Forum québécois théologie et solidarités… Je suis prêtre catholique

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Forum québécois théologie et solidarités… Je suis prêtre catholique
Forum québécois théologie et solidarités…
Je suis prêtre catholique depuis 21 ans, et comme prêtre catholique, je porte une attention
particulière aux personnes qui sont marginalisées, ostracisées et exclues de l’Église catholique : les
femmes en général, les homosexuel(le)s, les divorcé(e)s remarié(e)s, les femmes qui ont subi un
avortement, etc… Depuis plusieurs années, dans les médias, dans les journaux, à la télé, à la radio et
dans des revues, je prends la défense de ces gens-là et je le fais au nom de ma foi chrétienne, inspirée
par l’évangile.
Étant moi-même un ex-drogué, un ex-prostitué, un blessé de la vie, devenu prêtre, je suis
sensible à toutes les formes d’exclusion que la société et l’Église ont imposé et imposent encore à ceux
et celles qui sont rejetés à cause de leur pauvreté, de leur orientation sexuelle ou de leur situation
marginale. De plus en plus, la société québécoise, devenue laïque, protège les minorités et favorise
l’égalité entre les personnes. L’Église catholique tente, par tous les moyens, de ralentir l’évolution
sociale et condamne ouvertement la politique canadienne qui a redéfini la notion de couple dans le
mariage et qui a décriminalisé l’avortement pour permettre aux femmes qui doivent malheureusement
se faire avorter, puisse le faire en toute sécurité. Le fossé qui se creuse entre la Société québécoise et
l’Église est tellement profond qu’on est en droit de se demander s’il faut s’affranchir de la religion
pour vivre la liberté, le respect et la dignité des personnes.
Aujourd’hui plus que jamais, je crois qu’il est possible de croire et d’espérer en ce début du
21è siècle. L’espérance de l’évangile a ceci de particulier : elle ébranle nos certitudes, elle défait nos
vérités et elle nous invite à la nouveauté. J’aime bien l’image que l’écrivain français Charles Péguy a
choisi pour parler de l’espérance : « La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’espérance…Voilà
ce qui m’étonne. Que ces pauvres enfants voient comme tout ça se passe et qu’ils croient que
demain ira mieux…Ça c’est étonnant et c’est bien la plus grande merveille de notre grâce ».
Parler d’espérance quand on est chrétien, c’est d’abord reconnaître que le Christ est toujours vivant
aujourd’hui, au cœur de l’Église, et qu’il prend le visage de chacun de ceux et celles qui la forment.
Parler d’espérance aujourd’hui, c’est reconnaître que Dieu continue de se révéler à travers l’histoire
d’hommes et de femmes qui, selon les époques, sont appelés à composer avec des réalités différentes
les unes des autres. Parler d’espérance aujourd’hui, c’est reconnaître que la parole de Dieu peut nous
libérer du joug et du fardeau que les religions nous ont imposés.
Peu importe le rapport qu’ils ont avec la foi ou la religion, les gens sont en attente d’une parole
de réconfort, d’une parole qui les interpelle et qui leur permet d’espérer. Puisque la parole de Dieu est
une parole vivante, il faut éviter de l’enfermer dans la forme et le contexte où elle a été initialement
proclamée. Elle doit plutôt être réinterprétée de façon éclairée afin de lui rendre tout le sens qu’elle a
encore pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui qui doivent composer avec de nouvelles réalités.
Comment parler d’espérance dans notre monde affamé de justice et assoiffé de liberté, où le
discours religieux n’a plus d’écho que la voix qui le profère, comme si la religion ne pouvait s’inscrire
dans le courant de libération qui circule un peu partout sur la planète? Comment parler d’amour et de
vérité à ceux qu’on a marginalisé au nom de la parole de Dieu? À ceux à qui on refuse la pleine
communion à cause d’un échec matrimonial? À ceux qu’on marginalise à cause de leur orientation
sexuelle? À ceux qui souffrent dans leur corps, qui n’ont plus aucune qualité de vie, mais à qui on
refuse la mort qui pourrait pourtant, dans la foi, leur permettre de retrouver leur dignité humaine? À
ceux qui ne se retrouvent pas dans l’image de l’Église qui leur est présentée? Y’a-t-il pour ceux-là une
possibilité de croire et d’espérer?
Comme prêtre catholique, j’invite aujourd’hui mon Église à l’ouverture, à la transparence, à la
tolérance, à la reconnaissance et à l’espérance. Si Christ est vivant au cœur de l’Église, dans sa
diversité, là où nous sommes et si Dieu continue de se révéler dans l’histoire humaine avec ses réalités
contemporaines et que sa parole nous libère et nous transforme, je crois opportun qu’une théologie
nouvelle puisse naître; celle-ci pourrait exprimer librement notre manière d’être et notre façon de vivre
la foi chrétienne en regard des croyants d’ici, en lien avec l’Église universelle.
Raymond Gravel ptre