Philippe CLAY - Friendship First

Philippe CLAY
Danseur de Charleston
On se balance plein de vacheries, Saint-Antoine et moi, mais on est souvent sur la même longueur
d’ondes, aussi avons-nous été peinés de la relative indifférence dans laquelle s’en est allé Philippe
Clay, grand artiste s’il en fut, par la taille (1m 99 sous la toise, Beltoise), et par le talent qui, lui, peut
se mesurer à l’aune de plus de cinquante ans d’une carrière bien remplie.
En son honneur, nous allons tenter de vous résumer celle-ci dans un exercice à quatre mains qu’aurait sans doute aimé JP Mengeon, le tout brillant pianiste de ce roi du Music-Hall...
Né Philippe Mathevet à Paris en mars 1927, il est le
cadet d’une famille de trois enfants.
Ses sœurs Germaine et Madeleine
ont une quinzaine d’années de plus
que lui et le materneront tout autant
que sa “mérotte” (petite mère). Il a
douze ans lorsque la guerre éclate, et
seize lorsqu’il rejoint le maquis. Rude
apprentissage de la vie...
Devenu Philippe Clay, il publie dès 1953
son premier et unique 78 tours : Moi J’Fais
Mon Rond et Le Noyé Assassiné, deux titres
écrits par Charles Aznavour, illustre inconnu
qui œuvrait déjà en duo (Roche & Aznavour)
depuis 1949 et offrait aussi ses textes à Gilbert
Bécaud, autre illustre inconnu qui ne le restera
pas longtemps (Viens, Mé-Qué Mé-Qué,
Donne-Moi...). Clay y joue les “apaches”
(les voyous de l’époque), voire les
proxénètes dès le premier titre où,
quand sa “panthère est en brême”,
il ne se fait “plus de bile pour le
pognon”. Le verso ne valant
guère mieux, le mauvais garçon
s’étant fait avoir par un plus
apache que lui qui le coule à pic : “Moi qui mangeais
sans boire, maintenant je bois sans manger”.
On retrouve en 1954 Aznavour et bien d’autres prestigieux auteurs dans un 25 cm déniché il y a
quelques années en brocante (on y trouve bien plus
de trucs épatants que dans ces supermarchés où tout le
monde “positive” à fond de ballon). Parmi ceux-ci :
Léo Ferré (La Rue), Piaf / Monnot (La Goualante du
Pauvre Jean), Boris Vian (Je N’Peux Pas M’empêcher, quand j’vois un flic passer, de penser qu’il serait
mieux à la morgue), Jean Constantin (L’Illusionniste)
ou Prévert (poème Dans Ma Maison - il fut d’ailleurs
le premier à intégrer ce texte à son “tour de chant”
comme on disait alors). Philippe Clay est rapidement
devenu ami avec Prévert, Vian ou Gainsbourg. Des gens
bien peu recommandables...
De cette période jusqu’au milieu des années 60, Clay
promènera avec succès son “double-mètre” des Trois
Baudets de Jacques Canetti à tous les music-halls de
France et de Navarre, s’entourant de paroliers brillants
dont les textes servent admirablement le comédien. Car
c’est bien là son premier emploi, la chanson n’arrivant
que de façon accidentelle : en 1946, des copains
l’entraînent au Palais de Chaillot pour
assister à un concours d’amateurs...
“oubliant” de lui préciser qu’ils l’avaient
inscrit ; sans se dégonfler, il y participe,
y chante et y gagne !
S’ensuivront des couplets savamment mis en scène par ce grand
échalas tout à fait inapte à la chanson d’amour figée. Ainsi, pour Le
Noyé Assassiné, des projecteurs
verdâtres donnent l’impression
qu’il évolue dans l’élément liquide,
pour Un Fil Sous Les Pattes, il
mime un type en équilibre sur un
cable, sans parler de son époustouflant Danseur De Charleston. Pour
l’anecdote, c’est par hasard, s’emmerdant ferme en gardant un troupeau de
vaches pendant la guerre, qu’il s’aperçoit avec
stupeur être capable de mettre ses pieds derrière la tête ! Aptitude rare qui lui permet une certaine souplesse durant ses prestations scéniques, même s’il n’abuse pas de cette position
sans doute inconfortable...
Quelques titres ? En vrac et avec une
gouaille inimitable, rappelons Le Danseur
de Charleston (1954), Vise La Poupée,
On N’Est Pas Là Pour Se Faire Eng...,
Les Voyous (1955), Où Sont Les
Pépées ?, Ne T’fais Pas D’mouron
(1956), Le Chemineau, A Perpète, Un Fil Sous Les Pattes, Cigarettes Whisky & P’tites Pépées,
La Gamberge (1957), Julie La
... /...
VINYL n°62 • Janvier - Février 2008
17