Pratique de l׳hypnose en soins palliatifs

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Pratique de l׳hypnose en soins palliatifs
Pratique de l’hypnose en
soins palliatifs
Dr Véronique DAREES
PH Equipe Mobile de Soins Palliatifs
GH Hôpitaux Universitaires Paris-Seine-Saint-Denis
Soins palliatifs
► Soins
actifs délivrés à des patients atteints
d’une maladie grave, évolutive et de
pronostic létal.
► Proposés pour des symptômes difficiles
§
§
§
Douleur
Dyspnée
Angoisse
► Là
où se trouve le malade
► Aide à la prise de décision
Rappel de fondamentaux
« Je ferai tout pour soulager les souffrances.
Je ne prolongerai pas les agonies.
Je ne provoquerai pas la mort
délibérément. »
Le serment d’Hippocrate
« Eloigne de moi l’idée que je peux tout »
Prière de Maïmonide ou Moïse Ibn Maïmoun
Le thérapeute en soins palliatifs
► Il
est thérapeute par son comportement
► Il est assis
► Il se met dans une posture d’égalité
► Le plus possible dans l’empathie : « capacité
à partager les émotions de l’autre sans
confusion entre soi et l’autre » Jean DECETY
► Le plus possible dans la disponibilité
Hypnose
Dans la mythologie grecque, Thanatos,
le dieu de la mort est le frère d’Hypnos,
dieu du sommeil.
L’hypnose en analgésie peut aider à
transformer la perception du message
douloureux
En soins palliatifs elle peut aider le
patient à réinvestir ce temps qui précède la
mort.
Hypnose: une définition
« relation thérapeutique s’accompagnant d’un
état d’attention et d’échanges favorable à
des changements de pensées et de
sensations »
Ou bien
Expérience subjective proposée pour
revisiter les symptômes ou la situation
difficile
La transe va permettre de « modifier ses
perceptions, sensations, émotions,
pensées et comportements »
Définition élaborée par l’Executive Comitee de l’APA, Division of
Psychological Hypnosis. www.apa.org
La mienne?
Expérience qui va permettre d’accéder à
un peu plus de confort, ici et maintenant
Exercice de détente
Voyage imaginaire vers un lieu de
sécurité (« safe-place »)
Possibilité de répéter soi-même l’exercice
et ainsi de disposer d’un outil toujours
disponible
Hypnose ou veille paradoxale = 4ème
état de l’organisme
4
1
Veille
3
Rêve
Veille paradoxale
2
Sommeil
Hypnose: quelques indications
► Douleur: transformer le message
► Anxiété: apprendre à la contrôler
► Rendre
un soin plus confortable
► Distorsion du temps
► Stress post-traumatique (l’annonce, le soin
douloureux)
► En
fin de vie: en fonction des symptômes, safe-
place
Hypnose et douleur
► Réduction
de la sensation douloureuse
induite par la suggestion hypnotique
► La suggestion hypnotique modifie
sélectivement l’activité cérébrale au niveau
des région cingulaire et insulaire, sièges de
la composante affectivo-émotionnelle de la
douleur
Rainville P. et al, Science 1997,; 277-968
Hypnose: l’alliance
► Entretien
préalable: connaitre le patient, ses canaux
sensoriels, proposer une « expérience », un
« exercice »
► Recherche du canal sensoriel préférentiel (VAKOG)
► Utilisation de l’environnement immédiat
► Détermination d’objectifs « raisonnables »: un peu
plus de confort, un peu moins de colère, un peu plus
d’estime de soi, un meilleur sommeil…
► C’est l’alliance thérapeutique, préalable
indispensable à toute relation de soins
Céline
45 ans, un cancer du poumon découvert il y a 4 mois,
à l’occasion du radiographie pulmonaire faite dans
l’intention d’arrêter de fumer
3ème ligne de traitement, des complications sévères,
sous chimiothérapie orale actuellement
Je propose l’hypnose pour l’aider à gérer une toux,
sèche, dyspnéisante, rebelle aux opiacés
Des cartes postales de Bretagne et des têtes
d’hortensia dans un vase m’incitent à lui proposer un
voyage
Elle se promène sur la plage, enlève ses chaussures,
trempe ses pieds dans l’eau
Le temps de la séance, elle est très calme, ne tousse
plus
Induction
► Brouillage:
provoquer une certaine désorientation
par la parole, le changement de siège, de position,
d’éclairage
► Focalisation
§ Fixer un point, yeux ouverts ou fermés
§ Concentration sur la respiration par exemple (toujours
disponible)
► Le
champ de la conscience est focalisé de sorte
que l’attention consciente à l’environnement est
réduite et permet de passer de la perception à la
représentation.
Geneviève: le ballon
58 ans, 2 pathologies graves: un myélome et un
cancer de l’utérus. Le myélome a été traité par Velcade®
qui a entraîné des douleurs neuropathiques invalidantes.
La communication n’est pas facile.
Un ex-mari agressif, une fille de 19 ans enceinte et à
la maison, une fille ainée mariée avec un enfant mais peu
aidante. Des problèmes d’argent.
Le ballon dans ses mains, lui permet de laisser filer un
peu de son angoisse au fur et à mesure qu’il se dégonfle, il
lui permet aussi de laisser couler ses larmes pour la
première fois.
Perceptude
► Le
terme appartient à François Roustang et
désigne l’ état de la conscience à la fin de
l’induction
► L’environnement immédiat est estompé
► Elle permet l’émergence des pensées
inconscientes, sans la censure de l’esprit
conscient
► C’est un lieu de création, de réparation
Christiane et sa valise
70 ans, un cancer du pancréas en cours de diagnostic,
des douleurs abdominales sévères qu’elle compare
spontanément à une morsure d’animal (ce sont des hyènes
dit-elle).
Au cours de la séance, elle va enfermer ses douleurs
et ses peurs dans une valise, qu’elle va fermer à clé puis
enfermer la valise dans le placard qu’elle ferme à clé
également.
le relation thérapeutique s’en trouve allégée par la
suite: elle renonce à chronométrer le travail des soignants,
elle lâche prise autant qu’elle le peut.
Retour
► Le
retour se fait de toute façon
► Le temps d’une séance est libre et dépend
de la situation à traiter
► Les patients disent le plus souvent que
« c’était trop court »
► Il leur est demandé après le retour, de
s’exprimer sur leur ressenti pendant la
séance
Pierre: un petit moment d’exception
70 ans, cholangiocarcinome. Un caractère difficile très
négatif. Il est toujours dans la résistance passive. Il est
marié a un fils de 40 ans.
Je le connais bien, depuis 18 mois, et c’est pourquoi je
fais une induction mixte, sans l’avertir en lui demandant de
se concentrer sur mon stylo. Lorsque je pense qu’il est
prêt, je lui demande de me raconter un moment de sa vie
où il s’est senti « véritablement heureux ».
Et il se met à raconter la naissance de son fils. C’est la
première fois qu’il évoque ce fils, sujet qu’il évite
soigneusement car ce fils, adulte, est schizophrène et vit
chez eux.
La séance lui a permis d’accéder à un petit moment de
paix.
Hypnose conversationnelle
Hypnose conversationnelle
► Fixation
de l’attention
► Intériorisation
► Extériorisation par le langage, le
paralangage et le corporel
► Langage analogique
► Amélioration de la communication
► Utilisation du langage à des fins
thérapeutiques
Fawzi : une annonce difficile
34 ans, un volumineux sarcome de la cuisse en impasse
thérapeutique, et des douleurs sévères.
Je propose au collègue oncologue de l’accompagner pour
l’annonce de l’arrêt des soins spécifiques. Pendant l’entretien,
je modifie notre position dans la pièce, et nous prenons place
sur des sièges. Je constate un apaisement de l’atmosphère.
Une fois seule avec lui, je lui fais reprendre les termes de
l’entretien en les validant à chaque fois: absence de
traitement, progression de la maladie, la mort à la fin (c’est
lui qui parle).
Là encore, il pleure, mais sa colère s’est apaisée, il peut
de nouveau entrer en communication.
Quelques points communs
entre pratique de l’hypnose et
de la médecine palliative
1. L’hypnose comme thérapie
complémentaire du cancer
► Permet
d’améliorer la tolérance aux
traitements et la qualité de vie
► Les prescripteurs de thérapies
complémentaires sont réputés avoir une
écoute plus longue, proposent une approche
globale
Dilhuidy JM, Oncologie (2004) 6 :268-274 : Les médecines
complémentaires et alternatives en cancérologie : constat et
problématiques
2. Douleur et souffrance
►«
Schématiquement, les antalgiques sont là
pour la douleur et l’hypnose pour la
souffrance »
Bioy A. et Wood C. Iatrogénie et hypnose dans le champ de la
douleur, Doul. et Analg. (2008) 21 :169-173
► L’hypnose
se présente comme un outil qui
va permettre d’améliorer le vécu des
patients douloureux
3. Alliance thérapeutique
► Préalable
indispensable à toute relation de
soins
► Rassurer le patient sur l’absence de
manipulation mentale
► Thérapie centrée sur le résultat plutôt que
sur le processus
► Proposer d’expérimenter la possibilité de se
détacher des symptômes
4. Temps suspendu
► L’hypnose
permet de modifier la perception
du temps qui passe
► L’enseignement de l’autohypnose est
particulièrement utile
► Le temps qui précède la mort est comme
étiré ou contracté
► Il semble habité, utile, riche de sens
► Permet le travail de détachement: « travail
du trépas » (Michel de M’Uzan, De l’art à la mort)
L’hypnose fait du bien au soignant
► Le
soignant confronté à un patient en situation
palliative se sent malheureux car confronté à l’échec
des thérapeutiques.
► Il se trouve démuni de sa toute puissance supposée.
► Malgré un traitement symptomatique maitrisé, il voit
que le patient n’est pas soulagé aussi bien qu’il le
voudrait.
► L’hypnose permet comprendre et d’accepter qu’une
part du traitement appartient au patient.
Echecs de l’hypnose
Ø La bulle du patient est impénétrable
Ø
Ø
Ø
Ø
Il y a un trouble important de la communication
(surdité par exemple) ou de la compréhension
Patient déjà retranché dans un sas entre la vie et
la mort
En cas d’acutisation des symptômes en particulier
l’agitation pré-mortem
Contre-indications de l’hypnose : psychose, délire,
démence sévère (le patient est déjà dissocié)
Conclusion
L’hypnose a tout à fait sa place dans
l’accompagnement en soins palliatifs, comme
pratique de soins intégrée dans la relation
humaine et non pas comme une technique ou un
outil plaqué sur une prise en charge. L’objectif
premier de la médecine n’est-il pas « d’aider le
patient à vivre avec plaisir le corps qu’il est en
dépit des vicissitudes du corps qu’il a? »
Malherbe JF. Sujet de vie ou objet de soins ?
Introduction à la pratique de l’éthique. Fidès 2008 ; 21.