Syndrome de West : à propos de 77 cas

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Syndrome de West : à propos de 77 cas
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Rev Mar Mal Enf 2013; 31 : 21-26
Article original
Syndrome de West : à propos de 77 cas
F.Z. Fadil, M. Itri
Service de Pédiatrie 3, Hôpital d’Enfants A. Harouchi, CHU Ibn Rochd, Casablanca
Résumé
Le syndrome de West est une épilepsie du nourrisson caractérisée par une triade faite de spasmes, d’un ralentissement
du développement psychomoteur et d’une hypsarythmie. Il peut être idiopathique, cryptogénique ou symptomatique. Ses
étiologies sont multiples. Sa gravité découle du fait que les fonctions cognitives, sensorielles et motrices sont détériorées
par l’épilepsie elle-même. Nous rapportons une étude rétrospective de 77 cas de syndrome de West colligés au service de
Pédiatrie 3, à l’Hôpital d’Enfants de Casablanca de Janvier 2000 à Février 2011. L’âge de survenue des symptômes varie de
3 à 8 mois dans 77% des cas avec une prédominance masculine (54%). Le tableau clinique est typique dans 78% des cas.
La régression psychomotrice est rapportée dans 91% des cas. Les anomalies neurologiques sont observées chez 75% de
nos patients. L’électroencéphalogramme a montré une hypsarythmie dans 78% des cas, des bouffées de polypointes-ondes
généralisées dans 12% des cas, un tracé de suppression-burst asymétrique dans 1% des cas, et était normal dans 9% des cas.
Le syndrome de West était secondaire dans 81% des cas : anoxo-ischémie (63%), sclérose tubéreuse de Bourneville (6,5%),
agénésie du corps calleux (5%), méningite (5%), syndrome d’Aicardi (1%). Le valproate de sodium, la corticothérapie orale
et le vigabatrin étaient les principaux traitements utilisés. Le contrôle total des spasmes a été obtenu dans 35% des cas,
cependant une amélioration du développement psychomoteur n’a été observée que chez 10% des patients, et un syndrome
de Lennox-Gastaut dans 13% des cas. Le pronostic à long terme est d’autant meilleur que le traitement est précoce, que le
syndrome de West est idiopathique ou cryptogénique, et que le nourrisson est plus âgé.
Mots clés : Electroencéphalogramme. Epilepsie. Nourrisson. Syndrome de West. Valproate de sodium. Vigabatrin.
Summary:
West syndrome is an infant epilepsy characterized by a triad made of spasms, retardation of psychomotor growth and
hypsarrythmia. This disease can be symptomatic, cryptogenic or idiopathic and the etiologies are multiple. The severity is
due to impairment of sensory, motor and cognitive functions. It is a retrospective study of 77 cases of West syndrome collected in “Pediatrie 3 Unit“ of Casablanca Children Hospital between January 2000 and February 2001. The onset of the symptoms varied from 3 to 8 months age-old in 77% of cases, with male prevalence (54%). The clinical presentation was typical
in 78% of cases. The psychomotor impairment was found in 91% of cases and 75% of children had neurological anomalies.
The electroencephalogram has shown hypsarrythmia in 78%, generalized spike-wave outburst in 12%, and asymmetric
burst-suppression in 1% of children. It was normal in 9% of cases. West syndrome was secondary to anoxo-ischemia (63%),
Bourneville tuberous sclerosis (6.5%), corpus callusum agenesis (5%), meningitis (5%), Aicardi syndrome (1%). Sodium
valproate, oral corticosteroids and vigabatrin were the base of treatment. Total control of spasms was obtained in 35% of
cases, but the improvement of psychomotor growth was seen only in 10% of children. 13% of children had have LennoxGastaut syndrome. Long-term prognosis is better in case of early treatment, idiopathic West syndrome and late onset.
Keywords: Electrencephalogram. Epilepsy. Infant. Valproate sodium. Vigabatrin. West syndrome.
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Introduction Résultats
Le syndrome de West (SW) est décrit pour la
première fois par West à propos de son propre fils en
1841 [1]. C’est une encéphalopathie épileptique sévère
spécifique du nourrisson, caractérisée par une triade
faite de spasmes en flexion, régression psychomotrice
et hypsarythmie. Chacune des trois composantes est
très variable, en particulier selon le type étiologique du
syndrome de West qui peut être symptomatique, idiopathique ou cryptogénique. Sa gravité réside dans l’évolution vers la détérioration psychomotrice.
Notre série a concerné 42 garçons et 35 filles avec un
sex-ratio de 1,06. Leur âge variait de 3 mois à 9 ans avec
un âge moyen de 20 mois. L’âge de début des spasmes
est situé entre 3 et 12 mois avec un pic de fréquence
entre 3 mois et 8 mois (77%). L’anamnèse a révélé une
souffrance néonatale dans 58% des cas, une épilepsie
familiale dans 2,5% des cas, et une méningite dans 5%
des cas. La symptomatologie clinique était dominée
par les spasmes qui sont des mouvements axiaux brefs
survenant le plus souvent en flexion dans 77% des cas,
en extension dans 5% des cas, mixtes dans 5% des cas,
et associés à des crises tonico-cloniques généralisées
dans 5 cas ou à des crises toniques dans 3 cas, et à des
myoclonies dans 5 cas. Leur fréquence varie de 1 à 30
crises/jour et leur durée est brève de quelques secondes
à 1-2 minutes. L’examen clinique a noté un retard
psychomoteur allant d’un simple retard des acquisitions
psychomotrices jusqu’à la détérioration psychomotrice,
des troubles du tonus à type d’hypotonie ou d’hypertonie dans 65% cas des, un déficit moteur dans 30% des
cas, une ataxie dans 1,2% des cas, une cécité dans 6%
des cas, une surdité dans 2,5% des cas. L’examen cutané
a montré la présence de tâches achromiques ou café au
lait diffuses dans 6,5% des cas.
L’objectif de notre travail est d’étudier les caractéristiques épidémiologiques, cliniques, étiologiques, thérapeutiques, évolutives et pronostiques du syndrome de
West à travers une série de 77 cas colligés au service de
Pédiatrie 3 de l’Hôpital d’Enfants de Casablanca.
Patients et méthode
C’est une étude rétrospective descriptive réalisée sur
une période de 10 ans, entre Janvier 2000 et Février
2011. Elle a concerné 77 enfants suivis en consultation
de neurologie pédiatrique et au service de Pédiatrie 3 à
l’Hôpital d’Enfants A. Harouchi de Casablanca.
Les critères d’inclusion étaient : les spasmes axiaux,
de brève durée, répétitifs en salve à la première année ;
la régression psychomotrice ; le tracé électroencéphlographique caractéristique montrant une hypsarythmie.
L’étude des dossiers des patients a permis de recueillir:
-Les données anamnestiques : étude des antécédents personnels et familiaux, âge de début des spasmes,
caractéristiques des crises, développement psychomoteur et cognitif.
-Les données de l’examen physique : dysmorphie
faciale, déficit moteur, tâches cafés au lait, angiomes,
macules achromiques, placard tubéreux, examen
ophtalmologique, examen neurologique.
-Les données du bilan paraclinique : EEG, TDM
cérébrale, IRM cérébrale, chromatographie des acides
aminés plasmatiques et urinaires.
-Les données thérapeutiques et évolutives : classe
thérapeutique, réponse au traitement, évolution psychomotrice et intellectuelle.
L’EEG a montré un tracé d’hypsarythmie dans 78%
des cas, des polypointes généralisées dans 12% des cas,
une suppression-burst asymétrique dans 1% des cas, et
était normal dans 9% des cas. La tomodensitométrie
cérébrale, réalisée dans 67% des cas, a montré une atrophie cortico-sous-corticale dans 64% des cas. L’IRM
cérébrale, faite chez 6 enfants, a montré des lésions
de leucomalacie dans 2 cas, des malformations cérébrales dans 2 cas et était normale dans 2 cas. Les formes
symptomatiques sont les plus fréquentes (81% des cas)
dont les étiologies sont en rapport avec une pathologie
séquellaire anoxo-ischémique dans 63% des cas, une
méningite dans 5% des cas, une sclérose tubéreuse de
Bourneville (STB) dans 6,5 % des cas, une agénésie du
corps calleux dans 5% des cas, une lissencéphalie dans
2,5% des cas et un syndrome d’Aicardi dans 1% des cas.
L’évolution immédiate est appréciée par le contrôle
des spasmes. Celui-ci est total dans 63% des cas, partiel
dans 25% des cas, et 12% des enfants n’ont pas répondu
aux traitements avec la survenue de décès dans 2 cas.
Nous avons constaté que 45% de nos patients ont bien
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répondu à une bithérapie avec disparition totale des
crises et un recul minimal de 6 mois : 25% sous association valproate de sodium et corticothérapie ; 20% sous
valproate de sodium et vigabatrin. Pour les corticoïdes,
nous avons préconisé le schéma suivant : hydrocortisone
à la dose de 10 à 15 mg/kg/J ou prednisone à la dose de
2 mg/kg/j jusqu’à l’arrêt des spasmes et la disparition
de l’hypsarythmie (2 à 3 semaines), puis arrêt progressif sur 3 à 6 mois. Au cours de l’évolution à long terme
nous avons noté l’apparition d’un syndrome de LennoxGastaut dans 13% des cas, de crises complexes (10%) et
des crises toniques dans (5%). Elle est défavorable dans
les formes symptomatiques.
Discussion La fréquence du syndrome de West est estimée par
Gastaut à 1/4.000 enfants de moins de 5 ans. Il représente 2% des épilepsies de l’enfant et 25% de tous les
cas d’épilepsie qui débutent dans la première année de
vie [2]. Au Maroc la fréquence de cette affection reste
inconnue. La prédominance masculine est classiquement
décrite [1,2]. Les spasmes infantiles débutent presque
exclusivement pendant la première année de vie avec un
pic de fréquence entre 3 et 7 mois. Des cas débutant dès
la naissance et d’autres jusqu’à l’âge de 5 ans ont été
rapportés [1-4]. Dans notre série, les spasmes ont débuté
entre 3 et 8 mois dans 77% des cas. La symptomatologie clinique est dominée par les spasmes qui sont des
mouvements axiaux brefs, durant de 0,2 à 2 secondes,
le plus souvent en flexion qu’en extension ou mixte. Les
spasmes en flexion sont rapportés dans 77% des cas dans
notre série. Les spasmes sont généralement groupés en
salve de 20 à 40, parfois jusqu’à 100, et surviennent le
plus souvent au réveil et à l’endormissement, sans coma
post-critique. Le deuxième signe clinique du SW est la
détérioration psychomotrice qui s’observe dans 95%
des cas. Au début, elle affecte le contrôle de la tenue
de la tête, de la préhension volontaire et de la poursuite
oculaire [1]. Dans notre série, la régression psychomotrice est notée dans 91% des cas. L’évolution psychomotrice est meilleure chez les enfants sans perte de la
poursuite oculaire [5]. Les anomalies neurologiques
motrices (diplégie, tétraplégie, ataxie, microcéphalie ou
athétose) sont rapportées chez 33 à 89% des nourrissons
selon Dulac et al [1], et sont dues aux lésions cérébrales
responsables du SW, et non à l’épilepsie elle-même.
Dans notre série, 75% de nos patients ont présenté des
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anomalies neurologiques à type de diplégie, tétraplégie
et microcéphalie. Des cas de surdité ou de cécité associées au SW ont été rapportés dans la littérature, résultant de la diminution de la réactivité aux stimuli sensoriels [6,7]. Dans notre série, nous avons retrouvé 5 cas
de cécité (6%) et 2 cas de surdité (2,5%). Ces signes
sensoriels doivent être interprétés avec attention, car ils
peuvent être périphériques liés à la cause de l’épilepsie,
ou corticaux résultant alors de l’épilepsie elle-même [1].
La présence de signes cutanés à type de taches achromiques ou café au lait signe d’une phacomatose [8],
étaient retrouvés chez 6,5% de nos patients.
L’aspect électroencéphalographique connu sous le
terme d’hypsarythmie, réalise une activité d’ondes lentes
et de pointes irrégulières, changeant à chaque instant
de durée et de topographie. Au début, l’hypsarythmie
peut n’exister que durant la somnolence et le sommeil
léger [1]. Des tracés hypsarythmiques « atypiques » ou
« modifiés » ont été rapportés [2] : les pointes peuvent
être plus synchrones, notamment chez l’enfant plus âgé.
Le syndrome de West sans hypsarythmie typique se voit
chez certains patients avec une agyrie, une hémi-mégalencéphalie ou un syndrome d’Aicardi avec un tracé de
suppression-burst asymétrique. Les ondes lentes focales
sont observées dans la maladie de Bourneville et dans
les porencéphalies. Près de 33% des enfants n’ont pas
d’hypsarythmie typique [2]. Dans notre série 13% n’ont
pas d’hypsarythmie typique. En pratique, l’absence de
pointes chez un patient suspect d’avoir un SW nécessite
un enregistrement vidéo des spasmes avec EEG deux
semaines plus tard [1].
La neuroradiologie est une source majeure d’informations, mais elle doit être réalisée avant le début de
la corticothérapie qui donne des images d’atrophie cérébrale difficile à distinguer d’une atrophie qui est ellemême présente dans la moitié des cas de SW, et des
variations physiologiques des espaces péri-cérébraux
chez le nourrisson [1]. Dans notre série, la TDM cérébrale a été réalisée chez 67% des cas, l’IRM chez 7%
de nos patients, et ont permis de mettre en évidence des
lésions cérébrales dans plus de 60% des cas.
Le syndrome de West peut être secondaire à des
lésions prénatales, périnatales ou post-natales. Le SW
symptomatique représente, selon les études, 60 à 90%
de l’ensemble des cas de SW [1,7]. Les principales étiologies sont les lésions anoxo-ischémiques, les malfor-
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mations cérébrales, les syndromes neuro-cutanés, les
erreurs innées du métabolisme, les infections anté- et
post-natales, les hémorragies intracrâniennes et les
causes génétiques avec des fréquences variables d’une
étude à l’autre [2,4,7,9]. Dans notre série, les formes
symptomatiques constituent 81% des cas, pourcentage
qui s’approche des séries des pays développés et ce en
dépit de nos moyens biologiques limités. Elles sont le
plus souvent en rapport avec une pathologie séquellaire
anoxo-ischémique dans 63% des cas, cette dernière
étant rapportée dans la littérature avec des pourcentages variables allant de 7,1% à 50% des cas [4,7,10].
Ceci peut être expliqué par le niveau de suivi des grossesses et des accouchements qui est variable d’un pays à
l’autre. La deuxième cause du SW symptomatique dans
notre série est représenté par les malformations cérébrale : agénésie du corps calleux dans 4 cas, syndrome
d’Aicardi dans 1 cas, lissencéphalie dans 2 cas, pachygyrie dans 1 cas, craniosténose avec microcéphalie dans
l cas. Les malformations cérébrales représentent 30%
des étiologies de SW des cas si on inclut les syndromes
neuro-cutanés [1]. La sclérose tubéreuse de Bourneville
(STB) est le chef de file des syndromes neuro-cutanés. C’est une maladie génétique caractérisée par des
manifestations neurologiques, cutanées et viscérales en
rapport avec des localisations multiples d’hamartomes,
responsable de 10 à 30% des causes prénatales selon
certains auteurs [1,4]. Elle s’exprime par des spasmes
souvent asymétriques et précédés de crises partielles,
par un tracé intercritique rarement hypsarythmique, et
par un retard mental avec des traits autistiques observés
en fonction du nombre et de la topographie des tubers,
mais aussi de la sévérité de l’épilepsie [2]. La STB est
retrouvée chez 6,5% de nos patients. Les infections
neuroméningées représentent 10% des SW symptomatiques selon Matsuo [9]. En effet, une encéphalite herpétique néonatale ou du nourrisson constitue un risque
élevé de SW, et dans notre série nous avons noté 5% des
cas de SW secondaire à une méningite. Les causes chromosomiques représentent 13% des étiologies prénatales,
le syndrome de Down étant le plus fréquent. Les erreurs
innées du métabolisme sont une cause rare de SW [2],
un cas seul d’hyperglycinémie sans cétose étant retrouvé
dans notre série. Tous les types de tumeurs du nourrisson, y compris les papillomes du plexus choroïde, associées au syndrome d’Aicardi, peuvent s’accompagner de
spasmes infantiles.
Dans le SW idiopathique, les patients sont issus
d’une grossesse et d’un accouchement normaux et ont
un développement normal avant les premiers spasmes,
incluant la préhension des objets avant l’âge de 5 mois.
Ils présentent des spasmes symétriques, une hypsarythmie symétrique avec la réapparition de l’hypsarythmie
entre les spasmes. La détérioration psychomotrice est
légère, sans perte de la poursuite oculaire. L’évolution
est caractérisée par l’arrêt des spasmes et un développement psychomoteur normal. La proportion des cas
idiopathiques varie de 5 à 10% selon les séries [1,10].
Les formes idiopathiques ont constitué 7% dans notre
série (5 cas). Dans le SW cryptogénique, l’étude des
antécédents, les données cliniques, électroencéphalographiques et neuroradiologiques ne permettent pas de déceler une lésion cérébrale. Il est nécessaire de pratiquer un
enregistrement EEG de 24 heures pour analyser correctement les salves de spasmes. En raison des progrès de
la neuroradiologie, la proportion des cas cryptogéniques
a progressivement diminué. Toutefois, entre les âges de
6 et 15 mois, les lésions dysplasiques peuvent ne pas
être décelées à cause de la phase de maturation myélinique et la répétition de l’IRM peut être nécessaire pour
découvrir de telles lésions. La proportion des cas cryptogéniques varie entre 25 et 30% [1,4], et elle est de 16%
dans notre série. La particularité de notre série est de
rapporter deux cas de SW symptomatique secondaire à
des pathologies rares : le syndrome d’Aicardi et l’hyperglycinémie sans cétose.
Le diagnostic de syndrome de West peut être méconnu
et les spasmes peuvent être pris pour des coliques ou un
reflux gastro-oesophagien, en raison des pleurs paroxystiques. Chez les enfants tétraparétiques, les spasmes
sont difficiles à distinguer des accès de décérébration.
D’autres phénomènes non spécifiques peuvent mimer
des spasmes épileptiques comme le myoclonus bénin
du nourrisson, dans lequel l’EEG est normal, l’hyperekplexia dans laquelle les secousses sont provoquées par
le tapotement du nez, le syndrome de Sandifer dû à un
reflux gastro-oesophagien, et les spasmes de sanglot [1].
L’hétérogénéité étiologique et neuro-pathologique de
cette affection génère une grande diversité de réponse
au traitement. Les principaux produits qui ont montré
un effet sur les spasmes infantiles sont les corticoïdes et
le vigabatrin (inhibiteur irréversible de l’acide gammaaminobutyrique transaminase GABA-T). Certains
patients répondent au valproate de sodium, à la lamotrigine, au topiramate, à la zonisamide, et à la pyrido-
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xine à forte dose [1]. Pour les corticoïdes, une grande
diversité des modalités de traitement a été proposée,
tant en ce qui concerne le choix du produit que la dose
et la durée. Les effets secondaires sont l’inconvénient
majeur du traitement par corticoïdes, avec une incidence
élevée pour l’ACTH de synthèse [1]. Un syndrome de
Cushing iatrogène a été noté chez un enfant qui était
sous hydrocortisone dans notre série. Le vigabatrin
(VGB) a un effet démontré en double aveugle contre le
placebo quelle que soit l’étiologie des spasmes infantiles
[11]. En première intention, le VGB en monothérapie
est plus efficace chez les patients traités avant l’âge de
trois mois (plus de 90%) que chez ceux traités plus tard
[12]. Le taux de contrôle total des spasmes avec VGB de
première intention dépend de l’étiologie : il atteint 90%
dans la maladie de Bourneville et la dysplasie corticale
focale et 70% dans les cas cryptogéniques. Les effets
secondaires sont modérés comparés à ceux des corticoïdes [1] : irritabilité, insomnie, agitation et prise de
poids. Le problème de l’amputation du champ oculaire
doit être pris en considération mais aucune amputation
symptomatique n’a été identifiée selon les données de
la littérature [1] de même que chez nos patients. Dans
notre contexte, seul 23% de nos patients ont reçu le
VGB qui a constitué le traitement de première intention dans 4% des cas en monothérapie et dans 19% des
cas en bithérapie, avec un taux de réponse à 75 %. Le
valproate de sodium (VPA) est utilisé à la dose de 20
à 40 mg/kg/j. Des études ont rapporté une amélioration
avec disparition des spasmes chez 27 à 40% des patients
sous VPA [2]. Dans notre étude, il a été utilisé chez 93%
de nos patients. Deux études contrôlées comparant corticoïdes et vigabatrin chez les patients ayant des spasmes
de toutes causes, à l’exclusion de la STB, ont montré
une meilleure réponse à court terme avec les corticoïdes
qu’avec le VGB, toutefois, le taux de rechute est plus
élevé avec les corticoïdes et la tolérance est meilleure
avec le vigabatrin [1]. Quelle que soit la stratégie thérapeutique utilisée, une réponse ne peut être considérée
comme favorable que si les spasmes et les anomalies
EEG sont tous les deux contrôlés, et il est donc important que les parents soient avertis de ces exigences dès la
première étape du traitement.
L’évolution du SW est variable selon les études mais
elles s’accordent toutes sur un mauvais pronostic avec
la survenue d’épilepsie chronique, de retard mental et
d’autres handicaps du neuro-développement. Dans notre
série, 13% des patients ont développé un syndrome de
Lennox-Gastaut. En ce qui concerne le pronostic à long
terme du syndrome de West, nos constatations à propos
de la persistance des crises sont similaires aux résultats d’Aicardi [12]. Quand au retard du développement
psychomoteur, notre série conclut, comme la majorité
des auteurs [13], que le pronostic est d’autant meilleur que le SW est idiopathique, que le diagnostic et le
traitement sont plus précoces. Les facteurs de mauvais
pronostic sont un début avant 5 mois ou après un an, une
durée prolongée des spasmes, une régression psychomotrice sévère, la présence d’un déficit neurologique ou
des anomalies focales, un retard du traitement au-delà
du premier mois, l’absence d’amélioration du développement psychomoteur sous traitement, des lésions cérébrales étendues, un périmètre crânien inférieur au 10ème
percentile au 4ème mois [14-17].
Le syndrome de West demeure une épilepsie grave,
de très mauvais pronostic. Des recherches sur le plan
thérapeutique et physiopathologique s’avèrent nécessaires pour élaborer un protocole commun de prise en
charge et améliorer le pronostic de ces enfants, leur
qualité de vie et celle de leurs parents.
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