dossier de presse La Nuit des Rois - Théâtre de Saint-Malo

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dossier de presse La Nuit des Rois - Théâtre de Saint-Malo
La Nuit des Rois
LA PRESSE
Nous gardions un souvenir enchanté de La Nuit des rois de
Shakespeare, en juin dernier, dans le cadre du Festival d'Angers, devant
la façade du château du Plessis-Macé. Repris au Théâtre Comédia, à
Paris, il se révèle un délicieux et remarquable spectacle.
Cette comédie lyrique et romantique est sans doute la plus gracieuse et
la plus achevée de celles laissées par Shakespeare. Sa liberté est
prodigieuse, on a même souvent parlé d'anarchie à propos de sa
construction : aucun souci d'unité ; un va-et-vient joyeux entre l'intrigue
amoureuse et la farce, la poésie et la bouffonnerie ; une vivacité et une
élégance d'écriture éblouissantes, dont la traduction de Jean-Michel
Déprats donne toute la mesure. On est dans un rêve d'amour d'une
immense tendresse. Les sentiments y bondissent comme des danses du
coeur, ils sont graves et fragiles, la sagesse et la folie s'y mêlent, la
douceur et l'énergie, dans des situations cocasses où tout est
surprise, méprise, caprice, malice et, en fin de compte, bonheur. Toute
la légèreté douloureuse de Shakespeare s'y donne libre cours, cette
générosité mélancolique, ce regard sans illusion sur les passions et les
jeux du coeur, et toujours cette joie irréductible, cet appétit de jouissance
qui vient apaiser les blessures de l'âme.
Cette fantaisie d'amour est inondée de jeunesse, c'est-à-dire de grâce,
de sincérité et de vitalité. La mise en scène de Nicolas Briançon est
exactement à ce diapason. Un mariage parfait de délicatesse et
d'audace. La poésie des scènes romanesques revient à Sara
Giraudeau, dont l'innocence, la fraîcheur et le charme sont merveilleux,
et à l'exquise Chloé Lambert, l'une et l'autre confrontées à l'excellent
Yannis Baraban dans un savoureux imbroglio amoureux. Quant à la
farce, que Briançon a poussée à son extrême, parfois jusqu'au délire,
dans un mouvement étourdissant, elle est assurée par un trio irrésistible,
rompu à tous les secrets du genre : Yves Pignot, Jean-Paul Bordes et
Henri Courseaux. Arié Elmaleh les accompagne d'une très jolie manière
dans le beau rôle du bouffon Feste.
On ne saurait trop louer l'unité du spectacle et la qualité de sa réalisation
- on pense au décor élégant de Pierre-Yves Leprince, à l'humour des
costumes de Michel Dussarat, à la chorégraphie de Karine Orts, à la
musique de Jean-Claude Camors. Bref, une réussite totale, une joie, un
enchantement intact.
Philippe Tesson
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La Nuit des Rois
Pour mettre en scène la brillante comédie de
Shakespeare, Nicolas Briançon dit s’être
inspiré de Lubitsch, Capra, mais aussi de
Wilde et Shaw… Humour et humeur festive
sont bien au rendez-vous, avec l’accent mis
sur la bouffonnerie et la farce quand est
déclinée et multipliée l’ombre d’un Falstaff
paillard et rubicond en kilt écossais. Ce
joyeux parti pris à l’emporte-pièce occulte
certes la poésie, le romantisme, l’ambiguïté
des sentiments mais sans trahir l’auteur. Le
dessin précis des personnages les fait
ressembler à ceux d’une BD dans les
costumes
de
Michel
Dussarat.
L’interprétation, enlevée, est excellente : Sara
Giraudeau, sûre et sensible, Chloé Lambert,
piquante, Arié Elmaleh, également musicien,
et Henri Courseaux, Yves Pignot, Jean-Paul
Bordes dont les numéros comiques sont
irrésistibles. Un spectacle tout public.
Ceux qui trouvent Shakespeare
rébarbatif changeront d'avis en allant voir
cette comédie
joyeusement
folle.
Des
histoires d'amour contrariées où l'humour a
son mot à dire. Servie par une distribution
inattendue,
notamment
Sara
Giraudeau travestie en garçon, Arié Elmaleh
en bouffon et Chloé Lambert dans la
robe d'une comtesse. Sans oublier un duo
clownesque craquant : Henri Courseaux
et Yves Pignot. Un ravissement pour les yeux
et les oreilles.
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La Nuit des Rois
God Save the Kings. Nicolas Briançon n'est pas allé chercher « minuit » à
14 heures. Sa « Nuit des rois », de Shakespeare, qu'il met en scène dans un
des temples des boulevards parisiens, le Théâtre Comédia (ex-Eldorado), est
menée tambour battant, comme un vaudeville joyeux. La pièce est brillante,
légère, traduite admirablement par Jean-Michel Déprats. Briançon colle à ses
mots, à son rythme d'enfer, la tirant presque vers Feydeau. Ce n'est pas
seulement à cause du lieu : le metteur en scène, directeur du Festival d'Anjou
(où le spectacle a été créé cet été), semble s'être amusé à marier les traditions
du « public » et du « privé » - tant dans l'esthétique du spectacle, stylisée mais
un brin clinquante, que dans le jeu des acteurs. Ainsi François Siener (Antonio,
sauveur d'un des jumeaux, héros de la pièce), semble sorti d'un « Roi Lear »
austère ; tandis qu'Emilie Cazenave (Maria, suivante machiavélique de la belle
comtesse Olivia) semble échappée d'un Labiche débridé.
« La Nuit des rois » - dont le titre évoque sans doute la douzième nuit après
Noël de 1601 où la pièce fut créée - est un savant méli-mélo comique. Les
jumeaux Viola et Sébastien sont dans un bateau. Une tempête… et les deux
tombent à l'eau, à proximité d'un pays imaginaire L'Illyrie. Chacun est sauvé de
son côté, mais croit l'autre mort. Déguisée en valet, Viola-Cesario va jouer les
entremetteurs du duc Orsino (qu'elle aime en secret) auprès de la comtesse
Olivia. Cette dernière, insensible aux avances du duc, tombe amoureuse de la
jeune travestie. Sur cet imbroglio sentimental se greffe une autre intrigue :
l'entourage de la comtesse, Maria sa suivante et de joyeux lurons portés sur la
boisson, décident de se venger de l'intendant puritain Malvolio, qui régit la place,
en le faisant passer pour fou. L'arrivée de Sébastien à la fin de la pièce va
résoudre (presque) tous les problèmes, non sans avoir provoqué de nouveaux
quiproquos.
Pour tenir le rythme imposé par Briançon, fait de brèves cassures, de gags et de
gigues, il fallait une troupe émérite. Les treize acteurs remplissent leur contrat Sara Giraudeau en tête, énergique, pétillante, claire comme de l'eau de roche,
très crédible en vrai-faux garçon (Viola-Cesario). Yves Pignot (sir Toby) JeanPaul Bordes (sir Andrew), Henri Courseaux (Malvolio) composent un trio
burlesque irrésistible. Chloé Lambert, incarne avec subtilité la belle Comtesse,
d'abord hautaine, puis délicieusement folle d'amour. Arié Elmaleh, en revanche,
est encore un peu fragile dans le rôle délicat du bouffon Feste.
Le spectacle n'est certes pas sans défaut : la lecture enthousiaste de Briançon
a tendance à gommer le mystère du texte, la drôlerie l'emportant sur la magie et
la folie. …Mais l'essentiel est sauf. Shakespeare, plus Déprast, plus Briançon :
la formule fait rire et trépigner le public des boulevards. « God save the kings ! ».
Philippe Chevilley
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La Nuit des Rois
Une impériale et joyeuse «Nuit des rois».
Coup d'envoi du 60e Festival d'Anjou avec la comédie de Shakespeare jouée
par Sara Giraudeau et Chloé Lambert. Un parfum d'herbe fraîchement coupée,
mêlée à l'humidité des pierres anciennes du château de Plessis-Macé, près
d'Angers, accueille les amateurs de spectacles en plein air. Cet exemple de
gothique flamboyant est le haut lieu du Festival d'Anjou qui a ouvert sa 60e
édition avec La Nuit des rois de Shakespeare. «Il va bien ici», observe l'écrivain
Florian Zeller venu par amitié pour Chloé Lambert, l'une des héroïnes de ce qui
est peut-être la comédie la plus aboutie du dramaturge. «En France, on a trop
longtemps intellectualisé Shakespeare, mais il est très drôle. La plus grande
difficulté, c'était d'être lisible», estime Nicolas Briançon.
À 21 h 30, en préambule, devant la façade du château, sur une simple scène
composée de planches en bois, le responsable rendra hommage aux «pères»
du Festival d'Anjou : René Rabault qui avait monté Roméo et Juliette au château
de Brissac, en 1950, Albert Camus, Jean-Claude Brialy et Francis Perrin.
Distributions de bonbons, mouchoirs en papier, cirés et polaires, l'intéressé
chasse moustiques et autres insectes volants non identifiés, avant de se
concentrer. «Je suis venue voir mon amoureux, il est accessoiriste», confie
Claire, une jeune femme brune. Virginie Ledoyen aussi : son compagnon, Arié
Elmaleh, campe le bouffon d'Olivia (Chloé Lambert, elle même soutenue
par Raphaël Enthoven). À 22 heures, un orage éclate, mais pour les besoins de
la pièce et le naufrage du navire des jumeaux, Viola (Sara Giraudeau) et
Sébastien (Thibaut Lacour), échoués en terres d'Illyrie, auxquels le destin joue
un tour facétieux. Travestie, la première devient le messager de l'amour du
comte Orsino (Yannis Baraban) pour Olivia qui lui préférera le jeune page.
La Nuit des rois (Twelfth Night) est la nuit des fous où les coeurs
déraisonnent, les sentiments s'envolent, se déguisent et où «ce qui est n'est
pas». Les chevaliers, - irrésistibles Yves Pignot et Jean-Paul Bordes - rivalisent
de pitreries tandis que les demoiselles désespèrent de trouver leur âme soeur.
Signalons encore Henri Courseaux, l'intendant d'Olivia, aux faux airs de Jacques
François, détonant avec ses jarretières croisées et ses bas jaunes.
Durant deux heures trente, sur un rythme effréné, Nicolas Briançon offre
un divertissement royal, une fête pour les sens, qui mêle allégrement la
farce loufoque et le romantisme propres à l'esprit shakespearien. Sa troupe a
droit à une standing ovation. «C'est formidable, c'est moderne !» lance Virginie
Ledoyen au metteur en scène soulagé. Chloé Lambert verse une larme, Sara
Giraudeau, sensationnelle dans un rôle double, et modeste, prend déjà la
résolution de «s'améliorer.»
Nathalie Simon
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La Nuit des Rois
Le théâtre est à la fête dans cette comédie de
Shakespeare mise en scène avec une belle
intelligence par Nicolas Briançon. Il se passe
plein de choses dans cette pièce. Shakespeare
s'est amusé à tricoter plusieurs intrigues. Il y a
celle du duc Orsino, amoureux éconduit de la belle
et riche comtesse Olivia. Orsino, magnifiquement
interprété par Yannis Baraban, vêtu d'une chemise
blanche, clame sa douleur. Olivia est incarnée
subtilement par Chloé Lambert, belle comme un
cœur. Là, nous sommes dans le drame
romantique. Il y a l'histoire des jumeaux séparés
lors d'un naufrage. La fille, Viola, prenant l'identité
d'un garçon, entre au service du duc dont elle est
amoureuse. Sara Giraudeau est parfaite dans son
rôle de jeune homme malhabile et loyal. Tout se
corse lorsqu'Olivia tombe amoureuse de celle
qu'elle prend pour un gentil homme. Là, nous
passons dans la comédie des sentiments qui
bascule dans le vaudeville quand surgit le frère
jumeau (Thibaud Lacour). Et comme souvent chez
Shakespeare, les personnages secondaires ont
une place importante et nous glissons alors dans
la farce. Dans cette pièce, nous sommes gâtés
car l'auteur ne les a pas ratés. On trouve un fou,
génial Arié Elmaleh, un bon vivant, prodigieux Yves
Pignot, un benêt, irrésistible Jean-Paul Bordes, un
dindon de la farce, incroyable Henri Courseaux, et
une comploteuse, fabuleuse Emilie Cazenave.
C'est un véritable travail de troupe où chacun a sa
place, il faut donc aussi citer François Siener,
Pierre-Alain Leleu, Aurore Stauder et Sophie
Mercier. L'interprétation des comédiens est des
plus réjouissante. Quant à la mise en scène de
Nicolas Briançon, elle est d'une élégance digne
des grandes comédies américaines. C'était son
objectif, il l'a brillamment atteint.
Marie-Céline Nivière
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La Nuit des Rois
Le théâtre est parfois simple comme une addition.
Ainsi, en subsumant le comique lunaire d’Henri
Courseaux, celui, onctueux, de Jean-Paul Bordes,
l’énergie pimpante de Sara Giraudeau et
l’incandescence amoureuse de Chloé Lambert,
Nicolas Briançon assure la réussite de cette Nuit
des Rois joyeuse et juvénile. Shakespeare l’a
conçue ainsi, farandole de saynètes tendres ou
drôles, fantaisie brodée sur une trame
coutumière : le travestissement, l’androgynie, le
trouble des sens et le chassé-croisé des désirs.
On peut regretter que l’addition ne le cède jamais
à la multiplication, qu’aucun crescendo ne vienne
entraîner la pièce vers les hauteurs. Mais on peut
aussi se régaler de chacun de ces morceaux de
bravoure et festoyer à ce buffet de théâtre.
suppl. ParisObs
Une jeune naufragée qui se déguise en homme
pour séduire le prince qu’elle convoite, et se
trouve si jolie en garçon qu’elle rend folle d’amour
la dame convoitée par le prince. Un fou aux
formules brillantes et à la voix d’or. Et quelques
compères viveurs et gaillards qui rythment le tout
de leurs bouffonneries désopilantes. « La Nuit des
rois » est la plus échevelée, la plus brillante, et la
plus aimée sans doute, des comédies de
Shakespeare. Quel bonheur de la voir ici montée
avec cette fougue, cette drôlerie. Tout est bien
dans ce spectacle généreux, la mise en scène de
Nicolas Briançon, le jeu des treize comédiens. Il
rendra joyeux les mélancoliques, émouvra les
cœurs tendres et montrera à tous le plaisir que
l’on peut prendre à goûter un grand texte, quand il
est bien servi. Courez-y !
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La Nuit des Rois
C’est la comédie des travestis. Shakespeare s’en donne à cœur joie, et Nicolas
Briançon, l’inventif metteur en scène, aussi, et Jean-Michel Desprats, le
traducteur, qui ont transposé l’action dans une Angleterre du début du XXème
siècle, quelque prt entre Lubitsch, Frank Capra ou le Billy Wilder de « Certains
l’aiment chaud ». C’est une variante hilarante sur l’amour, le désir, le mensonge,
l’ivresse, l’illusion : un tourbillon. Un bal des débutantes où l’on se tromperait
volontiers de sexe, histoire de multiplier les hypothèses.
Il suffit d’un naufrage pour amorcer les pirouettes, sur les côtes d’une Illyrie de
fantaisie qui ressemble plus à l’Ecosse du Sud avec ses robustes chevaliers aux
genoux nus sous le tartan qu’à la côte de Trieste ou d’Istrie sur l’Adriatique.
Sur ce pays règne Orsino (Yannis Baraban), au cœur sensible, qui en pince pour
la belle et riche comtesse Olivia (Chloé Lambert), laquelle ne veut rien savoir. Elle
va en échange devenir folle dingue de la naufragée Viola (Sara Giraudeau, un joli
fruit acide), qui s’est habillée en gentilhomme Cesario pour avoir la paix avec le
sexe fort. D’où pour elle des avanies à répétition à mesure que cette
« transsexuée » met son ardeur à plaider la cause de son maître ducal dont elle
est en secret éprise. A l’autre bout de l’île, son frère jumeau Sébastien (Thibaud
Lacour), qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, pose cependant le pied sur
cet aimable rivage en folie, sauvé de la fureur des flots par Antonio (François
Siener). Mais Shakespeare se le garde pour la bonne bouche.
Pour l’heure, les palais seigneuriaux sont agités par les beuveries retentissantes
de l’inénarrable Toby (Yves Pignot s’éclate), parent de la comtesse Olivia, tombé
dans un fût de pinard, et que suit comme son ombre un Matamore à l’ahurissant
béret vert, sir Andrew (Jean-Paul Bordes), plus le fort, actif et remarqué Feste,
fouffon de la même Olivia (Arié Elmaleh), champion de la vanne et du tambourin.
Entre ce trio infernal de trublions professionnels et Malvolio l’épatant (Henri
Courseaux), intendant puritain, arrogant pisse-vinaigre de la comtesse, les simples
piques virent au jeu de fléchettes empoisonnées grâce à Maria (Emilie Cazenave),
suivante de la patronne, fine mouche au dard vicieux qui, imitant l’écriture de sa
maîtresse, fait parvenir au dédaigneux majordome une pseudo-lettre d’amour où il
lui est conseillé de faire en tout point ce qu’elle exècre.
Par bonheur, le vrai Sébastien apparaît enfin, permettant à sa jumelle de vaquer à
ses amours hétérosexuelles tandis qu’il convole de son côté avec Olivia, qui s’était
éprise de sa frangine à défaut du même modèle en mâle.
Peut-être aurait-on pu gagner un bon quart d’heure du côté de l’heureuse issue de
ce texte déjà amplement coupé. Mais il y a tant de moments de jubilation dans ce
spectacle tant de trouvailles, d’insolence et de richesses qu’on se console vite de
cette faiblesse d’un instant, les moments les plus extravagants, dans les beaux
décors simplifiés à l’extrême de Pierre-Yves Leprince, demeurant ceux où
s’escriment parmi les filles à moustache les seniors poilus aux genoux dénudés.
Bernard Thomas
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La Nuit des Rois
Deux intrigues s’entrelacent dans cette pièce ainsi nommée parce que créée le
jour de l’Epiphanie. La comédie sentimentale où Viola, déguisée en garçon, se voit
chargée par le duc, dont elle est secrètement amoureuse, d’exposer pour lui sa
passion à Olivia. (Catastrophe ! Celle-ci s’éprend du messager et non de l’auteur
du message). Et puis la farce : le canular dont Malvolio est victime quand ses
ennemis jettent sous ses pas une fausse lettre d’amour d’Olivia. Déjà vaniteux de
nature, l’intendant se met à faire la roue, à se pavaner devant sa patronne qui le
croit frappé de folie. Henri Courseaux (Malvolio), Yves Pignot (sir Toby) et JeanPaul Bordes (sir Andrew, le snob froussard), à qui le kilt sied à merveille, font de
brillants numéros de clowns ; dans le genre mutin, le ton de Sara Giraudeau vaut
le minois…
Jacques Nerson
Emmenée sur un rythme échevelé par quatorze comédiens éclatants, la
célèbre pièce de Shakespeare tend, sous la baguette de Nicolas Briançon, vers la
pure comédie. Une façon de renouer avec l’esprit du maître. Une vraie réussite.
De toutes les comédies shakespeariennes, La Nuit des rois n’est pas seulement la
plus célèbre : elle est certainement la plus enlevée. Autour d’une intrigue
naviguant allégrement en pleine invraisemblance, Shakespeare déploie son
génie littéraire avec une fougue irrésistible.
Echoués sur les côtes d’Illyrie, Viola et son jumeau Sébastien ont tous les deux
survécu à la tempête qui fit chavirer leur navire. Mais, le naufrage les a séparés,
laissant chacun persuadé que son jumeau a disparu.
Désespérée par la mort de son frère, Viola trouve refuge à la cour du duc Orsino,
seigneur d’Illyrie, en se travestissant en homme. Elle devient son page et,
secrètement amoureuse de son nouveau maître, elle doit chaque jour plaider la
cause du duc auprès de la belle Olivia. Mais, refusant obstinément les avances
d’Orsino, Olivia cède aux charmes de cet étrange messager. Quand Sébastien fini
par ressurgir, son extraordinaire ressemblance avec Viola sème encore un peu
plus le trouble dans les esprits d’Illyrie.
Shakespeare décline toutes les figures emblématiques de son théâtre. La
différence tient à ce que les châteaux aux tours crénelées, les naufrages, les
guerres, les trahisons et les amours contrariées, sont ici au service du pur
divertissement. Il n’en fallait pas plus pour séduire Nicolas Briançon. Fidèle à
l’esprit du texte, le metteur en scène rend ses lettres de noblesse au genre
comique. Surtout, il embarque dans l’aventure une troupe remarquable où Sara
Giraudeau, Chloé Lambert et Arié Elmaleh s’affirment au milieu de seconds rôles
extraordinaires. La Nuit des rois ou l’expérience du théâtre total.
Charles Saacy
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La Nuit des Rois
ENTRETIEN avec Nicolas Briançon
Rappels. Il est très rare ces dernières années de voir un Shakespeare se
monter dans un théâtre privé. Comment votre choix s’est-il porté sur La Nuit
des rois ?
Le spectacle a été monté dans le cadre du Festival d’Anjou dont j’assure la
direction artistique et qui, il y a soixante ans, s’ouvrait avec un Shakespeare : La
nuit des rois était donc une façon de boucler la boucle en célébrant cet
anniversaire. Mais en fait, ça faisait longtemps que j’avais envie de me frotter à
Shakespeare et cette pièce a toujours été la comédie de lui que je préfère. C’est
assez rare, mais c’est une pièce dont j’ai su très rapidement ce que j’allais en
faire, comment je voulais la monter. En général je choisis des textes
instinctivement, sans trop savoir par quel bout je vais les prendre. Là, non, j’avais
des idées très précises de ce vers quoi le spectacle allait tendre.
Ces idées se sont elles confirmées sur le plateau pendant le travail avec les
comédiens ?
Ce sont en tout cas celles qu’on a mises en œuvre : en terme de rythme, de
transposition, de clarté du propos. Je savais ce que je voulais faire des
personnages et ce que je voulais éviter : ça a permis de gagner un temps
considérable avec les comédiens.
On verra, à l’épreuve du public, si ces idées étaient bonnes !
Au festival d’Anjou, votre mise en scène a remporté un véritable triomphe.
Redoutez-vous l’accueil parisien ?
Pas particulièrement. Parce que, entre le festival et la première parisienne, nous
avons eu plus d’un mois de travail. Mais je sais que c’est un pari risqué : quand je
cherchais une salle à Paris pour ce projet, j’en ai parlé à plusieurs directeurs qui
levaient les yeux au ciel en disant que c’était impossible. Il n’y a que Maurice
Molina (directeur du Théâtre Comedia) qui soit assez fou pour accepter une
aventure pareille. Il a été immédiatement intéressé et il a mis tout son
enthousiasme, toutes ses ambitions dans le projet. C’est un véritable passionné de
théâtre.
La troupe de cette nuit des rois est exceptionnelle, pas seulement parce
qu’elle est très nombreuse, mais parce qu’elle réunit des personnalités très
fortes…
Oui, c’est l’autre grande raison pour laquelle j’ai choisi cette pièce : j’aime travailler
avec une troupe nombreuse et je savais que La nuit des rois serait un excellent
prétexte pour rassembler une équipe extraordinaire. Une équipe qui a justement
cette inventivité que j’aime tant.
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La Nuit des Rois
J’aime les acteurs, peut-être parce que j’en suis un aussi. Je les aime même
quand ils sont chiants, même quand ils se perdent dans leurs peurs, dans leurs
angoisses idiotes. Cet amour des comédiens m’aide beaucoup dans le travail de
mise en scène : en l’occurrence, je les ai vraiment poussés à tirer le texte à eux.
Chacun d’entre eux est, pour moi, l’interprète idéal de son personnage : je le leur
ai dit immédiatement, pour les libérer. Ensuite ils ont pu s’approprier leur
personnage avec beaucoup d’invention, de liberté et de simplicité.
Cette façon de donner le pouvoir au comédien est très frappante dans votre
mise en scène. Vous laissez la part belle au jeu …
C’est un peu une tarte à la crème de dire que la simplicité est difficile à obtenir,
mais c’est vrai. Ma direction d’acteur consiste justement à chercher le geste le plus
simple et le plus proche de l’auteur : pour les comédiens c’est un travail qui
suppose une adhésion totale au texte. Avec une pièce aussi géniale et aussi
compliquée à déchiffrer que La nuit des rois, dont la langue n’est pas si facile à
manier, il est absolument nécessaire de chercher la simplicité. Pendant les
premières lectures, dans ce moment où chacun tente des choses alors que tout le
monde n’est pas encore bien accordé, j’ai vraiment eu l’impression qu’on ne
comprendrait rien ! Le besoin de simplicité était évident… Mais c’est vrai de toutes
les grandes pièces : tout ce qui, dans le jeu, est superflu est en trop !
Cette pièce joue sur plusieurs registres, depuis le drame jusqu’à la comédie
la plus débridée. Comment avez-vous trouvé l’équilibre ?
C’est ce qui est fantastique dans Shakespeare : sa liberté. Il adopte des tons
différents, il change de lieux ou d’époque avec une virtuosité étourdissante. Il a
une confiance absolue en la convention théâtrale : rien n’est vraisemblable, mais il
sait que le public va le suivre partout, dans tous ses rebondissements. Pour un
metteur en scène, c’est pareil : il suffit de se laisser guider par Shakespeare. Dans
la seconde partie, il va même très loin dans la comédie. Ça semble presque
aberrant, mais il y a quelque chose d’assez proche de Feydeau dans cette histoire
qui va trop vite pour les personnages, dans l’accumulation de quiproquo qui
s’enchaînent.
Le rythme de la pièce s’est finalement imposé assez naturellement : très vite on
s’est mis d’accord autour de l’idée de personnages embarqués dans un rythme qui
les dépasse.
David Roux
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