Darfour : l`effondrement social
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Darfour : l`effondrement social
LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET LES DÉPLACEMENTS environnements, et la manière dont nous utilisons les environnements, sont élaborées socialement, économiquement et politiquement. Deuxièmement, il faut répondre aux problèmes environnementaux depuis une perspective qui comprenne à la fois la pauvreté et l’inégalité. Troisièmement, les états nationaux ne sont pas nécessairement le niveau approprié pour l’examen de ces questions. La probabilité de conflit A quel endroit les migrations provoquées par l’environnement et le conflit risquent de se produire est un peu plus facile à déterminer que si celles-ci vont se produire et à jusqu’à quel point. Le stress démographique (et la possibilité de conflit) peut être catégorisé sur une échelle allant de risque majeur (où il existe une grande prépondérance de jeunes personnes, une croissance urbaine rapide et peu de terres arables ou d’accès à l’eau potable), le risque élevé (grande prépondérance de jeunes personnes, et soit une croissance urbaine rapide, ou peu de terres arables/ accès à l’eau potable), risque mineur (peu de terres arables ou d’accès à l’eau potable), à risque néant (aucun de ces facteurs). Cette analyse identifie l’Afrique, et dans une moindre mesure, le MoyenOrient comme zones primaires de conflits potentiels et de tension grandissante due à la rapidité du taux de croissance des populations et du stress environnemental. Il existe d’autres ‘points chauds’ en Asie et dans le nord de l’Amérique du Sud. Les conflits causés par les changements environnementaux sont d’une moindre probabilité que les conflits générés par les rivalités religieuses, ethniques et autres. Cela dit, il est clair que le stress environnemental dans les pays à ‘risque élevé’ est probablement un facteur à l’accroissement du bouleversement des populations et aux conflits potentiels. Vingt-cinq pays - en Afrique, pour la majorité - ont été identifiés comme entrant dans la catégorie sous risque de conflit civil la plus élevée dans les vingt prochaines années, et cette probabilité continue de s’accroitre avec le temps. Tous ces pays ne disposent que de peu de terres arables par personne, la moitié d’entre eux ont des problèmes d’approvisionnement en eau potable et tous figurent parmi les pays les plus pauvres du monde. 23 populations déplacées ou en mouvement en quête de chances de meilleure vie dans d’autres régions. Toutefois, la plupart des conflits grefferont les conflits causés par l’environnement aux conflits de nature religieuse, ethnique ou civile. L’identification de liens simples et directs entre les migrations provoquées par l’environnement et les conflits a toujours été difficile et continue de l’être. William Clark ([email protected]. edu) est professeur au Département de Géographie de l’Université de Californie, de Los Angeles. Cet article est une version abrégée d’un article plus long du même titre préparé pour le Conseil Consultatif Allemand sur les Changements Climatiques (German Advisory Council on Global Change (WBGU), publié sous ‘Climate Change as a Security Risk’, Earthscan 2008, London and Sterling VA. Conclusion Il est possible de lier le stress environnemental au conflit, indirectement mais de manière significative. Ses impacts proviendront directement de la diminution des ressources et des conflits pour ces ressources, et des tensions créées par des Hommes armés de l’Armée du mouvement de Libération du Soudan dans la ville de Gereida, SudDarfour, Soudan, 2006. IRIN/Derk Segaar RMF31 Darfour : l’effondrement social Scott Edwards Quels dangers les changements climatiques posentils aux sociétés les plus vulnérables aux changements des conditions environnementales locales ? durant les dix dernières années. Comment les changements climatiques au Darfour ont-ils donc mené au conflit actuel ? D’après les archives historiques, les différents groupes ethniques sont en conflit au Darfour depuis très longtemps. Ces conflits sont le résultat de la compétition pour les ressources, des privations relatives et de la diminution des opportunités de subsistance en présence d’une rapide croissance de population. C’est peut-être cette histoire de conflit pour les ressources qui a mené le Secrétaire Général des Nations Unies à identifier les changements climatiques comme une des causes principales des conflits au Darfour. Les effets des changements climatiques sur les systèmes Le conflit actuel au Darfour a son analogue dans la guerre Four-Arabes de 1987, qui était une guerre de compétition pour les ressources ; tandis que la sécheresse et la famine correspondante poussaient les communautés de pasteurs, Arabes en majorité, du Darfour du Nord vers le sud en quête de pâturages plus riches, la compétition avec les Fours et autres fermiers était inévitable. Non seulement les changements climatiques forcent-ils les migrations mais ils sont aussi à même de déclencher des conflits. Cependant, la dégradation environnementale et les migrations correspondantes au naturels sont bien documentés, et les êtres humains seront inévitablement touchés. La combinaison de l’accroissement de la longueur des cycles de sécheresse et de l’expansion du Sahara vers le sud a amplifié l’effet des comportements humains sur l’environnement. L’exploitation de petites, mais nombreuses, fermes et le pacage du bétail par les groupes au Darfour ont accéléré la désertification. La dégradation environnementale au Darfour n’est pas un nouveau processus, ni même un processus qui se soit accéléré de manière significative 24 LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET LES DÉPLACEMENTS Darfour ne représentaient pas des conditions suffisantes pour un conflit. Le conflit est plutôt le résultat des pressions environnementales alliées à l’effondrement des structures sociales conçues pour atténuer les conflits traditionnels pour les ressources. Au début des années 1970, le Président soudanais Nimeiri a pris des mesures pour consolider le pouvoir à Khartoum. Il ne fait aucun doute que la désertification et la sécheresse ont modifié les mouvements de migrations des tribus de pasteurs vers de nouvelles régions. Il n’y a pas de doute non plus que les changements dans les mouvements des migrations, en combinaison avec les migrations plus permanentes des populations du Darfour du Nord en quête de terres viables pour leur subsistance, IRIN Village de Kamungo détruit, juste à l’est de la ville de Kabkabiya, Etat du NordDarfour. Le soutien à l’adaptation L’une de ces mesures a été l’abolition de l’Administration Autochtone tribale au Darfour qui avait servi de forum où les parties adverses pouvaient exprimer leurs doléances et arriver à des compromis qui atténuaient les conflits entre les tribus. Cette action a contribué à l’effondrement cataclysmique des mécanismes traditionnels de réconciliation des litiges dans la région. Vers la fin des années 1980 et le début des années 1990, la stratégie de Khartoum de diviser les groupes au Darfour a mené à une situation ingérable qui, alliée à une pénurie de ressources, et a créé une situation dans laquelle – avec une histoire d’interaction violente entre les tribus en compétition pour les ressources – il n’existait pas de mécanismes pour répondre aux disputes sous-jacentes. En 1991, la tribu Zaghawa du Darfour a plaidé auprès du Président Omar al-Bachir afin de faire face à l’effondrement de l’ordre social qui avait été nécessaire à la réduction des conflits dans la région, affirmant : “Le gouvernement de Khartoum a créé une crise majeure en se mêlant des systèmes de l’administration autochtone.” ont mené au conflit. Les milices Janjaweed ont certainement été attirées par la promesse de terres viables appartenant à ceux qu’ils forceraient à fuir. Alors que le climat continue de changer, et que les environnements locaux se dégradent à un tel point que les personnes se croient obligées de se déplacer ailleurs pour survivre, la première étape est de répondre à la nécessité sous-jacente de migrer. Les migrations dues aux changements climatiques sont moins le résultat d’un changement profond que le reflet des capacités des personnes et des communautés à s’adapter. Le déploiement de programmes conçus pour optimiser les ressources environnementales peut signifier, par exemple, la différence entre l’obligation de migrer en raison de la diminution des chutes de pluie saisonnières, et la capacité de s’adapter aux cycles à court terme rendus plus sévères par les changements climatiques. Les fournisseurs d’assistance internationale doivent travailler avec les états pour identifier les groupes sous plus grand risque de migration environnementale forcée – pas seulement ceux pour lesquels le conflit est un risque évident – et d’élaborer des programmes d’assistance et de développement à long terme qui permettraient aux populations de vivre de manière au moins consistante avec leurs niveaux de vie traditionnels sans être obligées de migrer. Tout comme les changements climatiques se produisent sur de longs cycles, une grande partie des migrations dues à la dégradation environnementale se produira lentement et de manière consistante sur de longues périodes. Celles-ci sont les situations les plus négligées, et peut-être les types les plus dangereux de migrations environnementales. Comme au Darfour, les changements climatiques associés aux changements dans les mouvements de migration menacent de mettre des populations en conflit, avec le potentiel de créer un cycle de violences et de déplacements qui pourrait facilement s’étendre, s’intensifier et exacerber les conditions environnementales locales. Il est plus facile d’intégrer des centaines de personnes déplacées à la suite de dégradations environnementales que d’en réinstaller, rapatrier ou intégrer des centaines de milliers à la suite des conflits violents créés par des réponses inadéquates aux migrations initiales. C’est la raison pour laquelle il convient aussi de prendre des précautions spéciales d’établir ces institutions locales qui permettent le dialogue et la réconciliation des litiges aux endroits où les mouvements de migration rendent ces rivalités plus probables. Il est possible de retracer les causes de la crise au Darfour non seulement à la dégradation environnementale et au manque des ressources locales, mais aussi à la dégradation sociale et au manque de mécanismes locaux de réconciliation des disputes ou à leur incapacité de traiter des migrations dues à l’environnement. Alors que les changements climatiques continuent de modifier les environnements locaux, la communauté internationale doit se préparer, non seulement, à donner les moyens aux communautés de se développer afin de s’adapter, mais aussi de donner aux communautés d’accueil les ressources politiques et sociales pour intégrer les personnes qui n’ont d’autre choix que de trouver des pâturages plus riches. Scott Edwards ([email protected]) a été Spécialiste de Pays pour le Soudan auprès d’Amnesty International, USA (www.amnestyusa.org) de 2004 à 2008. RMF31