Etat de siège - François Andes
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Etat de siège - François Andes
État de Siège François Andes État de Siège François Andes Bureau d’Art et de Recherche | Éditions - Roubaix Ville de Béthune - Chapelle Saint Pry « Résidences de l’Art en Dordogne » / ADDC Cartographies des territoires inachevés — Cédric Loire Les pas du labyrinthe vagabond. Le tissu infini de Pénélope. J. L. Borges, « Les Causes » Histoire de la Nuit, 1977. Le projet élaboré par François Andes, intitulé Commode, entamé en 2000 et toujours en cours, pourra constituer l’origine d’un regard « à rebours » sur un travail qui revêt des formes très variées. Il permettra notamment de saisir les grandes lignes et les aspects récurrents de l’œuvre de François Andes. Commode est un ensemble en développement de bornes ayant plus ou moins l’apparence de bancs publics, reliées entre elles par un dispositif capturant les sons de l’environnement immédiat et diffusant simultanément ceux provenant des autres bornes. Le réseau constitué par l’expansion et l’interconnexion des bornes est un espace sans centre, chaque nouvelle borne prenant au sein du dispositif la même place que les autres, sans leur être ni subordonnée ni périphérique. Il ne s’agit donc pas d’un réseau rayonnant, mais d’un réseau multipolaire. Le dispositif global s’apparente à une structure organique sans cesse en croissance, ouverte sur son environnement, mais sur laquelle « l’usager » n’a que peu de prise. Le mode proliférant selon lequel s’organise l’œuvre de François Andes entraîne simultanément et peu à peu la disparition de celle-ci, l’impossibilité pour le spectateur de la considérer comme une entité matérielle définie. De cette prolifération résulte la confrontation – d’abord virtuelle puis effective – des structures modulaires aux différents contextes où elles prennent place, et qui dépendent quant à eux de l’aléatoire des rencontres et des mises en route de projets de collaboration. Dans le même temps, chaque borne de Commode est visuellement et formellement très étudiée : structure modulaire, exécution faisant appel à des savoir-faire et des matériaux tantôt artisanaux (céramique émaillée, bois), tantôt industriels (tubes métalliques), tantôt, encore, technologiques (circuits électroniques, tissus à réaction thermique). Formellement et techniquement, ces pièces s’inscrivent dans la lignée des sculptures minimalistes (Judd, LeWitt) ou pop (Artschwager) ; mais par leur fonction de mobilier urbain, d’objet utilitaire, ces œuvres tendent également à éclipser leur statut artistique au profit d’une fonctionnalité dont certains aspects demeurent par ailleurs et de prime abord obscurs pour l’usager : d’où proviennent les sons diffusés ? De quelle nature sont-ils ? Que prélève la borne du contexte où elle est installée ? Dans quelle mesure modifie-t-elle, en retour, son environnement ? L’usager peut-il agir sur le fonctionnement de la borne ? Si les bornes sont toutes conçues à partir du même schéma modulaire, elles sont néanmoins susceptibles de modifications, d’ajustements qui leur permettent de s’adapter et se fondre davantage dans leur environnement, grâce, notamment à l’usage de matériaux vernaculaires. La forme de base, en T renversé, est celle que l’on observe également dans d’autres œuvres (Seaux, Parcours…). Elle est susceptible de subir pliages, découpes et déploiement pour donner lieu à des configurations multiples et variées, se réduisant parfois à son expression la plus simple, recevant des appendices technologiques ou servant de support à un élément végétal. Cette forme passe-partout demeure le seul élément visuel relativement stable au sein de l’ensemble des bornes, dont il est possible, par le jeu des matériaux et combinaisons de formes, de projeter une infinité de modèles. Ainsi, 5 Géocommode, relevé Stomate, verso de la Carte blanche 6B, 34 x 47 cm, 1.000 exemplaires, octobre/novembre 2001. l’homogénéité, l’unité de l’œuvre dans son expansion se trouve volontairement compromise, tandis que chaque borne tend à mettre en jeu sa propre disparition, comme œuvre d’art d’abord – derrière sa fonction –, comme objet – contrastant faiblement dans son environnement – ; disparition également à l’occasion de chaque confrontation puisque le spectateur ne peut se trouver en face que d’un fragment infime du réseau projeté. Le projet Commode constitue donc une tentative de création d’un réseau invisible, à la limite du vérifiable. Aucune volonté de restaurer la communauté ne se manifeste ici : l’appareillage de bornes ne vise pas à organiser des rapports précis entre des lieux ou des personnes séparés dans l’espace ou le temps. Le réseau est, potentiellement, un dispositif d’envahissement du monde, une structure organique, proliférante et parasite. Chaque borne est une machine célibataire au sein de son contexte : animée d’une vie propre et bruyante, elle ne semble pas réagir aux sollicitations extérieures ; sa structure modulaire témoigne symboliquement de son appartenance à un ensemble plus vaste, dont la masse demeure impossible à quantifier ou à localiser. De la rigueur de la science … En cet empire, l’Art de la Cartographie fut poussé à une telle Perfection que la Carte d’une seule Province occupait toute une Ville et la Carte de l’Empire toute une Province. Avec le temps, ces Cartes Démesurées cessèrent de donner satisfaction et les Collèges de Cartographes levèrent une Carte de l’Empire, qui avait le Format de l’Empire et qui coïncidait avec lui, point par point. Moins passionnées pour l’Étude de la Cartographie, les Générations Suivantes réfléchirent que cette Carte Dilatée était inutile et, non sans impiété, elles l’abandonnèrent à l’Inclémence du Soleil et des Hivers. Dans les Déserts de l’Ouest, subsistent des Ruines très abîmées de la Carte. Des Animaux et des Mendiants les habitent. Dans tout le Pays, il n’y a plus d’autre trace des Disciplines Géographiques. (Suarez Miranda, Viajes de Varones Prudentes, Lib. IV, Cap. XIV, Lérida, 1658). J. L. Borges, Histoire universelle de l’infamie. La série de peintures et de dessins par lesquels s’amorce le travail de François Andes en 1990 s’intitule Les Cartes. Celles-ci ne représentent pas, comme l’œuvre monumentale Map (1967-71) de Jasper Johns, une volonté d’accentuer la planéité par l’adhésion du motif peint à son support qu’il redouble. Elles témoignent déjà de la volonté d’élaborer un paysage mental, une cartographie fluctuante. Une tension s’y fait sentir entre le hasard qui détermine le point de départ – par un lancer de caillou – et le développement organique des structures qui se déploient all over, formant une espèce d’urbanisme organique et utopique. Le format pourtant vaste de ces œuvres se révélant bientôt insuffisant, François Andes développe progressivement son travail dans une dimension imaginaire, où le fragment dessiné, décrit ou réalisé révèle la totalité invisible et démesurée de l’entreprise. Ainsi retrouve-t-on ces réseaux se développant encore de façon organique dans R.E.V. (les Réseaux En Verre, 1997) et Mille réseaux (images numériques, 1997), après que l’artiste en a expérimenté les premiers développements dans Tout près et très loin (novembre 1995) : photographies, prises sur la plage, de fragiles constructions en sable. Ces réseaux jouent du décalage entre le mode de réalisation manuelle – impliquant des dimensions relativement réduites, mais couvrant tout de même plusieurs mètres carrés – et l’échelle suggérée par les prises de vue photographiques qui montrent des paysages désertiques, minéraux, vus depuis le ciel. Les traces de mains et de doigts modelant le sable mouillé demeurent parfaitement visibles sur ces photographies qui ne cadrent que des détails du vaste complexe emporté peu à peu par la marée. Ces mêmes traces révèlent le processus de réalisation, l’ampleur de la tâche et la précarité de la forme de l’œuvre. Redonnant l’échelle du corps dans la photographie, elles entretiennent l’ambiguïté de l’espace ainsi révélé : s’agit-il d’une prise de vue aérienne, satellite, ou au contraire de la vue rapprochée de l’enfant jouant accroupi sur la plage ? Les huits dernières et leurs transparentes au début et à la fin du chemin. Parcours 01, 1.500x100 cm, graphite et acrylique blanche. Ce décalage d’échelle dans la perception de l’œuvre est également présent dans les Habitations de 1997. Celles-ci sont constituées des mêmes formes en T que celles que l’on retrouvera plus tard dans les bornes, mais empilées les unes sur les autres, maintenues à l’aide de tiges filetées. L’aspect général de ces pièces évoque un ensemble de sommaires maquettes d’architecture (piliers, entresols), autant que des piles de livres alignés contre les murs, en attente de classement. 7 Paysage manifestement 9 PAYSAGE MANIFESTEMENT _ Ronan le Régent François Andes interroge les flux, les migrations, la circulation... Ainsi crée-t-il des environnements, des peintures, des sculptures qui sont liés à ces questions de mouvement dans l’espace. Ronan le Régent. Septembre 1998. Installation d’un Parcours de la porte de Gand à la porte de Roubaix, Lille. Exposition organisée par K@rl (association loi 1901). Son projet consiste en l’implantation, tout au long du parcours « délimité » de l’exposition, d’un motif-jalon qui crée un circuit possible pour l’appréhension des autres travaux présentés et tout en donnant de fausses pistes pour égarer le spectateur. Le « chemin » proposé par François Andes pour s’immerger dans l’espace de l’exposition, chemin tracé qui, à l’image de celui que l’on peut expérimenter dans la nature, n’est pas toujours le meilleur moyen d’appréhender les « beautés » du paysage. Sa proposition autour de la promenade, de l’appréhension du paysage qu’on arpente, à la manière de certains artistes du Land Art, permet non seulement de signaler territorialement l’espace d’exposition. A la manière d’Hansel et Gretel, son motif semé tout au long des rues tente de résister aux passages des chalands qui l’effaceront inéluctablement et se perdront dans l’espace re-paysagé. Dimensions variables, paraffine et pigment graphite. On peut observer, ici comme dans d’autres pièces, une récurrence de la stratification – spatiale, sonore, temporelle – comme mode de constitution de l’œuvre ; peut-être, également, une correspondance de deux formes de passivité : l’accumulation et l’érosion. C’est-à-dire une forme d’entropie aussi bien dans la construction que dans le devenir, l’expansion ou la disparition – plutôt que destruction qui suppose une position plus active – de l’œuvre laissée en place. « Le rétroviseur disloquait la route derrière nous. Tout en écoutant la radio, certains d’entre nous lisaient les journaux du dimanche. Les pages faisaient un léger bruit en les tournant ; chaque feuille pliée sur les genoux formant des géographies éphémères en papier. Une vallée de texte ou une crête de photographies allaient et venaient en un instant. » Robert Smithson, « The Crystal Land », Harper’s Bazaar, mai 1966. Les Monticules de pièces de puzzle (1998/99) sont des monts miniatures formés de pièces provenant de puzzles différents – et de tailles différentes. Il demeure impossible de savoir quelle somme d’images y est contenue ; la configuration même des monts est tout à fait transitoire ; elle évoque les multiples et inconnaissables formes que le paysage est susceptible de revêtir. Il existe ainsi une certaine proximité entre les projets constamment développés par François Andes et ceux, antérieurs de plusieurs années, élaborés par Smithson sous formes de textes, dessins et maquettes. Chez ce dernier, les projets seulement décrits (Map of broken glass, 1969), comme ceux effectivement réalisés (Spiral Jetty, 1970) gardent intacte leur dimension chimérique. L’on peut songer également aux Earth projects (1969) de Robert Morris, présentés sous la forme de gravures en couleurs : ces dernières rendent compte de la démesure de l’œuvre envisagée, en même temps, la plupart du temps, que de l’impossibilité de réaliser celle-ci. L’œuvre demeure à l’état de projection mentale, la perception sensorielle du spectateur n’étant que rarement sollicitée. Comme les exemples dont ils sont partiellement issus, les projets de François Andes prennent la forme de montagnes de textes et d’images. Face à ces projets et descriptions, on éprouve une sensation de « retard » similaire à celui qu’évoque Claude Gintz à propos des documents relatifs à Spiral Jetty, œuvre quasi invisible : « un texte aux accents extatiques comme « Spiral Jetty » constitue un des maillons de la chaîne de signifiants produit à partir de l’ouvrage proprement dit que fit construire Smithson au bord du Lac Salé, mais que fort peu de gens auront l’occasion de découvrir directement, les autres maillons étant un film, des photographies, des cartes et des dessins… qui, de toute la force de leur retard, tendent à se substituer à une origine absente. » (Claude Gintz, « La place de l’écrit dans l’œuvre de Robert Smithson », in Le paysage entropique, 1994). Le livre ou le carnet de croquis, la planche à dessin de l’inventeur ou de l’architecte constituent sans doute le lieu essentiel des œuvres de François Andes, qui ne trouvent que rarement l’occasion de se matérialiser. Elles restent donc, par conséquent, perpétuellement tendues dans la dynamique du projet, voire de la vision utopique, en tant que cette dernière se conçoit, précisément, comme ce qui n’a pas de lieu – et n’en peut avoir. Apparaît ici une dimension peut-être essentiellement littéraire de l’œuvre de François Andes : sa projection constitue le support d’une fiction – d’une fiction en quelque sorte non narrative, puisque les éléments visibles ne correspondent aucunement à une structure de rébus. En septembre 1998 sont élaborés et réalisés à Lille les Parcours entre la Porte de Roubaix et la Porte de Gand. Ces Parcours visaient à produire une expérience sensible de cet espace urbain limitrophe, à l’échelle du 11 [En haut à gauche] Vers la Chine, détail de l’exposition Parcours et habitations, sable et craie, 500x500 cm, 1997, La Malterie - Lille. Très près/très loin, détails, sable, 1997. piéton. À partir d’un motif, le module en T déjà évoqué, François Andes crée un ensemble de jalons sur le chemin du piéton, s’appuyant sur les bordures de trottoirs, les irrégularités du parcours : plaques d’égout, tranchées rebouchées… Ces pistes, chemins qui ne mènent nulle part, sont réalisées en paraffine directement sur le sol. Elles sont amenées à disparaître inexorablement sous le pied des passants. La forme en T, récurrente, réapparaît dans le projet des Seaux (1999), dont la fonction est de mouler le sable humide afin de bâtir d’hypothétiques cités éphémères. La disparition semble encore une fois se trouver au cœur des préoccupations de l’artiste, qui en réactive les processus au sein des dispositifs entropiques. Dans les Parcours, les passages répétés des promeneurs, les intempéries, ont fini par user totalement ces emboîtements : ici comme ailleurs, à la prolifération des modules répond la disparition de l’œuvre dans l’espace ou dans le temps. Les Châteaux gonflables (2000) sont à nouveau des pièces se constituant davantage dans la projection selon des dessins, schémas, notices explicatives, que dans leur hypothétique réalisation matérielle. François Andes se lance ici dans ce qui paraît être une entreprise volontairement trop vaste et dont l’ampleur est accentuée par le caractère dérisoire des matériaux qui les composent : air, filins, ballons de baudruche. Commode, stéréolithographie brossée, 9, 10, 16x9 - 10, 16x18 cm, ép. 0,25 cm, Ferrari 300 Rosso Corsa, 2005. Commode, détail du montage de l’installation, 2000. 13 Commode 15 Fantômes Les Châteaux gonflables font ressurgir des strates d’Histoire dont les traces matérielles avaient disparu. Mais l’on est loin d’une entreprise de reconstitution : l’Histoire sert ici de prétexte aux fictions, contes et légendes dont les châteaux volant sont porteurs. Aux villes réelles, bâties sur l’emplacement ou autour de châteaux disparus se superpose un second niveau, à demi-matérialisé par les projections de ces structures légères, presque imperceptibles et cependant monstrueuses. Appartenant désormais au registre de la mémoire, le château bascule tout naturellement dans celui de la fiction, du conte, ce que sa projection sous la forme d’une structure gonflable, mince et molle paroi dont la forme est maintenue par de l’air emprisonné, et soutenue elle-même par les couches invisibles de l’air qui la porte, ne fait que renforcer. Flottant dans les airs, le château semble appartenir à un autre niveau de réalité, dans le même temps que sa position redéfinit complètement, d’un point de vue spatial et temporel, l’espace sous et autour de lui. cartes batailles Corinne Melin a justement évoqué, à propos de ces Châteaux, les Villes Invisibles décrites par Calvino : « C’est alors que ces restes de la première splendeur qu’on avait sauvés en les adaptant à des tâches plus obscures, étaient de nouveau déplacées, et voilà qu’on les conservait sous des cloches de verre, les enfermait dans des vitrines, les posait sous des coussins de velours, non plus parce qu’ils pouvaient encore servir à quelque chose, mais parce qu’à travers eux on aurait voulu recomposer une ville dont plus personne ne savait rien. » Territoire Que l’on me permette à mon tour d’évoquer encore Borges, et les Chroniques de Bustos Domecq, co-écrites avec Bioy Casares. Y sont dépeintes des œuvres colossales, invisibles ou absurdes en quelques pages ouvrant l’abîme sous les yeux du lecteur, résumant le projet de l’écrivain fictif, du sculpteur imaginaire ou de l’inventeur inexistant : « Donnons maintenant, en quelques mots, une description de l’Inactif pour les lecteurs qui n’ont pas encore poussé la curiosité jusqu’à aller l’examiner à San Justo, dans l’usine des Pistons Ubalde. La machine, imposante, occupe toute la largeur de la plate-forme qui se trouve au centre de l’usine. À première vue, on dirait une linotype géante. Elle est bien deux fois haute comme un contremaître. Son poids se calcule en tonnes ; sa couleur est celle de l’acier peint en noir ; elle est d’ailleurs en acier. Seaux Parcours Une passerelle munie d’échelons permet au visiteur de l’examiner et de l’explorer. On perçoit, au-dedans, comme un léger battement, et si on approche l’oreille, on entend une sorte de murmure. Il y a, en effet, à l’intérieur, un système de tuyauteries dans les ténèbres desquelles circulent de l’eau et de-ci de-là des billes métalliques. Personne, toutefois, n’ira jusqu’à prétendre que ce sont les qualités physiques de l’Inactif qui en imposent à la masse humaine qui l’entoure ; non, c’est la conviction qu’il y a dans ses entrailles quelque chose de silencieux et de secret, quelque chose qui joue et qui dort. » Châteaux gonflables Si l’Inactif semble être une machine célibataire au fonctionnement voisin des bornes du projet Commode, il révèle également que le travail de François Andes peut être envisagé comme celui d’un sculpteur de la famille de Lawrence Weiner, et surtout – avant tout ? – comme une œuvre de fiction littéraire. En quelques lignes, quelques croquis, les projets de François Andes « font tenir » des œuvres d’une échelle démesurée, tendant parfois même, comme pour Commode, à faire disparaître la forme réelle, globale, de l’œuvre, qui demeure au-delà de tout mode d’appréhension directe. Cartographie Dans le travail de François Andes, le rapport au paysage n’est pas de l’ordre du pittoresque. Son travail pointe souvent un site, une limite, à partir de laquelle le paysage devient support de fiction : portes de la ville, emplacement d’un château disparu, proximité d’une industrie, plage de sable fin… la ruche 17 Les œuvres entretiennent une grande proximité avec l’imaginaire de l’enfance : jeux de plage, lieux chargés de symbole, support de fictions, d’histoires merveilleuses. Les Bacs à sable (1999) et Seaux participent d’un imaginaire similaire auquel s’ajoutent de façon plus visible les processus de dégradation entropique. La répétition de modules semblables – ce T devenu presque une signature – n’entrave aucunement le caractère aléatoire du développement de ces fragiles constructions, autant susceptibles d’une expansion démesurée que d’un effondrement inéluctable. batailles agora Tout ce travail se déploie en ignorant les clivages entre les disciplines (peinture, sculpture, installation) ; ou plutôt il joue de ces constants déplacements, l’œuvre n’étant pas assujettie à un modus operandi répétitif. Se croisent ainsi des œuvres où la main de l’artiste est très présente – Cartes, Réseaux en sable – et des pièces dont la réalisation implique un travail organisé en étapes successives et en équipe. L’image retenue pour illustrer le carton d’invitation de l’exposition en Dordogne montre ainsi l’équipe des techniciens autour d’une borne Commode en cours d’installation, en lieu et place de l’artiste et de l’œuvre achevée. En outre, la multiplication des projections par François Andes tend à aboutir à une sorte d’épuisement de l’objet. Cet épuisement à l’œuvre au cœur même du projet de conception n’exclut pas, bien entendu, la possibilité et la volonté de matérialiser effectivement ces objets ténus. Paradoxalement et dans un même mouvement, leur matérialisation les rend le plus souvent encore plus insaisissables. trans-tatoo et dentelle C’est donc bien d’un œuvre en développement qu’il s’agit, d’un œuvre perpétuellement « en projet », et mettant en scène sa propre projection dans le temps et l’espace. Un œuvre qui ne peut se résoudre qu’à son perpétuel inachèvement. extension la chapelle Cédric Loire Mai 2003 le jardin invisble château habitation siège Miel multifleurs des jardiniers Mussidanais, 6/80. « Résidences de l’Art en Dordogne », Mussidan, 2004. La Ruche, dim. 95x56x165 cm, 2004. Détails de l’exposition La Ruche, le Banc et l’Extension, Chapelle Saint Pry, Béthune, 2005. 19 21 Recettes Derechef, 8/30, Musée d’Art et d’Industrie de Roubaix, Musée de la Céramique, Desvres, 1999. Nappe, Musée du Textile, Fourmies-Trélon, 2002. Lampions de Caroline Lestienne. Détails de l’exposition La Ruche, le Banc et l’Extension, Chapelle Saint Pry, Béthune, 2005. Éléments à bascule, boîte Zone tampon, 6 boîtes contenant 6 cubes, 36 tampons. Bois, caoutchouc, 2004. Coffret L’Antre du Dragon, 150 éléments, Détails de l’exposition La Ruche, le Banc et l’Extension, Chapelle Saint Pry, Béthune, 2005. 3 vues du segment du Dragon, bois, caoutchouc, pigments. Dim. 10x7x1 cm, 2004. Segments du Dragon, paraffine. Détail, 2004. Dragon et disparition x 3, caoutchouc, pigment. Dim. 5x2x0,5 cm. Territoire et disparition x 3, caoutchouc, pigment. Dim. 10x4,5x0,5 cm. 23 Territoire et disparition, élastomère, dimensions variables. Territoire et disparition, 1/15, herbe à maquette, pâte à pain. Détail du Dragon, bois, caoutchouc, élastomère, mousse de Soignes, dimensions variables. Agora et Siège, élément à bascule, bois caoutchouc, pigment, herbe à maquette, dimensions variables. Territoire et Agora, Le Jardin invisible, 1/2, herbe à maquette, caoutchouc, dimensions variables. Château et disparition, caoutchouc, dimensions variables. Château et disparition, 2 pièces, caoutchouc. Dim. 5x3x5 cm. Territoire et Agora, Le Jardin invisible, 1/2, herbe à maquette, caoutchouc, dimensions variables. L’Antre du Dragon et territoire, bois caoutchouc, pigment, dimensions variables. 25 Projet des Châteaux gonflables. Stéréolithographie. Dim. 15x15x0,25 cm, 2005. Détails de l’exposition La Ruche, le Banc et l’Extension, Chapelle Saint Pry, Béthune, 2005. 27 29 30 L’Hôtesse de Commode et détail de Géocommode, 2003. Volière, 60 perruches, 2 bornes Commode, 1 palmier et vidéoprojection. Panoramique de l’exposition au Musée de la Céramique, Desvres, 2003. Commode #2, Galerie Arc-en-Ciel, Liévin, 2001. Diaporamas x 4, système électroacoustique, 2 bornes en acier galvanisé, Hi-fi, bande son, lumière noire, paraffine et pigment phosphorescent. 35 État de Siège, Commode (départ et arrivée), « Résidences de l’Art en Dordogne », Mussidan, 2003. 96 éléments en céramique, système électroacoustique, système halogène connecté avec détecteur de mouvement sur un périmètre de 12 mètres. Troisième niveau, ceinture. Bois, essence Sipo, bac galvanisé, pompe à eau, 20 éléments céramique et émaillage. Dim. 197x96x84 cm. 2003. Collection Arcelor. 37 L’Antre du Dragon et Aldagerium, détails, bois, peinture, trous, halogènes, parfums, diaporama, Hi-fi. Dim. 660x350 cm. Néon, dim. 20x20 cm. « Résidences de l’Art en Dordogne », Mussidan, 2004. 39 41 État de Siège , Zone tampon, vue recto-verso du dispositif d’exposition. Dim. 640x30 à 150x300 cm, « Résidences de l’Art en Dordogne », Mussidan, 2004. Recettes Derechef, vue d’ensemble et détails, carreaux de céramique, carnets (dim. 420x370x250 cm), Musée de la Céramique, Desvres, 1999. 43 Recettes Derechef, vue d’ensemble et détails, carreaux de céramique, torchons de cuisine (30x70 cm), carnets (dim. 300x250x250 cm), Musée d’Art et d’Industrie, Roubaix, 1999. Cantine V.I.P., vue d’ensemble et détails, 2 moniteurs, 2 caméras, sorties numériques, céramique et aluminium, Allegretto moderato n°96 de Franz Schubert (en boucle), 2001. 45 Picnic, le Jardin de Cuisine et la Clairière en Ville, détails, Musée du Textile, FourmiesTrélon, 2002. En Public _ Anne Giraud Les conventions qui régissent la circulation des personnes dans la sphère publique s’appuient sur des codes de conduite précis et communs à tous. L’espace public est ainsi administré en fonction d’un système économique et social globalement établi. François Andes interroge l’organisation urbaine à la lumière d’un éclairage nouveau, celui de la sphère privée. L’exposition à la Chapelle Saint Pry présente un ensemble d’œuvres précédemment réalisées mais chapeauté par un projet de réaménagement propre au quartier Saint Pry. La démarche globale de l’artiste s’est intégrée au projet en articulant une sélection de pièces rassemblées dans l’espace de la Chapelle, lieu d’exposition et point central du projet urbanistique. Les œuvres présentées jouent des rapports qu’elles ont induits entre l’artiste et d’autres personnes. La réappropriation par des initiatives personnelles est un des moteurs de l’activation du travail de l’artiste. Dès lors, comment fondre cette pratique dans le cadre d’un projet urbain, lié à des contingences inhérentes à la vie collective ? En outre, l’histoire des villes ne se résume pas à l’histoire des styles architecturaux. Des interactions politiques, sociales et économiques sont déterminantes. La prise en compte de facteurs immatériels qui tiennent de l’imaginaire individuel et collectif rend compte aussi d’autres possibilités de vivre en commun. Le travail proposé par François Andes est le déplacement d’activités privées dans la sphère publique. Une approche des œuvres explicite cette proposition ainsi que le système global conçu par l’artiste dont l’application englobe et déborde le cadre du projet de la chapelle. Le travail de François Andes véhicule une certaine forme de convivialité. L’artiste prend soin des visiteurs et en retour attend d’eux une réelle participation. Celle-ci active le travail proprement dit en utilisant l’environnement plastique mis à sa disposition. Ainsi, l’espace de la Clairière en ville, liant les Recettes de cuisine et Picnic sont-ils issus d’un travail commun mené entre les concepteurs, les utilisateurs et l’artiste. Qu’il agisse avec des chefs de la région du Nord-Pas de Calais ou des proches, François Andes constitue un contexte dans lequel se révèlent les spécificités de chacun. « (…) le pique-nique autorise toutes les fantaisies, toutes les improvisations. »1 Ce dispositif va à l’encontre des images, véhiculées par les publicitaires de restauration rapide, qui scandent les itinéraires urbains ; de l’accroche publicitaire « Take and Go » qui invite à commander un produit tout fait, et à le consommer en marchant. Il s’appuie sur un flux de personnes quantifié qui confond le piéton avec le consommateur de la cité commerciale. Par là même, il réduit la personne à ce qu’elle a de commun, d’itinérances routinières, avec la très grande majorité des personnes qui empruntent le même parcours. Contrairement à l’approche proposée par François Andes, il repose sur un mécanisme de captation du conformisme par-delà les spécificités personnelles. Ramuz qualifie ainsi le conformisme : « Étant une attitude collective, il a besoin d’unanimité. Il n’a pas besoin, on le répète, qu’on adhère dans le privé de sa conscience aux principes qu’il suppose ; mais il a besoin qu’on adhère visiblement, formellement, publiquement à ses règles de conduite. » 2 Ainsi, la Clairière en ville transporte des attitudes privées dans la sphère publique. Elle rend visible l’originalité qui s’exprime davantage dans la sphère privée et contrarie les flux repérables, anticipés de ces mêmes personnes empruntant les accès prédéfinis dans l’aménagement des villes. François Andes prépare les conditions pour que du cadre privé sortent des attitudes individuelles pointées et diffusées par le biais de son travail. En ce sens, il rejoint cette pensée de Michelangelo Pistoletto : « Il faut que l’action artistique contienne en elle-même un système dynamique individuel. »3 Le spectateur qui se prête à cette extériorisation de ses pratiques est un agent constitutif de l’œuvre d’art. 1 Florence Lelièvre, Picnic, Le Jardin de Cuisine et la Clairière en ville, TH. S Editions, 2002, p. 19 2 Conformisme, éd. Séquences, p. 22 3 Mots, textes écrits entre 1962 et 1994, édités à l’occasion de l’exposition qui s’est tenue à Rochechouart, Thiers et Vassivière du 7 juillet au 30 septembre 1993, p. 12 49 Projet des Châteaux gonflables, 2003. Image numérique, dimensions variables. L’Agora, place publique antique, sur laquelle les philosophes et autres orateurs s’exprimaient devant le peuple affairé est aujourd’hui un espace anachronique. En occident, la place publique contemporaine ne semble plus s’organiser autour de la parole mais uniquement autour du commerce. Les villes repoussent à la périphérie les habitations. Le banc public est parfois utilisé comme un instrument complice de cette circulation maîtrisée. Les bancs, entendus généralement comme aire de repos, de contemplation ou de conversation, sont parfois situés insidieusement. On les retrouve dans les rues piétonnes, face aux devantures des magasins. La contemplation n’ayant plus que pour seul horizon le reflet mercantile des vitrines. Le siège, coupé par des accoudoirs, limite l’affaissement et maintient le corps dans une rigidité, un éveil sans émerveillement. Contrairement à ces bancs publics, le banc en céramique, bleu de Desvres, est un espace sans contrainte. Il accueille en son sein un arbre protecteur et protégé. L’assise est large et permet la communication. L’individu peut transporter ses comportements domestiques en ville. Les bancs de François Andes les accueillent. En effet, « pas de création de nouveaux comportements, mais un déplacement des activités à l’intérieur de structures pensées à cet effet, les bancs : pour se reposer, lire le journal, boire un verre, attendre, un espace de rencontre, faire le mort ou y vivre… »4 Le banc de François Andes n’opposera pas d’accoudoirs aux membres alanguis d’une personne cherchant le sommeil, le 4 François Andes, Commode, Galerie du Centre Arc-en-Ciel de Liévin, Artconnexion, Lille, Maison de la Faïence, Musée de la Céramique, Desvres, Galeries le BBB et ÀLaPlage, Toulouse, p. 4 51 DOUBLE JEUX _ Corinne Melin « C’est alors que ces restes de la première splendeur qu’on avait sauvés en les adaptant à des tâches plus obscures, étaient de nouveau déplacés, et voilà qu’on les conservait sous des cloches de verres, les enfermait dans des vitrines, les posait sous des coussins de velours, non plus parce qu’ils pouvaient encore servir à quelque chose, mais parce qu’à travers eux on aurait voulu recomposer une ville dont plus personne ne savait rien. » (Italo Calvino, Les villes invisibles, p. 125 éd Seuil, Paris, 1974). Ce projet de châteaux gonflables suit une logique de déploiement dans le temps et dans l’espace à savoir 7 châteaux choisis dans une région, 7 régions dans un pays, 7 pays dans le monde. La dimension fictionnelle préside au choix organiciste et historique de ce projet. Le château moyenâgeux posait jadis, par sa construction imposante, des points de repère dans le paysage. Aujourd’hui il est principalement transmis sous la forme de mythes (le conte, le fantastique, la légende, etc.). Les expressions comme les 7 merveilles du monde, les bottes de 7 lieues, Blanche neige et les 7 nains, les 7 péchés capitaux… informent le choix du chiffre 7 et la nature du projet. Ce projet nécessite dans un premier temps un travail de recherche et de repérages. Celui-ci sera orienté par le choix de châteaux médiévaux dont il ne reste que de pauvres vestiges (quelques traces au sol de sa superficie d’antan, quelques groupements de pierres)…, ou encore par la structure urbaine actuelle se présentant comme une de ses extensions fonctionnelles, par exemple le donjon du château de Courtrai (Lille – France) devenu le palais de justice. Dans un second temps, les châteaux sélectionnés seront réalisés sous la forme d’un patron suivant leurs spécificités architecturales, puis suspendus au-dessus de leurs vestiges. Le fantôme du château, planant ainsi, véhicule dans sa forme et son caractère éphémère la dimension fantastique du conte, propre à l’une des historicités de cette architecture. Cette apparition d’un passé est de même à considérer à l’échelle de son territoire actuel. Il permet de relire un patrimoine mais aussi de dynamiser les diverses associations déjà en place. L’événement peut donc rayonner à travers des structures culturelles et se présenter comme un événement fédérateur. Ce projet fonctionne à la fois comme la mise en réseau et la circulation internationales d’une historicité, notamment par la répétition du procédé des châteaux gonflables. Son caractère éphémère ne fait toutefois pas tomber l’opération dans l’oubli. En effet, pour chaque château est créée une boîte contenant un patron, une miniature gonflable, un livret sur l’histoire du château, des reproductions, etc. Cette trace conservée renvoie à un autre enjeu de cette procédure : le souvenir du souvenir. Comment exploite-t-on son passé aujourd’hui ? Comment le donnons nous à lire ? Que retient-on de l’histoire ? Et au bout du compte n’est-ce pas ce projet la fiction de l’histoire ? Ou faire de l’histoire une fiction ? Corinne Melin. 2000. Texte écrit pour l’origine du projet des Châteaux gonflables, en collaboration avec E. Brillard Fantômes – Les Châteaux gonflables, images numériques, dimensions variables, 2001-04. visage auréolé par les rayons du soleil traversant les feuilles du pommier. De plus, il offre une vue panoramique à 360 degrés. Cette communication sera potentiellement élargie par la mise en réseau acoustique de plusieurs bancs. Il ressemble à un espace de circulation de l’information et de constitution de la pensée à travers une utilisation familière, proche de celle que nous connaissons dans la sphère privée. Il s’adresse à tous et accueille chaque citoyen sans contrecarrer celui qui se conduirait sur le banc comme chez lui ou celui qui s’emparerait du banc comme d’une habitation ponctuelle pour répondre à sa précarité sociale. L’œuvre d’art ne se réduit pas chez François Andes à un produit comparable à l’objet industriel, comme peut l’être un banc public. Elle est le fruit de l’interaction entre l’artiste et les spectateurs. Ils partagent la créativité de l’œuvre : « Pour faire du lieu d’exposition, qu’il soit public ou privé, un lieu d’action et de production cogéré par le regardeur. »5 L’artiste propose, le spectateur dispose. De la même façon, un ensemble de collaborateurs peut être sollicité par l’artiste. Des amis, des artisans, des graphistes apportent leur savoir-faire ou leur intime conviction pour que l’œuvre se constitue progressivement à partir de tous et n’appartienne plus à personne. « Il n’est pas question de poser une œuvre d’art, mais d’instaurer une discussion sur des besoins, des attentes, de comment pratiquer ce parcours et de comment sera perçu et utilisé ce travail dans le quotidien de ces individus. »6 L’objet d’art sera parfois conduit à disparaître, consommé au sens propre. Ainsi, le module Habitation qui présente « La ruche – habitat pour insectes » s’accompagne de petits pots de miel à moitié vides. Réalisée par des personnes en réinsertion sociale, cette production de miel, remplissait des échantillons étiquetés par l’artiste. Exposés précédemment en Dordogne, département à l’origine de cette collaboration, ces petits pots précieux furent goûtés par les visiteurs qui dévorèrent pour ainsi dire l’objet d’art. Il s’agit bien là d’un comportement relevant de la sphère privée qui s’est infiltré dans la sphère publique. Le souvenir du miel, déposé sur une étagère, dégusté à même le pot, le doigt chatouillant les parois de verre, déclenche l’action, et ce, bien qu’elle s’inscrive dans un autre espace dont les règles de conduite ne permettent pas un tel comportement. C’est pourtant bien, motivé par ce souvenir, que le spectateur participe à l’œuvre d’art chez François Andes. Ainsi, la disparition de l’objet d’art – les pots en attente de dégustation - fait l’œuvre d’art : les pots dégustés, issus de la production apicole de Mussidan. Les environnements présentés par l’artiste sont remplis de plein et de vide. De même, la mémoire et l’oubli, la forme et le creux sont des vecteurs imbriqués en permanence dans ce travail. Si l’interstice est le lieu ouvert aux propositions, Aldagerium, château gonflable, 1/7, scotch, « Résidences de l’Art en Dordogne », Mussidan, 2004. 5 François Andes, Commode, Galerie du Centre Arc-en-Ciel de Liévin, Artconnexion, Lille, Maison de la Faïence, Musée de la Céramique, Desvres, Galeries le BBB et ÀLaPlage, Toulouse, p. 4 6 Ibid. p. 5 53 il est aussi la tentation même. François Andes semble revenir incessamment à des formes identiques. Il les décline et les combine les unes aux autres. La plupart d’entre elles sont figurées par les Éléments à bascule. Cet ensemble de formes primaires évoque la classification des éléments de Mendeleïev. Les molécules sont, en effet, constituées de divers assemblages d’atomes. C’est en échangeant des électrons, que les atomes forment des molécules. Leurs propriétés d’adhésion sont alors différentes. Leurs liaisons sont basées sur le transfert d’électrons, qui remplissent ou vident les atomes et composent la matière physique, gazeuse ou liquide. Les Éléments à bascule offrent la clé formelle du travail de l’artiste. Le tampon encreur est un de ces éléments que l’on retrouve comme motif répété ou comme proche du pont à bascule. Cette récurrence du point de vue de la dynamique du travail produit des combinaisons diverses qui aboutissent à la création d’œuvres différentes au premier abord, mais qui procèdent des mêmes présupposés formels. Quel est le sens de cette entreprise grandissante et tautologique ? La déclinaison des mêmes formes élémentaires supporte les changements d’échelle. Elles semblent invariables et transposables dans des environnements différents, infiniment petits ou infiniment grands. Ainsi, la forme du banc, à échelle humaine, est reprise dans la forme des tours cannelées du château médiéval. Alors que cette même forme provient d’une boîte mise à plat, qui s’ouvre en T. L’artiste travaille en permanence avec des formes identiques démultipliées par son imagination. Ici, se relient le macroscopique et le microscopique. Tout se passe comme si, en regardant précisément, nous trouvons toujours ces formes qu’elles apparaissent en volume ou en creux. La disparition apparaît alors comme un volume à part entière. De même, l’oubli, ce trou dans la mémoire, est un plein potentiel. Les tirages en noir et blanc, intitulés Disparition, jouent sur l’ambiguïté des dimensions. Les formes en elles-mêmes n’indiquent rien de l’échelle de la prise de vue. Infiniment grandes ou infiniment petites, elles sont égales pour François Andes. Se dégagent ainsi des éléments fixes dans le travail de l’artiste. Les formes, le recours à l’autre, sont déjà identifiés. Pourtant, ce n’est pas sans effort qu’ils se révèlent. Lors du montage de l’exposition, le déballage des œuvres dispersait dans l’espace de nombreux éléments apparaissant alors disparates et polymorphes. Ce désordre a trouvé place dans une scénographie serrée : notice introductive renvoyant au plan détaillé et légendé, intitulé des modules repris sur les cimaises, plans en grand format à l’entrée de l’exposition, ainsi que la mise sous vitrine d’objets, notes et cahiers. L’exposition dans sa forme, donne des indices pour appréhender la cohérence du travail, via une mise en ordre quasi narrative. Le visiteur guidé par ces outils se repère progressivement considérant le déploiement du travail à partir du plan central. Il découvre en trois dimensions les modules figurant en deux dimensions sur le plan. La présentation dans l’espace de la Chapelle Saint Pry rend compte du potentiel de prolifération du travail de l’artiste. Celui-ci déborde le cadre des Croquis Survol du territoire, 9x14 cm, encre sur papier, 2004. Planche du Carnet de recherche sur Mussidan, 15x36 cm, encre, acrylique, papier de soie, 2004. Détail du Carnet de recherche sur Mussidan. LE JARDIN INVISIBLE _ Notes de travail, 2004. Un pendant des villes invisibles de Calvino « …les villes sont en train de se transformer en une seule ville, en une ville ininterrompue où l’on perd les différences qui autrefois caractérisaient chacune d’elles. Cette idée, qui parcourt tout mon livre Les Villes invisibles, me vient de la façon de vivre qui est désormais celle de beaucoup d’entre nous… » Ce jardin présente une mutation fonctionnant sur le principe du palimpseste. Sur l’espace, trois époques distinctes sont présentées et matérialisées par un recouvrement successif et partiel de la couche précédente. Partiel puisque la phase intermédiaire est incorporée dans ce paysage, les différentes phases restent perceptibles à différents endroits de la parcelle, chaque phase s’adapte aux transformations qui lui sont imposées. 1 - mise en place et expansion, 2 - destruction / transformation, 3 - adaptation La première phase, consiste donc à poser les fondations, à créer par manipulation topographique, un remodelage du terrain suggérant une possibilité tectonique et l’application d’une perspective mouvante. Le plan du dessus de la parcelle est le motif utilisé pour la réalisation de tout les éléments du jardin. Un segment générique né de l’utilisation de la forme genérale de la parcelle, cette forme est identique à celle des cellules utilisées pour les parcours, les monticules, le labyrinthe et de sa circulation interne. Ces sous-multiples sont réalisées à partir de l’assemblage de cette forme unique, plusieurs dimensions visibles sont utilisées. La surface de ce jardin est recouverte de réseaux d’allées, de bassins, de remblais et de monticules semblables à des formes découpés à l’emporte-piéce Cette première trame est conçue de telle manière que le pourtour de la parcelle devient lui même une échelle du projet, le module à partir duquel est réalisé la géométrie globale du projet est aussi celui du réseau de jardins, réelles ou imaginaires, le jardin invisible, ininterrompue. Principe d’assimilation du recouvrement Un équilibre du déséquilibre Ce réseau chemine du petit dans le petit, à partir du grand, de répétition en évolution du réseau avant son expansion. Commence la circulation des parcours et déambulations, monts,collines, lacs ou flaques, plaines, ricochet… Des ronds dans l’eau 2. Ce territoire installé, la deuxième phase s’annonce. Une situation transitoire, une évolution du système précédent par un mouvement extérieur, indépendant du précédent dans son origine comme dans son fonctionnement : faire des ronds dans l’eau en lançant des pierres. Dans cet acte de transformation de la nature, si infime soit-il, la surface installée dans la phase précédente, toujours visible, sort modifiée. Être passé d’une oasis toutes frémissante d’eau et de feuilles à quelque astre inconnu brulé par le feu de ses volcans et couvert de leurs cendres… Elie Faure, La sainte face (1918). Trois bassins, celui à l’extrème droite du jardin recouvre complètement la partie du chemin. Un brumisateur pour ce bassin permet d’accentuer la disparition des limites de la parcelle. Un système de pompe à eau au centre de chacun des trois bassins permet d’accentuer l’effet d’ondes Le bassin en haut à gauche posséde un système de goutte à goutte accentuant l’effet d’ondes. Un motifs peint sur le fond des bassins permet lui aussi de matérialiser ces ondulations. Ces trois bassins dont l’aspect se rapproche de celui provoqué par le jet de cailloux sur une surface liquide au départ, sont l’intervention représentative de cette deuxième phase. La phase trois est l’assimilation de cet élément, de cette onde obligeant le paysage à s’y adapter, à le recouvrir 3- la prolifération, la surcharge, la saturation, l’excès. A partir de la première phase qui installait les fondations du territoire et les moyens d’y circuler Les principes constants, d’autogénération, de simultanéité, un jeu d’échelle et le système de réseaux La mise en place du labyrinthe, de la bibliothèque Borgésienne… Macrocosme et microcosme, concentration et abîme, ordre et désordre, temps et espace. Il montre la permanence du mouvement, la métamorphose constante, l’arborescence sans fin. Il ne fait pas apparaître un nouveau monde, mais de nouvelles galaxies, ou le centre est partout, et qui s’auto-organisent selon un système aléatoire, en tissant des rapports entre les éléments. Pénètrer dans le jardin, trois directions possibles 55 Même s’il est possible d’imaginer une déambulation du spectateur commençant par la gauche. Le chemin de droite longe les haies délimitant la parcelle d’intervention ainsi que celles du labyrinthe. Presque dans l’axe de l’entrée principale, se trouve une des entrées de ce même labyrinthe. L’enchevêtrement des chemins, les articulations innombrables d’architectures imaginaires mais possibles suggèrent une version géométrique des combinaisons. Acquérir la maîtrise du combinatoire, par la connaissance ou la construction de filtres anticombinatoires, ce qu’offrent l’explicitation des structures. Il l’aperçut, assis par terre, au pied d’un pin, occupé à disposer les petites pignes tombées sur le sol selon un dessin géométrique : un triangle rectangle. À cette heure du petit jour, Agilulfe éprouvait régulièrement le besoin de s’appliquer à quelque travail de précision : dénombrer les objets, les ordonner suivant des figures régulières, résoudre des problèmes d’arithmétique. Italo Calvino. Le chevalier inexistant (1959). Le labyrinthe est le lieu de toute les métamorphoses, des futurs possibles s’effectuent dans ce périmètre. Des pergolas servent de structure générale aux haies / dans cette immensité, se noie ma pensée : / et le naufrage m’est doux dans cette mer. L’infini, Giacomo Leopardi (1798-1837) 1819 « Canti » du labyrinthe, elles sont réalisées en bois et filin recouverts de résine et de pigment. Elles renvoient aux jalousies, ce treillis qui permet de voir sans être vu et de filtrer la lumière. À certains endroits la profondeur de ces cloisons crée une similitude avec l’objet bibliothèque, alvéolé, une ruche ou aussi les Moucharabiehs. Sur ce treillis poussent différentes variètés de plantes grimpantes. La circulation dans ce labyrinthe est une invitation faite au spectateur à circuler et pénétrer dans un bois grace à un mécanisme de répétition du motif, Explorer l’idée d’un espace au sein d’un autre espace. La flore identifiable est l’introduction du détail considérée comme narratifs et représentatifs, les jeux de textures ne sont pas perceptibles à distance, mais plus le spectateur se rapproche de l’œuvre et plus ils deviennent évidente par un transfert de l’ornementation à un espace de représentation Au sol du calcin jaune et blanc, des galets et graviers blancs, sur le parcours extérieur du labyrinthe des galets et graviers noirs, du calcin jaune, orange, rouge, vert et bleu. L’observatoire entre ciel et terre Un pont à bascule au dessus d’un des bassins permet le passage vers l’autre rive, un balancement léger permet le temps de la tra- verser de surplomber la totalité du jardin, de changer de point de vue sur un promontoire mouvant Toujours elle me fut chère cette colline solitaire / et cette haie qui dérobe au regard / tant de pans de l’extrême horizon. / Mais demeurant assis et contemplant, / au-delà d’elle, dans ma pensée j’invente / des espaces illimités, des silences surhumains / et une quiétude profonde ; où peu s’en faut / que le cœur ne s’épouvante. / Et comme j’entends le vent / bruire dans ces feuillages, je vais comparant / ce silence infini à cette voix : / en moi reviennent l’éternel, / et les saisons mortes et la présente / qui vit, et sa sonorité. Ainsi, Les plantes du jardin Si nous parcourons les principaux degrés de l’échelle des êtres, les minéraux, les cristaux, nous présentent la régularité et la symétrie comme leur forme fondamentale. Sans doute ils sont déterminés par une force interne et immanente, mais qui n’est pas encore l’idée concrète et la force plus libre qui apparaît dans la vie animale. La plante occupe un rang plus élevé que le cristal : son développement présente déjà un commencement d’organisation, elle s’assimile la matière par une nutrition continuelle ; mais elle n’a pas encore, à proprement parler, une vitalité animée. Son activité se développe sans cesse à l’extérieur. Elle est enracinée sans se mouvoir ni changer de lieu : chez elle l’assimilation et la nutrition qui s’opèrent sans interruption n’ont pas pour effet la conservation d’un organisme déterminé et enfermé dans des limites précises, mais un développement toujours nouveau vers l’extérieur. L’accroissement de ses branches et de ses feuilles ne s’arrête qu’à la mort, et ce qui se développe ainsi est un nouvel exemplaire de tout l’organisme ; car la branche est une nouvelle plante, et non pas seulement, comme dans l’animal, un membre particulier. Aussi la plante manque de cette subjectivité animée et de cette unité supérieure qui, comme développement de l’idée, se mani- festent par la sensibilité dans les natures plus avancées. Elle est condamnée à une extériorisation continuelle, sans retour sur ellemême, sans individualité propre et sans unité véritable, et, pour elle, se conserver, c’est se développer au dehors. C’est pour cette raison que la régularité et la symétrie, qui constituent l’unité dans le développement à l’extérieur, sont un moment essentiel dans la forme des plantes. La régu- larité, il est vrai, n’est plus aussi étroite que dans le règne minéral, elle ne procède pas par des lignes et des angles d’une exactitude aussi abstraite ; cependant elle domine encore. La tige monte presque en ligne droite, l’écorce des plantes d’un ordre élevé est circulaire, les feuilles se rapprochent des formes de la cristallisation ; les fleurs dans le nombre de leurs pétales, la manière dont ceux-ci sont disposés et configurés, portent l’empreinte de la détermination régulière et symétrique. Hegel. Esthétique œuvres et met en valeur la combinaison des modules au moins autant que les modules eux-mêmes. Le banc, la ruche et l’extension lève le voile sur les ramifications possibles du travail de François Andes. Ce potentiel de déploiement se développe au sol, sur les murs, sur la périphérie d’Est en Ouest, au centre de la chapelle et aussi en suspension. Territoire et disparition, Zone tampon, caoutchouc, moteur, herbe à maquette, dim. 12x8x11 cm, « Résidences de l’Art en Dordogne », Mussidan, 2004. Dans le cadre des « Résidences de l’Art en Dordogne», la découverte de la ville de Mussidan, de son histoire passée et présente m’ont amené à travailler sur l’absence, sur la disparition de plusieurs pans de son histoire architecturale, humaine, sociale, politique. Cette mémoire agissant comme révélateur (un exemple serait celui de la sculpture du Général Beaupuy fondue par l’armée d’occupation allemande pour devenir des boulets de canons, il y a une soixantaine d’années et dont le seul vestige est le socle en pierre, jamais déplacé, toujours en évidence sur une place de la ville, avec ses inscriptions gravées à la gloire et au souvenir du Général…). Des chaussures dont les semelles sont munies d’un tampon caoutchouc, motif au format de la semelle, raccord ou placé, une vidéo d’utilisateurs suivis à la trace, chemin boueux de la forêt de la Double. L’exposition présente une proposition singulière de ce qui pourrait être le réaménagement du quartier Saint Pry. Le projet de François Andes permet de familiariser le public et les riverains à une autre apparence des lieux. Tenant de plus en plus compte de la dimension culturelle comme facteur de réussite de l’intégration de nouvelles propositions d’aménagement du territoire, les études d’urbanisme rapprochent architectes, artistes et paysagistes. Ainsi, l’exposition, construite à partir du seul point de vue artistique, ne s’inscrit pas dans une dimension de préfiguration de la restructuration du quartier Saint Pry. En revanche, elle sensibilise à une autre configuration des espaces. Celle-ci prend ancrage dans le patrimoine commun du site articulé autour de ce que les habitants de Béthune en connaissent. Une mémoire reposant sur la Chapelle Saint Pry (construite en 1828, édifice stable et rénové, témoin de l’hôpital disparu) et sur la porte de la ville qui laisse apparaître ses fondations. Le projet de François Andes ne ressemble pas à un projet d’architecte, ni dans son rendu, ni dans ses présupposés, ni dans ses attendus. C’est ici l’imaginaire de l’artiste qui rencontre le patrimoine culturel. Il tente de s’y inscrire et de l’animer en conjuguant les éléments propres à sa démarche et le contexte d’une proposition de réappropriation des lieux, hypothèse diffusée via l’exposition. Les plans imprimés indiquent au visiteur une circulation en adoptant des principes de présentation qui sont personnels à l’artiste. Celui-ci ne se conforme pas aux codes des plans d’architecte. En outre, les rapports d’échelle des bâtiments figurés sur ces plans, ne correspondent pas à des échelles quantitatives mais qualitatives. Les éléments essentiels sont soulignés par des dimensions proportionnelles à leur valeur. Ainsi, l’artiste peut zoomer sur le pont à bascule, essentiel dans son propos, alors que cet élément architectural aurait une taille plus réduite représenté par un urbaniste. Ce dernier le traiterait à hauteur de sa dimension physique réelle et non pas symbolique. D’ailleurs, les plans de l’artiste échappent à une fonction utilitaire : nul n’est représenté sur les plans. Pas de mise en condition physique pour le regardeur. Celui-ci ne s’identifie pas aux personnages symbolisés, empruntant le pont. En revanche, il est happé et séduit par la représentation singulière du pont. Ce qui semble essentiel c’est la couleur, le clinquant du site et non pas sa fonctionnalité. Les dégradés, les pastels, la transparence, fréquemment utilisés par les architectes sont évacués au profit d’aplats vifs et lumineux. Les plans proposés par l’artiste nous présentent un univers fantastique. Composés d’éléments non pas moins réels, mais moins tangibles, ils ne s’articulent pas autour des administrations ou des commerces. L’extension intègre uniquement la part imaginaire sans préjuger des réalités administratives et économiques dans lesquelles les citadins vivent aussi. 57 Pourtant, ces réalités ont tendance à masquer celles plus archaïques à l’origine du lien social : un socle commun de connaissance, des repérages temporels et spatiaux partagés, une identification des inhibitions en public. Le projet de François Andes propose de revenir sur ces fondations par le biais de la mémoire collective et plus spécifiquement celui des mythes. Il se mobilise autour des éléments du passé restant visibles dans le présent. L’artiste expose au public une interprétation artistique de ces traces en établissant de nouvelles connexions à partir d’elles. Ainsi, il ne présente pas un château à l’image de celle perpétuée par les ouvrages d’architecture médiévale. Il part d’une image fragmentée, simple mais essentielle. L’image que le temps a construite dans la mémoire collective. Il ne remonte pas au fait historique dans sa véracité mais à la persistance contemporaine du fait telle qu’elle a résisté à l’oubli. L’érosion et les combats qui ont modifié le château n’en laissent visibles qu’une sorte de reliquat. De même, la mémoire collective s’est forgé une représentation partiale du château. François Andes prend note de cette rupture. Il ne restaure pas. Il construit une autre réalité à partir de cette partialité et redéploie, via l’imaginaire, l’essence du château, en dehors de toute conformité à l’original. Le référent est la mémoire de l’objet et non pas l’objet lui-même. Dès lors, le temps, constitutif de la mémoire humaine, comme de l’histoire architecturale, s’imprime symboliquement sur les visiteurs du projet d’extension. Dans L’Antre du Dragon, ils se voient exposés à des motifs de tatouages traditionnels. Des rayons ultraviolets d’un système de bronzage artificiel sont disposés dans un sas emprunté par les visiteurs. Les rayons sont filtrés par une dentelle reprenant des motifs issus du vocabulaire formel réutilisé en permanence par François Andes. Selon le temps d’ exposition, un canevas apparaît plus ou moins nettement sur les corps. De même que le temps a imprimé la mémoire relative au château, il marque en retour, via le travail artistique, les corps des utilisateurs. Ici, la mémoire ne procède pas de la réapparition des formes d’origine du château mais de la visualisation du processus temporel appliqué aux corps visitant le château réinterprété. Territoire et Agora, encre, feutre, image numérique, 2004. Vue d’ensemble du projet l’Extension : ré-urbanisation du quartier Saint Pry à Béthune. Encre, feutre, 2005. François Andes se plaît à penser des espaces qui ont la capacité de reproduire leur effet. Le débordement de ces dispositifs est anticipé. Il est induit par la forme même retenue. Ainsi, plusieurs bancs sont-ils connectés entre eux par un système électroacoustique. Les ondes sonores circulent par-delà leur centre d’émission. Zone tampon contient également ce potentiel de reproduction. Ces mini coffrets renferment des cubes dont les faces portent le stigmate d’un motif en résine. Ces tampons utilisés comme des lettres d’imprimerie ont la capacité une fois encrés de répandre leurs motifs. « Zone tampon contient des motifs combinables à volonté, à partir desquels des micros récits peuvent être formulés. »7 La répétition du motif s’envisage comme le déroulement d’une tapisserie, la confection d’un textile, ou le fil conducteur d’une histoire qui se 7 François Andes, notes de travail, 5 et 6 juin 2003. LA CHAPELLE Construite en 1828, la chapelle est le dernier bâtiment subsistant de l’ancien hôpital. C’est le point de départ, l’élément central du projet de ré-urbanisation du quartier Saint Pry LE CHÂTEAU L’espace du château est constitué d’une construction transparente et gonflable, sur deux niveaux, monté sur pilotis. La partie supérieure du bâtiment est mobile, elle se détache de la structure et permet de faire apparaître un segment du château. Ce bâtiment est appelé le belvédère, il permet au visiteur du site de surplomber le chantier archéologique médiéval qui est le point de départ des recherches autour du Château Fantôme/Gonflable/mobile. L’accès à ce bâtiment se fait par la chapelle, en traversant le bassin central par le ponttunnel de verre. raconte elle-même. Une fois la machine lancée, des mètres carrés peuvent être rigoureusement reproduits et recouvrir une surface immense voire toute la surface du globe. Les espaces représentés sont saturés de motifs. Comme des aplats de détails repris, ils couvrent la surface des plans de l’extension, saturent l’espace du dessin dans les recettes des chefs, enlèvent toutes marges blanches dans les pages des catalogues d’exposition de l’artiste. Tout semble plein pot, bord à bord, voué à l’extension. C’est donc, à partir des formes élémentaires récurrentes que l’artiste préfigure un système potentiellement transposable sur des territoires étendus. Si les outils nécessaires à l’extension lui reviennent, l’impulsion est donnée par d’autres. Ce qui déclenche l’activation du réseau « in progress », c’est la saisie personnelle de cet environnement par des individus aux mémoires spécifiques. L’artiste réintroduit l’expérience individuelle comme processus d’accroissement des possibilités d’existence dans la sphère publique. Son système intègre virtuellement la totalité du réel. Le facteur temps est essentiel. La pratique quotidienne du dessin précipite le travail de l’artiste dans un continuum formel. L’essence du travail apparaît proche du jet intuitif. L’idée est vive. Le trait du dessin l’accompagne. Celui-ci n’a pas valeur d’esquisse ou de dessin préparatoire subalterne. Il est l’origine du travail. Les formes colorées, l’agrandissement, la répétition du motif relèvent du processus, du partage avec les autres. Seul, François Andes travaille le trait. Ainsi, le château symbolisé par un néon bleu provient-il d’un dessin rapide qui a été scanné puis travaillé par un prestataire. « Le premier jet est souvent le bon, il ne nécessite quasiment pas de retouche (…) »8 L’évocation est suffisante, explicite, elle est reconnue immédiatement. De même Zone tampon, simple résine en relief, translucide, reprend les traits du château. La forme dessinée contient l’essence de ce qu’elle représente. Pour qu’elle s’anime, l’artiste recourt aux autres. Ils prennent appui sur cette forme, qui potentiellement les contient toutes. François Andes, propose sa déclinaison, sa recomposition ou son altération à ceux qui en usent. Ainsi ils apportent la couleur au trait. Ils teintent le travail de l’artiste. La couleur est le marqueur temporel de l’intervention d’autrui. Le banc, issu de la forme T renversée, prend la couleur d’un bleu Pantone. Installé sur une place publique, le banc serait naturellement sujet à des altérations. Les intempéries, le vandalisme et l’utilisation personnelle pourraient produire des impacts sur les plaques de faïence. L’artiste a prévu de les mettre en valeur. Les plaques altérées seraient remplacées par d’autres, 15 % plus claires à chaque changement. Contrairement aux professionnels de la conservation des œuvres d’art qui recommandent des conditions optimales pour les maintenir en état, sous- La Chapelle et son extension, détails, ré-urbanisation du quartier Saint Pry à Béthune. Image numérique, 2005. 8 François Andes, Picnic, Le Jardin de Cuisine et la Clairière en Ville, TH. S Editions, 2002, propos recueillis par François Lecoq – Lille/Darjeeling – extraits, p. 30 entendu celui d’origine, l’artiste travaille à partir de ce temps propre à l’œuvre : le temps de son utilisation. Il ne s’agit pas de minimiser l’usure, de restaurer à l’identique mais de la réintroduire dans le parcours artistique des pièces. Elle ressort visuellement car elle participe de l’activation de l’œuvre. À l’extrême, le décroissement des couleurs aboutit à l’absence de couleurs. Le point ultime évoqué est un blanc cassé. Teinte qui les contient toutes à la manière du cercle chromatique apposé sur ces jouets d’enfants, sorte de toupies plates montées sur une tige en bois. En soufflant très fort, les couleurs se fondent et sont absorbées par le blanc qui les retient. L’artiste partant du trait évacue, pour lui, d’emblée, la couleur. Réapparaissant elle signale un contexte, un environnement dans lequel elle s’active. Ainsi, le banc réalisé par une entreprise faïencière desvroise reprend le bleu traditionnel de la ville. De même que le château gonflable est transparent dans son reliquat essentiel imaginé par l’artiste, de même il se colore mis en situation sur les plans présentés à la chapelle Saint Pry. L’idée de départ est neutre, atone, comme une chrysalide est translucide. Si le travail se colore c’est dans le contexte de rencontres avec l’imaginaire développé par d’autres, qu’ils soient graphiste, confectionneur de lampions, imprimeur, apiculteur ou utilisateur de bancs. La couleur est contextuelle, elle est variable selon qui intervient, à quel moment, avec quel bagage culturel. Son évolution rend compte d’une histoire, un peu comme celle du fœtus dont la pigmentation est inscrite dans les gènes et se révèlera avec le temps et son environnement de vie. Ainsi la couleur n’intéresse pas l’artiste du point de vue d’une esthétique proche de l’harmonie. Elle l’intéresse comme marqueur d’une manufacture partagée. Au cours de l’exposition, le temps a déjà fait son œuvre. Deux modifications sensibles se sont exprimées. La destruction de la maquette en mousse représentant la chapelle et la floraison du pommier, placé au centre du banc. La première résulte de l’intervention des enfants sur la chapelle à remodeler. Leur imagination s’est portée sur une reconstruction de modules de type maison à partir de l’objet chapelle en mousse. Ils ont ainsi reconnu la chapelle dans laquelle ils visitaient l’exposition présentant une hypothèse singulière de réaménagement du quartier Saint Pry. Ils s’en sont emparés à partir de leur propre référence de reconstruction. Probablement un imaginaire qui s’exerce comme un jeu de Lego, fait de petits modules à réassembler indéfiniment et qui prend comme point d’attache, les lieux de vie qu’ils appréhendent le plus souvent. Placé au cœur de l’Agora, le pommier a connu une croissance luxuriante : deux rejets, la floraison et la pousse de feuilles. Entretenu par le personnel de la Chapelle, l’arbre s’est déployé encore plus précisément sous les lampes artificielles de l’exposition. Les rayons lumineux qui frappaient aux extrémités les branches ont accroissé leur pousse. L’exposition a fait œuvre de serre, dans un contexte de prolifération créé par l’artiste. Sous une vitrine est présenté un cahier épais dont les pages sont remplies de couches de matériaux issus des arts plastiques et graphiques. Boursouflées, LE PONT - COLONNE VERTÉBRALE Tube permettant aux visiteurs de la chapelle de traverser le bassin principal afin de rejoindre le belvédère. Cette représentation d’un segment de dragon est utilisée comme élément positif, tel le Phénix, renaissant de ses cendres, gardien des eaux des sources ainsi que du secret de la connaissance. Il est le seul chemin d’accès au belvédère et à son contenu. Zone tampon, segment du Dragon, image numérique, 2004. Croquis d’un segment, Bic bleu, 2004. Connection entre la Chapelle et son extension, Le Belvédère et le Château, image numérique, 2005. ces pages renferment les études, documentations et réflexions qui ont valeur de notes de travail. Ces sortes de strates archéologiques aboutissent aux formes élémentaires et préoccupations portées par l’artiste. Le cahier s’apparente à un palimpseste. Il illustre le processus de récupération et d’oubli intrinsèquement liés dans les œuvres. Il est un entre-deux de la mémoire plastique. L’intérêt du palimpseste réside dans sa faculté de nous remémorer les étapes précédentes et de nous projeter dans l’avenir. Il permet de faciliter le rappel, par la survivance, par la transparence du passé. Les couches inférieures s’apparentent à un avant de la pensée. Ce recours à la superposition rapproche François Andes du travail d’un archéologue. Non seulement son activité tend à l’extension horizontale, via le réseau des bancs par exemple, mais encore nous le voyons ici, elle agit verticalement. En ceci, il se rapproche des propos de Vito Acconci, appliqués à la notion de paysage et rappelle l’histoire de la déconstruction de la chapelle en mousse. « Le paysage repose sur les fosses et les excavations qui se trouvent en dessous. On pourrait définir l’architecture du paysage comme une architecture de terrain, de sous le terrain, d’à travers le terrain. L’architecture du paysage échappe au terrain, qui se cache et se faufile sous terre ; si construire sur le terrain est une addition (acte qui consiste à ajouter des structures), alors construire sous terre est une soustraction (acte qui consiste à enlever, à extraire du terrain, pour que les structures puissent s’y insérer : le terrain est analysé, puis réduit en morceaux). L’architecture du paysage est une architecture du soubassement, la construction d’une base : le glissement se produit à partir de la base, jusqu’aux instincts et aux désirs essentiels. »9 Cette proximité entre les deux artistes annonce un rapprochement entre l’archéologie du paysage et celle de la pensée imaginative. Les fouilles en profondeur renseignent sur la discontinuité inhérente à l’extension des paysages naturels ou urbains. La discontinuité est directement appréhendée par l’artiste qui introduit une sorte de cycle dans le mouvement de son travail. La déconstruction et la reconstruction, l’apparence et la disparition des couleurs, l’ouverture à des pratiques individuelles, tout concourt chez François Andes à être absorbé dans un système construit autour de formes élémentaires. Ces formes structurent le propos de l’artiste et sur elles repose un système potentiellement transposable dans une infinité d’environnements. Ainsi, le projet de réaménagement du quartier Saint Pry a trouvé une organisation articulée autour du patrimoine culturel et historique du site, tout en reprenant les structures artistiques pensées antérieurement. « En fait, pour résumer ma démarche, je dirais qu’à partir d’une idée assez simple j’essaie de construire et de déconstruire comme une boucle sans fin où il s’agit de trouver les pièces manquantes, un travail qui s’enrichit sans cesse car il reste ouvert. »10 Le Jardin invisible, deuxième motif, projet de ré-urbanisation du quartier Saint Pry à Béthune. Croquis, image numérique, 2005. 9 Extrait du film conférence « Parcs, berges et rives, zones excentrées », traitant des projets et réalisations architecturales d’Acconci Studio entre 1980 et 2000 10 François Andes, Picnic, Le Jardin de Cuisine et la Clairière en Ville, TH. S Editions, 2002, propos recueillis par François Lecocq – Lille/Darjeeling – extraits, p. 31 61 L’imaginaire est au cœur de la refonte. L’impulsion de François Andes articulée autour des mythes revisités par les individus, permet à ceux-ci de réinvestir le travail sur la sphère publique, à partir de leur propre comportement privé. En découle une pratique de la ville mettant en valeur « les relations qui s’y développent ; et qui ne sont pas univoques, immédiates et mécaniques, d’un contenu à son contenant »11. Ce processus d’échange est réintroduit plus librement dans le système proposé par l’artiste. La relecture individuelle des mythes qui trouve appui par exemple sur les ruines architecturales en est un moteur essentiel. Une réinterprétation, à l’aune des valeurs personnelles, crée à son tour un récit empreint d’une logique propre, façonnée par une multitude d’interactions. Cette ville fantastique repose sur des possibilités de réutilisation et de réinterprétation infinies. Dans ce contexte, où « la société humaine ne s’enracine pas dans un sol neutre », la métamorphose de la ville jouée par les citadins, se rapproche de la démarche artistique. Elle se saisit du réel, le décontextualise et l’englobe dans un nouveau système de valeur. François Andes semble lui faciliter la tâche. Il apporte une nouvelle codification de l’espace urbain. La pratique des autres apportant la matière propre, sorte d’apport personnel à l’entreprise, par leur capital d’expérience privée. La circulation des corps se détache alors des contraintes de déplacement prévues et pré-établies par une structure rigide, qui fige les coudes des personnes sur les bancs publics. L’alternative proposée par le système de François Andes tente de s’affranchir des rituels de « consommation urbaine ». Son système laisse la part belle à l’histoire personnelle. Il ouvre ses portes aux comportements aléatoires. Le singulier apporte du relief, colore la ville. L’intime trouve à s’étendre dans les ensembles vides simplement structurés par le contour du trait de dessin de l’artiste. Celuici propose d’occuper ces espaces anonymes en considérant le vide comme une place à prendre. « L’habitude de ne prendre en considération que le plein des choses ne nous laisse pas le temps de considérer qu’en vérité nous ne circulons que dans les couloirs physiques que les objets laissent libres. À l’intérieur d’une pièce, nous évoluons parmi les objets en parcours conventionnels et routiniers, car nous ne tenons compte que de la présence des objets et non de cet espace vide dans lequel nous vivons réellement. Deux individus allant à la rencontre l’un de l’autre, considèrent réciproquement la réalité de leur corps, au lieu de considérer l’espace sans corps qui existe entre eux. C’est dans ce vide qu’ils pourront se rencontrer et communiquer. »12 L’Extension, dim. 360x80 cm, sortie plan, Chapelle Saint Pry, Béthune, 2005. Éléments à bascule, recherches pour les « Résidences de l’Art en Dordogne », Mussidan. Encre, 2004. La valeur de l’activité artistique développée par François Andes réside bien dans cette prise en compte de l’autre comme acteur privilégié de la création. Ce 11 Louis Bergeron, Histoire sociale, Histoire urbaine, article extrait de l’Encyclopédia Universalis 12 Michelangelo Pistoletto, Mots, textes écrits entre 1962 et 1994, édités à l’occasion de l’exposition qui s’est tenue à Rochechouart, Thiers et Vassivière du 7 juillet au 30 septembre 1993, p. 21 dernier peut participer à la construction d’un espace urbain différent en déconstruisant les modèles de représentation valables pour tous. Le fait historique est substitué au mythe revisité à l’échelle individuelle. Cette temporalité originale constitue la matière première de l’extension de la Chapelle dans le cadre du réaménagement du quartier Saint Pry. François Andes propose un projet politique dans lequel sont intégrés ses fantasmes d’organisation et les ressorts plastiques qui en découlent via la récurrence de thèmes et d’éléments formels. L’imaginaire ainsi mobilisé s’affranchit de la dépendance à la normalisation des comportements sociaux. De la même manière que l’artiste amorce son travail à partir d’une palette d’éléments singuliers, il propose aux autres, d’intervenir dans une cité enrichie des particularités de l’expérience privée. « L’art est responsable d’une philosophie nouvelle, basée sur la rencontre des pôles opposés, tels l’absolu et le relatif. À cette philosophie correspond une manière différente de concevoir la dynamique des phénomènes aussi bien que l’immobilité fidéiste. La responsabilité de l’art consiste à assumer le rôle d’une proposition fondamentale de la pensée. Autrement dit, à être la base spirituelle dont la forme se transmet à la vie commune selon une conception globale de l’être. »13 80 % de la mémoire des hommes portent sur des souvenirs ou des représentations heureuses. Elles relèvent de leur vie personnelle, comme les sentiments, les voyages, les vacances ou le travail. 20 % portent sur des événements publics. Ils concernent les guerres, les révolutions ou d’autres faits politiques, et évoquent plutôt des représentations douloureuses. Ainsi, sortir de l’indifférenciation de la sphère publique en décloisonnant la vie privée est une hypothèse d’enrichissement de l’histoire commune par des images positives. Ce à quoi nous invite François Andes. Territoire et disparition, Zone tampon, modèle de chaussure en acier galvanisé, semelles caoutchouc, 2005. Détails de l’exposition Le Banc, la Ruche et l’Extension, Chapelle Saint Pry, Béthune, 2005. Anne Giraud Juin 2005 13 Michelangelo Pistoletto, Mots, textes écrits entre 1962 et 1994, édités à l’occasion de l’exposition qui s’est tenue à Rochechouart, Thiers et Vassivière du 7 juillet au 30 septembre 1993, p. 21 63 Translation Cédric Loire CARTOGRAPHY FOR UNFINISHED TERRITORIES Les pas du labyrinthe vagabond. Le tissu infini de Pénélope. J. L. Borges, « Les Causes » Histoire de la Nuit, 1977 François Andes project, Commode, initiated in 2000 and still under way, is the origin of this «against the grain» analysis of an approach to creation which assumes a large variety of forms. It will clarify the main themes and predominant features of the work of François Andes. Commode is a developing collection of boundary markers which bear a certain resemblence to public or park benches, linked up by a device simultaneously capturing sounds from the immediate environment and diffusing those which originate from the other boundary markers. The network, made from the expansion and interconnection of the markers is a space without a centre, each new boundary occupying within the device the same space as the others, without being either subordinate or peripheral to them. It is therefore not a spreading network, but a multipolar network. The overall mechanism is similar to a perpetually growing organic structure, receptive to its environment, but not allowing the «user» a great deal of control over it. The method of proliferation used by François Andes in the elaboration of his work simultaneously and gradually brings about the disappearance of the work, and therefore the impossibility for the beholder of considering it as a defineable material entity. Proliferation results in the confrontation (virtual at first, then real) of modular structures with the different contexts which they occupy, and which depend on the random nature of meetings and launching of collaborative projects. Visually and formally each boundary marker of Commode is designed with the utmost care: modular structure, execution combining the expertise and materials of the craftsman (enamelled ceramics, wood) with those of industry (metal tubes) and technology (electronic circuits, heat-sensitive fabrics). In their form and technique these designs are comparable to minimalist sculpture (Judd, LeWitt) or pop (Artschwager). Yet thanks to their function as street furniture, as utilitarian objects, their artistic character is overshadowed by a practicality, some aspects of which remain, at first glance, obscure for the user. Where are the sounds broadcast from? Of what precise nature are they? What does the boundary marker draw from the context in which it is installed? Conversely, how far can it be said to alter its environment? Can the user influence the way it functions? While all boundary markers are designed from the same modular outline, they are nevertheless susceptible to modification, to adjustments which allow them to adapt to and fuse with their environment to a greater extent. This is largely thanks to the use of common materials. The basic shape, an upside down T, is also found in other works (Seaux, Parcours...). It can undergo folds, cuts and unfurling, which gives rise to multiple and varied configurations, and can also be reduced to its simplest form of expression, acting as a means of storing technological appendixes or holding up plant-life. This all-purpose format remains the only relatively stable visual element in the midst of the overall grouping of boundary markers, from which it is possible, through the impact of the chosen materials and the combinations of different forms, to envisage an infinite number of designs. Hence, the homogeneity and unity of the work in its elaboration is deliberately compromised, as each marker tends to activate its own disappearance as a work of art (by hiding behind its utilitarian function) and as a mere object (by barely contrasting with its environment). A disappearance also occurs upon each confrontation with the public as the spectator can only ever be in front of a tiny fragment of the projected network. The Commode project therefore constitutes the attempt to create an invisible, barely verifiable network. There is no desire to redynamize the community at work here. The installation of boundary markers is not an attempt to organize precise forms of interaction between places or individuals in a way which is distinguishable 65 in time or space. The network is, on the conrary, a potentially invasive device, an organic, proliferating, parasite structure. Each boundary machine is a «celibate» machine in its own context, animated by a self-contained, bustling life. It seems not to react to external solicitation, and its modular structure symbolically bears witness to its belonging to a broader horizon, whose mass remains impossible to quantify or locate. On the rigour of science ...In this empire the Art of Cartography had reached such a state of perfection that the Map of a single Province occupied a whole City and the Map of the Empire took up a whole Province. In time, these Oversized Maps ceased to give satisfaction and the Colleges of Cartography made a Map of the Empire which shared the same Format as the Empire and coincided with it up to the last point. The Following Generations were less fascinated by cartography and concluded that this Dilated Map was of no use, so, not without impiety, they abandoned it to the inclemency of the Sun and the Winters. In the Deserts of the West there lie scant Ruins of the Map. Animals and Beggars inhabit them. Throughout the Land there is no longer any other trace of the Geographical Disciplines. (Suarez Miranda, Viajes de Varones Prudentes, Lib.IV, Cap.XIV, Lerida, 1658). JL Borges, Universal History of Infamy. The series of paintings and drawings which mark the beginning of François Andes' work in 1990 is entitled Les Cartes. The latter do not repre- sent, like Jasper John’s monumental work Map (1967-71) the desire to accentuate flatness by the adhesion of the painted motif to its support environment, which it reproduces. They bear witness to the desire to elaborate a mental landscape, a fluctuating cartographical expanse. A tension can be felt between the starting point determined by chance (by the throwing of a stone) and the organic development of structures which unfurl ‘all over’, forming a kind of organic, utopical urbanism. The already huge format of these pieces soon proving to be insufficient, François Andes gradually develops his work in an imaginary dimension, whereby a fragment (drawn, described or crafted) reveals the invisible and inordinate extent of the undertaking. Such organically developing networks can be found in R.E.V. (les Réseaux En Verre, 1997) and Mille réseaux (images numériques, 1997), following the artist’s first experimentations with this development in Tout près et très loin (november 1995), featuring photographs, shots on the beach and fragile sand constructions. These networks play on the contrast between the manual mode of realization - involving relatively modest dimensions but still covering several square meters – and the scale suggested by shots showing desert or mineral landscapes from the sky. The marks left by the hands and fingers which modeled the wet sand remain perfectly visible in these photographs which centre only on certain details of the vast complex gradually carried away by the tide. The marks are themselves sufficient to reveal the process of realization, the full L’Extension, projet de ré-urbanisation du quartier Saint Pry à Béthune. Détails, image numérique, 2005. extent of the task and the precariousness of the form. The all-encompassing scale of the photograph maintains the ambiguity of the revealed area. We do not know if it was taken from the sky, from a satellite, or from the point of view of the child bending down to play on the beach. This phenomenon of varying scales in the perception of the work is also present in Habitations, (1997). The latter consist of the same T shapes as those which reappear later as boundary markers, but here they are piled up on top of each other and held together by stems shot through with thread. The general appearance of these pieces of work is that of a collection of basic architect’s models (pillars, entresols), or of piles of books stacked up against the walls waiting to be sorted out. ZONE TAMPON Zone tampon contient des stuctures combinables à volonté, à partir desquelles des microrécits peuvent être formulés. En utilisant Zone tampon de manière quotidienne, on pourra considérer en partie ce travail comme une alternative à la notion de projet. Ce travail se déploie autour de la mémoire, de la disparition, du souvenir et de la création du mythe. Zone tampon est un mini coffret contenant six cubes, sur chacune des faces un schéma, pour six thématiques développées : 1 – le Dragon ; 2 – Châteaux ; 3 – Habitats ; 4 – Disparition ; 5 – Agoras ; 6 – Sièges. Ces six représentations par thème permettent par impression des motifs la constitution d’un tout et de ses multiples autres solutions proposées par l’utilisateur de ce jeu de construction. Plusieurs de ces représentasions seront réalisées à un format plus grand servant de dalle posée à même le sol, figurant ainsi le parcours du labyrinthe. As in the other works, we can observe a recurrence of stratification – in space, sound and time – as a means of composition. Perhaps also, the combination of two forms of passiveness: accumulation and erosion. Namely a form of entropy in the construction and evolution and in the expansion or disappearance (rather than destruction which suggests a more active point of view) of the work which has remained in place. «The rear-view mirror was breaking up the road behind us. While listening to the radio, some of us were reading the Sunday newspapers. The pages made a discreet sound as we turned them and as each page was folded on someone’s lap an ephemeral, paper landscape was formed. A valley of text or a ridge of photographs could come and go within an instant.» Robert Smithson, «The Crystal Land», Harper’s Bazaar, May 1966. The Monticules de pièces de puzzle (1998/99) are miniature mountains built from pieces from different puzzles of varying sizes. It is impossible to determine how many images are contained within them. Even the configuration of the mountains themselves is completely transitory. It evokes the innumerable and unknowable forms which the landscape is liable to assume. Hence François Ande’s ever-developing projects are close in certain ways to those elaborated by Smithson a few years earlier in the form of texts, drawings and models. In the latter’s work, projects which were merely described (Map of Broken Glass, 1969) and those which were actually realized (Spiral Jetty, 1970) both keep their chimerical dimension intact. We may also refer to Robert Morris’s Earth Projects (1969), which are presented in the form of colour engravings. The latter represent the outrageousness of the envisaged work while most of the time bowing to the impossibility of realizing it. The work remains at the stage of a mental projection, with the sensorial perception of the spectator rarely being called upon. Like these examples of the works which partially influenced them, the projects of François Andes come in the form of mountains of texts and images. When we encounter these projects and descriptions, we experience a sense of «delay» similar to that which Claude 67 Gintz evokes on the subject of texts about Spiral Jetty, an almost invisible work, «a text with rings of ecstacy like ‘Spiral Jetty’ constitutes one of the links in the chain of signifiers produced by the work which Smithson built on the banks of the Salt Lake, but which few people will have the opportunity to discover directly, the other links being a film, photographs, maps and drawings, which, with all the force of their delayedaction impact, tend to operate as a substitute for their absent origins.» (Claude Gintz, «La place de l’écrit dans l’œuvre de Robert Smithson», in Le Paysage entropique, 1994). The notebook or sketchbook and the inventor or architect’s drawing board constitute the essential area of the works of François Andes, which only rarely find the opportunity to materialize. They therefore remain perpetually applied to the dynamics of a project, or, we might even say, a utopian vision, in the sense that the latter is indeed considered to be that which has no place, and cannot ever be associated with a real place. At this point an essentially literary dimension to the work of François Andes becomes apparent. The process of projection constitutes the basis of a fictional work (a non-narrative fiction, as the visible elements in no way correspond to the structure of a puzzle). In September 1998 the Parcours were set up and carried out between Porte de Roubaix and Porte de Gand. The aim of these Parcours was to produce a perceptible experience out of this peripheral urban area from the pedestrian’s point of view. Using a motif, the aforementioned ‘T’ module, François Andes creates a series of landmarks on the pedestrian’s route, using kerbs of pavements and irregularities of the circuit such as manhole covers and filled-in trenches. The tracks are paths which lead nowhere in particular, made from paraffin applied directly to the ground. Their unavoidable destiny is to disappear under the shoes of passers-by. The recurring ‘T’ shape reappears in the Seaux project (1999), the function of which is to mould wet sand in order to build hypothetical, ephemeral cities. The act of disappearance again seems to feature at the heart of the preoccupations of the artist, who reactivates its processes within entropic mechanisms. In the Parcours, the repeated use of the path by walkers and the bad weather ended up wearing away these installations, creating yet another situation where the proliferation of modules spreads the disappearance of the artist’s work in time and space. The Châteaux Gonflables (2000) (Inflatable Castles) are again based more on projection - via drawings, diagrams and directions for use - than on their hypothetical material realization. Here François Andes throws himself into an undertaking which seems to be deliberately too vast, the amplitude of which is accentuated by the derisory character of the materials used: air, rope, and balloons. The Châteaux Gonflables bring about the resurgence of strata of History whose material traces had disappeared. But we are far from an exercise in reconstruction. Here History serves as a pretext for stories, myths and legends, which are conveyed by the flying castles. Real cities, built around or on the former sites of a castle undergo the superposition of a second level, semimaterialized by the projections of these light, almost imperceptible and yet monstruous structures. Henceforth belonging to the domain of memory, the castle shifts naturally into that of fiction, of which the projection, in the form of an inflatable structure with a soft, thin outer wall which keeps its shape thanks to the air imprisoned within and is supported by the invisible layers of air which carry it, only serve to reinforce. Corinne Melin has indeed evoked Calvino’s Villes Invisibles in relation to the Châteaux: «It was then that these remains of an original splendour that we had preserved by adapting them to rather more obscure designs, were again shifted, and we found ourselves storing them under glass covers, shutting them away in display cases, placing them under velvet cushions, not because they could serve any real purpose, but because through them we would have liked to reconstruct a city which no-one knew anything about any more.» In turn I would like to evoke Borges and the Chronicles of Busto Domecq, co-written with Bioy Casares. There are depictions of colossal, invisible or absurd works of art which, in the space of a few pages open an abyss before the eyes of the reader and sum up the project of the fictitious writer, imaginary sculptor or non-existent inventor: «Let us now give, in a few words, a description of the Inactive for readers who have not yet let their curiosity be sufficiently aroused to go and examine it in San Justo, in the Ubalde Pistons factory. The imposing machine occupies the full width of the platform in the centre of the factory. At first sight one could mistake it for a giant Linotype. It is twice as tall as a foreman. Its weight is measured in tonnes. Its colour is that of steel painted black. It is indeed made of steel. A gangway with ladders allows the visitor to examine and explore it. One can notice a kind of throbbing from within and if one listens carefully, one hears a sort of murmuring. Indeed, on the inside there is a piping system and somewhere in the midst of its murky depths water circulates as do metallic marbles here and there. However, nobody will go as far as to claim that it is the physical attributes of the Inactive which makes it so impressive to the human mass which surrounds it. No, it is the conviction that there is something silent and secret in its innards, something which sometimes plays and sometimes sleeps.» While the Inactive seems to be a «celibate» machine functioning rather like the boundary markers of the Commode project, it also shows that the work of François Andes can be approached like that of a sculptor of Lawrence Weiner’s ilk and above all, perhaps before any other consideration – as a work of literary fiction. In just a few lines or sketches, the projects of François Andes «hold up» works of art of an outrageous scale, which sometimes even tend, as in the case of Commode, to engender the disappear- ance of the real, global form of the work, which remains beyond all direct appreciation. In François Andes’ work the relationship with landscapes does not function on a picturesque level. His work often establishes a site, a demarcation from which the landscape becames the basis of a story: city gates, the site of a disappeared castle, an industrial area, a sandy beach... Each piece stays particularly close to childish imagination: games on the beach, places of great symbolic importance, stories and amazing tales. Bacs à Sable (1999) and Seaux share a similar vision, but with a more prominent part played by processes of entropic deterioration. The repetition of similar modules, namely the T which is almost a signature, in no way hinders the random character of the development of Andes’ fragile constructions, which are just as liable to undergo an outlandish expansion as an ineluctable collapse. All this work unfurls with a total disregard for distinctions between disciplines (painting, sculpture, installation), or rather, it plays on these constant shifts, without being subject to a repetitive modus operandi. Hence we may just as easily come across works where the artist’s hand is directly involved – Cartes, Réseaux en sable – as pieces which involve organized work in successive stages and teams. The image saved for the illustration of the invitation card for the Dordogne exhibition shows the team of technicians gathering around a Commode bound- ary marker in the process of being installed, instead of the artist himself or the finished work. Furthermore, the multiple projections created by François Andes tend to result in an exhaustion of the object. Exhaustion occuring at the core of the project does not of course exclude the possibility of giving a genuine material existence to tenuous objects, nor the desire to do so. Paradoxically, in the same movement, their materialization often renders them even more elusive. François Andes’ work is unmistakably in constant development, a perpetual «project» which stages its own projection in time and space. An oeuvre which can only find ultimate definition through its perpetual incompletion. Cédric Loire. May 2003. 69 Ronan le Régent Corinne Melin PAYSAGE MANIFESTEMENT DOUBLE DEALING François Andes explores flux, migration and circulation… creating environments, paintings and sculptures related to these questions of movement. His project consists in implanting a marker-motif along the «delimited» circuit of an exhibition, creating a circuit along which the various works can be appreciated and giving indications which send visitors down the wrong track. The «path» proposed by François Andes for us to get immersed in the exhibition is a mapped-out circuit like those we may find in the great outdoors. But he does not always give us the best way of appreciating the «beauty-spots» of the environment. His invitation, based on the idea of taking a stroll and taking in the landscape in a way which is reminiscent of certain artists of the Land Art movement, allows him to mark out the territory of an exhibition. As in Hansel and Gretel, his motif, woven along the streets, attempts to resist the comings and goings of customers who will unavoidably erase it before they disappear in the re-landscaped environment. Ronan le Régent. September 1998. Paysage Manifestement: installation d’un Parcours de la porte de Gand à la Porte de Roubaix, Lille. Exhibition organized by K@rl. «It was then that these remains of an original splendour that we had preserved by adapting them to rather more obscure designs, were again shifted, and we found ourselves storing them under glass covers, shutting them away in display cases, placing them under velvet cushions, not because they could serve any real purpose, but because through them we would have liked to reconstruct a city which no-one knew anything about any more.» (Italo Calvino, Les Villes Invisibles, p.125, Paris: Seuil, 1974). The inflatable castle project unfolds according to a certain logic, involving 7 castles chosen within a region, 7 regions in a country and 7 countries in the world. The fictional dimension prevails over the organicist and historical aspects of the project. Thanks to its imposing presence, the medieval castle laid down bearings on the landscape. Today its main means of transmission is via mythology (storytelling, tales of fantasy, legends, etc). Expressions such as ‘the seven wonders of the world’, ‘seven league boots’, ‘Snow White and the Seven Dwarfs’ or ‘the seven capital sins’ provide an important indication about the choice of the number ‘7’ and the nature of the project. The project initially requires a period of research and location of sites. This work is orientated by the choice of medieval castles with only a few meagre remains (marks on the ground which it previously occupied, piles of stones…) or maybe by the current urban structure presenting itself as one of the castle’s functional extensions, for example, the dungeon of the Castle of Courtrai (Lille – France) which is now the ‘palais de justice’. Secondly, the castles selected are recreated in the form of a pattern based on their architectural characteristics, then suspended over their remains. The ghost of the castle, floating up in the sky, is a vehicle, through its ephemeral form and character, for the fantastical dimension of stories and is in keeping with the historicity of the architecture. The apparition of the past is equally to be considered in the light of its current territory. It makes it possible to revisit our patrimony and to revitalize the various associations already in place. The occasion can therefore be radiant amidst cultural organizations and can be presented as a unifying event. The project operates as both the networking and international circulation of historicity, namely through the repetition of the inflatable castle process. Its ephemeral nature does not, however, condemn the operation to oblivion. Indeed, a box containing a pattern, an inflatable miniature, a book on the history of the castle, and reproductions, etc are created for each castle. This preserved memento highlights a further important issue involved in the procedure. The memory of memory. In what ways can we exploit our past today? How can we interpret it and what can we learn from it? Finally, is the project itself not the fiction of history? Or the history of fiction? Corinne Melin. 2000. Anne Giraud EN PUBLIC The conventions which regulate the circulation of people in the public domain reside upon codes of conduct which are precise and common to all. Public space is hence administrated according to a globally established economic and social system. François Andes questions urban organisation in a new light; that of the private sphere. The exhibition in the Chapelle Saint Pry presents an ensemble of works, already in existence, and places them in the context of a redevelopment project for the Saint Pry district. The artist’s overall approach became integrated into the project articulated around a selection of exhibits gathered in the Chapelle, the central axis of the exhibition and the urban development project. The works on display play upon the rapports they induced between the artist and other people. Reappropriation via personal initiatives is one of the impulses at the basis of the artist’s work. Hence, how can one integrate this practice into the urban setting, in relation to the inherent contingencies of collective living? Furthermore, the history of cities is not limited to an archive of architectural styles. Political, social and economic interactions have determining roles. Taking account of immaterial factors which stem from the individual and collective imagination enables other possibilities in terms of living together. François Andes’ work is the displacement of private activities into the public arena. The works in themselves embody this artistic proposition and the artist’s global system encompasses and goes beyond the framework of the Chapelle project. The work of François Andes brings with it a certain form of conviviality. The artist takes care of his audience and expects from them a real participation in return. This activates the work whilst utilising the concrete environment in which the work evolves. Thus, the space of Clairière en ville, linking Recettes de cuisine and Pique-nique, is the product of a concerted work process involving the conceptors, users and the artist. Whether he is in interaction with the chefs of the Nord-Pas de Calais region or his close entourage, François Andes creates a context in which the specific demands of each party are revealed: «(…) the picnic allows for all fantasies, all improvisations»1. Andes’ approach goes against the grain of the images vehicled by fast food advertisers, declaring their messages across urban itineraries; the “Take an Go” slogan inviting us to order a prefabricated product and then eat it on the move. This idea makes use of a quantified flux of people, confusing the pedestrian with the consumer in the urban commercial landscape. By the same token, it reduces the individual to his or her commonality, with routine trajectories, shared with the great majority of people who use the same route. In opposition to Andes’ approach, this advertising resides upon a mechanism which captures conformism above personal specificities. Ramuz defines conformism in these terms: «By nature of being a collective attitude, it needs unanimity. It does not require, we repeat, that in our own privacy of conscience we should adhere to the principles it supposes; yet it needs us to adhere visibly, formally and publicly to its rules of conduct».2 Thus, Clairière en ville transports private attitudes into the public sphere. It renders visible the originality expressed more by people in the private sphere: in marked contrast to the anticipated, recordable attitudes embodied by these same individuals when in the predefined enactment of their usage of public municipal space. François Andes prepares conditions so that the private sphere engenders personal attitudes from the workplace. In this way, he rejoins this thought from Michelangelo Pistoletto: «Artistic action needs to contain within itself a system of individual dynamic». 3 The spectator who lends him or herself to this exteriorisation of their everyday practices becomes a constituent part of the work of art. The Agora, the public space of antiquity, in which philosophers and orators proclaimed their views to the passing populus, is today an anachronism. In the West, contemporary public space seems no longer to be organised around the spoken word, but merely around commerce. Cities are pushing residential areas out to their periphery. Public benches are sometimes used as complicit instruments in this controlled flow 1 Florence Lelièvre, Picnic, Le Jardin de Cuisine et la Clairière en ville, TH. S Editions, 2002, p. 19 2 Conformisme, éd. Séquences, p. 22 3 Mots, textes écrits entre 1962 et 1994, édités à l’occasion de l’exposition qui s’est tenue à Rochechouart, Thiers et Vassivière du 7 juillet au 30 septembre 1993, p. 12 71 of people. Benches, usually considered as places of rest, of contemplation and conversation, are sometimes situated with insidious intent. We find them in pedestrian areas, opposite shop fronts. Contemplation is given a sole outlet in the vista of shop window merchandise. These seats, punctuated by arm rests, prevent any notion of lounging and keep the body in a state of rigidity, awake but without any sense of marvel. Contrary to these public benches, the blue Desvres ceramic bench is a space without constraint. Within its make up is featured a protective and protected tree. The seating possibilities are wide and encourage communication. The individual can transport his or her domestic behaviour into the urban context. François Andes’ benches welcome this. Indeed, «it is not the creation of new behaviours, but the displacement of activities into structures especially designed for this; i.e. benches where we can rest, read the newspaper, enjoy a drink, wait, meet people, play dead or simply live…»4. François Andes’ benches do not have arm rests jutting into the outstretched limbs of a person seeking a short nap, his or her face enlightened by the sun’s rays shimmering through the leaves of the apple tree. Moreover, the benches offer a 360° panoramic view. This communication can be potentially enlarged thanks to an acoustic networking of the benches. They resemble a space for the circulation of information and the constitution of thoughts via a familiarity of usage, close to that which we know in our own pri- vate sphere. The bench addresses itself to each and every citizen, whether he or she chooses to behave on the bench as if at home, or indeed if he or she chooses to make use of the bench as a temporary shelter as a consequence of his or her precarious social position. The work of art as embodied in the work of François Andes cannot be reduced to a product comparable with an industrial product, such as a park bench. It is the fruit of an interaction between the artist and spectators. They share in the creativity of the work: «To make the exhibition venue, whether public or private, into a place of action and production co-directed by the person who is watching.»5 The artist proposes, the spectators make their choice. In the same way, a group of collaborators is called upon by the artist. Friends, craftsmen and graphic artists bring their savoir-faire or their intimate convictions in order to ensure the work is progressively developed by many and belongs to no-one in particular. «It is not a question of installing a work of art, but rather of instigating a discussion about needs and expectations; about how the set up will be perceived and used in practice, in the everyday life of these individuals.»6 The object of art is sometimes destined to disappear, or to be consumed (in every sense of the word). Thus, the Habitation module presented by «La ruche – habitat pour insectes» is accompanied by small half-empty jars of honey. Managed by people who are in a period of social 4 François Andes, Commode, Galerie du Centre Arc-en-Ciel de Liévin, Artconnexion, Lille, Maison de la Faïence, Musée de la Céramique, Desvres, Galeries le BBB et ÀLaPlage, Toulouse, p. 4 5 Ibid. 6 Ibid. Miel multifleurs des jardiniers mussidanais, 6/80. Détails des étiquettes de la 1ère récolte, « Résidences de l’Art en Dordogne », Mussidan, 2004. MODULE/MOBILE Cette architecture mobile, démontable et transformable est faite d’une ossature en métal recouverte d’un support opaque. Il est conçu comme une sculpture habitable, dont la forme évolue, de l’espace de réflexion à l’habitation en passant par la bibliothèque. La partie centrale du module/mobile tel un tiroir ou une boîte se dépliant, s’ouvrira quand le module sera immobilisé. Le Module/mobile ainsi posé permet de générer une nouvelle activité temporaire, en réaction à la situation. Le toit transparent et gonflable s’étire grâce à un système de ventilation à l’intérieur de l’espace, il se remplit d’air comme un ballon de baudruche, il est un segment du château. Changer d’air, être dedans à l’abri ou plutôt en retrait, le temps de retrouver de la force, se ressourcer puis réapparaître plus fort. reinsertion, this production of honey was used to fill sample jars labelled by the artist. Previously exhibited in Dordogne, the region where the honey was made, the work of art - as represented by these precious honey pots - was literally devoured by visitors. Here we have an example of private behaviour infiltrating into the public sphere. The memory of honey on the shelf, tasted straight from the jar, fingers tickling the inside of the glass, is the key to the action: despite this taking place in a public context, where the rules of conduct would normally not allow it. Nevertheless, this memory is indeed the impetus behind the participation of the spectator in François Andes’ work. Hence, the disappearance of the object of art – the jars waiting to be tasted – makes the work of art; the tasted jars which contained the honey from hives in Mussidan. The environments presented by the artist are both full and empty. Similarly, memory and forgetfulness, form and hollowness, make up integral and permanent vectors in the work. If the interstice is a space left open to proposition, it is also a space for temptation. François Andes seems to return unceasingly to identical forms. He adapts and combines them with each other. The majority of these are to be found in the work Eléments à bascule. This ensemble of primary forms evokes Mendeleyev’s classification of the elements. Molecules are, in effect, constituted of different regroupings of atoms. Atoms form molecules by exchanging electrons. Their properties are different. Their liaison is based on a transfer of electrons, which, by emptying or filling atoms, composes physical, liquid or gaseous matter. Eléments à bascule offers the formal tem- plate to the artist’s work. The ink stamp represents the rocking movement which we find in the repeated pattern on the floor or near the swing bridge. This recurrence of point of view in the work dynamic produces diverse combinations; combinations in turn creating works apparently different at first glance yet which proceed from the same formal suppositions. What is the meaning of this grand tautological enterprise? The range of these same elementary forms allows for changes in scale. They seem invariable and transportable into different environments, from the infinitesimally small to the infinitesimally large. Thus, the form of the bench, on a human scale, is used again in the form of fluted turrets on a medieval castle. At the same time, this very form can stem from a flattened box, in the shape of a T. The artist works ceaselessly with identical forms which multiply in his imagination. Here, the macroscopic and the microscopic entwine. Everything happens as if we, by looking attentively, were to find these same forms; either hollow or filled out. Disappearance appears hence as a volume in itself. By the same token, forgetfulness – the empty space in memory – is full potential. Andes’ black and white prints, entitled Disparition, play upon the ambiguity of dimensions. The forms in themselves indicate nothing of the scale of the photographic shots. Infinitely large or infinitely small, they are as equal for François Andes. Hereby, fixed elements in the work of the artist are brought forth. Forms and the recourse to the other are already identified. However, these elements are not revealed without effort. When the exhibition pieces were brought Module/Mobile, image numérique et croquis, 2004. in situ, their unpacking in the exhibition space appeared to be a dispersion of disparate and polymorphic elements. This disorder soon found its place in a careful scenographic layout: including an introductory manual leading to a precise map, giving detailed modules of the picture displays, large format plans at the entrance to the exhibition, as well as objects, notes and workbooks in glass display cases. The exhibition’s form in itself, gives clues to apprehend the coherence of the work, in its quasi narrative sense of order. The visitor, guided by these tools, can ascertain progressively the deployment of the work as described upon the central plan. He or she discovers in three dimensions the modules revealed in two dimensions on the plan or map. The presentation in the Chapelle Saint Pry gives vent to the full potential in the proliferation of the artist’s work. The latter goes beyond the frame of the work and places value upon the combination of the modules, not only upon the modules themselves. Le banc, la ruche et l’extension lifts the veil on the possible ramifications of François Andes’ work. This potential of deployment is developed on the floor, on the walls, in the East-West periphery, in the centre of the chapel and also suspended in mid air. The exhibition presents a unique proposal for what could be the redevelopment of the Saint Pry quarter. François Andes’ project enables the public and inhabitants to be familiarized with the area as it could look. Thanks to a greater consideration for the importance of the cultural dimension as a key to success in the integration of new development proposals, town planning brings together architects, artists and landscape designers. Hence, the exhi- bition, based purely on the artistic point of view is not part of the prefiguration restructuring of Saint Pry. Nevertheless, it does raise awareness about an alternative configuration of spaces, which is rooted in the common patrimony of the site which the inhabitants of Béthune are familiar with. There is a collective memory based around the Chapelle Saint Pry, a sturdy and renovated edifice which was built in 1828, bore witness to the disappearance of a hospital and stands as the gate of the old city. François Andes' proposal bears no resemblance to an architect's project, neither in its depiction, its presuppositions or its objectives. This is the meeting point of the artist with cultural patrimony. It is his attempt to animate it by combining the elements of his own approach with those of the setting of the reappropriation proposal which the exhibition represents. Printed maps, in the artist's inimitable style, suggest a circuit to visitors. The artist does not comply with the codes of the architect's plan. Furthermore, the scale of the buildings featuring on the map does not relate to quantitative, but qualitative scales. The most important elements are highlighted by dimensions which are proportional to their value. Hence, the artist can zoom onto the swing bridge which is essential to his discourse, whereas this architectural element would have a far smaller size when represented by a town planner. The latter would no doubt treat it according to its real physical dimension rather than its symbolic one. Furthermore, the artist's plans have no utilitarian function. Nothing is represented on the plan. There is no physical conditionning for observers, who do not identify with the symbolized characters using the bridge. On the other hand, they are caught up and seduced 75 by the original representation of the bridge. The most important thing now is the colour and appeal of the site, rather than its functional dimension. The shaded tones, pastels and transparency so frequently used by architects are abandoned in favour of bright and luminous flat. The artist's plans present a fantastical world. Composed of elements which are no less real but less tangible, they are not centred around administrations or businesses. The extension only integrates the imagination, without any distractions from the administrative and economic realities the inhabitants are used to experiencing. However, these realities tend to mask other more fundamental ones in the origins of the social common ground. A common base of knowledge, shared time-space references and an identification with inhibitions in public. François Andes's project offers the possibility of returning to these foundations via collective memory and mythology in particular. It is activated around elements of the past which are visible in the present. The artist exhibits an artistic interpretation of these elements by associating new connections with them. Hence, he does not present a castle in the same way as a medieval architecture book. His starting point is a fragmented image which is simple but essential. the image which time has constructed in collective memory. He does not go back to historical fact in its veracity but to the presentday persistence of the fact which has resisted sinking into oblivion. The battles and the erosion which have modified the appearance of the castle leave behind a kind of relic. Similarly, collective memory has forged a partial representation of it. François Andes takes this break between past and present elements into account. He does not renovate. He constructs another reality from this partiality and uses imagination to capture the essence of the castle while being free of all regard for the original. The referent is the memory of the object rather than the object itself. Therefore time, the constituent of human memory as of architectural history is etched onto the visitors of the extension project. In the dragon's lair, they are exposed to traditional tatoo motifs. Ultra-violet rays from an artificial suntanning device are kept within the confines of a double-entrance security door which visitors use. The rays are filtered by a lace installation which bears motifs from the formal vocabulary used constantly by François Andes. According to the length of exhibition time, a canvas appears more or less clearly on the bodies gathered round. In the same way as time left its mark on memory relative to the castle, it leaved its imprint, via the artwork, on the users' bodies. Here, memory is not dependent on the reappearance of the original forms of the castle but on the visualization of the temporal process applied to the bodies visiting the reinterpreted castle. François Andes has a liking for sites which have the capacity of multiplyiing their impact. Excess is anticipated as far as mechanisms are concerned. It is brought about by the restraint of form. Hence several benches are interconnected by an electro-acoustic system. Sound waves circulate beyond 7 François Andes, notes de travail, 5 et 6 juin 2003. the centre of their emission. Zone tampon also contains this potential for reproduction. These mini caskets contain cubes, of which each side bears the mark of a motif made from resin. These tampons, which are used like ink stamps, have the capacity, when stamped, of reproducing their motifs. «Zone tampon contains motifs which can be combined at will, from which mini stories can be formulated»7. The repetition of the motif is considered to be like the development of a tapestry, the making of a fibre or the thread of self-telling story. Once the machine is activated, considerable amounts of square meters can be rigorously repoduced to cover an immense surface, even the entire surface of the globe. The spaces represented are saturated with motifs. Like flat 1of reproduced detail, they cover the surface of the extension plans, saturate the drawing space in the chefs' recipes and remove all blank margins from the artist's exhibition catalogues. Everything seems to be bursting out, overladen to the point where extension is inevitable. Hence the artist, from recurring elementary forms, prefigures a system which is potentially transposable to large territories. If the tools necessary for extension are his by right, it is other people who provide the impetus. The activation of the network in progress is triggered by the personal comprehension of the environment by individuals with specific memories. The artist reintroduces individual experience as a means of increasing possibilities for existing in the public sphere. His system includes virtually the entire scope of reality. Time is the essential factor. TRANS TATTOO & DENTELLES Trans Tattoo & dentelles est un sas, une zone de transformation des flux, de sa propre image physique, volume dont la toile est remplacée par une dentelle représentant des tatouages traditionnels (hirondelle, pivoines…) imbriqués dans une forme générale : la tête du dragon et son cœur. Cette dentelle est réalisée par poinçonnement du support. Un système de lampe à bronzer (UV) suspendue au-dessus de la structure provoque la métamorphose de l’utilisateur, les pointillés du motif s’impriment par bronzage ou jeu d’ombres selon le temps resté dans la cabine. Sur le corps, vêtement et peau. The daily practice of drawing plunges the artist's work into a formal continuum. The work's essence appears to be close to the intuitive. The idea is brisk, and the stroke of the drawings follow suit. In this context a drawing is not a sketch or preparatory outline with some subordinate value. It is the very origin of the work. The colourful forms, the enlargement and the repetition of the motif are part of a process, a shared experience with others. Initially alone, François Andes works on the drawing. Hence, the castle symbolized by a blue neon originates from a swift drawing which has been digitized and worked on by a professional. «The first draft is often exactly what is needed. Touching up is barely necessary»8. The evocation is sufficient, explicit, immediately recognizable. Similarly, Zone Tampon in simple translucid resin, reproduces the characteristics of the castle. The drawing contains the essence of what it represents. Then, to bring it to life, the artist has recourse to others. They base their interpretation on this form, which potentially contains them all. François Andes proposes his declination, recomposition or alteration by those who use his drawing. Hence it is other people who add colour to the drawing, tinting the artist's work. Colour is the temporal marker of the intervention of others. The bench, designed in an upside-down ’T’ shape, becomes Pantone blue. Installed on a public square, the bench would naturally be subject to alteration. Bad weather, vandalism and personal use could have an impact on the earthen- ware covers. The artist has planned to draw attention to them. Hence, the altered covers could be replaced by others which are 15% lighter with each change. Contrary to the custom of those professionals who preserve artwork and recommend the optimum conditions for doing so, the artist bases his approach on the amount of time it takes to use the artwork. There is no question of mimimizing wear and tear or restoring the work to an identical state. Instead, the project involves reintroducing the work on the artistic circuit. It is highlighted visually because it is part of the process of activation. In the extreme, the fading of colours leads to the absence of colours. The ultimate point evokes an off-white colour. This shade contains all colours in the manner of a chromatic circle reminiscent of children’s toys, such as that seen on spinning tops in full motion. From his initial strokes, the artist evacuates colour. In reappearing they signal a context, an environment in which they activate themselves. Hence, the bench made in Desvres earthenware takes on again the traditional blue of the city. In the same way, the inflatable castle is transparent in the plans of the artist, but takes on colours when placed in the context of the Chapelle Saint Pry exhibition situation. The idea starts in a neutral, atonal hue; like the transparent chrysalis. The work takes on colour in the context of encounters with the imagination of others: graphic artists, lantern manufacturers, printers, beekeepers and bench users. Colour is contextual, depending on who intervenes 8 François Andes, Picnic, Le Jardin de Cuisine et la Clairière en Ville, TH. S Editions, 2002, propos recueillis par François Lecoq – Lille/Darjeeling – extraits, p. 30 77 – with their own cultural baggage. The evolution takes account of personal history, like a foetus whose pigmentation is inscribed in its genetic make up but whose colourings are revealed over time and in accordance with the living environment. Thus, colour does not interest the artist in its aesthetic harmonious sense. He is interested in colour as part of a shared manufacturing process. In the course of the exhibition, time is already at work. Two subtle modifications take place: the destruction of the foam model representing the chapel and the flowering of the apple tree at the centre of the bench. The first is the result of the intervention of children on the chapel to be remodelled. Their imagination leans towards a reconstruction of modules in the style of a house using the foam chapel object. They therefore recognised the chapel in which they were visiting the exhibition presenting a peculiar hypothesis for the redevelopment of the Saint Pry district. They seized upon it from their own frames of reference. Their imagination, probably fuelled by the reconstruction game of Lego, reassembled the modules according to the living spaces they were most used to. Secondly, placed in the heart of the Agora, the apple tree enjoyed prolific growth: resulting in blossom and new shoots. Looked after by the chapel’s staff, the tree was also nourished by the artificial lights of the exhibition. The rays of light encouraged the growth of leaves. The exhibition acted like a greenhouse, in a context of proliferation created by the artist. Behind a glass window a thick exercise book is presented, filled with layers of materials from the world of plastic and graphic arts. The blistered pages hide studies, reflections and documentation equivalent to work notes. These kind of archaeological strata lead to the elementary forms and preoccupations of the artist. The work book is hence a sort of palimpsest. It illustrates the process of recovery and loss intrinsically linked within the work. It is a half-way house in terms of plastic memory. The interest of the palimpsest lies in its faculty to take us back through previous stages as well as project us into the future. It facilitates reminder and survival via the transparency of the past. The lower layers are a time before thought. This recourse to superposition brings François Andes close to the activity of an archaeologist. Not only does his art reach towards horizontal extension, through the network of benches for example, but also, as we see here, towards verticality. In this sense, he approaches the theories of Vito Acconci, applied to the notion of landscape and reminding us of the deconstruction of the foam chapel model. «The landscape lies upon trenches and excavations underneath. We can define the architecture of the landscape as the architecture of the terrain, under the terrain and through the terrain. The architecture of the landscape also eludes the terrain, which is hidden below ground. If constructing above ground is an addition (adding structures), then constructing below ground is a substraction (removing or extracting soil and terrain to insert structures: the re- moved terrain is analysed before being smashed into pieces). The architecture of the landscape is a bedrock architecture, via the construction of a base from which a shift can be produced: towards instincts and essential desires.»9 This proximity between the two artists prefigures a rapprochement between the archaeology of the landscape and imaginative thought. These deep archaeological digs inform us of the discontinuity inherent in the extension of urban and natural landscapes. Similarly, this discontinuity is dealt with directly by the artist who introduces a sort of cycle into the movement of his work. Deconstruction and reconstruction, the appearance and disappearance of colours, an opening to individual practices; all these things combine in François Andes’ work - absorbed in a system constructed upon elementary forms. These forms structure the proposal put forward by the artist and are the foundation of a system potentially transposable into an infinite number of environments. Hence, the redevelopment project of the Saint Pry district is organised around the cultural and historical heritage of the site; as well as adopting previously devised artistic structures. «In fact, to summarize my way of doing things, I would say that starting from one simple idea I try to construct and deconstruct an endless loop where one has to look for the missing pieces. The work can be enriched because it remains open. » 10 Imagination is at the heart of this process. François Andes’ dynamic is articulated 9 Extrait du film conférence « Parcs, berges et rives, zones excentrées », traitant des projets et réalisations architecturales d’Acconci Studio entre 1980 et 2000 10 François Andes, Picnic, Le Jardin de Cuisine et la Clairière en Ville, TH. S Editions, 2002, propos recueillis par François Lecocq – Lille/Darjeeling – extraits, p. 31 around myths revisited by individuals, allowing the latter to reinvest the work in the public sphere with their own private behaviour. From this is brought forth a practice of the urban environment highlighting «the relationships which develop in it; and which are not unequivocal, immediate and mechanical, from a content to its container» 11. This process of exchange is reintroduced more freely in the system proposed by the artist. The individual rereading of myths which are founded, for example, on the architectural ruins is an essential motor in this. A reinterpretation, using personal values, creates in turn a story borrowed from a personal logic, made from a multitude of interactions. This fantastic city resides upon infinite possibilities of reusage and reinterpretation. In this context, where «human society is not rooted in a neutral soil», the metamorphosis of the city - as played out by its citizens - reflects an artistic thinking. It makes use of the real, decontextualising the latter and englobing it in a new system of values. François Andes seems to make all this easier. He proposes a new codification of the urban landscape. Individuals bring their personal experiences, or personal capital, into the enterprise. The movement of bodies becomes detached from the rigid preplanned structural codes which entrap the elbows of people onto public benches. The alternative proposed by François Andes attempts to liberate itself from the rituals of «urban con- sumption». His system allows for the full expression of personal stories. He opens the doors to random behaviour. Singularity brings substance and colour. Intimacy finds freedom to roam in the empty spaces structured simply by the lines drawn by the artist. He offers these anonymous spaces as empty modules which ask to be occupied. « The habit of only considering things in their solid sense does not allow us time to consider the reality whereby we circulate merely within physical corridors made up of objects. In a room, we evolve amongst objects by taking conventional and routine paths. We notice only the objects and not the empty space in which we really live. Two individuals who approach one another consider only the physicality of their bodies, not the disembodied space between them. It is in this empty space that they could meet and communicate.»12 The artistic value of Andes’ work resides in his taking account of the other as a privileged player in the creative action. The «other» can participate in the construction of a different urban space by deconstructing the one-size-fits-all models of representation. Historical facts are usurped by myths revisited on an individual scale. This original temporality constitutes the raw material for the extension of the Chapelle as part of the redevelopment of the Saint Pry district. François Andes proposes a political project which integrates his organisational fantasies and their concrete forthcomings, via a recurrence of themes and formal elements. The imag- ination is called into being and is freed from its dependence on normalisation and social behaviours. In the same way that the artist primes his work from a palette of unique elements, he proposes that others intervene in the urban environment by bringing the particular nature of their private experiences. «Art is responsible for a new philosophy, drawn from the encounter of opposing poles, such as the absolute and the relative. This philosophy corresponds to a different manner of conceiving the dynamics of phenomena as well as fideist immobility. The responsibility of art consists in assuming the role of a fundamental proposition of thought. In other words, in constituting the spiritual basis from which form transmits itself into common life according to a global conception of being.» 13 80% of human memory is based on happy recollections or representations. These stem from personal life: feelings, voyages, holidays or work place experiences. 20% of memory comes from public events. These concern wars, revolutions or political occurrences; and usually evoke painful recollections. Hence, by escaping the indifference of the public arena and unlocking private life, a hypothesis for enrichment - a common history - based on positive images can be created. François Andes invites us to do exactly this. Anne Giraud June 2005 11 Louis Bergeron, Histoire sociale, Histoire urbaine, article extrait de l’Encyclopédia Universalis 12 Michelangelo Pistoletto, Mots, textes écrits entre 1962 et 1994, édités à l’occasion de l’exposition qui s’est tenue à Rochechouart, Thiers et Vassivière du 7 juillet au 30 septembre 1993, p. 21 13 Ibidem Remerciements à _ Jacques Mellick - Ancien ministre, Maire de Béthune, Daniel Boys - Conseiller régional, 1er Adjoint au Maire, le comité de pilotage des « Résidences de l’Art en Dordogne », la ville de Mussidan, l’Unité Territoriale de Mussidan, les associations « autour du chêne » et les « jardiniers mussidanais », Philippe Massardier, Isabelle Coco, Lara Crouigneau, Florence Lelièvre, Caroline Lestienne, Ronan le Régent, Corinne Melin, Anne Giraud, Cédric Loire, Laurent Hocq, Pierre Andes et Nolwein Vandestien, Nicolas Pierlot, Fabienne Moison, Bruno Gaudichon, Christophe Debrabandere, Emmanuel Brillard, Valérie Perlein, Dino Rizza, Thierry Sueur, François Lecocq et toutes les équipes techniques des lieux. _ Galerie Arc-en-Ciel, Liévin – La Malterie, Lille – Influ(x), Roubaix – Musée d’Art et d’Industrie, Roubaix – Musée de la Céramique, Desvres – Musée du Textile, Fourmies-Trélon – Artconnexion, Lille – ADDC, Périgueux – Le Caveau, Mussidan – La Chapelle Saint Pry, Béthune. _ Anicet Delattre (Céramiste), Jean-Pierre Gourlain (Mouleur), Gérard Debove (Décorateur sur faïence), Demain Faisant (Fabricant de jouets en bois), Art Néon, les Pépinières municipales de Béthune, Entreprise Francial, Sérigraphie Rémi Leprêtre, Luminaires Caroline Lestienne, Entreprise Ranouil, Stomate association, K@rl, PFSB - Bureau de Recherche en Electroacoustique, Lycée d’Enseignement Professionnel Behal - Lens, Proto. DIPP (Stéréolithographie). Cette édition est une co-édition du Bureau d’Art et de Recherche | Éditions, Ville de Béthune - Chapelle Saint Pry (soutenue par le Conseil Général du Pas-de-Calais et le Conseil Régional Nord-Pas de Calais), La Pomme à tout faire et l’Assciation Départementale Dde Développement Culturel de Dordogne dans le cadre des « Résidences de l’Art en Dordogne » (soutenue par le Ministère de la Culture/Drac Aquitaine, le Conseil Régional d’Aquitaine, le Conseil Général de la Dordogne). Textes : François Andes, Anne Giraud, Ronan le Régent, Cédric Loire et Corinne Melin. Traduction : Tony Coates, Paul Grundy. Relecture : Alexandra Pigny, Mélanie Leirens. Photographies : François Andes, Philippe Massardier, Caroline Lestienne. Design éditorial : Éric Rigollaud et François Andes. « Résidences de l’Art en Dordogne » / ADDC 2 place Hoche - BP 1056 - 24001 Périgueux Cedex Tél. 05 53 06 40 00 - Mail. [email protected] Bureau d’Art et de Recherche | Éditions 11, rue du Grand Chemin - 59100 Roubaix - http://le-bar.fr. Achevé d’imprimer en juin 2005 sur les presse de l’Imprimerie Monsoise - Mons-en-Barœul. Dépot légal : Juin 2005 1.000 exemplaires ISBN : 2-9517368-2-5 © François Andes/Bureau d’Art et de Recherche | Éditions – 2-9517368 ISBN 2-9517368-3-5 PRIX : 20 € 9 782951 736832