Congo Vision Le Nord-Kivu vit dans la crainte d`une nouvelle

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Congo Vision Le Nord-Kivu vit dans la crainte d`une nouvelle
Le Nord-Kivu vit dans la crainte d'une nouvelle rébellion
Congo Vision
Nord-Kivu, RDC, 2010-01-15 (Congo Vision) - New
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Le Nord-Kivu vit dans la crainte d'une
nouvelle rébellion
Source: Congo Vision (RDC)
Note de BR: les opinions exprimées dans
l'article ci-dessous ne sont pas nécessairement celle de BR.
22/12/2009
Ce territoire de l'est du pays vit sous le régime d'une double
administration, qui laisse deviner qu'une nouvelle guérilla se prépare à
déstabiliser la région
„Je représente une association de défense des droits de l'homme. « Les
mots glissés à l'oreille du journaliste n'auront pas de suite. Dans la
seconde, deux hommes en civil interrompent brutalement le
sexagénaire qui s'éloigne, tête basse, sous les regards d'une foule
impassible.
L'atmosphère est lourde à Bihambwe, bourg du territoire (canton) de
Masisi, au Nord-Kivu. Ici, à l'extrême est du pays, l'intégration de la
rébellion du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) au
sein de l'armée nationale n'a fait que renforcer son emprise sur cette
région connue pour la richesse de ses terres et de son sous-sol.
Ici, le pouvoir civil est toujours tenu d'une main de fer par le CNDP,
mouvement fondé en 2006 par le général tutsi congolais Laurent
Nkunda. Lorsque ce dernier fut „ lâché « par ses parrains rwandais au
début de l'année, c'est son chef d'état-major, Bosco Ntaganda, qui a
pris la suite.
Aux termes d'un accord conclu entre Kinshasa et Kigali, ce criminel
de guerre présumé, visé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale
internationale, est devenu le commandant en second de l'opération
Kimia 2, visant à combattre les rebelles hutus des Forces
démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).
Contesté par les fidèles de son ancien patron, Bosco Ntaganda a joué
jusqu'ici le jeu de l'intégration dans les Forces armées de RDC
(FARDC). Ce qui ne l'empêche pas de couver discrètement la
gestation d'un nouveau groupe rebelle, le Front pour la libération et
l'émancipation du Congo (Flec).
Afflux de milliers de réfugiés venant du Rwanda
On lui attribue les enrôlements d'adolescents ayant eu lieu ces
dernières semaines à Bihambwe ainsi que dans d'autres localités de la
région. „ Ils prennent des jeunes comme moi, de 15 à 17 ans «,
témoigne un adolescent visiblement terrifié.
De fait, on peut croiser des „ soldats « de cette tranche d'âge dans le
fief du CNDP, Mushake. „ Pour certaines familles tutsies, confier un
fils au CNDP est une sorte d'obligation morale envers ceux qui
défendent leur cause, explique un responsable de l'administration
provinciale. Les autres n'ont pas le choix, on leur donne 20 dollars et
c'est leur feuille de route. «
Le malaise est renforcé par l'afflux de milliers de réfugiés venant du
Rwanda. „ Ce sont surtout des Tutsis, dont certains étaient réfugiés en
Tanzanie, confie un membre d'une agence de l'ONU. Le transfert est
soigneusement organisé à travers des postes frontière non officiels
tenus par le CNDP. «
Mêlé à celui de dizaines de milliers de déplacés internes, ce retour
après souvent plus de quinze ans d'exil crée des tensions avec les
populations restées sur place. „ Leurs vaches ravagent nos champs, se
plaint un jeune agriculteur de Bihambwe en désignant les huttes
abritant des réfugiés, installés sur la colline surplombant son champ.
On nous promet des indemnisations, mais elles ne viennent jamais. «
Tandis que les opérations militaires font passer bon nombre des zones
minières des mains des FDLR à celles du CNDP, le territoire de
Masisi vit sous le régime de deux administrations rivales, l'une „
légaliste «, contrôlant à peine le tiers du canton, dont son chef-lieu,
l'autre dépendant du CNDP, gérée depuis Mushake, un bourg plus
proche de la capitale provinciale, Goma.
Tensions avec les troupes originelles des FARDC
S'il a rendu, au début de l'année, l'essentiel du pouvoir civil aux
autorités congolaises dans deux territoires voisins qu'il avait conquis
militairement, le CNDP en a profité pour étendre son emprise dans son
fief historique. Désormais, la quasi-totalité des officiers commandant
les troupes du Masisi sortent de ses rangs, ce qui n'est pas sans créer
des tensions avec les troupes originelles des FARDC.
Jeudi 3 décembre, un soldat tutsi issu du CNDP a ainsi refusé de se
soumettre à la police militaire à Bihambwe, alors qu'il était dépourvu
d'ordre de mission. Ayant dégoupillé une grenade, il s'est tué en même
temps qu'un des trois policiers militaires qui le contrôlaient. Un des
deux survivants a ensuite été lynché par la foule, sous les yeux
impuissants de quelques casques bleus sud-africains débordés.
Le lendemain, le commandant du bataillon de casques bleus indiens
basé à proximité et le commandant local des FARDC, un colonel issu
du CNDP, réunissent les autorités locales. Il s'agit de désamorcer la
crise, éviter qu'elle n'embrase les communautés. Les représentants des
pouvoirs locaux rivaux sont là.
„ Je suis l'administrateur adjoint du territoire de Masisi «, se présente
le responsable nommé par l'État. „ De Masisi centre «, le reprend son
rival du CNDP. „ De Masisi «, répète calmement le fonctionnaire.
C'est sous bonne escorte de la Mission de l'ONU en RDC (Monuc)
qu'il a pu se rendre à Bihambwe, qui est pourtant officiellement sous
sa juridiction.
Les discours se succèdent. „ C'était un problème purement militaire,
lance le colonel Baudouin Ngaruye. Ce n'est pas parce qu'un soldat
appartenant à telle ou telle communauté est mort que cela doit
déclencher des problèmes ethniques. Je vous présente mes
condoléances, mais je suis très mécontent de votre comportement. « „
Je présente les excuses de la population, répond un responsable du
CNDP, on ne s'est pas bien comporté. «
Enième retournement d'alliances
Puis chacun rentre chez soi, l'administrateur officiel vers l'ouest, ses
homologues du CNDP vers leur fief. Ces derniers revendiquent la „
double administration « qu'ils entretiennent, financée par des taxes
illégales exigées de tout camion de marchandises.
Selon le groupe d'experts de l'ONU sur la RDC, l'ex-rébellion en
tirerait au bas mot 250 000 dollars (160 000 €) par mois. „ C'est pour
nos blessés de guerre que le gouvernement s'était engagé à prendre en
charge, justifie Basile Kapenda Muhima, responsable adjoint de
l'administration parallèle. Nous avons montré notre bonne foi, mais le
gouvernement n'a appliqué que 20 &percnt de ses engagements. «
Cette „ double administration « aurait des allures de Clochemerle si
elle n'avait son pendant dans l'armée. Plusieurs centaines de soldats ont
déserté depuis septembre. Chacun craint, ici, que cela ne débouche,
une fois encore, sur la fondation d'une nouvelle rébellion.
D'autant plus que les troupes du CNDP récemment intégrées dans
l'armée sont largement formées de Hutus, peu motivés pour combattre
leurs „ frères « engagés dans les FDLR. Et un troisième groupe
combattant, les „ Maï-Maï «, milices autochtones, reste très actif, après
l'échec de son intégration dans l'armée au début de l'année.
Confiants dans les pouvoirs „ magiques « censés les rendre insensibles
aux balles, bien des habitants du Nord-Kivu comptent sur eux pour
tenir tête aux opérations militaires, avant un énième retournement
d'alliances qui les verrait rejoindre à nouveau l'armée
gouvernementale.
Laurent d'ERSU, à Masisi