Migration et gouvernance urbaine : deux thématiques

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Migration et gouvernance urbaine : deux thématiques
Migration et gouvernance urbaine : deux thématiques
fondamentales et indissociables dans le cadre de la
reconstruction de la ville de Port-au-Prince
Richener NOEL, URD
Avril 2012
Résumé
Les villes haïtiennes se trouvent présentement dans une situation très cruciale. Déjà sousdéveloppé, Port-au-Prince a été surpris dès les premiers moments des grands flux migratoires
des années 60 et 70. Aujourd’hui encore, les questions d’habitat, d’infrastructure urbaine, de
planification urbaine et de développement urbain sont toujours d’actualité et se posent dans
les mêmes termes qu’à cette période. Sinon, la situation a dégénéré jusqu’à devenir
apparemment irrémédiable. Une transition urbaine qui n’en finit pas. Ce propos tente de
montrer que la migration rurale évoquée à tort et à raison n’est pas la raison du maldéveloppement de la ville. L’exode rural est au contraire intégré dans le contexte d’un
processus historique et sociologique de quête de mieux-être des populations rurales. L’échec
urbain à Port-au-Prince et en Haïti en général s’explique par le fait que les politiques ne
pouvaient comprendre que la non-intégration des migrants dans un cadre productif formel
ou légal, l’absence de planification urbaine et de fortes institutions pouvaient déboucher sur
un processus d’auto-occupation très corsé de l’espace et une organisation adaptée à cette
réalité. Et, le « poteau-mitan» de ce processus de reconstruction est le remembrement des
institutions territoriales de gouvernance urbaine.
1
Sommaire
Introduction ................................................................................................................................. 3
1.
Éléments historiques et caractéristiques de la migration en Haïti ........................................... 5
« La traite verte » : ................................................................................................................... 5
Vers l’Amérique du nord et l’Europe avant 1950 ........................................................................ 5
Deuxième moitié du XXe siècle :................................................................................................ 5
2. Contexte et facteurs de la migration : pauvreté, désenchantement de la paysannerie,
changement culturel et nécessité de l’amélioration de cadre de vie ............................................... 7
Des changements culturels ....................................................................................................... 8
3. La migration vers Port-au-Prince ............................................................................................... 9
L’ère de la migration vers les villes haïtiennes ........................................................................... 9
4. Effet de la migration sur le développement de la ville .............................................................. 12
5. Renforcement des structures de gouvernance urbaine ............................................................ 15
Aux faiblesses structurelles et institutionnelles ....................................................................... 15
Vers la valorisation des connaissances et des techniques de planification au service de la gestion
urbaine. ................................................................................................................................. 17
Conclusion : ............................................................................................................................... 18
Bibliographie .............................................................................................................................. 19
2
Introduction
Dans les pays du nord, le XIXe siècle marque le début de l’époque de l’urbanisation. Les
paysans, attirés par les nouveaux débouchés apportés par l’industrialisation, envahissent les
villes et y provoquent un important bouleversement. La gestion de ces espaces devenus très
grands et assez complexes se pose alors comme un grand défi et les problèmes liés à l’urbain
deviennent de véritables préoccupations des politiques et des scientifiques. Cette
préoccupation n’a toutefois pas véritablement infléchi l’élan attractif de la ville (Bailly, Huriot
et al : 1999). Et les nombreuses crises qu’ont connues les villes ont certes causé des
mouvements importants et de graves problèmes (environnemental, économique et social),
mais ne les mettent pas en question comme cadre spatial, culturel et social de vie le plus
prisé de nos époques.
En Haïti, comme dans la plupart des villes du Sud, ce phénomène est relativement récent.
Avant 1950, aucun signal n’avait présagé un essor ou prototype urbain tel qu’on le connaît
aujourd’hui dans le pays ; les villes n’attiraient pas autant de ruraux. La forte dynamique
migratoire rurale connue, avant cette période, concernait surtout d’autres pays de la région.
Cette date est pourtant charnière quant à l’évocation d’une ère marquée par un gain
d’intérêt progressif pour la ville en Haïti.
Cependant, l’ampleur que prend chaque jour l’occupation sauvage et excessive des espaces
inappropriés dans la région métropolitaine de Port-au-Prince est révélatrice d’un grand
malaise, on dirait d’une grande crise, du passage massif à l’urbain dans le pays. Les contextes
étant différents, l’urbanisation n’a pas produit à tous les niveaux les mêmes effets que dans
d’autres pays de la région de l’Amérique latine, dont la réalité est comparable à celle d’Haïti
sur bien des points. On se pose actuellement les questions « que faire pour éviter que
d’autres migrants continuent à arriver?», « que deviendra cette ville dans cinq ou dix ans ?».
Certaines activités d’aide aux cultivateurs n’ont pour perspective que de stopper ou, du
moins, d’amortir l’élan des gens vers la ville. Cette approche est-elle la bonne ?
La migration est définie comme tout déplacement d'une personne ou d'un groupe de
personnes, soit entre pays, soit dans un pays entre deux lieux situés sur son territoire. La
notion de migration englobe tous les types de mouvements de population impliquant un
changement du lieu de résidence habituelle, quelles que soient leur cause, leur composition,
leur durée, incluant ainsi notamment les mouvements des travailleurs, des réfugiés, des
personnes déplacées ou déracinées (OIM). L’exode rural en Haïti, le volet le plus important
de la migration, n’a pas été motivé par l’industrialisation ni par une forte demande de maind’œuvre dans le secteur des services dans les villes haïtiennes, comme ce fut le cas dans les
villes du Nord – les villes haïtiennes n’ont jamais été attractives. Les ruraux n’ont pas été
accueillis dans des conditions leur permettant de répondre à leur besoin d’emploi, ce qui
accentue une situation de misère urbaine. Cet attrait pour la ville doit être expliqué, bien
sûr, par cette quête de mieux être (éducation, emploi, accès au service de base, etc.), mais
aussi par la dégradation avérée et le contexte de désenchantement de la vie rurale. La ville,
en dépit de ses faiblesses, semble représenter un bien meilleur espace de combat pour la
survie. C’est peut-être la raison pour laquelle les villes continuent d’attirer plus de monde.
Le séisme du 12 janvier 2010 a envenimé davantage la situation. La catastrophe a mis à nu
3
les faiblesses organisationnelles, le manque de planification et l’absence des politiques
publiques en matière d’urbanisme, qui dans de rares cas où elles existent ne peuvent être
appliquées, pour cause de manque de cadre opérationnel. D’ailleurs, beaucoup de gens, à
Port-au-Prince émettent l’hypothèse d’une augmentation de la population dans la capitale
après le séisme. Ils se basent sur l’idée que l’afflux de l’aide humanitaire, la possibilité de
s’établir modestement dans n’importe quel espace sans la moindre contrainte, pourraient
être, entre autres, des facteurs d’intensification de l’attraction des gens dans la zone
métropolitaine.
Au niveau des autorités haïtiennes, elles ont émis l’idée que le séisme doit être une bonne
occasion pour repenser le cadre urbain de la capitale. Deux ans après, elles semblent
s’écarter de ce discours, car il s’avère plus difficile de traduire les intentions en des projets
élaborés. En même temps, les gens, des acteurs eux aussi du processus, ont leurs propres
stratégies. Ils sont capables d’apprivoiser le territoire urbain par eux-mêmes et de défier les
autorités de leur plan. Le problème est donc plus corsé et les solutions semblent dépendre
d’actions plus concertées et décisives.
Quel est l’historique et le sens de la migration rurale à Port-au-Prince ? Quels sont ses
impacts sur le développement de la ville ? Comment faire en sorte que l’envahissement des
rurbains ne soit pas davantage une occasion une de chute pour la Capitale et ainsi limiter les
dégâts dans l’éventualité d’une prochaine catastrophe?
Dans cet article, nous tenterons donc de procéder à l’intelligibilité de ce binôme migration et
reconstruction urbaine, en parlant renforcement des institutions territoriales, à Port-auPrince. Nous aborderons le dysfonctionnement institutionnel et ses impacts sur l’occupation
de l’espace par les rurbains. Ainsi, sous un angle fonctionnel et de manière analytique, nous
allons montrer que la migration n’est pas la raison du mal développement de la ville. L’exode
rural au contraire doit être situé dans le contexte d’un processus historique, peut-être
irréversible. Pour le besoin de l’analyse, nous présumons qu’il est nécessaire pour
approvisionner la ville en travailleurs, d’une part ; parce que, le milieu rural ne saurait
assurer le bien-être des populations, d’autre part. Notre propos constitue aussi un plaidoyer
pour une réflexion plus approfondie sur la migration interne en Haïti en ce moment
d’incertitude sur la voie à suivre pour la reconstruction.
On verra que notre concept s’articulera autour du renforcement institutionnel et structurel
des gouvernements locaux comme étape fondamentale et transversale à toutes les actions
du processus de reconstruction dans la capitale.
4
1. Éléments historiques et caractéristiques de la migration en Haïti
« La traite verte » : La question migratoire a été véritablement posée en Haïti, un peu après
l’occupation étasunienne de 1915. Le processus de remembrement des grands domaines
situés dans les grandes plaines du pays a conduit à la fermeture de nombreuses petites
entreprises agricoles et familiales desquelles vivaient bon nombre de paysans sans terre.
Cette situation a fabriqué un prolétariat rural d’un genre nouveau1. En conséquence, un
nombre croissant de paysans, dépossédés ou éjectés de leurs anciennes activités et de leur
terre, ont été contraints de se rendre massivement vers la République Dominicaine et Cuba.
Ces deux pays possédaient déjà des mises en place agro-industrielles capitalistes qui
nécessitaient de la main-d’œuvre haïtienne à bon marché pour répondre à leurs besoins en
denrées (Casimir : 2006). D’après Lundhal (1982), entre 1913 et 1932, plus de 400 000
haïtiens se rendent ainsi à Cuba, et presque autant vers la République Dominicaine. En tout,
de 1911 à 1937, on a dénombré 223 843 cas de migration légale rien que vers Cuba. Il est à
remarquer que cette force de travail a été utilisée dans des conditions d’exploitation
maximale dans les plantations de canne à sucre. Ces modalités de travail ont même été
souvent comparées à l’esclavage (Corten : 1972, cité par (Icart : 1997). Les procédés de
voyage, de gestion et de traitement des migrants ont été très macabres. Cette migration
n’ayant rapport qu’à la saison de la récolte de la canne a pris le nom de « traite verte ». Ces
questions ne sont pas l’objet de ce papier, si ce n’est pour placer la migration dans une
perspective historique.
Constituée de jeunes pour la plupart, cette migration saisonnière massive bouleversa
énormément la vie rurale haïtienne. Elle a aussi fragilisé les sociétés d’accueil et engendré
des comportements répulsifs, suite à la crise du sucre connue après les années 30. On allait
ainsi assister à la déportation des Haïtiens qui cherchaient à s’y adapter de manière
permanente ; plus de 8 000 cas en juillet 1934, plus de 30 000, entre 1936 et 1937, sont
recensés, auxquels il faut ajouter des cas de tortures, de persécution et même d’assassinats.
En République Dominicaine, la situation dégénéra jusqu’au point culminant du massacre
d’environ 15 000 Haïtiens en 1937. En 1938, il ne restait que 80 000 Haïtiens à Cuba contre
60 000 en République Dominicaine. À Cuba, bien que le flux migratoire ne perdura pas audelà des années 60, il reste une importante communauté constituée majoritairement de
descendants d’Haïtiens migrés à cette période (données tirées de Walter F. Wilcox : 1969,
Mats Lundhal : 1982, Suzy Castor : 1971 par Icart, idem p. 36).
Vers l’Amérique du nord et l’Europe avant 1950 : A partir de 1930, le phénomène de
migration scolaire de la classe moyenne haïtienne vers l’Europe prend de l’ampleur. Et à
partir de 1940, l’Amérique du Nord commence elle aussi à attirer les Haïtiens ; on comptait
alors une communauté haïtienne de plus de 5 000 personnes à New-York.
Deuxième moitié du XXe siècle : Sous le régime des Duvalier, la migration haïtienne
s’intensifie encore davantage. Entre 1960 et 1970, les courants migratoires d’Haïtiens vers
Bahamas, Venezuela et les Antilles françaises sont assez considérables. Les Haïtiens partent
1
Dorvilier Fritz, Les causes de la crise de la transition démographique en Haïti : une analyse néoinstitutionnelle, http://www.google.ht/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=0CCMQFjAA&ur
l=http%3A%2F%2Fwww.uclouvain.be%2Fcps%2Fucl%2Fdoc%2Fdemo%2Fdocuments%2FDorvillier.pdf&ei=14
aIT-ioLIn49QSVoZz6CQ&usg=AFQjCNH2TCRLutPi8ZGvcItuwajKNAN96Q, consulté le 10 avril 2010.
5
dans les quatre directions. Il s’agit de plusieurs types de migrations : migration scolaire,
migration permanente, migration à relais, migration d’exil, migration légale et illégale, etc.
La décennie des années 60 marque le début de l’ère de la fuite des cerveaux d’Haïti. « Vers
le milieu des années 60, 80% des professionnels haïtiens se trouvaient à l’étranger : l’OEA et
l’ONU avaient plus d’économistes haïtiens sur leurs listes de paye que le Gouvernement
haïtien. En 1969, seulement 3 des 246 diplômés de la Faculté de Médecine de l’Université
d’État d’Haïti, entre 1959 et 1969, pratiquaient dans le pays. Entre 1970, il y avait plus de
médecins haïtiens à New York ou à Montréal qu’en Haïti (King, cité par Icart, Idem, p. 38) ».
Parallèlement à ces migrants de la classe moyenne urbaine qui partent plus ou moins sur
une base légale, les données sont plus qu’abondantes pour décrire l’énormité de gens qui
prennent des options illégales et informelles vers la République Dominicaine, Cuba,
l’Amérique du Nord et les Antilles. Les boat-people sont les migrants irréguliers les plus
célèbres. Il n’est pas facile aujourd’hui de faire le décompte d’Haïtiens ou de leurs
descendants à l’étranger; le ministre des Haïtiens vivant à l’étranger en estime le nombre à 4
millions en 2010, soit plus de 3 Haïtiens sur 10.
Graphique 1 : vue générale des flux migratoires des Haïtiens avec les principales dates
jusqu’à 19802
Ce graphique nous montre qu’un nombre significatif d’Haïtiens se trouvaient dans les pays
de l’Afrique de l’ouest nouvellement indépendants. Ces Haïtiens pour la plupart allaient se
2
Georges Anglade (1982). Espace et liberté. Éditons ERCE, Montréal : Version numérique disponible en ligne,
file:///D:/0212OH_Data/0212OH_URD/Bureau/Migration%20en%20Ha%C3%AFti/atlas_critique_haiti_intro.ht
ml, consulté le 8 avril 2012.
6
trouver quelques années après en Amérique du Nord.
La migration n’est donc pas un phénomène nouveau, pas plus que ne le sont ses effets sur la
société. Elle implique des gens de plusieurs catégories sociales3. « Nul n’est plus important
dans l’Haïti contemporaine que l’émigration (Girault ; 1975, cité par Icart) ».
2. Contexte et facteurs de la migration : pauvreté, désenchantement de la
paysannerie, changement culturel et nécessité de l’amélioration de cadre de
vie
Sur le plan économique sévit dans les milieux ruraux une très nette décroissance. Ce constat
a été fait dès le XIXe siècle, mais la situation allait s’aggraver à partir des années 50. La
dépravation environnementale dont l’érosion des sols, l’augmentation de la population qui
engendre la diminution de l’espace moyen cultivable par paysan (moins d’un hectare en
moyenne par habitant vers la fin du XXe siècle), l’archaïsme des techniques et des moyens
de productions agricoles, les problèmes fonciers, les mauvais choix ou le déficit en matière
de politiques agricoles sont parmi les causes de cette paupérisation. L’agriculture de type
extensif caractérisée par la jachère ne peut aucunement assurer un niveau de vie décent au
cultivateur et à sa famille.
À noter que le pays en entier vit depuis 1950 une décroissance économique progressive et
remarquable. À l’exception des années 70, on a toujours chiffré des taux de croissance
négatifs du PIB national (-2,0% de 1980 à 1990, et de -2,7% de 1990 à 2000). En même
temps, on assiste à la réduction de la contribution du secteur agricole dans la richesse
nationale, qui regroupe à lui seul plus de 49% des actifs global du pays et de 93% en milieu
rural; elle est passée de 30,9% en 1996 à 26,2% en 2000, à 25,4% en 2006 et à 23.9 en 20114.
Le milieu rural connaît une très forte augmentation de sa population et parallèlement une
très forte décroissance en termes de production et de rentabilité. Cette réduction de la
paysannerie n’est pas compensée par les autres secteurs, car le PIB national ne cesse de
diminuer.
Paul Moral décrit une paysannerie d’une pauvreté extrême :
L’alimentation paysanne se caractérise par son extrême irrégularité journalière et
saisonnière. Des enquêtes fragmentaires donnent des chiffres inférieurs à une
consommation journalière de 1500 calories. Dans les régions les plus sèches du pays, la
menace de la disette est toujours latente. La malnutrition aggrave l’état sanitaire du monde
rural, le manque d’hygiène est absolu et général. La famille rurale s’alimente en eau à la
3
À noter que la diaspora haïtienne joue un rôle fondamental dans la société haïtienne. Au niveau
socioéconomique, elle participe à la survie de nombreuses familles, en envoyant plus de 1 500 Millions de
Dollars chaque année et d’autres ressources en Haïti et en y faisant des investissements significatifs,
notamment dans le secteur du logement. De plus, elle se mobilise pour soutenir les institutions haïtiennes
(comme par exemple dans la santé). Après la catastrophe du 12 janvier, cet appui a pris une forme encore plus
évidente en participant à la réponse à tous les niveaux (ce qui revête d’une extrême importance dans ce
contexte) (Grünewald et al, Décembre 2011).
4
Banque République d’Haïti ; Banque Mondiale, Rapport sur le développement dans le monde. Combattre la
pauvreté, Washington, Banque Mondiale, 2001 ; Doura F., Économie d’Haïti. Dépendance, crises et
développement, Tome 2, Montréal, Les Éditions AMI, 2002.
7
rivière, au canal ou à la mare. Les campagnes n’ont pratiquement pas de médecins et leur
5
isolement se traduit également par l’analphabétisme quasi général .
Dorvillier permet aussi de saisir brièvement la situation rurale à travers le paragraphe
suivant :
Et, sur le plan spatial, il ressort que le milieu rural (63% de la population) contribue
davantage à la pauvreté extrême ; l’incidence de la pauvreté et de l’extrême pauvreté y
est largement plus importante. S’agissant de la pauvreté extrême, elle est trois fois plus
élevée que dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince. La grande majorité des pauvres
du pays (74%) habite donc en milieu rural, où l’agriculture représente paradoxalement la
principale activité génératrice de revenus et où les services sociaux de base sont quasi
6
inexistants .
Ces données décrivent un monde rural en perte de vitesse en termes de proportion, mais qui
continue de progresser en valeur absolue. Le pays reste encore un des pays détenant le plus
fort taux de population rurale au monde (plus de 50% en 2011).
Des changements culturels. Les transformations qui s’opèrent dans la paysannerie haïtienne
ne sont pas seulement économiques, mais aussi culturelles et sociales (Faustin : 2003). Les
paysans, très attachés à la terre et qui voulaient surtout léguer un héritage foncier et des
techniques agricoles à leurs enfants réclamaient l’éducation à l’instar des urbains. Ces
changements sont soutenus et décrits par de nombreux auteurs haïtiens. En effet, dès 1883,
Louis Joseph Janvier, à partir des observations de la situation de la paysannerie prévoyait des
perspectives douloureuses pour l’avenir du pays : « La structure agraire, le renforcement du
latifundisme condamnent Haïti à avoir le sort de l’Irlande. Être une gueuse avec des paysans
exploités7» ; mais les élites haïtiennes ne se préoccupaient guère de cette crise annoncée.
L’écrivain-auteur représente donc l’un des premiers tenant dans la lutte pour la fin de la
dualité ville-campagne. En 1972, Hubert De Ronceray fait le constat suivant : « Les couches
sociales démunies n’acceptent plus l’ignorance comme un fait normal admissible. La volonté
de changement s’affirme comme une pression accrue sur le système éducationnel.
L’éducation constitue l’une des aspirations essentielles des masses (p. 59)». Le sociologue
Claude Souffrant (1995), présentant la macrocéphalie rurale comme une anomalie, voit la
décroissance de la paysannerie comme la résultante d’une situation de crise mettant face à
5
Paul
Moral
(Le
paysan
haïtien) ?
Cité
par
INTERKERKELIJKE
ORGANISATIE
VOOR
INTWIKKELINGSSAMENWERKING (ICCO) (mars 2008). État des lieux de la sécurité alimentaire (Rapport).
Version électronique page 12-13. Ce rapport fait état de multiples plaidoyers, depuis les années ‘20-‘30, avec
Jean Price Mars dans « La vocation des élites » et à travers ses conférences dans les grandes villes du pays en
essayant d’alerter les classes dirigeantes et dominantes d’Haïti sur leur responsabilité face à l’abandon du
milieu rural et les menaces de crises graves qui s’annoncent pour le pays. Il mentionne aussi la commission
Rosenberg des Nations Unis en 1949 qui avait aussi souligné les défaillances socio-économiques du pays et le
niveau de pauvreté d’alors en ces termes: «Une industrie insignifiante, une structure agraire très limitée devant
satisfaire les nécessités d’une population croissante, à revenu limité pouvant à peine couvrir ses besoins en
matière d’aliments, de vêtements et de logement et dont le niveau de vie est tellement bas qu’on ne peut le
réduire d’avantage (p. 13)». Rémy Bastien (1951), développe le même point de vue d’un monde rural un
monde particulier, coupé du reste de la société urbaine.
6
Op. cit., p.7.
7
Louis Joseph Janvier : les Affaires d’Haïti, p. 162 cité par G. Pierre-Charles (L’économie haïtienne et sa voie de
développement : 1967).
8
face un ordre ancien et un ordre nouveau. Il cite (p. 87) l’ethnologue Roger Dorsainvil (1986)
qui a prévu l’effacement de la base agricole sur laquelle reposait Haïti. Il évoque aussi (p. 98)
Jacques Stephen Alexis qui voyait dans l’exode rural un moyen de fuir l’isolement rural et
d’augmenter les luttes sociales urbaines. Le sociologue laisse comprendre qu’il ne voit
aucune raison d’avoir peur de La fin des paysans, qui est normalement une tendance
mondiale et inévitable. Il plaide en faveur d’un paysan mobile qui puisse s’adapter au monde
nouveau en améliorant ses conditions d’existence.
L’exode rural se situe donc dans ce contexte des changements internes caractérisés par une
nouvelle dynamique des paysans, qui ne veulent plus supporter la même exclusion
historique et les effets négatifs de la société à deux vitesses, la dichotomie ville-campagne8.
D’ailleurs, pour beaucoup de familles rurales le fait de s’adonner uniquement à la culture de
la terre constitue une raison pour rester dans la pauvreté. La migration rurale s’inscrit dans
ce mouvement de quête de mieux-être et de début d’un citoyen-paysan plus actif et même
« militant », car pendant longtemps ils n’ont pas été considérés comme des ayants-droit par
l’État et les élites urbaines9. Les gens sont intelligents et savent comment et à quel moment
réagir à une situation donnée. La migration constitue ainsi une stratégie individuelle et
familiale (Samuel : 1978).
3. La migration vers Port-au-Prince
L’ère de la migration vers les villes haïtiennes : Hormis la migration internationale, la
migration interne constitue elle aussi un phénomène très important. À partir de la deuxième
moitié du XXe siècle, timidement, mais selon un rythme croissant, l’exode vers les villes
haïtiennes est enclenché, ce qui fait que cette période marque le début d’un long processus
d’urbanisation dans le pays. Toutes les villes principales haïtiennes10 sont concernées par
l’ampleur de cette réalité. Certaines servent de relais ; les ruraux s’y établissent pour
atteindre d’autres villes. D’autres sont de véritables pôles d’attraction, comme les grands
centres régionaux et Port-au-Prince.
8
Outre sur plan économique, il y a une abondante littérature décrivant dans les faits cette situation
défavorable envers les paysans sur le plan culturel et éducatif. Certains auteurs évoquent, sur le plan culturel,
un paysan perçu péjorativement, comme un « citoyen » de second rang ; on aura créé termes pour plâtrer
cette perception, «Nèg mòn », nèg « andeyò », littéralement « Nègre morne », « nègre en dehors » (Bastien,
D’Ans : 1987, Denis : 1958, Delince : 1993, etc.). Sur le plan éducatif, bon nombre d’entre eux font état de
l’existence de deux systèmes éducatif : rural et urbain, (Chéry : 2001, Trouillot : 2003).
9
Michel Rolph Trouillot (1986) a montré comment l’occupation du pays en 1915 par les Américains a renforcé
le système d’exploitation de la paysannerie en renforçant le rôle du café dans los exportations et la
contribution des impôts douaniers au maintien de l’État. Du coup augmentant la prouesse sur les cultivateurs,
la masse paysanne. Lequel État n’était qu’au service des élites urbaines. Il a même évoqué le terme
« parasitaire » pour expliquer cette forme d’exploitation à la sangsue des ressources de la plus-value du travail
paysan. Il indique à travers des chiffres « De 1916–21 à 1932–33, l’apport du café aux exportations passait de
67% à 78%, augmentant ainsi la dépendance inhérente à la monoculture, malgré la création de diverses
enclaves de plantation Pendant toute la durée de l’occupation, le café représenta environ 74% de la valeur
totale des exportations ». Et, durant les dernières années de l’occupation, les impôts de douane représentaient
80 à 83% des recettes totales de l’État.
10
Villes ayant une influence sur une population plus ou moins grande et dans un rayon plus ou moins long. On
trouve principalement dans cette catégorie, les chefs-lieux des départements et certaines villes des chefs-lieux
des arrondissements.
9
La question migratoire est devenue une importante préoccupation à Port-au-Prince,
précisément à partir du recensement de 1971. De moins de 150 000 en 1950, la population
passe à près de 500 000 âmes, soit un accroissement de plus de 200%. Même si en partie
cette augmentation peut s’expliquer par un fort taux d’accroissement interne (4,1% par an),
la migration interurbaine et l’exode rural constituent un facteur explicatif essentiel. Ces
chiffres montrent d’ailleurs un processus d’urbanisation à une vitesse de croisière, à plus de
10% l’an. Ce rythme de croissance est constaté dans le recensement général de la
population de 1982 (plus de 800 000 habitants dans la région métropolitaine).
Tableau 1.- Évolution de la population selon le milieu de résidence
Milieu de résidence
1950
1971
Ensemble du pays
3 097 220
4 329 991
Urbain
377 355
880 551
Rural
2 719 865
3 449 440
11
Institut haïtien de statistiques et d’informatique (IHSI)
1982
2003
5 053 190
1 042 102
4 011 088
8 373 750
3 418 508
4 011 088
En 1971, au moment où les villes commencent à subir les effets de migration de masse, les
études de la Division d’Analyse et de Recherche Démographiques (DARD) de l’Institut Haïtien
de Statistique et d’Informatique (IHSI : 2000) ont montré que le département du Sud était le
plus grand pourvoyeur de ruraux et le département de l’Ouest leur destination la plus prisée.
En termes de causalité, les recherches ont permis de constater que les communes les plus
urbanisées ont perdu moins de leurs populations par la migration, tandis que celles qui ont
des proportions très élevées de leur Population Économiquement Active (PEA) en agriculture
ont connu de plus fortes émigrations de leur population (Duval : mai 2005). En ce sens, il est
logique d’affirmer que les migrants sont généralement des ruraux et les populations
déplacées sont surtout en quête d’activités économiques.
Graphique 2 : Évolution de la population de la région métropolitaine de Port-au-Prince par
rapport au pays en général à partir de 1950
3 500 000
3 000 000
2 500 000
2 000 000
1 500 000
1 000 000
500 000
0
Population
urbaine totale
1950
1971
1982
2003
Population
urbaine de la
région
métropolitaine de
Port-au-Prince
11
État de la population au Recensement de 1971, Résultats anticipés au Recensement Général de la Population
et du Logement de 1982 et Recensement General de la Population et de l’Habitat de 2003, Port-au-Prince, 2009.
10
Le choix de se diriger massivement vers Port-au-Prince, Georges Anglade l’explique à partir
de son approche géohistorique basée sur le concept de métropolisation (1982) 12 . Le
phénomène « port-au-princien » constitue, pour lui, la dernière des trois grandes formes de
structuration dans l’évolution de l’espace haïtien. L’auteur voulait surtout expliquer la
relation qui existe entre l'espace, la formation de l'État et de la Nation. « Deux processus
sont à la base de cette liaison : les étapes de la construction d'un marché national et
l'évolution des modalités d'exercice des pouvoirs (pp. 10-11) ». En tout premier lieu, il
mentionne « l’espace morcelé », qui est caractéristique de la période coloniale. À cette
étape, le territoire s’organise en habitations qui elles-mêmes sont regroupées en paroisses,
jouissant d’une certaine autonomie. Ensuite, on retrouve la « régionalisation de l’espace »,
qui est spécifique du XIXe siècle haïtien (1804-1915). Le pays connaît un ensemble de régions
politiquement autonomes, dans une certaine mesure, car elles ont chacune leurs propres
armées, et économiquement elles établissent leurs propres relations commerciales
internationales à travers les ports ouverts provinciaux. La dernière, la « métropolisation de
l’espace » qui décrit l’aboutissement de la centralisation enclenchée à partir de 1915, date à
partir de laquelle, Port-au-Prince est devenu une balise omnidirectionnelle qui attire et
redistribue tous les flux. Les services, les pouvoirs, les investissements publics comme privés,
etc. y sont concentrés, du coup il est devenu le plus grand miroir d’attraction avec
aujourd’hui plus de 2/3 de la population urbaine du pays. Trouillot (op. cit.) décrit ce
processus de centralisation et ses effets sur la société dans les termes suivants:
(…) L’occupation renforça donc les problèmes économiques les plus importants: la
dépendance et l’extraction d’un surplus massif de la paysannerie par les nonproducteurs.
Mais ce n’était pas tout. L’occupation accéléra la centralisation politique et militaire en
systématisant l’arbitraire et en faisant de la seconde armée d’Haïti l’instrument idéal de
la violence d’État exercée contre la Nation.
L’occupation américaine marqua le commencement de la fin pour les pyramides
régionales. Dans l’année fiscale 1932–1933, Port-au-Prince fournit 47% des reçus de
douanes (69% des importations et 23% des exportations). Cette centralisation contribua
à l’homogénéisation des marchands et des politiciens à la capitale, au renforcement de
leur puissance, et à la croissance des groupes de parasites urbains qui se taillent des
places de choix, toujours de plus en plus coûteuses dans l’appareil d’État. Cette
croissance des groupes parasitaires eut, et continue d’avoir un impact énorme sur la
politique haïtienne.
L’auteur de « Les racines historiques de l’État duvaliérien » a voulu montrer comment les
contradictions au sein de la société haïtienne ont pu engendrer le régime dictatorial des
Duvalier.
La dualité ville-campagne est l’une des formes prises par cette contradiction. Beaucoup
d’auteurs haïtiens l’ont évoqué, avec des données, pour expliquer le mépris de l’État envers
12
Version
numérique
disponible
en
ligne, URL:
http://classiques.uqac.ca/contemporains/anglade_georges/atlas_critique_haiti/atlas_critique_haiti.html
consulté le 2 avril 2012.
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Population Ménages et emploi, Port-au-Prince, p 52.
11
le monde rural, lequel État n’était qu’au service des élites urbaines. Le terme « parasitaire »
utilisé par l’auteur, tout en étant cinglant, campe bien l’idée de cette forme d’exploitation à
la sangsue des ressources de la plus-value du travail paysan. Les statistiques agricoles de la
période de l’occupation du pays par les Américains décrivent le renforcement de ce système
d’exploitation de la paysannerie en renforçant le rôle du café dans les exportations et la
contribution des impôts douaniers au maintien de l’État, du coup augmentant la pression sur
les cultivateurs, la masse paysanne. Il indique, à travers des chiffres « De 1916–21 à 1932–
33, l’apport du café aux exportations passait de 67% à 78%, augmentant ainsi la dépendance
inhérente à la monoculture, malgré la création de diverses enclaves de plantation pendant
toute la durée de l’occupation, le café représenta environ 74% de la valeur totale des
exportations ». Et, durant les dernières années de l’occupation, les impôts de douane
représentaient 80 à 83% des recettes totales de l’État.
4. Effet de la migration sur le développement de la ville
La réalité des bidonvilles n’est pas nouvelle en Haïti. Sous le vocable « quartiers populaires »,
plusieurs auteurs font référence à des quartiers urbains de Port-au-Prince, des Gonaïves et
du Cap-Haïtien qui présentent, dans une certaine mesure, depuis le XIXe siècle, à peu près
les mêmes caractéristiques que les bidonvilles actuels. Séméxant Rouzier (1890), parlant de
Raboteau des Gonaïves, Belair de Port-au-Prince et La Fossette du Cap-Haïtien, évoque tout
simplement des quartiers habités par le peuple dans des conditions de misère en dehors de
toutes infrastructures urbaines. Hubert De Ronceray (op. cit.) présente La Fossette comme
un quartier historiquement marqué par la pauvreté, les luttes, la criminalité, la délinquance
et le banditisme (p. 184). Lamauthe décrit un Port-au-Prince vers 1920 entouré de petits
quartiers où dominent l’insalubrité et la pauvreté. Notons que tous ces quartiers ont pour
origine plus ou moins interne de la population et est surtout liée à la marginalisation des
pauvres urbains.
Cependant, la réalité urbaine actuelle découlant en grande partie de l’exode rural n’est pas
comparable aux quartiers populaires urbains historiquement connus ; au moins en termes
d’ampleur et d’étendue. Il y a non seulement une prise d’assaut de ces quartiers anciens,
mais aussi un déferlement incontrôlé vers les périphéries de la ville, qui, progressivement, a
provoqué cette conurbation entre les différentes villes entourant la commune de Port-auPrince. Hernando De Soto (2005) fait un constat tout à fait alarmant en décrivant la situation
de Port-au-Prince : « constructions incontrôlées, n’importe où, n’importe comment, l’échec
cuisant des structures de gouvernance des services, la ville est devenue invivable » (p. 28).
Dezabas fait une évaluation semblable : « Cette conurbation regroupe à elle seule plus de
1/5ème de la population haïtienne qui correspond à 2/3 de la population urbaine d’Haïti … Le
non-respect des rares articles réglementant de l’urbanisme et la construction, a généré une
vaste tache urbaine qui chaque jour se diffuse un peu plus, grignotant continuellement
plaines et mornes sur près de 80 km2 [il est dans le contexte des années 90] (op. cit., p.
35) ».
À cause du manque de planification et de tout réalisme dans l’appréhension du phénomène,
à chaque situation difficile, les autorités semblent confuses par les effets nocifs de l’exode
rural. Hubert de Ronceray a reconnu que « le processus d’urbanisation à Port-au-Prince a
surpris les services publics au point qu’il paraît difficile d’en contrôler les effets avec
12
efficacité (op. cit. p. 136). »
Hormis certaines recherches commanditées par des ministères et des organisations
internationales, aucun effort sérieux n’a été fait pour accommoder la ville selon les besoins
des populations qui y vivent et y vivront. Aucun grand ouvrage d’aménagement et
d’assainissement n’a été entrepris depuis 1980. Les réponses, quand elles existaient,
n’étaient pas toujours à la hauteur des besoins. Sur le plan éducatif, la faiblesse de la
réponse a provoqué de multiples initiatives individuelles. Plus de 80% des écoles sont
privées dont la grande majorité est informelle et n’a pas les moyens et les structures
nécessaires pour répondre à leur vocation, et en conséquence, offre une formation au
rabais. Sur le plan du logement, la situation est encore plus catastrophique. On assiste
aujourd’hui à la plus grande crise du logement de l’histoire d’Haïti. On pourrait défiler des
exemples dans d’autres secteurs.
Le problème qui se pose est surtout l’absence de la gouvernance urbaine. On n’a jamais pu
faire la mise en place institutionnelle en vue d’organiser la ville. Il en résulte une adaptation
informelle et illégale. L’auteur de Le mystère du capital, pose cet élément essentiel dans
l’étude de la gouvernance de la ville de Port-au-Prince : l’extralégalité. « On estime que 85%
des parcelles urbaines relèvent de la propriété informelle et se trouvent dans l’une ou l’autre
des situations suivantes : elles ont été bâties en violation de lois expresses, ou elles ne
respectent pas les conditions d’utilisation des terrains, ou elles avaient un statut formel au
départ mais sont devenues informelles, ou encore elles ont été construites par les pouvoirs
publics sans respecter les obligations légales (p. 48). » Il admet que ce problème n’est pas dû
à l’afflux des rurbains, ni à la croissance urbaine, puisque beaucoup de villes du monde ont
connu pendant le XXe siècle d’extension et de croissance de manière plus impressionnante
encore, mais s’explique du fait que les politiques ne pouvaient comprendre que le
développement du secteur extralégal et la non-intégration des migrants dans un cadre
productif formel ou légal pouvaient déboucher sur une organisation adaptée à cette réalité à
l’échelle plus large (p.92). Tous les nouveaux arrivés sont appelés à reproduire et produire ce
mode d’occupation et sont capables d’inventer des arrangements extralégaux qui subsistent
aux faibles lois et institutions. Cette auto-occupation de l’espace peut être qualifiée, selon
un terme de l’auteur (p. 27), d’occupation sauvage.
13
Extension vers le sud-ouest (commune de Pétion-Ville)
Bord de mer (Port-au-Prince)
Au lieu d’être profitable, en y apportant de la main-d’œuvre et augmentant le dynamisme
urbain, la capitale ne fait que subir les effets de l’augmentation incontrôlée de sa
population.
Le discours politique dominant en Haïti, précisément après le séisme du 12 janvier 2010,
affirme et fait état de multiples mesures visant à provoquer le phénomène inverse, le retour
des gens dans leurs milieux d’origine ou bien les attirer auprès des villes régionales. Les
termes « pôles de développement » ont souvent été évoqués au moment des dernières
élections présidentielles. Ce discours n’apparaît pas payant puisqu’il ne prend pas en compte
certains paramètres fondamentaux liés à la migration. D’abord, la situation des villes de
province est déjà aussi catastrophique et les risques de détérioration persistent. Ensuite,
l’exode rural est un processus irréversible ; les gens n’ont pas l’intention de retourner. Enfin,
face à la migration, il faut surtout une attitude de responsabilité et le plus grand remède
c’est le développement intégral. Ce discours présuppose un rapport simple de dépendance
entre les provinces et la capitale et voit carrément la décentralisation dans la perspective de
limiter l’accès à la capitale. Par contre, dans la réalité, partout sur le territoire national, là où
les villes laissent le cadre « primitif » ayant existé jusque vers les années 80, la situation s’est
dégradée et est devenue chaotique. Une explication fondamentale : dans les 2 à 3 décennies
qui précèdent, il n’y a pas eu d’activité d’assainissement urbain important et de mise en
place structurelle, tenant compte de l’augmentation de population. L’adaptation à
l’augmentation des populations s’est faite selon ce que peut donner l’auto-occupation des
espaces par les nouveaux occupants. La réalité d’une petite ville n’est différente d’une
grande ville qu’en termes de quantité et d’étendue. Les villes du Cap-Haïtien, des Gonaïves,
de Saint-Marc, de Port-de-Paix, de Miragoâne, pour n’indiquer que celles-ci, ne diffèrent de
Port-au-Prince que sur le plan du volume et de l’espace. Elles sont toutes caractérisées,
entre autres, par la dégénérescence du cadre de vie, la promiscuité, l’insalubrité, la
destruction de l’environnement, l’étalement incontrôlé de l’espace urbain. Il ne s’agit donc
pas d’une question de Port-au-Prince, mais le pays en entier supporte mal la transition
urbaine et fait face à l’important défi urbain. La ville à l’haïtienne ne s’offre pas, dans un
cadre normal et structuré, les moyens d’une telle transition, celle d’une petite ville
« traditionnelle » à une métropole ou un agrégat de volume relativement élevé. Et, partout,
c’est une réalité relativement récente et qui dégénère chaque jour de mal en pis. Dans cette
situation, le Capois qui vit à l’étranger, dans la durée d’une génération, ne se reconnaît
qu’avec beaucoup de difficultés à l’entrée de la ville du Cap, les quartiers sont tellement
défigurés.
Dans l’état actuel des connaissances, des mises en place institutionnelles et des structures
urbaines du pays, les efforts visant à promouvoir l’extension des petites villes ne feront que
généraliser la dépravation urbaine déjà consommée dans les villes importantes.
La pression qu’exerce la vague migratoire dans la quête de s’abriter va contredire la notion
de vocation du sol, car la préoccupation fondamentale des immigrants, c’est de s’abriter,
quel qu’en soit les effets sur l’environnement. D’ailleurs, l’on comprend bien qu’il ne revient
pas à eux de mesurer les conséquences de leurs actions (Démézier : 2008). À Port-au-Prince,
les quartiers résidentiels historiquement connus et les quartiers des catégories aisées sont
14
ceinturés par des habitats pauvres. Chaque jour, « le monstre » prend davantage d’ampleur
en s’étalant vers les plaines et ravines, pentes et plateaux de la périphérie de Port-au-Prince.
5. Renforcement des structures de gouvernance urbaine
La planification urbaine est la principale méthode utilisée par les autorités publiques pour
maîtriser et piloter l’étalement, l’extension ou, du moins, le développement des villes. Elle se
traduit, entre autres, par des schémas d’occupation et d’aménagement de l’espace urbain et
a pour l’une de ses bases : des modèles de croissance de la population. Celle-ci prend en
compte non seulement la croissance interne, mais aussi la migration. L’urbanisation et la
migration sont ainsi un couple conceptuel ; l’une ne peut être abordée sans l’autre.
En mettant à nu l’échec de l’urbanisation en Haïti, le séisme de 12 janvier 2010 a montré
l’ampleur des efforts à déployer pour entamer la reconstruction et le développement de la
ville de Port-au-Prince. Du renforcement des institutions à la mise en place des outils de
pilotage et d’exécution en passant par les investissements massifs dans les infrastructures,
l’idée de repenser la ville, de la rendre vivable et récupérer l’espace abandonné depuis fort
longtemps, s’impose.
La réponse fondamentale à la crise urbaine, c’est le développement économique et social.
Comment résoudre définitivement le problème de l’occupation des rues par le petit
commerce sans la création d’emplois ? Comment créer des emplois sans la croissance
économique ? De toute façon, on devra comprendre que la transition de la ruralité à
l’urbanité constitue essentiellement un pas de l’agriculture vers l’extension des secteurs
secondaire et tertiaire. Seules ces dernières activités sont susceptibles d’employer la maind’œuvre renvoyée de la paysannerie. Il s’agit en premier lieu d’un problème de pauvreté.
Cependant, en évoquant ce sujet de telle sorte, qui est pour le moins essentiel, ne risque-ton pas d’obstruer les éléments du processus interne et factuel de la dégradation de la ville ?
Aux faiblesses structurelles et institutionnelles. L’affaiblissement des institutions de gestion
de la ville est une constante de ces dernières décennies, et semble en corrélation positive
avec le pourrissement de la situation. Les institutions étatiques et territoriales ne peuvent
pas répondre à leurs missions. La mairie qui naturellement, comme l’élément principal dans
la gouvernance locale, devrait appliquer les politiques publiques en matière d’urbanisme, ne
représente aujourd’hui qu’un noyau fonctionnel. On peut constater cette déficience rien que
par son incapacité à répondre aux besoins de la ville. Dans un atelier d’examens et de suivi
(monitoring review) du Programme Emergency Food Security and Livelihoods (EFSL), réalisé
par OXFAM en juillet 2010, la Mairie de Port-au-Prince estime elle-même ne jouer qu’un rôle
de figurant dans des activités en faveur de certains groupes de victimes, tandis qu’elle
devrait être au cœur de tout projet réalisé dans la commune au profit des citoyens. Tout un
ensemble de facteurs ont conduit à cet état de fait. Retenons deux d’entre eux : les modes
d’actions des Organisations non-gouvernementales et internationales et certains
comportements de l’État central.
Les situations difficiles, malgré les souffrances qu’elles infligent, sont des opportunités pour
les institutions de s’évaluer et se renforcer. Le séisme du 12 janvier 2010 a surpris toutes les
15
institutions haïtiennes : publiques comme non-publiques. Personne ne s’est préparé à
l’éventualité d’un tel événement. Aujourd’hui, plus de deux ans après, les modalités de la
réponse et la reconstruction risque principalement d’isoler les institutions locales,
notamment les collectivités. Christine Knudsen de l’UNICEF (citée par Andréanne Martel)13
souligne, en s’appuyant sur l’exemple du séisme de 2010 en Haïti et de l’afflux massif de
centaines d’organisations, qu’une absence de partenariat dès les débuts d’une crise peut
exclure du mécanisme de coordination des partenaires essentiels et que cette exclusion
risque d’affaiblir la réponse en nous privant d’informations, de connaissances et de
ressources. Nous dirions ici que cette situation menace principalement d’étouffer davantage
les capacités d’actions des instances locales. Aujourd’hui la Mairie de Port-au-Prince peut ne
pas apprendre les leçons de la catastrophe, pour se renforcer et aussi pour développer les
« spécialités » des réponses aux crises. Andréanne Martel a bien vu en intercédant pour le
transfert aux autorités publiques d’un pays bénéficiaire le contrôle sur une de ses
prérogatives essentielles : celui de coordonner l’afflux d’aide et d’acteurs sur son territoire
(idem). Malheureusement cet état de fait est déjà récurrent. Le Cadre de Liaison inter-ONG a
fait remarquer que les relations entre ONG et collectivités territoriales sont récentes en Haïti
et jusqu’à aujourd’hui, la mise en place des structures devant permettre le plan de
fonctionnement de ce partenariat tarde encore à venir. Dans la littérature, des auteurs
haïtiens abondent dans le sens que la présence des ONG ne constitue pas seulement une
réponse à la faiblesse de l’État, mais un facteur d’affaiblissement de celui-ci (Sauveur PierreEtienne : 1997).
Des actions gouvernementales contredisent les velléités du renforcement institutionnel. Le
processus d’affaiblissement des institutions a été intensifié ces dernières années, alors que
le Gouvernement haïtien a créé bon nombre de commissions et d’instances, dans beaucoup
de secteurs, liées au Gouvernement même en vue de pallier les problèmes d’efficacité des
pouvoirs publics. Dans la plupart des cas, ces solutions paraissent inappropriées et ne
peuvent résoudre le problème de la gouvernance urbaine. Quel rôle a joué l'Office de
sauvegarde du morne l'Hôpital (OSAMH) par rapport à l’occupation sauvage et la destruction
de cet espace ? Le nouvelliste affirme, sous un ton ironique, que le ministère de l’Intérieur et
des Collectivité territoriales, son ministère de tutelle, a d’autres dossiers en souffrance. La loi
du 27 Août 1963 a décrété "Zone sous protection" le bassin hydrographique de Morne
l’Hôpital (Réf: Moniteur No. 81 du Jeudi 5 Septembre 1963) et la loi du 30 Aout 1963 a
déclaré d’Utilité publique les travaux déjà réalisés et ceux à entreprendre à l’avenir en vue
de la restauration du Morne l’Hôpital (Réf: Moniteur No. 80 du Lundi 2 Septembre 1963).
Ces deux lois indiquent qui et comment entreprendre des travaux à Morne l’Hôpital mais
n’ont pas prévu de cadre opérationnel entre les différentes instances (gouvernementales et
territoriales) dans ses applications. Et, de fait, l’OSAMAH ne fait qu’observer passivement la
destruction de cet espace combien important pour l’environnement de Port-au-Prince.
L’État a toujours ce tempérament d’accapareur ; ce qui explique que la décentralisation fort
souvent évoquée reste toujours une velléité. Comme conséquences : les Mairies sont
institutionnellement pauvres, sans grands moyens économiques, sans ressources humaines
qualifiées, avec peu de services ou de sections, etc., donc sans moyens d’action. Au niveau
13
La coordination humanitaire comme lieu d’exclusion et d’affaiblissement des capacités locales ? Disponible
en ligne sur : http://www.urd.org/La-coordination-humanitaire-comme,1027 , consultée le 9 avril 2011.
16
des instances créées, il n’y a aucun ancrage territorial car leurs fonctions rentrent dans les
rôles naturels et légitimes de la Mairie. Cette situation engendre parfois des conflits de
pouvoirs et l’un impute les responsabilités des échecs sur l’autre. De pareils cas se répètent
fort souvent entre la Mairie de Port-au-Prince et le Service métropolitain de Collecte de
Résidus solides (SMCRS). Et, de fait, celui-ci n’a pas résolu le problème de ramassage
d’ordures dans la région métropolitaine.
Le morcellement de la ville de Port-au-Prince enclenché vers les années ‘80, en faisant
passer des banlieues au rang de commune n’a pas atteint les objectifs escomptés. La
création des Mairies de Carrefour, de Delmas en 1982 et celles de Tabarre et de Cité-Soleil
en 2003 ne font qu’augmenter le nombre d’entités, sans avoir un impact important sur la
qualité des services offerts aux citoyens. Cette initiative a plutôt amputé des moyens à la
capacité d’action de la Mairie principale.
Aujourd’hui n’y a-t-il pas raison d’enclencher le processus inverse, c’est-à-dire, l’unification
des moyens des mairies ? C’est peut-être une option à explorer. S’il va être difficile d’unifier
toutes les mairies de la zone métropolitaine en une Mairie de Port-au-Prince, d’une grande
commune de Port-au-Prince, il est toutefois envisageable d’unifier leurs services ou les
spécialiser sur leurs points forts. La Mairie de Port-au-Prince pourrait gérer la collecte des
déchets, et la Mairie de Delmas s’occuperait d’un observatoire d’urbanisme pour la région
métropolitaine. C’est le concept de « l’inter-municipalité » évoqué par Caroline Gutton
(Coordonnatrice des activités de l’Initiative de Développement <ID> en Haïti).
Vers la valorisation des connaissances et des techniques de planification au service de la
gestion urbaine. La non-utilisation des connaissances et des techniques modernes dans la
planification urbaine est l’une des révélations de l’échec cuisant de l’urbanisation en Haïti,
accompli avec la catastrophe du 12 janvier. Faute d’un observatoire ou d’un service
d’urbanisme, les décideurs n’ont pas pu adapter leurs actions selon les informations et les
connaissances disponibles sur la ville et au regard des modèles (prospectifs) de l’évolution
de la réalité. C’est de fait un élément décrivant le sous-développement des institutions.
Comment planifier l’offre sans les informations sur la demande ? Les instances concernées
par la gestion urbaine à Port-au-Prince ne peuvent planifier les logements, l’eau, les
infrastructures urbaines, etc., selon que les besoins seront dans cinq ans. C’est en ce sens
que les services publics ne précèdent généralement pas la construction des quartiers et sont
toujours surpris par les conséquences néfastes de l’auto-occupation sur l’environnement.
Ainsi n’est-il pas nécessaires d’établir, au sein même des institutions de décisions, un
observatoire d’architecture et d’urbanisme qui donnerait les directives. Généralement, un
observatoire d’urbanisme a pour mission : la vérification de la situation des collectivités
locales et d’enseignement (études, expertises, travaux de recherche, la formation des élus,
la communication des savoir-faire). Et, assurer entre les élus et les chercheurs une fonction
de canal de transmission et de traduction des questions des premiers en thèmes de
recherche pour les seconds et recenser d’autres expériences et en assurer la vulgarisation.
Dans certains pays, l’intérêt pour les politiques urbaines pousse même à créer le ministère
de la Ville, dans d’autres, le ministère de l’Aménagement du Territoire ; mais ceux-ci ne
remplacent pas les observatoires, qui sont davantage liés aux collectivités.
17
Conclusion :
À ce moment où tous les modèles présagent une accélération de l’exode rural, ajouté à la
croissance interne, donc un accroissement continu de la population de la capitale, on doit
s’attendre à une plus forte pression sur l’espace de la région métropolitaine de Port-auPrince. Dans cette situation post-séisme et au cours de laquelle toutes les questions se
posent sur les modalités de la reconstruction et l’établissement des priorités, il est
indéniable de comprendre que, au fond, la catastrophe ne fait qu’exprimer au grand jour les
conséquences de la faillite institutionnelle de la ville. Pour ainsi dire, les autorités doivent
comprendre que la reconstruction est avant tout un défi institutionnel.
18
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