Le vent se leve

Transcription

Le vent se leve
Le
vent
se
leve
…
fance et ma jeunesse, j’avais plutôt le problème du «comment faire» avec tout ce que
j’avais à faire. Quand j’étais petite, il y avait
surtout les jeux divers entremêlés de patinage
et il ne fallait pas oublier d’aller à l’école.
Même à l’école, je me rappelle comment je
me faisais un doux plaisir pendant la pause
de dix heures de courir chez la dame du kiosque
voisin pour lui demander si elle avait besoin
que je lui fasse des achats. Après avoir reçu
sa liste de lait, de pain et de diverses charcuteries à acheter, je m’empressais d’aller lui
faire les emplettes puis de retourner chez
elle, de les lui donner et de recevoir une petite barre de chocolat comme remerciement.
Tout heureuse, je revenais alors à l’école en
sautillant et j’étais prête pour la prochaine
leçon. J’avais environ dix ans.
Isabelle: Et aujourd’hui, t’arrive-t-il de
t’ennuyer?
Pas plus qu’hier! Quand j’entends des gens
dire qu’ils s’ennuient, je crois qu’il s’agit plutôt
d’un état d’esprit. Aujourd’hui, même quand
je m’ennuie, je ne m’ennuie pas, parce que,
même inactive, je reste active. Par exemple,
ma passion pour l’écoute de livres et de mu-
siques me nourrit tellement, bien au-delà
du temps de l’écoute. Je peux vivre avec
bonheur les moments d’attente ou de silence
en méditant ou simplement en observant,
en réfléchissant et en me laissant bercer
dans ma chaise. Même si je suis limitée
dans mes mouvements et dans mes déplacements, mon envie profonde de vivre à
«pleins tubes» demeure.
À d’autres moments, j’adore caresser avec
mon oreille le bouton dans l’appuie-tête de
mon fauteuil roulant pour écrire sur l’écran
quelques messages ou quelques pages, comme
pour ce livre, par exemple. Du coup, cela me
rappelle Philippe dans le film Intouchables,
et son plaisir de se faire masser l’oreille. À
chacun son oreille… à chacun son plaisir!
Que ferions-nous sans oreille…?
Isabelle: Tu étais une sportive d’élite, comment voyais-tu ton avenir avant la première
chute en patins et les premiers doutes?
En tant que sportive d’élite, je ne voyais
mon avenir que dans mon sport. Je le traçais
selon les échelons possibles et désirés, en les
suivant aveuglément. Tout autre questionnement n’existait pas. Après mes premières
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