argent ne fait pas le bonheur. C'est même à se demander pourquoi les
riches y tiennent tant » ou encore « Moi, je trouve qu'on doit avoir les mêmes égards pour sa
maîtresse que pour sa légitime. Par conséquent, je la trompe ! »
3. Grosses ficelles ou fine peinture de la société ?
Bien sûr, Feydeau explore le registre de la farce, mais aussi celui de la comédie de mœurs.
Il croque ses contemporains avec un sens aigu de l’observation, un regard acéré. Et joue les
sociologues avant l’heure en mettant en scène des bourgeois qu’il moque et en fustigeant
l’intimité du couple.
Jean-Louis Martinelli évoque les nombreux présupposés qui entourent l’auteur : « La
fascination de la France pour la littérature et le bien écrit font que Feydeau a pu être considéré
comme mineur, son théâtre n’a pas toujours été considéré justement (…) Mais sur notre histoire
et ce qu’il en est de la société bourgeoise, Feydeau nous en apprend plus que beaucoup d’autres. »
Source : Fluctuat.net