I. Représenter le monde d`Ebstorf à Wordmapper A/ la mappemonde

Transcription

I. Représenter le monde d`Ebstorf à Wordmapper A/ la mappemonde
I.
Repr€senter le monde d’Ebstorf ‚ Wordmapper
A/ la mappemonde d’Ebstorf
La BNF pr€sente sur son site une animation r€alis€e ‚ partir d’une reproduction de la
mappemonde d’Ebstorf. L’objet original retrouv€ en 1830 au XIXƒ s dans le couvent des
b€n€dictines d’Ebstorf en Allemagne pr„s de Lunebourg a €t€ d€truit lors du bombardement
d’Hanovre en 1943.
C’est la plus grande mappemonde m€di€vale connue, peinte sur trente peaux de ch„vres cousues
pour une surface totale de 3,58 sur 3,56 m„tres. Sa date de cr€ation est discut€e. Son auteur serait
Gervais de Tilbury (Pr€vot d’Ebstrof en 1224-25) qui l'aurait r€alis€e vers 1239 peut-…tre dans un
but de propagande pour la croisade. Cette carte appartient ‚ un genre florissant depuis le XIIƒs
appel€ T dans l’O. Le O repr€sente l’oecoum„ne en un cercle de plus de 3,5 m de diam„tre, le T
repr€sente la croix et le corps du Christ. On voit en effet la t…te du Christ en haut de la carte, pr„s
de l'emplacement du paradis terrestre. Ses mains se retrouvent au nord et au sud de la terre,
tandis que ses pieds se trouvent en bas, ‚ l'ouest. Le Christ est en position de crucifi€. Son corps
s'identifie ‚ la surface de la terre. Il domine tous les savoirs de la carte. Il est le cr€ateur de l'infinie
diversit€ du monde. Au centre de la carte figurent J€rusalem — repr€sent€e par une enceinte
carr€e de 12 tours — et le Christ ressuscit€. Voir la carte, c'est voir le Christ, c'est m€diter sur la
cr€ation et le rachat. C'est en m…me temps …tre vu par lui, dont le visage fait face au regard du
lecteur de la carte, offert ‚ la m€ditation et ‚ la pri„re.
Dans son œuvre Otia Imperialia, (les divertissements pour un Empereur) dat€ de 1214 (apr„s
Bouvines) Gervais de Tilbury se posait en g€ographe :
ˆ Afin de donner satisfaction aux oreilles assoiff€es et aux esprits avides de connaissance par le t€moignage de la vue, nous avons ajout€ en une grande image (une
image d'ensemble) l'ordre naturel et la localisation des provinces r€parties ‚ travers les trois parties de l'orbe terrestre ; en prenant soin d'€viter que cette diversit€ des
images, que les gens appellent mappemonde, n'entra‰ne des erreurs quant ‚ la v€rit€ des lieux Š
Attardons nous juste un petit instant sur la rotondit€ : la repr€sentation de la terre dans un cercle
est le fruit d’une synth„se entre une connaissance affirm€e par Pythagore au Vƒ s, €tablie par
Eratosth„ne au IIƒ si„cle (la terre est ronde) et d’une sp€culation sur la perfection des formes
avanc€e par Platon. Les th€ologiens m€di€vaux s’accordent sur une id€e : la terre est sph€rique
(rare sont en fait ceux qui le r€futent cette id€e ‚ la suite de Lactance IIIƒs) mais l’oecoum„ne qui
n’en constitue qu’une infime partie, est un disque plat, c’est ce disque qui est repr€sent€.
Ces cartes essentiellement sp€culatives, qu'elles proviennent de la Gr„ce antique ou de l'Occident
m€di€val, peuvent se r€duire — et se r€duisent souvent — ‚ un trac€ €l€mentaire, ‚ une structure.
Ind€pendamment de leurs diff€rences, ces cartes rondes ont la m…me fonction : offrir ‚ l'œil et
graver dans la m€moire une forme simple, reproductible sans risque de d€formations au fil de la
transmission manuscrite. L'esth€tique est le reflet de la pens€e. La figure du cercle offre l'image
d'un monde clos, isol€, fini. Elle est indissociable d'un point central, pivot et nombril, que ce soit
Delphes ou J€rusalem…Le cercle invite aussi au d€coupage. Le partage du monde en trois rend
possible l'organisation de ce monde et l'apprivoisement des lointains. D'H€rodote aux r€cits de
Marco Polo, l'Asie reste le lieu privil€gi€ de l'alt€rit€, de l'€trange, du monstrueux, du fabuleux
aussi, effrayant et attirant ‚ la fois. Une des fonctions premi„res de la cartographie pourrait se
trouver dans ce souci d'int€grer les confins de la Terre dans le sch€ma visuel du monde afin de
surmonter la peur de l'inconnu.
La mappemonde d’Ebstorf pr€sente un monde subjectif et inconnu selon un mode d’explication
mythologique et t€l€ologique qui permet d’aller au paradis mais pas en Am€rique ! Si cette carte
fait de la g€ographie c’est parce qu’elle dit l’espace d’une soci€t€. Et si cette g€ographie si
€trang„re ‚ nos conception parle aux g€ographes d’aujourd’hui c’est parce qu’elle joue d€j‚ le
grand d€bat de la relation complexe entre la forme et le fond : le langage iconographique et
symbolique et le discours sont en symbiose €troite au point qu’on distingue mal lequel appelle
l’autre. Certes le contenu est premier, le discours th€ologique impose le choix d’un type de
repr€sentation mais l’existence de repr€sentations du monde en disque et la division en 3
pr€existent au christianisme et ont sans doute contribu€ ‚ la construction de cette repr€sentation.
Voila pos€s toute une s€rie de probl„mes dans lesquels la g€ographie d’aujourd’hui se
d€bat. Nous centrons notre €tude sur la question du langage : carte, sch€ma, texte seront
consid€r€s comme diff€rentes formes d’€criture de la g€ographie.
Dans cette perspective l'€criture (ici cartographique mais c’est vrai de toute forme de langage) est
le lieu m…me de la construction du sens (ce qu'ont €prouv€ tous ceux qui €crivent et r€fl€chissent
sur leur pratique d'€criture), par le choix des mots et par le choix d'une organisation du texte final
(m…me pour l'oral). L'int€r…t pour le texte associe ainsi l'int€r…t pour le mode de pens€e et l'int€r…t
pour le mode d'expression; autrement dit il nie la distinction de la forme et du fond.
B. Mercator avait-il tord ?
Nous n’allons pas faire une histoire de la cartographie (il y a des ouvrages qui le font tr„s bien et
je vous mets un texte sur la plateforme). Soulignons le tournant de la Renaissance. Selon un
m€canisme assez bien connu qui associe la n€cessit€, le changement de conception du monde et
les progr„s technique (optique, math€matique, navigation, imprimerie) une partie de la
cartographie quitte le domaine des th€ologiens pour celui des marins. L’aspect technique prend le
dessus : la pr€cision des distances (pour pr€voir la dur€e du voyage) des orientations (pour ne pas
se perdre) et des nomenclatures des cŒtes (pour savoir o• l’on arrive) deviennent les trois
fondements de ce que l’on peut nommer une ˆ g€ographie appliqu€e Š des auteurs de portulans.
La d€marche devient technique, recherche de pr€cision, la relation au r€el se fait plus exigeante (il
y va de la r€ussite des exp€ditions) : d€sormais la carte doit dire l’EXACT des distances, des
directions, des localisations : il s’agit bien d’aller en Am€rique. Un nouveau standard s’impose.
Mercator en 1569 fait entrer la cartographie dans l’„re de la proportion et de l’€chelle. On sait
comment le succ„s de sa proposition va faire que ce qui n’est qu’une convention de
repr€sentation devient peu ‚ peu en Europe et dans le monde pour quelques si„cle la r€alit€ du
monde. Bien sŽr le succ„s de la projection de Mercator est li€ ‚ celui de l’Europe, bien sŽr la carte
est un instrument de ˆ propagande Š au service de la domination europ€enne dont elle est aussi le
reflet. Cette critique est celle du second vingti„me si„cle o• la d€nonciation de l’eurocentrisme a
conduit ‚ la remise en cause de la cette repr€sentation dominante Mais si cette repr€sentation du
monde est devenue incongrue aujourd’hui (l’est-elle d’ailleurs vraiment ?) c’est bien encore sous
l’impulsion d’un changement de regard sur le monde que d’autres solutions techniques ont €t€
propos€es :
Les solutions techniques sont vari€es ; Peters (1973) oppose sa projection €quivalente (distances
justes) la projection conforme de Mercator (les angles sont justes), d’autres ont propos€ des
projections azimutales ( Lambert 1772) des d€coupages du fond au niveau des oc€ans (Cahill
1909, Goode 1926 Fuller 1946). Toutes solutions o• la forme id€ale est recherch€e.
L’informatique a permis de faire varier toutes les donn€es et d’obtenir des solutions o•
l’esth€tique est d€sormais affich€e (Watermann 1996) comme les cartogrammes du site
Wordmapper.
La grande diff€rence avec la carte d’Ebstorf c’est que la subjectivit€ est ‚ pr€sent totalement
assum€e, revendiqu€e. La forme est au service du fond et le fond (de carte) au service de la forme
(de la terre). La carte cherche ‚ quitter l’illusion de l’effet de r€el que soulignait avec ironie Mark
Twain :ˆ l’Illinois est vert, l’Indiana est rose… c’est vrai je l’ai vu sur la carte Š 1884, Les aventures
d’Huckelbery Finn.
Faisons le point :
Comme tout langage la cartographie repose sur des conventions, comme pour tout langage ces
conventions sont en grande partie le fait des soci€t€s qui les ont €tablies de fa•on plus ou moins
consciente et les g€ographes sont ballott€s entre une s€rie d’illusions et de tentations :
l’illusion de la transparence du langage (faire comme si les choix et les conventions
€taient naturels)
l’illusion de l’effet du r€el (faire comme si la carte montre la r€alit€)
la tentation de l’esth€tique (privil€gier la forme)
la tentation du jargon (construire un langage sp€cifique ‚ chaque objet d’€tude).
Ces tensions sont l’expression des contradictions entre les trois fonctions des cartes (Bavoux)
r€ponse ‚ une utilit€ sociale imm€diate (explorer, naviguer, voyager, €changer, faire la
guerre, am€nager)
expression d’un savoir (conserver un savoir sur les lieux qui changent, apporter un
savoir actualiser ; d€terminer des ˆ lois Š d’organisation et d’€volution de l’espace des soci€t€s)
support de r…ve (projection des imaginaires, construction d’utopies et de projets,
roman, publicit€, d€sirs d’avenirs…)
II. Question d’€chelles ?
De quoi parlent les g€ographes quand ils parlent d’€chelle ?
C. Grataloup : ˆ L'€chelle est d'abord un objet form€ de deux montants r€unis r€guli„rement par
des barreaux pour se d€placer dans le sens de la hauteur Š.
Echelle a un sens technique ˆ instrument de mesure gradu€ d’une r€alit€ concr„te ou abstraite Š
(€chelle de Beaufort, €chelle de Richter, €chelle de Saffir-Sympson, €chelle de Mohs, €chelle des
risques, des salaires, des retraites…).
ou €chelle cartographique qui d€signe un rapport de similitude constant entre les dimensions sur
le terrain et celles sur la carte. Cet usage m€taphorique d€coule de l'€criture de ce rapport ‚ partir
du XVIIƒ si„cle sur les cartes marines, sous forme d'une ligne gradu€e ou €chelle graphique. Ce
rapport s'exprime €galement sous forme de fraction : l'€chelle num€rique. Or comme une
fraction est d'autant plus petite que le d€nominateur est grand, il en d€coule qu'une carte
repr€sentant de grands espaces sur une surface r€duite est ‚ petite €chelle. Cette rigueur
math€matique va ‚ l'encontre de l'usage courant des indications de taille (grande, moyenne, petite
€chelle) concernant ce qui est repr€sent€, comme pour les €chelles de sons (diatonique,
chromatique, harmonique), de salaires, de valeurs, etc.
Enfin pour les g€ographes, dans un second sens m€taphorique, non cartographique, l'image de
l'€chelle €voque une succession de niveaux qui ont sens par rapport ‚ une probl€matique
particuli„re. A l'image d'une arm€e organis€e en unit€s hi€rarchis€es, l'organisation scalaire se
compose d'€chelons pertinents, certains en embo‰tant d'autres plus petits, tout en €tant euxm…mes €ventuellement des sous-ensembles de niveaux sup€rieurs. La g€ographie consid€r€e
comme l’€tude des relations entre la soci€t€ et l’espace pose donc la question du choix de
l’€chelle: ˆ ‚ quelle €chelle l’€tude de la soci€t€ est-elle pertinente ? Š dans quel territoire ? La
r€ponse ‚ cette question n’est pas fixe ! De l‚ ‚ parler d’instabilit€… Le sujet propose en effet
d’interroger la ˆ stabilit€ Š des €chelles des g€ographes. Le terme offre plusieurs m€taphores
possibles notamment celle qui questionne la d€finition m…me du terme €chelle d€finition peu
stable dans le temps et dans la diversit€ des acceptions possibles (on vient de le voir), celle qui
questionne l’appropriation de la notion par les g€ographes (le raisonnement scalaire est-il la
sp€cificit€ de la g€ographie ?), ou encore celle qui questionne le choix de l’€chelle par les
g€ographes.
Nous partirons d’une de ces m€taphores qui opposerait €chelle stable parce unique et fixe ‚
€chelle instable parce que multiple et mobile afin d’examiner l’int€r…t de ces deux conceptions de
la notion d’€chelle pour l’analyse g€ographique et pour la production cartographique.
A/ la stabilit€ de l’€chelle fixe
1) la cartographie a besoin d’une €chelle fixe
Partons de l’€chelle du cartographe : la repr€sentation des r€alit€s spatiale a longtemps impos€
l’€chelle fixe, c'est le principe UNE CARTE = UNE ECHELLE. Ce principe permet de d€crire
les relations spatiales ‚ un certain niveau de pr€cision. Il s’agit donc comme le sugg€rait Lucien
Gallois de d€terminer le bon niveau. ˆ Le choix des divisions qu’il convient d’adopter dans l’€tude
des diff€rentes r€gions du globe d€pend de la conception m…me qu’on a de la g€ographie. Š
(Gallois, 1908, p. 1) et il ne reste plus alors qu’‚ rendre compte, qu’‚ d€crire ce que l’on voit. On
pourrait ramener la conception de Lucien Gallois et des g€ographes ˆ classique Š ‚ une formule :
Choisir le bon barreau de l’€chelle pour voir ce que l’on veut voir.
Du coup le travail du cartographe est un travail de r€duction : ‚ partir de la mesure sur le terrain,
il applique la proportion et ˆ miniaturise Š l’objet ‚ repr€senter par le choix d’un symbole
normalis€ correspondant au niveau de ˆ grossissement Š. Ces symboles normalis€s conservent
d’ailleurs un lien plus ou moins direct de ressemblance avec l’objet qu’ils d€signent. Cette
op€ration de r€duction s’accompagne in€vitablement d’une ˆ simplification des d€tails Š et d’un
choix qui fait que la carte n’est en aucun cas une repr€sentation en r€duction du r€el. Certains
€l€ments deviennent ˆ visibles Š ou ˆ invisibles Š en fonction du zoom.
Dans cette conception l’€chelle ne bouge pas, ce qui change c’est l’€chelon : le barreau de l’€chelle
sur lequel se situe l’observateur. Pour rendre les choses lisibles, comparables, l’€cartement entre
les barreaux a €t€ normalis€ : ex les cartes de l’IGN (doc 2 et 3). Les seuils des cartes ainsi
normalis€s ont eu tendance ‚ imposer leur niveau de lecture conventionnel ‚ l’utilisateur
(militaire : 1/80 000puis 1/50 000, touriste automobile 1/200 000 randonneur 1/25 000).
- Cette €chelle l‚ est une convention arithm€tique qui ne tient pas compte des divisions du
territoire que les hommes ont d€finies. Ainsi le d€coupage de la France de la carte au 1/50 000
est indiff€rent au semis urbain (une ville peut …tre coup€e en 2), aux limites administratives (les
communes, les d€partements sont ˆ ‚ cheval Š sur plusieurs cartes. L’IGN pour r€soudre ce
probl„me a d’ailleurs con•u des d€coupages diff€rents : le travelling est pr€f€r€ au zoom.
2) l’emboitement des €chelles, le ˆ territoire matriochka Š
D’un autre cŒt€ la g€ographie ˆ classique Š s’est structur€e ‚ partir de la description r€gionale qui
fonctionne avec un €chelonnage non arithm€tique mais qui d€pend des divisions culturelles de
l’embo‰tement des territoires le monde, le continent, l’Etat (la France), la r€gion, le terroir. Toute
la g€ographie r€gionale fran•aise de l’€cole classique a repris cet €chelonnement qui, associ€ au
ˆ plan ‚ tiroir Š a permis un travail d’inventaire et de comparaison d’une grande richesse (cf l’atlas
g€ographique de la France d€j‚ €tudi€). Ainsi l’€chelonnement identique devait permettre la
comparaison ou au moins la familiarit€ avec un territoire dont la d€composition pouvait sembler
immuable.
- la fixit€ de l’€chelle offrait un avantage de plus : elle offrait un cadre spatial stable aux
constructions identitaires (le village, la ville, la ˆ r€gion Š, ˆ l’Etat-nation Š dans ses fronti„res
ˆ naturelles Š).
3) les d€fauts de l’€chelle fixe Plusieurs reproches cependant sont faits ‚ cette €chelle fixe. Dans le
d€coupage de la g€ographie r€gionale, l’€cartement entre les barreaux de l’€chelle n’est pas
r€gulier, la dimension des territoires (pays, r€gion, €tat, continent) peut-…tre tr„s variable ce qui
rend la comparaison tr„s al€atoire, voire impossible. Par ailleurs, le caract„re ˆ immuable Š des
€chelons est d€menti par l’€volution de la soci€t€. Le passage d’une soci€t€ rurale ‚ une soci€t€
urbaine fait bouger l’incr€mentation et rend obsol„te le d€coupage classique. Cet emboitement
spatial n’est cependant pas si stable que cela. Avec le temps et les €volutions des soci€t€s certains
€chelons apparaissent : Europe, pays (document 1) tandis que d’autres perdent une partie de leur
pertinence. Le doc 2 montre la variation de la signification des €chelles sur la longue dur€e.
Quoique Vidal ait pris en compte l’€chelon mondial (doc 1) ses successeurs l’ont n€glig€ comme
ils sont n€glig€ les relations entre les €l€ments. Par ailleurs, ils ont fait comme s’il n’y avait rien
entre les barreaux de l’€chelle.
B/ Quand l’€chelle bouge
1) des €chelles instables aux approches multiscalaires
Du cŒt€ des contenus la remise en cause de l’€chelle fixe vient (assez paradoxalement peut-…tre)
de la g€omorphologie ! Jean Tricart (doc 3) ˆ invente Š les €chelles temporo-spatiales. Il d€montre
que ˆ lorsque change l’€chelle il n’y a pas que la taille qui change Š. Ce qui change c’est la
probl€matique. Le g€omorphologue en vient donc ‚ utiliser une €chelle mobile pour mobiliser
diff€rents niveaux d’explication et de description.
- Dans un autre domaine, non repr€sent€ dans le dossier, Yves Lacoste propose une analyse
g€opolitique qui fait varier les ordres de grandeurs qu’il propose de sch€matis€ dans ce qu’il
nomme un ˆ diatope Š. La pr€occupation est parall„le ‚ celle de Tricart : faire des zooms (avant et
arri„re) pour changer de probl„matique.
- Lacoste, seul g€ographe lu par les profs d’histoire, inspire largement les orientations des
programmes de coll„ge et de lyc€e vers la mobilisation d’une approche multiscalaire, vers le
changement d’€chelle sens€ permettre de rendre compte de la complexit€ des faits de soci€t€. Les
exemples sont nombreux des utilisations des changements d’€chelle. Souvent cependant il
correspondent en fait ‚ un classique embo‰tement des €chelles (continent-r€gion-ville) plus qu’‚
une approche de variation des probl€matiques et d’observation des effets du changement
d’€chelle en terme de rapport ‚ l’espace ou de choix politique (le programme de seconde est le
seul ‚ aborder les questions de cette fa•on).
1) la cartographie peut-elle se passer d’€chelle fixe ?
Les propositions de Tricart et de Lacoste ont un point commun : si elles proposent de rendre
l’€chelle mobile, c’est en fixant les barreaux. Les deux propositions d€bouchent en effet sur une
incr€mentation d€cimale qui facilite la cartographie.
- l’irruption d’internet, des SIG et des logiciels de type google earth s’attaque ‚ la fixit€ des
€chelles par une autre face. (doc 4). Avec ces logiciels les barreaux disparaissent au profit de
l’€talonnage int€gral (ne devrait-on pas plutŒt dire ˆ continu Š ?). L’€chelonnage int€gral lib„re
l’observateur de la question des seuils impos€ par le choix du cartographe mais le laisse d€muni
quand au probl„me de l’arr…t sur image (zoom). Ces outils renvoient par ailleurs la repr€sentation
‚ l’id€e de pr€cision du d€tail en fournissant une information brute que le g€ographe doit
interpr€ter ‚ nouveau : ce que Poncet appelle le double choix de l’€chelle int€grale et de
l’€chelonnage libre. Cela ouvre des horizons nouveaux, cela modifie le rapport du cartographe ‚
l’utilisateur de carte (le randonneur bien €quip€ n’a plus besoin de carte au 1/25 000 ni de la
m€diation d’un cartographe, un bon GPS, le militaire s’en est affranchi €galement). Du coup la
cartographie perd une grande partie de sa fonction de repr€sentation du monde pour s’en tenir ‚
celle d’explication, d’interpr€tation.
- la chor„matique peut …tre consid€r€e comme une r€ponse ‚ cette nouvelle donne
cartographique. Elle se situe r€solument du cŒt€ de l’interpr€tation. A sa fa•on elle remet en
cause l’€chelle fixe, l’€chelle unique pour la carte. Ne serait-ce que parce que le chor„me s’affiche
comme autre chose qu’une repr€sentation en r€duction de l’objet qu’il d€signe. Le chor„me
signifie un concept plus qu’un objet. Par ailleurs la proportionnalit€ des chor„mes avec les
portions de territoires qu’ils d€signent n’est pas d€finie arithm€tiquement. Cela a certainement
contribu€ d’ailleurs ‚ son succ„s aupr„s des enseignants. Encore que le mot ˆ chor„me Š
n’apparaisse jamais dans les textes des programmes ou de leurs accompagnements !
- Dans ce domaine on constate d’ailleurs que le monopole de l’€chelle fixe n’aura €t€ qu’un
moment relativement bref de l’histoire de la cartographie !
C/ pourquoi faire bouger les €chelles
Le changement d’€chelle est devenu l’alpha (scalaire) et l’om€ga (scolaire) de la g€ographie.
Pour paraphrase Lacoste on pourrait affirmer que le changement d’€chelle a d’abord servi ‚ faire
la guerre : changer d’€chelle c’est passer de la strat€gie d’ensemble ‚ la tactique sp€cifique tant au
niveau militaire, qu’€conomique ou politique. Le changement d’€chelle sert aussi ‚ am€nager le
territoire ‚ organiser la d€cision politique et la d€mocratie (locale, participative, repr€sentative…).
Et d’un point de vue plus g€n€ral, changer d’€chelle permet de comprendre le monde en sortant
de la singularit€ de l’exp€rience particuli„re. Ainsi pour les g€ographes n€o-positivistes (Brunet) le
changement d’€chelle vise ‚ d€gager les lois de l’espace valables quelque soit le niveau scalaire.
Pour Christian Grataloup le changement d’€chelle permet d’identifier les conflits de logiques
spatiales et temporelles qui ˆ font l’histoire Š.
Au coll„ge et au lyc€e enfin le changement d’€chelle est ce qui autorise ‚ sortir de sa propre
exp€rience pour aller vers le monde… et vice-versa.
On peut voir le d€clin de l’€chelle fixe et l’av„nement des €chelles mobiles comme une €volution
de la g€ographie vers la prise en compte du complexe, de la syst€mique. Le passage de
l’embo‰tement des €chelles ‚ l’€tude des jeux d’€chelles comme le passage d’une g€ographie avant
tout soucieuse de d€crire, de faire l’inventaire du monde ‚ une g€ographie avant tout soucieuse
d’expliquer et d’agir. Mais on peut aussi y voir le d€clin d’une g€ographie soucieuse des rep„res
spatiaux identitaires stable ‚ une g€ographie conceptuelle qui n€glige les hommes.
III.L’€criture de la g€ographie
A/ R€cit et description sont dans un bateau
On en trouve depuis l'Antiquit€ (l'Odyss€e !) jusque nos jours. Ils se teintent volontiers
d'exotisme, voire d'aventures Mac Carry). Mais le r€cit de voyage peut …tre aussi une forme
d'enqu…te (Garnier). Les r€cits de voyage sont comme leur nom l'indique des r€cits. Les p€rip€ties
du voyage y sont imbriqu€es aux €tapes et aux lieux fr€quent€s.. Le r€cit impose un ordre
ˆ naturel Š ‚ la description des lieux, l’ordre du voyage : remonter le Yang Ts€ Kiang ou suivre la
route de la soie… Quand le visiteur devient g€ographe il raconte ce qu’il a vu et sa pr€sence sur
place fait preuve. Le lecteur ˆ voit Š par les yeux du voyageur. Le fil lin€aire du r€cit g€ographique
est donc interrompu par la description des lieux. Qui vient ˆ naturellement Š ‚ l’occasion des
pauses, des €tapes du voyage. Ainsi le r€cit sert de fil directeur d’authentification et il fait
ˆ intrigue Š (au sens o• l’on attend la suite) tandis que la description sert de discours savant.
L’ensemble donne un puissant effet de r€el encore renforc€ par l’identification possible ‚ l’auteur
– aventurier. Le r€cit est la forme dominante du reportage g€ographique : il €tait le fruit de
militaires, d’administrateurs ou de m€decins coloniaux hier, de journalistes et de touristes
bloggers aujourd’hui: Ce sont d’ailleurs souvent les ˆ non professionnels Š qui d€fendent cette
forme de texte g€ographique, Lucien Febvre, contre les g€ographes de cabinet, en appelait ‚ une
ˆ g€ographie de plein vent Š. Le r€cit appara‰t donc comme une g€ographie d’amateurs dont les
g€ographes ont eu tendance ‚ se d€marquer pour exister en tant que professionnels. Sur le plan
de l’€criture le r€cit est d€valoris€ au profit de la description (Brunhes). Le r€cit est consid€r€ au
d€but du XXƒ si„cle comme l’oppos€ du discours scientifique sa subjectivit€, son caract„re
r€solument idiographique le fond rejeter tant par les scientistes de la premi„re moiti€ du si„cle
(Simiand) que par les structuralistes et marxiste de la seconde moiti€ du si„cle (Bourdieu). Les
g€ographes entretiennent avec le r€cit une relation tr„s ambigu‘. Le texte de la g€ographie se
d€marque du r€cit de voyage par l’importance qu’il accorde ‚ la description statique. Au d€but du
XXƒ si„cle, Jean Brunhes fondateur d’une ˆ g€ographie humaine Š descriptive et comparative est
un excellent exemple de cette contradiction. Grand voyageur, financ€ par le m€c„ne Albert Kahn
pour constituer les ˆ Archives de la plan„te Š il privil€gie la photographie et la description.
Cependant celle-ci s’ordonne d’une certaine fa•on comme un r€cit : la description de
Rocamadour est construite comme un zoom avant, le lecteur suit le sens d’une d€couverte du lieu
par un voyageur qui arriverait de la rivi„re d€couvrirait la falaise jusqu’au pied du ch’teau auquel il
acc„derait par la rue en €pingle ‚ cheveux et les escaliers. La m…me analyse de la description
comme un r€cit peut …tre men€e ‚ partir du texte de Vidal de la Blache sur le m…me lieu : ici aussi
le texte est construit comme un r€cit. Celui de l’arriv€ de l’homme : tel un d€miurge il fait surgir
successivement le relief, la rivi„re, la v€g€tation et enfin l’homme primitif. Ce mod„le descriptif
domin€ par le r€cit se retrouve de fa•on syst€matique dans les textes de la g€ographie r€gionale
de l’€cole fran•aise : dans le plan en zoom et parcours de la g€ographie r€gionale, dans les r€cits
des origines que sont les textes des g€omorphologues qui racontent la construction des formes du
relief terrestre avec ses €v„nements paroxystiques (orogen„se) et ses €volutions lentes (€rosion).
Dans ce type de texte les €l€ments naturels deviennent des ˆ quasi-personnages Š (ex : de
Martonne, Deruau).
La description est un genre qui n'est pas propre ‚ la g€ographie mais qui en est tout ‚ fait
caract€ristique : pas de g€ographie sans description ; A. Cholley : "la g€ographie est la description
rationnelle de la terre" (1942). Il y a des formes sp€cifiques de la description en g€ographie. La
description est initialement li€e au raisonnement empirique : au d€but €tait la description, cens€e
permettre l'interpr€tation et l'explication parce que fond€e sur un inventaire du r€el. Il s'agit avant
tout de rendre compte du r€el de la fa•on la plus pr€cise, la plus minutieuse, la plus exacte : ce qui
permet de mettre en €vidence au mieux des formes et les fonctions des diverses r€gions et surtout
de mettre en €vidence leurs singularit€s (g€ographie idiographique) prendre un texte L'id€e sousjacente est que le r€el est accessible, directement saisissable, moyennant attention et intelligence.
La bonne description classique est transparente : elle doit permettre au lecteur de "voir" ce sur
quoi €crit l'auteur. Deux objets de la g€ographie classique appellent la description : le paysage et la
r€gion ; mais on peut parler aussi de description des lieux. La description porte sur les
apparences, les aspects visibles : elle suppose que ceux-ci soient importants pour la r€flexion
g€ographique. La description doit …tre exacte et pr€cise – d'o• l'importance du vocabulaire, c'est‚-dire de cat€gories d€finies (habitat dispers€, vignoble, enclavement...) – mais aussi suffisamment
expressive pour en quelque sorte figurer le r€el. Vidal de la Blache mettait d€j‚ en garde en 1905
contre les descriptions faites dans un langage vague et incertain, qui ne peuvent …tre utiles aux
g€ographes1. La description double ici la carte, mais l'enrichit en soulignant €ventuellement des
relations (texte de Martonne) La description permet aussi de rendre compte des sons, des odeurs,
les personnes en mouvement, isol€es ou en foule, les sc„nes qui semblent significatives... En
outre comme la carte elle fixe les donn€es, permet de s'y reporter ult€rieurement, et de m€moriser
ainsi des donn€es plus nombreuses et localis€es (rŒle du carnet de terrain o• on fait aussi des
dessins, des croquis, des sch€mas..., et €videmment des photos- Vidal de la Blache, Brunhes).
Les g€ographes vidaliens font comme si la description €tait objective et seulement li€e ‚ une
observation attentive ; ils effacent l'observateur, et d€crivent le monde comme s'il se donnait ‚
voir sans m€diation, ni de l'oeil (sauf pour dire ce que chacun peut voir) ni du langage. C'est
€videmment une illusion : la description suppose une observation entra‰n€e et
professionnellement orient€e, un choix d'informations pertinentes, une organisation de ces
informations (par exemple du plan d'ensemble au d€tail), et un langage qui est d€j‚ une
interpr€tation. En outre, la description peut …tre (ou non) m…l€e de valeurs : €quilibre, harmonie,
patriotisme, voire recourir ‚ une €criture litt€raire ou po€tique. (textes De Martonne, Fr€mont)
Soubeyrand note deux fa•ons de d€crire un objet g€ographique : le d€crire du point de vue de ce
qui pourrait …tre, des am€nagements possibles, ce qui correspondrait ‚ la g€ographie coloniale de
la fin du XIX„me si„cle et ‚ celle de l'am€nagement du territoire dans les ann€es d'apr„s 1945 ; le
d€crire en fonction de ce qui est et du pass€, g€ologique ou historique, de ce qui est, ce qui
correspond ‚ la g€ographie classique (textes De Martonne, Fr€mont).
Par ailleurs la description peut prendre d'autres formes. Par exemple une description des
comportements conduite selon les modalit€s de la description ethnologique pourrait prendre en
compte le sens que les individus ou les groupes donnent ‚ leurs actions. (texte Fr€mont) Noter au
passage que cette approche ethnographique n'est pas si r€cente qu'on le croit. Claval remarque
que Blanchard par exemple, dans les Alpes et au Canada est all€ rencontrer ceux qui habitaient les
vall€es et les 'rangs'. La diff€rence tient peut-…tre au fait que ce sont surtout les notables, capables
de parler la langue de l'intellectuel, qui €taient interrog€s. Dans le monde tropical les liens entre
ethnologie et g€ographie sont d€j‚ nets entre les deux guerres. La description ethnographique est
ce qu'on appelle une "description €paisse" qui rend compte du r€el non seulement tel que le voit
le g€ographe mais tel que le voient, le nomment, le vivent les habitants; Elle suppose €videmment
une observation participante et la ma‰trise de la langue locale.
Cette imbrication du r€cit et de la description se retrouve dans les textes de la g€ographie
r€gionale r€cente : voir l’exemple de Deler sur l’Altiplano bolivien dans la G€o universelle. En fait
la lin€arit€ du texte €crit (ou dit) induit ‚ la lin€arit€ du r€cit.
Le tournant linguistique qui a touch€ la g€ographie fran•aise de plein fouet dans les ann€es 70 a
aboutit ‚ d€complexer les g€ographes ‚ l’€gard du r€cit : retour de la subjectivit€ (Sylvie Brunel
qui associe regard g€ographique et voyage familial autour du monde), affirmation d’une
g€ographie du changement (g€ohistoire Christian Grataloup), forte pr€occupation
€pist€mologique qui contribue au d€veloppement de l’histoire de la g€ographie le plus souvent
pr€sent€e de fa•on chronologique (r€cit) et enfin approche du r€cit comme source de la
g€ographie (espace v €cus espaces per•us) jusqu’‚ Michel Lussault qui envisage le r€cit comme le
mode de discours g€ographique dominant parce qu’il est ˆ le registre fondamental de l’…tre au
monde des individus Š. Le r€cit est selon lui la modalit€ essentielle de construction sociale de
l’espace humain. C’est le sous titre de son dernier ouvrage qui s’ouvre d’ailleurs sur deux
r€cits ˆ g€ographiques Š: celui du Tsunami du 26 d€cembre 2004 et celui du refus de Rosa Parks
le 1er d€cembre 1955 ‚ Montgomery Alabama qui d€clancha la lutte pour les droits civiques des
noirs am€ricains. Ces deux r€cits sont l’occasion pour lui de montrer comment les faits de
soci€t€s sont satur€s d’enjeux spatiaux, o• la ma‰trise des discours sur les distances, les
changements d’€chelle, les d€limitations des territoires sont au cœurs des enjeux de soci€t€.
Lussault se propose de faire de la g€ographie une science de l’€tude de ces constructions par leur
recueil, leur croisement, l’€tude des enjeux qui les justifient en moblisant les outils de la
linguistique et de la narratologie pour d€gager des mod„les permettant de comprendre la
fabrication des espaces. Ici le r€cit a quitt€ la g€ographie descriptive idiographique (description de
l’unique) pour rejoindre la g€ographie nomoth€tique. Il quitte la description ˆ concr„te Š du
ˆ r€el Š pour le ˆ discours sur Š. Nous voila revenu ‚ la question de la relation entre le discours de
la g€ographie et le r€el. L’€tude du lexique ordinaire de la g€ographie renvoie ‚ la m…me
probl€matique.
B/ Langage ˆ naturel Š ou langage scientifique : les mots de la g€ographie…
La g€ographie de l’€cole fran•aise classique d€fendait le ˆ langage naturel Š utiliser des
mots simples, d€crire avec pr€cision les formes, les couleurs, utiliser la comparaison avec des
choses connues du quotidien suppos€ du lecteur pour ˆ donner ‚ voir Š de fa•on photographique
(texte 2 Brunhes, textes 4 et 5 Brunhes, Vidal de la Blache) et on l’a dit transformer les €l€ments
en pseudo-personnages (ˆ la molasse du milieu tertiaire s’est d€pos€ Š ˆ la ville de Paris a d€cid€ Š
ˆ le virus du Sida colonise les grandes villes africaines… Š).
Le langage quotidien cependant n'a pas toujours la pr€cision requise. Debarbieux note ainsi une
utilisation du mot montagne pour faciliter la localisation et la compr€hension du lecteur o• les
g€ographes jouent d'une connivence spontan€e.
Cependant globalement et surtout depuis les ann€es1960, les g€ographes ont eu tendance ‚
pr€ciser leur lexique, ‚ d€finir les mots dont ils se servent, en soulignant €ventuellement la
diff€rence avec le langage quotidien. Il n'est pas €vident – et les dictionnaires de la g€ographie en
t€moignent, en particulier celui de Brunet dans ses approches pol€miques – que tous les mots
fassent consensus (ex. Fixer ‚ 1000m la hauteur minimale d'une montagne en France,
ind€pendamment des formes d'am€nagement) : les participants des colloques internationaux
constatent ainsi la difficult€ de partager m…me des descriptions selon leurs traditions
g€ographiques et leurs sp€cialit€s. Les diff€rences s€mantiques refl„tent en fait des diff€rences de
probl€matisations. Les g€ographes classiques ‚ l'analyse de ces diff€rences, pr€f€raient arguer
d'une solide ad€quation entre les mots et les choses de la terre.
La stabilisation d'un vocabulaire proprement g€ographique (par ses d€finitions) peut conduire ‚
discr€diter le regard que les hommes portent sur leur environnement (Mont des Cats, Montagne
Noire...). Cette lecture du monde est cependant actuellement prise en compte par les g€ographes
humanistes, par les g€ographes culturels qui s'int€ressent, ind€pendamment du regard des
g€ographes, aux espaces v€cus et imagin€s par les hommes (Fr€mont).
Cependant depuis les ann€es 70, on peut observer une rupture :

d'une part par le recours ‚ un langage plus marqu€ par les sciences ˆ dures Š (champ
magn€tiques, forces, tensions, gradients, polarisation...) ou par les sciences humaines (acteurs,
actants, marqueurs, alt€rit€, copr€sence…)

d'autre part par la r€flexion €pist€mologique – c'est-‚-dire ici sur la construction du
discours g€ographique – int€gr€e au discours g€ographique.
Les texte de Lusault et Levy illustre cette tendance qui est souvent consid€r€e comme du jargon.
Mais on a pris depuis conscience de l'impossibilit€ de se passer du langage naturel, voire de la
force des formes po€tiques ou simplement m€taphoriques du langage (Fr€mont).
Le vocabulaire de description du relief utilise ais€ment les mots de bras de rivi„re, de croupe, de
mamelons, de langue glaciaire... On parle ainsi de "tissu urbain", d'"art„res", d'espaces verts qui
sont les "poumons", du "coeur" de la ville ou de l'Europe... Cette m€taphore organiciste est
encore actuellement tr„s fr€quente et pour ainsi dire naturalis€e; elle fait partie du discours
commun, alors qu'elle est initialement ‚ la fois le signe de la construction d'un "…tre
g€ographique" et une forme d'analyse de son d€veloppement et de son fonctionnement sur le
mod„le de l'homme. Mais les g€ographes usent ais€ment d'autres m€taphores : la "n€buleuse"
industrielle, les "archipels urbains". La m€taphore est ici description mais aussi argumentation,
invitant le lecteur ‚ interpr€ter le monde comme le fait le g€ographe.
IV. Echapper au texte
A/ l’argumentation
L'argumentation est une donn€e essentielle de l'€criture scientifique : il s'agit d'€noncer sa pens€e
mais aussi de convaincre le lecteur de la pertinence des analyses pr€sent€es et des conclusions
d€gag€es. Il y a l‚ un double mouvement n€cessaire ‚ la constitution du champ scientifique :
permettre la lecture et la critique des pairs dans la discipline, s€duire et emporter leur adh€sion
par la qualit€ de l'argumentation, €tay€e par des donn€es-preuves valides, et utilisant des
proc€dures reconnues l€gitimes dans la discipline (ex. L'humour l'est rarement...). Une
communaut€ scientifique produit des formes sp€cifiques d'€criture, qui ne sont pas la sommes
des €critures individuelles, mais attestent de la formation disciplinaire, des valeurs partag€es, de la
culture disciplinaire commune, et correspond ‚ une forme reconnue, relativement consensuelle
d'€criture l€gitime. On peut poser que les €critures de la g€ographie, et ici plus sp€cifiquement les
formes d'argumentation, sont li€es aux paradigmes scientifiques.
Ainsi les argumentations g€ographes peuvent …tre construites de fa•ons tr„s diff€rentes :
 €criture lin€aire, apparente €vidence de ce qui est "r€el", "vrai", "faitichisme" (O. Soubeyran)
qui privil€gie la nature, affirmations qui ne permettent pas au lecteur une discussion de leur bienfond€ car elles paraissent porter sur des r€alit€s p€rennes. Textes classiques
 juxtaposition de faits ordonn€s dont la masse critique finit par emporter la conviction
 mise en €vidence des probl€matiques, des hypoth„ses de recherche, des concepts, des
m€thodologies employ€es
L'argumentation peut recourir ‚ des implicites. Elle peut recourir ‚ des analogies, qui se fondent
sur la culture g€ographique (suppos€e) du lecteur et sur sa capacit€ du coup ‚ conclure dans le
sens vis€ par l'auteur. Une argumentation est toujours construite en fonction d'un lecteur : on
n'€crit pas de la m…me fa•on pour des €l„ves, des €tudiants de sp€cialit€, des pairs chercheurs. Les
argumentations classiques n'introduisent en g€n€ral pas d'€l€ments de d€bat dans l'€criture (sauf
Jules Sion), fuient la controverse explicite ; les argumentations plus contemporaines, depuis les
ann€es 1970 les int„grent comme une condition du d€bat scientifique (d'o• le rŒle accru des notes
de bas de page). Les descriptions de g€ographie classique int„grent souvent – dans la forme qui
permet de communiquer de la g€ographie – de l'explication soit ench’ss€e dans la description
m…me soit au prix d'une rupture de ton. Mais ins€rer l'explication dans la description tend ‚ la
naturaliser, la lui donner le m…me statut d'€vidence qu'‚ la description.
De fait la g€ographie n’€chappe pas ‚ la recherche des causes

chercher les causes de ce que l’on voit dans un lieu :
par la comparaison
par la transformation des €l€ments de la description en ˆ pseudo personnages Š
par l’histoire
par l’association structurelle (mousson donc riz)
la g€ographie classique s’est employ€e ‚ construire des ˆ logiques g€ographiques Š
le relief et le climat expliquent l’hydrologie
l’hydrologie explique le model€
relief, hydrologie et model€s expliquent l’implantation humaine
l’histoire explique les diff€rences
L’€crit en langage ˆnaturel Š et le r€cit par la lin€arit€ chronologique poussent ‚ la causalit€ unique
et donne un effet d’€vidence ‚ la d€monstration inductive. Dans le texte lin€aire l’explication
prend principalement la forme de la
lin€aire simple
ˆ l’exode urbain est sans doute responsable d’une grande partie de la p€riurbanisation des
services Š.
mais avec un petit effort (pour le r€dacteur et le lecteur) le texte prend en charge la causalit€
lin€aire, multicausale
ˆ la d€centralisation r€cente de nombreux services ainsi que l’installation en p€riph€rie de
nouvelles activit€s a profond€ment modifi€ les distributions [des activit€s de service] au sein des
agglom€rations ; Š
cela se complique avec les relations plus complexes :
lin€aire, en relais
ˆ d„s avant les ann€es 1960, mais surtout apr„s cette date, certains services se sont regroup€s en
quartiers sp€cialis€s (quartiers commer•ants, quartiers d’affaire ou CBD) excluant
progressivement d’autres fonctions, notamment la r€sidence, par le jeu de la pression fonci„re et
des nuisances engendr€es. Š
(d’apr„s B. MERENNE-SCHOUMAKER, g€ographie des services et des commerces, 2003)
ou encore pour
les boucles de r€troaction
Faible d€veloppement
€conomique de
l’agglom€ration
Absence de
nœud de
communication
majeur sur
l’agglom€ration
B/ penser en syst„me, €crire en sch€ma
Il ne vous a pas €chapp€ que j’ai chang€ de mode de repr€sentation, abandonnant le texte pour le
sch€ma ! Lorsque la g€ographie cherche ‚ rendre compte de la complexit€ le texte lin€aire devient
lourd, jargonnant, difficile ‚ suivre et le g€ographe adopte d’autres modes de repr€sentation de la
pens€e.
Il s’agit encore une fois d’adapter le signifiant (sch€ma) au signifi€ (raisonnement syst€mique).
Le raisonnement syst€mique repose sur le refus de la r€duction cart€sienne ‚ la causalit€ lin€aire,
et sur la possibilit€ d'admettre la coexistence d'une chose et de son contraire Il permet
d'introduire l'id€e de bifurcation et de restaurer la part du hasard dans l'explication.
Une analyse syst€mique peut ainsi permettre de mettre en €vidence la gen„se et le maintien d'une
situation spatiale; l'analyse syst€mique explique alors un espace par les relations entre facteurs (cf.
sch€ma DI MEO). Ce mode de pens€e et le ˆ langage Š des mod„les qui l’accompagne est tout ‚
fait adapt€ ‚ l’orientation nomoth€tique, conceptuelle et n€o-positiviste dans laquelle s’est
engag€e une partie de la g€ographie fran•aise depuis les ann€es 70. L’adoption d’un langage
syst€mique pr€sente beaucoup d’avantages. Entre autre celui de facilit€ l’interdisciplinarit€ en
particulier en particulier avec les sciences de la vie (€cosyst„me) les sciences physiques (qui ont
diffus€ la pens€e syst€mique dans la g€ographie ˆ physique Š mais aussi l’anthropologie,
l’€conomie, la linguistique. D’autant qu’il existe une th€orie des syst„mes qui cherche ‚ d€finir les
caract€ristiques et les comportements fondamentaux de tout syst„me (dans toutes les sciences).
Elle pose que le tout n'est pas la somme des parties du fait des relations que les parties
entretiennent entre elles (elle rend donc caduc le ˆ plan ‚ tiroirs Š.
Or cette modalit€ de pens€e implique un changement profond dans le langage du g€ographe qui
ne rel„ve pas seulement de la forme : du lin€aire au non lin€aire mais tend ‚ faire voir l’invisible :
les structures y compris les structures de relations stables, p€rennes, entre les diff€rentes
caract€ristiques d'un espace (exemple transports / localisation industrielle / concentration
spatiale). Il impose de mettre en €vidence les contraintes qui r€gissent le visible et qui
n'apparaissent pas (ex. rŒle des flux invisibles – €nergies, mon€taires, information). Il ne s’agit
donc pas de dire la m…me chose autrement mais bien de dire autre chose. L’objet de l’analyse
g€ographique est d€plac€. En focalisation non sur les occurrences spatiales (O• ?) mais sur les
relations entre lieux ou espaces et sur les interactions spatiales ; l'analyse syst€mique met en
€vidence des syst„mes spatiaux (ex. syst„mes de ville).
La g€ographie qui s’est empar€e de ce mode de pens€e a d€velopp€ des concepts cl€s nouveaux :
en particulier ceux de syst„me et de r€seau
Syst„me
ensemble d'€l€ments coexistants, reli€s entre eux, et constituant une totalit€ (technique
€conomique, sociale, spatiale...) que l'on ne peut isoler, parce que les relations entre les €l€ments
sont beaucoup plus denses et coh€rentes que celles qu'ils entretiennent avec leur environnement.
R€seau
structure des relations (€change, compl€mentarit€, domination), donc aussi de flux (visibles et
non visibles) – lire un espace ‚ l’aide du concept de r€seau c’est privil€gier les liens spatiaux. C’est
le cas d„s le XIXe si„cle lorsque les g€ographes et les €conomistes s’int€ressent aux relations
entre les villes. Permet de penser les diff€rences de spatialisations (distances, polarisation) selon
les domaines (culturel, industriel, d€mographique, etc.) ou selon les soci€t€s occupant une m…me
€tendue
- Un-r€seau = des nœuds reli€s par des ar…tes : les seules distances mesur€es sont celles entre ces
nœuds ; les autres distances ne comptent pas (lacunes, discontinuit€s) ; les lieux qui ne sont pas
des nœuds ne comptent pas.
Classiquement le r€seau, du fait qu’il est discontinu et lacunaire est pens€ comme superpos€ ‚ un
territoire (c’est exactement le cas avec les r€seaux de transports). Cependant on peut imaginer des
repr€sentations qui €cartent le territoire (c'est le cas sur les repr€sentations des lignes de m€tro
affich€es dans les rames) pour repr€senter l’espace par exemple en termes d’accessibilit€.
Ces r€seaux ne s’embo‰tent pas : les relations per•ues ‚ une €chelle ne sont pas inclues dans les
relations per•ues ‚ une €chelle ˆ sup€rieure Š (cf. repr€sentation des r€seaux urbains europ€ens /
fran•ais / r€gionaux dont les pŒles et les ar…tes changent compl„tement lorsque on change le
niveau des pŒles pris en compte ‚ une certaine €chelle). Le changement de r€seau correspond en
effet ‚ d’autres discontinuit€s (les relations entre deux villes de provinces ne sont pas ˆ incluses Š
dans les relations entre une de ces villes et une ville-capitale, les relations entre cette capitale et
une autre capitale €conomique font abstraction des liens entre la capitale et d'autres villes…)
Ainsi donc le r€el ne se r€duit plus au visible. C’est un peu exag€r€ mais on peut dire que pour la
g€ographie classique, pour toute science positiviste d’ailleurs, le probl„me ne se pose pas. La
transparence du langage est pos€e ou du moins consid€r€e comme un but r€aliste. A l’image de
cette page d’un manuel de g€ographie de Brunhes qui montre comment l’on passe
ˆ naturellement Š de la photographie ‚ la carte qui de l’une ‚ l’autre sont des ˆ miroirs du r€el Š. La
m…me illusion est entretenue par Google Earth et Google Map. Michel Lussault d€finit cette
illusion comme un ˆ d€sir de muer une aire €tendue en un quasi-lieu, ma‰trisable d'un seul coup
d'œil (o• l'on retrouve le rŒle du regard dans la d€finition et l'activation des cadres de d€coupage
de la r€alit€ spatiale), via la r€duction et la simplification des espaces repr€sent€s. La feuille de
papier ou l'€cran de l'ordinateur deviennent alors des quasi-lieux qui contiennent l'espace qui
pourtant les contient Š. ˆ Lire la carte comme €cart ‚ la bonne carte, dit Jacques L€vy, se saurait
suffire, surtout si l’on applique pas ‚ ses propres productions la m…me d€marche critique. Š Selon
lui la relation entre la carte et le r€el est une relation d’analogie qui peut porter sur les distances
(cartes classiques) ou sur toute autre relation spatiale.
La premi„re sp€cificit€ du discours de la carte est qu’elle permet de transmettre de l’information
de fa•on synoptique : la carte montre des portions d’espace que l’on ne peut pas voir ensemble
dans la r€alit€, d€coupage des territoires, choix des €chelles, choix des €l€ments repr€sent€s tout
est choix et convention.
La seconde sp€cificit€ de la carte est la non lin€arit€ (‚ la diff€rence du texte), Jacques Levy dit
ˆ non s€quentiel Š : tous les figur€s apparaissant sur la carte sont lisibles ensemble : ceci facilite la
mise en €vidence des colocalisation et des relations entre lieux mais cela a pour limite la
saturation rapide par le ˆ bruit visuel Š.
Les figur€s ne sont pas lus un par un (m…me si c’est le cas dans la l€gende) mais les uns par
rapport aux autres. Elle permet d’exprimer des interrelations, des approches syst€miques, des
simultan€it€s. Elle met en €vidence des positions, des hi€rarchies, des distances (m…me si non
m€triques) : Recourir aux cartes n’est pas une n€cessit€ pour tous les travaux de g€ographie ; mais
on ne peut dire exactement la m…me chose dans un texte et dans une carte. La carte est donc
utilis€e ‚ chaque fois qu’elle permet de dire autre chose que ce que dirait le texte (ou
€ventuellement de la dire de fa•on plus nette ou plus ˆ €conomique Š, jusqu’‚ l’iconisation…
Ce qui importe le plus n’est pas tant ce que chaque figur€ localis€ apporte comme information
par lui m…me (lieu et intensit€ d’un ph€nom„ne), que le mode de classement, les positions
respectives, les distances : la carte n’a d’int€r…t que si elle permet de dire quelque chose ‚ partir
des positions relatives des diff€rents figur€s.
Une carte recourt toujours ‚ deux langages : le langage verbal (titre, nomenclature, l€gende) et le
langage graphique (fond de carte, figur€s). Le langage graphique employ€ peut …tre symbolique
(sans relation entre le figur€ ou le nom et l’espace terrestre r€el) ou analogique (formes du fond
de carte, localisations, certains figur€s, couleurs…) ; il peut aller jusqu’‚ la m€taphore qui fait
passer de l’analogie au symbole (couleurs froides / chaudes, rayonnements). Il est parfois aussi de
l’ordre du diagramme renvoyant ‚ une quantit€ attribu€e au ph€nom„ne (importance des flux,
diff€rences entre donn€es statistiques). Le recours ‚ tel ou tel figur€ permet d’associer des lieux
et/ou des ph€nom„nes ou au contraire de les diff€rencier. Choisir une l€gende est toujours
choisir ainsi une certaine lecture de l’espace que la carte va transmettre.
Le raisonnement est r€alis€ en amont (y compris ‚ l’aide de cartes) et la carte en communique les
r€sultats. La vis€e de v€rit€ n’est pas la m…mes entre ce qui traduit la v€rit€ par une juxtaposition
de donn€es factuelles, et ce qui la traduit par un sch€ma qui donne ‚ lire l’organisation de l’espace
(ex. quartiers des villes), entre ce qui colle aux singularit€s d’un lieu et ce qui se veut g€n€ralisant.
En outre la vis€e d’argumentation am„ne ‚ s’interroger : seulement le r€sultat (interpr€tation) ou
aussi des €l€ments de ˆ preuve Š (factuels) ?
Le cas des chor…mes est repr€sentatif d’une conception particuli„re de la relation entre le
signifiant et le signifi€ : ils expriment un raisonnement et non des positions mesur€es dans
l’espace terrestre ; ils permettent l’analyse g€ographique et non une cartographie en tant que telle ;
ils permettent de repr€senter des abstractions, dans le cadre d’un raisonnement sur l’espace (par
exemple de type hypoth€tico-d€ductif).A minima, ils constituent une proposition d’une sorte
d’esp€rento de la cartographie, a maxima une grammaire de l’espace. La critique qu’en font
Lacoste (qui parle d’imposture) ou Scheibling porte sur le dogmatisme spatial qu’ils induisent , sur
la construction de repr€sentation simplistes qu’ils construisent parfois ‚ leur insu parce que leur
simplicit€ m…me fait oublier qu’ils sont des constructions intellectuelle, que l’ignorance des
formes ˆ r€elles Š (notamment par un public scolaire) peut faire passer ces simplifications pour la
seule repr€sentation retenue des contours des territoires, et parce que les nuances n’y apparaissent
pas : l’outil impose le choix tranch€ l‚ o• il y souvent plusieurs possibles, plusieurs solutions
spatiales en m…me temps. La France en un hexagone ! Mais c’est le retour aux ˆ formes
harmonieuses de l’espace fran•ais Š des g€ographies de nos grand p„re ! Š s’€crit Lacoste.
Christian Grataloup est un grand utilisateur de ces ˆ pseudo cartes Š qui soutiennent et
sch€matisent son discours sur les €volutions spatiales. Dans un article du recueil ˆ logique de
l’espace, esprit des lieux Š il fabrique des sch€mas qui sont ‚ la fois des sch€mas euristiques et des
presque cartes (doc 13) Dans sa g€ohistoire de la mondialisation il tente de compenser le
sch€matisme par la pr€sentation de plusieurs sc€narii que ses dessins tr„s simples permettent
d’ailleurs de multiplier.
Voyez cette composition chor€matique qui repr€sente la ville de Twente : l’ignorance de la ville et
l’ignorance du n€erlandais rendent le lecteur totalement illettr€ face ‚ cette repr€sentation qui est
pour nous au moins aussi illisible que la mappemonde d’Ebstorf ! Voila une critique que les
adversaires de la sch€matisation et de la chor€matique pensent d€finitive : les chor…me n’ont
aucun autonomie, ils ne peuvent pas vivre en dehors de leur contexte de production (sous peine
de devenir dangereux). Ce qui fait leur force : ils sont construits pour (d€) montrer une
interpr€tation de l’espace, fait aussi leur faiblesse : ils n’ont aucune validit€ en dehors de la
d€monstration qu’ils soutiennent.
Les partisans de ces outils r€torquent qu’il ne faut en effet pas en demander plus aux
chor…me qu’ils ne peuvent en donner. La g€ographie universelle de Brunet leur fait une place
parmi d’autres repr€sentations de l’espace (photographies, cartes ˆ classiques Š etc.). Et ils
insistent €galement sur le fait que cette critique est €galement valable pour toutes les formes de
pr€sentation de la g€ographie (textes, sch€ma et carte) parce que le discours ne rend jamais
compte de la totalit€ du r€el mais seulement du regard de son auteur… ce qu’illustrent les
derni„res cartes qui accompagnent cet expos€. Certaines de ces cartes ont €t€ choisies pour
souligner enfin le fait que, cela dit, tous les regards ne se valent pas !
Bibliographie complémentaire
Bailly AS et al. Comprendre et ma€triser l’espace, GIP Reclus, Montpellier, 1988
Barbe Fr€d€ric, Etat Nation, le mod„le fran•ais, Mappemonde, 1994
Brunnel S, la plan‚te disneylandisƒe, chronique d’un tour du monde, Ed Sciences Humaines, Paris 2006.
Brunet Roger, La Carte mode d'emploi, Fayard/Reclus, 1994.
Cartes et figures de la terre, catalogue d’exposition, Centre Georges Pompidou, 1980
Debarbieux B., "la montagne : un objet gƒographique", Veyret Y., les montagnes, discours et enjeux gƒographiques, Paris, SEDES 2001
Deler Jean Paul, Bolivie, G€ographie Universelle, 1991
De Martonne E., traitƒ de gƒographie physique, Paris, Armand Colin1926,
D€ruau Max, les formes du relief terrestre, Masson, 1979
Di M€o Guy, Gƒographie sociales et territoires, Nathan Universit€, 2001
Dupuy Gabriel, L’urbanisme des rƒseaux, thƒories et mƒthodes, A Colin, 1991
Durand, L€vy, Retaill€, le monde espaces et syst‚mes ,pr. de la fondation nationale des sciences politiques et Dalloz, 1992
Ferras R et al, Faire de la g€ographie, Belin, 1993
Fr€mont A., France gƒographie d'une sociƒtƒ, Paris, Flammarion1997
Garnier Francis, Voyage dans la Chine centrale, communication ‚ la Soci€t€ de G€ographie 1873
Grataloup Christian, g€ohistoire de la mondialisation, A Colin, 2007
Jacob Christian, L'Empire des cartes, Albin Michel, 1992.
Jean Brunhes auour du monde, regards d’une gƒographe, regards de la gƒographie, Mus€e A Kahn, Boulogne 1993.
Levy J. et all, la carte, enjeu contemporain, La documentation photographique, Nƒ 8036, 2004
Levy J et M Lussault (dir) Logiques de l’espace, esprit des lieux, Gƒographie „ Cerisy, Belin, 2000
Lussault Michel, l’homme spatial, la construction sociale de l’espace humain, Seuil, 2007
Mac Carry John, du Pakistan „ la Chine, la route du Karakorum, G€o Nƒ 195 1995
Minelle Fran•oise, Repr€senter le monde, Presse Pocket, Paris 1992
Morlin “lisabeth (dir.), Penser la Terre, Strat‚ges et citoyens : le rƒveil des gƒographes, “d. Autrement, 1995.
Randless W. G. L. De la Terre plate au globe terrestre. Une mutation ƒpistƒmologique rapide 1480-1520, AColin, 1980
Twain Mark, Les aventures d’Huckelbery Finn, 1884
Watelet Marcel, Gƒrard Mercator cosmographe, Fonds Mercator Paribas, 1994.

Documents pareils