Commission Corporate governance

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Commission Corporate governance
Institut des Reviseurs d'Entreprises
Forum 2003
Commission Corporate governance
CORPORATE GOVERNANCE
La valeur ajoutée du
réviseur d'entreprises
Membres de la Commission :
Président
Monsieur L. Van Couter
Reviseur d’Entreprises - KPMG Reviseurs d’Entreprises
Vice-Président
Monsieur X. Doyen
Reviseur d’Entreprises - Van Passel, Mazars & Guerard
Membres
Madame I. Boets
Reviseur d’Entreprises - E&Y Reviseurs d’Entreprises
Monsieur E. Clinck
Reviseur d’Entreprises - KPMG Reviseurs d’Entreprises
Monsieur L. Goldschmidt
Chairman Corporate Governance Committee APCIMS-EASD, London
Governor International Corporate Governance Network
Director European Corporate Governance Institute
Monsieur C. Van Der Elst
Chargé de cours Université de Gand
Secrétaires scientifiques
Monsieur D. Szafran
Secrétaire général – Institut des Reviseurs d’Entreprises
Monsieur E. Van der Stappen
Conseiller juridique - Institut des Reviseurs d’Entreprises
Facilitator durant les groupes de travail du
Forum
Monsieur M. Desamblanx
Chargé de cours principal Université d’Anvers
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Table des matières
Executive summary
1
Justification
3
1
Cadre général : Tendances et développements
4
1.1
La professionnalisation du conseil d'administration
1.1.1 Le comité de direction et le conseil d'administration
1.1.2 Les comités d'audit
1.1.3 Les autres comités
1.1.4 Les administrateurs indépendants
1.1.5 Rapport du conseil d'administration aux actionnaires en
matière de corporate governance
Contrôle interne et audit interne
1.2.1 Contrôle interne
1.2.2 Audit interne
22
29
29
36
2
Aspects particuliers de corporate governance auprès de
certaines entreprises spécifiques et entités non
commerciales
38
2.1
2.2
2.3
2.4
Les entreprises familiales et les entreprises en expansion
Les filiales
Les ASBL
Les institutions publiques
38
42
44
45
3
Sujets particuliers
47
3.1
Conflits d'intérêts
3.1.1 Conflits d'intérêts des administrateurs et membres du comité
de direction
3.1.2 Conflits d'intérêts des commissaires
3.1.3 Conflits d'intérêts entre les entités d'un groupe
Examen de la situation chez les autres stakeholders
3.2.1 Travailleurs / conseil d'entreprise
3.2.2 Développement durable et responsabilité sociale des
entreprises
47
1.2
3.2
4
4
8
13
15
47
49
62
64
65
67
Synthèse des débats du Forum
72
Conclusion
75
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Commission Corporate governance
Executive summary
La Commission Corporate governance de l’Institut des Réviseurs d’Entreprises (ci-après la
Commission) s'est penchée sur quelques thèmes importants de bonne administration. Dans
ses choix, elle s'est laissé guider par l'actualité sans perdre de vue les principes
fondamentaux. La position et le repositionnement éventuel du commissaire ou du réviseur
d'entreprises sont examinés de façon thématique. Prenant en compte le débat sur
l'indépendance, une distinction est régulièrement établie entre d'une part, son rôle de
contrôleur / de certificateur et d'autre part, son rôle de conseiller-expert.
Dans un premier chapitre, la Commission évoque deux thèmes qui ont toujours fait partie des
bases de la corporate governance et qui sont de plus en plus privilégiés dans le débat actuel:
le professionnalisme du conseil d'administration et le contrôle interne.
Le professionnalisme du conseil d'administration peut s'exprimer entre autres l'organisation
d'une structure d'administration dual qui accorde des pouvoirs clairement distincts au comité
de direction et au conseil d'administration. Dans cette structure, tous les pouvoirs du conseil
d'administration sont cédés au comité de direction, à l'exception de la politique générale et
du contrôle sur ledit comité de direction. La loi corporate governance du 2 août 2002 ne
prévoit pas seulement un statut légal pour le comité de direction. Elle attache également plus
d'importance au caractère «indépendant» des administrateurs. Enfin, la tendance vers la
professionnalisation du conseil d'administration s'exprime aussi dans la constitution de
différents comités comme le comité d'audit, le comité de rémunération et le comité de
nomination. Actuellement, on s'intéresse aussi de près à la transparence des informations
transmises par le conseil d'administration. Sur ce plan, la Commission s'est contentée
d'examiner la problématique de la publicité des honoraires du commissaire et du conseil
d'administration.
Pour avoir une bonne gestion, il est essentiel de développer un système approprié de contrôle
interne (incluant le fonctionnement du service d'audit interne). La direction opérationnelle en
est responsable et le conseil d'administration doit veiller à son fonctionnement adéquat.
Après avoir introduit le concept, principalement sur la base du rapport COSO de 1992, la
Commission s'intéresse tout particulièrement à la tâche du commissaire dans ce contexte.
Elle est décrite dans plusieurs normes professionnelles, tant nationales qu'internationales.
Traditionnellement, on attend de la part du commissaire qu'avant d'entreprendre sa mission
effective de contrôle, il réalise une analyse de risques et une évaluation des procédures
internes de contrôle. Il testera également le bon fonctionnement de ces procédures. Les EtatsUnis vont même plus loin puisqu'en exécution du Sarbanes-Oxley Act, ils demandent au
commissaire d’attester explicitement l'évaluation par le management de la documentation et
du fonctionnement du système de contrôle interne. La Commission s'intéresse également à la
norme internationale de contrôle ISA 260 Communication of Audit Matters with those
charged with Governance que le Conseil de l'IRE a transposée l'an dernier dans une
recommandation belge.
1
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La Commission consacre le deuxième chapitre à l'application de la corporate governance à
certaines entreprises spécifiques comme les entreprises familiales et les filiales, et à des
entités non commerciales comme les ASBL et les entreprises publiques. La Commission est
en effet convaincue qu'il faut appliquer à ces entreprises particulières les mêmes principes de
base et qu'à l'occasion de l'introduction de règles de corporate governance dans ces
entreprises, les réviseurs d'entreprises peuvent apporter une valeur ajoutée.
Dans un troisième chapitre, la Commission approfondit enfin quelques aspects de la
corporate governance qu'on peut considérer, notamment en raison de récentes initiatives
législatives en la matière, comme les hot topics du moment. Elle passe successivement en
revue les conflits d'intérêts chez les administrateurs, chez les commissaires et entre les
entités d'un groupe. Différentes nouvelles règles se rapportent directement au commissaire;
d'autres débouchent sur un élargissement de ses tâches. Pour finir, la Commission examine
aussi les intérêts des travailleurs, des créanciers et d'autres stakeholders, surtout sous l'angle
de la citoyenneté d’entreprise. Ici aussi, le commissaire et le réviseur d'entreprises pourront à
l'avenir apporter une valeur ajoutée importante, tant sur le plan de la certification que sur le
plan du conseil.
2
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Justification
La corporate governance mérite une place particulière dans le thème général du Forum « Le
réviseur d'entreprises et la protection des actionnaires ». Les récents scandales qui ont secoué
des entreprises nationales et internationales et des organisations sans but lucratif ont montré
de manière forte la nécessité d'une bonne administration.
La présente Commission a pourtant estimé ne pas devoir se laisser guider entièrement par
l'actualité des récents événements, mais aussi souligner les tendances et les développements
existant depuis un certain temps en matière de corporate governance, comme la
professionnalisation du conseil d'administration et l'attention croissante portée au contrôle
interne (partie 1).
De façon délibérée, nous n'avons pas limité le débat à l'application de la corporate
governance dans les entreprises cotées en bourse parce que nous sommes convaincus que ces
mêmes règles de base peuvent tout autant s'appliquer aux entreprises familiales, aux filiales
non cotées en bourse et aux organisations sans but lucratif (partie 2).
Il est vrai que la mise en œuvre correcte des règles de corporate governance bénéficiera en
première instance aux actionnaires. Ce sont eux – et en premier lieu les actionnaires
minoritaires – qui tireront profit de la gestion de conflits d'intérêts dans le chef des
administrateurs et entre les entités d’un groupe ainsi que du renforcement de l'indépendance
des commissaires. Enfin, dans ce débat, nous avons aussi estimé devoir accorder l'attention
nécessaire à d'autres stakeholders comme les travailleurs et les créanciers, notamment à la
lumière du concept du « développement durable » (partie 3).
Différents aspects de la corporate governance sont abordés, en s'arrêtant chaque fois un
instant à la position actuelle du commissaire/réviseur d'entreprises. Nous examinerons
comment celui-ci peut fournir une valeur ajoutée – dans certains cas par le conseil, dans
d'autres par la certification – dans l’organisation et la mise en œuvre des règles et des
structures de corporate governance.
Une synthèse des débats durant les groupes de travail du Forum est reprise à la fin de cette
étude.
Ce texte tient compte des (projets de) textes de loi tels qu'ils existaient au 5 avril 2003.
3
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1
Cadre général : tendances et développements
« La corporate governance est l'ensemble des règles du jeu relatives à la direction et au
contrôle de la société. » (Commission belge de Corporate governance, janvier 1998)
1.1
La professionnalisation du conseil d'administration
La professionnalisation du conseil d'administration est un thème central de la corporate
governance. McKinsey affirmait à cet égard dans une étude : « investors believe companies
should create more independent boards and achieve greater boardroom effectiveness
through such steps as better director selection, more disciplined board evaluation processes
1
and greater time commitment from directors » . Le développement de ce cadre opérationnel
s'effectue principalement à l'aide de la « soft law ». Ces dernières années, de nombreux codes
2
de corporate governance ont vu le jour. Comme exposé ci-dessous, certaines des
recommandations sont suivies dans une large mesure. Un certain nombre d'événements
catastrophiques ont toutefois accéléré les processus d'intervention régulateurs. Certains de
ces processus normatifs sont exposés et analysés ci-dessous.
1.1.1
Le comité de direction et le conseil d'administration
Actualité : d'une approche « soft law » à un régime « hard law »
En ce qui concerne l'administration de la société anonyme, de nombreux juristes argumentent
depuis longtemps que le conseil d'administration unitaire, qui était obligatoire en Belgique,
ne répond plus à la réalité et que la voie doit être ouverte à une structure d'administration
dualiste. Un grand projet en la matière avait déjà été déposé au parlement à la fin des années
septante du siècle passé. Il est resté au stade de projet.
Plus de vingt ans plus tard, le législateur a toutefois estimé nécessaire de donner aux sociétés
de nouvelles possibilités pour optimiser leur structure d'administration. La nouvelle loi
corporate governance3 permet à la société anonyme d'organiser une administration dualiste,
dans laquelle tous les pouvoirs du conseil d'administration peuvent être délégués au comité
de direction, à l'exception de la politique générale de la société, de la surveillance du comité
de direction et des pouvoirs que le Code des sociétés réserve au conseil d'administration.
1
2
3
McKINSEY & COMPANY, Global Investor Opinion Survey : Key Findings, juillet 2002, 2.
Pour une analyse comparative, voir le rapport de WEIL, GOTSHAL & MANGES, Comparative Study of Corporate
governance Codes Relevant to the European Union and its Member States, On behalf of the European Commission,
Internal Market Directorate General, janvier 2002, 107 p. + annexes.
Loi du 2 août 2002 modifiant le Code des sociétés et la loi du 2 mars 1989 relative à la publicité des participations
importantes dans les sociétés cotées en bourse et réglementant les offres publiques d'acquisition, M.B., 22 août 2002.
4
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Ce régime est basé sur le rapport de la Commission gouvernementale Corporate governance
qui plaidait pour une telle structure légale.4
Le nouveau régime de responsabilité par lequel les membres de chaque organe sont
responsables de leurs propres fautes constitue une amélioration sensible. Cela ne vaut que
pour les sociétés qui choisissent d'instaurer le comité de direction nouveau style.
La question est de savoir si un autre aspect de la corporate governance, à savoir le principe
de transparence, sera (ou pourra être) suffisamment respecté. En effet, la loi du 2 août 2002
ne fait qu'ajouter un système avec de nombreuses options et laisse l'ancien système presque
inchangé. Cela signifie que les sociétés peuvent choisir de conserver leur organisation. Seuls
les comités de direction actuels doivent être mis en règle dans l'année suivant l'entrée en
vigueur de la loi du 2 août 2002 sous peine de suppression. Autrement dit, à l'avenir, les tiers
devront également être attentifs quant à la portée des (délégations de) pouvoirs dont dispose
l'un ou l'autre organe de la société. Ainsi, par analogie au pouvoir de délégation du conseil
d'administration sous l'ancien régime, il est permis au comité de direction de donner pouvoir
à un ou plusieurs membres de représenter la société seul ou conjointement. Il s'agit ici
exclusivement du pouvoir de représentation.
En ce qui concerne la nomination du réviseur d'entreprises comme commissaire, la
modification légale du 2 août 2002 ne pose aucun problème. L'assemblée générale reste
compétente. La situation est toutefois modifiée pour l'attribution d'autres services (autorisés).
Dans certains cas, seul le conseil d'administration est compétent ; dans d'autres, c'est
également le comité de direction, voire le délégué à la gestion journalière. Il peut toutefois
arriver que la société soit représentée valablement par un ou plusieurs administrateurs, un ou
plusieurs membres du comité de direction ou un ou plusieurs délégués à la gestion
journalière. Souvent, ces personnes approchent le cocontractant comme administrateur
délégué, membre délégué du comité de direction ou membre délégué de la direction. Il faut
donc, encore plus que par le passé, contrôler ce que ce titre recouvre.
En outre, interviennent encore les personnes qui agissent valablement comme mandataires de
la société. A cet égard, il faut remarquer que les renouvellements (implicites) de procuration
constituent une pratique courante, surtout dans les sociétés d'une certaine envergure. Les
travailleurs d'une société concluent souvent des engagements au nom de la société. Malgré
tout, la vigilance s’impose. 5
4
5
COMMISSION GOUVERNEMENTALE CORPORATE GOVERNANCE, Naar een beter bestuur van de Belgische
vennootschappen, Bruxelles, 20 mars 2000, p. 26. Une certaine doctrine se demande à voix haute si ce nouveau régime
légal et sa règle de représentation spéciale sont conformes au droit européen des sociétés. En effet, selon le pouvoir de
représentation en vertu de l'article 9 de la première directive sur le droit des sociétés, le devoir d'enquête des tiers en la
matière doit être limité à l'identité de ceux qui ont le pouvoir de représentation. Comme, dans le cas présent où la société
a aussi institué un comité de direction, les tiers doivent aussi apprécier si un acte juridique appartient ou non à la politique
générale, on attend des tiers un examen approfondi, qui serait en contradiction avec la directive (E. GEPKEN-JAGER,
Vertegenwoordiging bij NV en BV, Deventer, Kluwer, 2000, 192). La même appréciation s'applique aussi, selon cette
doctrine, à la gestion journalière (E. GEPKEN-JAGER, Vertegenwoordiging bij NV en BV, Deventer, Kluwer, 2000, 187188).
Bruxelles 18 avril 1996, A.J.T. 1996-97, note. La Cour d'appel de Bruxelles a estimé que le travailleur qui loue un
télécopieur au nom de la SPRL sans aucun pouvoir de représentation n’engage pas la société.
5
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Interprétation pratique
Au moment de la rédaction de cette contribution, nous ne disposons pas encore de données
détaillées sur l'utilisation du « nouveau » comité de direction. La pratique montre toutefois
que de nombreuses (grandes) sociétés avaient instauré un comité de direction « à
l'ancienne ». Il ressort de l'analyse de 125 rapports annuels de l'exercice 2000 de sociétés
cotées en bourse que près de 60 % des sociétés avaient un comité de direction « à
l'ancienne ». Le comité comptait en moyenne un peu plus de six membres.
Cette enquête a aussi montré que le législateur a bien fait de ne pas calquer la structure duale
belge sur la structure néerlandaise ou allemande. Dans ces pays, aucun membre du raad van
bestuur ou Vorstand ne peut siéger au raad van commissarissen ou Aufsichtsrat, sauf dans
quelques cas exceptionnels prévus par la loi. Dans ce cas, il aurait en effet contredit le point
de départ de l'initiative législative, à savoir offrir un cadre juridique souple. Il ressort en effet
du tableau ci-dessous que, dans presque tous les cas, en 2000, des administrateurs siégeaient
au comité de direction et que, dans plus d'un tiers des cas, ils en forment la majorité.
Tableau 1 : Composition du comité de direction
nombre moyen d'administrateurs : 49.0 %
médiane :
37.5 %
composition :
administrateurs uniquement :
15.9 %
51 %-99 % adm. :
21.7 %
50 % adm. :
5.8 %
1 %-49 % adm. :
55.1 %
pas d'administrateurs :
1.4 %
Source : C. VAN DER ELST, Corporate governance : la pratique actuelle, conférence, journée d'étude du 17 avril
2002, IRE, Anvers.
La position du commissaire
Les contacts entre le commissaire et la direction de la société contrôlée sont différents. D'un
point de vue juridique, cela s'exprime dans l'article 137 non modifié du Code des sociétés,
qui octroie formellement au commissaire la compétence de requérir non seulement de
l'organe de gestion, mais aussi «des agents et des préposés de la société toutes les
explications ou informations qui lui paraissent nécessaires». La Commission rappelle ici la
recommandation du 7 juillet 1995 de l'Institut des Reviseurs d'Entreprises concernant les
éléments probants externes.6 Cela vaut également pour la procédure lors de la constatation de
faits graves susceptibles de compromettre la continuité de l'entreprise.7 Le conseil
d'administration doit en être informé.8
Bien qu'à première vue le commissaire ne doive pas tenir compte de ces autres modifications
légales, elles l'intéressent aussi, comme nous allons le voir ci-dessous.
6
7
8
Voir INSTITUT DES REVISEURS D'ENTREPRISES, Vademecum Déontologie et normes de révision 2001, Diegem,
Ced. Samson, 2001, 681-693.
Article 138 du Code des sociétés.
Ce devoir d'information peut s’inscrire dans l'obligation d'information plus large qui repose sur le commissaire en
application de la norme ISA-260 (cf. infra sous 1.1.2. et 1.2.1.).
6
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On peut déduire des convocations aux premières assemblées générales (extraordinaires)
suivant l'introduction de la loi corporate governance qu'un certain nombre de sociétés,
principalement les grandes, ont déjà adapté leurs statuts pour instituer la structure
d'administration duale. De nombreuses sociétés ainsi que des sociétés possédant un comité
de direction « à l'ancienne » n'ont pas (encore) procédé à une modification des statuts en la
matière. Il semble que ce groupe de sociétés estime que le transfert de pouvoirs légaux du
conseil au comité est trop fastidieux. En tout cas, le commissaire est tenu de contrôler de
quelle manière la société donne forme à sa structure d'administration. En effet, la loi
corporate governance stipule dans une disposition transitoire qu'à partir du 22 août 2003, les
sociétés où était institué un comité de direction au moment de l’entrée en vigueur de la loi,
doivent adopter la nouvelle forme de comité de direction. Les comités de direction non
adaptés seront supprimés de plein droit. Ils peuvent encore exister comme comités
stratégiques, exécutifs, etc. mais plus comme comités de direction. L'absence de changement
de nom a pour effet qu'ils n'existent plus et qu'ils ne peuvent donc plus lier la société
d'aucune manière. Inutile de dire que cela a d'importantes conséquences.
La nouvelle structure d’administration a également pour effet que l'octroi de missions
supplémentaires ne doit plus être en principe formellement décidé par le conseil
d'administration, mais par le comité de direction. La question de savoir si le conseil
d'administration reste aussi compétent en la matière reste ouverte. Une certaine doctrine
estime que le conseil conserve ses compétences – et qu'il y a donc une répartition de
compétences concurrente – tandis qu'une autre prône que le comité de direction a la
compétence exclusive.9 Vu qu'il s'agit d'une disposition légale, il faudra examiner, dans le
second cas surtout, si l'organe de la société avec qui est conclu le contrat de missions
supplémentaires est compétent. Il n'est pas possible d'y répondre de façon univoque. Lorsque
la société envisage une réorganisation profonde, il n'est pas inhabituel d'effectuer d'abord une
étude détaillée en la matière. Comme la décision sur la réorganisation même est de la
compétence du conseil d'administration, vu que cela appartient à la politique générale, il n'est
pas évident de savoir qui doit prendre la décision concernant l'attribution de l'étude en la
matière.
A propos de la nouvelle instauration de l’administration de la société, le commissaire devra
être vigilant quant à la transmission d'informations au sein (du groupe) de la société
contrôlée ainsi qu'au sein de son propre bureau. En effet, lorsque l'octroi de missions
supplémentaires entraîne des rémunérations importantes, il faudra suivre, le cas échéant, une
procédure spéciale.10 Le commissaire doit, par conséquent, aussi être informé lorsque le
comité de direction octroie des missions supplémentaires, par exemple, à une personne avec
qui le commissaire collabore.
Enfin, il convient de remarquer que dans la structure d'administration duale la règle relative
aux conflits d'intérêts des administrateurs doit être appliquée par analogie aux membres du
comité de direction.11
9
10
11
P. ERNST et L. VAN DEN EYNDEN, « Het directiecomité in de Corporate governance-Wet. Een eerste analyse »,
T.R.V. 2002, n° 8, 567, et les références s'y trouvant.
Cf. infra.
Cf. infra.
7
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1.1.2
Les comités d'audit
Actualité: d'une approche « soft law » à un régime « hard law »
Soft law
Depuis le grand essor des débats relatifs à la corporate governance, le comité d'audit fait
également l'objet d'un regain d'attention. Déjà recommandés en 1940 par la SEC et
obligatoires pour les sociétés américaines cotées au NYSE depuis la fin des années septante,
les comités d'audit ont proliféré en Grande-Bretagne, principalement grâce au Code
Cadbury, et ensuite aussi en Europe continentale.
La Commission Corporate governance de la Bourse recommande la constitution d'un comité
d'audit, surtout pour les sociétés disposant d'un grand conseil d'administration.12 Ce comité
doit se composer d'au moins trois administrateurs non exécutifs, dont la majorité est
indépendante. Pour le reste, les recommandations de la Commission Corporate governance
laisse une large marge de manœuvre aux sociétés pour définir les compétences du comité
d'audit. Cette Commission a uniquement stipulé que le comité doit pouvoir examiner tous les
aspects faisant partie de ses compétences. A cette fin, tant les moyens que les informations
doivent être mis à la disposition du comité.
De son côté, la FEB n'oblige pas les sociétés à créer un comité d'audit. Selon son rapport13,
lorsque le conseil d'administration décide l'instauration d'un tel comité, il doit en fixer
exactement la composition et la mission. Siègent dans ce comité des administrateurs non
14
exécutifs et des administrateurs indépendants.
Comme la Commission Corporate governance de la Bourse, la FEB recommande aussi
d'attribuer au comité d'audit de larges pouvoirs d’enquête.
Hard law
Dans la loi corporate governance, le législateur a veillé à reconnaître explicitement le comité
d'audit. Lorsque, dans les sociétés cotées ou dans celles qui font partie d’un groupe tenu
d’établir et de publier des comptes annuels consolidés, la rémunération du commissaire et de
son « réseau » pour la mission de contrôle est inférieure à celles des autres missions, il faut,
pour que ces dernières puissent être attribuées, un avis favorable du comité d'audit ou une
délibération favorable du « Comité d'avis et de contrôle » ou l'instauration d'un collège de
commissaires. Il suffit dès lors que le comité d'audit donne son approbation. Cela implique
que ce comité réponde à certaines dispositions légales. Pourtant, le comité d'audit n'a aucune
responsabilité. La loi attribue explicitement toute responsabilité au conseil d'administration.
12
13
14
COMMISSION CORPORATE GOVERNANCE, Recommandations de l'autorité de marché de la Bourse de Bruxelles,
Bruxelles, janvier 1998, Recommandation 4.4, 10.
FEDERATION DES ENTREPRISES DE BELGIQUE , Recommandations de corporate governance de la FEB.,
Bruxelles, janvier 1998, Recommandation, 4.3., 9-10.
Cf. infra.
8
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Le comité d'audit doit être créé « au sein du conseil d'administration ». Il semble raisonnable
de dire que seuls des administrateurs peuvent faire partie du comité. On ne peut donner
d'autre signification aux termes « au sein de ».
Chaque administrateur est censé apte à participer à un tel comité, ce qui contraste fortement
avec la règle pour l'appréciation des décisions ou opérations intragroupe de sociétés cotées,
où un comité chargé de l’appréciation de conflits d’intérêt doit être composé
d'administrateurs indépendants. Ces derniers doivent répondre à un certain nombre de
critères cumulatifs.15 Cette disposition légale diverge aussi fortement des recommandations
nationales et internationales, dans lesquelles il est toujours stipulé qu'un comité d'audit doit
être composé (du moins en majorité) d'administrateurs non exécutifs (voire même
indépendants). Les sociétés cotées à une bourse américaine doivent respecter les normes
américaines. Une société cotée à une bourse américaine doit disposer d'un comité d'audit
composé exclusivement d'administrateurs indépendants.16
Interprétation pratique
La pratique indique que l'on peut distinguer trois périodes en ce qui concerne l'existence, la
composition et le fonctionnement du comité d'audit.
Avant la publication des recommandations de corporate governance, on manquait de
données cohérentes concernant la création, la tâche, la composition et le fonctionnement des
comités d'audit. Une étude des rapports annuels de 125 sociétés pour l’année 1996 a montré
que 11 d'entre elles seulement établissaient un rapport concernant le fonctionnement d'un
comité d'audit.17 Outre un certain nombre d'organismes de crédit, quelques grandes sociétés
cotées en bourse avaient confié des tâches spécifiques à un tel comité. On déduit de ces
rapports limités que, dans un certain nombre de cas, la composition ne répondait pas aux
recommandations ultérieures : souvent, des administrateurs exécutifs siégeaient aussi au
comité.
La publication des recommandations susmentionnées relatives à la « corporate governance »
inaugurait une nouvelle phase.
Les rapports annuels de 1997 contiennent davantage d'informations sur le comité d'audit. 26
sociétés cotées en bourse (21 %) avaient créé un comité d'audit au sein du conseil
d'administration.18 Le nombre réel était probablement supérieur. Il ressortait en effet des
rapports annuels des autres sociétés que 25 % seulement mentionnaient explicitement ne pas
disposer d'un comité d'audit.
15
16
17
18
Article 524, § 4, alinéa 2, du Code des sociétés. Un des amendements visait à soumettre une majorité des membres du
comité d'audit aux mêmes conditions que ceux qui siégeaient au comité qui doit apprécier les conflits d'intérêts (Doc.
parl. Sénat 2001-2002, n° 2-1107/3, amendement n° 14). Cet amendement a été rejeté.
Cf. infra.
H. DE WULF et A. LEVRAU, « Corporate governance in België : Een verkenning op basis van de jaarverslagen 1996 »,
in Corporate governance - Het Belgische Perspectief, INSTITUUT VOOR BESTUURDERS (éd.), Anvers, Intersentia,
1998, 103.
BOURSE DE BRUXELLES, Note d'étude sur l'application des recommandations de corporate governance, 1998, 2.
9
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Depuis lors, le nombre de comités d'audit a considérablement augmenté. Une analyse des
rapports annuels 2000 fournit les résultats suivants. Plus de 40 % des sociétés cotées en
bourse avaient créé un tel comité. Ce comité compte de 2 à 9 membres, avec une moyenne
de 3,5 membres et une médiane de 3. Dans plus de deux tiers des cas (71 %), le comité
d'audit ne compte pas d'administrateurs exécutifs, mais, dans un tiers des comités seulement,
les administrateurs indépendants en forment la majorité.19 La publication d'informations
relatives au fonctionnement du comité est limitée et montre que certains ne se sont réunis
qu'une seule fois et d'autres jusqu'à sept fois. L'interprétation de la mission du comité peut se
résumer comme suit :
- surveillance des systèmes de contrôle interne;
- surveillance régulière des rapports financiers (externes);
- d'autres tâches, comme :
-
la surveillance de l'indépendance du commissaire;
la rémunération du commissaire;
la modification de principes comptables;
le rôle de l'audit interne et des systèmes de maîtrise des risques;
etc.
La troisième phase, qui est à présent en plein développement, concerne la création statutaire
du comité d'audit avec une tâche particulière envers le commissaire. Ce point sera détaillé
dans la partie sur la relation entre le comité d'audit et le commissaire.
La position du commissaire
Les recommandations des différents codes n'accordent guère d'attention à la relation entre le
comité d'audit et le commissaire.
La Commission Corporate governance recommande que le comité d'audit délibère au moins
deux fois l'an, dont au moins une fois avec les contrôleurs internes et externes, dont le
commissaire. La FEB se limite à dire : le commissaire, le directeur financier et le
responsable de l'audit interne « devraient assister aux réunions du comité ».
Les autres codes belges ne vont pas plus loin.
La loi du 2 août 2002 a instauré un système spécial, non comparable au niveau international,
concernant la relation entre le comité d'audit et le commissaire.
Le comité d'audit statutaire a en effet une tâche spéciale : assurer un suivi permanent des
«afgewerkte dossiers van de commissaris» selon la version néerlandaise du texte légal ou des
«devoirs accomplis par le commissaire» selon la version française du texte légal. Cette
surveillance doit être exercée chez les sociétés cotées et les groupes si le commissaire
souhaite fournir des services dont le montant dépasse les émoluments visés à l'article 134, §
1er, du Code des sociétés.
19
C. VAN DER ELST, Corporate governance : de huidige praktijk, conférence de la journée d'étude du 17 avril 2002, IIR,
Anvers
10
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Nulle part le législateur n'explique ce qu'il faut entendre par une telle surveillance. Dans la
pratique, deux aspects sont importants pour l'appréciation du caractère permanent du
contrôle. En premier lieu, le comité doit assurer une surveillance permanente des «dossiers»
ou «devoirs» du commissaire. Ensuite, cette surveillance permanente doit avoir trait aux
dossiers «afgewerkte» ou devoirs accomplis.
Là où le texte légal en français permet à la surveillance du comité d’audit d’être en
concordance avec d’autres dispositions légales, en particulier l’article 458 du Code Pénal, la
version néerlandaise du texte légal apparaît considérablement plus délicate à cet égard. Il est
certain que la même signification ne peut pas être donnée aux termes «afgewerkte dossiers»
du texte néerlandais et aux termes « devoirs accomplis » du texte français. Pour les besoins
de la sécurité juridique, il est recommandé de remédier à cette discordance aussi rapidement
que possible.
Les «bonnes pratiques» ne s'arrêtent pas à cette délimitation légale des tâches. Le comité
d'audit commentera aussi les comptes annuels. Dans ce cas, sa réunion précède celle où le
conseil d'administration arrête les comptes annuels.20 Lors de cette réunion, une rencontre
avec le commissaire est indiquée. A cette occasion, le commissaire détaillera les tâches qui
sont ou ont été effectuées par ses soins, ainsi que par des personnes de sa sphère d'influence.
Pour être complet, la Commission remarque que la contrainte légale en matière de secret
professionnel est contraire aux projets de disposition de la Public Company Accounting
Oversight Board (PCAOB)21 américaine. Ce nouvel organe de surveillance demande aux
bureaux d'audit répondant à certaines conditions de se faire enregistrer auprès du PCAOB.
Les informations rendues publiques dans le formulaire d'enregistrement, ainsi que les
engagements qui doivent être pris par l(es) auteur(s) du formulaire d'enregistrement tombent
sous le secret professionnel du commissaire belge.
Outre cette mission légale spécifique, le comité d'audit peut aussi être chargé d'autres
tâches.22 De manière plus générale, le commissaire devra examiner si le comité d'audit peut
être considéré comme l'entité qui, selon l'ISA-260, doit être considérée comme les personnes
chargées de la «governance» de la société. En effet, selon la section 6 de cette ISA, il est
possible qu'un comité d'audit soit compétent en ce qui concerne les «audit matters of
governance interest» à communiquer. Le 17 janvier 2003, le Conseil supérieur a émis un
avis sur la proposition de recommandation de l’IRE transposant cette ISA.23. Le commissaire
se verra, le cas échéant, attribuer la tâche difficile de savoir si le comité d'audit de la société
concernée peut être considéré comme l’organe de contact privilégié en matière d'ISA 260.
Son avis devra s'exprimer, initialement, dans la lettre de confirmation de mission, mais en
cas de modification de la structure d'organisation de la société, la communication pourra être
ultérieurement établie avec le comité d'audit.
20
21
22
23
M.J. DE SAMBLANX, Auditcomités en corporate governance, Etudes IRE n° 3/95, 13.
PCAOB, Proposal of registration system for public accounting firms, 7 mars 2003.
Pour un aperçu des tâches principales, voir The High Level Group of Company Law Experts, A modern regulatory
framework for company law in Europe, 4 novembre 2002, 158 p. ; M.J. DE SAMBLANX, Auditcomités en corporate
governance, études IRE n° 3/95, 96 p.
CONSEIL SUPERIEUR DES PROFESSIONS ECONOMIQUES, Avis du 17 janvier 2003 relatif à la recommandation
du Conseil de l’Institut des Réviseurs d’Entreprises «La communication de points d’audit aux personnes en charge de la
bonne administration», Bruxelles, 10 p.
11
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Commission Corporate governance
La Commission estime qu'il convient aussi de prendre en compte les normes de qualité lors
de l'appréciation du comité par le commissaire. Les membres du comité d'audit ne doivent
pas seulement disposer d'une « indépendance » suffisante, mais aussi être aptes à servir de
porte-parole. Cela implique que le comité doit disposer de suffisamment de compétences et
de connaissances en matière d’obligations comptables, de rapports et d'audit.
La création d'un comité d'audit n'est pas un but en soi. En juger autrement ressortirait à la
méthode de « box-ticking ». Il est nécessaire de déterminer de manière formelle les tâches,
les compétences et le mode de fonctionnement du comité d'audit, ainsi que les rapports qu'il
doit établir. Le commissaire doit inciter la société à établir et à maintenir une telle charte et à
lui donner accès au document de façon à ce que celui-ci puisse constater de quelle manière il
peut établir sa relation avec le comité d'audit.
Une charte devra également fixer le rôle et les compétences des non-administrateurs et, le
cas échéant, des administrateurs exécutifs à l’égard du comité d'audit. En effet, il est
nécessaire que le commissaire soit au courant de la participation de telles personnes aux
réunions du comité d'audit. Ses rapports peuvent, en effet, – surtout vu son devoir de
confidentialité – être adaptés ou accordés selon la participation à la réunion de nonadministrateurs ou d'administrateurs exécutifs. Le commissaire veillera toujours à avoir la
possibilité de délibérer en l'absence de non administrateurs ou, le cas échéant,
d'administrateurs exécutifs.
En ce qui concerne la position des administrateurs non indépendants, la Commission estime
que le règlement interne du comité d'audit doit comprendre les directives nécessaires en la
matière. La Commission estime que plus de 50 % des membres du comité d'audit doivent
être indépendants ; de fait un certain nombre de rapports récents recommandent de
composer le comité d'audit exclusivement d'administrateurs indépendants.24 Le législateur
belge donne des critères d'indépendance de l'administrateur en matière de règlements de
conflits d'intérêts.25 Pour certaines sociétés, à savoir celles cotées sur un marché américain,
tous les membres du comité d'audit doivent être indépendants. Dans ce cas, le commissaire
doit aussi examiner si les membres répondent aussi aux critères d'indépendance tels que fixés
à la section 301 (3) du Sarbanes-Oxley Act.
24
25
La Commission souscrit aux recommandations de Derek Higgs concernant la relation entre les administrateurs
indépendants et le comité d'audit dans son rapport Review of the role and effectiveness of non-executive directors, janvier
2003, 60.
Cf. infra.
12
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Commission Corporate governance
1.1.3
Les autres comités
Actualité
Il serait fastidieux de donner une énumération complète de tous les types de comités.
Néanmoins, deux comités sortent du lot et sont assez répandus. Outre le comité de
rémunération, le plus connu de tous, le comité de nomination gagne aussi du terrain.
A cet égard, l'examen des rapports annuels de l'exercice 2000 des sociétés cotées en bourse
donne l’image suivante. 75 % des comités répondent à l'exigence de la Commission
Corporate governance qu'un comité de rémunération compte une majorité d'administrateurs
non exécutifs. Dans plus de 62 % des comités, il n'y a même pas place pour un
administrateur exécutif. Les représentants des actionnaires sont impliqués dans une large
mesure dans les activités du comité de rémunération. Un peu moins de la moitié des comités
(47 %) comprend une majorité d'administrateurs indépendants.26
Dans quelques comités, des non-administrateurs participent aussi aux réunions. La qualité en
laquelle ces derniers y prennent part n'est pas claire. Il n'existe pas de recommandations en la
matière. Leur participation peut être encouragée à des fins d'information. Il semble toutefois
déconseillé de faire participer ces personnes au processus de prise de décision au sein du
comité.
Les comités de rémunération n'ont pas toujours comme tâche de préparer les décisions
concernant les émoluments des administrateurs. Dans un peu moins de la moitié des cas
(46,3 %), le comité de rémunération discute des rémunérations de la direction et des
administrateurs (exécutifs).27 A cet égard, des administrateurs exécutifs siègent dans plus de
la moitié des comités. Il semble évident que les administrateurs exécutifs ne peuvent pas
participer aux débats lorsqu'il est question de leur propre rémunération. Il existe toutefois
peu de rapports au sujet de ce conflit d'intérêts.
40 % des comités de rémunération délibèrent exclusivement au sujet de la rémunération de la
direction. La rémunération des administrateurs n’est pas de la compétence de ce comité.
Enfin, 13 % des sociétés se limitent à faire du « box-ticking ». Elles ne donnent pas
d'informations ou uniquement des informations vagues sur les tâches du comité de
rémunération. La Commission se rallie aux points de vue du rapport « HIGGS » en ce qui
concerne la fixation de la rémunération. On peut lire dans ce rapport : « At a minimum, the
[remuneration]committee should have delegated responsibility for setting the remuneration
for all executive directors and the chairman. The committee should also set the level and
structure of compensation for senior executives. »28 La Commission veut toutefois attirer
l'attention sur le fait qu'il faut indiquer clairement de quelle manière la rémunération des
administrateurs non exécutifs est fixée.
26
27
28
C. VAN DER ELST, « De remuneratie van de raad van bestuur aan het begin van de 21e eeuw », Accountancy &
Bedrijfskunde (M), novembre 2002, n° 8, 6.
L'assemblée générale est habilitée à fixer la rémunération des administrateurs. Il est possible que le comité de
rémunération ne délibère que sur la rémunération des administrateurs exécutifs. Dans un certain nombre de cas, il ressort
cependant du rapport que le comité de rémunération s'est vu attribuer des tâches plus étendues.
D. HIGGS ,Review of the role and effectiveness of non-executive directors, janvier 2003, 61.
13
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Les comités de nomination sont moins courants. En 2000, 16,8 % seulement des sociétés
font rapport sur le fonctionnement d'un tel comité. Le plus souvent, ce comité se limite à
sélectionner les candidats administrateurs ou à donner son avis sur ce sujet. Dans un certain
nombre de cas, ce comité remplit la même tâche pour les « candidats managers ».
La position du commissaire
Selon l'arrêté royal relatif à l'indépendance du commissaire, l'intervention de celui-ci dans le
recrutement d'administrateurs, gérants et chefs d'entreprise met son indépendance en cause.
Le rôle que le commissaire peut jouer est limité. Il doit veiller à garantir son indépendance
en confirmant formellement que ce recrutement a eu lieu sans son intervention.
La Commission estime qu'en ce qui concerne les tâches d'autres comités institués au sein du
conseil d'administration, le rôle du commissaire est modeste. La nouvelle réglementation en
matière d'indépendance oblige le commissaire à observer une certaine réserve. Il ressort de la
compétence du commissaire de contrôler le fonctionnement correct des comités statutaires.
En matière de recherche et de recrutement du « personnel clef », la réglementation belge est
claire. Le commissaire ou quelqu'un de sa « sphère d'influence » ne peut intervenir. Les
tâches du comité de nomination doivent dès lors être nettement séparées de la (des)
mission(s) du commissaire.
Bien qu’en ce qui concerne la relation avec le comité de rémunération, l'arrêté royal ne
contienne aucune disposition relative à la liste de prestations incompatibles, la Commission
estime que le commissaire doit ici aussi se comporter avec réserve. Deux aspects particuliers
nécessitent certaines nuances.
Dans certains cas, la frontière entre la tâche du comité d'audit et celle du comité de
rémunération s'estompe. Comme exemple, la Commission renvoie à la politique en matière
de régimes d'options et autres plans de rémunération spéciaux. Cette politique ne se base pas
seulement sur des considérations purement financières, mais elle a aussi d'importantes
conséquences comptables et de droit des sociétés. Dans ce cas, il convient que le
commissaire contrôle soigneusement le mode de travail des différents comités afin d'être
suffisamment assuré qu'au moins un des comités impliqués se penche sur toutes les facettes
de cette problématique.
14
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Commission Corporate governance
En outre, la Commission a pris connaissance des discussions menées au Sénat concernant la
proposition de loi modifiant l'article 1er de la loi du 2 mars 1989 relative à la publicité des
participations importantes dans les sociétés cotées en bourse et de l'article 96 du Code des
sociétés, qui tend à insérer une nouvelle obligation de publication de données détaillées
relatives à la rémunération des administrateurs de sociétés cotées.29 Cette commission du
Sénat est arrivée à la conclusion que la rédaction actuelle pourrait contenir un nombre
considérable d'imprécisions et conduire à une communication non transparente. Une
nouvelle réglementation en la matière aura pour effet que le commissaire se verra attribuer
de nouvelles tâches de contrôle. Indépendamment du fait que le législateur vise une publicité
globalisée ou individuelle de données, il convient de remédier aux insuffisantes actuelles en
matière de publicité des émoluments des différents organes de la société.30
Cette thèse relative à la position du commissaire n'empêche pas qu'un réviseur d'entreprises
puisse jouer un rôle à cet égard. En effet, comme le réviseur d'entreprises connaît bien le
milieu financier des sociétés, il est en particulier au courant de certains développements au
niveau du recrutement du « personnel-clef » et des rémunérations. Le fait qu’il soit ainsi
informé peut entraîner – moyennant la garantie du respect des règles du secret professionnel
– une plus grande efficience du fonctionnement des sociétés, par l'engagement de personnel
qualifié et l'établissement d'une politique de rémunération optimale.
1.1.4
Les administrateurs indépendants
Actualité : d'une approche « soft law » vers un régime « hard law »
En vertu de l'article 521 du Code des sociétés, le conseil d'administration est un organe
collégial. Le législateur n'a établi aucune distinction entre les administrateurs exécutifs et
non exécutifs. La loi du 2 août 2002 y a toutefois introduit une modification en ce qui
concerne les administrateurs indépendants. Alors qu'il n'existait auparavant que des
« recommandations », le Code des sociétés contient aujourd'hui une définition légale.
29
30
Doc. parl. Sénat 2001-2002, n° 2-714.
Cf. infra.
15
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Soft law
La Commission Corporate governance de la Bourse de Bruxelles donne la description la
plus précise des différents « types » d'administrateurs, inspirée par les constatations de la
Bourse de Toronto.31 Un administrateur non exécutif est un administrateur qui n'exerce pas
de fonction de direction dans la société ou dans ses filiales.32 On peut en inférer que les
membres du comité de direction siégeant au conseil d'administration et l'administrateur
délégué appartiennent à la catégorie des administrateurs exécutifs. Selon la recommandation
1.4, les administrateurs non exécutifs doivent être en majorité. La Commission constate que
les différents codes et règlements défendent des points de vue différents en ce qui concerne
le nombre de membres indépendants. En cas d'absence d'un comité d'audit, tous les membres
doivent être indépendants, affirme le Sarbanes-Oxley Act américain.33 En Grande-Bretagne,
HIGGS34 propose qu'au moins la moitié des membres doivent être indépendants, mais qu'il
doit y avoir aussi une forte représentation exécutive au sein du conseil d'administration.
D’après la Commission Corporate governance de la Bourse de Bruxelles, un certain nombre
d'administrateurs non exécutifs doivent être indépendants. Selon cette Commission, un
administrateur est indépendant lorsqu'il répond aux critères suivants :
- «il ne fait pas partie de la direction, ni des organes de gestion ou de la direction des
sociétés liées (filiales, etc.) ; il n'a pas non plus occupé une des fonctions susdites durant
la dernière année ;
- il n'a pas de liens familiaux avec un des administrateurs exécutifs pouvant influencer son
jugement indépendant ;
- il ne fait pas partie de la direction ou du conseil d'administration des actionnaires
dominants. Il n'est pas non plus élu sur proposition d'un des actionnaires dominants et
n'entretient pas de relations professionnelles, financières ou autres avec celui-ci ;
- il n'est pas fournisseur de biens ou de services étant de nature à influencer son jugement ;
cela vaut aussi pour les membres de la société dont fait partie le conseiller ou
consultant ;
- il n'entretient avec la société aucune autre relation qui, de l'avis du conseil
d'administration, est de nature à influencer l'indépendance de son jugement ; aucune
influence telle n'est censée émaner de la rémunération que cet administrateur perçoit, ni
de sa propriété d'actions limitée de la société.» 35
31
32
33
34
35
D. MEEUS, « De recente Belgische aanbevelingen inzake corporate governance », Corporate governance - Het Belgische
perspectief, INSTITUT DES ADMINISTRATEURS (éd.), Anvers, Intersentia, 1998, 41.
COMMISSION BELGE DE CORPORATE GOVERNANCE, Rapport de la Commission belge de corporate
governance : une initiative de la Bourse de Bruxelles, Bruxelles, janvier 1998, Recommandation 1.4.
Voir section 2 (3) juncto section 301 (3) A SOA.
Ce point de vue est toutefois controversé
COMMISSION BELGE DE CORPORATE GOVERNANCE, Rapport de la Commission belge de corporate
governance : une initiative de la bourse de Bruxelles, Bruxelles, janvier 1998, Recommandation 2.2. Cette
recommandation rejoint les directives australiennes. L'indépendance est assurée lorsqu'un administrateur non exécutif :
- n'est pas un actionnaire substantiel de la société ;
- n'a pas été employé dans une fonction exécutive auprès de la société durant les dernières années ;
- n'est pas au service de la société comme conseiller professionnel (ni personnellement ni par le biais d'une firme) ;
- n'est pas un fournisseur ou un client significatif de la société ;
- n'a pas avec la société de relation contractuelle significative autre que celle d’administrateur (Australian Stock
Exchange, Corporate practices and Conduct Guidelines, 1995, 14). Voir également l'exposé dans A. CADBURY, Board
Focus - The Governance Debate, Zurich, Egon Zehnder International, 1997, 20.
16
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Commission Corporate governance
Cette définition est négative en ce qu’elle indique des qualifications qu’un administrateur
indépendant ne peut avoir pour être considéré comme tel.36
La description d'un administrateur indépendant par la Commission Corporate governance de
la Bourse de Bruxelles va beaucoup plus loin que celle donnée par la FEB. Selon cette
Fédération, il suffit qu'un administrateur soit indépendant des actionnaires dominants et de la
direction pour pouvoir le qualifier d' « indépendant ».37
Les recommandations de la CBF classent les administrateurs en trois catégories. La première
se compose des délégués à la gestion journalière. Bien que cette qualification soit moins
utilisée dans la pratique, elle correspond mieux aux règles légales en la matière.38 Les
administrateurs indépendants sont ceux qui sont indépendants des actionnaires dominants et
des dirigeants.39 Cette dernière description est imprécise, puisque la limite entre les notions
de « dirigeant » et de « délégué à la gestion journalière » ne se retrouve pas dans les
recommandations.40 La troisième catégorie comprend les administrateurs qui « représentent
en fait les actionnaires dominants ». La doctrine émet des réserves quant à cette
description.41
36
37
38
39
40
41
Certains auteurs critiquent une telle description négative, voir P. LE CANNU, « Légitimité du pouvoir et efficacité du
contrôle dans les sociétés par actions », Bulletin Joly 1995, n° 18, 642.
FEDERATION DES ENTREPRISES DE BELGIQUE, Recommandations de corporate governance de la FEB,
Recommandation 2.2.
Pour un exposé de l'organe de gestion journalière, voir F. CLEEREN, « Het orgaan van dagelijks bestuur », R.W. 199697, 209-220.
COMMISSION BANCAIRE ET FINANCIERE, Recommandations de la Commission bancaire et financière aux
sociétés belges cotées en bourse en ce qui concerne leurs informations sur la façon dont elles organisent leur
administration et leur gestion, Bruxelles, janvier 1998, 3.
Un exposé n'apporte pas non plus la clarté sur la portée de ces notions, voir J.-L. DUPLAT et G. CARTON DE
TOURNAI, « La Commission bancaire et financière et la corporate governance », Reflets et Perspectives 1998, n° 3, 3637.
En effet, le conseil d'administration représente la société et la désignation ci-dessus fait apparaître le risque de considérer
la société comme un agent des actionnaires dominants (E. WYMEERSCH, « De Belgische initiatieven inzake corporate
governance », in Corporate governance - Het Belgische Perspectief, INSTITUT DES ADMINISTRATEURS (éd.),
Anvers, Intersentia, 1998, 66).
17
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Hard law
A l'exception d'une seule situation particulière, le législateur ne connaissait pas jusqu'il y a
peu la notion d'administrateurs indépendants.42
L'article 60bis des Lois coordonnées sur les sociétés commerciales a introduit en 1995 la
notion d'«indépendance» dans la législation belge. Cette indépendance ne devait être prise en
considération que lors de décisions ou d’opérations relevant du conseil d'administration et
« pouvant donner lieu à un avantage patrimonial direct ou indirect à un actionnaire
détenant une influence décisive ou notable sur la désignation des administrateurs de la
société ». Il s'agit, par conséquent, de l'indépendance en tant que « donnée situationnelle »43.
Chaque administrateur peut être pris en considération pour siéger, dans cette situation
particulière, comme administrateur indépendant. Il incombe au conseil d'administration de
désigner ces administrateurs.
La loi corporate governance a apporté une modification importante à la description de la
notion d'administrateur indépendant, du moins en ce qui concerne les sociétés cotées en
bourse. Selon l'article 524 du Code des sociétés, les administrateurs indépendants doivent au
moins répondre aux critères suivants :
« 1° durant une période de deux années précédant leur nomination, ne pas avoir exercé un
mandat ou fonction d'administrateur, de gérant, de membre du comité de direction, de
délégué à la gestion journalière ou de cadre, ni auprès de la société, ni auprès d'une
société ou personne liée à celle-ci au sens de l'article 11 ; cette condition ne
s'applique pas au prolongement du mandat d'administrateur indépendant ;
2°
42
43
ils ne peuvent avoir, ni au sein de la société, ni au sein de la société liée ou d'une
personne liée à celle-ci, au sens de l'article 11, ni conjoint ni une personne avec
laquelle ils cohabitent légalement, ni parents ni alliés jusqu'au deuxième degré
exerçant un mandat d'administrateur, de gérant, de membre du comité de direction, de
délégué à la gestion journalière ou de cadre ou ayant un intérêt financier tel que
prévu au 3° ;
Un certain nombre d'«idées» en matière d'indépendance ont été lancées à l'occasion de la discussion sur l'introduction
d'une société autonome. Pour un commentaire, voir P. VAN OMMESLAGHE, « Vers une société anonyme
« autonome »? », in Liber Amicorum Commission Droit et Vie des Affaires 40e Anniversaire (1957-1997), Bruxelles,
Bruylant, 1998, (389), 399-401. Il existait en outre des règles dans le règlement EASDAQ : Règles 0420 (définition de
l'administrateur indépendant) et 0480 (nombre d'administrateurs indépendants). Règlement EASDAQ joint comme
annexe à l'arrêté ministériel du 9 septembre 1998 portant approbation du règlement EASDAQ, M.B., 8 octobre 1998.
L. VAN DEN BERGHE, Het ontsluieren van de legendes inzake corporate governance, INSTITUT DES
ADMINISTRATEURS (éd.), Gand, 1998, 77.
18
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3° a) ne détenir aucun droit social représentant un dixième ou plus du capital, du fonds
social ou d'une catégorie d'actions de la société ;
b) s'ils détiennent des droits sociaux qui représentent une quotité inférieure à 10 % :
- par l'addition des droits sociaux avec ceux détenus dans la même société par des
sociétés dont l'administrateur indépendant a le contrôle, ces droits sociaux ne
peuvent atteindre un dixième du capital, du fonds social ou d'une catégorie
d'actions de la société ;
ou
- les actes de disposition relatifs à ces actions ou l'exercice des droits y afférents ne
peuvent être soumis à des stipulations conventionnelles ou à des engagements
unilatéraux auxquels l'administrateur indépendant a souscrit ;
4°
n'entretenir aucune relation avec une société qui est de nature à mettre en cause leur
indépendance »
Interprétation pratique
Comme pour le comité d'audit, on peut distinguer ici trois phases dans la pratique des
sociétés.
Avant l'introduction des recommandations belges, il n'existait en Belgique, contrairement à
la Grande-Bretagne, aucune donnée de référence sur la structure du conseil d'administration.
On répertorie uniquement quelques données sur la mesure dans laquelle les membres du
conseil d'administration siègent au comité de direction de leur propre société ou aux conseils
d'administration et comités de direction des actionnaires de référence ou majoritaires.
Depuis 1996, la publication d'informations sur la composition du conseil d'administration
s'est modifiée. Un nombre restreint de sociétés fournissaient des informations
supplémentaires sur la « qualité » des membres du conseil d'administration.44 De même, un
petit nombre de sociétés mentionnaient l'obligation statutaire de participation d'un ou
plusieurs administrateurs indépendants au conseil d'administration.45
44
45
Comme, par exemple, N.P.M., Cobepa et Petrofina. En 1996, deux sociétés mentionnaient qui siégeait au conseil comme
administrateur indépendant : Ackermans & van Haaren (ACKERMANS & VAN HAAREN, Jaarverslag 1996, 7) et
N.P.M. (N.P.M., Jaarverslag 1996, 9).
L'article 15 des statuts (version 1997) de Real Software stipule que peut siéger comme administrateur indépendant au
conseil l'administrateur qui « n'est ni travailleur ni conseiller de la société ou de ses filiales, n'a pas de participation de
cinq pour cent ou plus des actions de la société et n'a aucun autre rapport avec la société qui, selon l'avis de l'assemblée
des actionnaires, peut influencer son indépendance de l'exercice de la fonction d'administrateur. » Le conseil compte au
minimum cinq administrateurs, dont deux au moins doivent être indépendants.
19
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La publication des « recommandations » susmentionnées en janvier 1998 a eu lieu au
moment où de nombreuses sociétés étaient occupées à rédiger le rapport annuel. Il en
découle qu'un relevé complet du respect des principes n'est possible qu'à partir de la
publication des rapports annuels sur l’exercice 1998.
Selon une étude de la Bourse de Bruxelles46, les administrateurs non exécutifs représentaient
en moyenne 79,9 % du nombre total des membres. Ces chiffres ont été confirmés dans une
autre étude : SPENCER STUART indiquait que 78 % des administrateurs belges sont des
administrateurs non exécutifs.47
On dispose de moins de données chiffrées sur les administrateurs indépendants. Selon la
même étude de la Bourse de Bruxelles, quarante-quatre sociétés comptaient deux
administrateurs indépendants ou plus.48 Sept sociétés mentionnaient compter un seul
administrateur indépendant, alors que trois sociétés déclaraient explicitement qu'aucun
administrateur indépendant ne siégeait dans leur conseil.
Des chiffres plus récents indiquent qu'un tiers des administrateurs sont indépendants. La
majorité des administrateurs sont présentés par l'actionnaire dominant. Ces chiffres révèlent
explicitement que le modèle de gouvernement d'entreprise belge se distingue sensiblement
du modèle britannique ou américain : l'influence dominante des administrateurs exécutifs est
en Belgique inexistante. Ces différences s'expliquent probablement par la structure différente
de l'actionnariat des sociétés américaines et britanniques. Une minorité seulement des
sociétés américaines et britanniques cotées connaissent un actionnaire de référence.
Tableau 2A: Composition du conseil d'administration de 125 sociétés cotées à la bourse
Euronext de Bruxelles (2000)
Exécutif
Moyen
Médiane
Minimum
Maximum
Nombre de sociétés
30,2 %
26,8 %
0,0 %
100,0 %
74,0 %
Indépendant
34,8 %
33,3 %
0,0 %
75,0 %
79,0 %
Présentés
actionnaire(s)
dominant(s)
par
55,4 %
56,4 %
16,0 %
100,0 %
61,0 %
source: C. VAN DER ELST, Corporate governance : la pratique actuelle, conférence, journée d'étude 17 avril 2002,
IRE, Anvers.
46
47
48
BOURSE DE BRUXELLES, Note d'étude sur l'application des recommandations de corporate governance, 1998, 2.
R. TRICKER, « Corporate governance - The Global State of the Art », Corporate governance - An International Review
1999, 120.
BOURSE DE BRUXELLES, Note d'étude sur l'application des recommandations de corporate governance, 1998, 2.
20
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Tableau 2B: Nombre de sociétés dont le conseil se compose de :
Administrateurs exécutifs
2 ou plus
> 50 %
≥ 50 %
10.4 %
13.6 %
Administrateurs indépendants
84.0 %
9.6 %
21.6 %
source : C. VAN DER ELST, Corporate governance : la pratique actuelle, conférence, journée d'étude 17 avril
2002, IRE, Anvers.
Les données reposent entièrement sur les mentions des rapports annuels. Il convient toutefois
de faire remarquer qu'un nombre limité seulement de sociétés indiquent clairement les
critères utilisés pour la délimitation de la catégorie des administrateurs indépendants.
La position du commissaire
Jusqu'il y a peu, le réviseur d'entreprises, en sa qualité de commissaire, était rarement
confronté avec la problématique des administrateurs indépendants. En vertu de l'ancien
article 524 du Code des sociétés, il devait pourvoir du « commentaire nécessaire » le
règlement d'un conflit d'intérêts entre l’actionnaire de référence et la société dans son
rapport, mais la mention de tels conflits d'intérêts était limitée. La loi corporate governance
a considérablement modifié cette disposition et l'a alourdie.
Dans la nouvelle règle relative aux conflits d'intérêts, qui ne visent plus exclusivement ceux
qui apparaissent entre l’actionnaire de référence et la société, le commissaire doit rendre une
appréciation « quant à la fidélité des données figurant dans l'avis du comité et dans le
procès-verbal du conseil d'administration ». Une lecture littérale du texte de loi permet
d'affirmer que le commissaire ne doit pas apprécier la composition du comité. On peut
toutefois argumenter qu'un commissaire normalement diligent ne peut demeurer passif
lorsqu'il constate que les exigences légales ne sont pas respectées en matière de composition
du comité, et plus particulièrement l'obligation de chaque membre de répondre aux critères
d'indépendance fixés par la loi. En effet, la fidélité des données peut être mise en cause
lorsque l'avis du comité est rédigé par des personnes qui ne répondent pas aux critères
légaux. Le commissaire dispose à cet égard au moins d'une possibilité de contrôle. La
résolution nommant les administrateurs indépendants doit, en effet, indiquer les motifs « sur
la base desquels est octroyée la qualité d'administrateur indépendant ».
Plus généralement, la Commission estime que la règle générale selon laquelle le commissaire
doit signaler chaque violation du Code des sociétés, doit être appliquée scrupuleusement. A
l'occasion de la nomination des premiers administrateurs indépendants, la question se pose
de savoir de quelle manière il faut interpréter l'article 53, alinéa 2, de la loi corporate
governance. L’exigence d'indépendance fonctionnelle afférente à un emploi ou à l’exercice
d'un mandat dans la société avant la nomination en qualité administrateur indépendant ne
s'applique pas à la « nomination des premiers administrateurs indépendants ». Le
commissaire doit surveiller la correcte application de cette nouvelle disposition.
21
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Commission Corporate governance
Dans les cas où la société nomme, en plus des administrateurs indépendants répondant aux
critères légaux, des administrateurs indépendants répondant aux règles d'indépendance
établies statutairement ou non, le contrôle est aussi requis. En effet, ces dernières règles ne
satisfont pas nécessairement aux dispositions légales. Dans ce cas, le rapport de corporate
governance de la société doit expliquer et commenter cette distinction de manière explicite.
1.1.5
Rapport du conseil d'administration aux actionnaires en matière de corporate
governance
En même temps que l'émergence de la notion de « corporate governance », plus d’attention
est réservée à la notion de « transparence ». La société doit informer de manière suffisante.
Bien que les obligations légales soient renforcées, le marché semble attendre davantage de
publications d'informations.
Donner une énumération exhaustive de toutes les mesures qui ont été prises dans ce domaine
ces dernières années dépasse le but de cette étude. Parmi elles, il fut décidé d'aborder le
thème important de la rémunération du commissaire d'une part, et du conseil
d'administration, d'autre part.
1.1.5.1
La rémunération du commissaire
Pour juger de l'indépendance du commissaire, les actionnaires souhaitent être informés de la
rémunération du commissaire, ce qui est important pour pouvoir apprécier correctement le
rapport entre la rémunération des prestations d'audit et de non audit. La Commission souscrit
au besoin de publication d'informations. Une recommandation européenne récente incite
aussi à la publication de la rémunération du commissaire.49
En ce qui concerne la situation belge à cet égard, les réflexions suivantes peuvent être
formulées.
Le rapport de gestion doit contenir des informations concernant les tâches, mandats et
missions effectués par le commissaire, en plus de sa mission de contrôle. Le conseil
d'administration doit également faire rapport sur les prestations qui ont été effectuées par des
personnes avec lesquelles le commissaire a conclu un contrat de travail ou liées avec lui sur
le plan professionnel50.
49
50
Recommandation de la Commission européenne du 16 mai 2002 – Indépendance du contrôleur légal des comptes dans
l'Union européenne : principes fondamentaux, PB. L. 191, 19 juillet 2002, 22-57.
Dans les paragraphes suivants, pour ne compromettre la clarté du texte, on parle de commissaire lorsque l'on vise
également ceux avec qui le commissaire collabore professionnellement ou a conclu un contrat de travail.
22
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Commission Corporate governance
L'examen de cette obligation de publicité nous apprend qu'en 2000, un peu moins de 50 %
des rapports annuels des sociétés cotées en bourse en font mention. En ce qui concerne
l'autre moitié, on ne sait pas de façon certaine si le commissaire n'a pas presté d'autres
services ou si ces prestations n'ont pas été publiées nonobstant l'obligation légale. Pour
combler cette lacune, on peut proposer d'en rendre la publicité obligatoire, que des services
additionnels aient été rendus ou non. Deux sociétés cotées en bourse respectent déjà ce
régime volontairement. En effet, elles signalent explicitement que le commissaire n'a pas
effectué de prestations supplémentaires.
Les sociétés qui ont fait rapport sur les services additionnels prestés par le commissaire, ne
l'ont pas, dans tous les cas, fait conformément aux obligations légales en la matière. Chez
environ un quart des sociétés mentionnant une rémunération additionnelle, cette mention ne
satisfaisait pas aux exigences légales : soit la mention se limitait au montant, soit « l'objet de
cette tâche, de ce mandat ou de cette mission » était insuffisamment décrit. Des exemples à
cet égard sont : « avis spécial », « missions particulières », « missions spéciales »,
« missions spécifiques », « réalisation de travaux ». On peut également discuter de la clarté
concernant la mention « tâches relatives aux filiales ». La Commission estime que cette
description ne répond pas aux exigences légales.
Tableau 3 : Mentions de prestations additionnelles (article 134, § 2 et/ou § 4, du Code des
sociétés)
Nombre de sociétés
Mention de rémunération
49.6 %
Dont :
Mention de rémunération et objet
Uniquement mention de rémunération
Rémunération et désignation insuffisante de l'objet
76.3 %
10.2 %
13.5 %
Source : C. VAN DER ELST, « De onafhankelijke commissaris : transparantie en juridisch-economische
beoordeling van het Belgisch normerend kader », T.R.V. 2002, 142.
Le législateur a fait une nette distinction entre la mention de services supplémentaires fournis
par le commissaire lui-même et ceux fournis par les personnes avec qui le commissaire a
conclu un contrat de travail ou se trouvait dans un rapport de collaboration.51 Il ressort
toutefois de l'étude que l'application de cette disposition pose problème. 29 % seulement des
sociétés pour lesquelles le rapport annuel signalait des prestations supplémentaires,
indiquaient réellement dans quelle mesure les prestations ont été fournies par les différentes
personnes reprises ci-dessus.
51
Article 134, §2 et §4 Code des sociétés
23
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Bien qu'aucune obligation légale ne s'applique en la matière, un certain nombre de sociétés
publiait également la rémunération du commissaire pour la mission de contrôle. Cette
rémunération ne doit être légalement communiquée qu'à l'assemblée générale qui procède à
la (re)nomination du commissaire.
Cette publication s'est faite dans les rapports annuels des sociétés cotées en bourse ainsi que,
dans un certain nombre de cas, dans la convocation à l'assemblée générale. Le tableau 4
reprend les résultats de l'étude de la rémunération du commissaire pour la mission de
contrôle. Un tiers des sociétés publient ces informations. Une minorité seulement précise
toutefois si cette rémunération se rapporte à la mission de contrôle des comptes statutaires ou
consolidés. On ne peut non plus clairement déterminer si le montant publié comprend la
rémunération cumulative pour le contrôle des comptes statutaires et consolidés. Une seule
société a indiqué si ce montant était indexable ou s'il comprenait la taxe sur la valeur ajoutée.
Tableau 4 : Rémunération du contrôle du réviseur – Nombre de mentions
Nombre de sociétés
Au niveau consolidé et statutaire
4
Uniquement au niveau consolidé
3
Uniquement au niveau statutaire (absence d'obligation de comptes
annuels consolidés)
2
Absence de détail
33
Nombre total de mentions
42
33.6%
Source : C. VAN DER ELST, « De onafhankelijke commissaris : transparantie en juridisch-economische
beoordeling van het Belgisch normerend kader», T.R.V. 2002, 139.
En 2000, vingt-sept sociétés belges cotées en bourse (voir tableau 5) donnaient des
informations sur la rémunération pour la mission de contrôle et les prestations
supplémentaires, ce qui permet d'analyser le rapport entre les revenus de ces deux catégories.
Dans plus de 55 % de ces sociétés, la rémunération pour missions hors mandat dépasse celle
de la mission de contrôle. Le rapport moyen de la rémunération de services non audit par
rapport à la rémunération de la mission de contrôle approche 3. Le montant maximum
consacré aux prestations non audit mandat dépassait de plus de quatorze fois la rémunération
de la mission de contrôle.
24
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Tableau 5 : Rapport de la rémunération de prestations non audit et audit
Rapport non audit et audit
Nombre de sociétés
% total
0-0,5
0,5-1
1-2
>2
4
8
5
10
14,8%
29,6%
18,5%
37,0%
Total des mentions
27
100,0%
moyenne
maximum
minimum
2,83
14,27
0
Source : C. VAN DER ELST, « De onafhankelijke commissaris : transparantie en juridisch-economische
beoordeling van het Belgisch normerend kader», T.R.V. 2002, 142.
Il existe également aujourd'hui une préoccupation importante visant l’amélioration des règles
relatives à la transparence de la rémunération des organes d'administration et de gestion. Ce
souci amène à commenter brièvement en détail la position du commissaire à cet égard.
La position du commissaire
Hormis de nouvelles règles concernant la proposition des autres services rendus par le
commissaire, le législateur a aussi amélioré en 2002 la transparence concernant leur
rémunération.
Comme auparavant, il faut publier des informations sur l'objet et les émoluments de
prestations exceptionnelles ou de missions particulières. Jusqu'à l'introduction de la loi, cette
publicité était obligatoire pour que les émoluments soient définitivement dus. Ce n'est plus le
cas. La sanction pénale est toutefois maintenue.52
Un arrêté royal établira un classement des prestations exceptionnelles ou missions
particulières. La mention restera dès lors limitée à une énumération des montants liés aux
prestations appartenant à une catégorie déterminée.
52
Voir article 170, 2°, du Code des sociétés.
25
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Le Roi a ainsi le pouvoir de supprimer les imprécisions existant au niveau de la publication
de la rémunération au niveau consolidé et statutaire.53 Les émoluments pour les prestations
fournies par le commissaire à la société contrôlée d'une part, et à des sociétés de sa sphère
d'influence d'autre part, peuvent donc devenir des informations publiquement disponibles. En
vertu de l'article 134, § 4, du Code des sociétés, ce régime peut s'appliquer par analogie aux
personnes de la « sphère d'influence » du commissaire. Cela peut conduire à une
amélioration sensible de la publicité des informations par rapport au régime actuel. Par
ailleurs, la lecture littérale de la disposition permet de constater qu'il faut également faire
mention des prestations fournies à une société de la « sphère d'influence » de la société
contrôlée qui ne doit pas établir de comptes annuels consolidés.
La règle relative à la publicité de la rémunération pour mission de contrôle ne change pas.54
Il convient de le regretter. Le législateur a, en effet, établi une procédure spéciale pour les
sociétés cotées en bourse et pour les sociétés appartenant à un groupe pour lequel des
comptes annuels consolidés sont établis, la rémunération pour la mission de contrôle étant un
élément central. Cette rémunération ne doit toutefois pas être publiée. L'assemblée générale
fixe la rémunération lors de la nomination du commissaire. Ce n'est qu'à ce moment, sous
réserve de publication volontaire, que les actionnaires ont connaissance de cette
rémunération. Dans les autres cas, l'actionnaire est privé de cette information. L'appréciation
du rapport de la rémunération de la mission de contrôle et de la rémunération d'autres tâches
en général et du respect de la procédure spéciale de l'article 133, alinéa 5, du Code des
sociétés est, dans ce cas, impossible.
En outre, le défaut de publicité dans le droit belge s'écarte de la recommandation
européenne. Cette recommandation stipule que les honoraires de tous les services, tant des
missions de contrôle que des autres, soient publiés de façon adéquate.55
En ce qui concerne la rémunération du commissaire, le cadre législatif exige des
informations claires concernant les rémunérations et les prestations fournies par des
personnes de l'entourage du commissaire à des personnes de l'entourage de la société. La
Commission se rallie à cet égard à une tendance qui s'est récemment développée dans la
doctrine et qui défend que, sous le nouveau régime, il convient de déterminer en permanence
le rapport de la rémunération pour d'autres services et de celle pour la mission de contrôle.
53
54
55
Pour un commentaire de ces imprécisions, voir C. VAN DER ELST, « De onafhankelijke commissaris : transparantie en
juridisch-economische beoordeling van het Belgisch normerend kader » T.R.V. 2002, 138-139.
Et ce contrairement à ce que la justification de l'amendement n° 18 adopté par le Sénat laisse entendre : « La première
modification vise, compte tenu des développements européens en la matière, à imposer aux sociétés d'indiquer également
la rémunération pour les missions de réviseur et autres missions légales dans le rapport annuel. » (Doc. parl. Sénat 20012002, n° 2-1107/4, amendement n° 18).
Recommandation de la Commission européenne du 16 mai 2002 – Indépendance du contrôleur légal des comptes dans
l'Union européenne : principes fondamentaux, PB. L. 191, 19 juillet 2002, p. 27, n° 5.1.
26
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« Ces autres services peuvent être demandés par différents organes de la société : le conseil
d'administration, le comité de direction ou la gestion journalière ou par un mandataire
spécial, chacun bien sûr dans le cadre de sa compétence. Il en découle l'exigence de
répertorier les informations concernant la prestation de services et la rémunération y
afférente. La collecte peut avoir lieu par chacune des parties concernées : la société ou le
commissaire. Il n'est, en effet, permis à aucune des parties impliquées de franchir le seuil.
En matière de responsabilité, il est important que le conseil d'administration et le comité de
direction restent au courant des développements en la matière. Il n'empêche que le contrat
de prestation de services conclu avec chaque représentant de la société peut excéder le seuil
visé à l'article 133, alinéa 5, du Code des sociétés.56
Le commissaire doit certainement rester au courant de l'évolution du rapport des
rémunérations reprises à l'article 133, alinéa 5, du Code des sociétés. En effet, lui seul peut
demander un avis au Comité d'avis et de contrôle. La collecte d'informations peut toutefois
se heurter à des difficultés pratiques. Lorsque le commissaire se trouve sous l'angle
professionnel dans des liens de collaboration avec des personnes liées par le secret
professionnel, il est non seulement interdit à ces dernières de communiquer leurs
émoluments au commissaire, mais aussi qu'elles prestent des services à la société contrôlée
par le commissaire en question. Aucune solution n'est apportée à cette situation. »57
La Commission estime, dès lors, que l'IRE doit examiner la problématique invoquée et dès
lors proposer une procédure qui puisse permettre d’appliquer les nouvelles dispositions
légales.
1.1.5.2
La rémunération du conseil d'administration
Les rapports annuels de 125 sociétés belges cotées à la bourse Euronext de Bruxelles ont
également été examinés en ce qui concerne la publicité de données relatives à la
rémunération des administrateurs.58 De nombreuses sociétés n'ont publié que l’annexe aux
comptes annuels consolidés in extenso. Les comptes annuels statutaires sont reproduits en
abrégé. Ces derniers sont déposés in extenso à la Banque nationale. Dans ces cas, l'étude a
uniquement examiné si l’annexe aux comptes annuels consolidés mentionnait la
rémunération de l'organe d'administration.
Deux tiers environ des sociétés (64,8 %) mentionnaient dans l’annexe aux comptes annuels
la rémunération du conseil d'administration. Plus de 35 % des sociétés ne faisaient pas
mention des émoluments. Dans 15 % des cas, il était impossible de juger si la loi était
respectée en la matière. En effet, un certain nombre de sociétés n'indemnisent pas leurs
administrateurs. Certains statuts mentionnent explicitement que le mandat d'administrateur
est non rémunéré.
56
57
58
Il s'agit du rapport quantitatif entre la rémunération des missions autres que celles de contrôle et la rémunération visée à
l'article 134, § 1er, du Code des sociétés. La rémunération liée au contrat de prestation de services peut être à l'origine du
dépassement de ce que l'on appelle le « rapport 1/1 ».
I. DE POORTER et C. VAN DER ELST, « De onafhankelijkheid van de commissaris », in Financieel Recht : Op Zoek
naar Nieuwe Evenwichten, C. VAN ACKER, M. TISON et J. CERFONTAINE (éd.), Anvers, Intersentia, 2003, n° 56.
Pour une approche détaillée et empirique de ces données, voir C. VAN DER ELST, « De remuneratie van de raad van
bestuur aan het begin van de 21e eeuw », Accountancy & Bedrijfskunde (M), novembre 2002, n° 8, 3-14.
27
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Il ressort de ces données qu'au moins une société sur cinq ne respectait pas correctement la
règle légale. On a distingué les manquements suivants.
12 % des sociétés ne mentionnaient pas la rémunération consolidée. Néanmoins, l’annexe
aux comptes annuels mentionnait que les administrateurs de la société consolidée étaient
rémunérés au niveau de cette dernière. Trois sociétés rémunéraient les administrateurs au
niveau de la société consolidante, mais l’annexe aux comptes annuels consolidés mentionnait
explicitement que les administrateurs ne percevaient aucune rémunération. Enfin, un certain
nombre de sociétés (5,6 %) mentionnaient dans le rapport de corporate governance que les
administrateurs étaient rémunérés. On ne retrouve pourtant rien à ce sujet dans l’annexe aux
comptes annuels (consolidés).
Le rôle du commissaire
A ce jour, un manquement concernant la publicité des rémunérations du conseil
d'administration reste au plus limité à la mention dans le rapport du commissaire de « sans
préjudice d’aspects formels d’importance mineure ». Toutefois, la Commission constate que
de nouveaux développements se présentent en ce qui concerne la publicité des
rémunérations. Tant les Pays-Bas que la France ont renforcé la législation en la matière. La
Commission souhaite aussi se référer explicitement à la recommandation de l'IRE du 1er
décembre 1995 concernant le contrôle des informations figurant dans l’annexe, qui
mentionne :
« En conséquence, l’annexe doit être considérée comme une information essentielle du point
de vue du respect de l’image fidèle au même titre que le bilan ou le compte de résultats. Il
est dès lors important que le réviseur mette le même soin au contrôle des informations
figurant dans l’annexe que les autres éléments des comptes annuels. »
Jusqu'à ce jour, la législation belge est restée inchangée. Plusieurs codes se sont souciés du
besoin d’une information appropriée. Ces codes ont conduit à des mentions
complémentaires. La plupart des rapports annuels contient dans un chapitre « corporate
governance » des données concernant la rémunération des administrateurs. La publication
d'informations est toutefois loin d'être homogène et est souvent déroutante pour le lecteur. En
outre, les données ne concordent souvent pas avec les mentions faites dans les annexes aux
comptes annuels. La mission de contrôle légal ne comprend toutefois pas le contrôle de la
publicité des données relatives à la « corporate governance ».
Il se pose la question de savoir si le commissaire doit effectuer un contrôle sur le chapitre
« corporate governance ». La Commission estime qu'en vue de réduire le décalage des
attentes des marchés financiers et à la lumière des développements internationaux, le
commissaire devrait exercer un tel contrôle. La Commission invite l'IRE à émettre les
recommandations nécessaires concernant la portée et l'ampleur de ce contrôle. Il convient
également à cet égard de tenir compte du fait que d'autres développements, comme ceux
relatifs au « développement durable »59 et aux rapports environnementaux, méritent aussi
l'attention nécessaire du commissaire.
59
Cf. infra.
28
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Comme déjà indiqué ci-dessus, la Commission est consciente des discussions qui ont lieu au
parlement au sujet d'un projet de loi visant à publier des informations fort détaillées sur la
propriété des actions et la rémunération des administrateurs et des dirigeants. La
Commission estime qu'il n’est pas opportun d'intervenir dans le processus parlementaire en
définissant en la matière la position du commissaire. Il n'empêche que d'une part, la
Commission estime qu'un nouveau règlement doit s'inscrire dans le cadre des
développements internationaux et elle soutient d'autre part, le point de vue qu'une plus
grande transparence est plus importante que la simple publication d'informations.
Entre-temps, la Commission estime qu'il appartient au commissaire d'attirer l'attention des
administrateurs sur la nécessité d'une transparence suffisante dans le cadre actuel de
recommandations « soft law » (détaillées)60 et des normes légales générales. Le commentaire
repris dans le rapport de corporate governance sur les rémunérations doit concorder avec les
données publiées dans l’annexe aux comptes annuels (consolidés).
1.2
Contrôle interne et audit interne
1.2.1
Contrôle interne
COSO : Contrôle interne – un système intégré
Le rapport COSO61 est considéré comme un ouvrage de référence en ce qui concerne la
définition du contrôle interne.
Le but dudit rapport était d'élaborer une définition du contrôle interne pouvant être utilisée
par tous les intéressés et de définir un modèle auquel les entreprises et autres organisations,
grandes ou petites, privées ou publiques, avec ou sans but lucratif, pouvaient confronter leurs
systèmes de contrôle interne.
Le rapport définit le contrôle interne comme suit :
« Un processus mis en œuvre par le conseil d'administration, les dirigeants et le personnel
d'une organisation, destiné à fournir une assurance raisonnable quant à la réalisation des
objectifs, dans les domaines suivants :
- Efficacité et efficience des opérations;
- Fiabilité de l'information financière;
- Conformité aux lois et à la réglementation ».
Le processus de contrôle interne est considéré comme efficace s'il permet à la direction et au
conseil d'administration de s'assurer que :
- ils sont suffisamment au courant de la mesure dans laquelle l'organisation atteint ses
objectifs;
- les rapports financiers sont élaborés de façon fiable;
- la société respecte la législation et la réglementation en vigueur.
60
61
Voir en particulier la recommandation de la FEB, La transparence des rémunérations, Bruxelles, 12 mars 2002, 3 p.
Committee of Sponsoring Organisations of the Treadway Commission (COSO), 1992.
29
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Commission Corporate governance
Le contrôle interne a cinq composantes :
1.
L'environnement de contrôle : il s'agit ici de ce que l'on appelle souvent « the tone at
the top », qui a une influence importante sur la prise de conscience du besoin de
contrôle par les travailleurs de l'organisation. L'environnement de contrôle comprend
notamment l'intégrité et les valeurs éthiques d'une organisation, la capacité des
membres de son personnel, la philosophie et le style de la direction, la manière dont
les compétences et les responsabilités sont attribuées, la façon dont les travailleurs
sont encadrés et formés et l'attention et la guidance du conseil d'administration.
2.
L'analyse de risque : chaque organisation s'expose à une foule de risques tant externes
qu'internes. L'analyse de risque est le processus qui identifie et évalue ces risques, en
relation avec les objectifs de l'organisation, et elle forme donc la base de la maîtrise
des risques.
3.
Les activités de contrôle : les règles et procédures qui aident la direction à exécuter les
actions nécessaires à la maîtrise de risques. Il s'agit ici d'activités à chaque niveau de
l'organisation. Elles peuvent consister en des approbations, attributions de
compétences, vérifications, réconciliations, évaluations de prestations opérationnelles,
surveillance d'actifs et séparation de fonctions.
4.
L'information et la communication : il s'agit ici tant des informations opérationnelles
et financières que des informations de « compliance ». Le but est que l'organisation
dispose de suffisamment d'informations, tant externes qu'internes, pour exécuter et
contrôler les activités de l'organisation. Il est également important qu'il existe des
mécanismes pour transmettre les informations importantes vers la direction et le
conseil d'administration.
5.
La surveillance ou « monitoring » : c'est le processus qui évalue si le système de
contrôle interne fonctionne convenablement. Il se compose d'une part, de la
surveillance permanente (contrôle de premier rang) et d’autre part du contrôle de
second rang (effectué par exemple par le département d’audit interne). Ce dernier
dépend, tant au point de vue du contenu que de la durée, des résultats de l'analyse de
risque et des activités de surveillance permanente.
En ce qui concerne les responsabilités des différentes parties du système de contrôle interne,
les bonnes pratiques suivantes sont apparues. La direction, à savoir l'administrateur-délégué
ou le président du comité de direction, porte la responsabilité finale. Il/elle la délègue à
chaque personne dans l'organisation dans son domaine de compétence respectif.
Le conseil d'administration contrôle la façon dont la direction exécute ses tâches et met
simultanément à disposition guidance et surveillance.
La fonction d'audit interne apprécie l'efficacité du système de contrôle interne.
30
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Commission Corporate governance
Le commissaire contribue au contrôle interne par son contrôle des comptes annuels et par les
informations qu'il communique à la direction et au conseil d'administration dans le cadre de
sa mission.
L'Institut des Reviseurs d'Entreprises a consacré une étude à la notion de contrôle interne62.
Elle part de la définition du COSO et commente le fonctionnement du contrôle interne en
s'attachant au contrôle interne dans un certain nombre de processus d'entreprise et dans un
certain nombre de secteurs.
Bien que la responsabilité primaire du contrôle interne soit nettement située au niveau de la
direction d'une entreprise, il existe souvent des malentendus à ce sujet dans la pratique.
Les scandales financiers qui ont ébranlé les marchés internationaux ces dernières années
étaient en partie dus à un contrôle interne déficient. Ils ont conduit à ce que la législation
Sarbanes-Oxley, votée en juillet 2002 en réaction aux scandales aux Etats-Unis, contienne un
certain nombre de dispositions relatives au contrôle interne.63
Ces dispositions s'appliquent aux sociétés cotées à une bourse américaine, y compris leurs
filiales étrangères, et aux entreprises non américaines dont les actions sont cotées à une
bourse américaine.
Nous remarquons en fait que, suite à cette réglementation, le contrôle interne fait l'objet d'un
regain d'attention. Dans certaines entreprises, cela donne lieu à des projets spécifiques de
documentation et/ou d'amélioration du contrôle interne. On décèle aussi une tendance des
grandes entreprises d'introduire des exercices de « self assessment », par lesquels les
responsables opérationnels évaluent, par le biais de questionnaires et d'ateliers de travail, la
qualité du contrôle interne de leur organisation. Ces exercices font partie des activités de
surveillance de la direction relatives au contrôle interne et leurs résultats sont souvent utilisés
par la fonction d'audit interne comme input pour leur analyse de risque et leur appréciation
des systèmes de contrôle interne.
62
63
INSTITUT DES REVISEURS D’ENTREPRISES, Introduction au contrôle interne, Etude 2/94.
Le « Sarbanes-Oxley Act of 2002 », Section 302(a), stipule que le CEO et le CFO de la société sont tenus de certifier
chaque rapport trimestriel et annuel pour les périodes se terminant après le 29 août 2002. Le CEO et le CFO doivent
évaluer l'efficacité des procédures et contrôles des informations à publier, dont fait partie le contrôle interne sur le rapport
financier.
La Section 404(a) stipule que les rapports annuels doivent contenir une évaluation de l'efficacité du contrôle interne du
rapport financier.
La Section 404(b) stipule que le nouveau Public Company Accounting Oversight Board doit adopter des normes pour les
contrôleurs indépendants qui doivent certifier le rapport des dirigeants sur le contrôle interne.
31
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Commission Corporate governance
Le rôle du commissaire
La plupart des normes de contrôle contiennent des dispositions spécifiques sur le rôle du
commissaire concernant le contrôle interne.
Les normes générales de l'Institut des Reviseurs d'Entreprises64 stipulent que le programme
de travail relatif au contrôle des comptes annuels se compose des grandes parties suivantes :
- examen du système de contrôle interne;
- appréciation et contrôle de ce système;
- examen des comptes annuels.
On y lit encore que « Pour déterminer l’étendue des travaux de contrôle, le réviseur doit :
- analyser l’organisation administrative et comptable de l’entreprise;
- évaluer la qualité du contrôle interne. »65
La nature et l'ampleur des procédures de contrôle nécessaires à la certification des comptes
annuels doivent donc être basés sur une évaluation du contrôle interne, la définition du
contrôle interne utilisée dans les normes de l'IRE étant nettement orientée sur les processus
de contrôle financier.66
L'attention est attirée sur le fait que le système de contrôle interne ne peut être confondu avec
un service d'inspection ou la fonction d'audit interne, qui ne constituent qu'une partie de
l'ensemble du système de contrôle interne.
Sur la base de son examen du contrôle interne, le réviseur d'entreprises tirera des conclusions
sur les travaux complémentaires qu'il devra éventuellement effectuer, suite à des lacunes du
contrôle interne. Il en fera mention aussi à l'entreprise sans se substituer au contrôle interne.
S'il constate, dans le système de contrôle interne, des faiblesses significatives pouvant altérer
l'image fidèle des comptes annuels, il communiquera ses observations aux organes
responsables de l'entreprise.67
Si le système de contrôle interne présente des lacunes significatives et si le réviseur
d'entreprises n'a pu se satisfaire de vérifications alternatives, il mentionnera dans son rapport
dans quelle branche de l'organisation ces faiblesses ont été constatées et quelles sont les
rubriques qui subissent un risque significatif du fait de ces lacunes. Il en résultera, selon le
cas, une réserve ou une déclaration d'abstention.68
64
65
66
67
68
Institut des Reviseurs d'Entreprises – Normes générales de révision 2.1.1.
Institut des Reviseurs d'Entreprises – Normes générales de révision 2.3.1.
Institut des Reviseurs d'Entreprises – Normes générales de révision 2.4.1.
Institut des Reviseurs d'Entreprises – Normes générales de révision 2.4.5.
Institut des Reviseurs d'Entreprises – Normes générales de révision 3.3.7.
32
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Forum 2003
Commission Corporate governance
En octobre 2002, l'«International Auditing and Assurance Standards Board (IAASB)» de
l'«International Federation of Accountants (IFAC)» a proposé trois nouvelles normes
(International Standards on Auditing – ISA) relatives à l'audit des comptes annuels69 ainsi
que des adaptations à l'ISA 200 «Objective and General Principles Governing an Audit of
Financial Statements».
Ces nouvelles normes modifieront différentes normes existantes, dont l'ISA 400 « Risk
Assessments and Internal Control ».
Des modifications sont prévues sur le rôle du commissaire concernant le contrôle interne aux
niveaux suivants :
- éléments de contrôle interne à analyser : y sont compris le processus d'analyse de risque
de l'organisation et la façon dont elle surveille le contrôle interne. Le but est de donner
une meilleure idée au commissaire du rôle des dirigeants et des personnes responsables de
l'administration dans le processus de contrôle interne ;
- on demandera au commissaire de mieux comprendre la manière dont les contrôles sont
élaborés et mis en oeuvre. Cela s'appliquera à des domaines présentant des risques
importants ou pour lesquels le recours à de seules procédures substantives est considéré
comme insuffisant.
Parmi les travaux relatifs au contrôle interne, le commissaire testera aussi les contrôles
internes. La proposition d'ISA « The Auditor’s Procedures in Response to Assessed Risks »
contient de nouvelles recommandations sur la façon dont cela doit se passer.
Si le commissaire prévoit de se baser sur des contrôles restés inchangés depuis qu'ils ont été
testés la dernière fois, il testera l'efficacité de ces contrôles au moins une fois tous les trois
ans.
S'il s'agit de risques importants et que le commissaire prévoit de se baser sur l'efficacité des
contrôles pour limiter le risque, il doit recueillir la preuve du fonctionnement des contrôles
dans la période en cours.
Au niveau international, on utilise aussi souvent aujourd'hui le « Statement on Auditing
Standards » SAS 55 américain, « Considerations of Internal Control in a Financial
Statement Audit . »70 Selon ces règles, la direction est responsable du développement d'une
procédure d'évaluation et de documentation relative à l'efficacité du système de contrôle
interne, tel que décrit dans le rapport COSO.
69
70
International Federation of Accountants (IFAC) – International Auditing and Assurance Standards Board (IAASB) –
Exposure Draft October 2002 – Proposed International Standards on Auditing : « Understanding the Entity and Its
Environment and Assessing the Risk of Material Misstatement », « The Auditors Procedures in Response to Assessed
Risks », « Audit Evidence »
Adapté par les SAS 78 et SAS 94
33
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Forum 2003
Commission Corporate governance
On attend du commissaire qu'il fasse une évaluation des cinq éléments constituant le contrôle
interne, à savoir l'environnement de contrôle, l'analyse de risque, les activités de contrôle,
l'information et la communication ainsi que la surveillance. Il est important de remarquer ici
que cela se passe toujours dans le contexte de la certification du rapport financier. Le but de
cette évaluation n'est donc pas le contrôle interne en soi, mais bien le contrôle interne dans la
mesure où il a un impact potentiel sur les données financières. Cela constituera la base de la
détermination de la stratégie d'audit.
Par exemple, sur le plan de l'analyse de risque, le commissaire évaluera les risques inhérents
et de contrôle afin de déterminer quel est le risque d'erreurs significatives dans les
informations financières. L'analyse de risque effectuée par l'entreprise consistera en revanche
en un processus qui identifie, analyse et gère les risques qui ont un effet sur la réalisation des
objectifs de l'entreprise.
Dans les papiers de travail, le commissaire documentera son évaluation du contrôle interne
ainsi que la base de ses conclusions relatives au risque de contrôle. Souvent, cette
documentation s’étoffe à l'aide de descriptions, diagrammes de flux et questionnaires.
Il va de soi que, lors de l'évaluation du contrôle interne par le commissaire, tel que décrit au
SAS 78, il convient de tenir compte de la nature et de l’étendue des activités de l'entreprise
ou de l’organisation concernée. Des facteurs comme la taille, l'organisation et la structure de
l'actionnariat, la nature des activités, la complexité des opérations, les systèmes
informatiques, les contextes juridique et réglementaire, exercent une nette influence sur le
contrôle interne.
Le Sarbanes-Oxley Act de juillet 2002 introduit l'obligation pour les CEO et les CFO de
reprendre explicitement, à partir de l'exercice 2002, une évaluation de la documentation et du
fonctionnement du système de contrôle interne et de la signer comme partie des comptes
annuels à publier. L'interprétation de la façon dont cela doit avoir lieu doit encore être
explicitée par la « Securities and Exchange Commission (SEC) ». Le commissaire sera
également contraint de certifier cette évaluation et d'en faire rapport. Les modalités y
afférentes doivent encore être approuvées par le nouveau « Public Company Accounting
Oversight Board ».
L'ISA-260 Communication of Audit Matters with those charged with Governance décrit à
qui, sur quoi et comment le commissaire doit faire rapport quant aux sujets relatifs à la
« governance ».
Les personnes chargées de la governance dans une organisation sont identifiées comme
celles à qui sont confiés la supervision, le contrôle et la direction d'une organisation. Cela
différera de pays en pays et d'entreprise à entreprise, selon les différentes structures
d'organisation et les modèles de governance. En Belgique, cette tâche sera en fait souvent du
ressort du conseil d'administration et/ou du comité d'audit.
34
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Commission Corporate governance
L'ISA 260 dispose clairement que le commissaire a certaines obligations bien définies de
faire rapport sur des sujets d’intérêt pour les personnes chargées de la governance, mais qu'il
n'est pas obligé de concevoir ses procédures de telle sorte qu'elles visent à examiner des
sujets de governance.
Afin d'éviter tout malentendu à ce sujet (baptisé « expectation gap » ou « décalage
d’attentes »), il est conseillé de confirmer dans une lettre de mission ce qui fera l'objet d'un
rapport, comment et à qui, sur le plan de la governance.
Les sujets sur lesquels le commissaire doit faire rapport sont les suivants :
- l'approche générale et la portée de l'audit, y compris les limitations attendues ;
- le choix ou la modification d'importantes règles d'évaluation ou usages ayant ou pouvant
avoir un effet significatif sur le rapport financier ;
- l'effet potentiel sur le rapport financier de risques ou incertitudes importants, comme des
litiges en cours, qui doivent être commentés dans les états financiers ;
- les ajustements des chiffres dus à l'audit, effectués ou non, ayant ou pouvant avoir un
effet important sur les comptes annuels;
- d'importantes incertitudes pouvant faire naître le doute sur la possibilité de l'entreprise de
continuer à fonctionner en « going concern » ;
- des divergences d'opinions avec la direction sur des sujets qui, pris individuellement ou
ensemble, pourraient avoir un effet important sur les états financiers ou le rapport d'audit.
Il convient de mentionner ici l'impact de cette divergence d'opinions et si elle a été
résolue ou non ;
- les modifications attendues dans le rapport d'audit ;
- d'autres sujets qui méritent l'attention des responsables de la governance, comme des
lacunes importantes du contrôle interne, des questions relatives à l'intégrité de la direction
et des fraudes impliquant la direction.
Il est admis que cette communication peut avoir lieu tant oralement que par écrit, mais qu'en
cas de communication orale, le commissaire devrait la consigner dans une note de son
dossier, voire même la confirmer au destinataire.
35
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Commission Corporate governance
Une Communication de la Commission européenne71 stipule ceci :
« Le rôle du contrôleur légal doit être replacé dans le contexte plus large du gouvernement
d'entreprise. Il y a accord général pour estimer qu'il est envisageable de renforcer la
position du contrôleur légal dans la structure de l'entreprise. Les suggestions portent
notamment sur la création de comités d'audit et sur l'institutionnalisation de la fonction
d'audit interne. D'une manière générale, il a également été estimé que les sociétés devaient
accorder plus d'attention à leurs propres systèmes de contrôle pour la gestion et le
«reporting» du risque. A cet égard, il est tout particulièrement souhaitable que les sociétés
assurent une gestion appropriée des risques inhérents aux transactions avec des parties
liées. »
Ce qui précède montre clairement que la tendance va vers davantage d'attention à un contrôle
interne, tant de la part des conseils d'administration que des dirigeants et du commissaire.
Les normes ISA, tant celles en vigueur que les projets, posent que l'analyse et les tests du
contrôle interne font partie de la propre analyse de risque du commissaire dans le cadre de
l'authentification des comptes annuels.
Le Sarbanes-Oxley Act va toutefois bien plus loin à cet égard : non seulement les CEO et
CFO sont obligés de se prononcer envers le lecteur des comptes annuels sur la qualité du
système de contrôle interne (alors qu'en Belgique, par exemple, seul le conseil
d'administration porte la responsabilité du rapport au public), mais, de surcroît, il est
demandé au commissaire d'apprécier cette évaluation et d'en faire rapport.
Se pose aussi la question plus large de savoir si le rôle du commissaire doit être étendu à des
indicateurs de performance non financiers.
1.2.2
Audit interne
L'Institut des Auditeurs Internes (IAI) définit l'audit interne comme suit :
« L'audit interne est une fonction d'assurance et de conseil indépendante et objective
destinée à augmenter la valeur et à améliorer les opérations d’une organisation. Il aide
l'organisation à atteindre ses objectifs en lui donnant une approche systématique et
disciplinée pour évaluer et améliorer l'efficacité de la gestion des risques, du contrôle et des
processus de «governance».72
Une étude récente du Comité de Bâle73 confirme le large éventail de travaux qui se
retrouvent dans les tâches des auditeurs internes des organismes financiers, conformément à
la définition de l'IAI.
Le document attire aussi l'attention sur le danger qui existe lorsque des auditeurs internes
effectuent des activités de conseil. Leur tâche principale consiste, en effet, à faire l'évaluation
indépendante du système de contrôle interne.
71
72
73
Communication de la Commission européenne – Le contrôle légal des comptes dans l'Union européenne : la marche à
suivre (section 3.12)
IAI, juin 1999
Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, août 2002 : Internal Audit in banks and the supervisor’s relationship with
auditors : A survey.
36
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Forum 2003
Commission Corporate governance
Sont importants pour l'audit interne les principes suivants :
-
la continuité;
l'indépendance, l'objectivité et l'impartialité;
la compétence professionnelle;
l’exhaustivité du champ d’investigation de l'audit interne.
L'Institut des Auditeurs Internes a élaboré des normes pour l'évaluation de la qualité de la
fonction d'audit interne et demande que les entreprises dont la fonction d'audit interne vise à
respecter ces normes en fasse exécuter une évaluation externe au moins une fois tous les cinq
ans.
La position du commissaire
Une recommandation de l'Institut des Reviseurs d'Entreprises de 198974 traite de l'influence
que peut avoir l'existence d'un service d'audit interne sur la nature, l'étendue et le temps à
consacrer par le commissaire aux travaux de contrôle des comptes annuels.
L'audit interne fait partie du système de contrôle interne de l'entreprise et, dans le cadre de sa
mission, le commissaire devra se former une opinion sur la qualité du contrôle interne.
A cet effet, il peut se baser sur les travaux effectués par l'audit interne dans la mesure où il
est convaincu :
-
du degré d'indépendance du service d'audit interne ;
de la compétence des collaborateurs du service d'audit interne ;
de la portée des travaux ;
de la diligence professionnelle avec laquelle l'audit est effectué.
Il vérifiera aussi régulièrement les documents de travail des auditeurs internes pour s'assurer
de la qualité des travaux effectués.
La fonction d'audit interne ne peut toutefois pas se substituer aux travaux de contrôle devant
être effectués par le commissaire et celui-ci porte dès lors l'entière responsabilité de sa
mission de contrôle.
On peut se poser la question de savoir si le commissaire peut ou doit jouer un rôle dans
l'appréciation de la qualité de l'audit interne, à savoir dans le cadre de l'évaluation
quinquennale requise par les normes de l'Institut des Auditeurs Internes. Un autre thème de
débat intéressant est la question de savoir si le réviseur d'entreprises peut stimuler
l'élaboration d'un audit interne performant comme partie du système de contrôle interne.
74
Institut des Reviseurs d'Entreprises, 10 novembre 1989, « Utilisation du travail d’un service d’audit interne » (basée sur la
directive IFAC 10 « Utilisation du travail d’un expert comptable interne »).
37
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Commission Corporate governance
2
Aspects particuliers de corporate governance chez certaines
entreprises spécifiques et entités non commerciales
2.1
Les entreprises familiales et les entreprises en expansion
Actualité
La majeure partie des sociétés contrôlées par un commissaire ne sont pas cotées en bourse. Il
s'agit souvent de sociétés familiales. Dans ces sociétés aussi, on voit apparaître l'idée et
l'importance de la corporate governance et le commissaire peut jouer dès lors un rôle
important.75
Comme pour les sociétés cotées en bourse, les sociétés familiales ne constituent certainement
pas un groupe homogène. Même au niveau de l'actionnariat – familial –, on constate des
différences importantes qui ont une influence jusqu'au niveau d'une « bonne gestion ». Une
étude effectuée auprès de 325 sociétés flamandes occupant de 50 à 500 travailleurs76 – dont
la plupart doit, par conséquent, désigner un commissaire – montre que plus de la moitié
d'entre elles sont soumises à un contrôle familial –c-à-d ayant plus de 50 % des voix. Dans
près de la moitié de ces cas, les parts sont détenues par une seule personne, dans les autres
par une seule famille. Dans à peu près un tiers des cas, ces sociétés familiales ont été créées
par l'actuel actionnaire de contrôle, mais on rencontre aussi souvent des membres de la
famille des deuxième et troisième générations comme actionnaires dominants. Environ un
tiers de ces sociétés comptent, outre les actionnaires familiaux, d'autres catégories
d'actionnaires. Si on voulait présenter ces structures selon un schéma matriciel, le nombre de
colonnes et de rangées serait énorme. En d'autres mots, les entreprises familiales constituent
un groupe très hétérogène.
L'importance de la corporate governance pour les sociétés non cotées en bourse et, en
particulier, les sociétés familiales a été soulignée en octobre 2001 par la Fédération des
Entreprises de Belgique. Dans « La corporate governance dans les sociétés non cotées en
bourse », l'organisation des employeurs met en lumière la nécessité de mener une politique
appropriée et d'élaborer une structure adaptée en la matière.
75
76
Pour des commentaires sur la problématique au sein des entreprises familiales, voir M. DE SAMBLANX, « Corporate
governance en niet-genoteerde vennootschappen met een casus over een familiale vennootschap », Economisch en
Sociaal Tijdschrift 1999, 313-349.
L. VAN DEN BERGHE et S. CARCHON, « Corporate governance Practices in Flemish Family Businesses », Corporate
governance – An International Review, 2002, 225-245.
38
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Forum 2003
Commission Corporate governance
Ce code met l'accent sur :
1.
la transparence : il réfère explicitement au rôle du réviseur d'entreprises en la matière.
La FEB recommande aux sociétés de « faire systématiquement appel » à des
« professionnels indépendants pour confirmer que les informations comptables et
financières données aux associés sont correctes ». La FEB complète cette
recommandation par la mention que « ces professionnels doivent remplir leur rôle
parfaitement et non répercuter toute leur responsabilité sur le gérant de la société. »
2.
le bon fonctionnement du conseil d'administration : la FEB est consciente du fait que,
dans les sociétés familiales, le conseil d'administration se compose essentiellement de
représentants de la famille. Il convient cependant de faire de la place pour d'autres.
Dans un premier stade, ce seront un ou plusieurs conseillers, qui assisteront le conseil
avec une voix consultative. Dans un stade ultérieur, la FEB tend à faire nommer aussi
des administrateurs indépendants dans les sociétés familiales.
3.
l'organisation de l'audit interne : selon les recommandations de la FEB, l'organisation
de l'audit interne fait partie des tâches principales du conseil d'administration. En effet,
le conseil a pour tâche de contrôler et d'évaluer la gestion des opérations.77 Dans les
grandes sociétés familiales, cette tâche peut aussi être exercée de facto par un comité
d'audit. Une étude menée en 1998 auprès de 500 sociétés fait apparaître que le comité
d'audit est plus répandu dans les sociétés cotées en bourse et dans les grandes sociétés.
24 % des sociétés cotées en bourse et 18 % des grandes sociétés ont instauré un comité
d'audit. 3 % seulement des petites sociétés et 11 % des sociétés non cotées en bourse
disposent d'un tel comité. Il en découle néanmoins que ces comités ne constituent plus
une exclusivité des sociétés cotées en bourse.
Ces recommandations de bonne gestion correspondent à celles déjà faites par le passé par la
Commission de l'Union des Entrepreneurs Indépendants NCMV « Les PME et la corporate
governance ». D'après cette commission, dans une phase initiale de croissance, le conseil
d'administration doit tenir compte d’avis (externes) objectifs et ne pas se laisser guider
uniquement par des considérations fiscales.78 Il découle d'autres recommandations que
l'optimisation du fonctionnement du conseil d'administration ne peut demeurer pour les PME
un slogan sans engagement.
La position du commissaire
Jusqu'à ce jour, le rôle du commissaire, tout comme celui du réviseur d'entreprises, est resté
généralement discret envers la société familiale. Il est argumenté ci-dessous que, sur ce
point, le rôle du réviseur d'entreprises doit être revalorisé.
En outre, il est également nécessaire d'esquisser brièvement la position du commissaire en ce
qui concerne le nouveau règlement relatif à l'assemblée générale, qui peut surtout profiter
aux sociétés familiales « fermées ». Désormais, il est loisible d'organiser des assemblées
générales écrites, ce qui requiert que tant la décision d’organiser une assemblée par écrit que
les résolutions à y prendre soient approuvées à l'unanimité.
77
78
Voir recommandation 2.1. et 2.3 in fine.
J. DE LEENHEER et K. PEETERS, KMO en behoorlijk bestuur, Diegem, Ced. Samson, 1999, 12-13
39
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Commission Corporate governance
En particulier, il est permis aux sociétés familiales à structure fermée d'appliquer cette
option. La position du commissaire n'est pas réglée à cet égard. Il est certain que, lorsque le
commissaire a émis un rapport et que l'assemblée se tient par écrit, il peut difficilement être
présent. Le critère de l'unanimité des actionnaires représente toutefois une garantie que l'on
ne doit s'attendre à aucune question particulière. Dans certains autres cas, ce fait ne peut
suffire pour adopter une attitude passive. C'est ce que nous allons exposer ci-dessous.
La littérature de corporate governance souligne toujours l'importance d'un organe
d'administration fonctionnant correctement. L'interprétation de la bonne gestion de la société
ne doit pas se limiter aux sociétés cotées en bourse. Les grandes sociétés familiales ont
également besoin d’un organe fonctionnant correctement pour exécuter convenablement les
missions du conseil d'administration. Il est clair que le réviseur d'entreprises peut revêtir à
cet égard une position de tout premier plan. Ce réviseur d'entreprises ne peut toutefois pas
être le commissaire, ni une personne liée au sens de l'article 133 du Code des sociétés au
commissaire. D'autres réviseurs d'entreprises entrent en ligne de compte pour remplir ce rôle.
Dans le même ordre d’idées, la professionnalisation de l'organe d'administration rend plus
difficile la pratique bien connue du conseil d'administration « sur papier ». Il ressort en effet
d'une enquête qu'environ 20 % des sociétés familiales n'organisent qu'un conseil sur papier,
taux nettement plus élevé que chez les autres sociétés (10 %).79
Cette attitude pro-active peut également contribuer à assurer la continuité de la société.
Actuellement, on intervient souvent trop tard. Un réviseur d'entreprises est désigné comme
administrateur provisoire pour préserver la société des tensions existant entre actionnaires
familiaux.80 Cette ancienne approche a posteriori cause toutefois à la société des dommages
irrémédiables, qui peuvent être évités avec une structure d’administration appropriée.
Il existe différentes techniques pour harmoniser les intérêts de la famille avec ceux de la
société dans de telles situations. Un expert et, en particulier, le réviseur d'entreprises peut y
jouer un rôle important. Il lui incombe en premier lieu d'attirer l'attention sur les dangers de
la confusion « intérêt de la société » et « intérêt familial ». En outre, il peut s’avérer
important que le réviseur d'entreprises prône la création d'un organe consultatif ou d'un
conseil de famille pour conserver ou, le cas échéant, rétablir l'équilibre entre l'intérêt familial
et celui de la société. Des données empiriques prouvent que le fait de créer à temps et
d'organiser des structures qui tiennent compte des intérêts des deux parties conduit à de
meilleurs résultats économiques et psychologiques.81
Dans les grandes sociétés familiales, le commissaire a un rôle dans la promotion d’une
structure d'entreprise appropriée comptant, en particulier, des administrateurs indépendants
et des comités d'audit. Ces thèmes ont été traités plus haut.
79
80
81
L. VAN DEN BERGHE et S. CARCHON, « Corporate governance Practices in Flemish Family Businesses », Corporate
governance – An International Review, 2002, 238..
Pour un « bel » exemple récent, voir le président du tribunal de commerce de Bruxelles, 7 novembre 2000, T.B.H. 2002,
742, note E., POTTIER.
J. LIEVENS fait en l'espèce référence à l' »accord de fonctionnement » établi entre trois frères, que la Cour a saisi dans le
cadre d'un litige pour motiver sa décision. (J. LIEVENS, Opvolging in het familiebedrijf, Tielt, Lannoo, 2001, 89-90).
40
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Commission Corporate governance
En ce qui concerne l'assemblée générale écrite, la Commission souhaite attirer l'attention sur
ce qui suit. La loi corporate governance n'a pas modifié les règles relatives à la convocation
à l'assemblée générale. Selon l'article 533 du Code des sociétés, les commissaires reçoivent
une lettre avant l'assemblée générale. La doctrine affirme toutefois, à juste titre, que
l'unanimité requise pour l'assemblée générale écrite rend superflue la nécessité d'une
convocation formelle. En effet, lorsque l'assemblée générale se déroule en présence de tous
les actionnaires, ces derniers peuvent renoncer à l'exigence de convocation et ils peuvent
également modifier des points de l'ordre du jour.82 La signature des projets de procès-verbal
par tous les actionnaires signifie le renoncement de la possibilité de contester la validité de
l'assemblée générale sur la base d'absence de convocation formelle.83 En outre, le législateur
n'a imposé aucune obligation de faire de la publicité pour l'assemblée générale écrite. Le cas
échéant, le commissaire peut ne pas être au courant du fait qu'une assemblée générale écrite
(spéciale) a eu lieu.
La Commission estime que, en ce qui concerne l'assemblée générale ordinaire, le
commissaire doit consulter les statuts de la société pour constater la date de cette assemblée.
Il doit exiger de la société de pouvoir consulter les procès-verbaux de l'assemblée écrite. S'il
constate des irrégularités, il doit sommer l'organe d'administration d'organiser une nouvelle
assemblée générale. En cas de négligence de cet organe, le commissaire doit convoquer luimême une assemblée générale.
En ce qui concerne les assemblées générales extraordinaires, la Commission estime qu'il faut
suivre une procédure identique dès que le commissaire prend connaissance ou est censé avoir
pris connaissance qu'une assemblée générale écrite s'est déjà tenue. La manière dont le
commissaire doit agir dans ces cas s'inscrit dans la recommandation relative à « la fraude et
aux actes illégaux » du 5 juin 1998.84 Cette recommandation décrit les procédures de
signalement que le commissaire doit suivre lorsqu’il constate des fraudes ou des actes
illégaux.
82
83
84
Voir également l'exposé de R. NIEUWDORP, « De algemene vergadering », de Nieuwe Wet deugdelijk
vennootschapsbestuur, Gand, 26 novembre 2002, 7.
F. HELLEMANS et M. WAUTERS, « Het Wetboek van vennootschappen gewijzigd door de wetten van 2 augustus 2002
en 4 september 2002 : een overzicht », T.R.V. 2002, 483-484.
INSTITUT DES REVISEURS D'ENTREPRISES, Vademecum Plichtenleer en Controlenormen 2001, Diegem, Ced.
Samson, 2001, 655.
41
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Commission Corporate governance
2.2
Les filiales
Actualité
Bien qu'en Belgique et dans les pays anglo-saxons, l'attention de la littérature sur la
corporate governance s'intéresse en particulier à la société comme entité juridique
autonome, il ressort d'une analyse des textes que l'on pense toujours à la « société mère ». La
governance des filiales semble inexistante. Une étude canadienne menée sur la création de
filiales d'entreprises multinationales a pourtant fait apparaître que l'autonomie de ces filiales
décline : « the role of subsidiary boards is rapidly declining... Directors of wholly owned
subsidiaries can only advise and usually have little to say about the appointment of senior
executives, capital allocation and other significant operations of the enterprise. »85 C'est
notamment dû à la désignation du « secrétaire de société »86 et du directeur opérationnel de
la société mère, ainsi qu'à un juriste « local » comme administrateurs de la filiale.
La Belgique est pourtant connue comme le pays des filiales. Cette caractéristique a déjà
entraîné à plusieurs reprises des tensions considérables au niveau national : tout le monde se
souvient des fermetures de Renault Vilvorde, Philips Hasselt, etc. Bien que le réviseur
d'entreprises ou le commissaire ne puisse guider ces décisions, son intervention peut
certainement contribuer à une bonne gestion des « filiales » d'entreprises (multinationales).
La politique développée ces dernières décennies par des groupes requiert l'attention spéciale
du réviseur d'entreprises et du commissaire. En Belgique, contrairement à l'Allemagne,
s'applique toujours le principe de l'indépendance de la société. La Cour de cassation l'a
confirmé de façon réitérée.87 D’où chaque société doit être administrée dans son propre
intérêt. La réalité semble toutefois différer fondamentalement de cette hypothèse et, dans la
jurisprudence, on rencontre aussi dans une certaine mesure les besoins du groupe. Les filiales
peuvent tenir compte de l'intérêt du groupe. Selon la jurisprudence, cet intérêt du groupe est
cependant censé subordonné à l'intérêt de la société. Lorsque ces intérêts sont impliqués dans
la prise de décision de l'organe d'administration, un certain nombre de conditions doivent
être remplies. Les efforts demandés aux filiales doivent résulter, dans un délai raisonnable,
en des avantages pour la société concernée.88 Cette même attitude existe en France et aux
Pays-Bas.89 Le Professeur E. Wymeersch est très nuancé à cet égard : « L’appartenance à un
groupe ne causera pas seulement des charges pour la filiale, mais lui procurera également
des avantages et des opportunités. Les deux plateaux de la balance ne doivent pas se trouver
en équilibre : il suffit qu’à long terme ils ne soient pas nettement en déséquilibre. »90
85
86
87
88
89
90
J. GILLIES et M. DICKINSON, « The Governance of Transnational Firms : some preliminary hypotheses », Corporate
governance – An International Review 1999, 241-242
Une fonction établie légalement notamment en Grande-Bretagne.
Voir par exemple Cass. 2 avril 1970, Pas. 1970, I, 658, et Cass. 28 janvier 1985, R.P.S. 1987, n° 6418.
Voir pour des commentaires, A. FRANCOIS, Het vennootschapsbelang, Anvers, Intersentia, 2000, n° 521 e.s.
Ibid., p. 708-709.
E. WYMEERSCH, « Comment le droit pourrait aborder certains groupes de sociétés », in Mélanges offerts à Pierre Van
Ommeslaghe, Bruxelles, Bruylant, 2000, 706.
42
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Commission Corporate governance
Un problème particulier qui apparaît est lié aux « corporate opportunities ». Tant les
administrateurs que certains actionnaires peuvent soustraire des conventions lucratives à la
société et les localiser ailleurs. Jusqu'il y a peu, cette problématique ne retenait guère
l'attention en Belgique, pas plus qu'en Europe continentale d'ailleurs. Pourtant, cette
problématique est inhérente au mode opératoire des groupes. Il semblerait qu'il n'existe en
Belgique qu'une seule sentence judiciaire reconnaissant comme telles les « corporate
opportunities ».91 Ce fait illustre l’importance de détecter les problèmes y afférents et de les
identifier afin d'être en mesure de leur trouver une solution adéquate.
La position du commissaire
En ce qui concerne les « corporate opportunities », la loi du 2 août 2002 a également apporté
une modification importante qui intéresse en particulier le commissaire. Il existe une
distinction entre les filiales cotées en bourse et les autres filiales. La Commission souhaite
également faire remarquer que les problèmes relatifs à la bonne gestion de filiales sont
également régis par la doctrine relative à l'abus de biens sociaux. Ce dernier point n'est pas
abordé ci-dessous.
En ce qui concerne les filiales cotées en bourse, l'article 524, § 7, du Code des sociétés
oblige la société d'indiquer dans son rapport annuel les limitations substantielles ou charges
que la société mère lui a imposées durant l'année écoulée, ou dont elle a demandé le
maintien. Cette obligation légale a pour effet que le commissaire doit reprendre la mention
ou l'absence de mention dans son rapport. C'est nouveau et la Commission estime que le rôle
du commissaire doit être redéfini en conséquence.
Cette nouvelle disposition relative aux « corporate opportunities » est applaudie. En effet,
l’obligation complète l’information aux actionnaires minoritaires sur les charges imposées à
la société. Sans disposition légale, cette informations pourrait difficilement être débusquée.
La publicité permet aux actionnaires et aux investisseurs d'apprécier si l'intérêt de la société a
été pris en compte de façon adéquate ou si seul l'intérêt du groupe a été « servi ».
L’information peut guider ou du moins influencer la décision de placement d'un investisseur.
Son importance souligne, par conséquent, aussi la nécessité de contrôler l’information
fournie ou, le cas échéant, l'absence de toute information. La mission reposant sur le
commissaire est extrêmement délicate, notamment en raison – convient-il de le dire – du
texte légal imprécis par nécessité.
Seules les charges et limitations substantielles doivent être mentionnées. Si le commissaire
constate qu'une limitation ou charge a été imposée, il doit apprécier si celle-ci est
d'importance « substantielle ». Il n'existe aucun étalon pour cette appréciation. On peut
éventuellement s'inspirer des règles générales applicables aux conflits d'intérêts, qui
comportent une exception pour les « petites » décisions ou opérations.
91
H. DE WULF, Taak en loyauteitsplicht van het bestuur in de naamloze vennootschap, Anvers, Intersentia, 2002, n° 1189.
43
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Forum 2003
Commission Corporate governance
En outre, le législateur ne fait pas de distinction selon qu’il y a eu ou non une compensation
pour ces charges ou limitations. La limitation ou charge doit être signalée en tout état de
cause, quels que soient les avantages que le groupe attribue à sa filiale cotée en bourse. Le
législateur n'a pas non plus établi de régime d'exception au cas où la mention peut porter
préjudice à la société. Il va de soi qu'il n'est pas interdit de détailler aussi les avantages
offerts. Cela doit être encouragé, car cela réduit le désavantage d'information asymétrique de
l'actionnaire minoritaire et de l'investisseur vis-à-vis du conseil d'administration.
Enfin, il n’existe aucune indication relative aux informations à fournir sur ces charges ou
limitations substantielles. La Commission estime qu'il incombe au commissaire d'attirer
l'attention de la société sur la publication d'informations suffisantes. La simple mention de la
limitation ou charge telle que l'existence d’une répartition géographique du marché ou d’une
répartition par groupe des droits de propriété intellectuelle doit être qualifiée d'insuffisante.
La doctrine estime déjà qu'il faut au moins tenter de communiquer l'ampleur financière
approximative de la charge92. La Commission veut soutenir cette doctrine, mais elle fait
remarquer que cet exercice n’est peut-être pas réalisable dans tous les cas. La Commission
estime qu’il faut alors une description détaillée. Cette description doit permettre à
l'investisseur et à l'actionnaire de faire une analyse qualitative et, le cas échéant, quantitative
de la différence entre la charge ou limitation réelle et une opération « at arm’s length ».
La Commission veut encore souligner que, malgré le défaut d'un mécanisme de sanction
spécial, l'attitude de la filiale ou du commissaire face à ce genre de conflits d'intérêts ne peut
être différente de celle concernant d'autres types de conflits d'intérêts.
2.3
Les ASBL
Actualité
La loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif (ASBL) a été modifiée par la loi
du 2 mai 2002 sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but
lucratif et les fondations.
Un des objectifs primordiaux de la réforme consiste à rendre les ASBL plus transparentes
afin de permettre un meilleur contrôle, sans toutefois déroger aux principes de simplicité et
de polyvalence93.
Les principales dispositions de la loi ont trait à l'application de la comptabilité d'entreprise
(loi du 17 juillet 1975) et à l'obligation d'un audit financier pour les très grandes ASBL.
92
93
H. DE WULF, « De nieuwe regeling voor intra-groepsbeslissingen : het herschreven art. 524 W. Venn. », T.R.V. 2002,
602.
J. CHRISTIAENS in IRE, Bulletins d'information, n° 5/2002.
44
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Commission Corporate governance
Le rôle du commissaire
Selon la réforme de la loi du 27 juin 1921 sur les ASBL, les très grandes ASBL doivent
désigner un commissaire.
Très grand est considéré sur base consolidée et signifie :
- en moyenne au moins 100 travailleurs équivalents plein temps sur l'année
ou
- dépasser deux des critères suivants :
- en moyenne 50 travailleurs équivalents plein temps ;
- 6.250.000 EUR de recettes autres qu'exceptionnelles, hors TVA ;
- 3.125.000 EUR au total du bilan.
La question se pose de savoir ce qu'est le rôle et la valeur ajoutée du commissaire dans une
ASBL. Ce rôle se limite-t-il à un simple audit financier ou comprend-il aussi, comme dans
certains autres pays, un audit de légitimité et un audit d'efficacité ?
2.4
Les institutions publiques
L'Institut des Reviseurs d'Entreprises a publié en 2002 deux brochures relatives à la
comptabilité et à l'audit dans le secteur non marchand.
La brochure « Audit » établit un inventaire des types d'audit externe dans le secteur non
marchand et prône le développement de normes d'audit spécifiques. Ceci résulte du fait que
dans le secteur non marchand le contrôleur externe ne se limite souvent pas à un audit
financier (opinion sur l'image fidèle des comptes annuels), mais qu'il effectue aussi un audit
de légitimité (contrôle juridique et réglementaire) et d'efficacité (contrôle de l'efficacité des
opérations).
Nous nous limitons ci-après à commenter deux initiatives récentes introduisant des aspects
de corporate governance dans le secteur public.
Actualité
Un comité d'audit fonctionne déjà depuis quelques années au sein de la Communauté
flamande et il y existe une fonction centrale d'audit interne.
Le Service public fédéral introduit une modification importante, élément du plan Copernic,
dans la manière dont le contrôle est effectué sur les activités des services publics fédéraux.
D'un contrôle « ex-ante » par l'Inspection des finances, on passe à un contrôle « ex-post ». Le
document « Implémentation d'un système de contrôle interne – Manuel de travail pour les
services publics fédéraux de Belgique »94 décrit le système qui sera introduit et qui est basé
sur les principes du COSO.
94
Disponible sur le site Internet du Service public fédéral
45
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Le principe de base se fonde sur une nouvelle culture de gestion dans laquelle les décideurs
se voient attribuer la responsabilité de gérer leur organisation.
Un arrêté royal, approuvé le 20 septembre 2002, prévoit l'installation d'un audit interne dans
les services publics fédéraux.
Cet arrêté royal prévoit aussi la création d'un comité d'audit pour chaque service public
fédéral. La loi-programme du 24 décembre 2002 oblige les entreprises publiques d'instaurer
un comité de rémunération.
En 2000, la « Fédération des experts comptables européens » a publié un rapport intitulé :
« Approaches to Corporate governance in the Public Sector ».
Ce rapport décrit la corporate governance dans le secteur public comme comprenant trois
composantes :
- la structure d'organisation et les processus : la responsabilité, la communication, le rôle et
les tâches, le rapport de force entre le pouvoir et la compétence (entre les élus et les
fonctionnaires, ou entre les exécutants et les surveillants) ;
- la gestion de risques et les rapports financiers : les rapports annuels, le contrôle interne,
l'audit interne, les comités d'audit, les commissaires ;
- les modèles de comportement : la direction, les codes de comportement.
Ce document éclaire en détail les critères du système de contrôle interne, la fonction d'audit
interne et la composition et les tâches du comité d'audit. Le fonctionnement est très
comparable à ce que l'on voit dans les codes de corporate governance existant pour le
secteur privé.
Le rôle du commissaire y est aussi commenté. On attire toutefois l'attention sur le fait que le
commissaire a souvent une responsabilité plus vaste dans les organismes publics que dans le
secteur privé. En effet, on attend de lui qu'en plus de son contrôle des états financiers, il
surveille aussi la « value for money » et l'intérêt public en général.
Le rôle du commissaire
L'arrêté royal sur l'audit interne des services publics fédéraux prévoit la possibilité pour le
comité d'audit et/ou l'audit interne de se faire assister par un expert externe, à savoir un
réviseur d'entreprises.
Quel rôle le réviseur d'entreprises peut-il jouer dans le secteur public ? Celui d'auditeur
externe, celui d'expert ?
46
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Commission Corporate governance
3
Sujets particuliers
3.1
Conflits d'intérêts
Dans ce chapitre, nous nous intéressons davantage à certains conflits d'intérêts spécifiques
auxquels le commissaire peut être confronté au cours de son mandat ou même avant ou après
l’exercice de sa fonction de commissaire.
Nous en avons déjà évoqué plusieurs aspects dans les précédents chapitres : nous avons
notamment examiné le rôle des administrateurs indépendants, le fonctionnement et la place
du comité d'audit au sein des organes de l'entreprise, les conflits d'intérêts qui peuvent surgir
entre entreprises d'un même groupe. A chaque fois, nous avons exposé le rôle du
commissaire et la mesure dans laquelle son rôle pourrait être modifié à la lumière du débat
sur la corporate governance (gouvernement d'entreprise). Dans le présent chapitre, nous
voudrions approfondir la discussion de trois domaines dans lesquels des conflits d'intérêts
peuvent parfois se produire.
1.
2.
3.
3.1.1
Conflits d'intérêts des administrateurs et membres du comité de direction ;
Conflits d'intérêts des commissaires ;
Conflits d'intérêts entre les entités d'un groupe.
Conflits d'intérêts des administrateurs et membres du comité de direction
Dans les chapitres précédents, nous nous sommes déjà penchés en détail sur le rôle des
administrateurs indépendants et sur le rôle, la position et la responsabilité du comité d'audit.
Mais des questions surgissent aussi par exemple sur l'identification de l'administrateur
proprement dit. Dans certains cas, les conseils d'administration comptent des administrateurs
qui fournissent également, directement ou indirectement, d'autres services à la société,
comme des avocats, des banquiers95 ou des assureurs. Le cas échéant, ces administrateurs
sont confrontés à des intérêts patrimoniaux contradictoires.
Nous présentons succinctement ci-dessous quelques exemples de tels conflits d'intérêts.
Certains peuvent surgir lorsqu'un financier qui est en même temps membre d'un conseil
d'administration doit se prononcer sur l'octroi d'un prêt ou l'augmentation d'un financement
sous toutes ses facettes, ou lorsqu'il faut en renégocier les conditions ou le renouvellement,
ou encore l'augmentation ou la modification des garanties. De plus, cette problématique ne se
pose pas seulement lors de l'octroi de crédits ou de garanties, mais aussi lorsqu'il s'agit pour
une société de confier son service financier à un établissement de crédit dont un dirigeant
siège à son conseil d'administration.
95
La loi du 3 mai 2002 modifiant le régime des incompatibilités applicable aux dirigeants d'établissements de crédit et
d'entreprises d'investissement (M.B. 17 août 2002, p. 35344) a considérablement assoupli l'interdiction pour un banquier
de siéger au sein du conseil d'administration d'une société commerciale.
47
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Commission Corporate governance
Des avocats interviennent ou sont parfois intervenus en qualité de membres d'un conseil
d'administration. Mais lorsque l'avocat intervient en outre en qualité de conseil de la société
pour les affaires courantes et pour les actions judiciaires normales ou qu'il intervient dans des
dossiers fiscaux pour défendre la société, ceci peut donner lieu à une confusion d'intérêts ou
être ressenti comme tel.
Le même constat s'applique à d'autres « conseillers » s'ils font partie du conseil
d'administration tels qu'assureurs, fiscalistes, consultants, conseillers juridiques, .... En effet,
on peut se demander si dans ces cas on applique aussi rigoureusement les règles normales
pour la désignation de tels fournisseurs-administrateurs et si leurs prestations et les
rémunérations qui s'y rattachent sont conformes à celles de fournisseurs extérieurs
équivalents.
Il est interdit au réviseur d'entreprises d'assurer des mandats de gestion sauf dans certains cas
bien précis qui se rapportent à l'organisation d'activités professionnelles. Il n'existe qu'un
nombre limité d'exceptions à cette règle, notamment l'exercice d'un mandat d'administrateur
dans des établissements d'enseignement. Cette clause d'interdiction résulte logiquement de la
fonction publique que le réviseur d'entreprises exerce comme commissaire dans l’intérêt
général. Une telle interdiction n'existe pas nécessairement pour d'autres praticiens. Mais dans
la plupart des cas ils ne remplissent pas non plus une fonction publique similaire.
L'article 523§1 du Code des sociétés impose à l'administrateur qui a, directement ou
indirectement, un intérêt opposé de nature patrimoniale, d'en informer le conseil
d'administration lorsque la décision ou l'opération relève de la compétence du conseil
d'administration. Les conflits d'intérêts dans d'autres organes, tels que le comité de direction,
sont régis par d'autres dispositions.96
Position du commissaire
Le Code des sociétés impose au commissaire une obligation de faire rapport sur les conflits
d'intérêts dans le chef de l’administrateur.
En outre, la loi corporate governance du 2 août 2002 prévoit également un nouveau régime
et une obligation de déclaration pour les conflits d'intérêts dans le chef des membres du
comité de direction.
96
Nous faisons ici référence notamment à l'art. 524ter du C. Soc.
48
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Forum 2003
Commission Corporate governance
3.1.2
Conflits d'intérêts des commissaires
Dans le cadre du débat actuel de corporate governance sur le fonctionnement et
l'administration des sociétés, le rôle du commissaire occupe plus que jamais une position
centrale en ce qui concerne la surveillance externe de l'entreprise et en tant que garant de la
crédibilité des informations financières.
C'est la raison pour laquelle il est indispensable que le commissaire puisse sur ce plan
exercer son mandat en toute indépendance, de sorte que son contrôle et les documents qu'il a
certifiés ne puissent être contestés.
Conscient de ce rôle central et de cette position cruciale, et soucieux de l'objectivité requise
du commissaire, le législateur belge a fixé un cadre dans la loi corporate governance. Il a
ainsi introduit toute une série de mesures devant renforcer l'exercice indépendant de la
mission du commissaire. Cette loi a obligé le Roi à promulguer plusieurs arrêtés royaux
d'exécution précisant notamment les prestations mettant en cause l'indépendance des
commissaires. Ces arrêtés d'exécution portent la date du 4 avril 2003 et ont été publiés au
Moniteur belge le 19 mai 2003.
Les dispositions de la loi du 2 août 2002 modifiant le Code des sociétés, qui se rapportent à
l'indépendance des réviseurs (articles 4 et 5, modifiant les articles 133 et 134, C. Soc.), ainsi
que celles de l'arrêté royal du 4 avril 2003 proprement dit, entrent en vigueur le 1er octobre
2003.
La règle « one to one » (voyez infra) (article 133, alinéas 5 à 7, C. Soc.) en matière de
rémunérations de services autres que les missions confiées au commissaire en vertu de la loi,
est d’application à partir du début des mandats prenant cours après le 1er octobre 2003.
Cette modification de la législation confirme en outre les développements internationaux en
la matière. Dans le rapport au Roi au sujet des prestations qui mettent en cause
l'indépendance du commissaire97, il est fait explicitement référence au niveau international
de cette discussion. Aujourd'hui, on ne connaît que trop bien la réglementation américaine à
commencer par l'adaptation des règles de la SEC98 sur l'indépendance des auditeurs mais
surtout le Sarbanes-Oxley Act, approuvé par le congrès américain le 25 juillet 2002.
97
98
A.R. du 4 avril 2003 relatif aux prestations qui mettent en cause l'indépendance du commissaire (M.B. 19 mai 2003).
SEC, Auditors independence requirements, 26 janvier 2003
49
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Forum 2003
Commission Corporate governance
Nous pouvons quand même constater que l'Europe a joué et joue encore un rôle de pionnier.
Le 15 décembre 2000, la Commission européenne a émis un Consultation Paper relatif à
l'indépendance du contrôleur légal des comptes. Ce document a débouché sur une
recommandation de la Commission européenne en date du 16 mai 200299.
Dans les pays qui nous entourent, les évolutions se suivent aussi à un rythme accéléré100.
D'autre part, le rapport européen Jaap Winter101 accorde une attention particulière à la
problématique.
Position du commissaire
Nous examinerons ci-après plusieurs aspects de la loi corporate governance qui se
rapportent au commissaire :
a. extension de la notion « d'incompatibilités »;
b. introduction d'une « période de cooling off »;
c. introduction de la règle « one to one »;
d. principes relatifs aux prestations de services non audit interdites;
e. création d'un Comité d'avis et de contrôle;
f.
obligation de publicité des honoraires du commissaire et de son réseau;
g. responsabilité pénale et autres sanctions.
a.
Extension de la notion « d'incompatibilités »
La législation102 stipulait déjà que les commissaires ne peuvent accepter, ni dans les sociétés
soumises à leur contrôle ni dans des sociétés liées à celles-ci, aucune autre fonction, mandat
ou mission à exercer au cours de leur mandat ou après celui-ci et qui serait de nature à mettre
en cause l'indépendance de l'exercice de leur fonction de commissaire.
Cette notion est aujourd'hui élargie. On vise non seulement les prestations effectuées par le
commissaire mais aussi les prestations des personnes de sa sphère d'influence (a.1). D'autre
part, le législateur vise non seulement la société contrôlée mais aussi les entités liées en
Belgique et les filiales étrangères (a.2).
99
100
101
102
Recommandation de la Commission européenne du 16 mai 2002 – Indépendance du contrôleur légal des comptes dans
l'UE : principes fondamentaux, PB.L. 191, 19 juillet 2002, 22-57.
Irlande : Companies (Accounting and Auditing) Act 2003; Grande-Bretagne : « Final Report of the Co-ordinating Group
on Audit and Accounting Issues. », «Report of the Review of the Regulatory Regime of the Accounting Profession. »,
janvier 2003; France : Projet de loi de sécurité financière, février 2003; Allemagne : Bundesministerium der Justiz,
Mitteilung für die Presse nr. 10/03; Bundesregierung stärkt Anlegeskurz und Unternemensintegrität, février 2003.
Report of the High level Group of Company Law Experts on a Modern Regulatory Framework for Company Law in
Europe, 4 novembre 2002.
Article 133 du Code des Sociétés ainsi que les dispositions de l'article 3, 7bis et 8 de la loi du 22 juillet 1953 créant un
Institut des Reviseurs d'Entreprises et les dispositions énoncées aux articles 4 à 14 de l'arrêté royal du 10 janvier 1994
relatif aux obligations des réviseurs d'entreprises.
50
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Forum 2003
Commission Corporate governance
a.1
Extension du champ d'application relatif au « commissaire »
L'indépendance du commissaire n'est pas seulement remise en cause lorsqu'il fournit luimême des prestations autres que les tâches qui s'inscrivent dans le cadre de sa fonction de
commissaire. Son indépendance est également mise en péril lorsque ces prestations sont
fournies par des personnes avec lesquelles le commissaire a conclu un contrat de travail ou
avec lesquelles il se trouve, sous l’angle professionnel, dans des liens de collaboration.
Déjà, lors de la discussion du projet de loi corporate governance au Sénat, le champ
d'application avait été étendu aux sociétés ou personnes liées au commissaire comme le
prévoit l'article 11 du C. Soc. On vise notamment ici les sociétés de réviseurs sur lesquels le
commissaire exerce le contrôle où avec lesquels il constitue un « consortium ».
L'arrêté royal du 4 avril 2003103 précise et décrit plus amplement la notion de « lien de
collaboration sous l’angle professionnel »104 en introduisant un nouvel article 183 quinquies
dans l’arrêté royal du 30 janvier 2001 portant exécution du Code des sociétés.
Pour l'application de la réglementation relative aux prestations interdites, le nouvel arrêté
royal considère comme présentant un lien de collaboration sous l'angle professionnel, les
collaborations suivantes organisées par un commissaire avec une personne morale ou
physique :
« 1° toute société visant à exercer la profession de réviseur d'entreprises et dans laquelle le
commissaire est actionnaire, associé, administrateur ou gérant;
2°
toute association ou société formée entre un ou plusieurs réviseurs d’entreprises, dont
l’un au moins est commissaire et d'autres personnes qui ne possèdent pas cette qualité
ou une qualité reconnue équivalente;
3°
toute société ou personne avec laquelle la société ou l'association au sens du 1° ou 2°
est liée (N.B. : cette catégorie recouvre en partie la disposition du texte légal qui fait
également référence à une société ou à une personne liée au commissaire visée à l'article
11 du C. Soc. Cette disposition tend à préciser qu'une société de réviseurs qui participe à
une autre société de réviseurs est également frappée de présomption de collaboration);
4°
toute fonction d'associé, d'actionnaire, d'administrateur, de gérant ou de membre d'une
société, d'une association ou une personne visée au 1° à 3° incl., qui fait partie de
l'équipe chargée de la mission d'audit;
5°
tout contrat de travail conclu par le commissaire avec un réviseur d'entreprises;
103
A.R. du 4 avril 2003 relatif aux prestations qui mettent en cause l'indépendance du commissaire (M.B. 19 mai 2003).
Articles 133 et 134 §4 du C. Soc., modifiés par la loi du 2 août 2002.
104
51
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Commission Corporate governance
6°
tout réviseur d'entreprises avec lequel la société, l'association ou la personne, au sens
du 1°, 2° ou 3°, a conclu un contrat de travail (N.B. : ces deux dernières catégories
concernent des réviseurs qui sont employés chez un autre réviseur et qui ne peuvent
signer d'attestation ou de certification; ces catégories garantissent que les personnes
physiques sont visées);
7°
tout contrat contenant le droit d'utiliser une raison sociale commune ou d'y faire
référence;
8°
tout contrat comportant un engagement de recommandation réciproque;
9°
tout contrat ou société visant la mise en commun de ressources professionnelles »
(N.B. : cette catégorie vise notamment les associations et sociétés de réviseurs
d'entreprises sans personnalité juridique, les liens de collaboration économique et les
sociétés de moyens et associations mentionnées à l'article 30 de l'arrêté royal du 10
janvier 1994).
L'arrêté royal fait également référence à la notion de « réseau » que l'on retrouve dans la
recommandation européenne105 .
La recommandation européenne définit un réseau comme « comprenant le cabinet d'audit
qui réalise le contrôle légal ainsi que ses sociétés liées et toute autre entité contrôlée par le
cabinet d'audit ou qui lui est liée, ayant une propriété, une gestion ou un contrôle communs
ou d'autres formes d'affiliation ou d'association avec celui-ci, comme l'usage d'une raison
sociale commune ou la mise en commun de ressources professionnelles importantes ».
a.2 Extension du champ d'application relatif à la société « soumise au contrôle du
commissaire »
L'arrêté royal du 4 avril 2003106 précise en outre, par le biais de l'introduction d'un nouvel
article 183 quater dans l’arrêté d’exécution du Code des sociétés, quelles sociétés et entités
contrôlées relèvent de sa sphère d'influence. La notion de « groupe » a également été mieux
développée et reprécisée comme suit :
- les sociétés sur lesquelles la société soumise au contrôle du commissaire exerce un
pouvoir de contrôle;
- les sociétés ou personnes qui exercent un pouvoir de contrôle sur la société contrôlée;
- les sociétés ou personnes avec lesquelles la société contrôlée constitue un consortium;
105
106
Recommandation de la Commission européenne du 11 mai 2002 : Indépendance du contrôleur légal des comptes dans
l'UE; principes fondamentaux, PB.L.191, 19 juillet 2002, p. 22-57
A.R. du 4 avril 2003 relatif aux prestations qui mettent en cause l'indépendance du commissaire (M.B. 19 mai 2003).
52
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Commission Corporate governance
- les autres sociétés qui, à la connaissance de l'organe d'administration de la société
contrôlée, sont sous le contrôle des sociétés ou personnes visées ci-dessus ;
- d'autres personnes physiques et morales qui sont liées à une personne au sens des quatre
catégories précédentes.
Il en ressort p.ex. que des succursales de sociétés étrangères ne tombent pas sous le champ
d'application de cette règle ni sous celui de la règle « one to one » (cf. infra).
b.
Introduction d'une « période de cooling off » de 2 ans
Le législateur a voulu renforcer encore l'indépendance du commissaire en lui interdisant,
pendant une période de deux années prenant cours à la fin de son mandat, d'accepter auprès
de la société qui était soumise à son contrôle ou auprès d'une société ou personne liée à celleci au sens de l'article 11, un mandat d'administrateur, de gérant ou toute autre fonction107.
Il pourrait y avoir une ambiguïté sur la notion de « commissaire ». En effet, on pourrait se
demander s'il faut interpréter ici la notion de « commissaire » senso strictu ou dans le cadre
de l'extension de la notion de « commissaire » qui a été commentée ci-avant. L'article 170, 1°
du Code des sociétés, une disposition pénale, prévoit : « seront punis d'un emprisonnement
pour une période de … et d'une amende de … les … commissaires, ... ». Il n'y a pas de renvoi
explicite à la définition étendue du commissaire de l’article 133, quatrième alinéa du Code
des sociétés. La présente Commission estime qu’il revient à l’IRE d’examiner la question de
savoir qui est visé par cette disposition lorsque la mission de commissaire est confiée à une
société civile en conformité avec l’article 132 du Code des sociétés.
Il y a moins d’ambiguïté en ce qui concerne le champ d'application pour la société
« contrôlée ». Il s'agit ici de la définition étendue qui a été commentée ci-dessus et de ce fait
il est p.ex. impossible pour le commissaire d'exercer une fonction pendant la période de
« cooling-off » dans une filiale d'un groupe, même si le commissaire en question n'était pas
commissaire de cette filiale.
Il faudrait ici aussi que l'IRE confirme ce point de vue.
c.
Introduction de la règle « one to one »
Sans préjudice des interdictions découlant de l'arrêté royal du 4 avril 2003 qui énonce les
services qui font naître un conflit d'indépendance, en principe, les commissaires et les
personnes avec lesquelles ils ont conclu un contrat de travail, avec lesquelles ils se trouvent
sous l'angle professionnel dans des liens de collaboration ou les sociétés ou personnes liées
au commissaire visées à l'article 11, ne peuvent prester des services autres que les missions
confiées par la loi au commissaire, dans la mesure où le total des rémunérations afférentes à
ces services dépasserait les émoluments de commissaire fixés par l'assemblée générale au
début du mandat.
107
Art. 170, 1° C. Soc.
53
Institut des Reviseurs d'Entreprises
Forum 2003
Commission Corporate governance
On vise ici les services qui en principe ne sont pas incompatibles avec un mandat de
commissaire.
Cette disposition s'applique :
- aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé au sens
de l'article 2, 3° de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et
aux services financiers;
- aux entreprises qui font partie d'un groupe qui est tenu d'établir et de publier des comptes
annuels consolidés, en Belgique ou à l'étranger.
Il peut être dérogé à l'interdiction ci-dessus dans trois cas :
- sur délibération favorable du comité d'audit, lorsque les statuts de la société concernée
prévoient la création au sein du conseil d'administration d'un tel comité chargé,
notamment, d'assurer un suivi permanent des « devoirs accomplis » par le commissaire108;
- après que le commissaire ait obtenu l'avis préalable positif du Comité d'avis et de contrôle
institué à l'échelon national (cf. infra);
- si un collège de commissaires, indépendants l’un de l’autre, a été institué au sein de la
société.
« L'appréciation du rapport des rémunérations et des émoluments est, dans le cas d'une
société faisant partie d'un groupe, à effectuer au niveau de la société et de ses filiales, étant
entendu que les émoluments pour le contrôle légal des comptes des filiales étrangères sont
ceux qui découlent des dispositions légales et/ou contractuelles applicables à ces filiales. »
Les missions légales autres que la certification des comptes annuels ne sont à inclure, ni au
numérateur, ni au dénominateur, afin de déterminer la somme disponible pour l'octroi
d'autres services « non interdits ».
Les prestations qui consistent à contrôler les données économiques et financières d'une
entreprise tierce que la société ou une de ses filiales souhaite acquérir ou a acquise, tombent
également en dehors du calcul de la règle « one to one ».
108
Le texte néerlandais utilise ici une autre terminologie, cf. infra point 1.1.2.
54
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L'analyse de la règle « one to one » peut donner lieu à diverses interprétations. L'IRE y a
déjà fait référence dans son rapport annuel 2002109. A titre d'exemple et sans vouloir être
exhaustif, nous esquissons ci-après quelques situations pour lesquelles des directives plus
détaillées sont souhaitables.
Un groupe belge composé d'une société mère (M) et de ses filiales (D1 et D2) est contrôlé
par un commissaire A pour ce qui concerne M et D1 et par un commissaire B pour ce qui
concerne D2. Il n'y a pas de lien de collaboration sous l'angle professionnel entre le
commissaire A et le commissaire B. Les rémunérations pour la mission de contrôle sont les
suivantes :
M:
€ 30.000
D1:
€ 10.000 et
D2:
€
7.500
Le commissaire A émet un rapport sur un apport en nature en l'an 1 pour D1 pour lequel il
porte en compte un honoraire de € 5.000. De plus, le commissaire A fournit des « services
non interdits » auprès de D1 pour un total de € 12.000. Ces services sont fournis sur une
période de deux exercices, mais la prestation totale est facturée en une seule fois à la fin de la
première année. Le commissaire B fournit également des « services non interdits » auprès de
D2 pour € 7.000 et auprès de M pour € 5.000 en 1 an.
On peut se poser les questions suivantes :
- Quel est le montant total de ‘services non interdits’ qui peuvent être fournis sans
condition par le commissaire A. S'agit-il de € 40.000, soit la rémunération pour la mission
de contrôle auprès de M et de D1 ou s'agit-il de € 47.500, c'est à dire y compris la
rémunération auprès de D2 ?
- Le calcul du ratio doit-il être réalisé annuellement ou doit-il être examiné sur la durée du
mandat de trois ans ?
- Quel est le montant maximal de « services non interdits » qui peuvent être fournis sans
condition par le commissaire B?
- Doit-il y avoir un comité d'audit au niveau de la société M ou D2 pour permettre au
commissaire B de dépasser la règle « one to one » en l'an 1 ?
Il est clair que la règle « one to one » donnera encore lieu à des interprétations divergentes.
C'est la raison pour laquelle il faut que l'IRE établisse à ce sujet des directives précises à
l'intention de ses membres.
109
IRE, Rapport annuel 2002, Evolution des règles d'indépendance en Belgique, p. 27 e.s.
55
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d.
Principes relatifs aux prestations de services non audit interdits
Dans le rapport au Roi110, il est fait référence à la Recommandation européenne du 16 mai
2002 relative à l'indépendance du contrôleur légal dans l'UE. Cette recommandation porte
notamment sur :
- l’interdiction de contrôle de ses propres travaux;
- l'interdiction de défendre les intérêts de la société faisant l'objet de l'audit;
- l'interdiction d'une confusion des intérêts;
- l'interdiction de participer au processus décisionnel auprès de la société faisant l'objet de
l'audit.
On retrouve ces interdictions dans l'arrêté royal du 4 avril 2003 qui désigne sept services
comme prestations mettant en cause l’indépendance si celles-ci sont fournies à la société
contrôlée ou à une entité liée en Belgique ou une filiale étrangère.
Contrairement à la recommandation européenne, il n'est pas fait état d'une rotation de
partenaires. Pourtant, le Sarbanes-Oxley Act américain prévoit explicitement la rotation de
partenaires au sein d'un même bureau de commissaires.
Un commissaire ne peut pas se déclarer indépendant lorsque la société dont il contrôle les
comptes annuels a bénéficié pendant son mandat ou pendant les deux ans précédant sa
nomination d'une ou de plusieurs prestations interdites autres que celles confiées au
commissaire en vertu de la loi, exécutées par lui ou par une personne avec laquelle il a
conclu un contrat de travail ou avec laquelle il se trouve, sous l'angle professionnel, dans un
lien de collaboration, comme le prévoit l'arrêté royal.
Cette interdiction s'applique également :
- aux sociétés belges ou aux personnes qui sont liées à la société contrôlée au sens de
l'article 11 du Code des sociétés (cf. supra), ou aux filiales étrangères;
- aux sociétés ou personnes liées au commissaire comme le prévoit l'article 11 du Code des
sociétés.
110
A.R. du 4 avril 2003 relatif aux prestations qui mettent en cause l'indépendance du commissaire (M.B. 19 mai 2003)
56
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L'arrêté royal du 4 avril 2003 fixe de façon limitative les prestations interdites.
On parle de « prestations interdites » dans les cas où le commissaire :
« 1° prend une décision ou intervient dans le processus décisionnel dans la société
contrôlée;
2°
assiste ou participe à la préparation ou à la tenue des livres comptables ou à
l’établissement des comptes annuels ou des comptes consolidés de la société contrôlée;
3°
élabore, développe, met en œuvre ou gère des systèmes technologiques d'information
financière dans la société contrôlée;
4°
réalise des évaluations d’éléments repris dans les comptes annuels ou dans les comptes
consolidés de la société contrôlée, si celles-ci constituent un élément important des
comptes annuels;
5°
participe à la fonction d'audit interne;
6°
représente la société contrôlée dans le règlement de litiges, fiscaux ou autres;
7°
intervient dans le recrutement de personnes appartenant à un organe ou faisant partie
du personnel dirigeant de la société contrôlée. »
Il faut à chaque fois entendre par « société contrôlée » les sociétés ou personnes déterminées
à l'article 133, alinéa 8, du Code des sociétés.
La liste des prestations mettant en cause l’indépendance doit être interprétée de manière
limitative. Formuler un avis fiscal ne fait pas partie de cette liste. La question de savoir si ce
service peut être fourni doit être examinée en prenant en considération les règles générales
en matière d'indépendance du commissaire, comme nous l'avons déjà commenté ci-avant. La
discussion sur l’admissibilité de la prestation d’avis fiscal par le commissaire ou par une
personne de sa sphère d’influence n'est certainement pas encore close et est également menée
dans plusieurs pays.
Au Sénat français, on a p.ex déposé un projet de loi qui tend à introduire une interdiction
générale de services particuliers, le cas échéant y compris les avis fiscaux, à définir dans des
mesures d’exécution111. Il est prévu que ce projet sera approuvé postérieurement à la
finalisation de la présente étude. La SEC112 établit une distinction entre « Tax compliance »,
« Tax planning » et « Tax advice » d'une part et la représentation lors de missions fiscales et
autres missions juridiques.
111
112
Projet de la loi de sécurité financière, article 822-11 Fr.
SEC, Final Risk: Strengthening the Commission’s Requirements regarding Auditor Independence, 28 janvier 2003.
57
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Il y aura certainement des discussions et des interprétations lorsqu'il s'agira de compléter et
d'interpréter la liste des prestations interdites. Le rapport au Roi ne suffira pas à faire taire
toutes les controverses en la matière. La Commission invite l'IRE à donner à ses membres
des instructions suffisamment claires pour limiter au maximum les ambiguïtés. Il ressort
également du rapport au Roi qu'un rôle particulier a été dévolu en la matière au Comité
d'avis et de contrôle (cf. infra).
Par ailleurs, l'arrêté royal relatif aux prestations qui mettent en cause l'indépendance du
commissaire traite encore un cas spécifique dans lequel le commissaire fournit des
prestations interdites à une société qu'il ne contrôle pas mais qui fait l'objet d'une reprise par
une société dont il est commissaire. Bien que le rapport au Roi préalable à l’arrêté royal
n’évoque que les « reprises », il résulte de l’article 183 sexies 1° et 2° de l’arrêté royal que
non seulement les reprises mais aussi par exemple les fusions tombent sous le champ
d’application de la disposition.
Aussi, l'arrêté royal prévoit-il une exception lorsque plusieurs conditions cumulatives sont
réunies. Cette exception permet d'éviter que le commissaire ne soit obligé de démissionner
en pareil cas. Mais une limite a quand même été fixée : lorsque l'ensemble des prestations
interdites (le commentaire du Roi parle ici d'une approche pro rata temporis des prestations)
ne dépasse pas les honoraires liés à sa fonction de commissaire, le commissaire ne doit pas
démissionner. Ici aussi, il faudra faire preuve d'une certaine prudence dans l'interprétation de
l'arrêté royal. On ne sait pas encore très bien sur quel laps de temps le calcul doit porter ni
comment il faudra opérer les calculs globaux (faut-il inclure les sociétés liées à la société
reprise ainsi qu'à la société acquérante). De même, on ne sait pas très bien comment il faudra
appliquer la règle « one to one » après la reprise.
Ici aussi, il faudra que l'IRE précise cette disposition.
e.
Constitution d'un Comité d'avis et de contrôle
« Le législateur a créé un Comité d'avis et de contrôle ayant son siège à Bruxelles et doté de
la personnalité juridique. Sur demande du commissaire, ce comité fournit un avis préalable
concernant la compatibilité d'une prestation avec l'indépendance de l'exercice de ses
fonctions. Ce Comité peut également introduire une action auprès de l'organe disciplinaire
compétent de l'IRE en ce qui concerne l'indépendance de l'exercice de la fonction de
commissaire. »
A cette fin, le Comité peut demander à l'IRE toutes informations utiles. Le Comité est
composé de membres indépendants par rapport à la profession de réviseur d'entreprises et
nommés par le Roi sur proposition du Ministre de l'Economie et du Ministre de la Justice
pour un mandat renouvelable de cinq ans.
58
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Deux arrêtés royaux du 4 avril 2003 règlent le mode de fonctionnement et la composition de
ce Comité113. La tâche la plus importante de ce Comité est de rendre un avis sur la
compatibilité d’une prestation avec l’exercice indépendant de la fonction de commissaire. Le
Comité doit dans ce cas être consulté par le commissaire et non par les personnes liées au
commissaire qui, le cas échéant, effectueront la prestation.
Le Comité doit se prononcer dans les quinze jours qui suivent l’envoi d’un dossier complet.
Il s’ensuit que le Roi a retenu consciemment ce court délai afin de ne pas inutilement114
entraver l’exécution des prestations du commissaire ou d’une personne de sa sphère
d’influence. D’autre part, le Comité est également protégé puisque le délai ne prend cours
qu’à partir du moment où le dossier est complet. Le caractère complet doit être jugé par le
président du Comité. Ce dernier doit, le cas échéant, demander des informations
supplémentaires endéans les trois jours ouvrables. Le Roi n’a pas indiqué les conséquences
qu’il fallait réserver au dépassement du délai de quinze jours. Cela ne favorise pas la
sécurité juridique. Par ailleurs, le commissaire doit décider lui-même si la prestation peut
être réalisée et il court le risque d’être ultérieurement confronté à un avis négatif, bien que
tardif, qui pourrait conduire à une action disciplinaire.
f.
Obligation de mention des émoluments du commissaire et de son réseau
Le législateur a complété sur deux points les dispositions concernant la mention, dans le
rapport annuel, de l'objet et des émoluments liés aux prestations exceptionnelles ou aux
missions spéciales effectuées par le commissaire au sein de la société contrôlée :
- les tâches ou missions effectuées auprès des sociétés belges ou personnes liées à la
société contrôlée au sens de l'article 11 du C. Soc., ou au sein des filiales étrangères de
cette société, sont également visées;
- les mentions doivent se faire suivant les catégories précisées par le Roi.
113
114
A.R. du 4 avril 2003 en exécution de l'article 133, alinéa 10, du Code des sociétés visant la création du Comité d'avis et
de contrôle de l'indépendance du commissaire (M.B., 19 mai 2003) et A.R. du 4 avril 2003 concernant la nomination des
membres du Comité d’avis et de contrôle de l’indépendance du commissaire (M.B., 19 mai 2003)
En réalité, dans certains cas, ce délai sera encore trop long. Dans cette hypothèse, le commissaire devra prendre une
décision de manière autonome. De même, lorsque le Comité rend un avis, le pouvoir de décision d’effectuer ou non la
prestation revient au commissaire.
59
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Auparavant, la loi rendait seulement obligatoire la mention dans le rapport annuel de l'objet
de chaque tâche, mandat ou mission rempli dans la société contrôlée par une personne avec
laquelle le commissaire a conclu un contrat de travail ou avec laquelle il se trouve sous
l'angle professionnel dans un lien de collaboration, ainsi que les émoluments liés à la
prestation.
Cette règle a été étendue :
- aux sociétés belges ou personnes liées à la société dont le commissaire contrôle les
comptes annuels au sens de l'article 11 du C. Soc., ou aux filiales étrangères;
- aux sociétés ou personnes liées au commissaire au sens de l'article 11 du C. Soc.
La mention devra ici aussi se faire suivant les catégories déterminées par le Roi.
Cette extension de l'obligation de mention contribuera à une meilleure compréhension et
évaluation des tâches complémentaires du commissaire. On aura non seulement une vision
de ces prestations au niveau de la société mais aussi au niveau du groupe.
Un tel arrêté d'exécution n'est pas encore promulgué au moment la rédaction de la présente
étude.
Il y a lieu de soulever ici les questions suivantes :
- Puisqu'il faut faire référence dans chaque rapport annuel aux prestations supplémentaires,
il y a risque de doubles comptages. Lorsque les prestations sont effectuées sur plus d’un
exercice social et facturées en une ou plusieurs fois, se pose la question de savoir si les
services en question et les rémunérations qui y sont liées doivent être mentionnés plus
d’une fois. Mais si les comptes annuels ne sont pas clôturés à la même date, il peut en
résulter des doubles comptages.
- En ce qui concerne l’obligation de mention de la société M (le cas échéant dans le rapport
de gestion consolidé), faut-il donner de l’information :
- sur les prestations supplémentaires fournies par le commissaire B ?
- sur le dépassement ou non de la règle « one to one » et la raison pour laquelle ce
dépassement a été autorisé (comité d'audit, autorisation du Comité d'avis et de
contrôle, collège des commissaires, …) ?
60
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g.
Responsabilité pénale adaptée et autres sanctions
La loi corporate governance prévoit plusieurs sanctions pénales allant des amendes aux
peines d'emprisonnement concernant la cooling off period.
De plus, les infractions aux règles relatives à l'indépendance des commissaires sont
susceptibles de poursuites disciplinaires dont la Commission de discipline de l'IRE sera
saisie par l'IRE lui-même, par le Conseil Supérieur des Professions économiques (CSPE) et
par le Comité d'avis et de contrôle, sans parler des recours en matière de droits civils des
clients et de tiers contre les commissaires « non indépendants », en cas de faute entraînant un
dommage.
Repositionnement du commissaire
Il est évident que les règles en matière de corporate governance et en matière
d'indépendance du commissaire contribueront notamment à une description plus transparente
du rôle du commissaire vis-à-vis des sociétés qu'il contrôle.
Cette réglementation, qui n'est certainement pas une affaire exclusivement belge mais se
manifeste aussi à l'échelon international, a une influence sur la manière dont les réviseurs
d'entreprises et les sociétés de réviseurs d'entreprises proposeront leurs services. On établira
une distinction claire entre les prestations conduisant à la délivrance d'une attestation et
celles qui n'y conduisent pas. Par conséquent, les réviseurs d'entreprises et leurs bureaux se
focaliseront aussi davantage sur leurs clients et expliqueront que pour certains d'entre eux, ils
n'exercent pas de mandat de commissaire et se concentrent uniquement sur d'autres
prestations de services, tandis que pour d'autres, ils acceptent d'assurer le rôle de
commissaire moyennant le respect des règles en matière d'indépendance.
Dans la législation récente, l’indépendance du commissaire a reçu une description plus
concrète et contrôlable :
- le champ d'application relatif au « commissaire » et à la société « contrôlée » a été élargi;
- une distinction a été établie entre le mandat de contrôle, les autres missions légales, les
prestations interdites et celles qui ne le sont pas ;
- des notions comme le « cooling off » et la règle « one to one » ont été introduites.
Nous avons aussi indiqué que plusieurs de ces nouvelles règles et notions sont encore
susceptibles d'interprétation et nous invitons donc l'IRE à consulter les instances
compétentes pour arriver à établir des directives et des recommandations.
61
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Commission Corporate governance
3.1.3
Conflits d'intérêts entre les entités d'un groupe
Ces dernières années, le monde des affaires belges a été submergé par une vague de
concentrations, avec pour conséquence que la plupart des grands noms de l'économie belge
sont passés sous le contrôle de groupes dont la société mère relève d'un ordre juridique
étranger.
C'est la raison pour laquelle la loi « corporate governance » a, en matière de conflits
d'intérêts entre entités d'un groupe, étendu le champ d'application des entreprises cotées en
bourse à toutes les sociétés liées, exception faite pour les filiales directes. Les opérations
internes au groupe, tant horizontales que verticales, sont soumises à la nouvelle
réglementation. Ce faisant, le législateur a réglementé plusieurs aspects en matière de
responsabilité, de sanctions et d'actions en nullité.
Concernant les conflits de groupes, la nouvelle législation confie au commissaire une
mission importante. Le conseil d'administration doit non seulement en informer le
commissaire mais aussi lui demander son avis. L'avis du commissaire doit en outre être
consigné dans un procès-verbal et le législateur impose également la publication de cet avis
dans le rapport annuel.
La fixation de prix de transferts de biens et services entre sociétés d'un même groupe
(« transfer pricing »)115 pose d'épineux problèmes. Nous en voulons pour preuve le fait que
lors de plusieurs enquêtes nationales et internationales, la problématique des prix de transfert
a régulièrement été désignée comme l'un des défis capitaux en matière de fiscalité
internationale pour les entreprises multinationales. De même, l'intérêt sans cesse croissant
des administrations fiscales pour la problématique du « transfer pricing » montre
l'importance que chacun y attache.
En Europe, il existe souvent de grandes différences entre les législations locales en ce qui
concerne les preuves à produire en matière de prix de transfert et la partie à qui
(administration fiscale ou contribuable) revient la charge de la preuve. Certains pays comme
le Portugal et le Royaume-Uni ont pris des mesures législatives pour imposer au contribuable
la charge formelle de la preuve en matière d'opérations au sein d'un même groupe. Dans ces
pays, on applique alors le système des Corporate Tax Self Assessments. D'autres pays
comme l'Allemagne iront probablement dans le même sens116.
Dans le cas précité, le rôle du commissaire est plus ou moins clair : il peut vérifier que les
entités disposent de la documentation requise ou que cette documentation a été rédigée
« dans les règles de l'art ». Mais on peut se demander si dans le cadre de sa mission de
certification, le commissaire doit faire l'analyse approfondie du contenu de ladite
documentation et de la politique des prix de transfert appliquée en aval.
115
116
International Tax Review n° 10, Euromoney Institutional Investor PLC 2002
International Tax Review n° 10, Euromoney Institutional Investor PLC 2002
62
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Commission Corporate governance
La Belgique n'a pas imposé de règles spécifiques en matière de prix de transfert. La
législation fiscale stipule que la charge formelle de la preuve dans le cadre d'opérations au
sein d'un même groupe incombe à l'administration fiscale.
Mais le Code des impôts sur les revenus (avec comme disposition principale l'article 26 du
C.I.R.) stipule que des avantages anormaux ou bénévoles peuvent être ajoutés à la base
imposable et que la déduction de charges professionnelles peut être rejetée si celles-ci ne
sont pas conformes au marché. Ces corrections peuvent donc se traduire par des latences
fiscales supplémentaires pour les entreprises belges. Dans la pratique, le fisc impose quand
même une partie de la charge de la preuve à l'entreprise belge par certaines procédures (p.ex.
des demandes de renseignements, des contrôles sur place, etc.); mais il s'agit là d'une
participation plutôt réactive que proactive du contribuable.
De plus, le contribuable n'est pas tenu de rassembler une documentation sur les prix de
transfert. Certes, le fisc belge a recommandé dans une circulaire administrative de 1999 de
constituer une documentation et fait en cela référence aux OECD Transfer Pricing
Guidelines de 1995.117
Cette question est d'autant plus pertinente qu'il n'est pas évident d'évaluer l'ampleur des
services intercompany. Dans les grandes entreprises multinationales, il est fréquent de
refacturer certains frais de Head Office aux filiales sur la base de clés de répartition (p.ex. en
fonction du chiffre d'affaires ou du personnel des services administratifs). Il est logique que
le commissaire s'assure du bien-fondé de ces refacturations, même si elles présentent certains
aspects subjectifs. Comment peut-on p.ex. évaluer le fondement des frais de Head Office qui
sont réellement imputés en tant que tels à une filiale ?
Ceci n'élimine pas pour autant le risque fiscal dans le chef des filiales (belges).
Pour voir si la politique de prix de transfert appliquée par l'entreprise génère une latence
fiscale, le commissaire est donc obligé non seulement de consulter la documentation
standard en fonction de l'audit (fiscal) normal (notamment les données des transactions, le
grand livre, le compte de résultats) mais aussi de prendre connaissance de plusieurs éléments
de documentation et d'informations spécifiques et orientées dans le domaine fiscal
(notamment le secteur du contribuable, sa stratégie en matière d'impôts, l'information liée au
groupe, des informations détaillées sur les transactions, la méthodologie appliquée en
matière de prix de transfert, les accords écrits, etc).
En 2002, la Commission européenne a créé un « EU Joint Transfer Pricing Forum »118 pour
formuler des solutions pragmatiques, non législatives, concernant les problèmes de prix de
transfert au sein de l'Union européenne. Ce Forum européen concentre actuellement ses
premiers travaux sur l'entrée en vigueur accélérée de la Cour d'Arbitrage européenne pour
prévenir la double imposition. L'harmonisation des obligations au sein de l'Europe en
matière de documentation sur les prix de transfert a été inscrite à l’agenda pour la fin 2003.
Dans ce débat, le rôle du commissaire devra certainement être pris en compte.
117
118
Services Fédéraux des Contributions, circulaire administrative du 28 juin 1999
europa.eu.int/comm/taxation_customs/taxation/company_tax/fr/transfer_pricing.htm
63
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3.2
Examen de la situation chez les autres stakeholders
Les investisseurs, les créanciers, les clients, les fournisseurs et d'autres stakeholders exigent
de plus en plus que les entreprises respectent des normes de bonne gestion et de
transparence, acceptées au niveau international.
Dans toute l'Europe, des investisseurs indépendants interviennent également dans les règles
du jeu de la « bonne gestion ». Ils exigent des standards plus élevés de justification, de
conduite et de prestation que leurs prédécesseurs et leur influence au sein des organes de
gestion ne cesse de croître. On s'attend au cours de cette décennie à ce que le débat sur la
corporate governance se focalise notamment sur la poursuite de la séparation des fonctions à
la tête des entreprises. L'apparition d'administrateurs forts, indépendants, non-exécutifs
jouera un rôle crucial dans cette évolution. Des comités indépendants d'audit, de
rémunérations et de nominations, composés principalement d'administrateurs indépendants,
joueront ici un rôle essentiel, même dans des pays qui connaissent aujourd'hui une structure
d'administration duale.
Des études récentes119 montrent également une tendance à l'accélération de tous les
processus d'identification, d'évaluation et de gestion des risques, non seulement sur le plan
financier mais aussi sur le plan opérationnel, ainsi que dans le domaine de la politique
écologique et sociale et dans le domaine de l'image de marque de l'entreprise. En même
temps, on attribuera un rôle crucial à la publication intégrale de toutes les informations
significatives sur le « well-being » de l'entreprise (notamment les mesures sociales,
écologiques et non financières).
Le rôle du réviseur d'entreprises sera influencé par les obligations croissantes que la société
imposera graduellement aux acteurs économiques. Il ne fait pas de doute que le réviseur
d'entreprises sera obligé d'étendre ses opérations de certification et ses avis à ces domaines
afin de pouvoir jouer correctement son rôle aux yeux du public.
Nous examinons ci-après la position et le repositionnement éventuel du commissaire par
rapport à son rôle, susceptible de modifications, en matière de :
- des travailleurs/du conseil d'entreprise ;
- des évolutions récentes dans le domaine du « développement durable » et de la
« responsabilité sociale des entreprises ».
119
Corporate governance in Europe, KPMG Survey 2001/2002
64
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3.2.1
Travailleurs / conseil d'entreprise
Le débat sur la corporate governance a contribué à une meilleure définition du rôle du
commissaire. La « cooling off period », la règle « one to one », et la distinction entre
prestations interdites et services autorisés contribueront à un renforcement de son
indépendance vis-à-vis des actionnaires mais aussi vis-à-vis des membres du conseil
d'entreprise. Ceci ne pourra que confirmer le rôle du commissaire défini par le Conseil
Central de l'Economie et transposé dans le Vademecum de l'IRE sous la forme de
principes120 et de normes121.
L'arrêté royal du 27 novembre 1973 portant réglementation des informations économiques et
financières à fournir aux conseils d'entreprises – texte coordonné de décembre 2002122 –
énonce la réglementation des informations économiques et financières à fournir aux conseils
d'entreprises. Depuis, plusieurs dispositions légales et réglementaires ont été prises, souvent
sur base sectorielle, qui prescrivent la communication d'informations économiques et
financières. Le Conseil Central de l'Economie, qui souhaite simplifier le travail de tous ceux
qui sont concernés par le fonctionnement des conseils d'entreprises, a élaboré il y a quelques
années un texte coordonné officieux qui décrit comme suit le rôle du commissaire123 :
- Remise d'un rapport au conseil d'entreprise sur les comptes annuels et, le cas échéant,
sur les comptes consolidés et sur le rapport annuel, conformément aux lois coordonnées
sur les sociétés commerciales.
- Certification de l'image fidèle et complète des informations économiques et financières
fournies par le chef d'entreprise pour autant que ces informations soient établies par la
comptabilité, par les comptes annuels de l'entreprise ou par d'autres sources vérifiables.
- Expliquer notamment aux membres du conseil d'entreprise nommés par les travailleurs la
signification des informations économiques et financières fournies au conseil d'entreprise
par rapport à la structure financière et à l'évolution de la situation financière de
l'entreprise.
- Faire savoir au chef d'entreprise qu'il estime ne pas pouvoir délivrer la certification visée
ou, s'il constate des manquements dans les informations économiques et financières
fournies au conseil d'entreprise et si celui-ci ne réagit pas dans le mois qui suit son
intervention, en informer le conseil d'entreprise de sa propre initiative.
120
121
122
123
o.c. p. 755 e.s.
o.c. p. 911 e.s.
www ccecrb.fgov.be/crb/text/f.htm
Voyez également le Vademecum 2002 de l'IRE : Principes relatifs à l'exercice de la mission de réviseur vis-à-vis des
conseils d'entreprise, p. 755 e.s.
65
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Commission Corporate governance
Le commissaire est informé à temps de l'ordre du jour et du procès-verbal de la réunion du
conseil d’entreprise au cours de laquelle on a remis ou discuté des informations financières
et économiques. Si le commissaire juge opportun de remettre chaque année un commentaire
écrit au conseil d'entreprise, avec un résumé des éclaircissements lors d'analyses des
informations économiques et financières, il communique cette pièce au préalable au conseil
d'entreprise. Pendant le conseil d'entreprise, le commissaire communique ses observations
verbalement.
Le Conseil de l'IRE a émis à ce sujet des principes précis124 et a par ailleurs aussi élaboré des
normes relatives à la mission du réviseur d'entreprises auprès du conseil d'entreprise, qui sont
entre autres axées sur le rapport de certification125.
Repositionnement du commissaire par rapport au conseil d'entreprise
Le commissaire ne doit pas seulement certifier les informations économiques et financières
fournies au conseil d'entreprise mais il doit en outre apporter des éclaircissements sur les
informations financières et en commenter le contenu sans prendre pour autant la place du
management.
Le but principal du conseil d'entreprise vise la démocratisation continue de la vie de
l'entreprise, en donnant à l'expert et au commissaire indépendant une position centrale, entre
les délégations des employeurs et des travailleurs. Grâce au commentaire circonstancié des
informations financières et économiques connexes et comparables dans le temps, cette
fonction intermédiaire peut assurer la continuité du dialogue et renforcer les échanges au sein
du conseil d'entreprise.
Il est clair que ce rôle indépendant est déjà assuré pour une large part lors du conseil annuel
d'entreprise au cours duquel sont débattues les informations économiques et financières
fournies. Mais le commissaire ne peut pas se substituer au management. L'arrêté royal du 4
avril 2003 relatif aux prestations qui mettent en cause l'indépendance du commissaire le
souligne de son côté.
On peut se demander, étant donné l'évolution récente du débat sur la corporate governance,
si le rôle du commissaire par rapport au devoir d'information vis-à-vis des conseils
d'entreprise n'est pas en cours d'actualisation. Ainsi, l'Inspection de l'organisation des
entreprises du Service Public Fédéral Economie, PME, Classes moyennes et Energie, qui est
notamment chargée de la surveillance de l'arrêté royal du 27 novembre 1973, est directement
demanderesse d'une augmentation de la collaboration avec le révisorat d'entreprise en
fonction de l'actualisation de la relation de confiance au sein des conseils d'entreprise126.
De même, on constate souvent une demande, de la part des organisations de travailleurs,
d'une description plus précise du rôle du commissaire.
124
125
126
Vademecum 2002 IRE: p. 755.
Vademecum 2002 IRE: pp. 911 à 929
P. VAN GEYT, « De vertrouwensrelatie in de ondernemingsraad ; de taak van de Inspectie der Bedrijfsorganisatie en het
bedrijfsrevisoraat » in Liber Amicorum Henri Olivier, IRE, 2000, p. 525-538.
66
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3.2.2
Développement durable et responsabilité sociale des entreprises
Les entreprises sont de plus en plus confrontées à leur responsabilité sociale. La tendance
récente en matière de corporate social responsibility et de sustainability n'y est pas
étrangère.
La responsabilité sociale des entreprises127 se définit comme « l'intégration volontaire
par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités
commerciales et leurs relations avec leurs « stakeholders » car elles sont de plus en plus
conscientes qu'un comportement responsable se traduit par une réussite commerciale
durable. La RSE a également trait à une gestion socialement responsable du changement au
niveau de l'entreprise. »
La responsabilité sociale des entreprises a entre-temps connu un fort développement qui en
fait bien plus qu'un phénomène de mode. L'idée de la RSE a trouvé des applications
concrètes dans la vie de tous les jours et joue aujourd'hui un rôle fondamental dans
l'évolution du monde d’affaires. La réconciliation d'objectifs économiques et sociaux
constitue aujourd'hui un véritable défi. Bien sûr, faire du profit demeure la raison d'existence
d'une entreprise mais pas « à n'importe quel prix ». La RSE peut devenir un instrument
décisif pour se démarquer à long terme de la concurrence.
La Commission européenne a lancé sa campagne de sensibilisation à la mi-2001 en
présentant son ‘Livre Vert RSE’ et a développé, un an plus tard (2 juillet 2002), une nouvelle
stratégie en matière de citoyenneté d’entreprises128. Cette nouvelle stratégie vise :
- la promotion des arguments économiques en faveur de la RSE pour la rendre attractive
aux entreprises, tant les grandes entreprises que les PME ;
- la promotion de l'évaluation externe et l'évaluation des prestations sociales et
environnementales des entreprises pour rendre la RSE plus crédible ;
- l'organisation d'un forum multilatéral européen en vue du débat sur la RSE ;
- la vérification de ce que les lignes de politique nationale sont conciliables avec les
principes de la RSE.
Le législateur belge a suivi cet appel européen et a approuvé le 31 janvier 2002 une loi
relative au « label pour la production socialement responsable »129. Cette réglementation est
entrée en vigueur le 26 septembre 2002 et a représenté une première mondiale sur le plan de
la RSE. La loi contient également un chapitre intitulé « coopération au développement ».
127
128
129
La responsabilité sociale des entreprises : Une contribution des entreprises au développement durable, juillet 2002, ISBN
92-894-3824-X ou europa.eu.int/comm/employment_social/soc-dial/csr/csr2002_fr.pdf
La responsabilité sociale des entreprises : Une contribution des entreprises au développement durable, juillet 2002, ISBN
92-894-3824-X ou europa.eu.int/comm/employment_social/soc-dial/csr/csr2002_fr.pdf
Loi du 27 février 2002 visant à promouvoir la production socialement responsable (M.B., 26 mars 2002)
67
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D'après le législateur belge, le label doit être un élément de l'implication sociale d'entreprises
telle qu'elle est encouragée actuellement par la Commission européenne. Le label social doit
être ici un signe qui différencie les produits qui sont fabriqués en respectant les conventions
de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) sur les droits de l'homme fondamentaux. Il
vient aussi compléter la pratique déjà courante des codes éthiques de conduite.
Le label social qui est introduit sur une base volontaire, est fondé sur des audits indépendants
mais contrôlé par une instance officielle, en l'espèce le Comité pour une production
socialement responsable.
L'installation de ce Comité a eu lieu début juillet 2002. Il rendra sous peu son avis sur l'arrêté
d'exécution de la loi qui précisera les conditions en matière d'octroi, de contrôle et
d'utilisation du label, ainsi que sur le cahier des charges en vue du contrôle.
L'expression « sustainable development » a été introduite pour la première fois par la
« World Commission on Environment and Development » en 1987: « Development which
meets the needs of the present without compromising the needs of future generations »130.
Entreprendre de façon durable ou mener une entreprise socialement responsable se rapporte
au mode d'entreprise dans lequel on réalise en permanence une pondération intégrée des
intérêts des principaux « stakeholders ». Nous distinguons ici l'intérêt de l'entreprise, l'intérêt
de toutes sortes de personnes et organisations qui sont liées au fonctionnement de l'entreprise
– aujourd'hui et à l'avenir – et l'intérêt de tous par rapport à l'environnement. Autrement dit,
on tient non seulement compte des intérêts des actionnaires mais aussi – et dans une mesure
croissante – des intérêts du grand groupe hétérogène de « stakeholders », ainsi que de
l'environnement et de la nature. Dans ce concept d'entreprise relativement nouveau, on
s'intéresse avant tout aux trois domaines d'attention suivants : le domaine économique (les
éléments connus tels que la situation patrimoniale, le cash-flow et le résultat), le domaine
socio-éthique (problèmes tels que le travail des enfants, la sécurité et la corruption) et le
domaine écologique (aspects tels que la politique d'énergie, la politique des déchets et les
nuisances sonores).
John ELKINGTON131 (1997) a défini la sustainability (le développement durable) comme
« the principle of ensuring that our actions today do not limit the range of economic, social
and environmental actions open to future generations». Il a introduit en même temps la
Triple Bottom Line: la prospérité économique, la qualité de l'environnement et la
« justification sociale ». La triple bottom line est également connue sous le vocable 3 P :
people, planet, profit. C'était d'ailleurs le titre d'un rapport Shell en 1999.
130
131
United Nations General Assembly, 96th meeting 11/12/1987: Report of the World Commission on Environmental and
Development, n° 42/187
John ELKINGTON, Cannibals with Forks: the triple bottom line of the 21th century business, Capstone 1997, New
Society, 1998
68
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Les entreprises doivent pouvoir justifier cette politique. Tim van Kooten, du groupe Shell, en
dit ce qui suit : « Le monde attend une ouverture et une transparence de la part des
entreprises. Puisque la gestion d'une entreprise ne passe pas uniquement par le profit mais
aussi par les principes, Shell appelle ses « stakeholders » au dialogue. Les rapports Shell132
constituent une étape vers la vérification externe par des auditeurs experts en la matière et
un moyen de rendre l'engagement interne et externe visible pour les « stakeholders ». Il
s'agit ici de fournir des informations sur la manière dont l'entreprise agit sur le plan
économique, sur le plan socio-éthique et sur le plan environnemental. On peut décrire cela
correctement par les termes « rapports sociaux » ou « rapports sur le développement
durable ».
Le « United Nations Environment Programme » (UNEP)133 distingue cinq étapes pour
arriver finalement à un rapport de type ‘triple bottom line’ :
- étape 1 : lettres d'actualités, vidéos, extraits dans le rapport annuel ;
- étape 2 : rapport environnemental lié à une première politique formelle d'entreprise ;
- étape 3 : rapport annuel lié à des systèmes de management environnemental, mais
davantage axé sur le texte que sur l'aspect financier ;
- étape 4 : publication intégrale incluant les données relatives aux unités de production, aux
sites et l'indication de rapports environnementaux dans le rapport annuel ;
- étape 5 : rapport sur le développement durable ou rapport sur la triple bottom line.
Les avantages d'un tel rapport de triple bottom line sont clairs :
- augmentation du développement durable financier (« sustainability ») : cours d'actions
augmenté, profits augmentés, meilleure position sur le marché, réduction des coûts,
meilleure transparence en ce qui concerne les risques de l'entreprise et les opportunités ;
- réduction du risque de conformité légale, de réputation et de crédit, diminution des dettes
et des réclamations par une meilleure gestion et un meilleur contrôle grâce à des systèmes
spécifiques de management des risques écologiques et sociaux ;
- avantages environnementaux et sociaux : augmentation de la performance dans ces
domaines, augmentation de la motivation des travailleurs, amélioration des relations avec
les stakeholders.
Par association, des questions surgissent quant à l'élaboration de critères et de normes pour
l'évaluation des résultats de cette politique, aux systèmes de gestion et de « reporting » et
aux directives en matière de rapports et d'attestations.
132
133
www.shell.com/home/framework? Siteid=shellreport2002-en
www.unep.org
69
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La position du réviseur d'entreprise
Le réviseur d'entreprise peut avoir un rôle consultatif ou évoluer vers un rôle certificatif.
Etant donné ses connaissances spécifiques en matière de « reporting » financier,
d’organisation administrative et de techniques d'audit, le réviseur d'entreprises peut apporter
une contribution dans le domaine de l'entreprise socialement responsable et de
l'environnement, p.ex. en matière de rapports sociaux, de systèmes d'information sur
l'environnement et de rapports en matière d'environnement. Le marché a en effet un besoin
croissant de conseils dans ces domaines.
A partir de leur formation, les réviseurs d'entreprises sont en effet étroitement impliqués dans
les informations que les entreprises font circuler. S'il est assisté par des spécialistes en la
matière, le réviseur d'entreprises peut donner un avis en vue p.ex. de transformer des
informations environnementales en données économiques et financières. Cependant, le
réviseur d'entreprises n'a ni la vocation ni la compétence de se prononcer sur la politique
d'environnement.
Nos pays voisins suivent également la même logique. Pour aider les entreprises à rédiger des
rapports d'environnement, le NIVRA134 néerlandais a établi en collaboration avec
l'association des auditeurs spécialisés en environnement une « check-list » pour aider à
identifier des sujets qui doivent faire l'objet d'un rapport. De plus, il a créé un registre
national des rapports annuels d'environnement (NRM) pour stimuler les entreprises à les
rédiger.
En tant que conseiller, le réviseur d'entreprises peut jouer un rôle important dans le processus
de développement en matière de triple bottom line et de rapports RSE. Voici un aperçu de ce
processus :
-
identification des « stakeholders » et des différents problèmes ;
dialogue avec les « stakeholders » ;
établissement d'une liste des problèmes prioritaires ;
développement de « key performance indicators » et de systèmes d'informations ;
collecte d'informations et évaluation des performances ;
établissement d'un rapport et fixation des objectifs ;
« assurance » externe finale;
dialogue de suivi avec les « stakeholders ».
Depuis, quelques entreprises ont déjà publié leurs premiers rapports sociaux intégrés. Un
nombre croissant d'entre elles y ajoutent des rapports d'inspection d'experts indépendants. Le
réviseur d'entreprises moderne peut apporter ici sa contribution en tant que conseiller. Il va
de soi que pour ce faire, le réviseur d'entreprises devra disposer de connaissances et
d'expérience supplémentaires, surtout sur le plan socio-éthique et environnemental. Il devra
donc collaborer avec des spécialistes.
Il ne sera toutefois pas évident de passer de la fourniture d'un avis à la certification.
134
www.nivra.nl/milieu/vma.htm
70
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Nous nous sommes habitués entre-temps à la normalisation nationale et internationale du
« reporting » financier. Cette normalisation s'est développée au fil de nombreuses années et
s'est fortement harmonisée sur le plan international. Mais la normalisation des contenus
environnementaux et surtout socio-éthiques des rapports s'est bien moins développée et
harmonisée. Plusieurs institutions internationales et grandes entreprises travaillent au
développement de critères et normes intégrés mais ceux-ci en sont encore au stade de
l'ébauche et ne sont pas encore admis partout.
La certification d'un rapport RSE ou d'un rapport de développement durable ne pourra se
faire de manière effective que lorsque les standards et les normes y relatifs auront été
clairement définis.
C'est la raison pour laquelle cette certification n'est pas non plus exclusivement réservée aux
réviseurs d'entreprises. D'autres organisations ou entités de contrôle pourraient aussi prendre
en main ce rôle de certification. Le législateur peut jouer ici un rôle important.
71
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Synthèse des débats du Forum
Au cours de la première partie de nos travaux, nous avons abordé le thème des missions du
reviseur d’entreprises en matière de « Corporate Governance » et notamment la question de
savoir s’il était possible ou souhaitable que les missions d’audit et les éventuelles missions
d’assurance soient cumulées.
Aucune réponse précise à cette question n’est ressortie des débats mais on peut retenir les
considérations suivantes :
− ce n’est pas tellement le fait que les reviseurs aient à rapporter sur des éléments de
« Corporate Governance » qui est nouveau, mais l’accroissement considérable des textes
réglementaires sur le thème et également l’évolution des normes d’audit internationales
dont il faudra tenir compte (notamment l’ISA 260 : « Communication des sujets d’audit
aux personnes en charge de la Corporate Governance ») ;
− des intervenants ont relevé le « décalage d’attentes » qui peut naître à la lecture des
rapports des auditeurs. Parmi les questions posées, on retiendra :
-
faut-il adapter l’appréciation du contrôle interne au cas particulier de la société
auditée ?
-
ne risque-t-on pas d’aggraver l’ « Expectation Gap » en introduisant des types
d’attestations particulières ?
-
des normes préventives décrivant précisément le rôle et la portée de la mission ne
permettraient-elles pas de résoudre ce « décalage d’attentes » ?
Des références aux dispositions internationales, notamment américaines, peuvent être
effectuées (ex : attestation faite sur l’opinion du management quant au bon fonctionnement
du système de contrôle interne), même si la prudence est de mise compte tenu notamment
des nombreuses critiques qui ont pu être formulées à cet égard.
Des membres demandent que l’Institut établisse des normes ou des recommandations pour
apporter plus de clarté sur les obligations/devoirs spécifiques du reviseur et/ou commissaire
par rapport aux sujets de corporate governance. Un intervenant a suggéré de développer plus
en détail des directives sur le contrôle du rapport de gestion où devraient être idéalement
traités des sujets tels que :
−
−
−
−
le fonctionnement de corporate governance ;
le développement durable ;
les statuts et responsabilités des administrateurs ;
les principes de fonctionnement du contrôle interne, …
Au cours de la deuxième partie de nos travaux, nous avons abordé la question de savoir dans
quelle mesure les principes de corporate governance peuvent également être appliqués aux
entreprises non cotées (entreprises familiales, filiales de sociétés cotées, asbl et institutions
publiques).
72
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Parmi les observations formulées, on peut relever que :
− le reviseur d’entreprises peut sans aucun doute apporter une valeur ajoutée en ce qui
concerne la professionnalisation du conseil d’administration au niveau des sociétés
familiales ;
− le commissaire devra également jouer un rôle important dans la vérification de
l’obligation faite aux filiales cotées en bourse d’indiquer dans leurs rapports annuels les
limitations substantielles ou charges que la société-mère leur a imposées (question des
corporate opportunities) ;
− l’acuité des principes de corporate governance dans les sociétés familiales se pose
d’autant plus lorsque celles-ci se situent au stade de la deuxième, voire de la troisième
génération, stade où les conflits apparaissent avec la circonstance particulière qu’à la
différence des sociétés cotées, les actionnaires n’ont pas la possibilité de liquider
aisément leurs participations et peuvent donc se retrouver en quelque sorte « enfermés »
dans ces conflits ;
− au niveau des asbl, le reviseur peut apporter une contribution positive aux règles de bon
fonctionnement, notamment en recommandant qu’une distinction claire soit réalisée entre
les réunions du conseil d’administration et l’assemblée des membres. Une réflexion
pourrait également être menée sur la durée légale du mandat de commissaire qui, dans le
cas des asbl, ne se réfère pas à la période de trois ans prévue par le droit des sociétés ;
− dans le cadre de la professionnalisation des conseils d’administration et des comités
spécialisés, l’idée a été évoquée par un participant que le reviseur d’entreprises pourrait
jouer un rôle en tant qu’administrateur indépendant non exécutif. Outre le facteur inhérent
de risque que cette approche susciterait et notamment un risque de réputation, elle
nécessiterait obligatoirement la modification de la loi de 1953, ce qui pourrait constituer
un chantier important mais non sans péril ;
− sur un plan peut-être un peu plus politique, il a été indiqué que plutôt que de distinguer
les sociétés cotées ou non, le législateur pourrait réserver par une réforme du code des
sociétés une plus grande souplesse aux sociétés qui, quels que soient leurs types,
pourraient se positionner clairement dans leurs statuts sur des thèmes essentiels (ex.
composition du conseil d’administration, fonctionnement du comité de direction), à
charge pour les sociétés d’assumer les conséquences de leurs choix, étant entendu que
ceux-ci devraient être reflétés en toute transparence dans les communications au public.
En synthèse, il est apparu essentiel que si le reviseur d’entreprises peut jouer un rôle
prépondérant et actif dans le développement des principes de corporate governance dans les
entreprises non cotées, la position de commissaire doit inciter à un rôle plus réservé, sous
peine de discréditer la fonction.
73
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Commission Corporate governance
Au cours de la troisième partie de nos débats, nous avons examiné les règles d’indépendance
relatives aux commissaires et principalement les points suivants :
−
−
−
−
les services non autorisés ;
la règle du « one to one » ;
l’obligation de communiquer les honoraires du commissaire ou de son réseau ;
la période de cooling off (période de viduité).
Plusieurs difficultés d’interprétation ont été soulevées, principalement en ce qui concerne le
calcul de la règle du « one to one » et la portée « rationae personae » de la période de cooling
off. Nous renvoyons à la contribution écrite qui a été élaborée par la commission.
Il a été par ailleurs rappelé aux participants que le conseil de l’IRE a communiqué à ses
membres un projet de normes qui a pour seul but de transposer les dispositions de la
recommandation européenne qui ne l’ont pas été préalablement par la loi et les arrêtés
royaux d’exécution.
Les principales observations qui ressortent de la procédure de consultation des membres se
rapportent essentiellement aux points suivants :
− le seuil de 20% à partir duquel les honoraires du reviseur sur un seul client sont
susceptibles de mettre en cause son indépendance ;
− les honoraires impayés qui constitueraient un prêt ;
− les liens familiaux ;
− mais surtout la rotation interne pour les sociétés présentant un intérêt public.
Le conseil va réexaminer le projet de normes à la lumière des remarques formulées par les
reviseurs.
Contrairement à ce que l’on pouvait attendre, cette troisième partie des travaux a soulevé peu
de débats.
Un intervenant a émis le point de vue selon lequel la recommandation européenne de
mai 2002 n’exige pas une transposition de ses principes aussi rapidement et dans une mesure
aussi stricte que le projet de norme de l’IRE. Pour la précision du débat, il a été répondu
qu’il faut également tenir compte du contexte international même s’il faut constater à ce
niveau certains excès normatifs à la suite d’incidents biens connus.
En ce qui concerne l’analyse comparative des développements internationaux, il a été
observé notamment qu’en Belgique, la non-publication du montant des honoraires décidés
par l’assemblée générale pour le mandat de commissaire rend délicat l’appréciation par les
actionnaires de l’application de la règle du « one to one ».
En synthèse et pour être en ligne avec les exposés de la séance académique, outre le mot
« indépendance », nous avons beaucoup entendu parler de « compétences » et
d’ « intégrité ».
74
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Conclusion
Dans la présente étude, la Commission a tenté d’expliquer le rôle que peut jouer un réviseur
d’entreprises dans le cadre de la corporate governance et de montrer la valeur ajoutée de ses
interventions. Dans ce contexte, la distinction peut être faite entre les missions de conseil et
les missions de contrôle.
En tant que conseiller, le réviseur d’entreprises peut surtout intervenir dans l’élaboration de
structures de gestion et de procédures qui renforcent la corporate governance dans la vie
économique. Nous pensons, entre autres, aux conseils concernant :
− la composition du conseil d’administration et le statut d’administrateurs.
− la composition et le fonctionnement de comités installés au sein du conseil
d’administration tels que le comité d’audit, le comité de rémunération et le comité de
nomination ;
− les procédures de contrôle interne et les systèmes de gestion de risques ;
− le fonctionnement du département d’audit interne.
Ces activités de conseil appartiennent clairement à l’expertise du réviseur d’entreprises. En
tant que commissaire, il ne pourra toutefois conseiller son client que dans le respect des
règles d’indépendance ; il (ou son réseau) ne pourra donc pas accomplir lui-même des actes
de gestion ou se mettre dans une position qui l’amènerait à se contrôler lui-même.
Dans le prolongement de la tendance de la mise en œuvre des règles de corporate
governance auprès d’entreprises moins grandes et auprès du secteur non-marchand, les
possibilités de conseil des réviseurs d’entreprises s’accroissent auprès de ces entités. Dans
notre étude, nous avons signalé que la corporate governance n’est pas réservée aux sociétés
cotées en bourse. Plusieurs interventions ont confirmé cette position lors des groupes de
travail du Forum.
Outre les missions de conseil, il y a également un élargissement des tâches du
commissaire/réviseur d’entreprises dans le domaine du contrôle et de la certification.
L’insertion de règles de corporate governance dans le Code des sociétés a ainsi influencé la
mission de certification légale des commissaires. Le commissaire doit ajouter un paragraphe
spécial dans son rapport à l’assemblée générale, en cas de conflits d’intérêt dans le chef d’un
administrateur ou d’un membre du comité de direction. De même, dans le cas de conflits
d’intérêt entre des entités d’un groupe, le commissaire à l’obligation d’émettre un rapport
spécial.
Souvent le rapport du conseil d’administration en matière de corporate governance ne se
limite pas aux mentions obligatoires visées par le Code des sociétés. Les aspects relatifs au
développement durable et à la responsabilité sociale des entreprises entrent ainsi de plus en
plus en ligne de compte dans les rapports de gestion. Le réviseur d’entreprise peut jouer un
rôle de conseiller en tant qu’expert dans le domaine de l’information financière et de
l’information de gestion. Dans le domaine de la certification, il existe également des
perspectives pour le réviseur d’entreprises ou pour le commissaire. La question se pose
surtout de savoir si l’intérêt général exige une confirmation par un expert externe de
l’information rendue publique. Il ressort clairement des débats du Forum qu’une norme ou
une recommandation édictée par l’IRE s’avère nécessaire en ce qui concerne la portée et
l’ampleur des contrôles sur les données que les entreprises transmettent (transmettront) en
matière de corporate governance ainsi que le rapport y afférent.
75
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Commission Corporate governance
Enfin, nous tenons à signaler le fait qu’en ce qui concerne les récentes initiatives au niveau
de la législation belge concernant la corporate governance, toutes les règles et surtout les
modalités d’application ne sont pas aussi claires.
Dans notre étude et lors des discussions des groupes de travail du Forum, nous avons signalé
les imprécisions suivantes :
− L’insécurité juridique relative à l’interprétation de « afgewerkte dossiers » (dans le texte
de la loi en néerlandais) et « devoirs accomplis » (dans le texte en français) dans le cadre
de la surveillance permanente que le comité d’audit statutaire doit exercer sur les
missions qui dépassent la règle one-to-one.
− Dans le rapport annuel du conseil d’administration, doit-il également être fait mention des
prestations fournies à une société (belge ?), qui ressort de la sphère d’influence de la
société contrôlée qui ne doit pas établir de comptes consolidés ?
− Quid en ce qui concerne la collecte d’information relative aux honoraires pour les
services prestés par les personnes de l’entourage du commissaire, lorsque ces personnes
sont tenues par le secret professionnel ?
− En ce qui concerne la période « cooling-off »
(a)
Les règles visent-elles le commissaire - société civile et/ou le représentant
permanent ?
(b)
Les règles visent-elles toutes les sociétés et personnes liées ou uniquement
l’entreprise où la personne concernée exerçait la fonction de commissaire ?
− Des questions concernant la mise en œuvre de la règle one-to-one (telles que les
modalités de calcul des services non interdits, la période de référence, le niveau de
compétence du comité d’audit, l’impact d’une reprise).
− Les imprécisions concernant la liste des services incompatibles/interdits.
− Quid en ce qui concerne les modalités de calcul du seuil maximal d’honoraires sous
lequel un commissaire ne doit pas donner sa démission suite à une reprise (ou fusion) s’il
a presté des services interdits en tant que non commissaire dans les sociétés reprises.
− Application de l’obligation de la publication des honoraires du commissaire et de son
réseau.
Il est recommandé que le législateur réduise/élimine ces imprécisions dans l’avenir ou que le
conseil de l’IRE donne, pour autant que ce soit possible, des recommandations à ces
membres.
76