Zona de la personne âgée
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MISE AU POINT Zona de la personne âgée Les enjeux de la vaccination Pr Benoît de Wazières* Introduction Le zona est une éruption aiguë érythémato-vésiculeuse douloureuse au niveau d’un territoire métamérique (territoire nerveux radiculaire), accompagnée éventuellement de vésicules à distance du métamère concerné (zona disséminé). Cette maladie est causée par la réactivation du virus varicelle-zona, qui survient principalement chez les personnes âgées : plus de 60 % des cas surviennent après l’âge de 45 ans (1). Le zona est donc une réactivation virale et ne peut en aucun cas se présenter sous forme d’épidémie, encore moins nosocomiale. L’ incidence du zona augmente avec l’âge et on peut donc s’attendre à une augmentation du nombre de cas de zona compte tenu du vieillissement de la population. La plupart des études montrent une incidence du zona sur la durée de vie de 28-30 %. Les complications telles que le zona ophtalmique, les surinfections bactériennes et les manifestations neurologiques, méningites, encéphalites et en particulier neuropathies post-zostériennes (NPZ) sont communes. Avec l’âge, le risque et la gravité des complications sont renforcés et accompagnés par un taux sensiblement plus élevé d’hospitalisation. Plusieurs études ont montré la prédominance des femmes à développer un zona. ÉVOLUTION *Service de Médecine interne gériatrique, hôpital Carémeau, CHRU de Nîmes Le zona est une maladie avec une phase éruptive qui peut être prolongée sur plus de quatre semaines si un traitement antiviral n’est pas instauré. Les recommandations actuelles reposent sur un diagnostic précoce associé au traitement antiviral dans les 72 premières heures. Ces mesures permettent une diminution de l’atteinte cutanée et de sa durée ainsi qu’une baisse de l’intensité douloureuse. Elles contribuent à prévenir en partie la survenue de complications, dont les NPZ. Cela Repères en Gériatrie • Septembre 2015 • vol. 17 • numéro 139 étant, le développement de douleurs post-zostériennes n’est pas enrayé par ces mesures comme le montrent les études prospectives récentes (2, 3) où la grande majorité des patients étaient traités selon ces règles. Les NPZ touchent essentiellement les plus de 50 ans et sont préoccupantes lorsqu’elles surviennent sur un terrain particulier : personne âgée polypathologique, fragile, polymédiquée. Dans ce contexte, des décompensations en cascade aggravent considérablement l’impact d’une maladie initialement locale. Les médicaments nécessaires au traitement du zona et des NPZ sont à index thérapeutique étroit et de maniement difficile. Indépendamment d’une meilleure prise en charge à la phase aiguë de la maladie, des méthodes de prévention vaccinale doivent être promues. TAUX D’INCIDENCE DU ZONA Des études portant sur les taux d’incidence du zona ont été menées en Amérique du Nord (N = 18), Europe (N = 33), Asie (N = 7), Amérique du Sud (N = 3) et au Moyen-Orient (N = 2). Le taux d’incidence du zona variait entre 3 et 5/1000 personnes-années en Amérique du Nord, en Europe et en Asie-Pacifique, d’après des 73 MISE AU POINT études prospectives, des données de dossiers médicaux électroniques ou des données administratives avec examen des dossiers médicaux. Les taux d’incidence du zona selon l’âge étaient similaires dans tous les pays, avec une forte hausse après 50 ans. Le taux d’incidence était d’environ 6-8/1 000 personnesannées à 60 ans et 8-12/1 000 personnes par an après 80 ans. Les études menées il y a plus de 20 ans aux États-Unis ont montré à l’époque des taux plus faibles par rapport aux études menées ces dernières années (4). TENDANCES DE L’INCIDENCE DU ZONA Aux États-Unis, des études menées après la mise en place de la vaccination contre la varicelle ont montré des résultats contradictoires, certaines ne montrant aucun changement dans l’incidence, mais d’autres rapportant une augmentation de l’incidence du zona, suggérant un impact potentiel de la vaccination contre la varicelle. Cependant, d’autres études ont examiné les tendances sur une plus longue période et ont constaté que les taux d’incidence ont augmenté de façon continue dans tous les groupes d’âge avant l’introduction du programme de vaccination contre la varicelle et ont continué à augmenter tout au long de l’ère post-vaccination. Ces études ont conclu que l’augmentation n’était pas due au programme de vaccination contre la varicelle. La plupart des études menées au Canada, au Royaume-Uni, en Espagne, à Taiwan et au Japon ont signalé une augmentation de 74 l’incidence du zona au cours de la dernière décennie et se produisent souvent en l’absence de programme national de vaccination contre la varicelle. tamment avec le vaccin antigrippal, un délai de quatre semaines est recommandé avant le vaccin antipneumococcique 23 valences (Pneumo 23®). Il n’y a pas de données avec les autres vaccins. TAUX D’HOSPITALISATION ASSOCIÉS AU ZONA Ce vaccin est disponible en France depuis le 15 juin 2015, au prix de 127,24 euros la dose. Il est remboursé à 30 % par l’Assurance maladie. Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) recommande cette vaccination chez les adultes âgés de 65 à 74 ans avec un schéma vaccinal d’une seule dose. Durant la première année suivant l’inscription du vaccin au calendrier vaccinal (soit jusqu’au 28 février 2017), les personnes âgées de 75 à 79 ans pourront être vaccinées dans le cadre d’un rattrapage (www.hcsp. fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine ?clefr=390). Les taux d’hospitalisation liés au zona varient largement de 2 à 25/100 000 personnes-années dans les études examinant tous les âges. La variation dans les estimations peut refléter des critères d’admission différents. Les taux d’hospitalisation augmentent fortement avec l’âge, avec la majorité des cas survenant chez les adultes de 50 ans et plus. Par exemple, aux États-Unis, des taux d’hospitalisation pour zona (confirmés avec les dossiers médicaux, diagnostic principal ou secondaire) vont de 10/100 000 chez les adultes de 60-69 ans à 65/100 000 chez les adultes ≥ 80 ans. De même, le taux d’hospitalisation avec un diagnostic principal et associé de zona varie de 13/100 000 chez les adultes de 60-64 ans à 96/100 000 chez les adultes ≥ 80 ans en Australie. Les taux variaient de 31/100 000 chez les adultes de 60-64 ans à 100/100 000 chez les adultes ≥ 80 ans en Allemagne. LE VACCIN Zostavax® est un vaccin à virus vivant atténué (souche Oka/Merck) administré en une seule dose par injection sous-cutanée. Le vaccin contient les mêmes composants que le vaccin contre la varicelle, Varivax®, mais sa concentration virale est environ 14 fois plus élevée. Il peut être administré concomi- Ce vaccin apporte une réponse au double problème des neuropathies et de la qualité de vie. L’étude SPS (5) est l’étude pivot de ce vaccin. Publiée en 2005, elle comportait une étude de phase III comprenant 38 546 hommes et femmes âgés de 60 ans et plus qui ont reçu une dose de vaccin Zostavax® (N = 19 270) ou de placebo (N = 19 276). L’efficacité sur le score de sévérité des douleurs associées au zona (SDZ) était de 61,1 % (IC 95 % : 51,1-69,1). Cette diminution était plus importante dans le groupe d’âge le plus jeune (60-69 ans), avec une efficacité de Zostavax® de 66 % sur le score de SDZ contre 55 % chez les sujets âgés de 70 ans et plus. Zostavax® a diminué de façon significative l’incidence du zona par rapport au placebo : 315 cas Repères en Gériatrie • Septembre 2015 • vol. 17 • numéro 139 Zona de la personne âgée (5,4/1 000 personnes-année) contre 642 cas (11,1/1 000 personnes-année) respectivement (p < 0,001). L’efficacité protectrice contre le zona était de 51,3 % (IC 95 % : 44,257,6). Zostavax® a réduit l’incidence du zona de 63,9 % (IC 95 % : 55,570,9) chez les sujets âgés de 60 à 69 ans et de 37,6 % (IC 95 % : 25,048,1) chez les sujets âgés de plus de 70 ans. L’efficacité dans la prévention des NPZ était de 66,5 % (IC 95 % : 47,579,2) (27 cas dans le groupe vaccin versus 80 cas dans le groupe placebo). Dans le groupe vacciné, le risque de développer des NPZ après un zona était de 8,6 % (27/135) contre 12,5 % dans le groupe placebo (80/642). Cette diminution était plus importante pour les sujets âgés de plus de 70 ans, chez qui le risque de développer des NPZ suite à un zona a été réduit à 9,8 % dans le groupe vacciné contre 18,5 % dans le groupe placebo. PERSISTANCE À COURT TERME (STPS, SHORTTERM PERSISTENCE SUBSTUDY) La STPS a été initiée pour obtenir des informations complémentaires sur la persistance de l’efficacité du vaccin et conserver un sous-groupe de sujets provenant de la Shingles Prevention Study (SPS) pour l’étude de la persistance à long terme de l’efficacité vaccinale (LTPS, Long-term Persistence Substudy). Les analyses d’efficacité vaccinale issues de la STPS sont basées sur des données recueillies essentiellement 4 à 7 ans après la vaccina- tion dans le cadre de la SPS. L’efficacité vaccinale estimée au cours de la période de suivi de la STPS a été de 39,6 % (IC 95 % : 18,255,5) pour l’incidence du zona, de 60,1 % (IC 95 % : - 9,8-86,7) pour l’incidence des NPZ et de 50,1 % (IC 95 % : 14,1-71,0) pour le score de sévérité du zona (score SDZ). PERSISTANCE À LONG TERME (LPTS, LONGTERM PERSISTENCE SUBSTUDY) Une étude de persistance à long terme (LTPS) a été entreprise pour évaluer l’efficacité du vaccin chez les sujets vaccinés de SPS suivis jusqu’à 11 ans après la vaccination (6). La détermination de cas et le suivi étaient comparables à ceux de SPS et STPS. Le groupe placebo SPS a été vacciné contre le zona avant le début du LTPS, il n’y avait donc pas de contrôles non vaccinés. Les résultats de l’étude LTPS comportent l’analyse de 6 867 sujets vaccinés dans SPS. Comparée à SPS, l’efficacité du vaccin pour le fardeau de la maladie (BOI) est passée de 61,1 % à 37,3 %, de 66,5 % à 35,4 % pour l’incidence de la névralgie post-herpétique et de 51,3 % à 21,1 % pour l’incidence du zona, et a diminué pour les 3 mesures de résultats de 7 à 11 ans après la vaccination. L’efficacité du vaccin pour le BOI du zona était significative jusqu’à 10 ans après la vaccination, alors que l’efficacité du vaccin pour incidence du zona était significative pendant seulement 8 ans. Ainsi, les estimations de l’efficacité du vaccin ont diminué au fil du temps dans la population de LTPS. L’efficacité du vaccin, bien que diminuée, reste significative pour Repères en Gériatrie • Septembre 2015 • vol. 17 • numéro 139 le fardeau de la maladie 10 ans après, elle est encore significative pour l’incidence du zona pendant 8 ans. La tolérance de ce vaccin et sa sécurité sont bonnes avec essentiellement des douleurs au niveau du point d’injection (érythème, douleur, sensibilité, œdème, prurit, éruption varicelliforme au point d’injection). Une manifestation systémique considérée comme possiblement reliée au vaccin est signalée dans 1,4 % des cas (céphalées). Les taux globaux d’hospitalisation (34 % versus 34,1 %) étaient semblables chez les deux groupes de SPS. Aucune différence n’a été notée quant à la mortalité (4,1 %). Le recul actuel depuis sa commercialisation initiale dans plusieurs pays est supérieur à 30 millions de doses vendues. Les rapports coût-efficacité des médicaments et vaccins peuvent être évalués par des études dites QALY. La méthodologie complexe permet de faire une évaluation économique du bénéfice et du coût en termes de santé publique et permet indirectement d’évaluer le prix. Cette étude a été réalisée par le Haut Conseil de la santé publique et a permis entre autres de déterminer l’âge auquel la vaccination semble optimale, c’està-dire entre 65 et 75 ans. Pour les sujets plus jeunes, entre 50 et 64 ans, plusieurs études ont prouvé l’efficacité du vaccin, mais la moindre fréquence du zona à cet âge fait perdre le bénéfice QALY de la vaccination. Après 80 ans, l’efficacité moindre du vaccin, probablement liée à l’immunodépression, a justifié un simple rattrapage jusqu’à 79 ans. À l’heure actuelle, il n’est pas recommandé de faire un rappel. 75 MISE AU POINT CONCLUSION Le zona est une maladie fréquente de la personne âgée, trop souvent banalisée. Du fait de l’augmentation de la population des personnes âgées, le nombre de zonas devrait augmenter dans les prochaines années. Un nombre important de patients présentent des neuropathies résiduelles qui altèrent fortement la qualité de vie. Les facteurs de risque sont pour certains bien identifiés (l’âge, l’ethnie…), mais pour d’autres, moins bien définis (diabète, critères composites, polypathologies…) et insuffisants, pour expliquer pourquoi certaines personnes exposées aux mêmes facteurs de risque ne feront pas de zona au cours de leur vie. Les méthodes de prévention étant limitées, seule la vaccination permettra une diminution du fardeau que représente le zona en gériatrie. Il est difficile, en dehors de l’âge, de définir une population à risque pouvant être ciblée par une vaccination sélective. Le vaccin Zostavax® est donc particulièrement intéressant pour les gériatres : son rapport coût-ef- ficacité est validé par des études QALY réalisées en France et sa tolérance sur plusieurs millions de doses vendues est bonne. Il a l’intérêt de pouvoir être administré en même temps que la vaccination antigrippale, à l’occasion d’un seul et unique rendez-vous vaccinal, ce qui offre de nombreux avantages pour nos patients. n ✖✖B. de Wazières déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. Mots-clés Zona, Personne âgée, Vaccination, Zostavax® Bibliographie 1. Brisson M, Gay NJ, Edmunds WJ, Andrews NJ. Exposure to varicella boosts immunity to herpes-zoster. Vaccine 2002 ; 20 : 2500-7. 2. Bouhassira D, Chassany O, Gaillat J et al. Patient perspective on herpes zoster and its complications : an observational prospective study in patients aged over 50 years in general practice. Pain 2012 ; 153 : 342-9. 3. Li Q, Chen N, Yang J et al. Antiviral treatment for preventing postherpetic neuralgia. Cochrane Collaboration 2013. 4. Kawai K, Gebremeskel BG, Acosta CJ. Systematic review of incidence and complications of herpes zoster : towards a global perspective. BMJ Open 2014 10 ; 4 : e004833. 5. Oxman MN, Levin MJ, Johnson GR et al. A vaccine to prevent herpes zoster and postherpetic neuralgia in older adults. N Engl J Med 2005 ; 352 : 2271-84. 6. Morrison VA, Johnson GR, Schmader KE et al. Long-term persistence of zoster vaccine efficacy. Clin Infect Dis 2015 ; 60 : 900-9. AGENDA 35ES JOURNÉES ANNUELLES DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE GÉRIATRIE ET GÉRONTOLOGIE Du 21 au 23 octobre 2015 Centre de conférence Paris Marriott Rive Gauche - Paris • SESSIONS DE DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL CONTINU (DPC) : - Prévention de la chute et de la chute grave du sujet âgé : des données scientifiques à la mise en pratique - Comment mieux soigner les patients diabétiques âgés - Plaies chroniques du sujet âgé • RENSEIGNEMENTS ET INSCRIPTIONS Société française de gériatrie et gérontologie 60, rue des Cherchevets - 92150 Suresnes Tél. : 01 41 12 87 11 [email protected] www.sfgg.fr 76 Repères en Gériatrie • Septembre 2015 • vol. 17 • numéro 139