046 / découvrir / Audi magazine

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046 / découvrir / Audi magazine
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Vitrines
de l’art
Q u ’o n t
du Diamant ?
abritent,
le summum
en commun l’Hermitage, le Louvre, le Centre Pompidou et le musée
L e s v i t r i n e s. A u s s i u n i q u e s q u e l e s g ra n d e s c o l l e c t i o n s q u ’e l l e s
elles sont fabriquées en Belgique. Reportage exclusif chez Meyvaert,
m o n d i a l d u ‘ g l a s s e n g i n e e r i n g ’. P a r T h i j s D e m e u l e m e e s t e r ( t e x t e )
Le nom Meyvaert s’inscrit en 7 langues sur la devanture. Cette petite PME gantoise aurait-elle la folie des
grandeurs ? « Pas du tout », explique Frederic Meyvaert,
gérant. « Nous restons très discrets. C’est ma première
interview, vous savez ! Cela dit, nous travaillons dans le
monde entier : de l’Australie à l’Amérique, d’Abu Dhabi à la
Tasmanie, de l’Islande à Tokyo. La liste des clients est tout
aussi impressionnante. Le Louvre, l’Hermitage à SaintPétersbourg, le Quai Branly à Paris, le Centre Pompidou,
le Rijksmuseum d’Amsterdam, le musée du Diamant à
Anvers, le Victoria & Albert Museum à Londres : les vitrines viennent de chez Meyvaert. Des vitrines aux modèles
et aux formes les plus divers, d’ailleurs. De nos jours,
la construction d’un musée contemporain débute souvent
sur la table à dessin d’un architecte célèbre. Ce dernier
cherche à poser un acte artistique en créant un concept
révolutionnaire – dans lequel les vitrines jouent un rôle.
« Quand des architectes-artistes tels que Zaha Hadid,
Santiago Calatrava, Jean Nouvel, Norman Foster ou Mario
Bellini dessinent des plans futuristes, nous devons convertir ces plans en vitrines », dit Frederic Meyvaert en hochant
la tête. « À chaque fois, un énorme défi qui exige le maximum de nous, en termes de technicité et d’ingénierie. En
même temps, nous avons le grand privilège de collaborer
avec les esprits les plus créatifs de la planète. »
Les musées du plus haut rang méritent ce qu’il y
a de mieux. Les vitrines de Meyvaert répondent par conséquent aux exigences techniques les plus strictes. « Nos
vitrines doivent avant tout être sûres. Nous utilisons >>
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du verre de haute sécurité, combiné aux systèmes d’alarme
les plus performants. La conservation importe également.
Chaque vitrine doit créer le microclimat optimal, adapté à
l’objet exposé. » C’est moins simple qu’il y paraît. Meyvaert
ne peut utiliser que des matériaux inertes sur le plan chimique. Pas question de bois, de métal ni de PVC car ils libèrent
des acides qui risquent d’attaquer les pièces de collection.
L’aspect design est également capital. « Nous concevons
toujours nos vitrines d’après les plans dessinés par les architectes. La plupart du temps, sans le savoir, ces derniers
frisent déjà les limites des possibilités techniques. »
Enfin, il y a la dimension visuelle, la principale pour
une vitrine Meyvaert : la présentation des pièces du musée.
Frederic Meyvaert traduit bien la philosophie de son entreprise : « Dans le temps, une vitrine visait avant tout un but
négatif : protéger des visiteurs et des voleurs. Nous voulons
rendre invisible cette dimension de protection et montrer à
nouveau l’objet sous son plus beau jour. Une vitrine est comme une scène de théâtre où la pièce de collection prend vie. »
La métaphore n’est pas choisie par hasard : depuis quelques
années, Meyvaert a beaucoup investi dans la mise au point
de systèmes d’éclairage high-tech uniques, qui s’inspirent
du matériel professionnel utilisé au théâtre et au cinéma.
Meyvaert fabrique des spots miniatures en fibres optiques.
En concertation avec les conservateurs, la société souligne
ainsi les détails les plus intéressants et les plus beaux des
objets exposés. « Vu que les visiteurs ne peuvent toucher
les pièces, les jeux de lumière constituent la seule manière
de rendre un musée vivant. Trop souvent, une collection de
musée paraît ennuyeuse car les objets sont éclairés par
des lampes TL. ‘De la lumière de salle de bain’, comme on
l’appelle ici avec dédain. C’est dommage, car en éclairant certains détails de manière judicieuse, les couleurs, les textures
et les formes acquièrent une autre dimension. L’œil est tout de
suite attiré par ce qui est important. En fait, nous pratiquons
le ‘vision engineering’. Nous ne vendons pas des vitrines, mais
des outils qui donnent vie à une collection. »
« D’après une enquête, on ne reste pas attentif
plus de quarante minutes dans un musée. » Frederic
Meyvaert défend sa profession avec des arguments ori-
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ginaux. « Il est donc impossible d’admirer dans les moin­
dres détails l’ensemble de la collection du Louvre, par exemple. Dans ce cas, mieux vaut montrer les points forts. La
visite d’un musée est comme un dîner dans un restaurant
trois étoiles. Tout ce qui figure sur la carte paraît délicieux.
Mais si vous mangez tout, vous aurez une indigestion.
Mieux vaut opter pour le menu du chef. Cette sélection
élaborée avec soin est, elle, tout à fait digeste. Et vous en
gardez une bonne impression. » Meyvaert ne travaille pas
que pour des musées ouverts au public. « De nombreux collectionneurs privés ne rêvent que d’ouvrir leur propre petit
musée privé. Une sorte de petit Guggenheim... Souvent,
ils possèdent d’ailleurs des œuvres d’art ou des antiquités
dignes de musées. Ils sont de plus en plus nombreux, à
l’instar de Fernand Huts de Katoen Natie, à venir frapper à
notre porte. Ils veulent exposer leur collection de manière
prestigieuse et sécurisée. »
Cela paraît difficile à croire, au vu des techniques ultramodernes et des réalisations high-tech, mais
Meyvaert est une entreprise familiale artisanale à la tradition
très ancienne. « L’entreprise a été fondée en 1826. Meyvaert
est plus vieux que la Belgique ! », dit le CEO en riant.
Meyvaert était la toute première miroiterie industrielle de
Flandres. Après la Deuxième Guerre mondiale, l’entreprise
s’est concentrée sur la fabrication du verre sur mesure pour
l’industrie du meuble. Elle a ensuite fabriqué des profilés
en aluminium, ainsi que des portes et fenêtres pour la construction. La spécialisation s’est avérée le bon choix. « Mon
grand-père voulait fermer l’atelier de travail sur mesure,
parce que cela créait plus de soucis que nos produits industriels en verre. Mon père n’était pas d’accord. La valeur
ajoutée était son credo. Il a donc opté pour la spécialisation
dans une niche très étroite. » Meyvaert est ainsi devenu la
première société à équiper toutes les grandes banques de
vitres pare-balles. Elle a également innové en matière de
verre ignifuge. « Mais c’est dans la niche des vitrines de musée, que mon père a investi à partir des années soixante,
que nous sommes allés le plus loin. Nous figurons dans le
top mondial », affirme Frederic Meyvaert. À l’heure actuelle, Meyvaert emploie 100 personnes. Après près de deux
siècles, nous formons une entreprise de projets, que nous
gérons du développement à la mise en place. « Nous ne
proposons aucune vitrine toute faite. Nous ne réalisons que
du travail sur mesure pour des clients particulièrement exigeants. Je dis parfois que nous sommes la ‘Formule 1 du
monde des musées’ : nous réalisons des sortes de prototypes, qui mènent chaque fois à des projets high-tech uniques. » Comme Materialise.MGX, l’entreprise de design de
Louvain, leader mondial en matière de ‘rapid prototyping’,
et que nous avons évoquée dans un des précédents numéros d’Audi magazine ? « Exactement. Et je vous dirais même
en primeur que, comme MGX, nous disposons d’un savoirfaire largement suffisant pour commercialiser prochainement, en parallèle, notre propre ligne de produits haut de
gamme. Il s’agira d’une collection de vitrines de pre­mière
qualité, que nous proposerons à côté du sur-mesure. »
Une entreprise qui continue à se réinventer après plus de
180 ans : Meyvaert n’a pas son pareil en Belgique.
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Meyvaert est devenu leader mondial dans la fourniture
de vitrines aux plus grands musées du monde.
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