flora tristan
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flora tristan
Flora Tristan (1803-1844) « Ma grand-mère était une drôle de bonne femme », disait Gauguin de son infatigable aïeule, engagée à la fois dans la cause ouvrière et dans la cause des femmes, à l’aube de la Révolution industrielle. Orpheline d’un père colonel espagnol dès l’âge de quatre ans, elle grandit avec sa mère, retirée à la campagne par économie, avant de rejoindre Paris en 1818 ; deux ans après leur installation, elle devient ouvrière coloriste dans l’atelier du graveur lithographe André Chazal, qu’elle épouse en 1821. En 1826, après une rupture avec son mari, elle laisse ses trois enfants ( dont Aline, la mère du futur Gauguin ) à sa mère, pour gagner l’Angleterre, où elle retournera en 1831 et 1839. Ce séjour à l’étranger alimente la publication de ses impressions dans la Revue de Paris : les Lettres à un architecte anglais en 1837 et les Promenades dans Londres en 1840. Elle y fait une observation sévère de la société industrielle anglaise de la première moitié du XIXe siècle, mêlant toujours dans ses écrits expérience personnelle et réflexion philosophique sur l’histoire de son temps. En 1833, espérant faire valoir ses droits auprès de sa famille péruvienne, elle décide de s’embarquer pour le Pérou à la rencontre du frère de son père défunt dont elle avait reçu une lettre en 1830 ; voyage d’un an dont elle relate les déceptions dans deux écrits, Nécessité de faire bon accueil aux femmes étrangères et Les Couvents d’Arequipa. En 1838, elle fait paraître Les Pérégrinations d’une paria . La mésentente avec son mari s’aggrave puisque celui-ci la blesse d’une balle de revolver et se voit condamner à vingt ans de travaux forcés. L’agitation sociale en France va lui inspirer la grande affaire de sa vie : créer une union universelle des ouvriers et ouvrières dont elle développe l’idée dans L’Union ouvrière en 1843. En vue de créer un journal pour y défendre les droits du prolétariat, elle entreprend un tour de France, hélas ! inachevé puisqu’elle meurt à Bordeaux, épuisée, en 1844. Romancière, militante, critique d’art, cette contemporaine de Karl Marx fut surtout la première femme écrivain à produire une pensée politique qui tentât Civisme et démocratie – CIDEM d’articuler socialisme et féminisme. On peut en juger par quelques citations de L’Union ouvrière. Au chapitre III, intitulé « Le Pourquoi je mentionne les Femmes », elle pose la question : « Comment on doit traiter la femme en vue du bien-être universel de tous et de toutes en l’humanité. » Question à laquelle elle dit ne pas vouloir répondre mais qui constitue « la déclaration formelle d’un principe absolu » contre le fait que jusqu’à présent « le prêtre, le législateur, le philosophe ont traité en vraie paria la femme […] mise hors l’église, hors la loi, hors la société » , tout comme furent pour elle les prolétaires avant 1789 : « manants, vilains » enfin « nommés citoyens » par l’Assemblée nationale. Flora Tristan s’insurge contre l’infériorité déclarée de la « race femme » comme il en avait été de « cette autre race de l’humanité : les prolétaires ». Elle fait le tour des bienfaits sociaux dont les femmes sont privées, « laissées dans l’ignorance sur elles-mêmes […], surtout la femmes ouvrière : « quelle éducation ? aucune […] on la garde à la maison pour bercer les enfants, faire les commissions, soigner la soupe […] A douze ans on la mettra en apprentissage, exploitée par sa patronne et aussi maltraitée qu’elle l’était chez ses parents… » Elle détaille la préférence masculine, de la salle d’asile où « les instituteurs reçoivent l’ordre de haut de s’occuper de développer l’intelligence des garçons plus que celle des filles », à tous les métiers où l’on paie la journée de l’ouvrière « moitié moins » que celle de l’ouvrier, surtout là où il faut de l’adresse et de l’agilité, là où elle « fait presque le double de l’ouvrage » et où, comme elle va plus vite, « elle gagnerait trop si on la payait le même prix ». Et d’en appeler à la raison et à la justice des ouvriers quand « les industriels, voyant les ouvrières travailler plus vite et à moitié prix, congédient chaque jour les ouvriers de leurs ateliers et les remplacent par des ouvrières »…avant de « congédier les femmes pour les remplacer par des enfants de douze ans » comme on l’avait fait dans les manufactures anglaises. Flora Tristan n’hésite pas à écrire : « l’oubli et le mépris qu’on a fait des droits naturels de la femme sont les seules causes des malheurs du monde » et ajoute que lorsque les hommes, les ouvriers, auront « assez d’équité, de justice pour inscrire dans leur Charte l’égalité absolue de l’homme et de la femme », alors « l’Unité humaine sera constituée. » Civisme et démocratie – CIDEM