La Dénonciation d`un usage
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La Dénonciation d`un usage
La Dénonciation d’un usage " Est ce que cela constitue un usage? " Question fréquemment posée par nos syndicats mais à laquelle il est parfois difficile de répondre. Le régime de l'usage n'est finalement pas si simple que cela. Issu le plus souvent d'une pratique, il est par définition non-écrit et non encadré. Il faut alors pouvoir l'identifier et savoir qu'à tout moment, il peut être dénoncé. Faisons le point sur le sujet. Qu’est-ce qu’un usage L'usage, par la pratique répétée marquant la volonté implicite de l'employeur de reconnaître ou d'attribuer certains avantages aux salariés de l'entreprise, va créer du droit de manière informelle. En effet, l'usage est généralement non écrit et non contractualisé mais la généralité, la fixité et la constance de l'avantage recon- nu au salarié va permettre de le caractériser. L’objet de l’usage est-il totalement libre ? L'usage est soumis à l'ordre public social : cela signifie qu'il est forcément plus favorable que la loi, la convention collective ou un accord d'entreprise. Il ne peut en aucun cas être moins favorable aux salariés que les dispositions d'un accord collectif d'entreprise par exemple. De plus, il doit respecter le principe d'égalité de traitement des salariés: tous les salariés placés dans une situation identique doivent pouvoir bénéficier de la même manière de l'usage. C'est pourquoi les conditions d'attribution doivent être préalablement définies et contrôlables. A partir de quel moment l’usage estil crée ? Trois conditions sont nécessaires pour que l'usage soit caractérisé: 1) La généralité: il doit concerner tout le personnel ou du moins toute une catégorie du personnel, définie objectivement; 2) La fixité: dans son montant ou son mode de détermination (exemple: prime dont le montant varie mais qui est toujours calculée de la même manière) ; 3) La constance: il doit être attribué de façon répétée et périodique. Tout acte occasionnel et discrétionnaire de l'employeur exclut l'existence de l'usage. Si un de ces critères fait défaut, l'usage ne sera pas établi. Qui doit prouver l’existence de l’usage ? I1 appartient au salarié qui invoque l'existence d'un usage d'en apporter la preuve. L’usage peut-il être remis en question ? Oui, l'employeur a la possibilité de supprimer un avantage instauré par voie d'usage au profit des salariés: on dit qu'il peut dénoncer l'usage. La décision appartient à l'employeur et il n'a en aucun cas besoin de la motiver. C’est en ce la que le régime de l'usage est très instable. Attention: le régime de la dénonciation d'un usage est totalement différent du régime de la dénonciation d'un accord collectif. Toutes les garanties apportées en cas de dénonciation d'un accord collectif ne sont pas transposables au régime de l'usage. Quelle procédure doit respecter l’employeur pour dénoncer un usage ? Pour pouvoir valablement dénoncer un usage, l'employeur doit: 1) informer individuellement les salariés de cette dénonciation. 2) respecter un délai de prévenance suffisant (la dénonciation ne doit pas être immédiate mais l'employeur doit laisser un délai raisonnale avant que l'usage ne tombe totalement) S'il ne respecte pas ces trois conditions, l'usage n'est pas valablement dénoncé et continue de s'appliquer. L'usage doit être dénoncé pour un motif licite. En effet, l'employeur ne peut pas supprimer un usage dans le but de faire échec à un mouvement de grève du personnel. Après dénonciation régu1ière, l’usage ne s’applique plus, il n'est en aucun cas intégré dans le contrat de travail. De même, la dénonciation ne peut pas être rétroactive, elle ne vaut que pour le futur. Comment les salariés sont-ils informés de la dénonciation ? L'information doit être individuelle et suffisamment précise. Une information par voie d'affichage n'est pas suffisante. La Cour de cassation vient de rappeler que.1a dénonciation doit être notifiée à tous les salariés de l'entreprise: aux salariés qui profitent de l'usage, mais également aux salariés qui sont susceptibles d'en profiter, même dans l’avenir(Cass. soc. 13octdJre 2010, no09-13.110). Il n'a pas à rappeler les conséquences de la dénonciation. En cas de comité d’établissement et de comité d’entreprise :lequel des deux doit être informé ? Cela dépend de l'usage dénoncé. S'il s'applique dans l'établissement, le comité d'établissement sera consulté. S'il concerne l'entreprise dans sa globalité (une décision de la direction généra- le par exemple), la consultation se fera auprès du comité central d'entreprise. A quoi correspond un délai de prévenance suffisant ? Un préavis suffisant doit être respecté avant que l'usage prenne fin. Cependant aucun délai n'est fixé par le code du travail ou la jurisprudence. On sait seulement qu'il doit être suffisant. En cas de litiges, il appartient au juge d'apprécier si le délai était suffisant ou non. Ce temps doit permettre de pouvoir ouvrir une négociation sur le sujet. Malheureusement rien n'impose à l'employeur d'ouvrir la négociation. Suite à la dénonciation, l’accord estil automatiquement incorporé dans le contrat de travail ? Non, il existe un principe de non-incorporation des usages dans le contrat de travail. En effet, l'usage n'a aucun pouvoir sur le contrat de travail et sa dénonciation n'apporte aucune modification. Il n'existe pas d'avantage individuel acquis en la matière. Encore une fois le régime n'est pas le même que pour la dénonciation d'un accord d'entreprise. Que se passe-t-il si un accord collectif est conclu sur le même objet que l’usage ? L'usage prend alors automatiquement fin à la condition que les deux, accord collectif et usage, portent sur le même objet. En conclusion Au sein des entreprises les usages sont nombreux et permettent aux salariés de bénéficier d'avantages supplémentaires. Mais nous venons de le voir, ils sont fragiles car facilement remis en cause. C'est pourquoi nous conseillons à nos syndicats de faire contractualiser le plus possible ces usages, par la négociation et la conclusion d'accords collectifs.