Vigon
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Vigon
igon, de son vrai nom Abdelghafour Mouhsine, naît le 13 juillet 1945 à Rabat, au Maroc, dans une famille de dix enfants. « Alors que j’étais en classe, au lieu de dire wagon, j’ai dit vigon. Cela a amusé tous mes camarades et on m’a surnommé Vigon. C’est resté et devenu mon pseudonyme. » Contraint de quitter l’école au début de son adolescence, à quatorze ans il travaille dans le commerce d’exportation de fruits de son père puis comme coursier. Abdel fréquente la base américaine de Kenitra, à une trentaine de kilomètres de sa ville natale. Il s’y produit avec son premier orchestre, les Toubkal. « J’avais découvert des disques en provenance des Etats-Unis dans les surprise-parties. Ceux de Chuck Jackson, Little Richard, Ray Charles, Sam Cooke, Fats Domino, Jackie Wilson, Ford Snooks Eaglin (qui avait sorti « I’m Slippin’ In ») m’ont vraiment marqué. Little Richard et Ray Charles ont été mes deux premières idoles. J’avais tendance à m’identifier à eux. Très tôt, j’ai repris « Long Tall Sally », « Tutti Futti », « Good Golly Miss Molly », « Georgia On My Mind », « Hallelujah, I Love Her So » et « Worried Mind ». » Vigon apprend ses premiers mots d’anglais grâce à Ray Charles « J’étudiais les chansons phonétiquement. Je mettais les disques sur la platine à plusieurs reprises, des copains m’aidaient à retranscrire les paroles. Je ne parlais pas anglais, et à peine français. A présent, je me débrouille en anglais, espagnol, créole, français et un peu en allemand. » Il parcourt l’hebdomadaire Cinémonde consacré aux vedettes du cinéma et de la chanson. « J’allais le chercher chez le marchand de journaux pour la page sur l’actualité du Golf Drouot. Dans sa rubrique, Roger Frey donnait des tas d’échos sur ce lieu magique qui me faisait rêver, d’autant que je chantais. Me rendre un jour au Golf, rencontrer ces artistes et orchestres qui l’animaient me paraissait incontournable. » Fasciné par la scène rock parisienne, Vigon fait des économies pour venir en France. « On n’avait pas le droit de sortir plus de 200 francs du Maroc. C’était un projet audacieux. Pendant plusieurs mois, je me suis heurté à la législation selon laquelle on ne pouvait quitter notre pays sans autorisation parentale avant 18 ans. » V GOLF DROUOT C’est finalement le 7 septembre 1964 qu’il débarque à Orly, pour s’installer rue Paul Vaillant-Couturier à Montreuil, chez la chaleureuse famille Aillaud, des amis de ses parents avec lesquels il se rend tous les dimanches à la piscine de la gare de Lyon. Celle-ci est exceptionnellement fermée le 22 novembre. «En fin de compte, je ne serais peut-être jamais allé au Golf Drouot, s’il n’y avait pas eu cette fermeture. Le dimanche était sacré, donc consacré à la natation. Là, on s’est demandé ce qu’on allait faire... jusqu’à ce que je suggère à Dominique, l’un des fils Aillaud, qu’on aille à la découverte du Golf qui était ouvert le dimanche! J’avais une énorme envie de voir ce club, c’était indispensable pour moi. En pénétrant, ce fut le coup de foudre. J’ai été enthousiasmé par l’am- Venu du M a r o c , Vigon est le prince du r h y t h m ’ n ’ b l u e s français de 1965 à 1973. Ma lgré une trop c o u rt e di scograph i e , il se révèle un éblouissa n t showman, roi de s premières pa rties à l ’ O ly m pia, pilier du Golf Drouot et de l a L o c omotive, c ô t oya n t LE PETIT ANGE NOIR biance qui régnait au Golf. Ronnie Bird était sur scène. A ses côtés il y avait Richard Fontaine, qui a enregistré des disques en duo avec la future femme d’Herbert Léonard, en tant que Cédric & Cléo. » Ce 22 novembre, Henri Leproux programme Ronnie Bird avec les Stormbeats (ex-Rebelles), les Murators de Houilles et les Blue Stars de Gentilly. Vigon se faufile vers Henri et lui demande: «Est-ce que moi aussi je pourrais chanter. Monsieur Leproux, je connais votre renommée. J’ai lu dans Cinémonde que vous aviez déclaré que tout le monde pouvait passer au Golf Drouot. Alors j’aimerais le faire. Il m’a répondu que c’était d’accord, si je faisais du rock. Je l’en ai assuré, étant un admirateur de Little Richard, Fats Domino, Bill Haley et de tous les pionniers, j’avais appris leurs classiques. Henri m’a pris par la main et m’a emmené sur le tremplin. J’ai fait mes débuts avec « Long Tall Sally » suivi d’autres Le 29 mai 1965, Vigon & Les Lemons avec Michel Jonasz au Golf Drouot. 62 tous les plus grands qu’il sert avec une incroyable fougue. Jacques Barsamian, ardent supporter de Vigon tout au long de cette période, nous fait redécouvrir son palpitant itinéraire, aidé des souvenirs de l’artiste. titres de Little Richard que je connaissais parfaitement, « Good Golly Miss Molly » et « Tutti Frutti ». Après cette première prestation parisienne les choses se sont précipitées. En descendant de scène, Henri m’a dit qu’il fallait que je revienne un vendredi soir puisqu’il y avait un concours. » Henri Leproux raconte : « Un jour, Vigon est venu me voir au club. Il m’a appris qu’il était chanteur au Maroc, qu’il venait d’arriver à Paris et qu’il serait heureux de se lancer en France. Je lui ai proposé de faire un essai avec l’orchestre qui jouait, celui de Ronnie Bird, alors chouchou de la maison. Vigon a obtenu un succès retentissant si bien que plusieurs musiciens lui ont offert de l’accompagner. » Vigon revient le vendredi suivant au Golf Drouot où, sans la moindre répétition, il remporte le concours avec l’adhésion totale du public. « Pour cette deuxième virée rue Drouot où j’ai inscrit mon nom au palmarès du tremplin des amateurs, j’ai chanté avec les Murators qui connaissaient par cœur les morceaux de Little Richard que je reprenais. Alain Chamfort était aux claviers. J’ai ensuite travaillé avec les Silver Stars, après avoir répété à Colombes une dizaine de jours. Mais ils se sont dissous. » Sa victoire sur le tremplin, qui en fait la révélation de l’automne, vaut à Vigon d’être engagé, cachet à l’appui, au Golf Drouot pour les fêtes de fin d’année 1964. « Dans la petite pièce près de la scène, où était entreposé le matériel et où les musiciens se retrouvaient pour bavarder ou se reposer, j’ai rencontré, grâce à Henri, le pianiste Michel Jonasz, le guitariste Alain Goldstein, le bassiste Joël Dugrenot dit Dudu et le batteur Jeannot Padovani. Ils m’ont appris qu’ils étaient justement à la recherche d’un chanteur. En ce temps-là, pour Michel Jonasz il n’était absolument pas question de chanter. Ils m’ont parlé des marques de leur matériel auxquelles je n’entendais pas grand-chose. Avec les Lemons on a donc préparé notre tour de chant dans la salle à côté de l’église que nous prêtait le curé à Montreuil. On répétait de 18 à 22 heures, tous les jours pendant une semaine. » Le problème, c’est que chez les Aillaud, on commence à déplorer ces horaires. « C’était justifié. Cette famille vivait tout à fait normalement tandis que moi j’étais dehors jusqu’à tard le soir. J’ai très bien compris