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MOLEX, ROLEX, SED LEX.
(A titre liminaire : il convient de préciser que s’agissant d’un exercice oral, le présent texte
n’a pas été rédigé dans le dessein d’être lu, mais dans celui d’être « dit ». En outre, le présent
texte ne fait pas mention des passages improvisés.)
***
« Françaises, Français ; Belges, Belges ; mon Président - mon chien ;
monsieur l'Avocat le plus bas d'Inter, Consternante raclure du barreau de mes
deux chaises, mesdames et messieurs les Jurés ; public chéri, mon amour ! »
(1)
Ce sont par ces mots que débutaient les réquisitions de Pierre DESPROGES,
exerçant les fonctions de Ministère Public devant le Tribunal des Flagrants
Délires de FRANCE INTER, le 25 octobre 1982.
Comparaissait à cette date devant le Tribunal des Flagrants Délires, Monsieur
Jacques SEGUELA, célèbre « fils de pub » (2), prévenu pour connerie.
Décrivant la personnalité du prévenu, Monsieur le Procureur DESPROGES a
présenté Monsieur SEGUELA comme un :
« handicapé publico maniaque de type Napoléon de gouttière, minable et
incurable, confit de suffisance et bloqué dans sa mégalomanie comme un
marron dans le cul d’une dinde », ayant « élevé la merde en boîte au niveau du
cassoulet toulousain »…
Tout est dit.
Monsieur DESPROGES, en ses réquisitions, s’interrogeait déjà avec une
pertinence de visionnaire :
« Jacques Séguéla est-il un con ?
De deux choses l'une : ou bien Jacques Séguéla est un con, et ça m'étonnerait
tout de même un peu ; ou bien Jacques Séguéla n'est pas un con, et ça
m'étonnerait quand même beaucoup ! »
Vous aurez bien entendu compris que le prévenu a été jugé coupable des faits
reprochés.
Force est de constater que la condamnation n’a pas eu d’effet pédagogique.
Monsieur SEGUELA a passé sa vie à récidiver, jusqu’à l’apothéose !
Rappel des faits :
En date du 13 février 2009, à l’occasion d’une Emission de France 2 « Les 4
Vérités », Monsieur SEGUELA est interrogé :
« l'image ostentatoire du président, ce côté « Bling-bling » de Nicolas Sarkozy,
est-elle une erreur de communication ? » (3)
Réponse de Monsieur SEGUELA :
"Comment peut-on reprocher à un président d'avoir une Rolex.
Enfin... tout le monde a une Rolex.
Si à cinquante ans, on n'a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie !"
Qualification des faits :
Connerie aggravée en récidive, commise avec au moins une circonstance
aggravante résultant d’un contexte de crise mondiale.
Sanction :
Peine de ridicule, avec révocation du sursis.
Le ridicule ne tue pas.
Monsieur SEGUELA échappe donc à la peine de mort.
Hélas, les années ont passé et le Tribunal des Flagrants Délires, juridiction
d’exception, a depuis longtemps déjà fait les frais des réformes successives de la
carte judiciaire.
Aucune juridiction ne peut plus connaître de l’infraction commise.
Une chance pour Monsieur SEGUELA qui nous explique qu’une vie réussie,
c’est une vie avec une ROLEX au poignet.
Nul doute que le Tribunal des Flagrants Délires n’aurait pas hésité à condamner
à mort la Bêtise et la Crise.
Cette fichue crise, qui a touché tout le monde.
Est-ce un hasard ?
Alors que le secteur du luxe à lui aussi beaucoup souffert, ROLEX semble avoir
été épargnée.
Sans doute parce que ROLEX est une entreprise atypique, qui a réussi sa vie.
***
ROLEX.
En 1905, Wilsdorf et Davis créent à Londres une compagnie de fabrication de
montres qui devient ROLEX en 1908.
ROLEX recherche l’excellence, et y accède en délocalisant la fabrication en
Suisse, seul pays capable de réaliser des mécanismes miniaturisés et étanches,
d’une durabilité et d’une fiabilité à toutes épreuves.
ROLEX sonne le glas de la montre à gousset et amorce sans le savoir, l’ère du
« bling-bling », sous couvert de luxe.
Mais ROLEX a surtout pris soin de protéger son savoir-faire d’exception en se
mettant à l’abri de la concurrence.
En Suisse, pays à la législation bienveillante et connu pour sa neutralité, le culte
du secret ne vaut pas que pour les banques.
ROLEX, du coup, ne communique sur rien.
En effet, la législation suisse permet à ROLEX de ne laisser filtrer aucune
information relative à son bilan, à ses résultats annuels ou à la gestion de son
personnel.
Chez ROLEX, c’est véridique, on a même eu l’idée de créer un Service Presse
chargé de rappeler que ROLEX ne communique pas… avec la presse !
En outre, le capital de ROLEX est la propriété exclusive de la Fondation
Wilsdorf.
Les actions ne peuvent pas être vendues.
La société non plus.
Mais derrière cette image de luxe et cette absence de communication, quid des
salariés ROLEX ?
Chez ROLEX, les travailleurs temporaires abondent...
Selon des sources internes émanant de salariés, ROLEX emploierait environ
1200 temporaires, pour 6000 collaborateurs ; et sur le site de production, ils
dépasseraient même le quart du personnel.
Derrière l’image du luxe se cache la réalité moins reluisante de l’exploitation
des polisseuses :
« Nous avons peur de parler mais le système est toujours le même. On obtient un
contrat de six mois ou d'un an, soit par le biais d'une agence
temporaire, soit directement avec un contrat à durée déterminée» déclare Sarah,
polisseuse chez ROLEX. (4)
CONSTAT :
Pardon pour la comparaison, mais un salarié ROLEX, ça a beau travailler dans
le luxe, ça n’est guère mieux traité qu’un salarié MOLEX.
***
MOLEX, tout le monde connaît.
En 2004, l’entreprise américaine de connectique automobile MOLEX rachète la
fameuse usine de VILLEMUR-SUR-TARN, pour récupérer ses brevets et piller
son savoir faire…
MOLEX accède ainsi à une technologie qui lui faisait défaut.
En octobre 2008, le savoir faire est totalement pillé.
Le groupe annonce la fermeture de l’entreprise, qui avait engrangé 1,2 million
d’euros de bénéfices pour 2008 et 500.000,00 euros pour le premier trimestre
2009.
On parle alors de délocaliser en Slovaquie.
En janvier 2009, les sites implantés en Slovaquie et en Allemagne sont
également fermés.
La production européenne sera finalement délocalisée aux États-Unis et en
Chine.
La crise a bon dos…
Si l’on compare ROLEX à MOLEX, on se rend compte que :
ROLEX, c’est une entreprise qui a délocalisé sa production en Suisse pour y
chercher et y conserver à l’abri un savoir faire d’exception, grâce à une
législation favorable ;
MOLEX, c’est une entreprise qui a su passer outre la morale et le droit, pour
nuire aux intérêts d’autrui, en volant un savoir faire d’exception à présent
délocalisé.
Au final, pour les salariés, même combat !!! (Allez la CGT !)
On n’a pas plus de chance d’avoir une ROLEX au poignet avant 50 ans, qu’on
soit ouvrier chez MOLEX ou, comme Sarah, polisseuse chez ROLEX.
Ces gens ont raté leur vie !!!
C’est SEGUELA qui l’a dit !!!
(Ouais !!! Ben c’est c’lui qui dit qui est !!!!!!! )
« Chacun rate sa vie, à sa manière, selon ses moyens et ses convictions »
a écrit Léon AREGA… (5)
C’est ce que constate chez lui, devant sa télé, le prolo lambda, salarié MOLEX,
qui entendant cette déclaration, jette un rapide coup d’œil à son poignet nu et se
dit que quitte à rater sa vie, autant la rater avec une ROLEX au poignet…
comme l’autre con à la télé !
Le brave homme n’est pas contre l’idée de travailler plus pour gagner plus…
Gagner plus… pour acheter une ROLEX… et pouvoir réussir sa vie !
Le problème, c’est qu’il n’a plus de boulot.
Tout ça parce que des happy few américains, ROLEX au poignet, ont mis
MOLEX à l’index…
On a bien envie de le consoler ce brave homme !
Lui citer JEUNET et lui dire que « rater sa vie est un droit inaliénable » ! (6)
Pas sûr que l’argument juridique soit convaincant…
Alors, plein de fatalisme, on a envie de lui citer Frédéric Beigbeder qui a écrit :
« Quand on a raté sa vie, il faut au moins essayer de réussir sa mort. » (7)
Car DURA LEX, SED LEX, voilà la loi du genre, commune aux porteurs de
ROLEX et aux ratés majoritaires :
Nous sommes tous égaux face à la mort !
MEMENTO MORI.
Souviens-toi que tu vas mourir.
ON VA TOUS CREUVER !!!
Nul n’échappe à cette loi.
Face à cette fatalité, il est préférable de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à
moitié vide…
Surtout s’il s’agit d’un verre DURALEX.
Car bon ! ROLEX, MOLEX, SED LEX… d’accord!!!
Mais DURA LEX dans tout ça ?!
***
DURALEX est une marque déposée depuis 1945, et qui s’est hissé au rang de
marque culte dans les années 60’ / 70’.
Tout le monde connaît les verres DURALEX, en verre trempé.
Ils ont la dureté de la loi… alors que la loi, elle,
transparence d’un verre DURALEX…
n’a pas toujours la
Ah !!! Souvenez-vous !!! à la cantine ; ces petits verres « gigognes » !!!
On lisait son âge au fond du verre DURALEX !!!
Mais vous êtes-vous déjà demandé à quoi correspondaient ces nombres inscrits
au fond du verre ?!
Les verres DURALEX sont moulés.
Il existe 48 moules, numérotés donc de ?... (8)
De fait, quand on lit son âge au fond d’un verre DURALEX, on a l’assurance de
ne jamais dépasser les 48 ans !!!
DURALEX a trouvé là un fabuleux moyen d’arrêter le temps, de stopper la
ROLEX !!!
Dans un verre DURALEX, l’eau de CONTREX devient eau de jouvence !
On n’atteint jamais les 50 ans fatidiques pour constater qu’on n’a pas de
ROLEX.
On ne rate jamais sa vie.
Le slogan de la pub semble donc vrai :
« Dans les verres DURALEX, coulent les jours heureux. »
Et pourtant…
Les salariés DURALEX ont beau boire dans du verre trempé, ils n’échappent
pas aux déboires.
Il y a 30 ans de cela, la verrerie comptait 1.450 ouvriers.
En juin 2008, DURALEX a été placée en liquidation judiciaire et à ce jour, son
avenir reste dans l’expectative.
Voilà qui vous laisse perplexes.
Certains, dans un réflexe malheureux, se jètent sur leurs kleenex.
Attendez donc un peu.
ROLEX / MOLEX / DURALEX / SED LEX…
Cette abondance de X m’incite à vous parler d’une petite entreprise, qui ne
connaît pas la crise. (9)
***
Il s’agit de DUREX, leader mondial des ventes de préservatifs.
DUREX :
« DUR » pour « Durability » (la durabilité ; à quoi pensiez-vous ?) ;
« RE » pour « Reliability » (fiabilité),
« EX » pour « Excellence » ;
DURABILITE / FIABILITE / EXCELLENCE ; trois valeurs communes aux
préservatifs DUREX et aux montres ROLEX.
Réussir sa vie, même après 50 ans, consiste sans doute à savoir en jouir !
Ainsi, à défaut d’arborer ROLEX au poignet, autant savoir goûter au plaisir
simple de l’usage d’un préservatif DUREX…
Contrairement à une ROLEX, un préservatif DUREX reste à la portée… de
toutes les bourses !!!
Un préservatif donc, pour celui qui tient le barreau… (10)
Jean-Damien CAZANAVE
*
* * *
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1. Ces mots étaient ceux utilisés par Pierre DESPROGES dans la plupart de ses
réquisitions, mais n’étaient pas ceux du réquisitoire contre Monsieur SEGUELA.
Pour entendre la formule exacte :
http://www.youtube.com/watch?v=kMsfVYG2Uys
2. « Fils de Pub » - Jacques SEGUELA, 1984, éditions Flammarion.
3. Pour visionner la vidéo :
http://www.youtube.com/watch?v=DF180OJYr7M
4. « Rolex, championne du temporaire » (ou les aventures de Sarah la
Polisseuse…) :
http://virus.rsr.ch/rolex-championne-du-travail-temporaire/
5. « Le débarras » - Léon AREGA, 1967, éditions Gallimard.
6. Jean-Pierre JEUNET (et non pas Jean GENET)
Réplique du film « Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain » - 2001.
7. « Nouvelles sous ecstasy » - Frédéric Beigbeder, 1999, éditions Gallimard.
8. Réponse : de 1 à 48… (Etait-il nécessaire de vous référer à ce renvoi ?)
9. Fendant sa robe sur sa jambe, glissant sa main dans la poche de son
pantalon, pour en sortir un préservatif DUREX goût fraise.
10. Offrant le préservatif DUREX à Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des
Avocats de TOULOUSE.