Réintroduire le gypaète - Parc Naturel Régional du Vercors
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Réintroduire le gypaète - Parc Naturel Régional du Vercors
1/121 REINTRODUIRE LE GYPAETE GYPAETUS BARBATUS DANS LES PREALPES OCCIDENTALES Jean-Pierre Choisy Photo ASTERS site <www.gypaete-barbu.com> PERTINENCE STRATEGIQUE A L’ECHELLE DES ALPES ET DU CONTINENT, connexion avec Pyrénées et Massif Central FAISABILITE DE L’OPERATION CHOIX DU BIOTOPE ET DU SITE DE LACHER LE PARC NATUREL REGIONAL DU VERCORS, CADRE ET AGENT DE REALISATION Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy (2010) 2/197 Pendant des siècles, le Gypaète des Alpes a été le dragon malfaisant dont une haine imbécile glorifiait la destruction. Paul Géroudet (1965) Chose étrange, alors que les Suisses, peuple calme et pondéré, ont raconté du gypaète les faits les plus invraisemblables, des peuples chez qui le gypaète vit en aussi grand nombre : les Espagnols, les Catalans et même les Andalous, qu’on pourrait croire plus portés à l’exagération et à l’emphase, ont conservé en face de lui un calme et une indifférence complète. Louis Lavauden (1911) Vers 1920 déjà…Carl Stemmler voulut réintroduire le gypaète en Suisse, mais il fut éconduit. Presque en même temps, Oskar Heinroth plaida cette cause-là en Allemagne… Robert Hainard…entre bien d’autres réflexions prophétiques, s’est fait l’avocat des réintroductions animales…Le gypaète…n’a pas manqué de le fasciner. En Gilbert Amigues, ingénieur des eaux et forêts…en Haute-Savoie, l’idée trouva l’écho providentiel… En 1972…il sut dissiper mes réticences helvétiques…. Il semblait que nous avions échoué. Le nouveau départ décidé en 1978… fut un projet de grande envergure associant l’UICN, le WWF-International et la Société zoologique de Francfort. L’adhésion de l’Autriche fut inestimable…le zoo d’Innsbruck ayant obtenu la reproduction de l’espèce, un plan d’élevage était mis en œuvre à Vienne… Il a fallu attendre 1986 pour que les premiers jeunes prennent leur envol dans le Rauristal…la création d’une population alpine viable à long terme exigera encore beaucoup… Notre utopie était de rendre aux montagnes le vol silencieux des grands oiseaux…et j’ai le plaisir exceptionnel de voir mon rêve se réaliser. A tous ceux et celles qui…ont relevé le défi, j’exprime reconnaissance du fond du cœur. Paul Géroudet in J.-F. Terrasse (2001). Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 3/197 Remerciements Ce travail n’aurait pas été entrepris si Michel Terrasse n’avait visité la zone d’étude, notamment à l’occasion de la réintroduction du Vautour fauve et n’avait su communiquer, tant à l’auteur qu’à la Fondation pour la Conservation du Gypaète, sa conviction de la pertinence de réintroduire l’espèce dans le sud-est du Parc Naturel Régional du Vercors. Sa réalisation doit beaucoup à des conversations et à des échanges de courriels avec les spécialistes de l’espèce que sont, du Pays Basque à l’Autriche, Martine Razin, Marie Zimmerman, Julien Heuret, Raphaël Arlettaz et Richard Zink. Ce dernier m’a également fourni les cartes actuelles du Gypaète en Europe et dans les Alpes. Cette étude n’aurait pu s’appuyer sur des bases statistiques sans les comptages de bouquetins organisés conjointement par la Réserve Naturelle des Hauts du Plateaux du Vercors et le groupe drômois du Centre Ornithologique Rhône Alpes– Groupe Drômois d’Etudes et de Recherches sur les Vertébrés (CORA26 – GDERV), sans les informations fournies sur les autres Ongulés sauvages et domestiques par les Directions Départementales du Territoire de la Drôme et de l’Isère, sur les trois autres Vautours par Christian Tessier de l’association Vautours en Baronnies, et sur l’Aigle royal par Roger Mathieu, de l’Observatoire de la Faune Drômoise CORA26 – GDERV-FRAPNA1. Des discussions et échanges de courriels avec les deux derniers ainsi qu’avec Jean-Louis Traversier, de l’Office National des Forêts, naguère à la D.D.A.F. de la Drôme puis à la Direction Régionale de l’Environnement ont également été précieux. Les observateurs, tous cités, qui ont transmis les données de Gypaète dans la zone d’étude ont également apporté une contribution qui ne saurait être sous-estimée. Les nombreuses photographies de biotopes et de faune dans la zone d’étude ne sont pas un simple ornement : elles constituent une part essentielle de l’information. Toutes m’ont été envoyées par des membres du réseau d’observateurs, bénévoles2 ou professionnels3 que je coordonne pour le suivi des vautours à distance des populations. Leurs auteurs sont mentionnés sous chacune d’elles. Parmi mes collègues du Parc Naturel Régional du Vercors, j’ai mis à contribution pour la fourniture de cartes et de données statistiques sur le territoire, Michaël Bachet, Lina Silvini et, pour tout ce qui touche à l’informatique, Yann Buthion. Que tous trouvent ici l’expression de ma gratitude, ainsi que ceux dont les noms n’apparaissent pas mais qui ont accumulé tant de données sur les espèces citées, de même que ceux qui m’ont envoyé des photos que je n’ai pas intégrées à ce document mais qui ont leur utilité. Jean-Pierre Choisy, PNRV Chamaloc 2007, révision achevée en janvier 2010 < [email protected]> L’évolution, depuis 2007, des connaissances comme de la situation exigeait une refonte totale de la première partie ainsi que quelques corrections des deux autres. 1 Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature. 2 Naturalistes, associatifs ou non, divers autres observateurs dont des Accompagnateurs de Moyenne Montagne ainsi qu’un éleveur, auteur des photos d’une curée à trois espèces de vautours (cf. infra), qui n’est pas le moins enthousiaste, 3 Réserve Naturelle des Hauts Plateaux du Vercors, Parc Naturel Régional de Chartreuse, Parc National des Ecrins. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 4/197 Sommaire RESUME ____________________________________________________________________ 7 Figures ___________________________________________________________________________ 12 Tableaux _________________________________________________________________________ 12 Photos ___________________________________________________________________________ 13 INTRODUCTION ________________________________________________________ 14 I. UNE CONTRIBUTION ELEVEE A LA BIODIVERSITE ______________________ 14 II. SITUATION ACTUELLE ________________________________________________ 14 A. – HORS D’EUROPE _____________________________________________________________ 14 B. – EN EUROPE __________________________________________________________________ 14 1. EXTERMINATION RECENTE, TOTALE OU PRESQUE ___________________________ 15 2. SITUATION TRES FRAGILE : CORSE __________________________________________ 15 3. RENAISSANCE SPECTACULAIRE : PYRENEES _________________________________ 15 4. REINTRODUCTION EN COURS _______________________________________________ 15 III. METHODE DE LACHER________________________________________________ 16 IV. LE PRESENT TRAVAIL ________________________________________________ 16 A. – ORIGINE _____________________________________________________________________ 16 B. - REFERENCES _________________________________________________________________ 16 C. - A QUI S’ADRESSE-T-IL ? _______________________________________________________ 17 D. – CONTENU ___________________________________________________________________ 17 V. CONCEPTS ET TERMINOLOGIE ________________________________________ 17 A. - LACHER _____________________________________________________________________ 17 B. – REINTRODUIRE UNE ESPECE, LACHER DES INDIVIDUS __________________________ 18 C. – RETOMBEES _________________________________________________________________ 18 D. - HIERARCHIE ET ECHELLE D’ANALYSE ET D’ACTION ____________________________ 18 1. NIVEAU TACTIQUE (Partiellement traité dans la troisième partie) _____________________ 19 2. NIVEAU OPERATIONEL _____________________________________________________ 19 3. NIVEAU STRATEGIQUE _____________________________________________________ 19 4. NIVEAU POLITIQUE (Non développé mais rappel nécessaire) ________________________ 20 5. NIVEAU DES VALEURS (Non développé mais rappel nécessaire)_____________________ 20 AVANT-PROPOS : CRITERES A PRENDRE EN COMPTE POUR LA REINTRODUCTION DU GYPAETE ________________________________________ 21 PREMIERE PARTIE : LA REINTRODUCTION DU GYPAETE Gypaetus barbatus A L’EXTREME OUEST DES ALPES ET DANS LE SUD DU MASSIF CENTRAL DANS LES STRATEGIES DE CONSERVATION ET RESTAURATION EN EUROPE_____ 23 I. ALPES ET MASSIFS CONNEXES DANS LES STRATEGIES DE RESTAURATION DU GYPAETE ET AUTRES VAUTOURS _______________________________________ 24 A. - PRIORITES SPATIALES ________________________________________________________ 24 1. REGION SUD-EST ou BALKANIQUE __________________________________________ 24 2. REGION SUD ou THYRENIENNE = Corse + Italie insulaire et péninsulaire _____________ 24 3. REGION SUD-OUEST ou PYRENEO-IBERIQUE, plus brièvement, IBERIQUE S. L. = sensu lato = Pyrénées françaises incluses. __________________________________________________ 24 4. REGION CENTRALE ou ALPINE ou, plus brièvement, ALPINE S.L. ____________________ 25 B. – PRIORITE TEMPORELLE_______________________________________________________ 25 II. DEUX STRATEGIES COMPLEMENTAIRES _______________________________ 26 A. - CONSERVATION ET RENOUVEAU ______________________________________________ 26 B. – REINTRODUCTION ___________________________________________________________ 27 C. – COMPLEMENT SYNECOLOGIQUE AUX DEUX STRATEGIES _______________________ 27 III. ETAT ACTUEL DE LA REINTRODUCTION DANS LES ALPES _____________ 27 A. – FAUT-IL CONTINUER A LACHER ? _____________________________________________ 27 Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 5/197 1. Dans un contexte humain dangereux ajourner des.opérations, même géographiquement prioritaires ______________________________________________________________________ 28 2. Le modèle n’est pas applique a l’objet pertinent _____________________________________ 28 3. La présence du gypaète dans les alpes reste très fragile _______________________________ 28 B. - DEUX GROUPES D’OPERATIONS _______________________________________________ 29 1. Succès loin d’être atteint, sans reproduction encore réussie ____________________________ 29 2. Succès encore fragiles _________________________________________________________ 29 C. – ANALYSE ____________________________________________________________________ 30 1. HOHE TAUERN (Autriche), ALPES S-O (Mercantour, F et Alpi Marritime, I) ____________ 30 2. STELVIO-ENGADIN et ALPES N-O (Vanoise, F, Haute-Savoie, F et Valais, CH)_________ 31 IV. PERSPECTIVES _______________________________________________________ 33 A.- DES MOYENS EN FORTE CROISSANCE __________________________________________ 33 B. - AMELIORER L’EFFICACITE STRATEGIQUE ______________________________________ 33 1. Lâcher des gypaètes subadultes ? ________________________________________________ 34 2. Concentration des lâchers dans le temps ___________________________________________ 34 3. Rapport des sexes ____________________________________________________________ 35 4. Lignées ____________________________________________________________________ 35 5. Quand arrêter de lâcher ?_______________________________________________________ 35 a. – À l’echelle d’une operation locale ______________________________________________ 35 b. – À l’echelle strategique_______________________________________________________ 36 6. Nouvelles localisations de lâchers________________________________________________ 37 D. - CONNEXION INTRA-ALPINE : ALPES LEPONTINES S. L. __________________________ 38 E. – CONNEXION ALPES - PYRENEES : PREALPES DU SUD-OUEST _____________________ 39 F. – UNE OPERATION DANS LE SUD DU MASSIF CENTRAL ? __________________________ 42 1. Un précieux complément stratégique _____________________________________________ 42 2. Une faute stratégique grave à exclure _____________________________________________ 43 DEUXIEME PARTIE : UNE OPERATION DE REINTRODUCTION DU CASSEUR D’OS Gypaetus barbatus DANS LES PREALPES DU DAUPHINE MERIDIONAL FAISABILITE, POTENTIALITES __________________________________________ 46 I. FACTEURS ECO-ETHOLOGIQUES _______________________________________ 48 A. - BIOTOPE _____________________________________________________________________ 48 1. Les critères de sélection _______________________________________________________ 48 2. Un vaste ensemble géomorphologiquement optimal__________________________________ 50 3. Taux de boisement ___________________________________________________________ 59 B. - RESSOURCES ALIMENTAIRES__________________________________________________ 62 1. Le bouquetin CAPRA IBEX, en plein développement n’est qu’au début de son retour dans la zone d’étude. ________________________________________________________________________ 63 2. Le chamois ; Rupicapra rupicapra _______________________________________________ 64 3. Le mouton ; Ovis gmelini f. aries ________________________________________________ 68 4. Autres ongulés Ungalata _______________________________________________________ 69 5. Loup ; Canis lupus , Lynx ; Lynx lynx_____________________________________________ 70 6. Charniers à vautours __________________________________________________________ 72 C. – CLIMAT _____________________________________________________________________ 72 II. IMPACT DES ACTIVITES HUMAINES____________________________________ 74 A. – DESTRUCTIONS DIRECTES ____________________________________________________ 74 B. - PERTURBATIONS _____________________________________________________________ 74 1. Nature et mode d’action des perturbations _________________________________________ 75 2. Évaluer l’impact des perturbations par les activités humaines a l’échelle de la zone d’étude dans son ensemble____________________________________________________________________ 76 3. Gestion des perturbations éventuelles dans des sites précis de la zone d’étude _____________ 78 III. POTENTIALITES DE LA ZONE D’ETUDE POUR UNE POPULATION NICHEUSE DE GYPAETES __________________________________________________ 78 A. – LA GEOMORPHOLOGIE, FACTEUR ESSENTIEL POUR L’INSTALLATION DU GYPAETE _________________________________________________________________________________ 78 B. - L’ALTITUDE EXCLUT-ELLE L’INSTALLATION DU GYPAETE DANS UNE PARTIE DE LA ZONE D’ETUDE ? _________________________________________________________________ 79 1. La zone d’étude et les critères d’altitude de Hirzel et al. ______________________________ 79 Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 6/197 2. Facteurs écologiques et humains corrélés avec l’altitude ______________________________ 79 C. – ESTIMATION DU NOMBRE DE COUPLES POTENTIELS ____________________________ 81 TROISIEME PARTIE : REALISATION DE L’OPERATION OU ? QUI ?__________ 83 I. BIOTOPES MAXIMILISANT LA PROBABILITE DE REUSSITE DE LACHERS DE GYPAETES_________________________________________________________________ 84 A – CONDITIONS ECOLOGIQUES ___________________________________________________ 84 B – LOCALISATION DES OBSERVATIONS DE GYPAETE ______________________________ 84 II. LE MEILLEUR BIOTOPE POUR INSTALLER UN TAQUET _________________ 94 A – RESSOURCES ALIMENTAIRES __________________________________________________ 94 1. Bouquetin : l’espèce la plus favorable_____________________________________________ 94 2. Chamois, mouton / les deux autres espèces très favorables ____________________________ 97 III. REINTRODUCTION DU GYPAETE AU TAQUET EN PRESENCE DU VAUTOUR FAUVE : ENSEIGNEMENTS DU SUIVI PAR LE PARC NATIONAL DU MERCANTOUR____________________________________________________________ 100 A. – EN PHASE D'ACQUISITION DE LA MAITRISE DU VOL ___________________________ 100 B. – APRES ACQUISITION DE LA MAITRISE DU VOL ________________________________ 101 1. Territorialisme à distance du taquet _____________________________________________ 101 2. Grégarisme à distance du taquet ________________________________________________ 101 3. Découverte de carcasses ______________________________________________________ 101 4. Moindre dispersion, conséquences probables ______________________________________ 101 IV. LE PARC NATUREL REGIONAL DU VERCORS : CADRE et AGENT DE REALISATION ____________________________________________________________ 107 A. - UN CONTEXTE GENERAL DE RETOUR LA GRANDE FAUNE ______________________ 107 1. Retours spontanés ___________________________________________________________ 107 2. Réintroductions _____________________________________________________________ 108 3. Processus mixtes ____________________________________________________________ 108 B. - A LA CONVERGENCE DE GRANDS AXES POLITIQUES DU .PARC NATUREL REGIONAL DU VERCORS ___________________________________________________________________ 109 1. Une politique ferme, ancienne, persévérante de conservation et restauration de la biodiversité 109 2. Retombées pour d’autres politiques _____________________________________________ 109 3. Réintroductions : des compétences et des moyens __________________________________ 111 CONCLUSION _________________________________________________________ 115 OUVRAGES ET TRAVAUX CITES OU UTILISES ___________________________ 117 Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 7/197 RESUME INTRODUCTION Par son originalité taxonomique et écologique le Casseur d’os Gypaetus gypaetus contribue hautement à la biodiversité : beaucoup plus qu’en lui ajoutant simplement une espèce. Sa situation mondiale actuelle est préoccupante, le plus souvent catastrophique, à quelques exceptions près dont les plus notables sont l’Asie centrale et, plus modestement, les Pyrénées - restauration bien avancée- et les Alpes : réintroduction en cours. Le présent travail est présenté : origine, destinataires, contenu. Divers termes et concepts sont définis, explicités, précisés. Première partie S T R A T E G I E. PERTINENCE DE L’OPERATION LOCALE DANS LE CONTEXTE ALPIN ET CONTINENTAL Une opération de réintroduction a un objectif démographique : fonder un noyau de population viable et en développement. La stratégie de réintroduction c’est la distribution des opérations : - dans l’espace, ajoutant à la démographie une composante biogéographique. - dans le temps intégrant des contraintes majeures : contraintes techniques (moyens limités à court terme) et/ou contraintes humaines faisant reporter ou interrompre des opérations sinon prioritaires. La place accordée ici à la stratégie, bien plus grande que celles des autres parties, a deux raisons : - le lecteur qui souhaite une information détaillée sur l’opération elle-même, mais non pas sur la stratégie, pourra trouver ici, dans le résumé, une information suffisante pour, au niveau de l’étude détaillée, sauter la première partie, qui la détaille beaucoup plus ; - il est essentiel que même ce lecteur aux motivations locales comprenne bien que c’est à cause de sa signification stratégique que l’opération projetée dans le Parc Naturel Régional du Vercors est prioritaire par rapport à d’autres, intrinsèquement tout aussi faisables et localement justifiées. Les opérations de réintroduction du Gypaète dans les Alpes ont fondé quatre noyaux de population, qu’on peut regrouper quant au rendement de lâcher (i.e. le rapport du nombre d’oiseaux en couples à celui des oiseaux lâchés) en deux ensembles aux résultats contrastés. AUTRICHE ET MERCANTOUR-ARGENTERA : QUASI-ECHEC Avec en 2009 seulement trois couples au total, dont aucun encore réussi à se reproduire, le rendement de lâcher est 4,5 fois plus faible que dans les deux autres noyaux de populations. Ceci ne peut s’expliquer que par une anormale mortalité due à l’Homme, Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 8/197 essentiellement ou uniquement par tir. ALPES CENTRALES ET NORD-OCCIDENTALES : RESULTATS ENCOURAGEANTS MAIS MODESTES Avec respectivement et six et huit couples, le rendement de lâcher atteint ici près de 50%, avec des succès de reproduction depuis 1997 (Haute-Savoie) et 1998 (Stelvio). Il reste près de trois fois inférieur à celui des lâchers de Vautour fauve dans les Alpes françaises et notablement inférieur à celui que le taux de survie du Gypaète permettrait d’espérer. Cette dépression démographique doit être attribuée, essentiellement et sans doute exclusivement, à l’extrême dilution des oiseaux lâchés : en moyenne 2 par an et par opération, ce qui maximalise pour un gypaète atteignant la maturité sexuelle la difficulté à trouver un partenaire et traduit l’âge tardif de la première reproduction réussie (8,3 ans). QUAND UNE OPERATION EST-ELLE ACHEVEE ? PRECONISATIONS Neuf couples installés assurent une probabilité très élevée de pérennité (Schaub et al.). L’opération de Haute-Savoie a été considérée comme achevée avec seulement sept couples. Le noyau de population qui en est issu a, depuis, atteint huit couples. Il n’y a pas contradiction car le modèle de Schaub et al. concerne une population isolée. Or, en dépit d’une réelle individualisation démographique les noyaux de populations des Alpes ne sont pas totalement isolés. Un certain transit entre eux doit abaisser le seul d’une ou deux unités (Schaub et al). Dans l’état actuel des connaissances, une opération peut donc être considérée comme achevée lorsque, selon le niveau de sécurité visé, sept à neuf couples seront installés. Le rendement des opérations réussies permet de prévoir qu’il soit nécessaire de lâcher trente à trente-six gypaètes. Compte tenu de la rareté et du coût des gypaètes à lâcher, un rendement de lâcher très inférieur à 50% révèle une mortalité anormale et exige de suspendre l’opération jusqu’à ce que la cause en soit identifiée et, surtout, maîtrisée. Son éventuelle reprise doit être subordonnée à la réalisation d’un effort en faveur de l’espèce, intense, durable, bien plus large que les massifs de lâcher, s’inspirant de ce qui a été réalisé sur les deux versants des Pyrénées. QUAND LA REINTRODUCTION DANS LES ALPES SERA-T-ELLE ACHEVEE ? PRECONISATIONS Le seuil de pérennité ci-dessus (8±1 couples) suppose que la mortalité n’augmente pas de ! 50% (Schaub et al.). Sa valeur actuelle étant très faible (12% des effectifs la première année, 4% ensuite) et les effectifs globaux modestes, il suffirait de quelques individus tués en plus chaque année pour que s’amorce une nouvelle extermination du Gypaète dans les Alpes. Le seuil de pérennité de 8±1 couples (cf. § précédent) n’est pertinent qu’à l’échelle de temps d’une opération (" 10 ans après achèvement) : le risque d’une telle augmentation de mortalité est faible. Mais à l’échelle de temps stratégique, qui se compte en décennies et non plus en années, il est totalement impossible de prévoir ce que sera l’évolution de la mortalité, du fait de l’Homme, directe (ex. : retour du poison, induit par retour du Loup) ou indirecte (ex. : prolifération d’éoliennes). La pérennité du Gypaète restera donc, dans les Alpes, très incertaine, tant que les effectifs totaux n’y seront pas beaucoup plus élevés. Seul un développement démographique soutenu peut permettre d’atteindre cet objectif stratégique de restauration et conservation. L’expérience acquise avec d’autres grandes espèces à taux de survie et reproduction analogue (Vautour fauve Gyps fulvus aussi bien que Bouquetin Capra ibex et autres) montre que le seuil de décollement démographique n’est pas atteint avant que la production n’atteigne au moins quelques dizaines de jeunes par an. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 9/197 Compte-tenu du nombre moyen de jeunes par couple nicheur (Schaub et al.), la réintroduction du Gypaète dans les Alpes ne peut donc être considérée comme achevée qu’avec, au moins, 33 à 50 couples nicheurs dans l’ensemble de la chaîne. Ceci constitue l’objectif stratégique de réintroduction à l’échelle de cette vaste région. CORRIGER LA STRATEGIE EN FONCTION DES CONNAISSANCES ET MOYENS ACTUELS La situation des Vautours en général montre que le poison n’est pas un facteur limitant significatif dans les Alpes lato sensu ( i.e., au sud de la zone sans montagne d’Europe moyenne, l’espace entre Pyrénées, Balkans, péninsule italienne). Ailleurs en Europe on ne doit pas accorder un seul individu de Gypaète4 à des opérations de réintroduction avant que la restauration du Vautour fauve, avec ou sans réintroduction, ait prouvé que le poison ne constitue pas actuellement un danger majeur. La seule exception est l’opération en cours en Andalousie : la vigueur et l’originalité des moyens de lutte lui donnent une haute valeur expérimentale pour la maîtrise de ce fléau. La stratégie de dilution des moyens (cf. supra) a eu, naguère, une justification politique, désormais dépassée. Situation et connaissances actuelles doivent la faire corriger : une concentration beaucoup plus grande des lâchers est désormais une exigence éthique, technique et financière. On en a désormais les moyens : • achèvement d’opérations, objectif atteint : déjà en Haute-Savoie, très prochainement en Stelvio-Engadine ; • fort accroissement de la production en captivité de gypaètes à lâcher. Le saupoudrage excessif actuel doit être abandonné. Une réalisation en une ou deux années reste un idéal démographique techniquement et financièrement inaccessible. Cinq ou six oiseaux par an et par opération est un compromis à la fois accessible et démographiquement acceptable. C’est ce qui a été fait en 2009 en Andalousie. La première année, on peut accepter un effectif plus modeste pour faciliter l’acquisition d’une expérience technique par l’équipe locale. Un rapport des sexes aussi équilibré que possible et le choix des lignées reproductrices en fonction des localisations sont des compléments très souhaitables. PRIORITES STRATEGIQUES ACTUELLES EN EUROPE Deux régions sont stratégiquement prioritaires pour la conservation et la restauration du Gypaète en Europe5 : Pyrénées : bastion démographique actuel, avec environ 140 couples, 500 individus. Hors sujet car la réintroduction n’est pas la stratégie ici pertinente ; Alpes lato sensu : à l’échelle des déplacements du Gypaète et des autres Vautours région-clé par la géographie, reliant les trois péninsules du sud de l’Europe. Démographiquement nécessaire, la poursuite des lâchers doit se faire par de nouvelles opérations. Deux sont actuellement prioritaires par leur localisation géographique favorisant les transits : Alpes centrales : connexion en une même population du noyau reproducteur du Stelvio et du noyau Valais - Haute-Savoie – Vanoise. La réflexion stratégique a récemment reconnu la pertinence du projet mais au niveau opérationnel l’étude de faisabilité reste encore à réaliser ; Préalpes du sud du Dauphiné6 : la recolonisation des Alpes françaises en sera 4 Idem pour Percnoptère Neophron percnopterus ou Vautour moine Aegypius monachus. La sauvegarde des derniers couples de Crète et celle, près de l’Europe, de ceux du Maghreb sont des urgences. Mais des lâchers sont exclus tant que les causes de mort persistent. 5 6 Une opération dans les gorges des Causses constituerait : Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 10/197 dynamisée et un noyau de population ici, à l’extrême ouest de l’arc alpin maximalisera la probabilité de transit entre Alpes et Pyrénées. Toutes autres choses étant égales par ailleurs, la probabilité qu’un individu erratique quittant un noyau de population en atteigne un autre varie comme l’inverse du carré de la distance entre noyaux de population. Donc la probabilité de transit d’immatures entre les territoires des couples les plus proches des deux chaînes serait presque doublée par un noyau de population à l’extrême ouest des Alpes. Le transit actuel de vautours fauves et v. moines de l’Espagne aux Alpes occidentales via les Pyrénées et le Massif Central, montrant qu’il ne s’agit pas d’une spéculation purement théorique. La faisabilité de l’opération est l’objet des deux autres parties du présent travail. Chaque connexion augmentera fortement les effectifs à prendre en compte, le dynamisme démographique, la diversité génétique et la probabilité de pérennité à long terme de l’ensemble comme de chacune de ses composantes. Deuxième partie FAISABILITE DE L’OPERATION, POTENTIALITES LOCALES La zone d’étude correspond aux quatre massifs qu’exploite à la belle saison la population de Vautour fauve nichant des Baronnies aux confins du Diois et du Vercors. Outre ces massifs, elle s’étend au Dévoluy, transition vers les Alpes internes. Le climat du Vercors, de type Préalpes de nord frais et humide7, s’oppose au à celui de la majeure partie de la zone d’étude, sous influences méditerranéennes marquées. L’étage méditerranéen proprement dit est même bien représenté dans le massif le plus méridional, celui des Baronnies. La zone d’étude offre les conditions les plus favorables à l’installation du Gypaète : - géomorphologie : quelque 700 km de falaises, abondance d’éboulis, plus de 6000 km2 de massif calcaires, s’abaissant de l’est vers l’ouest (Dévoluy 2759 m) et du nord au sud (Vercors 2341 m, Diois 2051, Baronnies (1545 m) ; - source de cadavres : Bouquetin (environ cinq cents, en développement rapide. Encore localisé), Chamois (cinq à six mille, dans les quatre massifs et à toutes altitudes) et Mouton (plus de soixante mille, augmentée de transhumants en été). D’autres espèces offrent des ressources alimentaires complémentaires dont l’ensemble dépasse les effectifs du seul Mouton8. Bien que le Gypaète ait déjà fourni vingt-neuf données, on ne l’a encore jamais observé sur les charniers à vautours, ce qui montre qu’il trouve assez à se nourrir ailleurs. A son extrémité nord-ouest, proche de l’agglomération grenobloise, la densité humaine est inférieure à 10 hab./km2, dont la majeure partie est concentrée en quelques agglomérations. La prospérité de l’Aigle royal (cinquante à soixante couples) et du Vautour fauve (en augmentation rapide depuis sa réintroduction, cent vingt couples en 2009) la réintroduction du Vautour moine (en cours, déjà quatre couples) et le retour spontané du Percnoptère montrent que ni les activités humaines ni le taux de boisement (élevé) ne sont un obstacle à la restauration actuelle des grands Rapaces rupestres et que les Vautours peuvent s’y nourrir. - une optimisation stratégique si elle était réalisée en complément de la précédente. Élargir la zone prise en compte aux autres grands sites rupestres du Massif Central, avec réintroduction du Chamois et du Bouquetin, maximaliserait encore la viabilité d’une population locale de Gypaète ainsi que la probabilité de transit entre elle et celles des deux chaînes encadrantes. - une faute stratégique grave si l’opération était réalisée avant la précédente : risque élevé de constituer un isolat démographique non viable ou même de gaspiller les oiseaux lâchés. 7 Sauf celui du sud-ouest du massif, analogue au climat du Diois. 8 Plus de quarante mille têtes des autres bétails et, approximativement, vingt mille autres Ongulés sauvages (pour l’essentiel Sanglier et Chevreuil. Egalement Cerf : autour de 15%). Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 11/197 Comme on l’a établi dans le Parc National du Mercantour, la présence du Vautour fauve sera ici hautement favorable à l’adaptation à la liberté des juvéniles de gypaètes lâchés au taquet. Les potentialités actuelles sont estimées d’une douzaine à une vingtaine de couples. En augmentation, elles pourraient, à long terme, atteindre jusqu’à une trentaine. Troisième partie REALISATION DE L’OPERATION OU ? QUI ? Si le Chamois et, en été, le Mouton sont largement répandus dans la zone d’étude, actuellement seuls deux biotopes hébergent plusieurs centaines de Bouquetin Capra ibex, en rapide développement démographique : les falaises orientales du Vercors et celles de la bordure méridionale de ses hauts plateaux, aux confins du Diois. Des trente données de Gypaète dans la zone d’étude 59% sont localisées à, au plus, huit kilomètres des principales.populations actuelles de.bouquetins, 38% dans ces biotopes euxmêmes. Pour maximaliser la probabilité d’installation des gypaètes lâchés c’est donc ici qu’ils devront être mis au taquet. Le second des deux biotopes, Glandasse et du cirque d’Archiane, ou ses très proches environs doit être préféré au premier du fait de facteurs qui y sont, tous, plus favorables : effectifs des bouquetins, chamois et, en estive, moutons, leur concentration spatiale, la géomorphologie, la position géographique au sein de la zone d’étude, l’orientation, l’exposition, la tranquillité. Divers sites potentiels pour l’installation de taquet(s) ont été sélectionnés en fonction des critères des spécialistes de la réintroduction du Gypaète dans les Alpes. Mais le choix définitif se fera après expertise de terrain par eux. CONCLUSION Outre les retombées locales extrêmement positives, participer à la réintroduction du Gypaète offre au Parc Naturel Régional du Vercors, dans le cadre de sa politique persévérante de restauration de la biodiversité de son territoire, un rôle de premier plan à jouer, à la hauteur d’une responsabilité aux échelles alpine et continentale. Il n’y faut qu’intelligence stratégique et persistance de la volonté politique. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 12/197 FIGURES Page 11 Figure 1. - Répartition et effectifs du Gypaète en Europe en 2006 (carte). Figure 2. - Philopatrie du Gypaète Gypaetus barbatus dans les Alpes (carte). 25 Figure 3. - Gypaètes lâchés dans les Alpes + bilan 2009 de reproduction en captivité. 29 Figure 4. - Achèvement d’une réintroduction et développement d’une population. 33 Figure 5. –La priorité stratégique intra-alpine actuelle : Alpes lépontines (carte). 34 Figure 6. - La priorité stratégique inter-chaînes actuelle : Préalpes occidentales (carte). 36 Figure 7. – Recolonisation prévisible des Alpes occidentales par le Gypaète (carte). 37 Figure 8. - Conditions de transit Gypaète avec opérations en Vercors ET Causses (carte). 38 Figure 9. – Idem avec opération dans les Causses seuls (carte). 36 Figure 10. - Délimitation de la zone d’étude, à l’extrémité occidentale des Alpes (carte). 45 Figure 11. - Bouquetins Capra ibex dans le Vercors : croissance des effectifs 60 Figure 12. - Distribution spatiale des observations de Gypaète et des populations de Bouquetin dans la zone d’étude. 84 Figure 13. – Distribution temporelle des observations de Gypaète dans la zone d’étude. 89 Figure 14. –Vercors et du nord du Diois : principales populations de Bouquetin (carte). 91 Figure 15 – Une des zones les plus favorables à l’installation d’un taquet (carte). 101 TABLEAUX Tableau I. - Noyaux de population de Gypaète Gypaetus barbatus dans les Alpes : nombres de couples en 2009 et d’oiseaux lâchés avant 2004. 26 Tableau II. - Comparaisons : distances entre les noyaux de population de Gypaète Gypaetus barbatus des Alpes, la population des Pyrénées et les territoires des deux projets d’opération, Préalpes occidentales ou Causses. 41 Tableau III. - Augmentation de la probabilité de franchissement de chaque hiatus du fait de .nouveaux noyaux de population. Tableau IV. - Taux de boisement. 56 Tableau V. - Cheptels domestiques non transhumant. 66 Tableau VI. - Temps de vol cumulé des juvéniles de Gypaète depuis le développement de l’estivage du Vautour fauve Gyps fulvus au Mercantour. 70 Tableau VII. - Distribution spatiale des effectifs du Bouquetin Capra ibex entre les deux biotopes …de l’est du Vercors à la fin de 2005. 92 Tableau VIII. - Application à trois des sites de la zone d’étude des critères de sélection …d’emplacement de taquet de Heuret 1999. 98 Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 13/197 Page PHOTOS 1. – Synécologie : Chamois et Bouquetin : très favorables au retour du Casseur d’os 2. - Géomorphologie très favorable : falaises calcaires et éboulis. 3. – Quelle que soit la géomorphologie… 4. - Sud de la zone d’étude : Baronnies, Saint May. 5. - Sud de la zone d’étude : Baronnies, gorges de Trente Pas. 6. - Sud de la zone d’étude : Baronnies, 7. - Centre de la zone d’étude : Diois, vue vers le nord sur le Vercors à l’arrière plan. 8. - Centre de la zone d’étude : Diois, vue vers l’ouest sur Couspeau et le massif de Saou. 9. - Centre ouest de la zone d’étude : Diois, bassin de la Roanne. 10. - Ouest de la zone d’étude : Diois. 11. - Centre de la zone d’étude, confins Vercors - Diois, vus de la vallée du Quint. 12. - Nord-ouest de la zone d’étude, bordure nord-ouest du Vercors. 13. - Nord-est de la zone d’étude, nord du Vercors, Montagne de Lans. 14. - Est de la zone d’étude, bordure orientale du Vercors, vue du nord - nord-est. 15. - Est de la zone d’étude.Vue sur le Dévoluy à partir du Vercors oriental. Mont Aiguille. 16. - Extrême est de la zone d’étude, Dévoluy, du refuge de Rochassac. 17. - Extrême est de la zone d’étude, Dévoluy, hauteurs du Riou froid, Lus-la-Croix-Haute. 18. - Extrême est de la zone d’étude, Dévoluy. Petites Charances, Rougnou, Grand Ferrand 19a, b, – Curée à trois espèce de vautours en zone semi-boisée dans le Diois central. 19,c, d. – Curée à trois espèce de vautours en zone semi-boisée dans le Diois central. 20. - Gypaète et forêt dans la vallée du Rhône helvétique. 21. - Bouquetin Capra ibex dans la zone d’étude en début de rut, 26 octobre 2005. 22. - Omniprésence actuelle du Chamois R. rupicapra dans la zone d’étude : en altitude. 23. - Omniprésence actuelle du Chamois R. rupicapra dans la zone d’étude : moyenne montagne. 24. - Omniprésence actuelle du Chamois R. rupicapra : basse montagne. 25. - Curée de vautours fauves Gyps fulvus sur cadavre de brebis à grande distance des charniers. 26. - Cerf bramant dans le sud de la zone d’étude, Baronnies. 27 . - Curée sur brebis en estive tuées par loups : vautours fauves G. fulvus et v. moines A. monachus. 28. - Chamois R. rupicapra installé à proximité de l’Homme. 29. - Le Bouquetin Capra ibex est présent aussi à basse altitude et près de l’Homme. 30. - Vautour fauve G. fulvus colonie nicheuse installée dans les falaises dominant Rémuzat. 31. – Gypaète aux confins du Vercors et du Diois : adret du col du Rousset 2008 32. – Gypaète aux confins du Vercors et du Diois : cirque d’Archiane 2009 33. – Aux confins du Vercors et du Diois : gypaète le plus âgé observé dans la zone d’étude 34.- Argentera le 12 février 1994 dans l’ouest de la zone d’étude lâché dans le P. N. du Mercantour. 35. – Ibidem Juvénile le 13 août 2009 36. - Biotope à Bouquetin Capra ibex des falaises orientales du Vercors. 37. – Biotope à Bouquetin Capra ibex des falaises méridionales des Hauts Plateaux du Vercors. 38. - Bouquetins mâles au cirque d’Archiane. 39. - Squelette de Bouquetin femelle nettoyé par les vautours, cirque d’Archiane. 40. - Troupeau de transhumants. 41. – Les charognes de transhumants in natura dans le PNRV sont déjà exploitées par les vautours. 42. - Carcasse nettoyée par d’autres charognards, prête pour le Casseur d’os. 43. - Le taquet du Parc National du Mercantour et son environnement. 44. - Falaise au fond du vallon de Pédane et restes de bouquetin. 45. – Site potentiel pour le taquet : Pédane et Tête du Jardin. 46. - Au Cirque d’Archiane autre site potentiel pour l’installation du taquet. 47. - Versant occidental du Glandasse. 48. - Le dessus du Glandasse vu de la pointe sud. 49. - Nord du versant ouest du Glandasse à sa jonction avec la bordure méridionale du Vercors. 50. - L’est de la bordure méridionale du Vercors un peu à l’ouest de sa jonction avec le Glandasse. 51. - Le sud des Hauts des Plateaux du Vercors : paysage typique et détail de petits sites escarpés. 52. - Le sud des Hauts Plateaux du Vercors : sites escarpés moins modestes. 53. - Bordure méridionale du Vercors : falaises du Quint. 54. - La Réserve Naturelle des Hauts Plateaux du Vercors, vue aérienne. 55. - Toutes les conditions sont réunies pour retour du Gypaète dans la zone d’étude. 56. - Couple de Gypaète Gypaetus barbatus dans les Pyrénées espagnoles 16 46 46 47 48 49 50 50 51 52 52 53 53 53 54 54 55 55 57 58 59 61 62 63 64 65 67 68 72 78 78 86 86 87 88 88 93 93 94 94 95 95 96 99 100 102 103 104 104 105 105 106 107 108 113 116 118 Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 14/197 INTRODUCTION I. UNE CONTRIBUTION ELEVEE A LA BIODIVERSITE « Conservation et restauration de la situation du Gypaète constituent un objectif des politiques européennes et nationales en faveur de la biodiversité. Il n’est pas superflu de préciser que c’en est un objectif majeur, car la biodiversité ne se réduit pas au nombre d’espèces : chacune ne lui apporte pas la même contribution. Il faut notamment prendre en compte : - l’originalité taxonomique : à l’échelle mondiale la disparition totale du Vautour fauve serait la perte de 1/7 des espèces du genre Gyps. La disparition du Casseur d’os, elle, correspondrait à 100% du genre Gypaetus ; - l’originalité écologique : si un Vautour du genre Gyps disparaissait, le type écologique « Grand rapace charognard mangeur des parties molles de moyens et grands Mammifères » subsisterait à l’échelle mondiale. À long terme, il est très probable que l’aire de l’espèce disparue soit colonisée par une ou plusieurs des autres espèces du genre, vicariantes géographiques de l’espèce disparue. Mais, si le Gypaète disparaissait, il n’y aurait plus au monde aucun grand Rapace mangeur d’os.» Choisy 2006. Pour analyse plus détaillée de ces contributions fort inégales des diverses espèces à la biodiversité cf. Choisy 2003. C’est pourquoi la restauration des effectifs et de l’aire biogéographique du Gypaète constitue un des objectifs majeurs des politiques européennes, nationales et locales pour la conservation et la restauration de la biodiversité. II. SITUATION ACTUELLE A. – HORS D’EUROPE Largement répandue initialement sur les reliefs paléarctiques jusque vers le 50° degré de latitude nord, aux altitudes les plus diverses, la sous-espèce Gypaetus barbatus barbatus a subi une régression générale du fait de l’Homme : extermination quasi-totale hors l’Asie centrale, l’Himalaya et quelques populations relictuelles locales. Dans le Paléarctique occidental (= autour de la Méditerranée) l’extermination totale menace les rares derniers couples, sauf en Anatolie où les effectifs, en régression, semblent encore importants, mais où la situation reste très mal connue. La situation de la sous-espèce Gypaetus barbatus meridionalis qui habite les reliefs de l’est au sud de l’Afrique n’est pas meilleure. B. – EN EUROPE9 La situation du Gypaète reste globalement très préoccupante : extermination totale dans la plupart de son aire, dans les Alpes elle a été achevée au plus tard en 1935, souvent plus ancienne encore ailleurs. Elle est fort variable selon les contrées où subsiste l’espèce ou est réintroduite. 9 Effectifs : M. Razin in litt., M. Terrasse comm. or., M. Zimmermann in litt., R. Zink in litt. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 15/197 1. EXTERMINATION RECENTE, TOTALE OU PRESQUE - Péninsule et îles italiennes : extermination achevée en Sardaigne vers 1970 (Schenk in Cramp et al.) ; - Péninsule ibérique au sud des Pyrénées : les derniers couples ont été éliminés par le poison visant les Carnivores, en en Andalousie (Garzon 1977 in Cramp et al.) ; - Balkans : naguère hébergeant le second bastion de l’espèce en Europe, avec trente à quarante couples en Grèce, peut-être cinquante (Bijleveld 1974 in Cramp et al.). De nos jours, l’espèce a été éradiquée sur le continent : une vieille femelle esseulée en Macédoine, de rarissimes autres observations ici ou là. En Crète, en 2006, survivaient six couples, dont trois seulement se reproduisent... Cause de cet effondrement : la généralisation de l’usage du poison contre Carnivores et Sanglier. En Crète s’y ajoute la persistance d’un archaïsme : le tir pour taxidermisation… 2. SITUATION TRES FRAGILE : CORSE Huit ou neuf couples autour du Mont Cinto, un trio à Bavella. Petite population, au mieux stable, mais fragile : isolée et taux de reproduction faible, probablement faute de disponibilités alimentaires. Figure 1. – Répartition et effectifs du Gypaète en Europe en 2006. Source : R. Zink, IBM. 3. RENAISSANCE SPECTACULAIRE : PYRENEES Réduite à une quarantaine de couples il y a une trentaine d’année (Cramp et al.), cette population a connu un spectaculaire renouveau du fait d’un remarquable effort de PROTECTION et d’une amélioration des disponibilités alimentaires. En 2006, cent dix-huit couples certains, probablement cent trente, répartis approximativement au pro rata des surfaces : un en Andorre, vingt-cinq (vingt-sept ?) en France et quatre-vingt-douze (cent deux ?) en Espagne. En 2009 probablement cent quarante couples et au, total, autour de cinq cents individus. 4. REINTRODUCTION EN COURS - ANDALOUSIE : commencée en 2006, trop récente pour que des couples soient formés ; Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 16/197 - ALPES : commencée en 198610 la réintroduction se poursuit. La chaîne héberge en 2009 au moins une centaine d’individus (probablement cent vingt) avec dix-sept couples territoriaux dont onze reproducteurs. Le nombre d’individus immatures permet d’espérer une prochaine augmentation du nombre de couples et des reproductions réussies. III. METHODE DE LACHER Des jeunes nés en captivité achèvent leur croissance dans une aire artificielle en falaise, dite « taquet », d’où ils s’envolent spontanément. Leurs contacts avec les humains se réduisent à leur marquage, leur baguage, éventuellement leur équipement pour suivi par satellite et l’installation sur le taquet. L’effectif disponible chaque année étant très réduit, une réintroduction locale s’étale donc sur de nombreuses années. Cet étalement dans le temps d’effectifs annuels réduits constitue une contrainte démographique forte. Toutefois, pour le Gypaète, dont les adultes sont territoriaux, il ne constitue pas une contre-indication éthologique majeure, comme il le serait pour une espèce aussi grégaire que le Vautour fauve. IV. LE PRESENT TRAVAIL A. – ORIGINE Des spécialistes en visite de travail relative aux autres Vautours dans les Préalpes occidentales ont été frappés par l’adéquation de certains grands sites aux exigences écoéthologiques du Gypaète, notamment aux confins orientaux du Vercors et du Diois. La qualité et l’étendue des biotopes permettaient donc un pronostic favorable à opération locale de réintroduction, dont le succès semble assuré. Toutefois, si l’observation naturaliste reste la source irremplaçable de données, la décision de réaliser l’opération doit nécessairement se fonder sur une approche plus étayée qu’une impression globale, même émise par les meilleurs connaisseurs de l’espèce. La FOUNDATION FOR THE CONSERVATION OF THE BEARDED VULTURE (FCBV) a donc demandé au Parc Naturel Régional du Vercors de réaliser une étude de faisabilité, demande à laquelle ce présent travail répond, scientifiquement et techniquement. B. - REFERENCES Parmi l’abondante bibliographie consacrée au Casseur d’os, quelques publications ont été des outils intellectuels majeurs : Le Gypaète barbu, Terrasse J.-F. (2001) : pour les aspects les plus divers de la biologie ; Ecological requirements of reintroduced species and the implications for release policy: the case of the bearded vulture, Hirzel, Posse, Oggier, Crettenand, Glenz & Arlettaz (2004) pour les facteurs écologiques ; Effect of human activities on bearded vulture behaviour and breeding success in the French Pyrenees, Arroyo & Razin (2006) ; When to end releases in reintroduction programmes : demographic rates and population viability analysis of bearded vultures in the Alps. Schaub, Zink, Beissmann, Sarrazin. & Arlettaz (2009) pour la démographie. 10 Après une première tentative dans les années 1970 (cf. infra in CONCLUSION). Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 17/197 Opérations et stratégie de reintroduction. Exemple du Gypaete Gypaetus barbatus en Europe, référencé en Choisy*, à paraître prochainement, a fourni la matière d’une totale refonte de l’Introduction et de la Première partie du présent document de travail. C. - A QUI S’ADRESSE-T-IL ? Quiconque s’intéresse au Casseur d’os pourra trouver quelques profits à la lecture des pages qui suivent. Toutefois ce travail a été rédigé d’abord pour deux catégories de lecteurs : - les spécialistes de l’espèce et de sa réintroduction : la FCBV et ses collaborateurs nationaux ou locaux : scientifiques comme associations, telles que LPO et ASTERS pour la France, etc. - les décideurs politiques et administratifs concernés par la réalisation : Parc Naturel Régional du Vercors, Ministère de l’Environnement, sa Direction régionale, Conseils Généraux, Région Rhône-Alpes, etc. ainsi que leurs partenaires associatifs concernés, notamment LPO, CORA, Vautours-en-Baronnies. Le lecteur pour qui telle ou telle analyse ou précision serait superflue devra donc garder à l’esprit qu’elle est sans doute nécessaire à d’autres. D. – CONTENU Première partie Localement, bien d’autres massifs méritent autant que la zone d’étude qu’on leur attribue les rares gypaètes disponibles. Il était donc nécessaire de mettre en évidence la pertinence stratégique singulière de la création d’un noyau de population à l’extrême ouest des Alpes, dans le cadre de la stratégie de restauration de la situation de l’espèce dans la chaîne et même en Europe de l’Ouest. Celle d’un complément dans le sud du Massif Central est aussi analysée. Deuxième partie C’est l’étude de faisabilité sensu stricto de l’opération de réintroduction qui vise à créer un noyau de population dans l’ensemble Vercors, Diois, Baronnies, Dévoluy. Troisième partie Le niveau tactique, celui de la réalisation concrète, n’a été traité que très partiellement, pour montrer l’existence de sites favorables à l’installation d’un point de lâcher et un contexte humain très favorable : moyens, volonté politique, réintroductions précédentes, espaces protégés et leurs personnels, opinion publique locale, etc. Mais le passage à l’acte nécessite aussi un volet administratif et financier, ainsi que l’organisation de l’information, de la concertation avec les responsables politiques et administratifs concernés comme avec les usagers du milieu naturel et leurs représentants associatifs. Ils n’ont pas été traités ici car ils sont hors du champ de compétence propre du biologiste et naturaliste. En outre, lors de la première version de ce travail, avant que la faisabilité biologique et la pertinence stratégique de l’opération ait été reconnues, c’eût été prématuré. V. CONCEPTS ET TERMINOLOGIE A. - LACHER Le terme général « lâcher » sera employé ici dans le sens particulier de « lâcher par mise au taquet ». Abréviation sans ambiguïté dans le présent travail. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 18/197 B. – REINTRODUIRE UNE ESPECE, LACHER DES INDIVIDUS On réintroduit une espèce, mais non pas des individus, lesquels sont lâchés. Une population, elle, sera dite « issue de lâchers », ou « issue d’une (opération de) réintroduction ». C’est s’exprimer de manière à la fois formellement inélégante et, pire, factuellement fausse, que de parler d’individus11 réintroduits. Elle reste trop courante… C. – RETOMBEES Il serait irréaliste de négliger, le succès d’une opération de réintroduction, de la perception du retour des Vautours en général, du Gypaète en particulier, par les locaux et autres usagers de la nature, même par ceux les moins motivés par la nature et la biodiversité : s - l’intérêt touristique du retour de espèces spectaculaires est très bien perçu par les professionnels du tourisme rural ; - le service d’équarrissage naturel (service rendu aux éleveurs), surtout par le Vautour fauve, l’est au moindre coût pour la collectivité et au bénéfice de l’environnement (réduction des émissions de CO2 et autres polluants atmosphériques12). Dans la zone d’étude, les vautours épargnent déjà le transport à plus de deux cents kilomètres d’au moins trois mille cadavres de bétail par an. Un projet de réintroduction des Vautours de toutes espèces pourrait donc aussi avoir sa place parmi les objectifs de politiques locales ou régionales agricoles, de tourisme de nature, d’économie d’énergie et de réduction des pollutions, notamment de gaz à effet de serre. Mais pour qu’il s’agisse d’objectifs, il faudrait que les organismes responsables de ces politiques apportent à la réalisation d’un projet une contribution significative, notamment financière, au minimum un soutien politique ferme et constant. Il ne semble pas que cela ait jamais été le cas. Donc, pour ces deux secteurs d’activités, il s’agit donc de simples retombées, profitables, certes mais non pas d’objectifs, assumés en tant que tels. Dans le cas du présent projet, comme des réintroductions en général (Choisy 2004 a, in ANNEXE II) cette distinction est un impératif intellectuel, à la fois éthique mais aussi pratique : pour une clarté maximale, pour minimiser tout risque d’amalgame, source de malentendus. D. - HIERARCHIE ET ECHELLE D’ANALYSE ET D’ACTION « Opération, stratégie, etc. » sont des termes, plus couramment utilisés que ne sont réellement compris, et surtout distingués, les concepts qu’ils désignent13. Distincts par leurs 11 Et de populations réintroduites dès que sont présents d’autres individus que ceux qui ont été lâchés : naissance en liberté, installation de visiteurs spontanément immigrés. 12 Dans la Drôme (PNR du Vercors + Vautours-en-Baronnies) les charniers épargnent le transport à plus de 200 km de quelque trois mille cadavres de bétail chaque année, sans compter ceux consommés en alpage. 13 La distinction des niveaux politique, stratégique, opérationnel, tactique, leur hiérarchisation fonctionnelle, pratiquée empiriquement depuis l’Antiquité, n’a commencé à être clairement pensée et exprimée qu’à partir du XVIII° siècle. Au fil des générations, la réflexion sur les concepts s’est approfondie, les termes ont été définis avec précision, le domaine d’application s’est généralisé bien au-delà de celui d’origine, politico-militaire. Pour l’analyse précédant la prise de décisions, puis l’organisation de projets, enfin leur réalisation, la poursuite d’objectifs propres à chacun des niveaux, c’est l’outil intellectuel adéquat, efficace et nécessaire s’il n’était trop souvent mal compris, y compris par une large fraction de ceux-là mêmes dont la fonction exigerait qu’ils le maîtrisassent. Une fréquente familiarité avec ses termes, donnant aux locuteurs et auditeurs une illusion de claire compréhension, ajoute souvent à la confusion, donc à l’inefficacité. D’où les présentes Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 19/197 échelles d’espace et de temps comme par leurs niveaux hiérarchiques fonctionnels, ils sont trop souvent confondus ce qui est fort préjudiciable au travail intellectuel comme à l’action, une source de malentendus pouvant induire des conflits. Il n’est donc pas superflu de les définir et expliciter. On l’a fait en usant d’exemples concernant l’objet du présent travail. 1. NIVEAU TACTIQUE (Partiellement traité dans la troisième partie) C’est celui de la réalisation concrète. Elle repose sur la mise en œuvre de techniques, administratives, de financement, de communication, de baguage, marquage, transport, installation au taquet, nourrissage des jeunes gypaètes, de suivi avant et après envol, etc. Décisive pour le succès d’une réintroduction, la prise en compte du contexte humain se situe également à ce niveau tactique. Dans le cadre d’une politique de restauration de la biodiversité, c’est en termes de contraintes et/ou ressources éventuelles qu’on doit l’analyser. Aussi nécessaires et, éventuellement, élaborées que soient les techniques mises en œuvre à ce niveau, elles ne sont que des moyens : atteindre un objectif tactique n’a d’importance que dans la mesure où il contribue à la poursuite de l’objectif opérationnel, ici fonder un noyau de population. Une étude de faisabilité n’est pas le lieu de détailler les modalités techniques de mise en œuvre de ces moyens. On s’est donc borné à évoquer l’existence de ces derniers, ainsi que l’existence de sites favorables à l’installation de taquet, faute de l’opération aurait été impossible et l’étude de faisabilité sans objet. 2. NIVEAU OPERATIONEL Ce niveau, de l’unité élémentaire de la stratégie de réintroduction, est celui de l’échelle de faisabilité proprement dite, fondée sur l’analyse des facteurs écologiques et des facteurs humains : occupation de l’espace, activités, perception de l’espèce concernée, etc. Objectif opérationnel : de nature démographique = fonder un noyau de population, pérenne à l’échelle de temps de la décennie après achèvement de l’opération. Échelle spatiale : locale. Ce dernier terme doit s’entendre en fonction des rapports avec l’espace de l’espèce considérée : domaines vitaux, processus de recolonisation spontanée, etc. L’espace pris en compte est le grand biotope où les animaux sont lâchés, pour le Gypaète au moins un grand massif, ici plusieurs, quelques-uns, contigus : quelques milliers de kilomètres carrés. 3. NIVEAU STRATEGIQUE Toute nouvelle opération de réintroduction réussie constitue ipso facto une contribution à la restauration démographique d’une espèce. Mais à effectifs lâchés identiques les effets de restauration peuvent fortement varier en fonction de la pertinence de la stratégie adoptée. Or les moyens disponibles pour la restauration la situation d’une espèce sont globalement presque toujours beaucoup plus limités que ce qui serait souhaitable. On doit donc maximaliser l’efficacité de la contribution de chacune des opérations locales à la stratégie globale. Sur quels critères réintroduire maintenant ici plutôt que dans un autre des territoires de potentialités démographiques locales et probabilités de réussite analogues ? Toutes autres choses étant analogues par ailleurs une stratégie de réintroduction c’est donc d’abord la distribution dans l’espace des diverses opérations locales, éventuellement la modulation dans le temps de leur réalisation et/ou leur succession en fonction de contraintes majeures amenant à surseoir, parfois longtemps, à la réalisation d’opération(s) sinon prioritaire(s). précisions des concepts et de la terminologie : pour ne pas renoncer à l’outil tout en tâchant d’en prévenir un usage fautif. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 20/197 Objectif stratégique : maximaliser l’efficacité de la reconstitution plus ou moins partielle de l’aire potentielle naturelle et celle de la restauration démographique à l’échelle d’une vaste aire biogéographique, maximaliser la probabilité de pérennité de la population à long terme. Échelle spatiale: de régionale à continentale. Dans le cas du Casseur d’os la faiblesse des effectifs disponibles pour des lâchers14 et le coût des oiseaux15 réduisent à très peu le nombre d’opérations réalisables simultanément dans les Alpes et même dans toute l’Europe. L’exigence éthique, pratique et financière, d’efficacité stratégique de chaque opération en est d’autant plus impérieuse. Compte tenu de la situation actuelle Gypaète en Europe et des contextes humains locaux, c’est leur situation géographique qui rend les massifs les plus occidentaux des Préalpes actuellement prioritaires dans la stratégie de réintroduction de l’espèce, à DEUX ECHELLES : - : la réussite de l’opération sera particulièrement favorable à la recolonisation de l’ensemble des Alpes occidentales ; - INTERCHAINEs : la réussite de l’opération maximalisera la probabilité d’établissement d’un flux d’individus entre les populations des Alpes et des Pyrénées. INTRACHAINE 4. NIVEAU POLITIQUE (Non développé mais rappel nécessaire) Le terme doit s’entendre latu senso : une association, elle aussi, peut avoir une politique. Par leur nature même, les objectifs de la réintroduction du Gypaète se situent A LA CONVERGENCE DE LA BIODIVERSITE DE POLITIQUES DE CONSERVATION ET RESTAURATION à deux échelles : - continentale, au bénéfice du Gypaète sous l’égide de la FCBV ; - locale, concernant la faune et la flore dans leur ensemble, tout particulièrement dans le PARC NATUREL REGIONAL DU VERCORS. Ceci indirectement par la gestion des biotopes, directement pour une minorité d’espèces, réintroduites ou non, dont déjà trois Vautours. Pour la place du renouveau du Gypaète et des autres Vautours dans les politiques de tourisme de nature, agricoles (équarrissage naturel) et d’environnement cf supra § 3. – RETOMBEES. 5. NIVEAU DES VALEURS (Non développé mais rappel nécessaire) Pour être efficace stratégiquement une politique en faveur de la biodiversité doit nécessairement tenir compte des connaissances scientifiques disponibles. Elle ne doit pas se laisser déborder par l’activisme stratégique ou opérationnel de techniciens ou/et militants, pleins de zèle pour fonder une population sans se soucier de pertinence biogéographique : les consternantes introductions volontaires d’espèces exotiques, telle que celle du Mouflon dans la zone d’étude, doivent désormais être prohibées. Toutefois, ni les connaissances scientifiques ni le savoir faire technique ne sauraient fournir une motivation. Une politique en faveur de la biodiversité n’exige nullement des convictions identiques de tous ceux qui la promeuvent et/ou la mettent en oeuvre : il suffit qu’elles soient relativement compatibles. La restauration de la situation des vautours en Europe peut rallier aussi bien ceux qui ne résignent pas à ce que l’action d’Homo sapiens sur la grande faune se réduise à l’extermination de celle-ci que ceux qui en espèrent des retombées pour le tourisme de 14 Contrairement à la réintroduction du Vautour fauve Gyps fulvus qui, elle, bénéficie de l’énorme réservoir des quelque vingt mille couples d’Espagne. 15 Produits en captivité. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 21/197 nature et/ou leur contribution à un équarrissage naturel donc à la qualité de l’environnement. Sans que ce soit ici le lieu de développer davantage, il convenait néanmoins que de rappeler que toute politique repose, au moins implicitement, sur des valeurs16, au sens philosophique du terme. Le méconnaître sous prétexte d’objectivité scientifique ou de sérieux technique est une confusion des niveaux d’analyse, de décision, d’action, dans une carence de pensée politique proprement dite. D’où une trop fréquente prédominance quasi-exclusive des préoccupations tactiques : faute d’une hauteur de réflexion sur les fins, les moyens usurpent le niveau de celles-ci. Dérive trop fréquente… AVANT-PROPOS : CRITERES A PRENDRE EN COMPTE POUR LA REINTRODUCTION DU GYPAETE C’est un préalable nécessaire d’examiner dans quelle mesure le projet dans les Préalpes occidentales satisfait aux critères dont Jean-François Terrasse dresse la liste dans une page de son ouvrage de référence sur le Casseur d’os ENQUETE SUR LA PRESENCE PASSEE DE L’ESPECE La question est celle de la pertinence biogéographique de la stratégie dans laquelle se situe l’opération. La zone d’étude étant une partie des Alpes, la réponse, positive, a déjà été apportée ipso facto, quoique à une toute autre échelle : celle de l’ensemble de la chaîne, et ce dès les premiers projets de réintroduction. La première partie évoque également la pertinence biogéographique du projet dans le Massif Central. ÉTUDE DES POTENTIALITES DU MILIEU Les potentialités, élevées, avaient déjà été perçues lors des visites informelles de spécialistes de l’espèce, notamment Michel Terrasse. Le présent travail les a mises en évidence et quantifiées sur une base documentée, analytique et statistique. Ernesto Alvarez et Mario Alvarez-Keller spécialistes des Vautours, visitant le cirque d’Archiane à la fin de 2008, ont souligné sa similitude écologique avec le meilleur site à Gypaète du versant espagnol des Pyrénées, chaîne qui héberge la principale population actuelle d’Europe. Son analyse détaillée est l’objet de la deuxième partie. GARANTIES RELATIVES A LA GESTION DU TERRITOIRE CONSIDERE À l’échelle de l’ensemble des 6000 km2 de la zone d’étude : - certes, il ne saurait être question d’envisager un statut spécial couvrant son ensemble ; - mais, outre la réglementation générale, l’une des meilleures garanties est la faible densité humaine : globalement < 10 hab./ km2, beaucoup moins dans la plus grande partie de la zone d’étude, quelques agglomérations concentrant une grande partie de la population ; - enfin la réintroduction réussie du Vautour fauve, celle en cours du Vautour moine, le retour spontané du Percnoptère sont des indicateurs biologiques d’une situation globalement favorable au retour des grands charognards. 16 Les politiques les plus inhumaines elles-mêmes ne peuvent se passer de ce fondement. Que les valeurs sur lesquelles elles reposent soient des plus contestables est un tout autre problème. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 22/197 Localement, des garanties réglementaires et des moyens de gestion suffisants sont offerts par divers espaces bénéficiant de statuts de protections particuliers. Au Parc Naturel Régional du Vercors, soit un quart de la zone d’étude et, en son sein, la Réserve Naturelle des Hauts Plateaux du Vercors, prolongée dans le cirque d’Archiane par une Réserve Biologique Forestière ; il faut ajouter des ZNIEFF, des zones NATURA 2000, des sites classés. Dans le sud de la zone d’étude, le projet de Parc Naturel Régional des Baronnies progresse. Sauf ce dernier, ces points sont développés dans le dernier chapitre de la troisième partie. DISPONIBILITE EN INDIVIDUS DE L’ESPECE EN VUE DE SA REINTRODUCTION Du fait du développement considérable de la reproduction en captivité et de l’achèvement, objectif atteint, de l’opération en Haute-Savoie, des gypaètes seront disponibles prochainement cf. infra in Première partie. SUIVI DE LA POPULATION REINTRODUITE Depuis 1989, sept années ont vu des lâchers de Bouquetin ou de Vautour fauve par le Parc Naturel Régional du Vercors, chaque fois avec un suivi intense pendant les mois d’adaptation à la liberté ou/et d’installation, avec des techniques d’identification individuelles, visuelles et hertziennes. Animé par le Parc Naturel Régional du Vercors, un réseau de collecte et rediffusion de données relatives au suivi du Vautour fauve, du Vautour moine et du Percnoptère, est déjà opérationnel dans la zone d’étude mais aussi bien au-delà de ses limites. Il a aussi fourni des observations de Gypaète. Outre son efficacité, son existence démontre la volonté du Parc Naturel Régional du Vercors de poursuivre les suivis après réintroduction bien au-delà dans le temps17 de préoccupations médiatiques à court terme. Réalisation et suivi devraient faire l’objet d’un protocole entre le PNRV et ASTERS, inspiré de celui de l’opération dans le Parc National du Mercantour. Informations complémentaires dans la troisième partie. ACTION DE SENSIBILISATION ET D’INFORMATION Le Parc Naturel Régional du Vercors, lors des réintroductions du Bouquetin et du Vautour fauve, a acquis une solide expérience en la matière. Il peut, en outre, s’appuyer sur un Centre Permanent d'Initiatives pour l'Environnement (CPIE), notamment auprès des scolaires. VALIDATION La présente étude sera soumise aux autorités compétentes et aux spécialistes de l’espèce, et d’abord à la Fondation pour la Conservation du Gypaète, dont une demande au Parc Naturel Régional du Vercors est à l’origine du présent travail. Depuis sa première rédaction, des présentations orales étayées d’extraits ont déjà recueilli l’adhésion de la Fondation à la haute pertinence du projet dans la stratégie de réintroduction de l’espèce. + + + + 17 Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 23/197 PREMIERE PARTIE : LA REINTRODUCTION DU GYPAETE Gypaetus barbatus A L’EXTREME OUEST DES ALPES ET DANS LE SUD DU MASSIF CENTRAL DANS LES STRATEGIES DE CONSERVATION ET RESTAURATION EN EUROPE La pensée stratégique combine des actions variées pour atteindre un objectif global… S’élever à la stratégie, c’est faire un acte de foi dans la rationalité et l’intelligibilité de l’action et de l’histoire… Il est bien possible que notre temps se caractérise par…une virtuosité tactique, diversifiée et accélérée par le progrès des sciences et des techniques, et une pensée stratégique, souvent dépourvue d’une originalité et d’une richesse égale... Saint-Sernin in Encyclopedia Universalis Le lecteur qui souhaite une information détaillée sur l’opération elle-même mais non pas sur son contexte stratégique, alpin et européen, trouvera dans le Résumé un exposé suffisamment développé à ce niveau pour, ici, passer directement à la deuxième partie. La nécessaire actualisation de stratégie de réintroduction a été abordée lors du séminaire annuel de la FCBV en 2009 à Bormio. L’urgence d’achever la présente refonte n’a pas permis d’atteindre ici la concision souhaitable. Ce sera le cas dans un article (Choisy*) qui sera prochainement publié, qui bénéficiera aussi d’une amélioration des calculs, au moins dans leur présentation. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 24/197 I. ALPES ET MASSIFS CONNEXES DANS LES STRATEGIES DE RESTAURATION DU GYPAETE ET AUTRES VAUTOURS A. - PRIORITES SPATIALES Qu’elle soit de nos jours atteinte ou que l’Homme l’ait artificiellement ramenée bien plus au sud, la limite de nidification des Vautours de toutes espèces en Eurasie passe approximativement par le 50° de latitude nord, soit la latitude du Luxembourg. Au-delà, quand commence la reproduction, dès la fin de l’automne et en hiver, commence la reproduction les journées sont trop brèves18. En Europe, cette limite climatique est corrélée avec une disparition des sites rupestres nécessaires à la nidification de toutes les espèces autres que le Vautour moine. Les vastes contrées plus au nord ne sont donc pour les Vautours qu’une région d’erratisme occasionnel, tout au plus d’estivage potentiel de non nicheurs dans sa partie méridionale. Plus au sud, l’aire de nidification est subdivisée par la géographie en quatre régions. 1. REGION SUD-EST ou BALKANIQUE Le poison a, dans un passé récent, réduit le second bastion à vautours du continent à de pauvres restes : une vingtaine de couples de Vautour moine et quatre cents couples de Vautour fauve Gyps fulvus, localisés dans quelques espaces protégés. Cent à cent-vingt couples de Percnoptère. Neophron percnopterus. Quant au Gypaète Gypaetus barbatus ne survivent plus que quelques couples en Crète et, sur le continent, de très rares oiseaux isolés. 2. REGION SUD ou THYRENIENNE = Corse + Italie insulaire et péninsulaire Globalement, situation encore pire et depuis bien plus longtemps, sauf pour le Gypaète : une petite dizaine de couples, en Corse. Le Vautour moine a été entièrement exterminé. Quelques couples de Percnoptère survivent dans le sud de la péninsule Italienne. En Sardaigne, le Vautour fauve fluctue en fonction des épisodes d’empoisonnement autour de vingt-cinq couples, soit à 2% des effectifs de la première moitié du XX° siècle. Quelques points positifs : réintroduction du Vautour fauve, réussie dans les Abruzzes (environ trentecinq couples), amorcée dans le sud de la Péninsule et en Sicile, renforcement de la population relictuelle de Percnoptère amorcée par lâcher. 3. REGION SUD-OUEST ou PYRENEO-IBERIQUE, plus brièvement, IBERIQUE S. L. = sensu lato = Pyrénées françaises incluses. Autour de vingt mille couples de Vautour fauve, environ quinze cent de Vautour moine, autant de Percnoptère et cent quarante de Gypaète, ce dernier ne nichant plus actuellement que dans les Pyrénées. Modestes dans l’absolu, ces derniers effectifs ont une grande valeur relative : - dans l’espace : de nos jours la plus importante population d’Europe ; 18 Donc incompatibles avec les longues prospections alimentaires et ce d’autant plus qu’alors les rares heures de jours sont loin d’offrir toutes des conditions aérologiques favorables, particulièrement dans les contrées sans reliefs marqués. Le froid, lui, n’est pas déterminant : les grands vautours nichent en aussi en altitude. Le Percnoptère Neophron percnopterus, migrateur, échappe à cette contrainte forte. Mais sous les hautes latitudes, la belle saison est trop brève pour la reproduction de cette espèce surtout tropicale. En outre, cette espèce est essentiellement un suiveur de grands vautours, dont il consomme les restes. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 25/197 - dans le temps : naguère réduite à environ une quarantaine de couple, cette population bénéficie, grâce à des efforts franco-espagnols intenses, déjà anciens, toujours poursuivis, d’un renouveau spectaculaire, loin d’être achevé. Le suivi par satellite de la réintroduction en cours en Andalousie montre des mouvements d’immatures dans toute la péninsule (Ruiz et al. séminaire FCBV 2009, Bormio). Illégal, le regain d’usage du poison, quoique préoccupant, n’est pas encore tel qu’il ait inclus un déclin de trois grandes espèces de Vautours. Celui du Percnoptère lui est-il attribuable ? PAR L’HISTOIRE : LE BASTION DEMOGRAPHIQUE ACTUEL de toute espèce de Vautours en Europe, donc LA PRIORITE STRATEGIQUE DE CONSERVATION. 4. REGION CENTRALE ou ALPINE ou, plus brièvement, ALPINE S.L. Casseur d’os Gypaetus barbatus : dix-sept couples dans les Alpes, massifs internes surtout. Vautour moine Aegypius monachus : vingt-et-un à vingt-quatre couples, tous en France, dont quatre dans les Préalpes (réintroduction en cours), les autres dans les Causses, Massif Central, (réintroduction achevée). Percnoptère Neophron percnopterus : près de vingt couples, tous en France. Lente restauration à partir de la population méditerranéenne naguère seule survivante. Actuellement 50% en Provence, la distribution des autres couples, périphériques, fluctuant quelque peu : 15-20 % dans les Préalpes, 10 à 20 % dans le Massif Central (Causses et Ardèche), 12 à 15 % en Languedoc. Vautour fauve Gyps fulvus : quatre cent quinze couples environ, dont 4,8% en Italie, Préalpes orientales (restauration commencée) et 95,2% en France19 (beaucoup plus avancée). UNE POSITION-CLE PAR LA GEOGRAPHIE Pour le transit des vautours en Europe, les échanges démographiques et génétiques entre leurs populations actuelles ou à restaurer, la géographie donne à la région alpine et périalpine un rôle-clé : relier les trois grandes péninsules méridionales, d’où une PRIORITE STRATEGIQUE DE REINTRODUCTION. De l’Espagne aux Alpes occidentales via le Massif Central cette fonction a déjà été restaurée par des réintroductions, d’abord pour le Vautour fauve Gyps fulvus, massivement, puis, indirectement, pour le Percnoptère Neophron percnopterus20, enfin, processus amorcé, pour le Vautour moine Aegypius monachus. Des Alpes occidentales aux Alpes orientales, et de là, aux Balkans, la restauration du transit du Vautour fauve est amorcée entre les populations issues des réintroductions en France et en Italie (Frioul). Le Vautour moine commence à suivre, au moins jusqu’aux Alpes orientales. Pour le Gypaète cette fonction de transit, potentielle, reste à restaurer cf. supra figure 1. B. – PRIORITE TEMPORELLE Des quatre régions où peuvent nicher des Vautours en Europe LA REGION ALPINE ET PERIALPINE EST ACTUELLEMENT LA SEULE REGION OU NE SOIENT PAS LARGEMENT REPANDUES DES MENACES GRAVES METTANT EN DANGER LA SURVIE DE GYPAETES LACHES. Or, ne pas gaspiller des gypaètes rares et chers est une exigence stratégique, éthique et financière. 19 Se distribuant entre Préalpes occidentales : 37,5% et Causses (Massif Central) : 57,7%. 20 Dans les quatre massifs de France où le Vautour fauve a été réintroduit, sa présence a induit le retour spontané du Percnoptère. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 26/197 Des menaces graves doivent faire ajourner des opérations sinon géographiquement prioritaires. La plus générale est le poison qui, dans un passé récent a éliminé le Gypaète des Balkans et d’Andalousie. C’est le poison qui, en 2008, peu après leur envol, a tué les trois individus lâchés en Sardaigne, entraînant la cessation de l’opération à peine commencée. TEST DU VAUTOUR FAUVE GYPS FULVUS Au sud et l’est des Alpes on n’entreprendra aucune opération de réintroduction Gypaète Gypaetus barbatus, Percnoptère Neophron percnopterus ou Vautour moine Aegypius monachus avant que la restauration locale d’une population de Vautour fauve produisant au moins une trentaine de jeunes par an, ait prouvé que le poison n’est plus un facteur limitant majeur. Ceci avec réintroduction si l’espèce est actuellement absente. Le nord des Alpes aurait, sans doute, été hors de l’optimum climatique du Vautour fauve. Mais le problème est désormais sans objet, au moins dans les Alpes occidentales. Plus au sud, dans la partie de l’aire de l’espèce encore à restaurer entre Alpes et Sahara le test du Vautour fauve est, à la fois partout, nécessaire et partout possible : - les biotopes écologiquement favorables au Gypaète le sont aussi au Vautour fauve, quelqu’y en soit la situation actuelle de ce dernier; - l’énorme réservoir espagnol de Vautour fauve21 permet de tester le risque de poison avec cette espèce, au contraire des trois autres. En outre, comme on verra plus loin, la présence de vautours fauves facilite l’adaptation à la liberté des gypaètes lâchés (Coirié). Même si d’autres destructions par l’Homme, tir par exemple, peuvent avoir des effets ravageurs, éliminer ou ramener à un niveau très faible, démographiquement supportable, est un préalable indispensable à tout lâcher de Gypaète. II. DEUX STRATEGIES COMPLEMENTAIRES A. - CONSERVATION ET RENOUVEAU Augmentation des effectifs d’une population relictuelle et comportement territorial suffisent à induire la reconquête territoriale d’une vaste région. Comme celle de toutes les espèces vivant longtemps, la pérennité des populations de Gypaète est extrêmement sensible à toute atteinte au taux de survie annuelle, alors qu’elle dépend beaucoup moins du taux de recrutement (Schaub et al. ; Lebreton & Clobert in Schaub et al.). La stratégie consiste donc d’abord à lutter contre la mortalité induite par l’Homme ou la prévenir, qu’il s’agisse de tir, poison, piège, câbles aériens, disette, ou autre. Quoique seconde, la prévention des perturbations, sur les sites de nidification (Arroyo & Razin 2006), reste néanmoins une priorité stratégique. La restauration de disponibilité alimentaire a une action positive sur les taux de survie et de reproduction. Dans les Pyrénées, une stratégie de conservation a suffi à assurer un renouveau lent mais 21 A l’est et au sud de son aire biogéographique, l’espèce vicariante locale du genre Gyps jouera le même rôle de test, sauf si elle est elle-même même en danger. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 27/197 continu. En Corse, elle n’a réussi plus qu’à contrer la poursuite du déclin de la population relictuelle, sans que la réintroduction paraisse la stratégie pertinente. Dans les Balkans, il est trop tard pour s’en passer (quelques couples) et trop tôt (poison) pour y avoir recours. Cette stratégie ne serait pas davantage développée ici. Soulignons cependant qu’elle partout nécessaire, y compris dans les populations issues de réintroduction. B. – REINTRODUCTION Lorsqu’une opération est achevée avec succès, le développement du noyau de population fondée relève du paragraphe ci-dessus. La stratégie se poursuit avec d’autres opérations dans la même grande région, Alpes et alentours par exemple. C. – COMPLEMENT SYNECOLOGIQUE AUX DEUX STRATEGIES En Suisse (Hirzel et al.) on a montré statistiquement que Chamois et Bouquetin étaient les Ongulés les plus favorables au retour du Casseur d’os : présence tout l’année, contrairement au bétail, habitats beaucoup plus rupestres que les autres espèces sauvages, maximalisant la probabilité de détection de cadavres. Observé en France mais sans étude aussi poussée. Photo 1. – Synécologie : renouveau du Chamois R. rupicapra et réintroduction du Bouquetin Capra ibex dans le Parc Naturel Régional du Vercors : deux facteurs très favorables au retour du Casseur d’os Gypaetus barbatus Photo : P. Masset III. ETAT ACTUEL DE LA REINTRODUCTION DANS LES ALPES A. – FAUT-IL CONTINUER A LACHER ? Pour la première fois on dispose, en 2009, d’un modèle démographique fondé sur les données de terrain du Gypaète dans les Alpes : Schaub, Zink, Beissmann, Sarrazin & Arlettaz, 2009. Il montre qu’AVEC NEUF COUPLES REPRODUCTEURS « only if mortality increased by ! 50% would the population start to decline » cette information très précieuse, essentielle à l’échelle d’un noyau de population, au niveau opérationnel donc. Il est accompagné de préconisations stratégiques : « from a purely demographic viewpoint, WE THEREFORE RECOMMEND ENDING RELEASES IN THE ALPS and redirecting reintroduction efforts towards other areas where the species is now extinct (e.g. Sardinia, Balkans) ». La restriction les introduisant est très fondée. Car ne prendre en compte que la démographie serait une faute stratégique majeure cf. § 1 ci-dessous. En outre, ces préconisations sont erronées aussi du point de vue démographique (cf. §§ 2 et 3). Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 28/197 1. Dans un contexte humain dangereux ajourner des.opérations, même géographiquement prioritaires Le risque du poison est totalement méconnu dans les deux régions préconisées par Schaub et al. Le retour brutal au « principe de réalité » subi en Sardaigne en 2009 dispense de commenter davantage (cf. supra B. – PRIORITE TEMPORELLE in I). 2. Le modèle n’est pas applique a l’objet pertinent Les couples de Gypaète actuellement présent dans les Alpes ne constituent nullement une même population mais, du fait de la philopatrie de l’espèce, quatre noyaux de population distincts (carte ci-dessous), d’effectifs fort divers (cf. infra tableau I). Figure 2. – Philopatrie : concentration des données de Gypaète Gypaetus barbatus dans les Alpes. La lecture des bagues montre que, en dépit d’un erratisme initial fréquent, parfois à longue distance, au moins la moitié des gypaètes s’installe à maturité dans la grande région des Alpes où ils se sont envolés pour la première fois d’un taquet ou de l’aire d’un couple nichant en liberté. En 2009 aucun des quatre noyaux de population n’atteint le nombre de couples nicheurs correspondant au seuil de pérennité de Schaub et al. 3. La présence du gypaète dans les alpes reste très fragile Selon Schaub et. al. le déclin du Gypaète dans les Alpes ne commencerait que si la mortalité augmentait d’au moins 50%. Mais celle-ci, à partir de la seconde année, n’est que de 4%. Il suffirait donc que le nombre d’individus mourant chaque année augmente du fait de l’Homme de 2% des effectifs pour que le Gypaète recommence à disparaître des Alpes. Appliqué aux seuls individus actuellement en couples (17 x 2 = 34) ce taux correspond à une moyenne de 0,68/an : approximativement tous les trois ans. Si on l’appliquait à l’ensemble de la population, même en tenant compte d’une mortalité supérieure la première année, il suffirait d’une augmentation de mortalité de deux ou trois Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 29/197 individus par an. Une augmentation absolue aussi minime est très possible ; aux tirs et câbles aériens peuvent s’ajouter la prolifération des éoliennes ou/et même, du fait du retour du Loup, le poison. Schaub et al. envisagent d’ailleurs que le seuil fatal soit franchi pour ces raisons. Au contraire ce franchissement sera d’autant plus improbable que les effectifs seront élevés Il convient donc de les augmenter au plus vite en poursuivant et accentuant l’effort de réintroduction. LES LACHERS DE GYPAETE DOIVENT SE POURSUIVRE DANS LES ALPES NB Ce n’est que la simple application d’un principe essentiel de stratégie générale, condition du succès : exploiter avec détermination des succès initiaux. Ces derniers seraient, au contraire, gravement compromis par un relâchement prématuré des efforts22. B. - DEUX GROUPES D’OPERATIONS Pour deux opérations, le nombre de gypaètes en couples atteint près de la moitié de ceux qui ont été lâchés sur place et d’un âge assez avancé, alors que pour les deux autres ce rendement de lâchers est quatre à cinq fois plus faible. Noyau de population Lieux de lâchers Couples Effectifs lâchés sud-occidental nord-occidental central oriental Mercantour Alpi Marritime Haute-Savoie Stelvio Engadin Hohe Tauern 1 22 8 34 6 26 2 34 11 m,. 10 f.1 ? 14 m.,17 f., 3 ? 13 m., 13 f. 13 m., 21 f. 9,1% 47,1% 46,2% 11,8% TABLEAU I. – Noyaux de population de Gypaète Gypaetus barbatus dans les Alpes : nombres de couples en 2009 et d’oiseaux lâchés avant 2004. Le rendement des lâchers est le rapport du nombre d’oiseaux en couple à celui des oiseaux lâchés avant 2004 : les autres Rendement des lâchers sont trop jeunes. Ceux qui sont morts avant envol ou qui dont dû être repris peu après ne sont pas pris en compte. A = Autriche, CH = Suisse, F = France, I = Italie, m. = mâles, f. = femelles. D’après Choisy*, fondé sur les données du FCBV Annual Report 2004 et de Zink (2009). 1. Succès loin d’être atteint, sans reproduction encore réussie a. - ALPES SUD-OCCIDENTALES (Mercantour, F et Alpi Marritime, I) La faiblesse du rendement des lâchers (au sens du tableau I), en dépit d’un rapport des sexes quasi-équilibré, conduit à l’hypothèse d’une mortalité anormale du fait de l’Homme. b. – HOHE TAUERN (Autriche) Même hypothèse. Certes, le rapport des sexes est ici beaucoup plus déséquilibré que partout ailleurs chez les oiseaux lâchés (0,52 mâle par femelle), plus encore si on défalque les individus morts ou disparus avant d’avoir atteint la maturité sexuelle (0,37 mâle par femelle). Mais cette explication ne peut être que très partielle : les mâles en couples ne représentent que 15,4% de ceux qui ont été lâchés, 22,2% si on ne tient pas compte de ceux qui ont disparu prématurément. 2. Succès encore fragiles a. - ALPES NORD-OCCIDENTALES (Vanoise, F, Haute-Savoie, F et Valais, CH) L’objectif opérationnel est atteint, l’opération achevée. Ceci en dépit d’une mortalité par collision avec lignes électriques particulièrement élevée chez les oiseaux lâchés : six des mâles et trois des femelles la première année, une quatrième en septième année. Deux 22 Maintes défaites n’eurent pas eu d’autre cause. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 30/197 oiseaux sont morts de tirs dans la zone concernée, un en Suisse, l’autre en France, non loin du site de lâcher. b. - STELVIO-ENGADIN (Italie et Suisse) Le taux de production de jeunes, à l’envol plus élevé que partout ailleurs, ne s’explique pas par l’équilibre des sexes, total au lâcher, car deux mâles ont disparu prématurément23. Il est quasi-certain que le nombre d’oiseaux lâchés et nés après 2004 permettra d’atteindre le même effectif dans très peu d’années. L’opération peut être considérée comme quasiment achevée, avec succès. C. – ANALYSE (Choisy*) 1. HOHE TAUERN (Autriche), ALPES S-O (Mercantour, F et Alpi Marritime, I) Le nombre de gypaètes en couples n’atteint, pour l’ensemble des opérations aux deux extrémités de la chaîne, que 10,7% de ceux qui ont été lâchés sur place et d’âge actuel le permettant. Aucune donnée n’étaye l’hypothèse que les oiseaux disparus aient survécu en proportion normale et se soient simplement installés ailleurs dans les Alpes. Un rendement des lâchers qui, globalement, est quatre fois et demie plus faible de celui des deux autres opérations ne peut être attribué au hasard : p < 0,001 et ne peut s’expliquer que par une mortalité anormale du fait de l’Homme . Quelles peuvent en être les causes ? Câbles aériens ? Leur densité dans les Alpes du nord françaises est particulièrement élevée : transport d’électricité mais davantage encore du fait des sports d’hiver. Plusieurs cas de mortalité ont été constatés. Mais si cela a certainement diminué le rendement de lâcher de l’opération de Haute-Savoie, il reste élevé. Et si cela a freiné le développement du noyau de population nord-occidental, cela n’a pas suffit à l’empêcher. Saturnisme ? Dans les Alpes comme dans les Pyrénées on en connaît quelques cas chez le Gypaète, du fait projectiles de chasse dans des Ongulés sauvages. D’autres passent probablement inaperçus. Mais rien ne permet de supposer que ce soit avec une fréquence à ce point supérieure aux deux extrémités de l’arc alpin ; Poison ? On connaît de rares cas d’usage illégal du poison, essentiellement lié au retour du Loup. C’est improbable hors de la saison de présence de bétail en alpage. A la belle saison il est n’est guère possible que cela ait été une cause de surmortalité majeure du Gypaète car on aurait trouvé de nombreux cadavre de Vautour fauve, qui estive régulièrement aux extrémités des Alpes en effectifs très supérieurs : jusqu’à 163 ensemble dans le PN du Mercantour (Coirié XY) ; Tir ? Unique ou largement dominante, c’est la seule cause qui résiste à l’analyse. Ceci que le Gypaète soit visé per se ou confondu avec un Aigle Aquila chrysaetos. Au Mercantour des individus commençant à s’installer disparaissent régulièrement (Ormea, Parc National du Mercantour, comm. or. pers.) sans que ces oiseaux soient identifiés nulle part ailleurs dans les Alpes. Des observations analogues sont faites en Autriche XY. Compte-tenu du modèle de Schaub et al., Que les lois nationales protégeant tous les Rapaces soient moins respectées que dans le reste 23 Dont l’un tué (tir) aux confins de l’Italie et de l’Autriche. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 31/197 des Alpes franco-italienne est une hypothèse vraisemblable dans les hauts massifs du sudouest de la chaîne. En Autriche des tirs de gypaètes ont été constatés avec une fréquence très supérieure à celle dans le reste des Alpes. L’hostilité des chasseurs à l’égard des Rapaces, qui a suscité ces dernières années deux pétitions internationales sur Internet, y est réellement étonnante pour l’Europe au XXI°siècle. Cet archaïsme mental et comportemental est conforté par celui des textes : aucune loi générale ne protège ces oiseaux en Autriche (Frey H., comme or. pers. et in litt., Zink R. idem). La rareté et le coût des gypaètes donne une importance stratégique à la distribution du contingent annuel à lâcher entre les diverses opérations. Ces deux opérations doivent être suspendues. Elles ne devront être reprises qu’après qu’une action énergique d’information et répression ait remédié à ce grave état de fait. Ce qui se fait dans les Pyrénées et, contre le poison, en Andalousie, fournit des modèles. 2. STELVIO-ENGADIN et ALPES N-O (Vanoise, F, Haute-Savoie, F et Valais, CH) COMPARAISON AVEC LA REINTRODUCTION DU VAUTOUR FAUVE GYPS FULVUS Les effectifs d’oiseaux en couples représentent globalement pour l’ensemble des deux noyaux de population centraux (de la Vanoise au Stelvio-Engadin) 46,7% des effectifs lâchés24. Ce rendement est, certes, beaucoup moins insatisfaisant qu’aux deux extrémités de la chaîne. Mais il reste modeste si on le compare à celui de la réintroduction du Vautour fauve dans les Alpes françaises, qui est trois fois plus élevé. Cette différence des rendements de lâchers ne peut s’expliquer par celle des : - productions de jeunes à l’envol du Gypaète (0,6/couple/an, Schaub et al.) est quasiidentique à celui du Vautour fauve dans des populations loin de la capacité d’accueil ; - taux de survie qui, au contraire, avantagent actuellement le Gypaète (0,88 la première année, puis 0,96 les autres) par rapport au Vautour fauve. Ce dernier ne rattrape son retard initial qu’après douze années dans une population d’effectifs faibles25, soixante dans une population d’effectifs élevés26, la situation dans les Alpes françaises pouvant être considérée comme intermédiaire ; l’attribuer aux charniers dont le Vautour fauve dispose toute l’année serait redondant car un effet éventuel agirait au niveau de l’un et/ou l’autre des deux paramètres ci-dessus. - âgés au lâcher. Certes les gypaètes lâchés au taquet doivent mûrir en surmontant les dangers de la vie en liberté alors que les vautours fauves sont lâchés adultes et subadultes. Mais on a montré que leur mortalité les deux années après lâcher est la même que celle d’oiseaux nés en liberté leur deux premières années de vie. Donc, alors que la probabilité d’atteindre six ans est, pour un gypaète lâché au taquet de 0,72 (72%) elle n’est que de 0,61 (61%) pour un vautour fauve lâché à l’âge de trois ans, 0,63 (63%) si c’est à l’âge de quatre ans ; 24 Fractions quasi-identiques pour les deux opérations (cf. supra tableau I). Taux de survie : 0,858 les trois premières années, 0,987 ensuite, Sarrazin in litt. 26 Successivement 0,618, 0,843, 0,918 les trois premières années, puis 0,969, Gault, thèse, in litt. de Sarrazin. 25 Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 32/197 - maturités sexuelles : celle plus tardive du Gypaète (six ans au lieu de quatre chez le Vautour fauve) ne saurait expliquer cette différence car elle est actuellement compensée largement par les dates de naissance des premiers oiseaux lâchés : 1986 pour les gypaètes des Alpes ; 1993 chez les vautours fauves de l’ouest de la chaîne. Une immigration spontanée, dont on n’a aucun indice chez le Gypaète, joue en faveur du Vautour fauve : des visiteurs des Causses, des Pyrénées, d’Espagne et même, pour l’un, de Croatie s’installent et nichent dans les Alpes françaises. Mais ils sauraient représenter, tout au plus, que 10 à 15% des effectifs qui y sont en couples actuellement. Une seule hypothèse expliquant la modicité du rendement démographique des lâchers par rapport à ceux de Vautour résiste à la confrontation avec les faits : l’extrême dilution dans les temps des effectifs lâchés avec une moyenne de 2,00 par an par opération27 chez une espèce philopatrique a maximalisé le risque qu’un individu donné reste des années sans trouver de conjoint (Choisy, comm. or. séminaire FCBV, Bormio 2009). Au contraire, les opérations de réintroduction du Vautour fauve réalisées, avec une moyenne de 75 oiseaux chacune, l’ont été avec chaque fois presque toujours plus de dix oiseaux lâchés par an et parfois plus de vingt : énorme différence. DEBUT TARDIF DE LA REPRODUCTION DES GYPAETES DANS LES ALPES Le Gypaète atteint la maturité sexuelle à six ans en moyenne. Mais la reproduction ne réussit guère « avant 7 ans au moins », ceci dans des populations étoffées où « les couples sont tous constitués d’oiseaux adultes » J.-F. Terrasse. Le même rapporte des cas d’appariement d’un(e) adultes avec un(e) subadulte, voire un(e) immature, dont un cas de reproduction réussie dans des populations de faibles effectifs. Opposition bien connue chez les Rapaces en général. Compte tenu de la très faible densité de la population des Alpes, on devrait donc s’attendre à un début de reproduction précoce. Or, il n’en est rien : - Stelvio Engadin : première reproduction réussie en 1998 sept ans après le premier lâcher sur place ; à l’âge habituel dans les populations étoffées ; - Haute-Savoie : la première reproduction réussie depuis le début de la réintroduction dans les Alpes, en 1997, s’est fait attendre dix ans après le premier lâcher sur place. - moyenne de la première reproduction réussie dans les Alpes : 8,3 ans, Hegglin, comm. or. séminaire FCBV, Bormio 2009. Ce retard du début de la reproduction dans les Alpes alors que la situation ferait attendre un début précoce, s’explique par la difficulté à trouver un conjoint. EFFECTIFS INFERIEURS A CEUX PREDITS PAR LE MODELE Le modèle de Schaub et al. prédit pour 2009 plus de 24 gypaètes adultes issus des lâchers et de la reproduction sur place dans le noyau central et autant dans le noyau nord-occcidental. Certes un sexe ratio de 1/1 serait loin d’être certain : n = 24, P1/1 = 0,16 (0,13) 28. Mais que ces deux noyaux de population n’hébergent pas plus que, respectivement, six et huit couples (tableau I) ne peut pas être attribué au fait que l’un des sexes ne comptant que le même nombre d’individus soit le facteur limitant. Cet événement serait peu probable pour chacun d’eux et leur réunion est hautement improbable : P < 0,001 (< 0,012)29. L’écart entre ce qu’on pourrait espérer et la réalité mesure la dépression démographique qui résulte de la dilution entre quatre opérations d’une production de gypaètes en captivité faible jusqu’en 27 Pendant dix-sept années en Haute-Savoie, en cours depuis treize ans en Stelvio-Engadin. Calculs faits sous l’hypothèse d’un rapport des sexes équilibrés et, entre parenthèses, sous celle d’un rapport des sexes des survivants identiques à celui des oiseaux lâchés (cf. Schaub et al.). 29 Cf. note précédente. 28 Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 33/197 1984 (cf. figure 3 page suivante). Compte tenu de la maturité sexuelle tardive et des paramètres de survie (Schaub et al.), Un recrutement local aussi faible ne fournit à un gypaète cantonné qu’environ un partenaire potentiel tous les trois ans, sans tenir compte de l’éventuelle concurrence. La seule hypothèse compatible avec l’analyse précédente est donc : L’EXTREME DILUTION DANS LE TEMPS DES GYPAETES LACHES LORS DE CHACUNE DES OPERATIONS DE REINTRODUCTION DANS LES ALPES, MAXIMALISANT LE RISQUE DE RESTER LONGUEMENT SANS PARTENAIRE SEXUEL, MINIMISE LEUR EFFICACITE DEMOGRAPHIQUE, TANT LOCALEMENT QU’AU NIVEAU, STRATEGIQUE, D’ENSEMBLE. NB Cette analyse ne constitue nullement une critique de la stratégie initiale car alors : - produire pendant longtemps très peu de gypaètes à lâcher fut non pas un choix mais le résultat d’une somme de contraintes et de problèmes techniques et autres ; - la philopatrie du Gypaète n’était pas encore établie : chez une espèce aux telles aptitudes de vol et, au contraire du Vautour fauve et du Vautour moine, ne nichant pas en colonies, il n’était nullement exclu a priori que les oiseaux lâchés forment une unique population, la recherche d’un partenaire l’emportant totalement sur l’attachement à la région d’origine ; - impliquer dans la réintroduction du Gypaète l’ensemble des principaux pays alpins a été extrêmement pertinent. Cette exigence politique avait le pas sur la stratégie de réintroduction. Faute de quoi, cette restauration aurait été considérée, comme une affaire purement autrichienne, ou française, ou helvétique ou italienne. IV. PERSPECTIVES A.- DES MOYENS EN FORTE CROISSANCE 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 Figure 3. - Gypaètes Gypaetus barbatus lâchés dans les Alpes. D’après Choisy*, sources : FCBV Annual Report 2004, Zink 2009) + pour 2009, .bilan la reproduction en captivité (Frey in IBM News 24/4/9). B. - AMELIORER L’EFFICACITE STRATEGIQUE Même là où le succès des opérations de réintroduction ne se heurte pas à des facteurs humains majeurs, leur réalisation actuelle est loin de l’efficacité stratégique rendue possible par les connaissances et les moyens désormais disponibles comme par la situation actuelle du Gypaète. S’en approcher le plus possible est une exigence éthique, technique et, compte Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 34/197 tenu du coût actuel des précieux oiseaux, financière. 1. Lâcher des gypaètes subadultes ? Les taux de survie sont plus élevés en captivité qu’en liberté : 0,92 la première année, 0,99 les cinq années suivantes (Bustamante 1996 in Schaub et al.). Le taux de survie à six ans des gypaètes, de 72% chez des oiseaux ayant atteint cet âge en liberté, serait de 78% chez des individus nés en captivité et lâchés à cinq ans révolus. Une augmentation de 8% de la valeur initiale du taux de survie à six ans ne semble pas suffisante pour justifier ni l’entretien des oiseaux cinq années en volière, ni la prise de risque d’un changement de méthode. 2. Concentration des lâchers dans le temps L’augmentation globale du nombre de la production de gypaètes en captivité (cf. page précédente) et ce d’autant plus que l’achèvement de l’opération de Haute-Savoie permet de disposer du contingent qui lui était naguère alloué, permettra d’augmenter très notablement le nombre d’individus lâchés une même année dans une même contrée. a. – PRINCIPE PLUS EST ELEVE LE NOMBRE DE GYPAETES LACHES CHAQUE ANNEE DANS LE CADRE D’UNE MEME OPERATION, MOINS LEURS AGES DIFFERERONT EN FIN D’ OPERATION, DONC PLUS AUGMENTERA LA PROBABILITE POUR CHACUN DE TROUVER VITE UN CONJOINT. DONC MOINS IL FAUDRA LACHER D’ OISEAUX AU TOTAL POUR ATTEINDRE LE SEUIL DE VIABILITE DEMOGRAPHIQUE. b. – Limite de l'amélioration quasi-certaine Toutes autres choses étant égales par ailleurs, une réalisation successive des diverses opérations, chacune en une seule année, des taux de survie conforme au modèle de Schaub permettraient au nombre d’oiseaux en couples d’atteindre, à l’âge de six ans jusqu’à 72% de ceux lâchés et à l’âge de huit ans encore 66%, soit trois cinquième et la moitié de plus que les pourcentages actuels des opérations de Haute-Savoie et de Stelvio Engadin à condition que le rapport des sexes des survivants soit strictement équilibré. Même si l’équilibre total des sexes permettant d’atteindre ces maxima n’a guère qu’une chance sur six d’être atteint, l’amélioration du rendement démographique des lâchers est néanmoins une quasi-certitude cf. supra EFFECTIFS INFERIEURS A CEUX PREDIT etc in 2.-STELVIO-ENGADIN et ALPES N-O. c. – NECESSITE D’UN COMPROMIS En dépit de la notable augmentation de la reproduction en captivité, elle ne permettrait pas encore de réaliser une opération de réintroduction en moins de deux ou trois ans. Cet objectif lui-même se heurterait à des obstacles difficiles à surmonter : - techniques : lâcher au taquet douze à vingt gypaètes une même année dans un même massif ou un groupe de massifs contigus, même sur différents taquets, sans être impossible, serait certainement très lourd ; - financiers : le coût global par couple installé serait certainement plus faible en fin d opération, du fait de l’augmentation du rendement des lâchers. Mais il paraît difficile d’arriver à financer le coût d’autant de gypaètes chaque année de lâcher. Pour arriver à une telle concentration des lâchers, il aurait fallu un financement unique à l’échelle de la stratégie de réintroduction dans l’ensemble des Alpes et non pas localement de chacune des opérations. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 35/197 Néanmoins : ENTRE L’ACTUELLE EXCESSIVE DILUTION SPATIALE ET TEMPORELLE DES GYPAETES LACHES JUSQU'A MAINTENANT ET LA CONCENTRATION MAXIMALE DE TOUS LES OISEAUX LACHES UNE MEME ANNEE AU PROFIT D’ UNE SEULE OPERATION, C’EST DESORMAIS UNE EXIGENCE STRATEGIQUE DE TROUVER UN COMPROMIS ACCESSIBLE, TEL QUE CINQ, SIX OISEAUX PAR AN PAR OPERATION, ce qui a été fait en 2009 en Andalousie. La distribution des jeunes nés en captivité entre les diverses opérations est une décision essentielle pour très notablement améliorer l’efficacité de la stratégie de réintroduction. 3. Rapport des sexes On devra viser un rapport des sexes aussi équilibré que possible des oiseaux à maturité sexuelle, s’il le faut en corrigeant au fil des lâchers d’éventuels déséquilibres de mortalité. Ceci a été fait en 2009 en Andalousie : les cinq oiseaux lâchés sont des femelles. 4. Lignées Les lignées génétiques issues des divers couples parents des oiseaux nés en captivité sont très inégalement réparties dans les noyaux de populations actuelles. Elles semblent aussi de fécondité différente. Hegglin (FCNV, séminaire 2009, Bormio) préconise à très juste titre, pour les futurs lâchers, de privilégier dans la mesure du possible : - les lignées les plus fécondes pour des lâchers visant la connexion Alpes-Pyrénées ; - les lignées actuellement les moins bien représentées pour les lâchers visant les connexions intra-alpines ou/et à achever des opérations en cours en 2009. 5. Quand arrêter de lâcher ? a. – À l’echelle d’une operation locale Le seuil de pérennité à moyen terme, à l’échelle de temps opérationnel, de l’ordre de la dizaine d’année suivant l’achèvement d’une opération, est vraisemblablement inférieur d’une ou deux unités aux neuf couples du modèle théorique de Schaub. En effet, si la philopatrie est statistiquement bien réelle, elle est loin d’être absolue. Donc, l’effectif nicheur à prendre en compte, inconnu, est nécessairement intermédiaire entre celui du noyau de population considéré, local, et l’ensemble des couples des Alpes. OBJECTIF OPERATIONNEL : INSTALLER SEPT A NEUF COUPLES COMBIEN FAUT-IL LACHER D’OISEAUX POUR FONDER UN NOYAU DE POPULATION VIABLE ? Des calculs fondés sur les paramètres de survie et de reproduction du modèle de Schaub et al. permettraient la simulation de situations variées, peut-être nécessaire dans un article purement scientifique. Le présent travail, outre qu’il exige une rédaction plus rapide, dispose d’une information empirique de poids : le rendement démographique des lâchers du tableau I (cf. supra) dans les deux principaux noyaux de population actuels des Alpes : le nombre de gypaètes en couples atteint près de la moitié (46.7 %) du nombre de ceux qui ont été lâchés sur place et d’âge actuel le permettant. Autrement dit : BESOINS OPERATIONNELS POUR P ! 0,95 D’ATTEINDRE L’ OBJECTIF PREVOIR DE LACHER DE 34 ± 9 A 43 ± 12 GYPAETES : Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 36/197 NB La concentration des moyens, préconisée plus haut, devrait permettre un meilleur rendement. Si tel était bien le cas, on en tirerait le bénéfice démographique d’un développement plus rapide que partout ailleurs avec, en outre, une confirmation expérimentale de la pertinence de cette nouvelle stratégie. Mais, en attendant, il serait irresponsable de prévoir moins d’oiseaux à lâcher par opération. Si, au contraire, on obtenait un nombre de couple notablement inférieurs alors que la région offrait des conditions naturelles favorables, il faudrait nécessairement en conclure à une mortalité anormale du fait de l’Homme, dont on devrait activement rechercher les causes. b. – À l’echelle strategique Tant que les effectifs nicheurs y restent aussi réduits, une augmentation minime de la mortalité pourrait remettre en cause la survie de la population de Gypaète dans les Alpes cf. supra 3. - LA PRESENCE DU GYPAETE DANS LES ALPES RESTE TRES FRAGILE in III. –A. Négligeable à l’échelle de temps de la réalisation d’une opération avec les moyens accrus actuellement disponibles, ce risque doit être pris en compte à l’échelle de temps stratégiquement pertinente : le long terme, de nombreuses décennies. Schaub et al évoquent la possibilité, à long terme, d’augmentation des causes de mortalité. Seul, un nombre de couples nicheurs considérablement plus élevé peut augmenter la probabilité de pérennité du Gypaète dans les Alpes. Avec les taux de survie actuels et des effectifs égaux à ceux des Pyrénées en 2009, il faudrait : OBJECTIF STRATEGIQUE : DES EFFECTIFS ASSURANT LA PERENNITE DU GYPAETE DANS LES ALPES Une population fondée par un faible nombre d’individus (ou réduit à ce niveau) connaît une phase d’accroissement annuel absolu très faible (cf. fig. 4 ci-dessous). Certes, un développement démographique régulier, conforme au modèle logistique, finissant par atteindre une phase de croissance soutenue, en dépit d’un faible nombre de fondateurs est possible…avec beaucoup de chance ! Car avec un nombre réduit de fondateurs (de couples dans le cas du Gypaète), le risque d’écarts aléatoires au modèle théorique (rapport des sexes déséquilibré, perte par mortalité ou émigration, pertes d’allèles, etc.) est très élevé. La conséquence la plus ordinaire à en redouter est une interminable stagnation démographique à bas niveau, avec persistance d’un risque élevé d’extinction. Cette situation, celle du Gypaète en Corse, ne saurait constituer un objectif stratégique de la réintroduction à l’échelle des Alpes : leur aire est dix fois celle des Pyrénées, où nichent actuellement cent quarante couples, avec des ressources alimentaires probablement meilleures (Bouquetin). C’EST L’ENTREE DANS LA PHASE DE CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE SOUTENUE DU MODELE LOGISTIQUE, GARANTE D’ATTEINDRE ASSEZ PROCHAINEMENT UN EFFECTIF ELEVE, QUI PERMETTRA DE CONSIDERER LA REINTRODUCTION DU GYPAETE DANS LES ALPES COMME ACHEVEE. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 37/197 N Achèvements prématurés pertinents T Figure 4. – Achèvement d’une réintroduction et modèle logistique du développement d’une population. Dans le cas du Gypaète, Schaub et al. soulignent avec raison que l’effectif à prendre en compte N est celui des nicheurs, même s’ils ne le sont pas chaque année, et non pas celui de l’ensemble des adultes présents. Les expériences concrètes antérieures montrent que, chez les grandes espèces (Vautour fauve, Bouquetin, etc.), le seuil de décollage démographique est atteint lorsque l’accroissement est de quelques dizaines par an. Alors, le risque d’écarts aléatoires au modèle diminue : intervalle de confiance variant comme l’inverse de la racine carré des effectifs. On y arrive généralement en relâchant en quelques années un nombre suffisant d’animaux adultes ou subadultes pour atteindre, d’emblée ou presque, le début de cette phase. Inaccessible pour le Gypaète aux échelles temporelle et spatiale d’une opération locale, un tel objectif doit être poursuivi à celles, stratégiques, de la chaîne des Alpes et de la décennie. 6. Nouvelles localisations de lâchers Au-delà de l’achèvement d’opération(s) en cours, l’objectif démographique assurant la pérennité à long terme doit être poursuivi par : DE NOUVELLES OPERATIONS DE REINTRODUCTION DU GYPAETE : EN POSITIONS GEOGRAPHIQUES FAVORABLE AU TRANSIT - INTRA-CHAINE : constituant en une même population les couples des Alpes ; - INTRA-CHAINES : connectant en une métapopulation ceux des Alpes et des Pyrénées, comme c’est déjà le cas, de l’Espagne aux Alpes occidentales, pour les autres espèces de Vautours CHAQUE CONNEXION AUGMENTERA FORTEMENT L’EFFECTIF A PRENDRE EN COMPTE, DONC LE DYNAMISME DEMOGRAPHIQUE, LA DIVERSITE GENETIQUE, LA PROBABILITE DE PERENNITE A LONG TERME DE L’ENSEMBLE COMME DE SES COMPOSANTES. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 38/197 D. - CONNEXION INTRA-ALPINE : ALPES LEPONTINES S. L. Un nouveau noyau de population entre celui de Stelvio Engadin (six couples) et Valais Haute-Savoie Vanoise (huit couples) les connecterait en une population dépassant assez rapidement une vingtaine de couples, assurant bien davantage la pérennité du Gypaète dans la chaîne que la situation actuelle, avec un dynamisme démographique très accru. Que l’opération soit réalisée dans les Alpes lépontines s.s. ou à alentour l’abréviation est commode. Figure 5. – La priorité stratégique intra-alpine actuelle : Alpes lépontines une nouvelle opération de lâcher de Gypaète Gypaetus barbatus (étoile) entre les deux principaux noyaux actuels les connecterait en une même population (courbe jaune) au centre de la chaîne. La haute pertinence stratégique d’une nouvelle opération ici a été soulignée en 2009 lors du séminaire annuel de la FCBV (Bormio) par la convergence de deux communications, indépendantes, celle de Choisy et celle de Hegglin. C’EST ICI QU’EST LA PREMIERE PRIORITE ACTUELLE PRIORITE EN EUROPE Toutefois, le passage à l’acte ne paraît pas possible à court terme : même l’étude de faisabilité reste à faire. Quelles que soient les autres opérations en cours, l’approvisionnement en oiseaux de cette opération sera assuré : au minimum en y déplaçant le contingent actuellement attribué à l’opération plus à l’est (Stelvio Engadin), proche de l’achèvement (cf. supra) et sans doute bien davantage du fait de l’augmentation forte de la reproduction en captivité. L’opération ci-dessous, de priorité immédiatement suivante et qui, elle, est prête doit donc commencer. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 39/197 E. – CONNEXION ALPES - PYRENEES : PREALPES DU SUD-OUEST VERCORS DIOIS, BARONNIES ET ALENTOURS Lorsque le Gypaète était largement répandu sur tous les reliefs d’Europe au sud de la limite climatique des Vautours, un transit existait nécessairement entre eux. Chez le Vautour fauve et le Vautour moine des réintroductions dans le sud du Massif Central (Causses) et le sud des Préalpes occidentales (Dauphiné et Haute-Provence) ont fondé une chaîne de noyaux de population entre lesquels les hiatus ne sont plus que d’une centaine à moins de deux cents kilomètres. De l’Espagne aux Alpes occidentales un flux saisonnier croissant de ces espèces a déjà été reconstitué. Chez le Gypaète de nos jours, un tel transit est ou bien inexistant ou bien trop réduit pour avoir été décelé. Le hiatus actuellement persistant est beaucoup plus large que chez les espèces précédentes : environ quatre cents kilomètres entre les sources de gypaètes erratiques des Pyrénées orientales30 et celles des Alpes occidentales31, qu’il s’agisse de reproduction en liberté ou de lâchers au taquet. L’objet de l’étude de faisabilité de la deuxième partie du présent travail vise, en scindant ce hiatus, à restaurer les conditions de possibilités d’un tel transit chez cette espèce également. Toutes autres choses étant égales par ailleurs32, la probabilité que des individus erratiques issus d’un noyau de population en atteignent un autre varie comme l’inverse du carré du leur distance cf. infra tableaux II et III, c’est-à-dire comme la surface sur laquelle se dispersent les oiseaux à partir de leur source. Actuellement la probabilité qu’un gypaète transite entre Alpes et Pyrénées n’atteint donc pas le quart de celle pour qu’un individu des trois autres espèces franchisse le plus grand des hiatus33 entre leurs noyaux de population nicheuses dans le même espace. Un noyau de population dans les Préalpes du sud du Dauphiné suffirait à presque à la doubler (cf. infra tableau III). 30note 31 Couples nicheurs ou taquets. Autrement dit : en ne considérant que le seul rôle de la distance, indépendamment d’autres facteurs, écologiques par exemple. 33 Inférieur à deux cents kilomètres. 32 Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 40/197 Sources : Razin : Pyrénées, Otto, Greßmann & al. : Alpes occidentales, couples du Valais hors carte. Figure 6. – Priorité stratégique inter-chaîne. Conditions de transit du Gypaète Gypaetus barbatus entre Alpes et Pyrénées actuelles et après réintroduction dans les Préalpes occidentales. Distances, augmentations de probabilité : cf. infra tableaux II et III. a) transit actuel : 30 données, en augmentation, cf. infra § I, de B . in 3° partie. b) transit non décelé actuellement ; c) transit espéré avec un noyau dans les Préalpes occidentales ; Couple ayant, en 2006, déjà élevé au moins un jeune jusqu’à l’envol ; Couple territorial ne l’ayant pas encore fait en 2006. EFFICACITE STRATEGIQUE : ELEVEE, PROBABILITE DE TRANSIT PRESQUE DOUBLEE cf infra tableaux II et III Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 41/197 Certes, sauf augmentation catastrophique de la mortalité la recolonisation spontanée par le Gypaète de l’ensemble des Alpes, la reconstitution d’un flux d’individus entre Alpes et Pyrénées sont quasi-certaines. Mais combien de générations voire de siècles, devrait-on attendre l’un et l’autre ? Ce serait une démission de la politique de restauration de la biodiversité, localement, mais plus encore pour la restauration de la situation dans les Alpes et en Europe d’une espèce qui constitue un élément majeur de la biodiversité faunistique continentale. CONSEQUENCES POUR LES ALPES OCCIDENTALES La localisation actuelle des quatre noyaux de population dans la haute région axiale des Alpes traduit celle des lâchers chez une espèce philopatrique et non une inféodation à l’altitude : Jean-François Terrasse (2001) souligne l’indifférence du Gypaète à l’altitude, ce sur quoi l’on reviendra dans la deuxième partie. En Haute-Savoie, la vigueur verticale de la chaîne s’accompagne d’un rétrécissement horizontal sa largeur, rapprochant beaucoup les massifs externes des hauts massifs internes. Rappelons que, non seulement les lâchers, ici, ont eu lieu dans les Préalpes, mais encore que c’est dans ces Préalpes également que l’espèce a niché pour la première fois après le début de la réintroduction dans les Alpes. La création d’un noyau de population dans les plus occidentaux des massifs des Alpes françaises inscrirait celles-ci dans un triangle de présence de l’espèce. On peut en attendre une recolonisation générale, notamment celle du vaste espace des Ecrins à Belledonne, notamment aux Ecrins, beaucoup plus rapide que par diffusion d’immatures à partir de leur seule bordure orientale, actuellement seule source d’individus, lâchés ou nés en liberté. Le transit déjà existant montre que le risque de constituer un isolat démographique est nul. Les individus s’installant hors des Préalpes du sud du Dauphiné (la philopatrie n’est pas absolue) étofferaient les effectifs de l’espèce dans les Alpes. Figure 7. – Recolonisation prévisible des Alpes occidentales par le Gypaète Gypaetus barbatus à partir : - des noyaux de population actuels ;. - d’un noyau de population réintroduit dans les Préalpes occidentales (projet P.N.R. du Vercors). UN NOYAU DE POPULATION DANS LES PREALPES DU SUD DU DAUPHINE DYNAMISANT LA RECOLONISATION DES ALPES OCCIDENTALES PAR LE GYPAETE (stratégie intra-chaine) SUFFIRAIT A JUSTIFIER UNE OPERATION DE REINTRODUCTION MEME SI LE TRANSIT ALPESPYRENEES (stratégie inter-chaines) TARDAIT A S’ETABLIR. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 42/197 F. – UNE OPERATION DANS LE SUD DU MASSIF CENTRAL ? 1. Un précieux complément stratégique Dans la situation actuelle du Gypaète en Europe occidentale, compléter l’opération projetée dans le Parc Naturel Régional du Vercors par des lâchers dans les gorges des Grands Causses maximaliserait la probabilité de transit Alpes-Pyrénées. Sources : Razin : Pyrénées, Otto, Greßmann & al. : Alpes occidentales, couples du Valais hors carte. Figure 8. – Conditions de transit Gypaète Gypaetus barbatus dans le cas de la réalisation de deux opérations, dans le Vercors ET dans les Causses, scindant en trois le hiatus actuel. Distances, augmentations de probabilité : cf. infra tableaux II et III. Couple ayant, en 2006, déjà élevé au moins un jeune jusqu’à l’envol. Couple territorial ne l’ayant pas encore fait en 2006. Transit actuel, 30 données, en augmentation, cf. infra § B in I, 3° partie. Transit visé par la stratégie. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 43/197 COMPTE-TENU DESOBJECTIFS, PLUS QU’AILLEURS SERAIT PERTINENT D’EQUIPER POUR SUIVI PAR SATELLITE LES GYPAETES LACHES DANS LE VERCORS OU/ET LES CAUSSES. ELARGIR LE PROJET La réintroduction du Chamois R. rupicapra34 et du Bouquetin Capra ibex dans les grands sites adéquats du Massif Central (gorges de l’Ardèche, cirque de Navacelles, etc.) augmenteraient à la fois les ressources locales et l’aire potentielle, d’où hiatus beaucoup plus brefs en direction des Alpes, potentialités démographiques atteignant le seuil de viabilité (Schaub et al.) ce qui n’est pas le cas du projet actuel, davantage de naissances sur place. La connexion démographique avec les Alpes serait une certitude. Les trois autres espèce de Vautours d’Europe transitent déjà couramment via l’Ardèche entre les noyaux de population des Causses et des Préalpes. On y a identifié le même jour des vautours fauves des deux provenances sur la même charogne (CORArdèche). Par leurs habitats maximalisant la probabilité de détection des cadavres Chamois et Bouquetin, sont les Ongulés sauvages les plus favorables au Gypaète, le dernier plus encore que la présence de brebis Hirzel et al., comme le confirme, dans la zone du projet PNRV, le § B. – LOCALISATION DES OBSERVATIONS in Troisième partie, I, B. Il est regrettable que la prise de conscience de l’intérêt pour le Gypaète d’une telle approche synécologique ait été aussi tardive, car on ne peut guère en espérant la réalisation puis des effets avant une dizaine d’années. Mais enfin, c’est fait : avoir commencé à faire sortir la réflexion ad hoc des discussions informelles entre nous fut le mérite de Bertrand Eliotout, peu avant sa très prématurée disparition accidentelle en Afrique en 2009. 2. Une faute stratégique grave à exclure Commencer à lâcher des gypaètes dans les gorges des Causses avant que l’espèce soit installée dans les Préalpes du sud du Dauphiné (projet du PNRV), avec au moins plusieurs individus territoriaux : a) AURAIT UNE EFFICACITE STRATEGIQUE BEAUCOUP PLUS FAIBLE QU’UNE REINTRODUCTION DANS CES SEULES PREALPES cf. carte page suivante. Certes le hiatus entre un noyau de population dans les gorges des Causses et ceux actuels de l’ouest des Alpes serait analogue à celui entre un noyau de population dans les Préalpes du sud du Dauphiné et les couples de l’est des Pyrénées. Mais un transit entre ces dernières et les Alpes exigerait de franchir, en outre, le hiatus entre gorges des Causses et Pyrénées. b) FERAIT COURIR DEUX RISQUES MAJEURS : - GASPILLER POUR LA STRATEGIE DE REINTRODUCTION LES INDIVIDUS QUI QUITTERONT LE BIOTOPE DE LACHER, car la philopatrie, statistiquement bien réelle, est loin d’être absolue. Du fait des distances, la probabilité de rejoindre les gypaètes de l’est des Pyrénées serait 2,25 plus élevée que celle de rejoindre un noyau de population des Alpes occidentales ; - CONSTITUER UN ISOLAT DEMOGRAPHIQUE, D’EFFECTIFS TROP FAIBLES POUR ETRE VIABLE du fait, à la fois, des dimensions modestes du biotope et de la totale absence des deux Ongulés sauvages les plus favorables au Gypaète, Chamois et Bouquetin (cf. supra même page). 34 Réintroduit mais dans le nord du Massif Central et arrivée spontanée d’individus des Préalpes dans l’est (Ardèche) sans reproduction encore prouvée. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 44/197 Au contraire, ces risques sont inexistants dans le cas d’une réintroduction dans les seules Préalpes du Sud du Dauphiné, du fait du transit déjà existant entre cette zone et les noyaux de population de Gypaète des Alpes : trente données, en augmentation : chaque année après 2000, vingt quatre individus, presque exclusivement des immatures cf infra B. – LOCALISATION DES OBSERVATIONS in Troisième partie I, B. Sources : Razin : Pyrénées, Otto, Greßmann & al. : Alpes occidentales, couples du Valais hors carte. Figure 9. - Conditions du transit espéré du Gypaète Gypaetus barbatus entre Alpes et Pyrénées dans le cas d’une opération de réintroduction dans les Causses seuls. ……………………….Distances, augmentations de probabilité : cf. infra tableaux II et III. d) la distance des Causses aux couples actuels des Alpes égale la distance des populations des Alpes et des Pyrénées dans le cas d’une réintroduction dans le Vercors seulement (cf. fig. précédente). Aucun transit actuel. e) distance supplémentaire Causses – Pyrénées. Aucun transit actuel. Couple ayant, en 2006, déjà élevé au moins un jeune jusqu’à l’envol. Couple territorial ne l’ayant pas encore fait en 2006. EFFICACITE STRATEGIQUE : DOUTEUSE Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 45/197 A. - DEUX OPERATIONS DE REINTRODUCTION, Préalpes occidentales et Causses : tous les hiatus entre Alpes et Pyrénées seront égaux ou inférieurs aux hiatus actuels entre les noyaux de populations internes aux Alpes. Alpes nordouest Valais, HauteSavoie Vanoise 80 km transit actuel Alpes sudouest Meranto ur, Argente ra 130 km Pyrénées orientales 200 Massif km Central sans sud transit Causses actuel 400 km sans transit actue 185 km sans transit actue Préalpes occid. Vercors, Diois, Baronnies , etc. transit actuel 112 km 220 km transit actuel centre Engadin Stelvio 190 km transit actuel est Hohe Tauern B. - UNE SEULE OPERATION DE REINTRODUCTION : Préalpes occidentales ou Causses Pyrénées orientales près de 300 km sans transit actue Pyrénées orientales 200 km sans transit actue Préalpes occidentales Vercors, Diois, Baronnies, etc. Massif Central méridional Causses 112-130 km transit actuel Grandes Alpes occidentales (sud ou nord) près de 300 km sans transit actue Grandes Alpes occidentales (sud ou nord) TABLEAU II. – Comparaisons : DISTANCES ENTRE LES NOYAUX DE POPULATION DE GYPAETE Gypaetus barbatus DES ALPES, LA POPULATION DES PYRENEES ET LES TERRITOIRES DES DEUX PROJETS D’OPERATION : PREALPES OCCIDENTALES ET CAUSSES , selon que sont réalisées les deux ou une seule. Deux nouveaux noyaux de population dans les Préalpes du Dauphiné et dans les Causses couperaient les quatre cents kilomètres qui, actuellement, séparent les couples des Alpes de ceux des Pyrénées, en trois tronçons inférieurs ou égaux à deux des hiatus entre les noyaux de populations actuels des Alpes. La probabilité qu’un gypaète franchisse l’un de ces trois hiatus serait environ quatre à dix fois supérieure à celle de franchir l’unique hiatus actuel de quatre cents kilomètres (cf. tableau V ci-dessous) entre les deux chaînes. La probabilité qu’un même individu franchisse les trois hiatus, plus faible, n’empêchera pas une réelle interconnexion générale. Transit Pyrénées ! Vanoise ou Mercantour Pyrénées ! Préalpes du Dauphiné Pyrénées ! Causses Causses ! Préalpes du Dauphiné Préalpes du Dauphiné ! Vanoise …………………………ou Mercantour Longueur 400 km 300 km - ! 200 km 185 km Par rapport à Alpes !Pyrénées actuellement probabilité de franchissement multipliée par : 1,8 4 4,7 130 à 112 km 9,5 à 12,8 TABLEAU III. – AUGMENTATION DE LA PROBABILITE DE FRANCHISSEMENT DE CHAQUE HIATUS DU FAIT DE NOUVEAUX NOYAUX DE POPULATION par rapport à celle de franchir les 400 km entre les couples de l’est des Pyrénées et ceux de l’ouest des Alpes internes, distance de référence (première ligne). Toutes autres choses étant égales par ailleurs, la probabilité varie comme l’inverse du carré de la distance. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 46/197 DEUXIEME PARTIE : UNE OPERATION DE REINTRODUCTION DU CASSEUR D’OS Gypaetus barbatus DANS LES PREALPES DU DAUPHINE MERIDIONAL FAISABILITE, POTENTIALITES La pensée tactique se meut en général dans un registre déterminé… La pensée stratégique combine des actions variées pour un atteindre un objectif global… Saint-Sernin in Encyclopedia Universalis Le niveau opérationnel est, pour ainsi dire, celui d’une « stratégie locale ». En effet il tient de la tactique par son caractère relativement local, mais de la stratégie par la coordination des moyens les plus divers pour atteindre un même objectif : c’est le niveau minimal de la stratégie. Cette démarche et cette échelle sont celles de cette deuxième partie qui analyse, pour l’ensemble de la zone d’étude, les différents facteurs qui, tous, sont nécessaires pour atteindre l’objectif opérationnel : fonder un noyau de population viable. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 47/197 Figure 10. - Délimitation de la zone d’étude, à l’extrémité occidentale des Alpes : les plus occidentales des Préalpes et, contigu, le Dévoluy. Zone prospectée à la belle saison (sporadiquement sur sa bordure nord-ouest) par les populations de Vautour fauve Gyps fulvus et de V. moine Aegypius monachus des Baronnies (bassins de l’Aygues et de l’Ouvèze) et du Diois (entre Vercors et Baronnies). Leur présence pérenne, leurs nids et ceux de Percnoptère Neophron percnopterus sont localisés au sud et à l’ouest de la ligne verte. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 48/197 I. FACTEURS ECO-ETHOLOGIQUES Ecological requirements of reintroduced species and the implications for release policy: the case of the bearded vulture de Hirzel, Posse, Oggier, Crettenand, Glenz & Arlettaz (2004)35 a fourni un outil intellectuel particulièrement efficace, par sa démarche générale et ses fondements statistiques, pour l’analyse du rôle des facteurs écologiques. Cet article a été un guide pour le diagnostic écologique de la zone d’étude dans son ensemble (cf. carte page précédente), en fonction des préférences des gypaètes en phase de prospection puis lors de celle d’installation. On l’a donc inclus in extenso dans les documents in ANNEXES I. Le lecteur y trouvera également un exposé complet de sa méthode, de ses fondements. Il aurait été prétentieux et superflu de les paraphraser. D’abondantes citations mettent en évidence les facteurs écologiques les plus significatifs pour le présent travail. A. - BIOTOPE 1. Les critères de sélection « Extrapolated to the whole Alpine range, these findings might explain both the current distribution of the subadult/adult population and the absence of breeding records for bearded vultures around release sites in landscapes dominated by silicate substrates. As reintroduced bearded vultures tend to be philopatric, we suggest that population restoration would be more efficient if releases were concentrated within large limestone massifs. Restricting reintroduction efforts to these landscapes would potentially enhance survival rate, by increasing the attachment of birds to areas with the most suitable habitats, and by reducing the risks inevitably encountered by immatures during dispersal. » Hirzel et al. OPTIMUM GEOMORPHOLOGIQUE : LES GRANDS MASSIFS CALCAIRES La zone d’étude cumule les conditions favorables : a. - ABONDANCE DE CAVITES EN FALAISE, très favorables à la nidification « in comparison, marl, metamorphic and crystalline (silicate) landscapes do not offer so many favourable breeding sites. » Hirzel et al. ; b. - EBOULIS POUR LE CASSAGE DES OS : « within silicate-stone areas, where screes are much scarcer and consist mainly of large blocks among which fragments would be difficult to retrieve; they also retain humidity, making them easily colonized by plants. Margalida & Bertran (2001) have demonstrated that ossuaries are of importance to the bearded vulture, especially during the breeding period when parents have to prepare delicate food items for the growing chick. » Hirzel et al. ; c. - AEROLOGIE : « limestone topography offers the best thermal conditions for this large raptor (with a c . 2·70 m wingspan), which seems to be of prime importance to bearded vultures (Haller 1983) » Hirzel et al. 35 Référence abrégée dans les pages qui suivent : « Hirzel et al. ». Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 49/197 © Guillaume Laget - http://www.tetras.org/ Photo 2. – Géomorphologie très favorable : falaises calcaires et éboulis ; ici dans le Dévoluy. Photo C. COTTON, ASTERS site <www.gypaete-barbu.com> Photo 3. – Quelle que soit la géomorphologie… ce juvénile doit apprendre qu’il ne peut avaler une homoplate (trop large), ni la briser (rapport surface/masse trop élevé, freinant la chute). Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 50/197 2. Un vaste ensemble géomorphologiquement optimal LES MASSIFS LES PLUS OCCIDENTAUX DES PREALPES, Vercors, Diois, Haut-Diois, Baronnies36 et les reliefs37 du Trièves4 occidental, contigus, constituent un vaste ensemble calcaire38 de 5300 km2 dont la continuité n’est rompue par nulle grande vallée, cluse, zone à forte densité humaine, etc. Plus à l’est Dévoluy, Champsaur, Gapençais, Trièves offrent également des falaises calcaires, surtout urgoniennes dans le Vercors, en majorité tithoniques dans le Diois et les Baronnies. Seuls les 720 km2 du Dévoluy ont été inclus dans la zone d’étude, car parois et éboulis y sont moins abondants dans les trois autres (où L’Aigle royal Aquila chrysaetos niche néanmoins). Quasi-contigu au Diois Préalpes, le Dévoluy, depuis des années est prospecté régulièrement par la population de Vautour fauve des Préalpes occidentales à la belle saison39, montrant son étroite connexion fonctionnelle avec elles pour les grands Rapaces charognards. Sa position géographique en fait un relais privilégié en direction des massifs internes que les vautours des Préalpes occidentales ont commencé à découvrir en 2006 (Couloumy, Parc National des Ecrins, in litt.). LA ZONE D’ETUDE 2 DEPASSE 6000 KM , RICHES DE PLUS DE 700 KM DE FALAISES, CORRESPOND PARFAITEMENT AUX PRECONISATIONS DE HIRZEL & AL., Photo R. MATHIEU , Observatoire de la faune drômoise CORA-FRAPNA Photo 4. – Sud de la zone d’étude : Baronnies, Saint May. 36 Référence : les districts naturels des mêmes noms in Lebreton P. et al. 1976 CORA. Inclus dans les limites administratives du Parc Naturel Régional du Vercors, de même que le nord du Diois et une notable fraction du Haut Diois. 38 Dans l’ouest du Diois, une zone à grès explique la présence très locale de végétaux calcifuges, Châtaignier Castenea sativa inclus. 39 De même que le Vercors. Le reste de l’année, l’aire prospectée est environ deux fois plus réduite : Diois et Baronnies. 37 Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 51/197 Photo R. MATHIEU, Observatoire de la faune drômoise CORA-FRAPNA Photo 5. – Sud de la zone d’étude : Baronnies, gorges de Trente Pas. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 52/197 a Photo R. MATHIEU, Observatoire de la faune drômoise CORA-FRAPNA b Photo C.TESSIER, Ass. Vautours en Baronnies Photos 6. – Sud de la zone d’étude : Baronnies 6a Gorges de Pommerol (en haut) 6b Montagne de Raton (en bas) d’où provient l’une des trente données de Gypaète Gypaetus barbatus dans la zone d’étude (cf. infra), Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 53/197 Photo B. DE MENTEN Photo 7. – Centre de la zone d’étude : Diois, vue vers le nord sur le Vercors à l’arrière-plan. …………… Confins des Préalpes du sud et du nord. Photo G. GRASSI Photo 8. – Centre de la zone d’étude : Diois, vue vers l’ouest sur la Montagne de Couspeau et l’est du massif de Saou (Trois Becs) cf. détail photo 10. Deux des trente données de Gypaète Gypaetus barbatus dans la zone d’étude proviennent du versant masqué de ces deux massifs. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 54/197 Photo R. MATHIEU, Observatoire de la faune drômoise CORA-FRAPNA Photo 9. – Centre ouest de la zone d’étude : Diois, bassin de la Roanne. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 55/197 Photo R. MATHIEU, Observatoire de la faune drômoise CORA-FRAPNA Photo 10. – Ouest de la zone d’étude, versant sud du massif de Saou. Des trente données de Gypaète Gypaetus barbatus dans la zone d’étude, la seule d’un individu identifié Argentera (cf. infra photo 33) provient de ce site. Photo R. MATHIEU, Observatoire de la faune drômoise CORA-FRAPNA Photo 11. – Centre de la zone d’étude, confins Vercors - Diois, vus de la vallée du Quint. Voir aussi infra photo 47. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 56/197 Photo B. DE MENTEN Photo 12. – Nord-ouest de la zone d’étude, bordure nord-ouest du Vercors. Photo 13. – Nord-est de la zone d’étude, nord du Vercors nord, Photo B. DE MENTEN Montagne de Lans. Photo B. DE MENTEN Photo 14. – Est de la zone d’étude, bordure orientale du Vercors, vue du nord - nord-est. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 57/197 Photo M. DELAMETTE, Parc Naturel Régional de Chartreuse Photo 15. – Est de la zone d’étude vue à partir du Vercors oriental sur le Mont Aiguille (au premier plan), butte -témoin des Hauts Plateaux du Vercors. À l’arrière-plan : le Dévoluy. Photo O. DAYE Photo 16. – Extrême est de la zone d’étude, Dévoluy, du refuge de Rochassac. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 58/197 Photo J.-B. STROBEL Photo 17. – Extrême est de la zone d’étude, Dévoluy, hauteurs du Riou froid, Lus-la-Croix-Haute. © Guillaume Laget - http://www.tetras.org/ Photo 18. – Extrême est de la zone d’étude, Dévoluy. Petites Charances, Rougnou, Grand Ferrand. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 59/197 3. Taux de boisement Haut-Diois Diois Baronnies Dévoluy 2 3 2 1 2 2 2 3 TABLEAU IV. – Taux de boisement : 0 = absent, 1 = mineur, 2 = moyen, 3 = majeur - Lebreton et al. Feuillus Résineux Vercors 2 3 Trièves 3 2 Le taux de boisement de la zone d’étude est élevé pour l’Europe occidentale : globalement supérieur à 50%, localement 65% voire plus, mais : a. - LE GYPAETE PEUT EXPLOITER DES HABITATS A VEGETATIONS FORT DIVERSES J.-F. Terrasse souligne que, si « toute une littérature associe le gypaète avec les hauts sommets enneigés et les glaciers », en fait « la végétation rencontrée est (très) variable… : maquis et garrigues méditerranéens, forêts plus ou moins dégradées de feuillus et de conifères de l’étage montagnard, landes, pelouses et steppes au-delà ». Dans les Alpes « Our data show that bearded vultures tended to visit areas at lower altitude and with a higher forest cover than expected…The non-avoidance of forest at a regional scale might seem peculiar as bearded vultures tend to prefer open habitats in most of their range. In central Valais, however, because of the dry climate (Valais is the driest area within the Alps) and nature of the geological substrate, woodlands consist most often of small scattered trees and shrubs; they are thus readily accessible to bearded vultures…In central Valais, bearded vultures are often seen flying over sparse forests covering steep slopes, in search of carcass remains; they can land among scattered trees and shrub, or on rocky outcrops, walk several dozens of metres on forest ground to reach a carcass (R. Arlettaz, personal observations) » Hirzel et al. Les boisements de la majeure partie de la zone d’étude offrent des conditions analogues et même probablement plus marquées : la concentration d’une grande partie des précipitations, violentes mais courtes, et de longues périodes sèches accentue le caractère xérique de la végétation, ce que ne traduit pas leur volume annuel global40. Celui-ci varie d’autour de 900 mm (Diois, Baronnies) à environ 1000-1100 mm (HautDiois, Dévoluy, majeure partie du Vercors), localement plus 1400 mm (certaines stations du Vercors). b. - AIGLE ROYAL ET VAUTOUR FAUVE PROSPERENT DEJA DANS LA ZONE D’ETUDE, LE RETOUR DU PERCNOPTERE ET DU VAUTOUR MOINE Y EST EN COURS : Aigle royal Aquila chrysaetos : cinquante à soixante couples ; Vautour fauve Gyps fulvus : par réintroduction depuis 1996. Lors du maximum de la belle saison approximativement 400 individus ont séjourné dans la zone d’étude ( " 117 ensemble mais >130 bagues lues et ! 2/3 d’oiseaux sans bague). En 2006, cinquante-cinq couples ont pondu, en 2007 64 ou 65, en 2009 : 120 couples. Le 11 octobre 2008, une curée à 225 dans un alpage du sud du Vercors (Chironne) ; Percnoptère Neophron percnopterus : retour local spontané à partir de la population méditerranéenne française induit par la réintroduction de l’espèce précédente : - 2000 : première reproduction, dans les Baronnies ; - 2007 : trois couples, deux dans les Baronnies ont élevé chacun un jeune ; le troisième à Chamaloc (nord du Diois) nicheur très probable, succès inconnu ; - 2008, 2009 : trois couples, 2 dans les Baronnies, le troisième « déménagé » à 15 km dans le SO du Vercors, ont élevé chacun un jeune. Jeunes à l’envol : m = 1,00/couple/an, s = 0,378, n = 15 40 C’est la distribution des précipitations qui distingue entre eux les climats tempérés non arides plus que leur volume annuel : au sud de la zone d’étude, les Baronnies, à végétation et climat méditerranéens, reçoivent annuellement plus d’eau que les Pays-Bas, à climat océanique. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 60/197 Vautour moine Aegypius monachus : estive depuis 2000 à partir de la population réintroduite dans les Causses, surtout aux confins du Diois et du Vercors, dans une zone englobant l’emplacement préconisé pour le taquet. Depuis le début de la réintroduction dans les Préalpes (2004), vu toute l’année dans la zone d’étude : 2006 : première aire commencée en août, dans les Baronnies. Au moins dix-neuf individus provenant des Baronnies, du Verdon et des Causses. 2007 : deuxième couple, dans les Baronnies 41 ; 2009 : trois couples ont pondu. Un quatrième semble s’installer à Chamaloc (Diois). Photos P. LOQUINEAU Jonchères 12 mai 2005 Photo19a. – Curée à trois espèce de vautours en zone semi-boisée, Diois central. Photo 19b. – Percnoptère Neophron percnopterus, Vautour moine Aegypius monachus (marqué). 41 Idem et ibid. Comme le premier :mâle lâché dans les Baronnies, femelle née dans les Causses. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 61/197 Photo 19c. –Vautour fauve Gyps fulvus. Idem et ibid. Photo 19d. - Vautour moine Aegypius monachus, Idem et ibid. Vautour fauve Gyps fulvus peu visible. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 62/197 Photo J. BRUEZIERE Photo 20. – Gypaète et forêt dans la vallée du Rhône helvétique, vers 1000 m d’altitude, Roche, 25-26 décembre 2003. UN COUVERT FORESTIER QUI N’A EMPECHE NI AIGLE ROYAL NI VAUTOUR FAUVE DE PROSPERER NE SAURAIT GENER LE GYPAETE, dont l’aptitude à exploiter boisements clairs et trouées de forêts denses est plus à rapprocher de celle du Vautour moine que de celle du Vautour fauve. B. - RESSOURCES ALIMENTAIRES Dans les Alpes Hirzel & al. ont mis en évidence statistiquement le rôle majeur pour le retour du Gypaète joué par trois Ongulés, deux sauvages : le Bouquetin Capra ibex, le Chamois Rupicapra rupicapra et un domestique : le Mouton Ovis gmelini f. aries. On a donc porté une attention particulière à ces espèces dans la zone d’étude, à leur situation actuelle et à leur avenir prévisible. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 63/197 1. Le bouquetin CAPRA IBEX, en plein développement n’est qu’au début de son retour dans la zone d’étude. Le rôle singulier de la présence du Bouquetin pour l’installation du Gypaète a été perçu par les naturalistes de terrain observant l’espèce. Il explique probablement en grande partie l’installation spontanée de plusieurs couples de gypaètes en Vanoise, massif où aucun n’a été lâché mais qui concentre près de la moitié des effectifs français de Capra ibex. En Valais, cette corrélation a été statistiquement mise en évidence par Hirzel & al. : « During the prospecting phase (1987–94, mostly immature birds), the most important variable explaining bearded vulture distribution was ibex biomass. » Prépondérante en phase de prospection, la présence du Bouquetin en phase d’installation reste active pour expliquer celle du Gypaète, alors à égalité avec du Mouton domestique (cf. tableau 2 et 3 de Hirzel et al. in ANNEXES I ). En dépit de l’abondance de biotopes potentiels dans toute la zone d’étude, qui ont tous fait l’objet d’études de faisabilité de réintroduction (Choisy 1992, 1995 et, pour le Dévoluy, Villaret 1987) qui mériteraient une actualisation (envisagée pour le département de la Drôme, J. Traversier, CORA, comm. or. pers.), seul le Parc Naturel Régional du Vercors est passé à la réalisation. 350 300 250 200 150 100 50 0 1989 1990 1995 1996 1997 2000 2002 2003 2004 2005 Figure 11. – Bouquetins Capra ibex dans l’est du Vercors : une croissance des effectifs encore exponentielle. 1989-90 : lâchers, puis comptages de fin d’année = somme des effectifs des populations des falaises des bordures méridionales et orientales de la Réserve Naturelle des Hauts Plateaux du Vercors + le prolongement au nord des secondes. "2 p > 0,05 7 ddl. Le comptage de 2000, échoué, n’est pas pris en compte dans l’ajustement exponentiel (courbe). Si les deux populations de l’est du Vercors issues des vingt-huit individus lâchés en 1989-90 sont encore d’effectifs modestes (339 comptés en décembre 200542), elles sont en augmentation soutenue (cf. figure page précédente). Le développement des effectifs est encore dans la phase exponentielle. Sauf transition prochaine vers le modèle logistique, l’effectif de cinq cents devrait être atteint actuellement et celui d’un millier entre 2010 et 2015. De vastes portions de ces deux biotopes restent à peupler. Habituelle une quinzaine d’années après 42 C’est un minimum : les biotopes n’ont pu être couverts dans leur intégralité et l’on n’a pas la prétention d’avoir été totalement exhaustif dans les zones couvertes. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 64/197 lâcher (Nievergelt), la phase de colonisation de nouveaux sites est nette depuis 2006. Pour le Gypaète, les ressources fournies par le Bouquetin augmentent donc continuellement au fil des ans : en masse comme en aire de répartition. Photo R. MATHIEU, Observatoire de la faune drômoise CORA-FRAPNA Photo 21. – Bouquetin Capra ibex dans la zone d’étude en début de rut, 26 octobre 2005, alpage en bordure des falaises orientales des Hauts Plateaux du Vercors. Un troisième noyau de population dans les falaises du Royans, au nord-ouest du Vercors, (lâchers de 2000-02 par le Parc Naturel Régional du Vercors) en tout début de développement, non pris en compte dans les potentialités actuelles doit être mentionné pour le long terme. La protection intégrale du Bouquetin en France, en tous lieux et en tout temps, maximalise son intérêt pour les Vautours en général, Gypaète en particulier : en effet, les animaux n’étant pas prélevés, leurs cadavres restent totalement disponibles pour les grands charognards. IL EST SIGNIFICATIF QUE LE BOUQUETIN, LE MOINS REPANDU DES ONGULES SAUVAGES DANS LA ZONE D’ETUDE, SOIT CELUI QUI AIT FOURNI LE PLUS DE DONNEES DE CUREE DE VAUTOURS FAUVES, SUIVI PAR LE CHAMOIS alors que Sanglier et Chevreuil sont bien plus abondants. LA CORRELATION SPATIALE AVEC LES DONNEES DE GYPAETE EST MANIFESTE cf infra carte figure 12. 2. Le chamois ; Rupicapra rupicapra Les observations naturalistes dans les Alpes et les Pyrénées montrent que les Rupicapra sp. (Chamois ici, Isard là) fournissent une part très notable de l’alimentation du Gypaète pour des raisons analogues à celles du Bouquetin : habitat rocheux maximalisant la probabilité de détection des cadavres et facilitant le cassage des os. « During both prospecting and settling phases bearded vultures preferred areas with a higher density of ibex and sheep, Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 65/197 although there was no link with the presence of chamois, another important source of food for bearded vultures in the Alps. However, chamois are abundant ( c. 17 000 individuals) and widespread in Valais, where they inhabit a broader habitat spectrum and a wider altitudinal range than ibex ( c. 5000 individuals); it is thus possible that a ‘chamois effect’ could not be detected because there was little variation in the abundance and distribution of this ungulate. » Hirzel et al. La sous-estimation statistique du rôle du Chamois pour le Gypaète est donc un artefact dû à sa distribution bien large dans l’espace montagnard : l’espèce est beaucoup moins spécialisée que le Bouquetin par rapport à la géomorphologie (cf. Choisy 1990). Dans la zone d’étude : - jusqu’aux années 1970, le Chamois était réduit par la chasse à de pauvres restes (moins de deux cents dans le département de la Drôme, soit les trois quarts de la zone d’étude) survivant dans les sites les moins accessibles et ceux, rares, où il n’était pas chassé (propriétés domaniales, départementales ou même privées : massif de Saou). - actuellement l’espèce est présente des plus hauts reliefs jusqu’aux les plus bas. Photo O. DAYE Photo B. BLACHE Photos 22. – Omniprésence actuelle du Chamois R. rupicapra dans la zone d’étude : en altitude : étages subalpin et localement, alpin, dans l’est. Les populations de Chamois des pelouses alpines cohabitent avec le Lagopède Lagopus mutus, celles de moyenne montagne avec des espèces plus répandues, dans des habitats de couvert ligneux fort divers, mais toujours avec pentes et rochers présents ou proches. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 66/197 Nord-est. Eboulis Photo B. VEILLET, AVENIR Conservatoire des Espaces Naturels de l’Isère Sud-ouest. Buissons, arbustes pente sur Photo R. MATHIEU,Observatoire de la faune drômoise CORA-FRAPNA Photos 23. – Omniprésence actuelle du Chamois R. rupicapra dans la zone d’étude : moyenne montagne, étage montagnard et haut du collinéen. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 67/197 D’autres populations, enfin, se sont reconstituées par recolonisation spontanée jusqu’à l’étage méditerranéen, parmi les oliviers Olea europaea, chênes verts Quercus ilex, etc., côtoyant Fauvettes mélanocéphale Sylvia melanocephala, Pitchou S. undata, etc. Etage collinéen supraméditerranéen Chêne blanc Quercus pubescens, Buis Buxus sempervirens, Euphorbia (derrière le etc. characias chamois), Photo R. MATHIEU, Observatoire de la faune drômoise CORA-FRAPNA Etage méditerranéen Olivier Olea europaea ; etc. Photo C.TESSIER, Ass. Vautours en Baronnies Photos 24. – Omniprésence actuelle du Chamois R. rupicapra dans la zone d’étude, en basse montagne jusqu’à l’étage méditerranéen. Populations installées et non pas individus isolés ni erratiques. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 68/197 Le Chamois s’installe et prospère dans la zone d’étude d’au-dessus de 2800 m. (au moins en été) à aussi bas que cent cinquante mètres d’altitude (toute l’année) partout où il trouve pente et rocher… si la pression de chasse ne l’interdit pas. Localement, les densités sont extrêmement variables sans autre cause que des prélèvements cynégétiques nuls, modérés, supportables ou très excessifs. Ceci en fonction essentiellement des attributions, car l’époque du braconnage généralisé est révolue. Des disparités locales marquées correspondent à des attributions ici excessives, là modérées ou…tempérées par les difficultés d’accès. Globalement, la zone d’étude reste encore largement sous-peuplée : en Valais (Arlettaz R. 1996) plus de quatorze mille chamois, soit environ deux fois et demie plus, vivent sur une aire trois fois plus petite… Néanmoins, des effectifs de CINQ A SIX MILLE CHAMOIS suffisent déjà à assurer des ressources conséquentes au Gypaète dans l’ensemble de la zone d’étude. Que, en dépit d’une remarquable restauration, l’espèce soit encore très loin d’y avoir réalisée ses potentialités démographiques permet d’espérer que la situation s’améliore encore beaucoup. Dans les quelques zones où le Chamois n’est pas chassé, les cadavres sont tous disponibles pour les Vautours, Gypaète inclus. 3. Le mouton ; Ovis gmelini f. aries « Le pastoralisme (essentiellement ovin) reste une activité dynamique avec un effectif dépassant largement les cent mille têtes » écrivent Tessier, Henriquet & Eliotout dans l’étude de faisabilité de la réintroduction du Vautour moine, à propos d’une zone d’étude identique à l’exception du Dévoluy. Les effectifs présents dans la zone couverte par le présent travail sont donc encore supérieurs. L’augmentation des ressources alimentaires estivales lors de la mise en alpage d’une fraction des cheptels locaux et à l’arrivée des transhumants (plusieurs dizaines de milliers, surtout moutons) est telle qu’elle induit une baisse notable de fréquentation des charniers par les vautours. Les charniers restent alors parfois jusqu’à dix jours sans être rechargés. Photo E. BELLEAU Photo 25. - Curée de vautours fauves Gyps fulvus sur cadavre de brebis à grande distance des charniers Col d’Hurtières, près de la Salette, Mateysine (Isère) 18/08/06. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 69/197 Disponibilité dans l’espace élevée : dans la nature, contrairement à celles du Sanglier et des Cervidés, les charognes de brebis (et de bétail en général) gisent en grande majorité dans des habitats ouverts. Elles sont donc bien plus souvent accessibles au Gypaète. Disponibilité dans le temps très saisonnière : leur abondance est très fluctuante selon les saisons, minimale en hiver quand les alpages sont désertés, maximale pendant l’estivage des transhumants. 4. Autres ongulés Ungalata « A l’exception du daim, tous les autres ongulés sauvages43…sont présents (sanglier, mouflon, chevreuil, chamois, cerf et bouquetin) avec des potentialités (d’augmentation) encore fortes…pour les quatre dernières espèces. La densité de mammifères de taille moyenne peut être localement importante (lièvres, lapins, renards, marmottes et grands mustélidés…). Le retour spontané du loup signe la richesse du milieu en proies disponibles dont la taille correspond à celles figurant dans le régime alimentaire des rapaces nécrophages. » Tessier, Henriquet & Eliotout. CERF Environ trois mille deux cent individus. Tend à coloniser une fraction croissante de la zone d’étude ; MOUFLON Une option gestion, très justifiée pour une espèce exotique malencontreusement introduite, en a réduit les effectifs actuels à environ trois centaines. CHEVREUIL, SANGLIER Les tableaux de chasse annuels de chacune de ces deux espèces sont compris entre cinq et dix mille animaux. Compte tenu des connaissances générales de la dynamique des populations exploitées de ces Ongulés, les effectifs peuvent très approximativement être estimés, en ordre de grandeur, sous l’hypothèse d’une situation approximativement stabilisée (en dépit d’éventuelles fluctuations notable à plus court terme) : - Sanglier : avant ouverture de la chasse : double de ceux du tableau ; à la fermeture analogues au tableau. Toutefois ces dernières années ont vu, du fait d’options de gestion de chasse, une baisse très notable des effectifs sur le seul territoire du PNR du Vercors (Jouanny) : modification d’occupation de l’espace sans effondrement global ; - Chevreuil : l’effectif avant et après la saison de chasse est de l’ordre de, respectivement trois ou quatre fois le tableau de chasse avant ouverture de la chasse, deux ou trois fois après fermeture. Sanglier et Chevreuil ont des effectifs globaux supérieurs à ceux de Bouquetins, Chamois et Mouflons. Mais leurs cadavres gisent beaucoup plus souvent sous un couvert ligneux trop dense pour qu’ils soient détectés par les Vautours, Gypaète inclus. C’est cependant une ressource, qui doit être mentionnée bien qu’on ne puisse quantifier sa contribution à l’ensemble des ressources potentielles pour le Gypaète. BETAIL Outre les importants effectifs transhumants (cf. § MOUTON), la zone d’étude héberge des cheptels pérennes dont le Mouton constitue près des deux tiers. Bovins Equidés Chèvres Brebis Porcins Total 11 508 2 334 17 731 58 877 409 90 859 TABLEAU V. – Cheptels domestiques non transhumant dans les trois quarts de la zone d’étude : sa partie située dans le département de la Drôme. RGA de 2000, D.D.A.F. de la Drôme 43 Actuellement présent dans les Alpes, autochtones ou introduits. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 70/197 5. Loup ; Canis lupus , Lynx ; Lynx lynx Les grands prédateurs apportent une contribution importante à la disponibilité de cadavres d’Ongulés sauvages pour les charognards. Ceci est particulièrement perceptible lors du retour de grands Carnivores dans des territoires d’où ils avaient été éliminés. Par exemple : - Lynx en Suisse : « in several areas such as game reserves, ungulates are numerous in forests in winter; this is also where lynx L. lynx hunt, providing additional carcasses. » au profit du Gypaète (Hirzel et al.). - Loup aux USA : Wilmers, Getz et al (2003a, 2003b, 2004, 2005) ont mis évidence le rôle de l’espèce pour les charognards (Oiseaux et Mammifères), particulièrement en période de ressources minimales en fin d’hiver. Or, Lynx et Loup ont atteint la zone d’étude, respectivement à partir de la Suisse et de l’Italie, particulièrement dans le Parc Naturel Régional du Vercors. Ce dernier hébergeant deux des trois meutes de loups présentes fin 2008 dans la zone d’étude dont la plus ancienne et la moins réduite dans ses hautes régions. L’étude du régime alimentaire du Loup au Mercantour (comm. or. lors d’un colloque) montre que le Bouquetin, par son habitat, reste quasiment hors d’atteinte, alors que le Chamois fournit une part essentielle de ses proies. Le Loup augmente a fortiori les disponibilités en charognes de Cervidés et Sanglier (très peu présents au Mercantour), dont les habitats sont encore plus accessibles pour lui que celui du Chamois. La preuve en est beaucoup plus difficile à apporter que pour les curées de vautours fauves et vautours moines sur brebis en alpage tuées par loups : quand les vautours ont nettoyé une carcasse, identifier la cause de la mort est impossible. Photo R. MATHIEU, Observatoire de la faune drômoise CORA-FRAPNA Photo 26. – Cerf bramant dans le sud de la zone d’étude, Baronnies. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 71/197 La cause de la mort des Ongulés sauvages consommés par les vautours (bouquetins et surtout chamois) dans la zone d’étude n’a donc pu être déterminée jusqu’à maintenant, sauf un cerf à Chamaloc (Diois) : par balle44. Car on doit s’abstenir de perturber les curées de vautours, que ce soit sur animaux sauvages ou domestiques, sauf nécessité absolue. Pour le bétail, s’il y a suspicion d’attaque par Loup, les nécessités de constat pour éventuelle indemnisation font examiner la charogne. Cette différence explique que, dans la zone d’étude, on dispose pour le bétail de preuves de curée de vautours sur proies de loups, alors qu’elles sont encore attendues pour les Ongulés sauvages. Photos A. BULTINGAIRE Photos 27 . – Curée sur brebis en estive tuées par loups : vautours fauves Gyps fulvus et vautours moines Aegypius monachus à proximité immédiat des sites de lâcher préconisés pour le Gypaète Gypaetus barbatus, dans le sud de la Réserve Naturelle des Hauts Plateaux du Vercors, juin 2005 (vers la Croix du Lautaret). Le Loup vivant essentiellement d’Ongulés sauvages c’est néanmoins une certitude rationnelle que son retour augmente les disponibilités alimentaires de cette origine pour les charognards. 44 Des chasseurs ont aussi observé des vautours fauves arrivant sur chamois ou sangliers abattus par eux. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 72/197 6. Charniers à vautours A Rémuzat (nord des Baronnies) et à Chamaloc (nord du Diois en bordure du Vercors) des charniers sont approvisionnés toute l’année pour Vautour fauve, Vautour moine et Percnoptère. Si besoin était, ils offriraient pour le Gypaète une « assurance trophique » à la mauvaise saison. On connaît le rôle joué par la fourniture de telles ressources complémentaires dans la restauration de la population de Gypaète des Pyrénées. C. – CLIMAT « L’altitude importe peu, le gypaète étant présent du niveau de la mer (en Corse, en Crète et même dans la dépression de la Mer Morte) jusqu’au massif de l’Everest. Il peut supporter un climat continental froid (en Asie centrale)…la pluviométrie importe peu, bien qu’elle puisse être un facteur défavorable pendant la reproduction : les montagnes soumises à la mousson dans l’Himalaya, les Pyrénées occidentales ou le Caucase avec une forte pluviométrie, les hauts plateaux éthiopiens au taux d’humidité important peuvent être de bons habitats, comme les montagnes subdésertiques de l’Atlas, du Yémen ou de l’Altaï » (Terrasse). L’importance des précipitations et de la nébulosité expliquerait au moins en partie la relativement faible productivité des couples des Pyrénées occidentales, sans suffire néanmoins à empêcher l’espèce de prospérer dès lors que nourriture et protection lui sont assurées. Dans les Alpes orientale, un climat particulièrement plus rude en hiver provoque un mouvements saisonniers des individus non nicheurs vers le versant sud de la chaîne, singularité par rapport aux Alpes occidentales. Bioclimatiquement, la zone d’étude appartient surtout aux Alpes occidentales méridionales. Seuls le Dévoluy, le haut Vercors et le haut Diois, soit bien moins de la moitié de la zone d’étude, subissent un enneigement relativement important et durable (qui tend à diminuer au fil des décennies. Caractéristique particulièrement favorable à la prospection alimentaire par toutes les espèces de vautours, Gypaète inclus, le nombre de jours de brume est, dans la zone d’étude, beaucoup plus réduit que plus au nord dans les Alpes. Ceci à la seule exception du Vercors qui, sauf sa frange sud et son coin sud-ouest appartient déjà aux Préalpes du nord. Etages de végétation et essences dominantes. Étages représentés dans la zone d’étude, distribution par massifs : - alpin : en Dévoluy et sur les crêtes les plus hautes de l’est du Vercors ; - subalpin, à Pin-à-crochet Pinus uncinata. Non représenté dans les Baronnies et, sauf ses crêtes orientales, le Diois ; - montagnard à boisements mésophiles de Hêtre Fagus silvatica. Le Sapin Abies pectinata, répandu dans le Vercors, est très localisé ailleurs ; - collinéen de la série supra-méditerranéenne du Chêne blanc Quercus pubescens45, avec nombreuses espèces méditerranéennes46 ; - méditerranéen : dans les Baronnies, où passe la limite septentrionale de l’Olivier. L’ouest de ce massif (Nyonsais) est la région la plus ensoleillée de France. Seul, le Vercors, à l’exception de son sud-ouest et de sa bordure méridionale, a un climat 45 Des pins Pinus dominent souvent localement dans les étages collinéens et montagnards : P. sylvestris (essence pionnière, durablement présente sur les substrats les plus défavorables ou/et dans les zones les plus sèches) P. nigra austriaca (largement introduit par les forestiers). Inversement, la série du Rouvre Quercus petraea (= sessiliflora) est limité à la bordure collinéenne nord et nord-ouest du Vercors. 46 Juniperus phoenicea, Spartium junceum, Genista scorpius, Dorycnium suffruticosum, Catananche caerulea, Aphyllanthes monspessuliensis, etc. et, plus, localement Pinus halepensis, Quercus ilex, Juniperus oxycedrus, J. thurifera, etc. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 73/197 montagnard arrosé analogue à celui de la Chartreuse et autres Préalpes du nord. Bien que n’étant pas déterminant pour la présence du Gypaète, LE CLIMAT DE LA ZONE D’ETUDE EST DONC GLOBALEMENT TRES FAVORABLE : au niveau tant de la survie hivernale que du taux de réussite de la reproduction. Ceci ne peut qu’être un avantage pour la dynamique de population locale. CONCLUSIONS à ce niveau de l’analyse : Les habitats favorables abondent, notamment falaises et éboulis calcaires. Les importantes populations d’Ongulés sauvages, présentes toute l’année, resteront essentielles pour le Gypaète, notamment à la mauvaise saison. Le retour du Lynx et surtout du Loup augmente certainement la disponibilité en charognes de Sanglier, Chamois, Mouflon, Cerf et surtout de Chevreuil. Chamois et surtout Bouquetin, partout particulièrement favorables pour le Gypaète du fait de leurs habitats rupestres, le seront encore plus dans la zone d’étude du fait de son fort taux de boisement. Cette prépondérance minimise les conséquences pour le présent travail d’une estimation moins précise des effectifs de Chevreuil et de Sanglier. La mise en alpage du bétail local, diversifié et l’arrivée des transhumant, à forte prépondérance d’ovins, offre à tous les charognards un maximum estival des ressources alimentaires dans la nature. Dans le cycle annuel de reproduction du Gypaète, il se situera de la fin de l’élevage au nid à la dispersion des juvéniles. Ce maximum trophique sera donc extrêmement favorable au succès de l’élevage comme à celui de l’émancipation des jeunes oiseaux inexpérimentés ainsi qu’à leur taux de survie au cours de cette phase vulnérable. Ceci qu’ils s’envolent d’une aire ou d’un taquet. Les charniers fréquentés par Vautour fauve, Vautour moine et Percnoptère offrent une sécurité supplémentaire en cas de disette temporaire. Ils sont d’ailleurs exploités occasionnellement par Milan noir Milvus migrans, Milan royal M. milvus et, parfois, Aigle royal Aquila chrysaetos. On y a déjà vu deux Pygargues Haliaetus pygargus et un…Aigle des steppes Aquila rapax (Tessier, assoc.Vautours en Baronnies) ! Toutefois, il convient de souligner que, malgré une pression d’observation très élevée, aucune des trente données de Gypaète dans la zone d’étude, une seule (mai 2008) provient d’un site de charnier, sans qu’on l’ai vu s’y poser. Ceci tend à confirmer l’importance dans le milieu naturel de la zone d’étude des disponibilités alimentaires pour le Gypaète. LA ZONE D’ETUDE OFFRE A LA REINTRODUCTION DU GYPAETE : - VASTE HABITAT OPTIMAL ; - SECURITE ALIMENTAIRE : DEJA ASSUREE ET CROISSANTE. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 74/197 II. IMPACT DES ACTIVITES HUMAINES Une densité humaine remarquablement faible47 pour l’Europe occidentale (même lors de l’augmentation relative lors de la saison touristique estivale concentrée sur les mois de juillet et d’août) est indiscutablement un contexte favorable au retour de la grande faune. Ce facteur favorable ne saurait suffire : dans le passé comme de nos jours, les exemples abondent de grande faune exterminée en dépit d’une densité humaine très faible, qu’il s’agisse d’excès de prélèvements cynégétiques ou bien de destruction de “nuisibles” ou prétendus comme tels. A. – DESTRUCTIONS DIRECTES Dans la zone d’étude, le maximum de densité humaine se situe au milieu du XIX° siècle. Or, c’est au cours des cent années suivantes que l’extermination de la grande faune (dont l’Ours et le Loup) y connaît son paroxysme et ce, en dépit d’un effondrement de la densité humaine. Jusqu’aux années 1960 incluses, observer un seul Ongulé restait une expérience rare et mémorable, à l’exception des stations les plus difficiles d’accès ou encore de très rares territoires hors chasse, parfois au bénéfice d’une seule espèce, généralement le Chamois. Quelle que soit la densité humaine, le retour général de la grande faune dont a bénéficié la zone d’étude48 aurait été impossible sans une prise de conscience en faveur de la protection de la nature, de la conservation et de la restauration de la biodiversité et, pour les espèces chassées, de la nécessité de gérer les prélèvements. Ceci avec une très réelle amélioration de la perception de la faune en général, des grands Rapaces en particulier et des comportements son égard, du respect effectif de la protection légale de ces oiseaux par la grande majorité, chasseurs ou non. On le doit à l’action persévérante, pendant des décennies, de minorités, chasseurs ou non-chasseurs, initialement très faibles mais très motivées, donc très actives. Cette action qui commence à porter ses premiers fruits dans les années 1970, continue à se développer jusqu’à nos jours. Des photos telles que celles de bouquetins et chamois, pages précédentes ou page suivante, traduisent une réalité actuelle qui ne pouvait être qu’un rêve pour les générations précédentes. L’état des populations d’Aigle royal et plus encore de Vautour fauve, le début de renouveau du Percnoptère et du Vautour moine, montre que le poison n’est plus un problème dans la zone d’étude. Bien entendu, on ne peut totalement exclure le moindre acte délictueux ponctuel. Mais la situation actuelle de l’Aigle royal, du Vautour moine, du Percnoptère et du Vautour fauve montre que L’IMPACT DEMOGRAPHIQUE ACTUEL DES DESTRUCTIONS DIRECTES PAR L’HOMME EST NUL OU NEGLIGEABLE. Il n’y a aucune raison de penser qu’il en soit autrement pour le Gypaète. B. - PERTURBATIONS L’évolution positive de la perception de la Faune, la grande notamment, et des comportements de l’Homme à son égard induit en retour une tolérance bien plus grande de celle-ci à la présence et aux activités humaines, sous réserve qu’elles ne détruisent pas, ou n’altèrent pas excessivement, leurs biotopes. 47 48 A l’exception de l’extrême nord de la zone d’éude proche de l’agglomération grenobloise. Cf. infra § sur ce thème in quatrième partie. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 75/197 Photo R. MATHIEU, Observatoire de la faune drômoise CORA-FRAPNA Photo 28. – Chamois R. rupicapra installé à proximité de l’Homme. Impensable jusqu’aux années 1970 : un des nombreux indices du changement radical de la perception de la grande faune sauvage par Homo sapiens et de son comportement à l’égard de celle-ci dans la zone d’étude. Ici, un noyau de population de vingt-cinq chamois à 150 m. d’altitude à St Marcel-lès-Sauzet sur la bordure de la vallée du Rhône avec Chêne vert Quercus ilex et, en bas de versant Peuplier noir Populus nigra, à quelques centaines de mètres d’une des autoroutes les plus fréquentées d’Europe hors de la zone d’étude stricto sensu mais en bordure. Mais ceci n’exclut nullement qu’on puisse nuire involontairement à la grande Faune en général, aux Rapaces rupestres et notamment au Gypaète en particulier, notamment en perturbant sa reproduction et en la faisant échouer, d’où impact négatif sur la dynamique des populations, voire sur leur pérennité. 1. Nature et mode d’action des perturbations Fondé sur une approche statistique de données de terrain précises dans les Pyrénées, le travail récent d’Arroyo & Razin (2006) “Effect of human activities on bearded vulture behaviour and breeding success in the French Pyrenees”, est LA référence actuelle pour identifier les causes de perturbation pouvant faire échouer la nidification du Gypaète ainsi que comprendre leur mode d’action. Sont particulièrement décisifs pour l’impact des activités humaines sur la nidification du Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 76/197 Gypaète le NIVEAU DE BRUIT des activités, leurs DATES - dans les périodes les plus sensibles du cycle annuel de reproduction ou hors d’elles - et la DISTANCE au site de nidification à laquelle elles sont exercées. Sans prétendre rendre compte de la richesse de cette publication, qu’on trouvera in extenso dans les ANNEXES I quelques citations doivent en souligner des points majeurs : “Very noisy activities (such as infrastructure works, motorbikes, forestry or military activities and helicopters) seemed to be those most strongly affecting bearded vulture behaviour and breeding success. Noise is particularly transmitted in alpine habitats, as relief provokes echoes and increases resonance. These activities thus provoked a reaction in bearded vultures even if far away from the nest (2 km)….These activities should, therefore, be largely avoided around the nests in order to maximise bearded vulture productivity. where disturbance was most important in terms of leading to failure. In the Spanish Pyrenees breeding success was overall related to the failure during the hatching and incubation periods (Margalida et al., 2003).” “Breeding success was significantly negatively associated with the frequency of very noisy activities in a territory during a breeding event, as the probability that nests were left unattended was higher in those territories… Hunting also strongly affected bearded vulture behaviour during the pre-laying period, as it was associated with the absence of the pair from the territory in a significantly high proportion of cases…which may be associated with the fact that hunting as exercised in the French Pyrenees (with groups of people) is also potentially noisy as well as having a visual impact during the pre-laying period (October– December). « Very noisy activities and hunting most frequently provoked nest unattendance even when occurring far (>1.5 km) from the nest. People on foot or cars/planes only affected bearded vulture behaviour if close (<500–700 m) to the nest. ». 2. Évaluer l’impact des perturbations par les activités humaines a l’échelle de la zone d’étude dans son ensemble Une application possible des résultats du travail d’Arroyo & Razin aurait été de cartographier dans l’ensemble de la zone d’étude les activités perturbatrices mises en évidence par elles, de mesurer leur distance aux falaises et d’établir une carte des zones où les activités humaines ici excluent, là autorisent le retour du Gypaète…sur la base du modèle pyrénéen. Mais, si un modèle relatif à la faune peut avoir une haute valeur prédictive au sein de l’aire biogéographique ayant fourni les bases factuelles de sa construction, son application mécanique en dehors de celle-ci est plus discutable. Elle peut même induire de graves erreurs de diagnostic. Si on a choisi un autre mode d’appréciation globale de l’impact potentiel des perturbation dans la zone d’étude c’est, d’une part qu’une telle application à l’identique n’était pas pertinente dans les Alpes (cf. page suivante), d’autre part qu’une autre approche était possible, à la fois bien plus adaptée aux réalités locales et bien moins coûteuse en temps. a.- NE PAS TRANSPOSER MECANIQUEMENT LE MODELE PYRENEEN DANS LES ALPES, en particulier en ce qui concerne la distance de fuite et, lorsque celle-ci est trop fréquemment atteinte, de la disponibilité en positions de repli : * DISTANCES DE FUITE Dans les Pyrénées, la population actuelle est issue de gypaètes ayant survécu à des générations de persécution, en développant un comportement d’évitement maximum de l’Homme, comportement loin d’être entièrement surmonté, en ce qui concerne seuil de tolérance et la distance de fuite. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 77/197 Dans les Alpes, la population actuelle est faite de gypaètes lâchés nés en captivité ou issus de la reproduction de ceux-ci en liberté, dans un contexte de protection des Rapaces déjà ancienne. Ils montrent, de ce fait, une tolérance beaucoup plus grande à la présence et aux activités humaines, avec une distance de fuite beaucoup plus courte. Par comparaison avec ceux des Pyrénées, les gypaètes des Alpes font figure d’oiseaux confiants et peu farouches (obs. pers. et M.Terrasse comm. or. pers., comm or. lors de colloques). LES DISTANCES DE FUITE ETANT BIEN PLUS COURTES DANS LES ALPES (toutes autres choses étant égales par ailleurs), IL N’ETAIT PAS POSSIBLE DE FONDER UN DIAGNOSTIC SUR CELLES QU’ARROYO & RAZIN ONT MISES EN EVIDENCE DANS LES PYRENEES. * POSITIONS DE REPLI “Since the availability of high quality cliffs is low in the French Pyrenees (Razin, 2003), birds moving territories are likely to occupy lower quality ones in terms of availability of cavities protected from weather, which may have important consequences for bearded vulture breeding.” Arroyo & Razin. Tout au contraire, la zone d’étude est riche en falaises calcaires49 où abondent vires, surplombs, cavités. L’OFFRE EN SITES DE NIDIFICATION ETANT BIEN SUPERIEURE, LA PROBABILITE QU’IL Y EN AIT DE NON PERTURBES DANS LE DOMAINE VITAL D’ UN COUPLE EST BEAUCOUP PLUS ELEVEE DANS LA ZONE D’ETUDE QUE DANS LES PYRENEES FRANÇAISES. b. – DES INDICATEURS BIOLOGIQUES PERTINENTS SONT UTILISABLES * LES NOYAUX DE POPULATION ACTUELS DU GYPAETE DANS LES A LPES La densité humaine dans la zone d’étude est quasiment partout inférieure à 10 hab./km2 et n’est que de 3 hab./km2 dans certains cantons, avec même sur les Hauts Plateaux du Vercors 200 km2 sans habitation permanente ni voirie (dont 85% bénéficient d’un statut de réserve naturelle). Ceci au niveau des moyennes globales. Car en dehors des agglomérations, les densités humaines en montagne sont encore bien plus faibles encore. La seule exception, très locale, est l’extrême nord-est de la zone d’étude, proche de Grenoble. Marginale dans la zone d’étude, elle se situe à une trentaine de kilomètres au nord du site retenu pour réaliser l’opération. En outre, même elle compte quelques grands sites rupestres peu perturbés. LE GYPAETE S’EST INSTALLE ET NICHE DANS DES REGIONS DES ALPES A DENSITES HUMAINES BIEN PLUS ELEVEES QUE CELLES DE LA ZONE D’ETUDE. GLOBALEMENT CELLE- CI EST DONC BEAUCOUP MOINS EXPOSEE AUX ACTIVITES HUMAINES PERTURBANTES QUE DANS LA PLUPART DES AUTRES REGIONS DES ALPES OU LE GYPAETE EST ACTUELLEMENT INSTALLE; CINQ AUTRES ESPECES DE GRANDS RAPACES DIURNES (A CCIPITRIDAE) DONT TROIS RUPESTRES HABITENT DEJA LA ZONE D’ETUDE : Les effectifs actuels atteints dans la zone d’étude par le Jean-le-Blanc Circaetus gallicus (commun, plusieurs dizaines de couples), l’Aigle royal Aquila chrysaetos (cinquante à soixante couples, nichant aussi bas pour certains que 400 à 600 m. d’altitude, pour trois en bordure de route, dont une particulièrement fréquentée) et le Vautour fauve Gyps fulvus (en augmentation rapide. En 2009 cent vingt couples nicheurs), les retours en cours du Percnoptère Neophron percnopterus (2009 : trois couples ; tous ayant niché avec succès) et du Vautour moine Aegypius monachus (réintroduction commencée en 2004, 2009 : quatre couples, trois premières pontes) démontrent que L’HOMME, PAR SON OCCUPATION DE L’ESPACE, SES ACTIVITES ET SON COMPORTEMENT A LEUR EGARD, N’EXCLUT NULLEMENT LA PROSPERITE DES POPULATIONS DE GRANDS RAPACES DANS LA ZONE D’ETUDE, espèces rupestres ou non. 49 Dont une fraction notable inaccessible sans longue marche d’approche. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 78/197 3. Gestion des perturbations éventuelles dans des sites précis de la zone d’étude Que globalement la situation soit actuellement favorable ne signifie nullement que, très localement, on doive exclure tout risque de voir se développer sur un site où nicherait le Gypaète des activités perturbantes pouvant faire échouer sa reproduction. Le cas échéant, on y ferait face en fonction du contexte avec des moyens adaptés, avant tout de concertation avec les associations d’usagers de l’espace naturel, comme l’ont déjà fait, dans la zone d’étude, le Parc Naturel Régional du Vercors et l’association Vautours-enBaronnies au bénéfice des trois autres Vautours. Alors, le travail d’Arroyo & Razin gardera toute sa pertinence pour l’identification des perturbations, de leur mode d’action, des périodes de sensibilité maximales. Il fournirait la base scientifique permettant de faire face à ces problèmes en fonctions des besoins propres du Gypaète, moyennant des adaptations au contexte local, notamment à propos des distances de fuite. Il serait totalement prématuré de développer davantage l’analyse à propos des perturbations laquelle, au demeurant, se situerait au niveau tactique. Dans le domaine opérationnel, on ne saurait actuellement aller plus loin que souligner qu’il importera de rester vigilant. Ceci renvoie au suivi après réintroduction, qui doit être expressément prévu, et durablement. CONCLUSIONS à ce niveau de l’analyse Dans la zone d’étude : - les causes de perturbations potentielles n’y sont pas d’une nature singulière ; - toutes autres choses étant égales par ailleurs, le Gypaète y sera moins vulnérable que dans les Pyrénées française, pour des raisons tant historiques que géomorphologiques ; - l’intensité globale des perturbations potentielles y sera inférieure à ce qu’elle est dans la plupart des zones où l’espèce est actuellement présente dans les Alpes, peut-être dans toutes, du fait d’une densité humaine presque partout très faible. L’ETAT ACTUEL ET LA DYNAMIQUE DES POPULATIONS DE GRANDS RAPACES DANS LA ZONE D’ETUDE, DONT TROIS VAUTOURS ET QUATRE NICHEURS RUPESTRES, MONTRANT QUE LES ACTIVITES HUMAINES N’Y EMPECHENT PAS LEUR PROSPERITE, AUTORISE UN PROGNOSTIC ANALOGUE POUR LE GYPAETE. III. POTENTIALITES DE LA ZONE D’ETUDE POUR UNE POPULATION NICHEUSE DE GYPAETES A. – LA GEOMORPHOLOGIE, FACTEUR ESSENTIEL POUR L’INSTALLATION DU GYPAETE « During the settling phase (1995–2001), the presence of birds (mostly maturing subadults) correlated essentially with limestone substrates, while food abundance became secondary…Interestingly, in the expert reports published during the preparation of the international bearded vulture programme (Müller & Buchli 1982), emphasis for the selection of suitable release areas in the Alps was put on wild ungulate density. Geology (although mentioned) was considered as a secondary factor, except possibly regarding the availability Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 79/197 of cavities for placing captive birds to be released just before fledging…during the settling phase, the geological environment plays a more important role in habitat selection than the availability of ungulate carcasses, another essential component of territory selection… As wild ungulates are now abundant and widespread in the Alps, in contrast with the situation in the past centuries until the extirpation of the species, they are unlikely to (as yet) represent a limiting factor for the breeding population, as we are probably at present far below the species’ trophic carrying capacity. Density-dependent regulation is to be expected in the future, however. The monitoring of the spreading breeding population will tell us whether geological constraints will continue to play a major role in the future, or whether food requirements will further dictate spatial patterns of bearded vulture distribution within the Alpine range. » (Hirzel et al. pour plus d’information cf. arcticle in ANNEXES I). L’ENSEMBLE DE GYPAETE EN LA ZONE D’ETUDE EST DONC GLOBALEMENT TRES FAVORABLE AU PHASE D'INSTALLATION (cf. supra 2. - UN VASTE ENSEMBLE GEOMORPHOLOGIQUEMENT OPTIMAL in I. – PREFERENCES ECO-ETHOLOGIQUES). B. - L’ALTITUDE EXCLUT-ELLE L’INSTALLATION DU GYPAETE DANS UNE PARTIE DE LA ZONE D’ETUDE ? 1. La zone d’étude et les critères d’altitude de Hirzel et al. « Extrapolating from our own findings, we speculate that breeding bearded vultures recolonizing the Alps will initially occupy limestone areas…between 1500 and 2500 m altitude, that offer adequate cliffs rich in nesting sites and thermals as well as suitable bonebreaking screes reintroduction site » (Hirzel et al.). Diois et Baronnies50, culminant respectivement à 1 589 et 1 545 m, seraient donc exclus de la zone optimale, laquelle ne constituerait que 47% de la zone d’étude, soit environ 2800 km2. Si l’on considèrerait l’altitude comme déterminante, seule la partie orientale du Vercors devrait être prise en compte, réduisant la zone au relief optimal à 28% de la zone d’étude, soit environ 1700 km2. Les massifs favorables par leur relief au retour du Gypaète ne seraient donc que le HautVercors, le Haut-Diois51 et le Dévoluy. Cette restriction est-elle fondée ? C’est ce qu’on se propose de discuter. 2. Facteurs écologiques et humains corrélés avec l’altitude « L’altitude importe peu, le gypaète étant présent du niveau de la mer (en Corse, en Crète et même dans la dépression de la Mer Morte) jusqu’au massif de l’Everest. » souligne J.-F. Terrasse. Rappel élémentaire : en elle-même, l’altitude, n’est pas un facteur écologique. Les corrélations observées entre l’altitude et la présence-absence de nombreuses espèces traduisent une corrélation, positive ou négative, entre l’altitude et de réels facteurs écologiques dont les plus fréquents sont température (animaux poïkilothermes, végétaux, etc.), parois rocheuses et densité humaine, notamment pour les grandes espèces, bien plus intensément chassées, persécutées ou/et perturbées à basse altitude, où se concentre Homo 50 Au sens de l’Atlas Ornithologique Rhône-Alpes CORA 1976. Avec le recul du temps, il apparaît ornithologiquement plus pertinent lieu de distinguer non pas HautDiois, Diois s.s , Vercors s.l., mais un Diois s.s. et un Vercors s.s. et un ensemble Hauts Diois &Vercors : de Toussière aux sud jusqu’aux Trois Pucelles, dans le prolongement au nord des Hauts Plateaux du Vercors.L’auteur se sent d’autant plus autorisé à une telle critique rétrospective, fondée sur l’approfondissement ultérieur de la connaissance de ces massifs et de leur avifaune, qu’il s’agit très largement d’une autocritique : corédacteur de l’Atlas CORA 1976, il a participé à cette délimitation, ici critiquée. 51 Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 80/197 sapiens. EN VALAIS (zone de référence de Hirzel & al.) Il faut donc nécessairement que l’altitude moyenne des gypaètes en phase d’installation (1864 m., écart-type 638 m.) traduise une corrélation locale de l’altitude avec géomorphologie (rocher moins abondant à basse altitude) et occupation par l’Homme et ses activités (corrélation négative fréquente tant avec l’altitude que l’abondance du rocher). Interprétation confirmée par un des auteurs à propos de la limite inférieure altitudinale suggérée par le modèle :« Je pense que c'est artefactuel…là ou il y a des rochers (les Gypaètes) descendent aussi, surtout en hiver » Arlettaz (un des auteurs de Hirzel et al.) in litt. DANS LA ZONE D’ETUDE, au contraire, jusqu’à basse altitude les falaises calcaires abondent et la densité humaine est faible52 même pour les Alpes françaises : < 10 hab./km2, seulement 3 hab./km2 dans certains cantons, avec même 200 km2 sans habitation permanente ni voirie. Différence majeure avec le Valais : la densité humaine est globalement beaucoup plus élevée en Suisse qu’en France, surtout dans les régions montagneuses, particulièrement les plus méridionales. Comparons la distribution en altitude des aires d’Aigle royal Aquila chrysaetos, nicheur en Valais comme dans la zone d’étude : - Valais : « la plupart entre 1200 et 1800 m, avec des extrêmes à 700 et 2300 m » (Arlettaz in litt.) ; - Préalpes de la Drôme53 : moyenne à 967 m (s = 242 m, n = 12), l’un des couples nichait à 400 m (Mathieu & Choisy) dès les années 1970, dans une situation très isolée il est vrai. Dans les deux régions, du fait d’un respect de plus en plus réel de la protection et de l’augmentation des effectifs, la tendance actuelle à l’occupation de nouveaux sites bas, peutêtre avec abandon de site très haut en Valais : « je connais un nid à 2700 mais il n'est plus visité : peut-être un vestige de la pression de jadis » (Arlettaz in litt.). Dans la Drôme trois des nouveaux sites de nidification sont situés entre 550 et 600 m., en bordure de routes fréquentées, l’un est même au-dessus d’un parking (R. Mathieu comm. pers. in litt.). L’abondance des effectifs actuels d’Aigle royal (50 à 60 couples), le développement spectaculaire du Vautour fauve dans le Diois et les Baronnies (120 couples en 2009, nichant entre 400 et 1500 m), le retour en cours du Percnoptère (2009 : trois couples nicheurs, tous avec succès) rendent invraisemblable que ces massifs soient défavorables pour le Gypaète du fait de leur altitude, que soit par défaut de falaises ou par excès d’humains et/ou de leurs activités. C’EST DONC BIEN L’ENSEMBLE DES 6000 KM2 DE LA ZONE D’ETUDE QUI DOIT ETRE CONSIDEREE COMME FAVORABLE AU RETOUR DU GYPAETE et non pas seulement sa partie la plus haute. Ceci n’exclut nullement la présence d’enclaves localement défavorables : boisements denses, plaine alluviale, agglomérations du fond de la vallée de la Drôme, etc. Mais c’est une analyse à une tout autre échelle, qui concerne plus le mode d’utilisation de l’espace par certains individus au sein de leur domaine vital. 52 53 A l’exception de l’extrêmité nord (Quatre Montagnes) proche de l’agglomération grenobloise. Les trois quarts de la zone d’étude. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 81/197 Photo L. MORTIER <[email protected]> Photo 29. – Le Bouquetin Capra ibex est présent aussi à basse altitude et près de l’Homme : au Mont Baret entre 250 et 800, ici dans le défilé de Pont-en-Royans (Isère) vers 400 m. en bordure d’agglomération. N-O de la zone d’étude. Photo L. MORTIER <[email protected]> Photo 30. – Vautour fauve Gyps fulvus colonie nicheuse installée dans les falaises dominant le village de Rémuzat (Baronnies), sud de la zone d’étude. C. – ESTIMATION DU NOMBRE DE COUPLES POTENTIELS J.-F. Terrasse fait état de domaines vitaux d’un couple de Gypaète variant de 300 à 435 km2 dans les Pyrénées et 500 km2 en Macédoine avant que l’espèce y soit, assez récemment, exterminée. En Valais, Arlettaz l’estime à 200 km2. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 82/197 Compte tenu de ce qu’on sait actuellement de l’importance trophique pour l’espèce des Ongulés sauvages en général, des Bouquetins Capra sp. en général, les différences dans les ressources disponibles expliquent, en grande partie ou totalement, ces différences. Les densités de Gypaète élevées atteintes en Afrique du sud (moyenne = 167,5 km2 pour 200 couples) et en Ethiopie (moyenne = 100 km2 déterminées pour 4 couples) traduisent vraisemblablement l’abondance des Ongulés sauvages (dont, en Ethiopie, un Bouquetin) et autres Mammifères de taille comparable. Une estimation fondée sur les densités pyrénéennes les plus faibles ou, pire encore, celles, naguère, de Macédoine donne un minimum minimorum d’une douzaine de couples dont dix ou onze dans la partie Préalpes de la zone d’étude (= Dévoluy non compris). MEME UNE ESTIMATION AUSSI PESSIMISTE SERAIT COMPATIBLE AVEC LE PROJET. Inversement, la poursuite du développement démographique du Chamois et le retour du Bouquetin dans l’ensemble des sites favorables et augmenterait très notablement les potentialités de la zone d’étude pour le Gypaète : - pour le Chamois, ce développement dépend quasi-exclusivement de la gestion des prélèvements ; - pour le Bouquetin, si à long terme la recolonisation spontanée de biotopes favorables est une certitude, de nouveaux lâchers feraient gagner de nombreuses décennies, du fait d’un mode de recolonisation fort différent. La réintroduction de l’espèce a d’ailleurs déjà fait l’objet d’études de faisabilité dans tous les massifs de la zone d’étude (Villaret 1987, Choisy 1992, 1995) qui mériteraient une actualisation (projetée pour le département de la Drôme, J. Traversier, CORA, comm. or. pers.). Des domaines vitaux de même grandeur qu’en Valais correspondraient à une trentaine de couples dans la zone d’étude. Mais, un tel avenir ne saurait être davantage qu’évoqué pour un projet de réintroduction actuel. L’estimation de la densité potentielle la plus vraisemblable est fondée : - dans le Haut Vercors sur celle du Valais du fait de la présence simultanée d’effectifs importants de moutons et chamois ainsi que d’effectifs de bouquetins déjà notables et en pleine expansion ; - ailleurs dans la zone d’étude sur celles des Pyrénées là où le Bouquetin est encore absent, ou au tout début de son développement. Compte-tenu des superficies, le total est quinze à vingt couples pour l’ensemble de la zone d’étude, dont treize à dix-sept dans sa partie préalpine (= Dévoluy non compris). CONCLUSIONS à ce niveau de l’analyse : POTENTIALITES POUR LE GYPAETE DANS LA ZONE D’ETUDE - actuelles très pessimistes : minimum minimorum une douzaine de couples ; - actuelles les plus vraisemblables : QUINZE A VINGT COUPLES ; - à long terme : peut-être jusqu’à une trentaine de couples ? Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 83/197 TROISIEME PARTIE : REALISATION DE L’OPERATION OU ? QUI ? Il est erroné de croire que la pensée stratégique est supérieure à l’habilité tactique ; sans elle la stratégie n’est rien, tant il est vrai « qu’il n’y a pas de détail dans l’exécution » (Valéry) Saint-Sermin in Encyclopedia Universalis Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 84/197 I. - BIOTOPES MAXIMILISANT LA PROBABILITE DE REUSSITE DE LACHERS DE GYPAETES Les habitats naturels terrestres de la zone d’étude autres que les forêts denses peuvent tous être plus ou moins exploités par le Gypaète, essentiellement ou marginalement. A une échelle plus locale encore que les quatre massifs qui la constitue, la géomorphologie et les populations d’Ongulés rupestres permettent d’individualiser des biotopes 1 dont certains sont beaucoup plus que d’autres favorables à l’installation de gypaètes après lâcher. A. – CONDITIONS ECOLOGIQUES Pendant la phase d’installation des gypaètes mûrissant Hirzel et al. soulignent l’importance des “huge vertical cliffs rich in cavities and ledges (from a stratigraphic viewpoint, these cliffs belong essentially to late Jurassic and Cretaceous formations).” Si la hauteur des falaises était le facteur essentiel, alors Vercors et Dévoluy seraient les deux massifs les plus favorables de la zone d’étude. Dans le Diois et les Baronnies, en dépit de quelques grand sites aux falaises aussi puissantes, par exemple celles qui bordent le massif de la Forêt de Saou, prédominent largement les falaises tithoniques plus modestes. Si le facteur essentiel était l’abondance de cavités et corniches, Diois et des Baronnies seraient mieux placés qu’une partie des falaises du Vercors et du Dévoluy. Mais pour choisir dans la zone d’étude le massif de lâcher et même, plus localement, dans ce massif, le biotope le plus propice à la réussite d’un lâcher de Gypaète C’EST LA PHASE DE PROSPECTION PAR LES GYPAETES JUVENILES QUI DOIT ETRE PRISE EN COMPTE. Or, “during the prospecting phase (1987–94, mostly immature birds), the most important variable explaining bearded vulture distribution was ibex biomass.” Hirzel et al. LA DISTRIBUTION ACTUELLE DES EFFECTIFS DU BOUQUETIN IMPOSE DONC QUE LE BIOTOPE DE LACHER SOIT DANS L’EST DU VERCORS, CONFINS AVEC LE DIOIS INCLUS. B. – LOCALISATION DES OBSERVATIONS DE GYPAETE Trente données de Gypaète dans la zone d’étude depuis la fin des années 1980. La philopatrie du Gypaète rend plus probable que la zone d’étude soit atteinte par des visiteurs dans ses parties les plus proches des régions de lâcher et de reproduction. C’est bien ce qu’on observe : quatorze des observations sont situées dans le Parc Naturel Régional du Vercors, en majorité dans l’est. C’est aussi le cas des deux données supplémentaires qui restent à confirmer. Les trois autres concernent le nord du Dévoluy, le centre ouest du Diois et le nord des Baronnies. La localisation de la grande majorité des observations (cf. carte page suivante), faites dans le nord-est de la zone d’étude est corrélée avec : - celle des bouquetins : grande majorité des effectifs dans le nord-est de la zone d’étude (cf. figure 8 page suivante) ; - la direction des sources de juvéniles dans les Alpes: quatre des six taquets et la totalité des couples nicheurs. Trois seulement plus au sud que la vallée de la Drôme, dont le seul individu identifié, dans l’est du massif de Saou (Diois occidental) qui avait été lâché au Mercantour : la seule région qui soit aussi méridionale que la zone d’étude. 1 Distinctions : - « habitat » : type d’espace aux besoin ou à des besoins d’une espèce ; - « domaine vital » : espace concret utilisé par un individu particulier ; - « biotope » : un espace concret utilisé par une population donnée. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 85/197 Figure 12. – Distribution dans l’espace : Observations de Gypaète : 1988 +/- 1. 1997, 1998. 2008 le plus au nord = 2 données. Zone d’étude Populations de Bouquetin Capra ibex 2000-2007, 2009. ? à confirmer, même période. Charniers permanents fréquentés par les trois autres Vautours. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 86/197 TRENTE DONNEES, probablement vingt-quatre individus, en vingt-sept journées Entre parenthèses : nom de la commune et numéro du département. P ARC NATUREL REGIONAL DU VERCORS Inclus les falaises aux confins Diois-Vercors Vingt-et-une données2 + deux possibles à confirmer 1988 +/- 2 ans juillet ou août, Montagne de Lans près des crêtes au-dessus du stade de neige (Lans-en-Vercors 38) volant au sud. L. Jacob (PNR du Vercors, depuis au PNR des Grands Causses). 1997 Cinq données : probablement pas plus de deux individus Petite Moucherolle (38 Villard-de-Lans) le 30 mai un immature. N. Vincent-Martin ornithologue au CEEP. Cirque d’Archiane versant occidental = Glandasse (26 Treschenu-Creyers) juillet peu avant les observations suivantes. G. Caullireau garde de la Réserve Nat. des Hts Pltx du Vercors. Plateau d’Ambel (26 Bouvante) vers les crêtes de sa bordure orientale, B. Begou : - le 21 juillet vers le Pas de la Ferrière, sur piton rocheux, semble frapper sur un os ; - le 29 août en vol au-dessus des crêtes d'Ambel ; - dernière observation de l’été, date non notée. 1998 le 18 mai, au Grand Brizou un adulte volant vers le Grand Veymont (38 Gresse-enVercors) . J. van der Straten & M. Verhagen. 2000 en mai (38 Gresse-en-Vercors) lieu et jour à préciser… N. Pellerin. 2001 début de l’année, un peu à l’est du col du Rousset (26 Chamaloc) : serait à confirmer. 2002, le 10 mai aux Grands Goulets, crêtes juste au nord-est du défilé (26 confins Echevis -St Martin-en-Vercors). Un immature, probablement d’un an (jumelles x 15 avec stabilisateur 3 d’image) , se dirigeant probablement vers le sud. D. Tissier, CORA Rhône. 2003, le 31 mai falaises orientales, un adulte (ou subadulte ? non décrit) volant de Roche Rousse au Grand Veymont du nord au sud (38 Gresse-en-Vercors) F. & G. Berthollon, CORA-Isère. 2004, le 14 août, deux données certainement du même individu : - à 18h15 Cirque d’Archiane (26 Treschenu-Creyers) au-dessus de la bordure sud-est, vers Tussac un individu volant d’est en ouest, B. Cuerva, garde de la Réserve Naturelle des Hauts Plateaux du Vercors ; - environ ! h après, un individu vu au Mont Barral (26 Treschenu-Creyers), à environ 8 km à l’est de l’observation précédente, M. Prouveur, CORA-Drôme. 2005, le 08 mai à 10 h, au Jocou (38 Lalley) sous les crêtes, un immature volant du nord au sud, puis direction Trièves. N. et C. Zannoni, CORA-Isère. 2006, le 5 juin vers 11h30, volant de la Tête de Praorzel aux Rochers du Parquet un immature (38 Chichilianne) B. Veillet. Une autre observation plus au nord le 4 mai reste à confirmer : information indirecte. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 87/197 2008 quatre données, trois du même individu le même jour, même commune - le 11 mai : un à la bordure nord du Diois (26 Chamaloc) trois observations du même individu, en deux lieux : deux à l’adret col du Rousset (en bordure du Vercors) à 13h15-13h30 et vers 17 h : B. Lachat. Entre-temps dans le défilé à 13h45 entre le village et Die, J.-P. Choisy, PNR du Vercors. Photographié deux jours plus tard dans le Diois occidental (cf. infra). Photo B. L ACHAT Photo 31. – Aux confins du Vercors et du Diois : adret du col du Rousset, 11 mai 2008, ..probablement à la fin de sa première année, peut-être de le deuxième. - 2009 le 9 septembre un individu près du sommet de l’Echelette (26 St Agnan-en-Vercors), à faible hauteur au-dessus des falaises des confins Vercors-Diois, volant vers l’ouest, vers 10h environ, G. David, ONF & CORA-Drôme. quatre données dont deux du même deux jours consécutifs au même lieu - le 30 mai : un immature au Platary, relief thithonique de la bordure Trièves du PNRV (38 Chichilianne), J.-L. Frémillon, SEOF ; - les 3 et 4 juin : un immature Cirque d’Archiane (26 Treschenu-Creyers) S. Blache LPO Drôme (ex CORA-Drôme), B. Cuerva, garde de la Réserve Naturelle des Hauts Plateaux du Vercors, D. Leroy, garde vert, Parc Naturel Régional du Vercors ; Photo D. LEROY Photo 32. – Aux confins du Vercors et du Diois : cirque d’Archiane 3 juin 2009. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 88/197 2009 (suite et fin) Le 13 août un individu probablement en cinquième année arrive du sud du nord du Diois à la crête sud du Vercors (col du Rousset, 26 Chamaloc) par vent du nord assez fort, estimé entre 40 et 50 km/h et repart vers le sud-est, Matthieu Dubois. . . © Photos M. Dubois Photo 33. – Gypaetus barbatus : le plus âgé observé dans la zone d’étude parmi ceux d’âge déterminé sur photos : très probablement en cinquième année. 13 août 2009, bordure nord du Diois aux confins du Vercors. Photos dans l’ordre chronologique, à l’arrière-plan route du col du Rousset et village de Chamaloc. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 89/197 DIOIS OCCIDENTAL Deux données en lieux très proches à quatorze années d’intervalle 1994, le 12 février, au Pas de Siarra (massif de Saou, vers les Trois Becs), Est des crêtes méridionales du massif de Saou (26 confins de Saou et de Bézaudun-sur-Bine). Photographié (cf. page suivante), par G. Grassi, assoc. Lysandra Education Environnement. Identifié sans ambigüité par ses marques : Argentera né en 1993, lâché la même année dans le Parc National du Mercantour. Première identification à distance du Parc National. Recueilli blessé puis relâché guéri en vallée de Suse (Piémont) le 9 février 2008, équipé d’une bague rose à cette occasion (P. & L. Fasce, FCBV). Photo G. GRASSI Photo 34. – Argentera le 12 février 1994 dans l’ouest de la zone d’étude : Pas de Siara, commune de Bezaudun-sur-Bine (Drôme), adret extérieur du massif de Saou, Diois cf. supra photo 8. Né en 1993, lâché même année dans le PN du Mercantour. Toujours vivant en 2008 : le 9 février relâché guéri dans le Val de Suse (Piémont), après avoir été recueilli et guéri. 2008, le 13 mai Adret de la Montagne de Couspeau, vers le Grand Delmas, à quelques kilomètres du point précédent, (26 confins des Tonils et de Bézaudun-sur-Bine) Sophie Damian. Les photos prise montrent qu’il s’agit de l’individu, probablement né en 2007, peut-être en 2006, photographié deux jours auparavant à l’adret du col du Rousset (cf. page précédente) confirmé par Martine Razin ………………..………………. Photo S. DAMIAN LPO Mission Rapaces et Richard Zink, IBM. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 90/197 Photo 35. – Diois occidental 13 août 2009 dans l’ouest de la zone d’étude à moins de trois kilomètres de la .photo précédente près de quinze auparavant. Même individu que photo 31 cf. supra. BARONNIES Une donnée 1996, le 14 avril, montagne de Raton (26 Cornillac), vers 1500 un immature, marquage par décoloration (non décrite avec précision, donc non identifiée). A. Aubenas. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 91/197 DEVOLUY Cinq données 2005, le 23 août, à la Sambue (38 Pellafol) : volant vers le nord-ouest. D. Rivière, ONF ; 2006, le 26 mai un” juvénile“ vers 15h, volant haut au-dessus du Rocher Rond (vallon de la Jarjatte), marqué à l'aile droite, avec 2 taches blanches dans les rémiges primaires et secondaires” (26 Lus-la-Croix-Hte) C. Houllemare, CORA Drôme. 2007 - le 5 avril (05 La Cluse) aux crêtes de Chauvet un juvenile, C. Mroczko ; le 1er septembre (05 Agnières-en-Dévoluy) un au Sommarel ; le 28 octobre (05-Verynes), un adulte au col de Cuberselles, aux Egarets. a) Augmentation au fil des ans : chaque année après 2001. 29 données. 1988 1994 1996 Avril Mai 1998 2000 2002 03 04 05 06 07 08 2009 b) Phénologie : Février Juin Juillet Août Sept. Octobre Figure 13. – Distribution temporelle des observations de Gypaète Gypaetus barbatus dans la zone d’étude. Barres blanches : individus déjà pris en compte par les barres noires de manière certaine* ou très probable (précisions : cf. texte). Barres noires : nombre de visiteurs, barres blanches : un séjour plus durable. * notamment a) années 2008 et 2009. Le nombre de visiteurs augmente significativement au fil des ans, essentiellement des immatures dans leur deuxième, troisième ou quatrième année. En effet compte tenu des dates d’observation et de celle d’émancipation des juvéniles, 92 à 100% de ces oiseaux étaient âgés de plus d’un an. Le plus âgé de ceux dont l’âge a pu être déterminé sur photo, en août 2009, était un subadulte dans sa cinquième année. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 92/197 CONCLUSIONS à ce niveau de l’analyse SEULES LES FALAISES URGONIENNES ORIENTALES DU VERCORS ET DE LA BORDURE MÉRIDIONALE DE SES HAUTS PLATEAUX, AUX CONFINS DU DIOIS, HÉBERGENT ACTUELLEMENT DES EFFECTIFS DE PLUSIEURS CENTAINES DE BOUQUETIN CAPRA IBEX, EN RAPIDE DÉVELOPPEMENT. QUOIQUE EGALEMENT ENCORE LOIN D’ATTEINDRE LES POTENTIALITES, LE CHAMOIS R. RUPICAPRA Y EST DEJA BIEN REPRESENTE, CES FALAISES JOUXTENT DES ALPAGES OU ABONDENT LES BREBIS OVIS GMELINI F. ARIES EN ESTIVE. DES TRENTE DONNEES DE CASSEUR D’OS GYPAETUS BARBATUS DANS LA ZONE D’ETUDE SONT LOCALISEES : . - POUR DIX-HUIT (60%) A ! 10 KM DES PRINCIPALES.POPULATIONS ACTUELLES DE BOUQUETINS ; . - POUR ONZE D’ENTRE ELLES (37%) DANS LES BIOTOPES DE CES POPULATIONS. POUR MAXIMALISER LA PROBABILITE D’INSTALLATION DES GYPAÈTES LACHES C’EST DONC ICI QU’ILS DEVRONT ETRE MIS AU TAQUET. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 93/197 Figure 14 . – Situation sur la carte du Vercors et du nord du Diois des biotopes des deux principales populations actuelles de Bouquetin Capra ibex, entourés par les courbes bleue et jaune : - axée sur les falaises orientales du Vercors ; - aux confins du Diois, le Glandasse, le cirque d’Archiane et le sud des Hauts-Plateaux, où la réalisation de la réintroduction du Gypaète Gypaetus barbatus est préconisée. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 94/197 II. – LE MEILLEUR BIOTOPE POUR INSTALLER UN TAQUET A. – RESSOURCES ALIMENTAIRES 1. – BOUQUETIN : L’ESPECE LA PLUS FAVORABLE L’abondance de bouquetins est décisive pour les gypaètes immatures en phase de prospection, (cf. supra et pour analyse statistique Hirzel et al.). Le début de cette phase suivant rapidement l’envol des jeunes, cette abondance doit donc être un critère décisif de choix du biotope de lâcher. De plus dans les deux principaux biotopes de la zone d’étude où le Bouquetin est présent abondent les falaises calcaires, avec à leur pied de vastes propices au cassage d’os. Bordure orientale Glandasse - Archiane Effectifs absolus relatifs 124 37% 215 63% Longueur du biotope déjà occupé potentiel 21 km 40 km ! 7 km 12,5 km Densité linéaire dans le biotope déjà occupé 5,9/km de falaise 30,7/km de falaise Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 95/197 TABLEAU VII . - Distribution spatiale des effectifs du Bouquetin Capra ibex entre les deux biotopes de l’est du Vercors à la fin de 2005. Les deux biotopes ne sont pas également favorables : a) ABONDANCE : effectifs de Glandasse-Archiane presque doubles de que ceux de la bordure orientale. Or, “during the prospecting phase (1987–94, mostly immature birds), the most important variable explaining bearded vulture distribution was ibex biomass.” Hirzel et al. (cf. tableau page précédente). b) CONCENTRATION SPATIALE : les corrélations avec les facteurs écologiques et la présence du Gypaète sont maximales à une échelle intermédiaire :“ bearded vulture distribution was more sensitive to environmental medium-extent variables (2000-m radius) Hirzel et al. Elles beaucoup plus faibles dans un rayon de quelques centaines de mètres ou, au contraire, approchant la dizaine de kilomètres, a fortiori la dépassant. Or, les falaises à bouquetins, sinueuses tout autour du Glandasse (cf. tableau ci-dessus, supra fig. 8 et photo 33 page suivante) et du cirque d’Archiane, sont inscrites dans un périmètre compact, concentrant les ressources. Au contraire, les falaises de la bordure orientale s’étirent du nord au sud, dispersant sur une longueur triple des ressources 1,73 plus faible (cf. tableau ci-dessus, supra fig. 8 et photo 14 infra photo 32 page suivante et fig. 9). Si on considère l’ensemble des deux biotopes et non pas leur seule longueur actuellement occupée, la dispersion reste 3,2 fois supérieure le long des falaises orientales. Le biotope Glandasse – Archiane offre au Gypaète pour des ressources alimentaires fournies par les cadavres de Bouquetin à la fois plus abondantes et bien plus concentrées dans le rayon efficace que celui de la bordure orientale du Vercors Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 96/197 Photo P. BEAUDOIN, FRAPNA Photo 36. – Biotope à Bouquetin Capra ibex des falaises orientales du Vercors du nord au sud 40 km dont 21 déjà colonisés par environ un tiers de la population de la zone d’étude. Photo M.MILCENT Photo 37. – Biotope à Bouquetin des falaises méridionales des Hts Plateaux du Vercors Falaises au tracé sinueux inscrites dans une aire compacte de 12,5 km de long. Hébergent près des deux tiers des effectifs actuels de la zone d’étude, concentrés actuellement dans un périmètre de longueur ! 7 km, entre la Réserve Naturelle des Hauts Plateaux du Vercors (audessus) et une Réserve Biologique gérée par l’Office National des Forêts (en-dessous). Lors du travail de terrain à quelque distance des itinéraires fréquentés, il n’est plus exceptionnel de trouver au pied des falaises des squelettes de Bouquetin nettoyés par le Vautour fauve (cf. page suivante). Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 97/197 Photo J. TRAVERSIER, Observatoire de la faune drômoise CORA-FRAPNA Photo 38. – Bouquetins Capra ibex mâles, cirque d’Archiane. Photo M. PROUVEUR, Observatoire de la faune drômoise CORA-FRAPNA Photo 39. – Squelette de Bouquetin Capra ibex femelle nettoyé par les vautours éboulis de Pédane, sous les falaises, cirque d’Archiane. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 98/197 2. - CHAMOIS, MOUTON : LES DEUX AUTRES ESPECES TRES FAVORABLES La concentration spatiale des effectifs dans Glandasse-Archiane dans le rayon pertinent et, au contraire, leur étalement linéaire bien au-delà le long de la bordure orientale, déjà notée pour le Bouquetin, se retrouve chez le Chamois. En moyenne, les troupeaux de brebis sont, autour du cirque d’Archiane, bien plus proches des falaises qu’ailleurs sur les Hauts-Plateaux. LA DISTRIBUTION DU CHAMOIS ET DU MOUTON EST PLUS FAVORABLE A GLANDASSEARCHIANE QUE SUR LA BORDURE ORIENTALE, donc convergence avec le Bouquetin. Photo RESERVE NATURELLE DES HAUTS PLATEAUX DU VERCORS Photo 40. - Troupeau de transhumants. Plusieurs des dizaines de milliers de brebis transhumante de la zone d’étude estivent en bordure immédiate des falaises d’Archiane et du Glandasse. Photo Gabriel DURAND Photo 41. – Les charognes de transhumants in natura dans le Parc naturel Régional du Vercors sont déjà exploitées par les vautours. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 99/197 VERS LE MEILLEUR COMPROMIS Sur le Plateau mais très proche du nord-est du cirque très approximativement dans le secteur de la Tête du Jardin, cumulerait de nombreux avantages (cf. photo ci-dessous) : - non loin de falaises avec abondance de bouquetins et tranquillité ; - les juvéniles à l’envol disposeraient non seulement d’un vaste éboulis au pied des parois mais également d’une profusion de larges vires dans celles-ci, aussi bien dans la falaise du taquet que, plus encore, dans celle qui fait avec elle un angle droit ; - accès par le dessus du plateau en une grande partie possible en véhicule ; - situé entre, au pied, une vaste Réserve Biologique gérée par l’Office National des Forêts et, au sommet, une propriété départementale étendue, au sein de la Réserve Naturelle des Hauts Plateaux du Vercors, : statuts offrant, pour un projet porté par le Parc Naturel Régional du Vercors, de grandes facilités d’obtention d’autorisation, ainsi que des moyens réglementaires et en personnel pour prévenir les éventuelles perturbations ; - possibilité d’hébergement non loin de stagiaires pour surveillance, par exemple à Tussac. - possibilité d’installer un taquet alentour mais plus sur le plateau et ses alpages : environnement du type des photos 49 et 50cf. infra. Photo P. BEAUDOIN, FRAPNA Photo 45. – Site potentiel pour le taquet : Pédane et Tête du Jardin : près des crêtes (accès par le plateau) ou si taquet en pied de falaise par le bas du vallon sous l’ellipse Deux autres sites favorables, l’un moins accessible, l’autre plus fréquenté. Photo suivante: détail du site encadré par les deux autres. Les falaises sont situées aux confins de la Réserve Naturelle la plus étendue de France, celle des Hauts Plateaux du Vercors et, en continuité, d’une vaste Réserve Biologique gérée par l’Office National des Forêts. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 100/197 TENIR COMPTE DES DIFFERENCES ENTRE CONDITIONS LOCALES Le « danger majeur pour les jeunes lors de leurs premiers vols » (Heuret) que constitue la forêt pour les jeunes à l’envol vaut aussi pour les autres grands Rapaces rupestres, même nés dans la nature. Toutefois : - dans le cirque d’Archiane, le site de la photo précédente a été depuis 2007, choisi par le Vautour pour y nicher avec succès, quatorze couples en 2009. - la réintroduction des autres vautours dans la zone d’étude, bien en dessous de la limite supérieure des forêts est aussi une source d’information : plus d’une centaine de vautours fauves et déjà près de trente vautours moines ont été lâchés sur les deux sites de réintroduction de la zone d’étude. Or, les individus tombés dans les zones boisées s’en sortis seuls : à pied ! Même ceux de Vautour fauve, espèce qui n’a pourtant pas les aptitudes du Gypaète et du Vautour moine à pénétrer les boisements clairs. Une différence régionale à prendre en compte : du fait de la sécheresse du climat, les forêts de la grande majorité de la zone d’étude sont beaucoup plus claires que celles de Haute-Savoie. La seule mort déplorée du fait de la végétation a été, dans les Baronnies, celle d’un vautour fauve peu de jours après lâcher, tombé1 d’un perchoir nocturne dans des fourrés denses, où il s’est épuisé. Certes, presque tous ces oiseaux étaient, non pas des juvéniles au sortir du nid, mais des adultes et subadultes. Mais très peu d’entre eux avait une expérience préalable du vol en liberté. Presque tous avaient été recueillis après chute prématurée de l’aire parentale. Puis les vautours fauves avaient passé trois ou quatre années en volière, parfois cinq. Il leur a fallu jusqu’à un mois pour maîtriser le vol libre : ils n’étaient guère plus habiles au sortir des volières que des jeunes gypaètes quittant un taquet. Enfin, pour les sept vautours moines des Baronnies et les deux autres du Pays du Verdon, qui, eux, se sont envolés d’un taquet, comme des gypaètes, les choses ne se sont pas mal passées non plus. Les photos qui suivent, présentent un aperçu non exhaustif de la diversité des types de sites potentiels. Photo R. LECONTE Photo 46. – Autre site potentiel pour l’installation du taquet avec hautes falaises calcaires et vastes éboulis, facteurs géomorphologiques très favorables à l’installation du Gypaète. Site médian parmi les trois qui sont indiqués sur la photo 40, vu de l’amont. Mais une heure de marche pour accès. 1 Probablement après avoir été perturbé dans son sommeil. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 101/197 II. LE MEILLEUR BIOTOPE POUR INSTALLER UN TAQUET A – RESSOURCES ALIMENTAIRES 1. Bouquetin : l’espèce la plus favorable L’abondance de bouquetins est décisive pour les gypaètes immatures en phase de prospection, (cf. supra et pour analyse statistique Hirzel et al.). Le début de cette phase suivant rapidement l’envol des jeunes, cette abondance doit donc être un critère de choix du biotope de lâcher. De plus dans les deux principaux biotopes de la zone d’étude où le Bouquetin est présent abondent les falaises calcaires, avec à leur pied de vastes éboulis propices au cassage d’os. Effectifs Longueur du biotope Densité linéaire dans le biotope déjà occupé Absolus Relatifs Déjà occupé Potentiel Bordure oriental 124 37% 21 km 40 km 5,9 /km de falaise Glandasse – Archiane 215 63 % " 7 km 12,5 km 30,7/km de falaise Tableau VII – Distribution spatiale des effectifs du bouquetin Capra ibex entre les deux biotopes de l’est du Vercors à la fin de 2005. Les deux biotopes ne sont pas également favorables : effectifs de Glandasse-Archiane presque double de ceux de la bordure orientale. Or, « during the prospecting phase (1987 -94, mostly immature birds), the most important variable explaining bearded vulture distribution was ibex biomass ». Hirzel et al . b) CONCENTRATION SPATIALE : les corrélations avec les facteurs biologiques et la présence du Gypaète sont maximales à une échelle intermédiaire : « bearded vulture distribution was more sensitive to environmental medium-extent variables (2000 – m radius) » Hirzel et al. Elles sont beaucoup plus faibles dans un rayon de quelques centaines de mètres ou, au contraire, approchant la dizaine de kilomètres, à fortiori, la dépassant. Or, les falaises à bouquetins, sinueuses tout autour du Glandasse et du cirque d’Archiane, sont inscrites dans un périmètre compact, concentrant les ressources. Au contraire, les falaises de la bordure orientale s’étirent du nord au sud, dispersant sur une longueur triple des ressources, 1,73 plus faible. Si on considère l’ensemble des deux biotopes et non pas leur seule longueur actuellement occupée, la dispersion reste 3,2 fois supérieure le long des falaises orientales. a) ABONDANCE : Le biotope Glandasse – Archiane offre au Gypaète pour des ressources alimentaires fournies par les cadavres de Bouquetin à la fois plus abondantes et bien plus concentrées dans le rayon efficace que celui de la bordure orientale du Vercors. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 102/197 III. REINTRODUCTION DU GYPAETE AU TAQUET EN PRESENCE DU VAUTOUR FAUVE : ENSEIGNEMENTS DU SUIVI PAR LE PARC NATIONAL DU MERCANTOUR A. – EN PHASE D'ACQUISITION DE LA MAITRISE DU VOL Lors de la réintroduction du Vautour fauve dans les Alpes l’acquisition de la maîtrise du vol après des années en volière a pris environ un mois lors d’un premier lâcher, mais a été les années suivantes, raccourcie de moitié environ : les individus déjà présents fonctionnent en indicateurs de localisation des zones d’ascendances. Un effet analogue au Mercantour a été observé sur le Casseur d’os : depuis le développement de l’estivage de vautours fauves les gypaètes juvéniles qui y sont lâchés au taquet totalisent en moyenne 74% d’heures de vol en plus qu’auparavant. Nom Temps de vol cumulé Pelat (BG 275) lâché en 1997 686 min. Gelas (BG 279) lâché en 1997 415 min. Roubion (BG 311) lâché en 1999 503 min Péone (BG 312) lâché en 1999 658 min Larche (BG 369) lâché en 2001 891 min Roure (BG 370) lâché en 2001 467 min n=6 Moyenne = 603 Guillaumes (BG 411) lâché en 2003 1675 min Jausiers (BG 413) lâché en 2003 880 min Monaco (BG 452) lâché en 2005 746 min Monte-Carlo (BG 455) lâché en 2005 556 min Rocca (BG 516) lâché en 2007 1223 min Fontvieille (BG 520) lâché en 2007 1209 min n=6 Moyenne = 1048 Différence entre moyennes statistiquement significative t = 2,57 > 2,23 qui est le seuil pour p = 0,05, 10 ddl. TABLEAU VI . – Temps de vol cumulé des juvéniles de Gypaète Gypaetus barbatus : moyenne supérieure de 74 % depuis le développement de l’estivage du Vautour fauve Gyps fulvus au cours du premier mois suivant l’envol du taquet au Mercantour. D’après L. Zimmerman in V. Coirié. Seul Monte-Carlo n’a volé qu’approximativement autant d’heures (8% en moins) que la moyenne d’avant 2002, les cinq autres l’ont fait beaucoup plus : Rocca et Fontvieille plus de deux fois plus, Guillaumes près de trois fois. À notre connaissance, c’est la première fois que le fait est mis en évidence. Il est probable que les parents des gypaètes juvéniles nés dans la nature jouent le même rôle pour ceux-ci. L’aptitude des gypaètes envolés du taquet à utiliser de même les vautours fauves mérite d’être soulignée. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 103/197 B. – APRES ACQUISITION DE LA MAITRISE DU VOL Citations de Coirié 2007 Lors du suivi des vautours fauves l’été 2007, la mise au taquet de « deux gypaètes le 22 mai 2007 (Rocca et Fontvieille), au sein même de la zone fréquentée par les vautours fauves, a permis d’observer quelques relations entre les deux espèces.Les vautours fauves ont fréquenté de façon importante le site de réintroduction sur un couloir de passage entre le massif du Mounier et le plateau de Longon (et) régulièrement utilisé comme reposoir diurne mais aussi comme lieu propice aux ascendances thermiques. » 1. Territorialisme à distance du taquet « De mi-juillet à mi-août, les gypaètes ont commencé l’apprentissage du vol… A plusieurs reprises, nous avons pu observer ces deux jeunes oiseaux à la poursuite de vautours fauves de passage. Ce comportement peut être assimilé à de la territorialité : (en effet) ce phénomène n’a été constaté que sur le site même de réintroduction. (Au contraire) en d’autres lieux, les gypaètes sont (restés) pacifiques vis-à-vis des vautours. » 2. Grégarisme à distance du taquet « nous avons pu, à plusieurs reprises, observer les gypaètes en compagnie des vautours …aussi bien sur le reposoir nocturne de la Barre Sud du Mounier que sur…des curées » 3. Découverte de carcasses « …le Vautour fauve, prompt à trouver les carcasses disponibles et à les consommer, a (ainsi) permis aux jeunes gypaètes l’accès à une ressource trophique très abondante. Des cassages d’os ont été constatés en ces lieux. » 4. Moindre dispersion, conséquences probables « ...la présence des vautours et l’abondance en nourriture qui en découle entraîne vraisemblablement une fixation plus longue des gypaètes sur le massif du Mounier avant leur départ automnal en phase d’erratisme, Plus cette imprégnation au site sera longue, plus les chances de retour pourraient être importantes. » CONCLUSIONS à ce niveau de l’analyse : LA PRESENCE PERENNE DE VAUTOURS FAUVES DANS LA ZONE D’ETUDE : - d’abord FACILITERA L’ACQUISITION .DE LAMAITRISE DU VOL PAR LES GYPAETES QUITTANT LE TAQUET ; . - ensuite FAVORISERA : - LA DECOUVERTE DE NOURRITURE ET DE REPOSOIRS ; - UN SEJOUR PROLONGE DES GYPAETES MAITRISANT LE VOL. CES FACTEURS ECOLOGIQUES ET ETHOLOGIQUES MAXIMALISERONT LA PROBABILITE DE SURVIE DES JUVENILES, PUIS D’ATTACHEMENT AU BIOTOPE. Il est probable que la réintroduction préalable du Vautour fauve ait déjà contribué de même au succès ultérieur de celle du Vautour moine dans les Causses et contribue à celui des opérations en cours dans les Préalpes, bien qu’on ne dispose pas d’observations aussi circonstanciées que pour le Gypaète au Mercantour. Le versant occidental du Glandasse offrent aussi des sites potentiels avec falaises, éboulis, bouquetins, chamois et, sur l’alpage entre lui-même et le cirque d’Archiane, des troupeaux de brebis en estive. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 104/197 Photo P. LARDANCHET, CORA Photo 47. – Versant occidental du Glandasse. Photo P. BEAUDOIN, FRAPNA Photo 48. – Le dessus du Glandasse vu de la pointe sud : Entre vallée de la Drôme à l’ouest (à gauche sur la photo) et cirque d’Archiane à l’est (à droite Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 105/197 . Photo R. MATHIEU, Observatoire de la faune drômoise CORA-FRAPNA Photo 49 – Nord du versant ouest du Glandasse à sa jonction de la bordure méridionale du Vercors à l’ouest de la photo. Fréquenté du fait d’un sentier d’accès aux Hauts Plateaux, mais surveillance continuelle habituelle lors de lâchers au taquet. Photo R. MATHIEU, Observatoire de la faune drômoise CORA-FRAPNA Photo 50. – L’est de la bordure méridionale du Vercors un peu à l’ouest de sa jonction avec le Glandasse. L’accès d’un éventuel taquet se ferait par le plateau. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 106/197 Le sud Hauts-Plateaux du Vercors (Glandasse inclus) bordant les falaises biotopes de la principale population de bouquetins offrent des reliefs rocheux escarpés, modestes mais suffisant pour un taquet, environnés d’alpages, prés-bois, bosquets clairs et épars, essentiellement de Pin-à-crochets Pinus uncinata, sans boisement étendus ni denses. Photos R. MATHIEU, Observatoire de la faune drômoise CORA-FRAPNA…. Photos 51. - Le sud des Hauts des Plateaux du Vercors : photo du haut paysage typique, photo du bas : détail de petits sites escarpés. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 107/197 Photos R. MATHIEU, Observatoire de la faune drômoise CORA-FRAPNA Photos 52. - Le sud des Hauts des Plateaux du Vercors : sites escarpés moins modestes que photos 46. Sur celui du bas des bouquetins commencent à être vus. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 108/197 COMBE MALE Ce site pourrait être considéré comme une variante de celui de Chamaloc (cf. supra début du chapitre) : les avantages logistiques sont presque équivalents, sans le risque d’une ligne électrique, avec des pentes à couvert ligneux notablement plus faible. QUINT Si une distance de 14 ou 15 km à l’ouest du plus important noyau de population de bouquetins était considérée comme négligeable, des sites de la bordure méridionale du Vercors, tel que celui-ci-dessous, seraient excellents. Photo R. MATHIEU, Observatoire de la faune drômoise CORA-FRAPNA Photo 53. – Bordure méridionale du Vercors : falaises du Quint. INCONVENIENTS : - encore sans population de bouquetins ; - ligne à moyenne tension non balisée ; - hors de la Réserve Naturelle des Hauts Plateaux du Vercors. AVANTAGES : - excellente position géographique : à l’ouest de la zone d’étude ; - chamois, mouflon, cerf ; - brebis et autres transhumants ; - - domaniaux étendus et propriété départementale en réserve de chasse Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 109/197 IV. LE PARC NATUREL REGIONAL DU VERCORS : CADRE ET AGENT DE REALISATION La réalisation de l’opération impliquera une concertation du Parc Naturel Régional avec les organismes directement concernés, tant publics (Ministère de l’Environnement, DIREN, etc.) qu’associatifs (FCBV, LPO Misson Rapaces, LPO Drôme, LPO Isère, CORA Faune sauvage, etc.). Seront des partenaires techniques privilégiés : - les associations, Vautours-en-Baronnies et International Bearded-Vulture Monitoring et Agir pour la Sauvegarde des Territoires et des Espèces Remarquables ou Sensibles (ASTERS). Cette dernière ayant réalisé l’opération de réintroduction du Gypaète achevée en Haute-Savoie, participe à la reproduction de l’espèce en captivité et coordonne sa réintroduction dans les Alpes françaises ; - le Parc National des Ecrins, qui centralise les données de Gypaète en Dauphiné. Son territoire, au centre d’un zone d’estivage massif de vautours fauves non nicheurs et quelques vautours moines, provenant surtout de la population de la zone d’étude, le sera nécessairement également par des gypaètes qui y seront lâchés. Le protocole commun de réintroduction et de suivi entre ASTERS et le Parc National du Mercantour fournit un modèle (Geng, Heuret & Rouillon) qui pourrait être adapté au contexte local et aux connaissances actuelles. La compétence de l’association étant reconnue en la matière, ce qui suit analyse les aptitudes à réaliser l’opération de l’autre partenaire : le Parc Naturel Régional du Vercors. A. - UN CONTEXTE GENERAL DE RETOUR LA GRANDE FAUNE En France comme dans l’ensemble de la chaîne des Alpes, il n’y a guère de territoires qui puissent se comparer à celui du Parc Naturel Régional du Vercors par le retour de sa grande faune54, avec ou sans réintroduction : 1. Retours spontanés Sanglier Sus scrofa : dès le premier quart du XX° siècle ; Héron cendré Ardea cinerea, tous cours d’eau, localement avec nidification ; Grand cormoran Phalacrocorax carbo : en hivernage sur les grands cours d’eau encadrant Parc Naturel Régional du Vercors au nord et à l’ouest avec remontée à l’intérieur des Préalpes en petit nombre le long des basses vallées ; Loup Canis lupus : la source des pionniers a été le renouveau de l’espèce en Italie péninsulaire d’où elle a gagné les Alpes françaises par le Mercantour, dont la zone d’étude. Les difficultés de la gestion de sa cohabitation avec l’élevage font trop souvent oublier que ce qui permet au Loup de vivre toute l’année c’est d’abord le renouveau spectaculaire des Ongulés sauvages, base de sa subsistance : en Europe en général, dans le Parc du Vercors et massifs contigus en particulier. 54 On peut toujours discuter la limite inférieure de la faune dite « grande ». On y a inclus ici la totalité des Ongulés, ainsi que les deux Rongeurs de taille très supérieure à celle des autres espèces de l’ordre en Europe : Marmotte et Castor. Du point de vue démographique ce sont toutes des espèces qui, autrefois, n’avaient pu compenser prélèvements ou/et destructions, en dépit de la persistance d’habitats favorables. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 110/197 À l’échelle locale, certaines espèces, naguère réduites à une minorité de stations du territoire du Parc Naturel Régional du Vercors, ont fait un très large retour spontané dans les biotopes adéquats du massif : Chamois R. rupicapra55, Rapaces en général, dont les plus remarquables sont Aigle royal Aquila chrysaetos, Jean-le-Blanc Circaetus gallicus, Autour Accipiter gentilis, Pèlerin Falco peregrinus, Grand-duc Bubo bubo. 2. Réintroductions56 Cerf Cervus elaphus, Chevreuil C. capreolus, d’abord, puis Marmotte Marmotta marmotta, en 1989-90 Bouquetin Capra ibex et, de 1996 à 2008, Vautour fauve Gyps fulvus. C’est dans le Vercors qu’ont vécu, au moins jusqu’à la fin des années 1930, les derniers individus d’Ours Ursus arctos des Alpes françaises. Une étude de faisabilité (Erome & Michelot 1990) couvrant leur ensemble a conclu que le Vercors et le Haut-Diois étaient, de nos jours, leur zone la plus favorable au retour de l’espèce. Le Parc Naturel Régional du Vercors a organisé un colloque avec des spécialistes européens de l’espèce qui ont visité les biotopes et validé l’étude et ses conclusions. Non réalisé le projet n’est nullement officiellement abandonné. D’autres espèces pourraient encore être réintroduites. 3. Processus mixtes Lynx Lynx lynx : retour spontané à partir de la Suisse, où l’espèce avait été antérieurement réintroduite. Retour permis par le renouveau des Ongulés, surtout celui du Chevreuil ; Castor Castor fiber : retour spontané à partir du bas bassin du Rhône, où l’espèce avait survécu. Concerne le sud du PNRV pour le bassin de la Drôme. Réintroduction dans la région grenobloise, d’où il a gagné la Gresse, jusque dans l’est du PNR du Vercors ; Vautour moine Aegypius monachus. L’estivage d’individus de la population réintroduite avec succès dans les Causses, régulier depuis 2002 aux confins du Diois et du Vercors, nulle part ailleurs dans les Alpes avant les premiers lâchers dans les Baronnies et, depuis ces derniers, la présence de l’espèce en toutes saisons, traduisent la qualité des biotopes, la diversité et l’abondance des Ongulés sauvages et domestiques, donc de leurs cadavres. Un couple semble se cantonner à Chamaloc ; Vautour percnoptère Neophron percnopterus. Le retour de ce picoreur de bribes, nettoyeur de carcasses, est le résultat d’une synergie : - démographique = source d’oiseaux : la population jadis relictuelle de la région méditerranéenne française (Gallardo 2006) désormais en renouveau ; - écologique = nourriture : charniers à Vautour fauve et renouveau de la grande faune ; - éthologique = stimulus : l’espèce a évolué en finisseur de restes et suiveur des grands vautours. 55 En dépit de certains sous-peuplements locaux du fait d’attributions de prélèvements excessives. 56 L’introduction d’espèces exotiques peut user de moyens analogues : les lâchers. Mais, processus majeur d’altération de la biodiversité, elle est diamétralement opposée aux politiques visant à la conserver ou à la restaurer. La zone d’étude n’est pas totalement indemne des séquelles de cette « maladie infantile » de la protection de la nature d’antan qu’exprimait l’expression désuète : « Société d’Acclimatation ». On doit y déplorer l’introduction du Mouflon Ovis gmelini. La gestion cynégétique actuelle des populations subsistantes de l’est et du sud-ouest Vercors ainsi que des confins méridionaux de la zone d’étude et du Ventoux ne vise plus à développer ces populations d’exotiques, bien au contraire. Le précédent du Mercantour permet d’espérer que, particulièrement dans les zones à fort enneigement, le retour du Loup contribuera à supprimer ou réduire cette aberration biogéographique. Les tentatives d’introduire le Sika Cervus (Sika) nippon et le Faisan vénéré Syrmaticus reevesi ont, elles, échoué… heureusement ! Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 111/197 La réintroduction du Vautour fauve, comme dans les trois autres massifs qui en ont bénéficié en France, a ici joué dans le Parc Naturel Régional du Vercors ce rôle éco-éthologique. Une quarantaine d’années après la disparition de l’espèce au nord de la rivière Drôme, son retour y a recommencé en 2001, d’abord, centré sur le site de réintroduction de Chamaloc. Le charnier de cette commune du Diois est toujours fréquenté par le couple qui, depuis 2008, niche avec succès dans le sud-ouest du Vercors (cf. supra) comme par des non nicheurs. B. - A LA CONVERGENCE DE GRANDS AXES POLITIQUES DU .PARC NATUREL REGIONAL DU VERCORS 1. Une politique ferme, ancienne, persévérante de conservation et restauration de la biodiversité LE RETOUR DE TREIZE GRANDES ESPECES, LE RENOUVEAU SPECTACULAIRE DE PLUSIEURS AUTRES dont deux grands Carnivores, quatre Ongulés, trois vautours C’EST D’ABORD ET FONDAMENTALEMENT UNE TRES REMARQUABLE RECONSTITUTION DE LA BIODIVERSITE FAUNISTIQUE. Ceci que le Parc Naturel Régional du Vercors ait pris l’initiative de ces retours, qu’il en ait simplement bénéficié ou que, comme dans le cas du Loup, sans l’avoir voulu, il ait assumé la gestion de la cohabitation avec l’espèce. Or, par leur originalité taxonomique, leurs habitats ou/et leur place dans le fonctionnement des écosystèmes, ces grands animaux ont un poids dans la biodiversité qui dépasse de beaucoup le seul nombre de leurs espèces, relativement modeste. LA POLITIQUE DE CONSERVATION ET RESTAURATION DE LA BIODIVERSITE DU PARC NATUREL REGIONAL DU VERCORS, DE LONGUE DATE ET PERSEVERANTE, est pour beaucoup dans ces retours et renouveaux, notamment en ce qui concerne les espèces réintroduites par lui directement (Bouquetin, Vautour fauve et, en coopération, Marmotte) ou indirectement (Percnoptère, Vautour moine). Dès son entrée en fonction, et à diverse reprises ensuite, le Président Pillet, au sommet de la direction politique du Parc Naturel Régional du Vercors, avait affirmé, réaffirmé ensuite, que la conservation et la restauration de la biodiversité en général, les réintroductions en particulier, étaient au nombre des missions majeures de cet organisme. La présidente Pic, qui lui succédé depuis la première rédaction de ce travail, n’a nullement remis en cause cette orientation. Celle-ci irait de soi dans un Parc National. Dans un Parc Naturel Régional, syndicat mixte de communes et collectivités territoriales, cette prise de position publique ferme montre une volonté politique du Bureau qui mérite d’être soulignée. 2. Retombées pour d’autres politiques a. - POLITIQUE AGRICOLE La réintroduction des vautours en général est une contribution à la gestion des charognes en zone d’élevage extensif élégante, efficace et économique (cf. Chassagne et in ANNEXES II Choisy 2004 b). Le retour du Gypaète, consommateur des squelettes, complètera la guilde des grands charognards. b. - POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DU TOURISME RURAL Le développement du tourisme rural est l’un des grands axes de l’action du Parc Naturel Régional du Vercors. LES PROFESSIONNELS DU TOURISME SONT DE PLUS EN PLUS CONSCIENTS DE L’ATOUT MAJEUR QUE CONSTITUE UN RETOUR AUSSI SPECTACULAIRE DE LA GRANDE FAUNE, à trois niveaux, d’intensité et d’extension inverses : - SUPPORT MEME DU TOURISME NATURALISTE « FAUNE », dont la clientèle, minoritaire mais en expansion, est fortement motivée par l’extrême diversité. La région Rhône-Alpes est actuellement la seule d’Europe où, depuis 2009, pondent des couples des quatre Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 112/197 vautours du continent, bien que le Vautour moine n’ait pas encore élevé de jeunes, les trois autres que le Gypaète le faisant dans la zone d’étude. Le retour du Gypaète donnera aux Préalpes du Dauphiné méridional un caractère ornithologique exceptionnel par la cohabitation des quatre Vautours d’Europe. - SUPPLEMENT TRES APPRECIE DU TOURISME DE PLEIN AIR : une probabilité élevée de rencontrer la grande faune est extrêmement appréciée par un nombre considérable de randonneurs. Les plus « rentables » sont actuellement, sans conteste, Bouquetin et Vautour fauve : grandes espèces observables sans contraintes d’horaire, à distance modérée, voire courte, et souvent en nombre. Ces deux espèces sont désormais associées aux Hauts Plateaux du Vercors dans l’esprit des randonneurs, la seconde également plus largement : du Diois au sud du Vercors. - MARQUAGE FORT DU TERRITOIRE DANS LA REPRESENTATION QUE S’EN FAIT LE GRAND PUBLIC SUSCEPTIBLE D’Y VENIR SEJOURNER : « si la grande faune prospère, c’est donc une région à la nature préservée, donc agréable pour y passer ses vacances ». Écologiquement un peu simpliste mais il faut bien constater que, au niveau des représentations, ça fonctionne ! c . – CULTURE : UN FAIT SOCIAL CONCERNANT LE NIVEAU POLITIQUE Le retour de la grande faune en général, du Gypaète en particulier, ajoute à l’émotion57 du plus grand nombre face aux grands animaux une dimension culturelle certaine ; objet de recherches scientifiques sur divers aspects de la biologie des espèces, support à la créativité artistique du photographe, du peintre, du sculpteur, de diffusion dans le public des connaissances acquises et des œuvres créées. d. – PERCEPTION DU TERRITOIRE PAR SES HABITANTS COMPTE AU NIVEAU POLITIQUE : UN AUTRE FAIT SOCIAL PRIS EN Bien entendu, le monde associatif concerné (naturalistes, protecteurs de la nature), souvent partenaire, notamment pour des études et des suivis, perçoit très positivement ce qui précède. Peut-être moins attendue : l’exploitation de quatre cents questionnaires d’enquête58 retournés a montré à la rubrique « Ce qui plaît le plus aux habitants sur le territoire du Parc » que le premier rang revenait à « l’environnement naturel ». Si on considère que « les services de proximité » et « la proximité d’un pôle urbain », légitimes préoccupations matérielles, n’arrivent qu’aux quinzième et seizième places, soit en fin de classement, « la faune » au septième rang, après « les relations humaines » et avant « la flore », occupe un rang très honorable. En dépit de problèmes très réels de cohabitation avec quelques espèces (essentiellement Loup et Sanglier), le retour de la grande faune est globalement perçu par la grande majorité des habitants comme valorisant le territoire, sans qu’on puisse en réduire les motivations aux retombées touristiques escomptées ou à la possibilité de chasser certains Ongulés. Cette composante socio-culturelle, trop souvent négligée, mériterait d’être davantage prise en considération, car tout ce qui contribue à donner aux ruraux une perception positive du territoire qu’ils habitent est un facteur sociologiquement dynamisant. 57 Emotion complexe : esthétique, certes, mais non pas exclusivement. Enquête de mai-juin 2006 dans le cadre du renouvellement décennal de la charte du Parc Naturel Régional du Vercors, bureau d’étude EDATER. 58 Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 113/197 La réussite des réintroductions antérieures, leur perception positive par l’opinion publique dominante, y compris au fil des ans de la part d’une fraction initialement réticente, constitue un précédent créant a priori positif en faveur de nouvelles opérations : facteur favorable à leur réussite. 3. Réintroductions : des compétences et des moyens Les projets de réintroduction de toutes espèces qui peuvent être portés ou soutenus par une structure officielle telle que Parc National, Réserve Naturelle ou Parc Naturel Régional disposent généralement de moyens de réalisation généralement bien supérieurs à ceux d’autres projets, par ailleurs tout aussi justifiés pour la restauration de la biodiversité. Le biotope de la zone d’étude le plus favorable au lâcher de Gypaète se trouve dans le PARC NATUREL REGIONAL DU VERCORS, aux confins de la RESERVE NATURELLE DES HAUTS PLATEAUX DU VERCORS, la plus vaste de France, gérée par le Parc, et d’une RESERVE BIOLOGIQUE FORESTIERE gérée par l’Office National des Forêts. Photo T. PUJOL Photo 54. – La Réserve Naturelle des Hauts Plateaux du Vercors, vue aérienne partielle . vers le N-NE, d’un planeur à 1500 m. au dessus de la Grande Cabane. Pour une vue analogue de la partie sud cf. supra photo 33. Ces statuts représentent de réels avantages, tant du point de vue du personnel disponible et de la réglementation en vigueur que de l’obtention de financements. Le statut de Réserve Naturelle de la partie du Parc Naturel Régional du Vercors de la zone plus favorable à la réalisation des lâchers donne des moyens réglementaires et de garderie pour prévenir ou supprimer d’éventuels perturbations très au-dessus de la moyenne, ainsi que pour la surveillance pendant le séjour des juvéniles au taquet et le suivi ultérieur, notamment pendant la phase d’acquisition de l’indépendance. Ces personnels sont déjà engagés dans le suivi de la reproduction du Vautour fauve. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 114/197 Le biologiste de terrain du Parc Naturel Régional du Vercors concerné par les réintroductions de Bouquetin et de Vautours fauve, par leur suivi et par celui du Percnoptère et du Vautour moine, a acquis une compétence reconnue, tant sur le plan technique que scientifique : par sa contribution au progrès des connaissances de l’éco-éthologie de ces espèces. Preuve en est la fréquence des consultations ou demandes de coopération qu’il reçoit en tant qu’expert pour : - critique constructive d’études de faisabilité de réintroduction du Bouquetin dans d’autres Parcs Naturels Régionaux français (et même un projet relatif au Chamois dans le Massif Central) ; - critique constructive d’études de projets de réintroduction de Vautour fauve en Roumanie, en Bulgarie, en Italie ; - co-rédaction d’un guide méthodologique pour la réintroduction du Vautour fauve, à destination de chargés d’études de faisabilité à l’étranger ; - échange et diffusion d’informations sur les mouvements de vautours en Europe à distance des population en Europe à la belle saison (isolés jusqu’en Scandinavie, groupes jusqu’en Allemagne et aux Pays-Bas). Il participe régulièrement aux réunions de travail, séminaires, colloques français et internationaux consacrés aux quatre espèce de Vautours d’Europe et prépare plusieurs articles sur la biologie de ces espèces et/ou leur réintroduction. Tant le biologiste que les gardes évoqués ci-dessus, outre qu’ils ont une grande pratique des trois autres espèces de Vautours d’Europe ont suivi le stage d’une semaine sur le Gypaète organisé dans les Pyrénées par l’Atelier Technique des Espaces Naturels avec la coopération du FIR – LPO. Dans le cadre du suivi local et à grande distance des trois autres espèces de vautours, un réseau très étoffé d’observateurs est animé, déjà collectant et rediffusion des informations sur les vautours de toutes espèces. Il est tout autant prêt à fonctionner pour le Gypaète et a d’ailleurs déjà fourni certaines des données de cette espèce dans la zone d’étude. La diffusion des actualités et documents se fait depuis la fin de 2007 via un site : http://www.parc-du-vercors.fr/blog-nature On y trouvera également documents et articles de diverses provenances. Ce réseau coopère déjà avec celui de l’IBM consacré au suivi du Gypaète dans l’ensemble de la chaîne alpine. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 115/197 CONCLUSIONS à ce niveau de l’analyse LE TERRITOIRE DU PARC NATUREL REGIONAL DU VERCORS EST EMINEMMENT FAVORABLE A LA REALISATION D’UNE OPERATION REINTRODUCTION DU GYPAETE DANS LA ZONE D’ETUDE, PAR LES COMPOSANTES LES PLUS DIVERSES DE SON CONTEXTE LOCAL : ..- RESTAURATION SPECTACULAIRE DE LA GRANDE FAUNE en cours depuis des décennies ; ..- POLITIQUE DE CONSERVATION ET RESTAURATION DE LA BIODIVERSITE. Pour la grande faune, réintroductions de certaines espèces, gestion de difficiles problèmes de cohabitation avec d’autres, revenues seules ; ..- OPINION PUBLIQUE : perception largement positive tant du retour de la grande faune que de la politique ci-dessus ; ..- IMPORTANTES STRUCTURES OFFICIELLES DE GESTION - ET DE PROTECTION DE L’ESPACE NATUREL engagées dans ces politiques, dont le Parc NATUREL REGIONAL DU VERCORS qui dispose en matière de REINTRODUCTION de : a) COMPETENCES TECHNIQUES ET SCIENTIFIQUES ; b) MOYENS DE REALISATION ; c) BILAN : REUSSITES ANTERIEURES. + + + + Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 116/197 Ph o t o J . T R A V E R S I E R , O b s e r v a t o i r e d e l a f a u n e d r ô m o i s e C O R A F R A P N A Photo 55. – Toutes les conditions sont réunies pour retour du Gypaète dans la zone d’étude : falaises, éboulis, bouquetins, contexte humain, moyens de réalisation et de suivi, Parc Naturel Régional du Vercors et Réserve Naturelle des Hauts Plateaux. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 117/197 CONCLUSION La restauration du Casseur d’os, dynamique dans les Alpes et les Pyrénées, est globalement à peine amorcée à l’échelle de l’Europe. Même dans les Pyrénées, elle est loin d’être achevée : cent quarante couples sur dix-neuf mille kilomètres carrés des Pyrénées ne font qu’un seul couple pour cent trente six kilomètres carrés. Dans les Alpes les effectifs actuels n’atteignent qu’un huitième de ceux des Pyrénées sur une aire dix fois plus étendue : le sous-peuplement relatif est donc énorme. Avec dix-sept couples, dont onze nicheurs, la pérennité du Gyapète dans les Alpes reste très fragile. Le lent accroissement de la reproduction en liberté dans les Alpes, l’achèvement opérationnel, atteint en Haute-Savoie, approché au Stelvio-Engadin, sont très encourageants. Mais un relâchement prématuré des efforts risquerait fort de les gaspiller. Ils doivent, au contraire, être exploités stratégiquement par la poursuite, et même l’intensification des lâchers. La très récente augmentation de la production de gypaètes en liberté en donne les moyens. Mais les effectifs disponibles de ces précieux oiseaux restent modestes par rapport aux besoins et leur coût individuel élevé. Deux raisons pour améliorer la stratégie de réintroduction sur la base des connaissances actuellement disponibles : le présent travail a pu s’appuyer, aux échelles spatiales les plus diverses, sur une somme de connaissances, sur des publications récentes et solides, dont on trouvera certaines en ANNEXES. Certes, la réintroduction du Gypaète reste une démarche expérimentale, n’excluant pas totalement l’imprévu et dont le suivi continue à enrichir la connaissance de l’espèce. Mais on est désormais très loin de l’époque « héroïque » des pionniers59. Deux nouvelles opérations sont à la fois possibles et, par leur position géographique, stratégiquement prioritaires à l’échelle des Alpes comme de l’Europe. L’une d’elles est l’objet du présent travail. Elle seule bénéficie actuellement d’un état d’avancement du projet et d’une structure, le territoire du Parc Naturel Régional du Vercors, permettant un très prochain passage à l’acte. De ce fait, elle disposera donc chaque année d’un contingent étoffé d’oiseaux : un facteur essentiel du rendement démographique des lâchers. 59 Le succès actuel de la réintroduction du Vautour fauve dans le sud de la France, du Gypaète dans les Alpes ne doit pas faire oublier les premières tentatives. Outre la hardiesse des pionniers, leur détermination leur valeur d’exemple, il faut souligner que, malgré leurs échecs, ces premières expériences ont été riches d’enseignements. « Imaginée dès le début de ce siècle (le XXe), notamment par A. RICHARD, premier président de « Nos Oiseaux », la réintroduction du Gypaète dans les Alpes ne s’est concrétisée qu’à parttr des années septante. Un premier projet franco-suisse vit le jour sous l’égide, entre autres, de P. GEROUDET » (Arlettaz) et de G. AMIGUES. Invités d’honneur du colloque au Grand Bornand marquant les 20 ans de la réintroduction l’automne 2006, ces deux pionniers ont présenté un récit vivant et remarqué de cette première tentative mondiale, quelques semaines avant que le premier soit enlevé à l’admiration, à la reconnaissance et à l’affection des naturalistes, francophones et autres. Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 118/197 Éventuellement complétée dans les Causses, une opération à l’extrême ouest des Alpes sera une étape essentielle pour la constitution en une même métapopulation des gypaètes de cette chaîne et de ceux des Pyrénées. Ceci, tant du point de vue de la dynamique de population que de la diversité génétique et de la probabilité de pérennité, constituera une amélioration considérable pour chacune de ses composantes comme pour ce vaste ensemble, central dans la poursuite de la restauration de l’espèce en Europe. Photo R. MATHIEU, Observatoire de la faune drômoise CORA-FRAPNA Photo 56. – Couple de Gypaète Gypaetus barbatus dans les Pyrénées espagnoles. PARTICIPER A LA REINTRODUCTION DU GYPAETE EST DANS LE DROIT FIL DE LA POLITIQUE PERSEVERANTE DE RESTAURATION DE LA BIODIVERSITE DU PARC NATUREL REGIONAL DU VERCORS SUR SON TERRITOIRE, AVEC D’AUTRES RETOMBEES LOCALES TRES POSITIVES. AUX ECHELLES ALPINE ET CONTINENTALE CETTE OPERATION LUI UN ROLE DE PREMIER PLAN A JOUER, A LA HAUTEUR DE CETTE RESPONSABILITE. OFFRE IL N’ Y FAUT QU’INTELLIGENCE STRATEGIQUE ET VOLONTE POLITIQUE, DONT ON NE SAURAIT DOUTER. + + + + Projet de réintroduction du Gypaète Barbu dans les Préalpes occidentales: pertinence stratégique, faisabilité, biotope et site de lâcher au PNRV. Jean-Pierre Choisy 2010 119/197 OUVRAGES ET TRAVAUX CITES OU UTILISES En caractère gras : les plus utilisés, certains joints en ANNEXES Arlettaz R. (1996) Observations en Valais (Alpes suisses) de Gypaètes barbus (Gypaetus barbatus) issus de réintroduction : un premier bilan (1986-1995). Nos Oiseaux 43 : 369-388. Arroyo B. & Razin M. (2006) Effect of human activities on bearded vulture behaviour and breeding success in the French Pyrenees. Biological Conservation 128, 276-284. Bijleveld M. (1974) Birds of prey of Europe. The MacMillan Press Ltd. 263 pp. Clémente C., Eliotout B. Benoît Lequette, Jean-Pierre Martinot, Stéphane Mélé, Martine Razin, Antoine Rouillon, Jean-François Séguin, Philippe Serre, Yvan Tariel, JeanClaude Thibault, José Torre, Marie Zimmermann (2006) Plan national de restauration du Gypaète Barbu. Document de travail, provisoire. Ligue pour la Protection des Oiseaux, Ministère de l’Environnement et du Développement Durable. Chassagne épouse Quelennec M. (1998). Les vautours, équarisseurs naturels des Grands Causses. Thèse de doctorat vétérinaire. Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon. Choisy J.-P. (1990) Le Bouquetin des Alpes (Capra ibex L.) et les facteurs écologiques. Comparaison avec les autres espèces. 1ère partie : le point des connaissances actuelles. 2ième partie : Faits et interprétation, Bulletin mensuel de l’O.N.C., n° 114, pp 27-37, n° 115, pp 13-23. Choisy J.-P. (1992) Le Retour du Bouquetin dans la Drôme. Etude de faisabilité de sa réintroduction dans l’ensemble des sites favorables du département. Bilan de la 1ère phase. 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Jean-Pierre Choisy 2010 ANNEXES I ARTICLES ET DOCUMENTS HORS PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERCORS Schaub M., Zink R., Beissmann, Sarrazin F. & Arlettaz R. (2009) When to end releases in reintroduction programmes : demographic rates and population viability analysis of bearded vultures in the Alps. Journal of Applied Ecology, 46 92-100. Hirzel A., Posse B., Oggier P.-A., Crettenand Y., Glenz C. & Arlettaz R. (2004) Ecological requirements of reintroduced species and the implications for release policy: the case of the bearded vulture.Journal of Applied Ecology 41, 1103–1116 Blackwell Publishing, Ltd. Arroyo B. & Razin M. (2006) Effect of human activities on bearded vulture behaviour and breeding success in the French Pyrenees. Biological Conservation 128, 276-284. Heuret J. (1999) Choix du nouveau site de réintroduction des gypaètes barbus en HauteSavoie. Programme LIFE Nature, Conservation du Gypaète barbu dans les Alpes françaises. 4 pp. Geng M., Heuret J. & Rouillon A. 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Journal of Applied Ecology 2009, 46, 92– 100 doi: 10.1111/j.1365-2664.2008.01585.x When to end releases in reintroduction programmes: demographic rates and population viability analysis of bearded vultures in the Alps Blackwell Publishing Ltd Michael Schaub1,2*, Richard Zink3,4, Helmut Beissmann5, François Sarrazin6 and Raphaël Arlettaz1,2,7 1 Institute of Ecology and Evolution, Division of Conservation Biology, University of Bern, Baltzerstrasse 6, CH-3012 Bern, Switzerland; 2Swiss Ornithological Institute, CH-6204 Sempach, Switzerland; 3Research Institute of Wildlife Biology, University of Veterinary Medicine, Savoyenstrasse 1, A-1160 Vienna, Austria; 4International Bearded Vulture Monitoring, Hohe Tauern National Park, A-9844 Heiligenblut, Austria; 5Konrad Lorenz Institute for Comparative Ethology, Austrian Academy of Science, Savoyenstrasse 1, A-1160 Vienna, Austria; 6UMR 5173 MNHN-CNRS-UPMC Conservation des espèces, restauration et suivi des populations, Muséum National d’Histoire Naturelle, 61 rue Buffon, 75005 Paris, France; and 7The Ecology Centre, University of Queensland, St Lucia, Qld 4072, Australia Summary 1. Reintroductions are commonly used for re-establishing self-sustainable populations in formerly inhabited areas. Reintroductions are expensive, and thus, it is worth performing a thorough demographic analysis of current and likely future population trajectories to guide strategic decisions on release policy. 2. Bearded vultures Gypaetus barbatus were exterminated from the Alps in the late 19th century, mainly due to human persecution. To re-establish them, captive-bred young have been released annually since 1986. Since the first successful breeding in the wild in 1997, the population has increased to 9 pairs in 2006. It is not known, however, for how long releases should be continued to obtain a self-sustaining, viable population. 3. We estimated age-specific survival probabilities with a mark–resighting model and quantified fecundity rates of released individuals. Using the resulting demographic estimates, we built a stochastic population model to estimate population growth rates, and explored the value of continuing to release birds for varying periods into the future. 4. Annual survival probabilities were high (first year of life, 0·88; later years, 0·96); average annual fecundity was 0·6 fledglings per breeding pair. Using the estimated survival probabilities, projected population growth rates would increase with additional years of releases. Yet, the population would grow, even if releases had stopped after 2006. Only if mortality increased by ≥ 50% would the population start to decline. 5. Synthesis and applications. Our population dynamics model provides essential information to optimize decision-making within a major reintroduction programme. From a demographic viewpoint, releases of captive-raised bearded vultures can be ceased in the Alps. The resources freed could be redirected towards a close demographic surveillance of the free-ranging population, with periodic evaluation of its viability and the option to release birds if deemed necessary. Birds available from the captive stock could be used for reintroductions in other areas where the bearded vulture is extinct. Key-words: Alps, conservation, fecundity, Gypaetus barbatus, population growth rate, parameter uncertainty, survival probability *Correspondence author. E-mail: [email protected] © 2008 The Authors. Journal compilation © 2008 British Ecological Society Population viability of bearded vultures 93 Introduction Animal population reintroductions and translocations are likely to become a key tool in conservation biology in the 21st century (Sarrazin & Barbault 1996; Seddon, Armstrong & Maloney 2007). Reintroductions usually involve the intentional release of individuals from captive-reared stock into a species’ historical range, or translocation of individuals from thriving populations into relict populations. Reintroductions make sense only when the principal cause of extinction has been eliminated (Griffith et al. 1989). Although reintroductions and translocations are currently widely used to reinstall or restock populations, strategic decisions about release policy within such programmes are still too often based on empirical rules of thumb rather than on appropriate, quantitative scientific assessment. This is often associated with a lack of clearly defined quantitative goals and/or insufficient monitoring of the success or failure of the chosen management (Sarrazin & Barbault 1996; Seddon 1999; Armstrong & Seddon 2008). Several techniques developed by population biologists exist, which can assist in taking appropriate strategic decisions (Norris 2004). Often, released and translocated animals are individually marked, and therefore, vital rates can be estimated using capture–recapture models. Knowledge of these rates allows us to conduct population viability analyses which can provide decisive insights into management (Beissinger & Westphal 1998). Quantitative demographic analyses of reintroduced species are scarce (Sarrazin & Barbault 1996) and biased towards successful projects (Seddon, Armstrong & Maloney 2007). In order to orient future strategic decisions, we applied the demographic approach to the bearded vultures Gypaetus barbatus (Linnaeus) which have been reintroduced into the European Alps. This reintroduction programme is one of the largest and most publicized European reintroduction projects ever conducted. The bearded vulture is a large (4·5–7·1 kg) scavenging raptor that mainly feeds on bones of medium-sized wild and domestic ungulates, and inhabits mountain ranges in Eurasia and Africa. It went extinct in the Alps between the late 19th and the early 20th century (Mingozzi & Estève 1997) mainly due to shooting and poisoning. In 1986, an international reintroduction programme, based on the release of birds born and reared in captivity was launched (Frey 1992). By 2005, 137 individuals had been released. The first successful reproduction of released birds in the wild took place in 1997, and by 2006, 9 breeding pairs were established across the range, with habitat preferences for limestone areas with abundant populations of ibex Capra capra L. and chamois Rupicapra rupicapra L. (Hirzel et al. 2004). It has been proposed that releases in the Alps should be ceased as soon as the mean yearly number of wild-born fledglings equalled the average number of yearly released young (n = 6·5; Zink 2005a). A linear model of the number of wild-born fledglings against year predicted that this number would be greater than 6·5 by 2007. This strategy may be erroneous, as it focuses on productivity alone, a parameter whose relevance for population dynamics in a long-lived species is likely to be low (Lebreton & Clobert 1991), and as it does not consider other relevant demographic parameters. Moreover, as the annual number of released individuals is used as the target, the management decision is not objective: the ultimate goal is the establishment of a naturally, self-sustaining population in the wild. This study aims to estimate for how long further releases of young will be necessary for ensuring the long-term viability of the Alpine bearded vulture population. However, we focused on the establishment of a self-growing population (Armstrong & Seddon 2008) as a first step towards viability, without considering density dependence since we had no reliable estimate of the carrying capacity. We used a demographic model that incorporates all key demographic parameters estimated directly from data on the released individuals. We explicitly considered uncertainty in the parameter estimates for the population modelling to ensure careful management recommendations (Ellner & Fieberg 2003). Such a demographic assessment is also central for an optimal allocation of financial resources as every young has accumulated costs of up to A70 000 by the moment of its release (Frey 1998). Finally, we estimated the sensitivity of the population growth to changes in survival probabilities to explore the possible impact of an increased use of illegal poisoned baits. These may be used against the naturally expanding wolf Canis lupus L. population in the Alps (Valière et al. 2003), and might represent a serious threat to bearded vultures. Methods RELEASE OF YOUNG Young bearded vultures reared in different zoos were released at an age of about 3 months (~3 weeks before fledging) in artificial eyeries at four sites well scattered across the entire Alpine range (Frey 1992). Starting in 1986, up to three birds were released per site annually, amounting to 137 birds released by 2005. The released birds were fed artificially until they were independent. All birds were marked individually prior to release with colour rings and with an individual pattern of bleached wing or tail feathers. The latter marks enable individual recognition until the termination of the first moult (until 2–3 years of age; Arlettaz 1996). DATA COLLECTION Throughout the Alps, professional ornithologists and hundreds of volunteer birdwatchers have monitored movements of the released birds since the beginning of the release programme. The birds were monitored before the start of wing and tail feather moult at 1–2 years of age, using the patterns of bleached feathers, and later by recording the individual colour ring codes. Moulting patterns, if discernable on pictures of birds in flight, were used when a good time series of photographic documentation was available for a given bird (Arlettaz 1996). In addition, recoveries of dead birds were recorded. Observations were transferred into a central data bank (International Bearded Vulture Monitoring, Vienna; Zink 2005b), where a reliability check was performed; specifically, double entries for a same bird in distant areas on the same day were eliminated, as they were indications of misidentifications. Such errors were scarce (< 5% of the observations). We restricted our analysis to observations relating to birds of certain identity. © 2008 The Authors. Journal compilation © 2008 British Ecological Society, Journal of Applied Ecology, 46, 92– 100 94 M. Schaub et al. The general survey demonstrated the dispersal potential of the species: many individuals moved several hundred kilometres from the release sites, and some individuals eventually settled far from these sites (Arlettaz 1996; Hirzel et al. 2004; Zink 2004). As a consequence, we consider the whole Alpine population as a single functional demographic unit in our analysis. Monitoring of pair formation and reproductive success was conducted by trained biologists. The good spatial and temporal survey coverage as well as a high number of sightings of identified birds by independent observers within a given area suggests that the chance of failing to locate a territorial pair is low, and the chance of failing to detect a breeding pair is close to zero. ESTIMATION OF SURVIVAL PROBABILITIES From 1986 to 2005, 137 individuals were released, five died before they fledged and 132 individuals were included in our analyses. Naturally born individuals (33 up until 2006) were not considered, because they were not marked individually. To estimate survival probabilities, we considered mark–resight data of the 132 individuals from 1986–2005, and dead recoveries up until May 2006 from the whole Alps. Only resightings (n = 250) from the months June–October in each year were included in order to meet the assumption of capture–recapture models that resightings shall be obtained within a short period of time. Additionally, 17 dead recoveries from throughout the year were considered. We used a probabilistic multistate capture–recapture model (Nichols et al. 1992) to estimate annual survival probabilities jointly from the mark–resighting data and the dead recoveries. The model was constructed in such a way that an immediate resighting effect could be modelled (i.e. individuals that were seen in the preceding year had a higher probability to be seen in the current year than individuals that were not seen in the preceding year), which was detected by a goodness-of-fit test. We used U-CARE (Choquet et al. 2001) and E-SURGE (Choquet, Rouan & Pradel 2009) to analyse these data (see Supporting Information, Appendix S1). (denoted a4), the second assumes equal survival probabilities in the establishment and the territorial phases (a3), and the third assumes equal survival probabilities in the prospecting, establishment and territorial phases (a2). We also considered models in which survival probabilities varied across years. Only additive models (i.e. annual variations were the same in all age classes) were included due to their low number of parameters. Interactive models would have had very limited power to detect differential temporal variation for each age class given the small sample size. Resighting probabilities were likely to depend on the age of the individuals because bleached feathers are lost during the first moult and because of the different behavioural patterns during the four phases described above. For example, during dispersal, birds may move to sites where fewer observers are active, which would decrease detection probability. We considered the same three age-class models as above for the resighting probabilities, as well as an additional model where the resighting probabilities did not depend on age. We always considered an immediate resighting effect, and also included models where the resighting probabilities had an additive time effect. If temporal variation in resighting had been present, it would have been induced by varying resighting effort, which would affect all individuals in a similar way. We considered two age classes for the dead recovery probability. The probability of recovering dead birds might be higher in the first year than in later years because released birds usually remain close to the release sites, where the observation effort is much higher. We also included models without an age effect and models with additive time effects. We conducted model selection in two steps because of the potentially large number of models. For the first modelling step, we considered 33 models (combination of 8 models for resighting with 4 models for dead recovery, plus a model close to that used to assess the goodness-of-fit). We identified the smallest set of models whose Akaike weights (wi) sum to 0·95 (95% confidence set). In the second modelling step, we combined the structures of resighting and dead recovery included in the 95% confidence set with the six a priori defined models for survival. Finally, we calculated the model averaged mean for the parameters of interest based on the wi. MODEL SELECTION Our aim was to obtain reliable survival estimates of released bearded vultures in order to perform a population viability analysis. We formulated different models and performed model selection based on the Akaike’s Information Criterion adjusted for small sample size and overdispersion (QAICc, Burnham & Anderson 2002). The life history of bearded vultures can be decomposed into four phases: juvenile, prospecting, establishment and territorial phases, respectively. The first year of life corresponds to the juvenile phase, when young become progressively independent from the adults. The next 2 years (2–3 years of age) can be considered as a dispersal phase, when immatures prospect and evaluate the landscape on a broad scale. Subadults at 4–5 years of age enter an establishment phase when they get more and more sedentary. Finally, in their sixth year of life, bearded vultures become fully territorial, adopting a definitive adult plumage; this is also when first breeding attempts may take place. Survival probabilities might differ between these phases. For instance, we expected lower survival in the juvenile and prospecting phases, compared to the establishment and territorial phases, because there are risks when birds enter an unfamiliar environment without the assistance of parents. Based on these life phases, we considered three different models for the age-specific changes in survival. The first model considers different survival probabilities for each phase ESTIMATION OF FECUNDITY Fecundity (Ft) was estimated as the production of fledglings in year t divided by the number of territories occupied by adult pairs in year t. A territory was considered as occupied from the year of first successful breeding onwards as long as an adult pair was present. POPULATION MODELLING Based on our life-history trait estimates, we constructed a post-breeding census, stage-classified projection model (Caswell 2001) with 12 stages. Six stages refer to the six age classes before maturity (J and 1–5; Fig. 1), four stages refer to mature individuals that have not yet reproduced (6–9), one stage refers to breeders (B) and one stage refers to mature non-breeders (NB). Survival probabilities were agedependent as identified in the survival analysis. We assumed that reproduction starts at 6 years of age (Bustamante 1996; Brown 1997; Antor et al. 2007). Each year, half of the still inexperienced breeders (classes 6–9, Fig. 1) start to reproduce (α = 0·5), and at 10 years of age all are assumed to have reproduced at least once. Always present in bearded vulture populations (Carrete et al. 2006), non-breeders were incorporated by assuming that a fraction of the potential © 2008 The Authors. Journal compilation © 2008 British Ecological Society, Journal of Applied Ecology, 46, 92–100 Population viability of bearded vultures 95 Fig. 1. Sketch of the life cycle of a bearded vulture population with post-breeding census as used for the present modelling. The nodes refer to the different stages with J, juveniles; 1–9, 1 to 9-year-old, inexperienced breeders; B, breeders; NB, non-breeders. The recruitment transitions are shown with broken lines, the survival transitions with solid lines. S1, first year survival; S2, annual survival from age 1 to 3; S3, annual survival from age 3 to 5; S4, annual adult survival; F, reproductive success; sr, sex ratio; α, probability that an as yet inexperienced mature individual starts to reproduce; δ, breeding probability. Note that only the female segment of the population is shown; the complete model includes males as well. breeders skips reproduction each year. Furthermore, we assumed that fecundity of the reproducing individuals does not change with age. We explicitly modelled both sexes, since random deviations from an even sex ratio can affect population growth negatively in a small population (Legendre et al. 1999). The number of breeding pairs in a given year was assumed to be equal to the smallest number of reproducing individuals of either sex. In order to incorporate demographic stochasticity, we modelled survival, fecundity, probability of starting reproduction, and breeding probability as binomial processes for each sex independently. The binomial process for fecundity was chosen because bearded vultures have at most one fledgling per year (Margalida et al. 2003). Mathematical details for the population model are provided in Supporting Information, Appendix S2. Based on the estimated survival probabilities and on the number of released and wild born individuals, we calculated the number of individuals theoretically alive in each age class by 2006. The estimated number of experienced breeders amounted to 50 individuals (25 breeding pairs). However, we used the actually observed number of breeding pairs in year 2006 (9) and assumed that the remaining individuals will never reproduce. This leads to a very conservative scenario. Based on this initial stage-specific population size vector (7, 7, 6, 4, 5, 3, 2, 1, 0, 0, 9, 0) for each sex, we used simulation to model the population development. We modelled population growth over the next 25 years, since this is a time horizon relevant to management recommendations regarding future release policy. We estimated the population growth rate with a linear regression model of the logarithm of the annual number of breeding pairs against time (Caswell 2001). Ten thousand populations with these features were simulated to generate mean and 95% confidence intervals of the population growth rate. Simulations were performed in ( Development Core Team 2004), and code is available in Supporting Information, Appendix S3. To account for the uncertainty regarding the estimated survival probabilities in the population modelling, we generated for each iteration specific values from a beta distribution using the model averaged estimates of the mean and the variance of all age-specific survival probabilities. Uncertainty of fecundity was accounted for by creating for each iteration a binomial random variable using the total number of fledglings and the total number of breeding events as parameters. These generated parameter values were held constant across time for the given iteration. Our main interest was to decide whether further releases of young are essential to ensure an optimal population development, and if so, for how long releases should continue. We therefore considered scenarios reflecting various durations of releases in the future. First, we assumed that no further release took place after the releases in 2006. In the next cases, we assumed that 3 females and 3 males would be released each year for the next 5, 10 or 25 years. The uncertainty about some demographic parameters (fecundity, breeding probability) was accounted for in different scenarios. Our sample size was too small to test whether fecundity was constant or stochastic; consequently, we considered two options. In the constant case, we used the observed mean reproductive success (F ) in the simulations. To model environmental stochasticity, we randomly chose a yearspecific, observed fecundity ( Ft). Because the fluctuations were very wide when the population size was low, we only considered annual fecundities from 1999 onwards. Further uncertainty surrounds the breeding probabilities (δ). We considered four scenarios (δ = 1, 0·8, 0·6 or 0·4) to include a range from optimistic to pessimistic. The value of δ = 1 is very optimistic and unlikely to be true, since floating non-breeders occur in many bearded vulture populations (Carrete et al. 2006). By contrast, the value of δ = 0·4 is pessimistic in the long term, although it is similar to what is observed currently in the Alps. Based on observations in the Pyrenees, we regard δ = 0·8 to be the most realistic value (Carrete et al. 2006). Thus, in total we considered 32 different scenarios (4 different duration of releases × 4 different breeding probabilities × 2 different fecundities). Results ESTIMATION OF SURVIVAL PROBABILITIES Modelling of the resighting and dead recovery probabilities revealed that five top-ranked models yield a summed QAIC weight of > 0·95 (Supporting Information, Table S1). In these models, neither resighting nor dead recovery probabilities were time-dependent, but there was considerable uncertainty regarding the age structure in both parameters. We combined the resighting and dead recovery structure of these five models with the six different models of survival, obtaining 30 models in the final modelling step (Supporting Information, Table S2). Modelling uncertainty was considerable again, in particular regarding the age structure of the resighting and dead recovery probabilities. The four top-ranked models had constant survival probabilities across time and incorporated two age classes (first year vs. older individuals, QAIC weights summing up to 0·56), whilst lower-ranked models differentiated between three to four age classes. © 2008 The Authors. Journal compilation © 2008 British Ecological Society, Journal of Applied Ecology, 46, 92– 100 96 M. Schaub et al. Fig. 2. Model-averaged probabilities of survival (a), resighting (b) and dead recovery (c) for bearded vultures in the Alps in relationto their age and previous resighting history. The over-dispersion coefficient was 9 = 1·224. The vertical lines show the unconditional 95% confidence intervals. The model averaged survival probabilities were lowest in the first year, as expected. Thereafter, however, they did not change much with increasing age (Fig. 2a). The 95% unconditional confidence intervals were relatively wide, reflecting uncertainty in the parameter estimates. The model averaged resighting probabilities were highest in the year immediately following the release (Fig. 2b). If an individual was not seen in a year, the probability of recording it in the subsequent year, given that it survived, was very low. The dead recovery probabilities for young birds were higher than for older birds (Fig. 2c), but their confidence intervals were very large. FECUNDITY AND POPULATION DEVELOPMENT Bearded vultures reintroduced into the Alps from 1986 started to reproduce in the wild in 1996, totalling 55 breeding events with 33 fledglings by 2006. Average fecundity was thus 0·6, but there were considerable annual fluctuations (Fig. 3). Fig. 3. Number of breeding pairs, total number of fledglings, and fecundity (number of fledglings per territorial breeding pair and year) of bearded vultures in the Alps from 1996 to 2006. ASSESSMENT OF DIFFERENT RELEASE STRATEGIES The projected average population growth rates over the next 25 years were > 1, regardless of the duration of releases, the different options for fecundity and the different breeding probabilities (Fig. 4). They increased with increasing duration of releases. Mean population growth rates were higher when fecundity was constant than when affected by environmental stochasticity, but the difference was marginal. Increasing breeding probability affected population growth positively, but this effect declines the longer the releases continued. The confidence intervals of the population growth rate covered 1 only in the situation where releases stop immediately after 2006 and when the breeding probability is very low (0·4). Thus, a population decline cannot be ruled out completely under this pessimistic scenario, although it remains improbable. The population growth rate strongly declined with increasing mortality (Fig. 5). Mortality needs to increase more than about 50% to render the mean population growth rate less than 1, indicating that such an increase can be supported even if no further individuals were released after 2006 and even if the breeding probability was low. Discussion This study represents the first attempt to estimate life-history traits of a free-ranging population of bearded vultures in natural conditions with reliable methods. This was possible because individuals were systematically marked from the beginning of the reintroduction and because we applied modern demographic estimation and analytical methods. Based on empirical estimates of vital rates, we could evaluate the growth rate of the Alpine bearded vulture population over the next 25 years under different durations of releases of captive-reared young while accounting for uncertainty in the estimates of the demographic parameters. Overall, our model suggests that the population will further increase even if releases cease after 2006, if breeding probability was low and if mortality increased slightly. We are confident that releasing young can cease without endangering the established population, as long as new factors of mortality such as poisoned baits does not increase mortality by more than 50%, fecundity remains the same on average and no catastrophic events occur. © 2008 The Authors. Journal compilation © 2008 British Ecological Society, Journal of Applied Ecology, 46, 92–100 Population viability of bearded vultures 97 Fig. 4. Estimated population growth rates of Alpine bearded vultures averaged over 25 years in relation to different release strategies (no further releases after 2006, or releases of 3 males and 3 females each year for another 5, 10 and 25 years) and to different breeding probabilities, when fecundity is either constant or affected by environmental stochasticity. The vertical lines show the limits of the 95% confidence intervals. Fig. 5. Sensitivity of the population growth rate (averaged over 25 years) of Alpine bearded vultures to a linear increase of mortality rates across all age classes with variable breeding probabilities, when fecundity is constant and when no individuals were released. The starting values without increase of mortality (0 on the x-axis) refer to the average survival rates (Fig. 2). The vertical lines show the limits of the 95% confidence intervals. Our population model is based on some simplifying assumptions, which may all impact on the modelling results. First, we did not consider environmental stochasticity for survival and age at first reproduction. If stochasticity occurs, the population growth rates would be lower (Tuljapurkar 1989) and our conclusions too optimistic. However, given the survival probabilities that are close to 1 and the high sensitivity of population growth rate to survival, temporal variation of adult survival is expected to be small, and therefore, it is likely that any overestimation of the population growth rate is only slight. The sensitivity of the population growth rate to changes in the probability of starting to breed (α) is low, and therefore, variability needs to be strong in order to have any significant impact on population dynamics. Secondly, we assumed that adults that had not yet reproduced in the year 2006 would not reproduce in the future. If this assumption is wrong, which is very likely, then the population growth rate would in fact be higher than our conservative estimates. Taken together, we believe that the population growth rate estimates presented here are realistic. Population growth is generally highly sensitive to changes in adult survival in long-lived species (Lebreton & Clobert 1991). Several studies have confirmed this to be the case for bearded vulture populations (Bustamante 1996; Bustamante 1998; Bretagnolle et al. 2004; this study) but previously, little was known about actual survival probabilities of free-ranging bearded vultures. Based on reliable methods, our estimates of survival recognize two age classes, where first year survival is slightly lower (0·88) than thereafter (0·96). A larger sample size and longer time series would be necessary to get more precise estimates, to detect finer age-structures and to assess the magnitude of temporal variation of survival probabilities. Moreover, data from naturally born individuals would be required to test if the release has costs in terms of survival, as observed in griffon vultures Gyps fulvus Hablizl (Sarrazin & Legendre 2000; Le Gouar et al. 2008). Brown (1997) estimated survival of bearded vultures from South Africa using age ratio methods, which produces accurate estimates only under restrictive assumptions (Conn, Doherty & Nichols 2005). He obtained similar survival estimates for adults as the current study, but much lower estimates for young individuals during their first 4 years of life (~0·6). The only other information about species-specific survival probabilities comes from zoos, where bearded vultures appear to survive better than in the wild (year 1, 0·92; years 2–6, 0·99; year 6+, 0·97; Bustamante 1996). Although we have estimated survival probabilities using a method which accounts for imperfect detection of both live and dead individuals, the precision of our estimates was relatively low. This mainly reflects the relatively small sample size (low number of individuals) and the heterogeneity of resighting probabilities among individuals. Although the monitoring was very intense, it was difficult to re-sight individuals once they had remained undetected for a year. Once they lost their conspicuous bleached wing feathers due to moulting, the resighting probability dropped dramatically because identification was then dependent on recording their colour rings or slight details in the moulting pattern, which is more difficult. Once birds became territorial, the probability of identification increased again because they mostly stayed within the same territory and observers invested a great deal of effort to identify territorial birds. Thus, resighting declined after the initial wing feather moult (second and third year of life, © 2008 The Authors. Journal compilation © 2008 British Ecological Society, Journal of Applied Ecology, 46, 92– 100 98 M. Schaub et al. i.e. prospecting phase) and increased during the establishment and territorial phases, which is well modelled with the trapdependent resighting probabilities applied in this study. As population dynamics are very sensitive to variation in survival and because little is yet known about the important demographic aspects (e.g. magnitude of temporal variation, sex-specific variation, survival of wild-born individuals), survival is a key parameter for future monitoring. The number of natural births will probably increase in the Alps in the near future, but so far naturally fledged birds have not been marked in order to avoid disturbances. This impedes any chance of monitoring survival of the reconstituting population. Genetic sampling (e.g. of feathers collected in the eyrie after fledging) seems to be a promising non-invasive method (Gautschi et al. 2000). If a mark–resighting-based monitoring programme, as the one developed here, is to be applied to genetic data, it must be ensured that repeated samples across years are collected from young and adult birds. In addition, sufficiently large sample sizes will be required, otherwise it will be difficult to detect small but relevant variations in survival probabilities. Furthermore, genetic tracking will presumably be expensive and its coverage will be less comprehensive than resightings of individually marked birds. In this respect, integrated population models, which combine demographic information from different sources may actually be useful to make the most efficient use of this diverse information (Schaub et al. 2007). The average fecundity of 0·6 fledglings per breeding pair per year is a rough estimate due to the small size of the Alpine population. Yet, this value is within the range observed in other areas. In the Pyrenees, fecundity declined with increasing population density from about 0·8 to 0·4 within 25 years (Carrete, Donazar & Margalida 2006). Bearded vultures were more productive in South Africa (0·89, Brown 1997), but much less so in Corsica (France, 0·18, Bretagnolle et al. 2004) than in the Alps. As evidenced in other raptors (e.g. Krüger & Lindström 2001), fecundity in bearded vultures may decline with increasing density due to habitat heterogeneity (suboptimal habitats colonized secondarily) and/or interference (Carrete, Donazar & Margalida 2006; Carrete et al. 2006). To date, there is no indication that fecundity is regulated by density in the Alps. Based on our estimated survival probabilities and on the number of naturally born and released individuals, there should be 50 mature (at least 6 years old) individuals alive in 2006. Only 18 (9 breeding pairs, 36%) of these 50 adults were actual breeders that year, which in theory gives 32 additional mature individuals. Although non-breeding floaters are common in bearded vulture populations (Carrete et al. 2006), the comparative figure for the Alps seems to be very high. An important reason why so many mature individuals do not reproduce could be due to inverse density-dependent phenomena such as Allee effects (Derdedec & Courchamp 2007). First, the slightly biased sex ratio in the released individuals (43% males, 57% females, n = 118 sexed individuals), could lead to mating problems typical of small populations scattered over a huge area. Secondly, the local density of available partners may still be too low in the Alps to allow mating choice and pairing to operate properly. For example, two of the released individuals only started to reproduce in their 13th and 17th year of life, respectively, which is an unusually old age for first reproduction in bearded vultures (Brown 1997; Antor et al. 2007). The observed annual population growth rate calculated from the number of breeding pairs between 1999 and 2006 was much higher (1·245) than the highest estimate drawn from our model (1·113). This difference cannot be explained by demographic mechanisms (e.g. immigration). The most likely reason is a sudden acceleration in the formation of new pairs and reproduction thereof, as the likelihood of new pair formations increases as a non-linear function of the number of mature birds within the population if an Allee effect occurs. We thus predict a decline in the proportion of non-breeding adults in the future, when this initial boosting mechanism will be over, with a progressive decrease of the observed population growth rate to values similar to those of our population modelling. Although the Alpine bearded vulture population is presently increasing, with further releases judged superfluous, caution must be exercised with regard to any additional alteration of survival. Our model shows that the population would currently be capable of sustaining a 50% increase in mortality, even at very low breeding probabilities, which provides a buffer against potentially new emerging threats. Yet, in a population which consists of 50 individuals older than 6 years, an increase from 2 to 3 yearly fatalities would already lead to critical mortality levels. There is thus a real risk that the illegal practice of depositing poisonous baits against wolves currently recolonizing the Alps may obliterate the reintroduction effort. Tight monitoring of the poisoning situation is therefore essential to protect the bearded vulture population. RECOMMENDATIONS FOR FUTURE MANAGEMENT The model presented here shows that continued release of young bearded vultures into the Alps would enhance population growth rate, corroborating previous predictions (Bustamante 1998; Bretagnolle et al. 2004). However, the present analysis also demonstrates that the population has been self-sustainable since 2006. From a purely demographic viewpoint, we therefore recommend ending releases in the Alps and redirecting reintroduction efforts towards other areas where the species is now extinct (e.g. Sardinia, Balkans). Demographic management in the Alps should now concentrate on close surveillance of the breeding pairs, with systematic collection of data on fecundity and survival probabilities of wild-born birds, which may differ from captive-reared birds. This requires systematic marking of young plus sampling of genetic material at the eyrie, practices avoided so far to minimize disturbance. In the future, analyses combining demographic and genetic information should be performed periodically. Further releases from captive populations should remain an option if the wild population declines in the future. © 2008 The Authors. Journal compilation © 2008 British Ecological Society, Journal of Applied Ecology, 46, 92–100 Population viability of bearded vultures 99 This study illustrates the relevance of detailed population modelling studies for orienting strategic decisions in largescale reintroduction programmes. Even when the population size is still small, the acquired information may prove invaluable for directing conservation effort. Finally, reintroduction projects provide unique opportunities to gather data on the vital rates of free-ranging species which usually remain inaccessible for demographic investigations. Ironically, species that have become extinct in the wild, but have subsequently been rehabilitated in nature, may well be better understood than thousands of surviving species for which knowledge of their population dynamics would greatly assist conservation management. Acknowledgements We express our sincere thanks to the monitoring centres (Mercantour-, Ecrins, Vanoise-, Gran Paradiso-, Stelvio- and Hohe Tauern National Parks, Alpi Marittime Natural Park, ASTERS, Stiftung Pro Bartgeier, Réseau Gypaète Suisse Occidentale, Provincia Autonoma di Trento, Foundation for the Conservation of the Bearded Vulture) for allowing access to their data. We also thank hundreds of volunteers who regularly check bearded vultures across the Alps and report their observations. Marc Kéry, Lukas Jenni, Jean-Dominique Lebreton and two anonymous reviewers provided important comments on earlier drafts of the paper. Additional financial support was provided by the Stiftung Pro Bartgeier. References Antor, R.J., Margalida, A., Frey, H., Heredia, R., Lorente, L. & Sesé, J.A. (2007) First breeding age in captive and wild bearded vultures Gypaetus barbatus. Acta Ornithologica, 42, 114–118. Arlettaz, R. 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Modelling result for resighting and recovery probabilities Table S2. Modelling result for survival probabilities Please note: Wiley-Blackwell are not responsible for the content or functionality of any supporting materials supplied by the authors. Any queries (other than missing material) should be directed to the corresponding author for the article. © 2008 The Authors. Journal compilation © 2008 British Ecological Society, Journal of Applied Ecology, 46, 92–100 Journal of Applied Ecology 2004 41, 1103–1116 Ecological requirements of reintroduced species and the implications for release policy: the case of the bearded vulture Blackwell Publishing, Ltd. ALEXANDRE H. HIRZEL*†, BERTRAND POSSE‡, PIERRE-ALAIN OGGIER‡, YVON CRETTENAND§, CHRISTIAN GLENZ¶ and RAPHAËL ARLETTAZ*‡** *Zoological Institute–Conservation Biology, University of Bern, Baltzerstrasse 6, CH-3012 Bern, Switzerland; †Laboratory of Conservation Biology, Department of Ecology and Evolution, University of Lausanne, CH-1015 Lausanne, Switzerland; ‡Bearded Vulture Network Western Switzerland, Nature Centre, CH-3970 Salgesch, Switzerland; §Game, Fishery and Wildlife Service, Canton of Valais, Rue de l’Industrie 14, CH-1950 Sion, Switzerland; ¶Laboratory of Ecosystem Management, Institute of Environmental Science and Technology, Swiss Federal Institute of Technology, CH-1015 Lausanne, Switzerland; and **Swiss Ornithological Institute, Valais Field Station, Nature Centre, CH-3970 Salgesch, Switzerland Summary 1. Species undergoing reintroduction offer a unique opportunity for clarifying their specific niche requirements because they are likely, if sufficiently mobile, to colonize the most suitable habitats first. Information drawn from the individuals released first might thus be essential for optimizing species’ policy as reintroductions proceed. 2. Bearded vultures were extirpated from the European Alps about a century ago. An international reintroduction programme using birds reared in captivity was launched in 1986; up to 2003, 121 individuals had been released at four different locations. Subsequent dispersion throughout the range has been far from homogeneous, resulting in a clumped occurrence of the first breeding pairs within three main zones that do not necessarily coincide with release areas. 3. In order to discern ecological requirements we performed a geographical information system (GIS) analysis of bearded vulture sightings collected in Valais (Swiss Alps) from 1987 to 2001. This area harbours no release site, is situated in the core of the Alpine range and has been visited by birds from all four release points. 4. During the prospecting phase (1987–94, mostly immature birds), the most important variable explaining bearded vulture distribution was ibex biomass. During the settling phase (1995–2001), the presence of birds (mostly maturing subadults) correlated essentially with limestone substrates, while food abundance became secondary. 5. The selection of craggy limestone zones by maturing bearded vultures might reflect nesting sites that are well protected against adverse weather, as egg laying takes place in the winter. Limestone landscapes, in contrast to silicate substrates, also provide essential finely structured screes that are used for bone breaking and temporary food storage, particularly during chick rearing. Finally, limestone substrates provide the best thermal conditions for soaring. 6. Synthesis and applications. Extrapolated to the whole Alpine range, these findings might explain both the current distribution of the subadult/adult population and the absence of breeding records for bearded vultures around release sites in landscapes dominated by silicate substrates. As reintroduced bearded vultures tend to be philopatric, we suggest that population restoration would be more efficient if releases were concentrated within large limestone massifs. This case study of the bearded vulture illustrates the need for continual adaptive management in captive release programmes. © 2004 British Ecological Society Correspondence: Raphaël Arlettaz, Zoological Institute, Division of Conservation Biology, University of Bern, Baltzerstrasse 6, CH-3012 Bern, Switzerland (fax +41 31 631 45 35; e-mail [email protected]). 1104 A. H. Hirzel et al. Key-words: Alps, ecological niche factor analysis (ENFA), geographic information system (GIS), Gypaetus barbatus, habitat selection, niche modelling, reintroduction, species conservation Journal of Applied Ecology (2004) 41, 1103–1116 Introduction © 2004 British Ecological Society, Journal of Applied Ecology, 41, 1103–1116 As part of modern strategies to counter the risks of biodiversity loss, reintroduction schemes are becoming more and more common world-wide (Sarrazin & Barbault 1996; Carroll et al. 2003). Usually relying upon individuals stemming from captive stocks (Wedekind 2002), they aim at reinstalling wild populations of extinct species, especially those that have been directly (overkilling) or indirectly (habitat loss, predator or competitor introduction) extirpated by humans (O’Toole, Fielding & Haworth 2002; Richards & Short 2003; Ripple & Beschta 2003; Schaub, Pradel & Lebreton 2004). Alternatively, they aim to reinforce relict populations of critically endangered species (Hodder & Bullock 1997; Wanless et al. 2002). However, reintroduction programmes will only be effective if the ecological requirements of a species or local population are well understood. Species extirpated before the onset of modern ecology are of particular concern because knowledge of their functional position within a local ecosystem (i.e. their ecological niche) is often poorly documented, with information often scarce or anecdotal (Breitenmoser 1998). On the other hand, expanding populations of released species provide an opportunity to unravel species’ ecological needs. This is particularly true if the species shows a high degree of dispersal, when it might be assumed that individuals will first settle in those areas that offer the most suitable conditions. The information drawn from first released individuals can thus serve to estimate species’ preferences, thereby guiding subsequent releases within an ongoing reintroduction programme. Reintroduced individuals therefore offer an opportunity to identify species’ requirements more easily than long-established populations. We illustrate this with a study of resource selection in a newly reintroduced population of bearded vultures Gypaetus barbatus Linnaeus 1758 in the Alps. The bearded vulture, or lammergeier, is a large scavenging raptor that feeds primarily on bones. It was extirpated from the European Alps between the end of the 19th century and the beginning of the 20th century, with the date of extinction varying among populations (Arlettaz 1996; Mingozzi & Estève 1997). A large-scale reintroduction programme, based on release to the wild of birds just prior to fledging that were born in captivity, was launched in 1986 in Austria (Frey 1992). This was followed by regular releases in three further Alpine countries: France from 1987 onwards, and Switzerland and Italy since 1991. Up to July 2003, a total of 121 individuals has been reintroduced into the Alps (Frey 2002; see list in Robin et al. 2004). About 60–65% of the released birds are believed to have survived (Frey 2002; Zink 2002), although this figure may underestimate mortality because released birds are monitored only passively, principally through patterns of bleached feathers, a marking technique that enables individual recognition only until the first moult (i.e. until 2–3 years of age). Also, the limited number of marking combinations available, as well as the difficulty of reading markings accurately, particularly by inexperienced observers, has generated some confusion about sighting records (Zink 2002). Feather bleaching has nevertheless illustrated the dispersal potential of the species: individuals released as far away as central Austria (375 km), eastern Switzerland (250 km) and southern France (230 km) have subsequently been located in Valais in the Swiss Alps. The first successful breeding event of the released population occurred in 1997 in Haute-Savoie, France (Heuret & Rouillon 1998). It was followed by 13 further chicks that have fledged between 1998 to 2003, and there were six breeding attempts in 2002 (three in France and three in Italy). However, no successful breeding has occurred in Austria and Switzerland, in spite of numerous observations of mature individuals in these countries. Several birds released in the Swiss National Park (the only Swiss release site) settled in nearby Italy. The absence of established breeding pairs is particularly striking for Austria, as birds were reintroduced there from the very beginning of the programme. At least one pair bond was established close to the release site in Rauris, Austria, some years after the beginning of the reintroduction effort, and a total of seven successive pair bonds was formed over the years (Zink 2002). The reasons for this lack of success remain largely poorly understood. Although no releases occurred in the Alps of Valais (south-west Switzerland), they are close to the French release site in Haute-Savoie (30 km from the Swiss border). Bearded vultures were observed in the area soon after the first French releases in 1987 (Arlettaz 1996). A network of observers was formed in Valais in 1988, and the sightings checked meticulously for reliability before being recorded into a database. Although several individuals, including some adults, have attempted to settle in Valais, no pair has attempted to breed and the few pairs consist of subadult individuals. In the mid-1990s, we noticed that the distribution of bearded vultures in Valais was heterogeneous, with the species showing a strong preference for particular areas but avoiding other apparently suitable mountainous zones. 1105 Reintroducing the bearded vulture During the last decade, with the growing availability of digitalized spatial data, geographic information systems (GIS) have received growing interest from conservation biologists. These tools allow better understanding of the species–habitat links and underpin many spatial predictions in wildlife management (Augustin, Mugglestone & Buckland 1996; Guisan & Zimmermann 2000; Jaberg & Guisan 2001; Cabeza et al. 2004; Johnson, Seip & Boyce 2004; Rushton, Ormerod & Kerby 2004). By performing a GIS-based habitat analysis using the Valais sighting data set, we sought to identify which key environmental factors explained the distribution of bearded vultures. An extrapolation of these findings to other zones within the Alps could enable an understanding of why maturing and adult bearded vultures occupy and breed in some areas, while others remain uninhabited. Recommendations can then be made for improving the ongoing international reintroduction programme. Data and methods We analysed the relationships between two GIS data sets: the distribution of vulture sightings and a set of environmental descriptors. This allowed us to quantify and model bearded vulture’s ecological requirements. © 2004 British Ecological Society, Journal of Applied Ecology, 41, 1103–1116 The study area was the canton of Valais in the southwestern Swiss Alps. It covers 5191 km2 (about 2·7% of the overall area of the Alpine massif, which is 191 000 km2 wide), modelled by a 100 × 100-m resolution raster map, i.e. 519 124 1-ha grid cells, overlaid on the hectometric Swiss coordinate system (plane projection). Four categories of environmental descriptors were included in the analysis: (i) topographical (continuous variables), comprising altitude, slope and exposition (or aspect); (ii) geological (presence–absence), comprising compact limestone, marl, gneiss, granite, rocky area, scree and water (rivers and lakes); (iii) anthropogenic (presence– absence), comprising buildings; and (iv) biological, comprising forest and meadows (presence–absence), ibex Capra ibex and chamois Rupicapra rupicapra (biomass), sheep (density) and distance to release site. The actual environmental variables were derived from information maps to provide quantitative (a requirement of ecological niche factor analysis, ENFA; Hirzel et al. 2002) and integrative information. In fact, vulture behaviour and resource selection are probably not influenced by the quality of a single hectare but rather by characteristics of a wider area (which we assumed was circular). We envisaged three possible scales: (i) a sight-field scale of 500-m radius; (ii) a flight-search scale of 2000-m radius; and (iii) a long-range exploration scale (unlimited). The two first scales provided occurrence–frequency maps computed by means of a circular moving window, while the third provided a map of the distance to the closest occurrence. Accord- ingly, each presence–absence descriptor generated three variables. We used the module CircAn of Biomapper (Hirzel, Hausser & Perrin 2002) and the module Distance of Idrisi32 (Eastman 1999) to perform these GIS operations. The topographical descriptors were averaged by means of a 2000-m radius circular moving window and provided four variables: altitude, slope, northness (cosine of aspect) and eastness (sine of aspect); all were averaged on the moving window. We also computed the standard deviation of the altitude. Wild ungulate biomass maps were built as follows. For the chamois, data were from a detailed census conducted in 1997–98 (Glenz et al. 2001) of the 24 cantonal gamekeeper districts and the federal and cantonal protected areas. For ibex, we had similar census data for every colony. In order to increase the spatial accuracy of the density estimations, we combined the census information to potential distribution maps of each species (Hausser 1995) to produce density maps (individuals ha−1). These densities were finally multiplied by average sex- and age-dependent body mass (male, female and young: chamois, 30, 24 and 16 kg, respectively; ibex, 84, 33 and 22 kg, respectively; Game, Fishery & Wildlife Service, Valais, 1997, unpublished data) to give the biomass per grid cell (= kg ha−1). Additionally, we computed a map of ibex observation density (kilometric resolution, database from the Centre Suisse de Cartographie de la Faune, 1999, unpublished data). We used our own data on sheep density (individuals ha−1) for each summering pasture, and their spatial coordinates (Cantonal Veterinary Service, Valais, 1997, unpublished data). As information about the spatial extent of these pastures was lacking, we assumed a circular 2000-m radius shape for all of them. Where two such pastures were overlapping, we retained only the largest density. The distributions of all environmental descriptors were, as far as possible, rendered more symmetrical by the Box–Cox standardizing algorithm (Sokal & Rohlf 1981). Throughout the Alps, ornithologists have been monitoring birds’ movements since the beginning of the release programme. In Valais, a network of observers (Bearded Vulture Network Western Switzerland), in collaboration with the Cantonal Game, Fishery and Wildlife Service has collected and checked 1398 sightings, which stem from at least 29 different individual birds, from 1987 to 31 December 2001. Most identified birds (19 out of 29, c. 65%) originated from the release site in Haute-Savoie. Data recorded included date of observation, geographical location and, if known, the identity of marked birds. Although the observation effort varied with the occurrence and effort of observers, we assumed that our data were representative of the actual geographical occupancy of the area by bearded vultures. Additionally, we controlled for any possible bias in observation 1106 A. H. Hirzel et al. Fig. 1. Top: location of Valais in the European Alps and Switzerland. Bottom: hill-shade map of the study area (Valais, Switzerland) showing 1-km2 squares with bearded vulture observations from 1987 to 1994 (black squares) and from 1995 to 2001 (white circles). The geographical subdivision of the study area is depicted by numbers (see Fig. 4). © 2004 British Ecological Society, Journal of Applied Ecology, 41, 1103–1116 clustering by subdividing the study area into major valley systems for which observation effort within a golden eagle Aquila chrysaetos monitoring programme was quantified (P. A. Oggier). Bearded vulture sightings were also recorded systematically in the same area by the same observer, and an index of frequency of observations per observation time unit and year (1990– 2001) could be estimated for each zone separately. Both species have converging soaring habits and frequently use similar routes. This enabled us to assess whether clusters of bearded vulture sightings were observation effort-dependent or reflected actual habitat preferences by the species. The colonization of Valais showed two distinct chronological phases: (i) a prospecting phase (1987– 94), when immature (i.e. mostly 1–3 years old) individuals mainly visited the south-western parts of Valais, i.e. the valleys south of the main Rhône valley axis, at the periphery of the release site in France; (ii) a settling phase (1995–2001), when mostly maturing birds (sub- adults; ≥ 3 years old) attempted to settle down in the north-west of Valais. In order to investigate this change of behaviour and its possible link to new patterns of habitat selection, the observation data were divided into two subsets (Fig. 1). The second data set included a marginal number of observations of immature birds, which rendered our spatial analysis conservative because an even greater contrast would have been found if those immatures could have been removed from this secondphase analysis. In the survey, vulture sightings were recorded at a 1km resolution. We built two presence 100-m resolution maps, hereafter observation maps, by assigning each record to the central hectare of the kilometric square where the bird had been seen. A variety of methods have been developed to model species’ habitat and potential distribution (Guisan & 1107 Reintroducing the bearded vulture Zimmermann 2000; Rushton, Ormerod & Kerby 2004). The majority are based on presence–absence species’ data sets. They make the intuitive assumption that the presence of a species is an indicator of suitable habitat and its absence an indicator of unsuitable habitat. However, there are many cases where these assumptions are not correct. In many cases, absence data are either unavailable (e.g. museum data, herbarium, atlas data) or unreliable (e.g. cryptic species, metapopulation following extinction–recolonization dynamics, invading species) (Hirzel, Helfer & Métral 2001; Peterson 2001; Hirzel et al. 2002; Peterson et al. 2002; Engler, Guisan & Rechsteiner 2004). In the case of the bearded vulture, absences were unreliable for two main reasons. (i) Being philopatric, this raptor is slowly spreading from its release site, therefore lack of sighting in some locations might be caused either by unsuitable conditions (true absence) or by the site being too far and yet unreached (false absence). (ii) This bird explores a wide area every day, making any systematic sampling of absences difficult. The first reason is particularly problematic as the case of a spreading species has been shown to fool a presence–absence-based method (generalized linear model; Hirzel, Helfer & Métral 2001). Therefore, we had to use a presence-only approach and we selected the ENFA (Hirzel et al. 2002) as it has been shown to be robust to spreading-species bias (Hirzel Helfer & Métral 2001); it has been applied to several studies based on presence-only data (Zaniewski, Lehmann & Overton 2002; Dettki, Lofstrand & Edenius 2003; Reutter et al. 2003; Thomas 2003; Brotons et al. 2004; Engler, Guisan & Rechsteiner 2004). A further advantage of the ENFA is that there is no descriptor selection, a sensitive process when stepwise procedures are involved. Instead, the ENFA computes a weight for all descriptors indicating their importance for the species’ niche and their correlations. © 2004 British Ecological Society, Journal of Applied Ecology, 41, 1103–1116 The ecological niche of a species is potentially shaped by a large number of variables, with various levels of importance. Moreover, most of these variables exhibit some degree of correlation. ENFA extracts all relevant information from these variables while discarding their correlations and the background noise. It does so in a similar way to principal components analysis (PCA) by computing new, uncorrelated factors, a few of them summarizing most of the information. The main difference between PCA and ENFA is the nature of the data sets (here a data set is a population of vectors, the components of which are the values of the descriptors recorded at a grid cell). The PCA is computed on a single data set and its factors (or components) seek to find the directions that maximize the descriptor variances in the multidimensional environmental space. In contrast, the ENFA is based on two data sets: (i) the global set stores the descriptor values for all cells in the study area, and (ii) the species set stores these values for only Fig. 2. Geometrical interpretation of marginality and specialization factors. The two-dimensional distribution of the global and species sets are symbolized by white and dotted ellipses, with a crossed-circle marking their centroids. The marginality factor (M) is the axis passing through both centroids. Once marginality has been extracted, both distributions have a common centroid and the specialization factor (S) is the axis maximizing the ratio of global variance σG to species variance σS; it is intermediary between the axes of maximal global variance (dotted line) and minimum species variance (dashed line). See text for further details. those cells where the species is present; it is therefore a subset of the global set. The ENFA factors result from the comparison between these two sets, and they are therefore directly interpretable. The first ENFA factor maximizes the absolute value of the marginality, defined as the standardized difference between the species mean and the global mean on all descriptors. It is geometrically figured by the line passing through the centroids of both the species and global sets (Fig. 2a). The marginality coefficients range from −1 to +1. Positive or negative values indicate a species’ optimum higher (respectively lower) than the average conditions in the study area. Once the marginality factor has been extracted, the global and species sets centroids are coinciding. All the subsequent factors maximize the specialization, defined as the ratio of the global variance to the species variance. A specialization factor is geometrically figured by a line intermediary between the direction of maximum global breadth and the direction of minimum species breadth (Fig. 2b). Specialization coefficients range from −1 to +1, but only their absolute value is meaningful. A high value indicates a narrow niche breadth in comparison with the available conditions. Finally, there are as many factors as descriptors. The first one explains all the marginality and some part of the specialization. The subsequent factors explain the remaining specialization in decreasing amounts. 1108 A. H. Hirzel et al. Table 1. Environmental descriptors retained for the habitat analysis. Except when stated otherwise, they were derived from the GEOSTAT database (Swiss Federal Office of Statistics, Neuchâtel, Switzerland). EGV = ecogeographical variables Variable category Environmental descriptor EGV code Topographical Average altitude in a 2000-m radius Average slope in a 2000-m radius SD of altitude in a 2000-m radius Average northness in a 2000-m radius* Average eastness in a 2000-m radius† ELEV SLOPE SDELEV NORTH EAST Geological Frequency of limestone area in a 2000-m radius Distance to limestone area Rock frequency in a 2000-m radius Rock frequency in a 500-m radius Distance to granite area Scree frequency in a 2000-m radius Scree frequency in a 500-m radius Distance to screes Water frequency in a 2000-m radius Water frequency in a 500-m radius CALC-2K CALC-D ROCK-2K ROCK-500 GRANIT-D SCREE-2K SCREE-500 SCREE-D WATER-2K WATER-500 Anthropogenic Biological Building frequency in a 2000-m radius Forest frequency in a 2000-m radius Forest frequency in a 500-m radius Ibex biomass index‡ Ibex frequency in a 2000-m radius‡ Chamois biomass index‡ Sheep density in a 2000-m radius‡ Distance to release site§ BUILD-2K FOREST-2K FOREST-500 IBEX-BM IBEX-2K CHAM-BM SHEEP-2K RELEASE-D *Cosine of aspect. †Sine of aspect. ‡Derived from Swiss Federal Game statistics, Bern, Switzerland. §Computed in the GIS. © 2004 British Ecological Society, Journal of Applied Ecology, 41, 1103–1116 Usually, the most significant part of the information is gathered in a few of the first factors, thus reducing the problem complexity. The factors are given by their coefficients along the environmental descriptors and provide information about the species’ marginality and specialization on each of them. Moreover, the global marginality and specialization coefficients integrate all these descriptor-specific scores, providing general clues about the species’ niche. The global marginality ranges from 0 to 1 and indicates how far, all descriptors being accounted for, the species optimum is from the average conditions in the study area. The global specialization ranges from 1 to infinity; for ease of interpretation, the global tolerance coefficient, defined as the inverse of the specialization, is usually preferred as it ranges from 0 to 1. It is an indicator of the species’ niche breadth. It must be noted though that these coefficients are relative to the study area and can only be used to compare species modelled with the same set of predictors. A detailed mathematical demonstration of the ENFA is beyond the scope of this paper and we refer the interested reader to our basic description (Hirzel et al. 2002). The ENFA analysis was first applied to all the available environmental descriptors of the full set of observations (immatures and subadults pooled together); this was done in order to select the variables relevant for the bearded vulture distribution. Then, the ENFA was applied with the reduced descriptor set (listed in Table 1) to both observation subsets. This provided two ecological niche models, one for the prospecting phase (1987–94) and one for the settling phase (1995– 2001). All these analyses were made within the eco-GIS package Biomapper 2·1 (Hirzel et al. 2002). The two models were then used to compute a habitat suitability map by means of the geometric mean algorithm (Hirzel & Arlettaz 2003). This algorithm works in the multidimensional environmental space defined by the most significant ecological niche factors computed by the ENFA. The species set defines a cloud of points in this environmental space, the density of which varies greatly and is assumed to be positively correlated with the suitability of any particular combination of descriptor values. This density is modelled for every hypervolume element (voxel) of this space by the geometric mean of its distances to all observation points; the higher the density of observations around a given voxel, the lower the mean distance. These distances are transformed into habitat suitability indices by delineating hypersurfaces (or envelopes) linking all voxels that have the same value (like the altitude isolines of a topographic map). An envelope suitability index is computed as the proportion of observation points outside it; for instance, the envelope 0·9 encloses 10% of the observations and leaves out 90% of them. These envelopes 1109 Reintroducing the bearded vulture are then transported to the classical geographical space to produce a habitat-suitability map. We chose to keep only the envelopes 0·5 and 0·9. The inner envelope (enclosing 50% of the observations) geographically defines a region we called core habitat. The geographical area located between the two envelopes (40% of observations) was termed marginal habitat. The area outside the external envelope (10% of observations) was considered unsuitable. See Hirzel & Arlettaz (2003) for further information about this algorithm. Results The first ENFA including all environmental variables and all the observations showed that some variables were not relevant to the bearded vulture distribution: all gneiss- and marl-related variables, 500- and 2000-m radius granite frequency, distance to water, distance to rock, 500-m radius frequency of human buildings and distance to them, all meadow-related variables, and distance to forest. The retained variables are listed in Table 1 and were used for all subsequent analyses. Observation points not used to calibrate the model were held on a validation set. Two indices could then be computed: (i) the absolute validation index (AVI), which is the proportion of validation points occurring in the predicted core habitat; and (ii) the contrast validation index (CVI), which is the AVI minus the AVI that would have been obtained with a hypothetical model that would predict core habitat for all cells of the study area. The latter index gives an indication of how well the model discriminates poor from good habitat. Both AVI and CVI were submitted to a cross-validation process (Sokal & Rohlf 1981; Manly 1991; Fielding & Bell 1997), allowing the computation of confidence intervals: the observation data set was partitioned into 100 subsets of which, alternately, 99 were used to calibrate the model (calibration set) and 1 to validate it (validation set). (1987–94) For this period, 310 observations were analysed. The ENFA computed a global marginality coefficient of 0·72 and a global tolerance coefficient of 0·66, indicating that the vulture was living in conditions rather uncommon in the study area but that its niche breadth was rather wide. By comparing the ENFA eigenvalues wit the MacArthur’s broken-stick distribution (MacArthur 1960; Hirzel et al. 2002), the first five factors were kept as significant for the subsequent analyses, explaining 70% of the information (100% of the marginality and 41% of the specialization). The marginality factor explained little of the specialization (6%), meaning that the vulture niche breadth was not particularly narrow for the variables for which its optimum was the furthest from the average conditions. A slightly negative marginality coefficient (Table 2, factor 1) for altitude indicated that, on average, the Table 2. Correlation between ENFA factors and the environmental descriptors for the prospecting phase (1987–94). The percentages indicate the amount of specialization accounted for by the factor (moreover, factor 1 explains 100% of the marginality) © 2004 British Ecological Society, Journal of Applied Ecology, 41, 1103–1116 ELEV SLOPE SDELEV NORTH EAST CALC-2K CALC-D ROCK-2K ROCK-500 GRANIT-D SCREE-2K SCREE-500 SCREE-D WATER-2K WATER-500 BUILD-2K FOREST-2K FOREST-500 IBEX-BM IBEX-2K CHAM-BM SHEEP-2K RELEASE-D Factor 1† (6%) Factor 2‡ (18%) Factor 3‡ (13%) Factor 4‡ (8%) Factor 5‡ (7%) – +++ +++ –– – ++ – + + 0 ++ + –– ++ + – + 0 ++ +++++ + ++ ––––– ********* * * * * * 0 *** * 0 * 0 0 * 0 *** 0 * 0 0 0 0 * 0 ** * * 0 0 0 ** ** 0 * ** 0 * 0 ********* * ** 0 0 0 0 * * * 0 ** 0 **** **** **** ** **** ** ** 0 ** 0 ** 0 * 0 0 * * * *** 0 * * * 0 0 **** ** 0 ** **** ***** * * *** **** 0 0 * 0 0 0 †Marginality factor. The symbol + means that the vulture was found in locations with higher values than average. The symbol – means the reverse. The greater the number of symbols, the higher the correlation. 0 indicates a very weak correlation. ‡Specialization factor. The symbol * means the vulture was found occupying a narrower range of values than available. The greater the number of asterix, the narrower the range. 0 indicates a very low specialization. 1110 A. H. Hirzel et al. Fig. 3. Habitat suitability map computed for the (a) prospecting (1987–94) and (b) settling (1995–2001) phases showing the spatial distribution of the core (black), marginal (dark grey) and unsuitable habitats (white). © 2004 British Ecological Society, Journal of Applied Ecology, 41, 1103–1116 bearded vulture was found at lower altitude (2067 m) than the Valais average (2157 m). Furthermore, the high value of the first specialization factor (Table 2, factor 1) for this predictor indicated a narrow niche breadth, meaning that birds were rarely seen flying far from this altitude (SD = 503 m). Similar reasoning on the other coefficients showed that the favoured areas had steeper slopes than average (31° vs. 28°, respectively); their average northness (−0·11) and eastness (−0·02) and their relatively high marginality indicated a preference for slopes orientated towards the south or south-west. Nevertheless, the bearded vulture showed a very low level of specialization on these three variables. Other outstanding landscaperelated features were specialization for rocky areas (mainly limestone and screes), relatively high frequency of water, avoidance of human settlements and some specialization for areas with a slightly higher forest frequency than average (at the 2000-m radius scale). The highest marginality was related to ibex and sheep presence and proximity to the release site; however, the vultures were again very tolerant regarding these variables (all five specialization coefficients were null or very low). Considering the sensitivity to different scale patterns, the vulture was almost always more marginal at the 2000-m than 500-m radius scale, or at distances greater than 2000 m; the specialization showed the same tendency. The cross-validation gave a mean AVI of 0·49 (SD = 0·13) and a mean CVI of 0·34 (SD = 0·13) (both values cannot be greater than 0·5). This means that, while the presence prediction power was very good, it could be due to a general overestimation of the habitat suitability (Fig. 3). 1111 Reintroducing the bearded vulture Table 3. Correlation between ENFA factors and the environmental descriptors for the settling phase (1995–2001). The percentages indicate the amount of specialization accounted for by the factor (moreover, factor 1 explains 100% of the marginality) ELEV SLOPE SDELEV NORTH EAST CALC-2K CALC-D ROCK-2K ROCK-500 GRANIT-D SCREE-2K SCREE-500 SCREE-D WATER-2K WATER-500 BUILD-2K FOREST-2K FOREST-500 IBEX-BM IBEX-2K CHAM-BM SHEEP-2K RELEASE-D Factor 1† (10%) Factor 2‡ (16%) Factor 3‡ (9%) Factor 4‡ (9%) Factor 5‡ (7%) Factor 6‡ (6%) –– + ++ ––– ++ ++++++ ––––– + + + + 0 0 0 0 + + 0 0 ++ + ++ ––– ****** ** *** *** * * 0 ***** * * * ** ** * 0 0 ** * ** 0 0 * 0 ******** 0 * * ** * ** **** 0 0 * 0 0 0 0 ** *** 0 * * 0 0 ** ** *** * * 0 * *** ***** 0 * * * * ** 0 0 ***** * * * 0 0 ** ****** **** *** * ** * * *** * * * * 0 * 0 *** * * * 0 0 * ** *** * * * 0 ** **** * * 0 * ** ****** * * 0 ** * ***** * * 0 ** †Marginality factor. The symbol + means that the vulture was found in locations with higher value than average. The symbol – means the reverse. The greater the number of symbols, the higher the correlation. 0 indicates a very weak correlation. ‡Specialization factor. The symbol * means the vulture was found occupying a narrower range of values than available. The greater the number of asterix, the narrower the range. 0 indicates a very low specialization. © 2004 British Ecological Society, Journal of Applied Ecology, 41, 1103–1116 (1995–2001) More observations (1088) were available for this phase, but the global tolerance coefficient remained almost identical (0·65 vs. 0·66), whereas the global marginality coefficient was larger (0·84 vs. 0·72). By comparison of the eigenvalues with the MacArthur’s broken-stick distribution (MacArthur 1960; Hirzel et al. 2002), the first six factors were significant and were used in the subsequent analyses, explaining 79% of the information (100% of the marginality and 58% of the specialization). The marginality factor explained slightly more of the specialization (10% vs. 6%). In this phase, the situation was far more contrasted, with a few variables accounting for most of the marginality and specialization (Table 3). The most striking feature was the high marginality related to limestone areas: the bearded vulture tended to be seen in limestone environments (an average of 28% of limestone area in a 2000-m radius circle around observation points) or close to them (mean distance 468 m). There was some evidence of specialization on this variable, indicating a narrow niche breadth. The distance to release site was less marginal than for immatures, indicating that the mature birds had spread further. The average altitude was slightly lower than for immatures (mean = 1864 m, SD = 638 m), whereas the marginality for forest frequency was similar. The preference for southwards slopes was stronger among settling adults but with a tendency towards south-eastern slopes. Ibex- and sheep-related variables lost their outstanding marginality, but vulture distribution was still biased towards them. The cross-validation gave a mean AVI of 0·5 (SD = 0·23) and a mean CVI of 0·45 (SD = 0·23). The contrast value was greater than in immatures, confirming the fact that this map is obviously more accurate (Fig. 3). . The frequency of bearded vulture sightings was not dependent on local observation effort (Fig. 4). In geographical subunits 1 and 2 (compare Fig. 4 with Fig. 1), the observation ‘reward’ was definitely biased towards bearded vultures, actually confirming a more dense presence of the raptor in the north-western Valais Alps. Discussion The ecological requirements of reintroduced bearded vultures colonizing Valais differed markedly between the prospecting (1987–94) and settling (1995–2001) phases. Bearded vultures were globally more selective during the settling phase than during the prospecting phase. Habitat suitability maps also had a better predictive 1112 A. H. Hirzel et al. Fig. 4. Observation effort [mean (± SEM) number of hours per year] and reward [mean (± SEM) number of bearded vultures observed per hour × year] in the various geographical subunits depicted in Fig. 1. power in the second phase. It should be noted that bearded vulture distribution was more sensitive to environmental medium-extent variables (2000-m radius) than to small-extent variables (500-m radius). This is not surprising given that bearded vultures are potentially wide-ranging, and that our vulture observations were recorded at a 1-km resolution. Changes in ecological preferences did not result from changes in food abundance and distribution between the two phases: both ibex and chamois populations, as well as flocks of sheep, had similar densities and occupied similar ranges throughout the study. © 2004 British Ecological Society, Journal of Applied Ecology, 41, 1103–1116 Our data show that bearded vultures tended to visit areas at lower altitude and with a higher forest cover than expected. Because of a wide altitudinal range in Valais (mountain ranges higher than 4000 m around the Rhône valley with a plain level of 372–680 m a.s.l.; Fig. 1) this altitudinal effect is not surprising as bearded vultures do not visit high peaks and glacier zones, where wild ungulate carcasses are absent. Additionally, bearded vultures also avoided the lowest altitudes, where human activity is high and where wild ungulates and sheep are rare; bearded vultures thus remain within a rather narrow altitudinal belt. The non-avoidance of forest at a regional scale might seem peculiar as bearded vultures tend to prefer open habitats in most of their range. In central Valais, however, because of the dry climate (Valais is the driest area within the Alps) and nature of the geological substrate, woodlands consist most often of small scattered trees and shrubs; they are thus readily accessible to bearded vultures. Moreover, in several areas such as game reserves, ungulates are numerous in forests in winter; this is also where lynx Lynx lynx hunt, providing additional carcasses. In central Valais, bearded vultures are often seen flying over sparse forests covering steep slopes, in search of carcass remains; they can land among scattered trees and shrub, or on rocky outcrops, and walk several dozens of metres on forest ground to reach a carcass (R. Arlettaz, personal observations). The preference for steeper slopes can be explained by the well-documented association of bearded vultures with cliffs, where they roost and nest, and because ungulates are more numerous in steep, remote areas, located further from human civilization. Bearded vultures tended to be observed closer than expected to the release site in Haute-Savoie, from where most individuals that visit Valais originate (see the Introduction). Interestingly, this pattern did not differ strikingly between the prospecting and settling phases, indicating a philopatric tendency in the species. During both prospecting and settling phases bearded vultures preferred areas with a higher density of ibex and sheep, although there was no link with the presence of chamois, another important source of food for bearded vultures in the Alps. However, chamois are abundant (c. 17 000 individuals) and widespread in Valais, where they inhabit a broader habitat spectrum and a wider altitudinal range than ibex (c. 5000 individuals); it is thus possible that a ‘chamois effect’ could not be detected because there was little variation in the abundance and distribution of this ungulate. : . A change of slope orientation between the two phases can be explained by the frequent visits of birds during the first phase to a lateral (north–south orientated) valley south of the Rhône (Val de Bagnes), while subsequent sightings were mostly on the south-exposed slope of the main valley axis (ENE – SSW; Fig. 1). A slight preference for areas not far from streams appeared during the prospecting phase but disappeared later. This is again probably because of an initial concentration of bearded vulture observations within major side valleys, whereas birds were then mostly seen in Central Valais, north of the Rhône, where lateral 1113 Reintroducing the bearded vulture Fig. 5. Map of the European Alps (thick line) showing approximate limestone distribution (shaded), release sites (stars) and the first six breeding pairs (circles). © 2004 British Ecological Society, Journal of Applied Ecology, 41, 1103–1116 valleys are both much shorter and rare (Fig. 1) because of the limestone substrate. Although the contribution of sheep and chamois did not differ between the two periods, ibex tended to be less influential in the second phase. This may be because roaming immature birds are mainly concerned with finding and tracking food resources, whereas subadults and adults have additional ecological requirements that are not uniquely trophic. This interpretation makes sense when considering the geological variables that explain most of the habitat preferences during the second phase: limestone had a greater explanatory power than any other variable within the two models, pointing to a net selection for limestone zones. Such a preference was even clearer on comparison of the distribution map of records in Valais during the settling phase with a geological map: bearded vultures concentrated on the limestone zones (west and north-west Valais) but avoided metamorphic and silicate substrates (east and south of the canton; Fig. 1). We believe there are three, possibly not mutually exclusive, explanations for this selection pattern. First, the limestone areas in Valais belong tectonically to the Helvetic and external Alps, which are characterized by huge vertical cliffs rich in cavities and ledges (from a stratigraphic viewpoint, these cliffs belong essentially to late Jurassic and Cretaceous formations). Such recesses provide well-protected roosts and are excellent for eyries. This is important in the Alps where the bearded vulture reaches the northern border of its range: bearded vultures lay their eggs during winter, as early as February (Heuret & Rouillon 1998; Lücker 1998), which, at this latitude, can be marked by very adverse weather. In comparison, marl, metamorphic and crystalline (silicate) landscapes do not offer so many favourable breeding sites. A second hypothesis relates to the presence of suitable ossuaries. These are places where bearded vultures break and temporarily store bones and bone fragments (Margalida & Bertran 2001). Usually screes with a fine-grained structure are favourite ossuaries, although rocky plates and outcrops may sometimes also be used. Accordingly, screes in limestone areas are abundant and widespread. Water is not easily retained in these rocks and so vegetation is scarce, giving a limestone landscape its typical arid appearance. Limestone screes also have a sharpedged and fine structure, which enables bones to be broken into smaller fragments which are then more easily retrieved from among stones. This is not the case within silicate-stone areas, where screes are much scarcer and consist mainly of large blocks among which fragments would be difficult to retrieve; they also retain humidity, making them easily colonized by plants. Margalida & Bertran (2001) have demonstrated that ossuaries are of importance to the bearded vulture, especially during the breeding period when parents have to prepare delicate food items for the growing chick. Thirdly, limestone topography offers the best thermal conditions for this large raptor (with a c. 2·70 m wingspan), which seems to be of prime importance to bearded vultures (Haller 1983), particularly where they reach the northern border of their distribution range, as in Valais. Interestingly, north-western Valais, which offers the most suitable habitat according to our analysis, was the area where the last bearded vultures were reported prior to extermination in the 19th century (see map II in Fatio & Studer 1889). Our results show that food might be the principal driving force underlying habitat selection patterns in dispersing immature bearded vultures, whereas preparation 1114 A. H. Hirzel et al. © 2004 British Ecological Society, Journal of Applied Ecology, 41, 1103–1116 for reproduction might govern subsequent environmental preferences in subadults and adults. Interestingly, in the expert reports published during the preparation of the international bearded vulture programme (Müller & Buchli 1982), emphasis for the selection of suitable release areas in the Alps was put on wild ungulate density. Geology (although mentioned) was considered as a secondary factor, except possibly regarding the availability of cavities for placing captive birds to be released just before fledging. Extrapolating from our own findings, we speculate that breeding bearded vultures recolonizing the Alps will initially occupy limestone areas (10–50% of rock coverage in a 2000-m radius), between 1500 and 2500 m altitude, that offer adequate cliffs rich in nesting sites and thermals as well as suitable bone-breaking screes. In our study area, we expect the areas delineated as core habitat (Fig. 3b) to be colonized first as they correspond to the most preferred conditions. However, as the population expands, bird density and competition are bound to increase, leading to less suitable habitats being exploited. The bearded vultures might then be expected to spread over the marginal habitat areas (Fig. 3b). Already, data on settlement of the first breeding pairs of bearded vultures in the Alps up to 2002 seem to support our view (Fig. 5). In northern Italy, the three extant breeding pairs concentrate on a rather small, very arid limestone area. Geologically, this area is referred to as the Dolomitic Engadin Enclave, an isolated limestone area within much larger silicate units. In France as well, the three territorial breeding pairs have colonized wide limestone landscapes (National Parc of Vanoise, two pairs; Bargy-Aravis range, one pair). In contrast, the silicate and flysch areas surrounding the Austrian release site, where reintroductions first took place as early as 1986, have failed to attract breeding pairs. This is also the case for the Swiss release site, located at the northern edge of the above-mentioned Italian Dolomitic Enclave. Interestingly, five out of the six eyries occupied in 2002 were built on ledges or in niches in limestone cliffs. The only exception was one pair in the Vanoise National Park (Savoie, France), which used an old golden eagle Aquila chrysaetos eyrie in a silicate cliff. However, as this cliff is surrounded by limestone, this may suggest that the selection of limestone depends primarily on the availability of suitable ossuaries or thermals. The monitoring of the expanding adult bearded vulture population across the Alps will provide a further test of this hypothesis. The observation that bearded vultures prefer limestone areas has potential implications for the release policy developed within the international reintroduction scheme. As bearded vultures exhibit some philopatric behaviour (Niebuhr 1993; Heuret & Rouillon 1998; this study), releases should optimally take place within major limestone Alpine massifs. Restricting reintroduction efforts to these landscapes would poten- tially enhance survival rate, by increasing the attachment of birds to areas with the most suitable habitats, and by reducing the risks inevitably encountered by immatures during dispersal. However, it appears clear that the wide-ranging capacity of bearded vultures will ultimately enable them to find the most suitable zones on their own. On the other hand, our analysis also suggests that the failure to settle down and reproduce close to some release places might be due principally to suboptimal habitat quality around the selected reintroduction site. It might seem unusual that, during the settling phase, the geological environment plays a more important role in habitat selection than the availability of ungulate carcasses, another essential component of territory selection. Yet, in this species the trophic function depends directly upon geology (screes for preparing food; Margalida & Bertran 2001) so that the two factors cannot be fully disentangled. As wild ungulates are now abundant and widespread in the Alps, in contrast with the situation in the past centuries until the extirpation of the species, they are unlikely to (as yet) represent a limiting factor for the breeding population, as we are probably at present far below the species’ trophic carrying capacity. Density-dependent regulation is to be expected in the future, however. The monitoring of the spreading breeding population will tell us whether geological constraints will continue to play a major role in the future, or whether food requirements will further dictate spatial patterns of bearded vulture distribution within the Alpine range. In addition, it is important to stress that Valais is one of the driest areas of the Alps, which might also prove decisive for establishment. Acknowledgements We thank first the numerous observers (n > 300) who have contributed their observations. Dr Ch. Buchli (Fornat and Stiftung Pro Bartgeier), J. Heuret and A. Rouillon (Asters) and J. P. Martinot (Vanoise National Park) facilitated the visits of R. Arlettaz to the various breeding places in 2000–02. Professor M. Burri was of great help concerning the geological aspects. Dr T. Pachlatko and Dr Ch. Buchli helped with the literature search. We thank the various sponsors that support the Bearded Vulture Network Western Switzerland, especially the Stiftung Pro Bartgeier (Zernez, Switzerland). References Arlettaz, R. (1996) Observations en Valais (Alpes suisses) de Gypaètes barbus (Gypaetus barbatus) issus de réintroduction: un premier bilan (1986 –1995). Nos Oiseaux, 43, 369–388. Augustin, N.H., Mugglestone, M.A. & Buckland, S.T. (1996) An autologistic model for the spatial distribution of wildlife. Journal of Applied Ecology, 33, 339–347. Breitenmoser, U. 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We evaluated the effect of human activities on the behaviour and breeding suc- Accepted 16 September 2005 cess of bearded vultures breeding in the French Pyrenees. Human activities influenced Available online 7 November 2005 bearded vulture behaviour (primarily through a decrease in nest attendance), but this effect varied in relation to the type of activities and the distance to the nest. Very noisy Keywords: activities and hunting most frequently provoked nest unattendance even when occurring Threatened species far (>1.5 km) from the nest. People on foot or cars/planes only affected bearded vulture Bearded vulture behaviour if close (<500–700 m) to the nest. We also found a significant relationship Disturbance between human activities and vulture breeding success: the probability of failure Management increased with the frequency of human activities. In particular, there was a significant relationship between the probability of failure and the frequency of very noisy activities. We discuss the implications of our results for management schemes and conservation of this species. ! 2005 Elsevier Ltd. All rights reserved. 1. Introduction Conflicts between humans and wildlife may arise because human activities can cause disruption of normal breeding behaviour in wildlife (De la Torre et al., 2000; Verhulst et al., 2001; Quan et al., 2002; Thomas et al., 2003; Rees et al., 2005) and ultimately be a cause of breeding failure (Stevens and Boness, 2003; Ruhlen et al., 2003). Since both human development and human recreational use of nature are likely to increase in the future, the need to understand how wildlife responds to human activities is becoming increasingly important. Science-based management strategies are necessary to minimise the detrimental effects of human activities (Yorio et al., 2001). Quantitative information about how, when or what type of human activities may be detrimental to wildlife is thus critical to optimise management measures (Carney and Sydeman, 1999). When evaluating whether human activities are detrimental to wildlife, it is important to evaluate whether they alter behaviour potentially influencing individuals reproductive success (like time spent foraging, or attending the nest) but, more importantly, it is critical to evaluate whether this has an influence in the species’ population parameters, such as breeding success. Whereas the former has been assessed for many species (e.g. Lord et al., 1997; Burger, 1998; Gutzwiller et al., 1998; Trimper et al., 1998; Verhulst et al., 2001; Bright * Corresponding author: Tel.: +44 1330 826333; fax: +44 1330 823303. E-mail address: [email protected] (B. Arroyo). 0006-3207/$ - see front matter ! 2005 Elsevier Ltd. All rights reserved. doi:10.1016/j.biocon.2005.09.035 B I O L O G I C A L C O N S E RVAT I O N et al., 2003; Traut and Hostetler, 2003), the latter is more rare (but see, e.g. Fraser et al., 1985; White and Thurow, 1985). Human activities affect breeding behaviour in many species of raptor (e.g. Trimper et al., 1998; Steidl and Anthony, 2000; Kruger, 2002) and through a reduction in parental care may affect the physiology and condition of the nestlings (Fernández and Azkona, 1993). Thus, spatial and temporal restrictions are commonly prescribed to protect raptors during periods of extreme sensitivity (Richardson and Miller, 1997). Quantitative studies on the behavioural responses to human activities are needed to optimise these management measures (White and Thurow, 1985; Holmes et al., 1993). However, relatively few studies have attempted to quantify this factor, particularly in Europe, and most of the statements about the influence of humans on raptor breeding are based on either qualitative assessments or indirect measures, such as ‘‘number of roads’’ or ‘‘distance to villages’’ (e.g. Donázar et al., 1993, 2002; Ontiveros, 1999; Bakaloudis et al., 2001;Sergio et al., 2003). The bearded vulture (Gypaetus barbatus) is a threatened species in the western Palearctic (Tucker and Heath, 1994; Rocamora et al., 1999). Human disturbance has been described as an important factor influencing breeding success for this species (Layna and Rico, 1991; Donázar et al., 1993; Terrasse, 2001), although no study exists to quantify the effect. In the French Pyrenees, overall productivity for the species is 0.35 fledglings per pair (from 1994 to 2003, Razin unpubl. data), which is relatively low compared to the Alps (0.44 fledglings per pair from 1997 to 2002; Razin et al., 2004) or the Spanish Pyrenees until recently (0.59 fledglings per pair from 1994 to 2000, Heredia, 2000), and there is concern about nest failure rates (Recovery Plan of the bearded vultures in the French Pyrenees). Although no detailed analysis of reasons for failure in this area has yet been carried out, causes of failure potentially include inter- and intraspecific competition, weather, food abundance and disturbance (Razin, 2003). Of those, the latter remains one of the few factors that can be managed through directed policy (in addition to food supply), if proven that it has an effect on breeding success. In the French Pyrenees, weather is particularly cold and humid, and most bearded vulture territories have alpine weather with Atlantic influence (Champeaux and Tamburini, 1995). Additionally, appropriate (sheltered) cliffs for nesting are less numerous than in other areas of its breeding range, whereas human pressure (i.e. human activities and development) is strong. Under these circumstances, if human activities reduce nest attendance, they may potentially influence bearded vulture breeding success. We thus aimed to assess the effect of human activities on bearded vultures breeding in the French Pyrenees. We first evaluate whether potentially disturbing activities had any effect on bearded vulture behaviour during reproduction (primarily a decrease in nest, clutch or brood attendance). We also evaluated whether this effect varied in relation to the type of activities and the distance to the nest. Second, we tested whether there was any relationship between the frequency of human activities recorded in a nest area and breeding success. Finally, we discuss the implications of our results for management schemes and conservation of this species. 1 2 8 ( 2 0 0 6 ) 2 7 6 –2 8 4 2. Methods 2.1. Data collection 277 Human activities (or their absence) were recorded during the usual monitoring of the bearded vulture population in the French Pyrenees. This involved weekly (on average) visits to each potential nest area (hereafter called ‘‘territory’’) throughout the season or until failure was proved, each visit lasting on average 4 h. All observations were made at >700 m from the nests, with binoculars and telescopes, and birds were apparently unaware of observers. Observations were random in relation to other parameters (i.e., they were not longer in the event of observing human activities), since their main purpose was to monitor the population. Each breeding season was defined from 1st October to 30th September the following year, which corresponds to nest selection (October) to the end of post-fledging period (September–October). Visits to each territory were distributed throughout the breeding season. Mean (±SD) number of visits to each nest area was 11 ± 9 (n = 129) during the prelaying period, 9 ± 5 (n = 92) during the incubation period, 16 ± 15 (n = 67) during the nestling period and 6 ± 6 (n = 39) during the post-fledging period (see below for definition of the breeding periods). We analysed observations recorded during the breeding seasons 1993/1994–2001/2002, for those territories where human activities (or their absence) were consistently noted by observers. In total, we analysed data for 129 breeding attempts from 22 territories (6 ± 3 breeding attempts per territory, range 1–9). Territories are usually occupied by the same birds year after year (unless one of the birds die), so breeding attempts in the same territory in different years are usually related to the same breeding pair. In all monitoring visits, it was recorded whether birds were present in the territory or not. ‘‘Absence’’ was defined as no member of the pair being visible within 2 km of the nest, for the whole duration of the visit. Potentially disturbing activities were the following: cars (vehicles on roads close to the nests; most observations involved relatively quick passage of cars on roads that were not directly visible from the nest); motorbikes (in many cases outside roads); helicopters; small planes; gliders; paragliders; forestry activities (tree cutting for forestry exploitation); burning (‘‘controlled’’ fire lit to create open areas for grazing); hunting (mainly hunting of wildboars, stags, roe deer and mouflon, by groups of 10–40 people, approaching by car and/or by foot); mountain climbing; fire (criminal, as opposed to burning); intervention (by ornithologists to monitor bearded vulture reproduction); military activities (manoeuvres and military planes); farming/shepherding; photographers (people approaching nests to take pictures or to film); ‘‘walkers’’ (people by foot, including hikers, fishermen or bird watchers), infrastructure works (road or path construction, hydroelectric work or other infrastructures). We wanted to test whether the relationship between distance to the nest and the effect of activities on vulture behaviour changed among types of activities, because this has direct implications for management. For analyses, activities were grouped in five categories according to the type of disturbance as potentially perceived by bearded vultures, as 278 B I O L O G I C A L C O N S E RVAT I O N follows: ‘‘very noisy’’ activities (helicopters, motorbikes, infrastructure works, military activities, forestry activities), ‘‘noisy’’ activities (cars and small planes), ‘‘least noisy’’ (‘‘walkers’’, climbers, photographers, shepherds, ornithologists, gliders, paragliders), ‘‘hunting’’ (which may be noisy, as well as having a visual impact, depending on the size of the hunting group and on whether or not cars and dogs are included, and the number of shooting events) and ‘‘fire’’ (provoked or controlled). A total of 490 observations of human activities occurring within 2 km of a nest were gathered. Every time one of these activities was observed, the following variables were noted: the date, the linear distance to the nest (not including altitudinal differences), the duration of the activity (in minutes) and the behaviour of the birds, if possible. Each observation was coded as follows: whether the birds were present or not (birds were considered as ‘‘absent’’ following human activities when none of the members of the pair was visible within the territory, either at the nest or not, neither during the activity nor afterwards for at least 2 h until the end of the monitoring period); if they were present, whether birds showed a reaction to the activity or not (we defined a bird showing a reaction if the nest was un attended, i.e., if they stood up from the nest, left the nest or flew around the nest without perching). Sometimes, it was not possible to identify the behaviour of the birds because the nest was not directly visible from where the observer was. We did not use those observations for the analyses of behaviour, but we included them in the analyses of frequency of human activities (see below). We also calculated for each breeding attempt the following periods: pre-laying (from October to laying, which usually takes place between late December and early March), incubation (from laying until hatching), nestling, and post-fledging (from first flights to September). Hence, we could allocate a breeding period for those activities occurring in territories where breeding had occurred, and we could calculate also the observation effort (number of visits) for each breeding period. 2.2. Statistical analyses We analysed whether behaviour was affected by disturbing activities with logistic binary regression models, with ‘‘probability of absence’’ and ‘‘probability of reaction’’ as response variables (as binary variables, see Section 2.1), with a Binomial distribution and a logit link function. As explanatory variables, we included breeding period, distance, duration of the activity, and type of activity. Additionally, we included the interactions between type of activity and distance, and type of activity and breeding period, since they have direct implications for management. Observations carried out in the same territory in the same year, or in the same territory across years, are not necessarily independent, given that, for example, there may exist individual differences in reaction probability, or differences related to characteristics of the territory (like topography) that influence reaction. The best way to analyse those type of data is to use mixed models, including ‘‘territory’’ and ‘‘territory * year’’ as random variables. However, such models did not converge with our data set, particularly when including interactions between vari- 1 2 8 ( 2 0 0 6 ) 2 7 6 –2 8 4 ables (such as the interaction between type of activity and distance). Therefore, we used General Linear Models (using the GENMOD procedure in SAS 8.0, SAS, 1988), with a Type 1 analyses, but including ‘‘territory’’, ‘‘year’’ and ‘‘territory * year’’ as fixed effects in all models, before including any other explanatory variable. The significance of all variables was thus calculated once the within- and among-year effect of ‘‘territory’’ was taken into account. Additionally, and to double-check that results obtained that way were not the result of biased sampling across territories, we performed an F-test based on the mean deviance of effects vs. the mean deviance of the interaction between that effect and territory. Our assumption was that, if that test was significant, the significance of the effect itself was not due only to differences between territories. We do not present the results of the Ftests in the paper, but have only discussed results if they were significant. Second, we calculated for each breeding attempt within each territory the total number of human activities recorded for each of the breeding periods (as above). Given that there was variation between territories in observation pressure, we related this figure to the total number of visits to the territory in each of the breeding periods. We evaluated whether frequency of human activities varied among territories and breeding seasons with a General Linear Model analyses, using ‘‘number of human activities’’ as response variable, with a Poisson distribution and a log link function, and using the log of ‘‘observation pressure’’ (number of visits) as an offset, and ‘‘territory’’, ‘‘year’’ and their interaction as explanatory variables. We subsequently evaluated whether the probability of hatching (if laying had occurred), the probability of fledging (if hatching had occurred) or overall breeding success (probability of producing a fledging if laying had occurred) were related to the frequency of human activities in the relevant period. For this, we used General Mixed Model analyses, fitting the response variable to a binomial distribution, and using a logit link function, and including ‘‘territory’’ as a random variable, to control for among territory differences in variables like altitude or individual differences that may also influence breeding success. 3. Results 3.1. Types and seasonal frequency of human activities Of 3561 monitoring visits to the bearded vulture territories, a total of 490 observations of human activities was gathered. The activities most commonly reported close to the nests were helicopter flights, hunting and walkers (Table 1). Timing of those activities varied. Hunting occurred mainly in the prelaying period, because the hunting season coincided temporally with that part of the bearded vulture breeding cycle. Controlled burning occurred most frequently during the incubation and nestling period. Other activities were reported at most times of the cycle (Table 1). Overall, human activities were most frequent in the pre-laying and nestling periods, least frequent during the post-fledging period (Table 1). There were strong differences among territories in the frequency of activities, as seen by the large standard deviation values (Table 1). B I O L O G I C A L C O N S E RVAT I O N 279 1 2 8 ( 2 0 0 6 ) 2 7 6 –2 8 4 Table 1 – Frequency of occurrence of the most common human activities (% of monitoring days in which each type of activity was recorded, data presented as mean ± SD for all territories) in relation to the breeding cycle of bearded vulture Helicopter Walkers Hunting Cars Climbing Planes Burning Infrastructure works Forestry activities Motorcycles Military activities Paragliders Intervention Wildlife photographers Shepperding Gliders Fire Total 3.2. Total Prelaying Incubation Nestling Postfledging 4.09 ± 4.3 3.25 ± 6.7 3.15 ± 4.4 1.72 ± 2.8 1.27 ± 5.0 1.12 ± 2.8 0.91 ± 1.6 0.42 ± 1.0 0.30 ± 0.9 0.23 ± 0.5 0.21 ± 1.0 0.14 ± 0.5 0.12 ± 0.3 0.08 ± 0.3 0.07 ± 0.3 0.05 ± 0.2 0.02 ± 0.1 2.82 ± 4.2 1.87 ± 3.4 5.86 ± 7.8 1.47 ± 3.0 0.92 ± 3.8 0.05 ± 0.2 0.18 ± 0.7 0.22 ± 1.0 0.51 ± 2.1 0.35 ± 1.0 1.03 ± 4.8 0.05 ± 0.2 0.00 ± 0.0 0.00 ± 0.0 0.00 ± 0.0 0.03 ± 0.2 0.00 ± 0.0 1.10 ± 2.0 2.43 ± 4.1 0.65 ± 1.5 0.54 ± 1.4 0.00 ± 0.0 0.89 ± 2.7 1.66 ± 4.0 0.08 ± 0.4 0.21 ± 1.0 0.22 ± 0.5 0.00 ± 0.0 0.00 ± 0.0 0.26 ± 1.2 0.00 ± 0.0 0.00 ± 0.0 0.08 ± 0.4 0.00 ± 0.0 5.31 ± 12.1 2.84 ± 6.4 0.00 ± 0.0 2.22 ± 6.0 0.00 ± 0.0 3.05 ± 9.0 2.02 ± 8.9 0.36 ± 1.1 0.06 ± 0.3 0.17 ± 0.4 0.00 ± 0.0 0.23 ± 1.0 0.07 ± 0.3 0.12 ± 0.5 0.28 ± 1.0 0.06 ± 0.3 0.00 ± 0.0 1.19 ± 3.0 0.93 ± 3.3 0.00 ± 0.0 0.16 ± 0.7 0.11 ± 0.4 0.00 ± 0.0 0.00 ± 0.0 0.00 ± 0.0 1.56 ± 6.3 0.00 ± 0.0 0.00 ± 0.0 0.00 ± 0.0 0.00 ± 0.0 0.00 ± 0.0 0.00 ± 0.0 0.00 ± 0.0 0.00 ± 0.0 17.19 ± 17.25 16.06 ± 17.88 17.31 ± 30.23 3.95 ± 8.37 Behavioural responses to human activities Of the 490 observations in which human activities were recorded, whether the birds were also present could be determined in 375. Birds were absent from the territories in 35% of those cases, almost three times higher than when no human activities were recorded (13%, n = 3186). Occurrence of human activities thus significantly influenced territory attendance (Table 2). The probability of being absent from the territory also depended on the breeding period (Table 2) as, even when no human activities were reported, birds were more frequently absent in the post-fledging (30.3% ± 26.2% of cases, n = 218 observations from 17 territories) or pre-laying periods (20.5 ± 17.1, n = 1267, 23 territories) than either in the incubation (0% ± 0%, n = 738, 20 territories) or the nestling periods (9.98% 7.8, n = 963, 20 territories). There was also a significant interaction between breeding period and disturbance on territory attendance: birds were proportionally more likely to be absent following human activities if those happened in the pre-laying or the post-fledging periods (Table 4). In those cases when human activities were reported, even when taking into account the effect of breeding period, probability of absence depended also on the type of activity (Table Table 2 – Results from the logistic regressions explaining the probability of absence in relation to the breeding period and the occurrence of human activities within 2 km of the nest Variable Probability of absence Df Territory Year Territory * year Breeding period Human activity Period * activity 25 8 97 3 1 3 v2 290.88 20.95 351.20 221.50 106.45 51.35 P 0.0001 0.007 0.0001 0.0001 0.0001 0.0001 8.14 ± 10.47 3). The activity associated with most absences was hunting (Table 4). When birds were present, the probability of showing a reaction to the activity that involved not attending the nest depended significantly on the breeding period (being also highest in the pre-laying period, Table 4), and the type of activity (being highest for hunting and very noisy activities, Table 4). In addition, probability of reaction depended on the distance to the nest (the closer to the nest, the higher the probability), the duration of the activity (the longer the activity, the higher the probability), and on the interaction between type of activity and distance (Table 3). The latter arose because, whereas very noisy activities or hunting elicited responses even if far away from the nest, least noisy activities or cars/small planes were tolerated unless within 500–700 m from the nest (Fig. 1). In all analyses, there were significant differences in response among territories and among breeding attempts within territories (as shown by the ‘‘territory * year’’ interaction, Tables 2, 3). Table 3 – Results from the logistic regressions explaining the probability of absence if human activities were reported, and the probability of birds reacting if they were present Variable Probability of absence Df Territory 20 Year 9 Territory * year 48 Distance (km) 1 Breeding period 3 Type of activity 4 Duration 1 Distance * type of activity 4 Period * type of activity 9 v2 111.87 22.39 138.53 3.09 57.01 12.82 0.00 6.34 14.55 P Probability of reaction Df 0.0001 18 0.008 9 0.0001 21 0.08 1 0.0001 3 0.01 4 0.95 1 0.17 4 0.10 9 v2 P 33.89 35.82 32.53 21.90 42.58 16.55 16.47 9.30 10.01 0.01 0.0001 0.05 0.0001 0.0001 0.002 0.0001 0.05 0.35 280 B I O L O G I C A L C O N S E RVAT I O N 1 2 8 ( 2 0 0 6 ) 2 7 6 –2 8 4 Table 4 – Responses of bearded vultures to human activities in relation to breeding period and type of activity: average ± SD proportion of observations where birds where absent or, if present, the proportion that reacted N % Absent Np % React Breeding period Prelaying Incubation/hatching Nestling Post-fledging 194 64 101 16 53.1 ± 38.5 (19) 0.75 ± 2.5 (11) 10.7 ± 15.9 (14) 58.3 ± 50.0 (4) 52 63 84 9 52.7 ± 47.5 22.2 ± 30.6 31.1 ± 35.8 33.3 ± 47.1 Type of activity Very noisy Noisy Least noisy Hunting Fire 111 71 84 85 24 35.7 ± 34.7 39.3 ± 40.9 26.5 ± 38.3 64.7 ± 27.5 9.25 ± 25.2 (18) (10) (15) (12) (7) 49 51 66 24 18 42.0 ± 33.6 (15) 36.6 ± 29.6 (8) 35.5 ± 42.4 (12) 41.7 ± 51.0 (10) 11.0 ± 6.4 (7) Total 375 34.7 ± 29.5 (22) 205 35.0 ± 30.5 (20) (15) (11) (13) (2) Averages calculated as the average for each territory (in brackets, number of territories). N, number of observations; Np, number of observations where birds were present. 3.3. Relationship between frequency of human activities and breeding success P = 0.018, r2 = 21%). In particular, there was a significant relationship between breeding success and the frequency of very noisy activities during the breeding season (GLIMMIX, F1,107 = 4.19, P = 0.04), but not with the frequency of other activities (P > 0.10). Additionally, there was a significant relationship between the proportion of monitoring days with human activities in which the nest was unattended (either because the birds were absent or because they reacted to a human activity) and the probability of nest success (GLIMMIX, F1,76 = 4.07, P = 0.04). No significant relationship was found between laying date and human activity frequency during the pre-laying period, hatching probability and human activity frequency during the incubation period, or probability of nestling survival and human activity frequency during the nestling period (all P > 0.10). 70 60 50 40 30 20 10 F2 H3 D5 F1 C3 D6 I1 C2 C1 D7 H4 H5 F3 D1 D3 E1 D4 A3 J1 A1 B2 0 A4 Prop ortion of observati ons with disturbance There were strong significant differences between territories and breeding attempts within territories in relation to the frequency of human activities recorded (X 221 ¼ 300:22, P < 0.0001 for ‘‘territory’’; X 28 ¼ 68:12, P < 0.0001 for ‘‘year’’ and X 299 ¼ 224:96, P < 0.0001 for ‘‘territory * year’’). Six (27%) territories had none or very few reported incidences per breeding season, whereas in four (18%) an activity within 2 km of the nest was reported every three or four visits on average (Fig. 2). There were also large between-year variations among territories, as seen by the large standard deviations (Fig. 2). The probability of success decreased with the frequency of human activities reported during the breeding season (GLIMMIX, F1, 72 = 3.67, P = 0.05). Territories where no human activities were reported were on average five times more successful than those where human activities were reported in more than 20% of the monitoring visits (Fig. 3). A regression analyses of the average breeding success for each territory in relation to the average frequency of human activities reported showed a negative significant relationship (F1,20 = 6.60, Fig. 1 – Observed (above) and estimated (below) probability of reaction to a human activity in relation to lineal distance between the activity and the nest, and the type of activity. Fig. 2 – Average (±SD) proportion of monitoring visits in which at least one activity was recorded for each study territory. Proportion of successful attempts B I O L O G I C A L C O N S E RVAT I O N 1 4 (21) 1 2 8 ( 2 0 0 6 ) 2 7 6 –2 8 4 8 (38) 6 (27) 4 (25) 1-9% 10-20% >20% 281 0.8 0.6 0.4 0.2 0 -0.2 None Average frequency of human activities Fig. 3 – Mean (±SD) proportion of successful attempts in relation to the average frequency of human activities reported during the breeding season. Data represent the mean of the average success of all breeding attempts for each territory. Sample sizes: number of territories (number of breeding attempts in brackets). 4. Discussion This study showed that some human activities (particularly when close to the nest) had an influence on bearded vulture behaviour, particularly on the probability of leaving the nest unattended, and that the frequency of human activities in the nest area had an influence on the probability of nest failure. It also showed that the distance at which human activities affected bearded vulture behaviour depended on the type of activity, and that there were significant differences between territories in relation to behavioural reactions. 4.1. Human activities and breeding success As predicted, the frequency of human activities (particularly those activities that were related to a higher frequency of nest unattendance) had a significant probability of affecting nest success. In raptor species with a breeding cycle longer than six months, laying usually occurs at the beginning of winter, so the nestling period (the time with highest energetic needs) coincides with spring (when food abundance is usually at its highest) (Newton, 1979). This means that incubation/hatching usually takes place in the middle of winter; in those conditions, if disturbance causes the departure of the incubating/brooding bird from the nest area, this may engender thermoregulatory problems for the embryo or young nestling, which may ultimately result in embryo or nestling death (Mearns and Newton, 1988; Bradley et al., 1997). In the Pyrenees, the bearded vultures start laying during late December–early March, period during which temperatures frequently fall below 0 "C (Margalida and Garcı´a, 2002). Additionally, appropriate (sheltered) cliffs for nesting are less numerous than in other areas of its breeding range, which may explain why disturbance affected success. The latter result does not take into account individual differences in behaviour, which are important in this and other species (Didier et al., 2002; Van Oers et al., 2004), so human activities do not necessarily have a disturbing effect on all birds. In this study, the effect of human activities on bearded vulture behaviour varied among territories: this may be related to differences in topography between territories, but also on individual differences between the birds. There is high site fidelity among years in this species, except when one of the birds dies. Therefore, ‘‘territory’’ is probably also a synonym of ‘‘breeding pair’’ and thus of individual differences in behaviour. Nevertheless, and despite these individual differences, results in this study show that human activities occurring around the nest sites of bearded vultures in the French Pyrenees had a high probability of affecting their behaviour and, ultimately, their breeding success. Our analyses did not take into account factors such as lay date, breeding density or age of the parents, which are known to influence breeding in this species (Heredia and Margalida, 2001; Margalida et al., 2003). It could also be that disturbance may be a correlate of other variables (e.g., if more frequently disturbed territories are also worse quality territories or occupied by lower quality parents). However, mixed models allow to analyse hierarchical designs (Littell et al., 1996), so our results show that increased disturbance was associated to increased failure probabilities not only across, but within territories and, ultimately, that human activities and disturbance are an important factor on its own. Breeding attempts within territories that were exposed to higher frequency of human activities, and in particular higher frequency of noisy activities within 2 km, had higher probabilities of failure. It would be important to evaluate how this reduced productivity affects population dynamics. As specified in Section 1, average productivity in the French Pyrenees is lower than in some other areas, and could thus improve if the frequency of human activities was limited around the nest areas. In fact, results show that a reduction of human activities in the appropriate areas could potentially improve bearded vulture productivity up to 50% in those areas: as seen from data in Fig. 3, on average 8 fledglings are produced each year from the 22 study territories. If human activities occurred less frequently than 10% in all territories, and productivity in the (currently) disturbed territories increased to the level of those territories suffering less than 10% disturbance, the total productivity could increase to 10 young per year. This calculation is possibly an overestimate, since other factors (such as weather and individual quality) also influence breeding success, but it shows that potentially a relatively simple management measure could impact on the population of this threatened species. 282 B I O L O G I C A L C O N S E RVAT I O N Finally, it is also possible that areas that are frequently disturbed are more likely to be abandoned in subsequent breeding attempts, and thus that disturbance may also have delayed effects on bearded vulture reproduction. This study did not include such an analysis, but it may be worthwhile exploring this issue in the future. Such delayed responses to human disturbance have been observed in other species, like Ferruginous Hawks Buteo regalis (White and Thurow, 1985). Absence from the nest area during the pre-laying period may lead to pair instability (leading the pair to move to another nest or territory). Movements between territories may also be due to other factors, such as competition with Griffon Vultures Gyps fulvus (Razin, 1997; Margalida and Garcı́a-Ferré, 1999), but disturbance and the absence from the nest area for extended periods of time may exacerbate this problem. Since the availability of high quality cliffs is low in the French Pyrenees (Razin, 2003), birds moving territories are likely to occupy lower quality ones in terms of availability of cavities protected from weather, which may have important consequences for bearded vulture breeding. 4.2. Management implications As observed in other species (Grubb and King, 1991), the effect of human activities on bearded vulture behaviour depended on the type of activity and the distance to the nest at which these activities occurred. Furthermore, the effect of distance varied in relation to the type of activity. Assessment of those variations gives input on the best management scenarios to minimise the effect of human activities on bearded vultures since management actions tailored to specific disturbance types may be most effective (Grubb and King, 1991). Very noisy activities (such as infrastructure works, motorbikes, forestry or military activities and helicopters) seemed to be those most strongly affecting bearded vulture behaviour and breeding success. Noise is particularly transmitted in alpine habitats, as relief provokes echoes and increases resonance. These activities thus provoked a reaction in bearded vultures even if far away from the nest (2 km). Breeding success was significantly negatively associated with the frequency of very noisy activities in a territory during a breeding event, as the probability that nests were left unattended was higher in those territories. These activities should, therefore, be largely avoided around the nests in order to maximise bearded vulture productivity. Hunting also strongly affected bearded vulture behaviour during the pre-laying period, as it was associated with the absence of the pair from the territory in a significantly high proportion of cases. Bearded vultures were more frequently absent from the territories in the post-fledging period, even in the absence of human activities. However, hunting increased significantly the probability of absence, which, as specified above, may potentially lead to pair instability. Even when the birds were present, hunting frequently provoked a reaction. This effect also occurred when hunting activities took place at large distances from the nest, which may be associated with the fact that hunting as exercised in the French Pyrenees (with groups of people) is also potentially noisy as well as having a visual impact. 1 2 8 ( 2 0 0 6 ) 2 7 6 –2 8 4 Bearded vultures were relatively tolerant of cars or planes, and to people on foot, if they were more than 500–700 m from the nest. The fact that no relationship was found between bearded vulture breeding success and the frequency of cars/ planes or least-noisy activities (people on foot and gliders) may be related to this distance effect: it is possible that only the frequency of those activities close to the nest (and not their overall frequency) affects bearded vulture breeding. However, it should also be emphasized that topography, visibility and the relative altitudinal distance between the events and the nests are likely to have a strong influence in explaining how bearded vultures react to human activities where visual, not auditory cues are the most important. In particular, most observations of small planes (as specified in the methods) related to planes passing at high altitude (above the relief), so the actual distance was larger than the linear distance of 500–700 m described. Additionally, most observations of cars involved relatively quick passage (rather than parked) on roads that were not directly visible from the nest: bearded vultures choose sites, if possible, that are far away from roads (Donázar et al., 1993). Visibility and position in relation to the nest significantly influenced whether Bald Eagles Haliaeetus leucocephalus reacted to human activities (Grubb and King, 1991). Future work with bearded vultures should include the analyses of those variables (topography, visibility and altitudinal distance) in order to adjust the exact distances at which buffer zones should be implemented. In the meantime, it is probably safer to assume that such activities are not detrimental to bearded vultures beyond 500– 700 m from the nests, provided they are not within direct sight of the nest. Even if breeding failure was related to the frequency of human activities, there did not seem to be a particular period where disturbance was most important in terms of leading to failure. In the Spanish Pyrenees breeding success was overall related to the failure during the hatching and incubation periods (Margalida et al., 2003). We could have thus expected that, if breeding success is influenced by disturbance, it would be during the incubation period that it would be mostly manifested. However, our analyses did not identify that disturbance during the incubation period was more important in determining breeding success than disturbance at other times. One of the reasons for that may be that our analyses do not have enough power to detect differences when analysing data per period (given the smaller sample size in that case). On the other hand, in the French Pyrenees, nest failure does not happen more frequently in the incubation/hatching than in the nestling period. Of 64 failures recorded between 1994 and 2002, half of them occurred during the incubation (29.7%) and the hatching (23.4%) periods, whereas a large proportion (46.9%) of nest failures occurred during the nestling period (particularly in the first month after hatching, 35.9% of failures, M. Razin, unpubl. data). Weather in March–April (when hatching has occurred) is more humid and cold in the French than in the Spanish Pyrenees, which may explain the nestling deaths if nestlings are unattended. Disturbance during the pre-laying period (October–December) also seemed to be important, as stated above, to allow bearded vultures to settle in good nest areas, which are limited. A strong effort should probably be directed to avoid disturbance during B I O L O G I C A L C O N S E RVAT I O N incubation and the first part of the nestling period (end of December to end of April), but it probably would be important that a ‘‘tranquillity’’ zone around the nest is kept year-round (avoiding noisy activities up to 2 km, and other activities close – <500–700 m – to the nest), in order to enhance bearded vulture stability and productivity. Overall, frequency of human activities varied between territories and between years within territories. Weather may possibly explain annual differences in the frequency of disturbance: access to some sites in the French Pyrenees may be precluded by snow. Results also showed that some territories were much more prone than others to suffer disturbance from human activities. The precautionary principle would probably dictate that protective measures should be implemented more intensively in these disturbed areas. In summary, this study showed that human activities have a direct effect on bearded vulture behaviour, increasing the likelihood that nest areas would be unattended. Although important factors potentially explaining breeding success could not be controlled for, results also point that an increased probability of nest failure occurred in those areas where disturbance was more frequent. The types of activities that appeared to have stronger effects were very noisy activities and hunting. It will be important to evaluate in the future whether there are any delayed effects of disturbance on bearded vulture breeding (particularly, in increasing the probability of territory or nest change in subsequent years), and the importance of topography on explaining bearded vulture’s reaction to disturbance. Conservation measures based on these results may minimise detrimental effects of human activities on bearded vultures in the French Pyrenees. Acknowledgement We thank all observers (voluntary or professional) that have contributed to systematically and rigorously collect data for this study, and all groups that form part of the Casseur D’os (bone-breaker) network and that have participated in the monitoring of the bearded vulture population in the northern versant of the Pyrenees. In particular, we thank I. Rebours from Saiak, D. Rousseau and L. Vilagines from Nature MidiPyrénées, C. Gautier from Cerca Nature, P. Beaupère from the Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO), and the staff from the Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), the Office National des Forêts (ONF) and the Réserve Naturelle de Jujols. We also thank the Atelier Technique des Espaces Naturels from organising a training workshop in cooperation with the LPO, during which the observation sheet for noting data on the field was developed. We also thank the steering group of Recovery Plan for the bearded vulture in the Pyrenees, lead by the Direction Régionale de l’Environnement in Aquitaine, for allowing and encouraging this study to increase our understanding of the needs of bearded vultures. We finally thank Antoni Margalida, Rafael Heredia, Jean Francois Terrasse, Jean-Claude Thibault, Mick Marquiss, Gary Bortolotti and two anonymous referees for ideas and comments on the manuscript, and Dave Elston for statistical advice. 1 2 8 ( 2 0 0 6 ) 2 7 6 –2 8 4 283 R E F E R E N C E S Bakaloudis, D.E., Vlachos, C., Papageorgiou, N., Holloway, G.J., 2001. Nest-site habitat selected by Short-toed Eagles Circaetus gallicus in Dadia forest (northeastern Greece). Ibis 143, 391–401. Bradley, M., Johnstone, R., Court, G., Duncan, T., 1997. Influence of weather on breeding success of Peregrine Falcons in the Arctic. Auk 114, 786–791. Bright, A., Reynolds, G.R., Innes, J., Waas, J.R., 2003. Effects of motorised boat passes on the time budgets of New Zealand dabchick, Poliocephalus rufopectus. Wildlife Research 30, 237–244. Burger, J., 1998. Effects of motorboats and personal watercraft on flight behavior over a colony of Common Terns. Condor 100, 528–534. 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En 1987 la première réintroduction en France a lieu sur la commune du Reposoir. Le choix des sites avait été effectué après une étude approfondie des facteurs écologiques et humains. La Haute Savoie est l'un des 4 sites alpins qui vont faire l'objet de ces réintroductions avec le parc de Hohe Tauern en Autriche (depuis 1986), le parc d'Engadine en Suisse (depuis 1991) et le site franco italien des parcs du Mercantour et Alpi Maritime (depuis 1993) En 1994 un couple de gypaètes se constitue dans la vallée du Reposoir. En 1996 les deux jeunes gypaètes réintroduits font l'objet d'attaques régulières mais sans conséquences majeures, de la part du couple installé. En 1997 ce couple donne naissance au premier jeune gypaète né dans la nature, depuis sa disparition de l'arc alpin au début du siècle. Il n'y a pas de réintroduction cette année du fait d'un nombre insuffisant de naissances en captivité. 2. Motivation de la recherche d'un nouveau site : En 1998, suite aux interactions constatées en 1996 entre la réintroduction des deux jeunes et le couple installé, une étude approfondie est menée du 20 mai au 11 août. 2.1 Les 49 contacts entre les adultes et les jeunes réintroduits étudiés durant cette période mettent en évidence l'augmentation de leur intensité et de leur gravité par rapport à l'année de comparaison 1996. 3 de ces contacts auraient pu se terminer par la mort de l'un des oiseaux réintroduits. 2.2 Les jeunes réintroduits ont du quitter le site respectivement à 31 et 45 jours pour une durée comparée qui avait été de 52 et 68 jours pour les jeunes de l'année 1996 confirmant les moyennes des années précédentes. L'étude des temps de vol journaliers et la qualité des perchoirs nocturnes montre que l'émancipation des jeunes réintroduits en 1998 était loin d'être satisfaisante au moment où ils quittent le site. 2.3 Le site de réintroduction Autrichien de la vallée de Rauris confronté au même problème, recherche également un nouveau site de réintroduction. 3. Méthode : Dès les premières conclusions de l'étude une réunion fin août a permis de définir la méthode de recherche du nouveau site de réintroduction. 3.1 consultation de la carte élaborée en 1981 sur les sites potentiels de Haute-Savoie dans le cadre de l'étude préalable à la première réintroduction. 3.2 Cahier des charges élaboré à la lumière de l'expérience acquise après 10 années de réintroduction : exposition du versant excluant tous les ubacs de nord ouest à nord est. présence de falaises de 300 m minimum avec vires et perchoirs. altitude permettant d'être largement au dessus de la forêt (danger majeur pour les jeunes lors de leurs premiers vols) mais permettant également un déneigement rapide en mai et juin. accessibilité bonne et hébergement potentiel pour l'équipe de surveillance. pas de menaces majeures : mortalité par câbles, dérangement par sports de montagne ou activités perturbantes. disponibilité alimentaire proche pour vols de reconnaissance post émancipation. 3.3 exclusion de massifs à priori : Territoire du couple : Bargy et versant Clusaz, Grand Bornand, Manigod de la chaîne des Aravis. Massifs à forte fréquentation : Parmelan, Tournette. Massifs éloignés : Haut Chablais. 3.4 prospection sur 11 sites sélectionnés par les professionnels de l'APEGE :gardes des réserves naturelles et équipe Gypaète 4. Résultats : Sur les 11 sites visités de septembre à novembre 1998, 9 ne sont pas retenus car cumulant deux facteurs défavorables au moins. 2 sites sont potentiellement favorables. Ils sont tous deux situés dans le massif des Aravis versant est, sur la commune de Sallanches. Mayère répond à l'ensemble des critères du cahier des charges et présente l'avantage d'être accessible tôt en début de saison, mais comprend un problème sérieux lié à la proximité d'un altiport. Doran répond à l'ensemble des critères. C'est un site cartographié dans l'inventaire de 1981. Ce site est situé à 8km de l'aire du couple nicheur. Les aspects pratiques restant à préciser : l'accès très tôt en début du mois de mai les possibilités d'hébergement (refuge grande capacité, plusieurs chalets d'alpage) l'organisation de l'accueil des randonneurs en juillet, août sur la base de l'expérience acquise sur le précédent site de Montarquis.(prévoir un animateur terrain). Tableau de synthèse des différents sites potentiels visités à l'automne 1998 Massif & site Mt Blanc Paturages de Miage Commune Exposition Altitude mini maxi 1500 3000 Potentiel alimentaire Faible Grottes & vires Faible potentiel Accès St Gervais Sud ouest Haut Giffre Chalet du Boret Sixt fer à Cheval Sud est 1400 2500 Fort bouquetins moutons ? Chemin jeepable dans la réserve & 40mn à pied Haut Giffre Samoens Combe de Gers Est sud est 1500 1900 ? Potentiel préciser Buet Emosson Loriaz Vallorcine Sud est 2000 2700 Faible Bouquetin Chamois Potentiel préciser Aravis chalets de coeur Sallanches Est 1700 2200 Rien sauf une vire exposée Bon chemin 8 chalets Altiport jeepable déjà très utilisés Aravis Mayère Sallanches Est 1500 2000 Bon Chamois bouquetin mouton Bon chamois bouquetin mouton Bon potentiel Très bon chemin jeepable même tôt en saison Potentiel préciser Aravis Doran Sallanches Sud est 1500 2500 Très bon chamois bouquetin mouton Bonnes grottes mais altitude un peu forte Bon chemin jeepable sauf tôt en saison Chemin jeepable difficile Refuge grande capacité chalets d'alpage ? Chemin jeepable avec autorisation Menaces Glaciers Chutes neige tardives Précipitations abondantes Fréquentation importante Câble à Bon chemin Bâtiments 400000v jeepable de la Fréquentacommune tion Samoens importante à Long chemin Chalets de Câble 400000v jeepable Loriaz Altitude importante Chaîne des Sallanches Fiz Véran Sud 1600 2400 Bouquetins moutons Roc d'Enfer Taninges Alpage du Foron Roc d'Enfer Mieussy Chalune Sud 1500 2200 Chamois mouflons Sud est 1500 1850 Chamois monflons Grottes très difficiles d'accès Grottes difficiles d'accès Mauvaise exposition Roc d'Enfer Chavasse Sud ouest 1600 1800 Chamois monflons Falaises trop petites Mieussy Hébergt potentiel Eventuel gîte étape Peu évident à Altiport & Bon chemin Plusieurs jeepable chalets d'alpage Bon chemin Plusieurs jeepable & chalets 30mn à pied d'alpage Bon chemin Nombreux jeepable chalets déjà très utilisés Nidification potentielle adultes. Escalade Braconnage Braconnage Câbles de la station de Sommand “CONSERVATION DU GYPAETE BARBU DANS LES ALPES FRANCAISES” PROJET N° B4-3200/98/455 PROTOCOLE COMMUN DE REINTRODUCTION ET DE SUIVI DES GYPAETES BARBUS DANS LES ALPES FRANCAISES Agir pour la Sauvegarde des Territoires et des Espèces Remarquables ou Sensibles Parc national du Mercantour ASTERS Parc national du Mercantour LIFE “ Conservation du Gypaète barbu dans les Alpes françaises ” - Protocole commun de réintroduction et de suivi des gypaètes barbus dans les Alpes françaises - décembre 2000 1 / 22 ASTERS, Agir pour la Sauvegarde des Territoires et des Espèces Remarquables ou Sensibles. PNM, Parc national du Mercantour. A partir de l’expérience de 11 saisons de réintroduction en Haute-Savoie, de 4 saisons dans les Alpes-Maritimes et des échanges avec les différents sites du programme européen GENG Matthieu, HEURET Julien, ROUILLON Antoine - ASTERS. • • • • • • LEQUETTE Benoît et PERFUS Monique - Parc national du Mercantour. FREY Hans - Foundation for the Conservation of the Bearded Vulture, Université de médecine vétérinaire de Vienne (Autriche). TARIEL Yvan, COTON Christophe et CLEMENTE Céline - Ligue pour la Protection des Oiseaux, Mission Fonds d’Intervention pour les Rapaces. RAZIN Martine - Coordination casseur d’os Pyrénées, Ligue pour la Protection des Oiseaux, Mission Fonds d’Intervention pour les Rapaces. VODINH Juliette - Comité Scientifique des Réserves Naturelles de Haute-Savoie. DELESTRADE Anne - Centre de Recherche sur les Ecosystèmes d’Altitude, Chamonix. LIFE “ Conservation du Gypaète barbu dans les Alpes françaises ” - Protocole commun de réintroduction et de suivi des gypaètes barbus dans les Alpes françaises - décembre 2000 2 / 22 SOMMAIRE PREAMBULE. …………………………………..………………………………………p. 3 OBJECTIFS. ………………………………….…………………………………………p. 4 LE LACHER. …………………………………………………………………………… p. 6 A - Préparation. ……………………………………..………………………..… p. 6 B – Mise en place des oiseaux. ……………………………………………… p. 7 SUIVI ET SURVEILLANCE. ……………………………………..…………………… p. 8 A - Organisation. ………………..……………………………………………… p. 8 B - Phase pre-envol. …………………………………………………………… p. 9 C - L’envol. ……………………………………………………………………… p. 10 D - Phase post-envol. ………………………………………..……..…….…… p. 10 BILAN DE LA SAISON DE REINTRODUCTION ET OPTIMISATION DES METHODES DE REINTRODUCTION. ……………………………………………………………… p. 13 A - Contenu du rapport annuel sur chaque site. ……………………….…… p. 13 B - Diffusion du rapport. …………………………………………..…………… p. 14 AUTRES ACTIONS. ……………………………………………………………………p. 15 A - Suivi après-départ du site de réintroduction. …………………………… p. 15 B - Suivi scientifique. ………………………………………………...………… p. 15 C - Information et prévention. ………………………………………………… p. 15 REFERENCES. ………………………………………………………………………… p. 16 ANNEXES. ……………………………………………………….…………………….. p. 17 1 - Marquage des oiseaux. …………………………………………………… p. 17 2 - Mode d’emploi de la fiche de suivi sur site de réintroduction. ………... p. 18 3 - Fiche de suivi sur site de réintroduction. …….………………………….. p. 19 4 - Qualité d’observation. …………………….………………………….……. p. 20 5 – Situation météo et registre des dépôts de nourriture. ………….……… p. 21 6 – Exemples des graphiques des séries de battements d’ailes, des temps de vol cumulés et des perchoirs nocturnes. …………………….…….……….. p. 22 LIFE “ Conservation du Gypaète barbu dans les Alpes françaises ” - Protocole commun de réintroduction et de suivi des gypaètes barbus dans les Alpes françaises - décembre 2000 3 / 22 PREAMBULE Le programme international de réintroduction du Gypaète barbu dans les Alpes s’intègre dans un vaste plan de conservation de l’espèce sous l’égide de la FCBV (Foundation for the Conservation of the Bearded Vulture). Il se concrétise par le lâcher dans le milieu naturel, de jeunes oiseaux nés en captivité. Leur installation dans une grotte aménagée s’effectue quelques semaines avant la date présumée d’envol, pour permettre aux poussins de se familiariser avec leur environnement. Durant l’élevage, les manipulations par l’homme auront été limitées au strict minimum, de manière à réduire tout risque d’imprégnation. Durant la phase pre-envol, et sauf en cas de problèmes liés à leur sécurité ou à leur santé, les jeunes n’ont plus de contact avec l’homme. L’apport de nourriture se fait de préférence de nuit ou à défaut, à leur insu. Nous appellerons, « suivi », l’observation et la récolte de données à partir d’un certain nombre d’indicateurs biologiques ou comportementaux. Il s’étale du lâcher au 30ème jour après l’envol du dernier oiseau. Il permet de s’assurer que l’émancipation se déroule dans de bonnes conditions, et que les oiseaux quittant le site, montrent de bonnes aptitudes à survivre en milieu naturel. Par ailleurs, nous appellerons, « surveillance », la veille sur l’ensemble du site afin d’assurer la sécurité des oiseaux. Idéalement la présence de surveillants se répartit du lâcher au départ du site du dernier oiseau. Le suivi après le départ du site, dépendra du fonctionnement du réseau d’observateurs et des déplacements des oiseaux. LIFE “ Conservation du Gypaète barbu dans les Alpes françaises ” - Protocole commun de réintroduction et de suivi des gypaètes barbus dans les Alpes françaises - décembre 2000 4 / 22 OBJECTIFS A - OBJECTIFS PRIORITAIRES : Suivi de l’émancipation et de l’état sanitaire apparent des oiseaux • Vérifier les indicateurs de progression : ∗ Pre-envol : • Séries de battements d’ailes. ∗ Post-envol : • Temps de vol. • Perchoirs nocturnes. • Indépendance alimentaire. • Evaluer des éventuels symptômes pour un diagnostic rapide en cas de : ∗ Pathologies. ∗ Blessures. ∗ Déficit comportemental ... Surveillance de l’environnement des oiseaux • Naturel : ∗ Veiller au choix d’une grotte protégée des intempéries et des prédateurs potentiels. ∗ Limiter les effets négatifs pouvant être entraînés par la concurrence intra interspécifique. • Humain : ∗ Limiter les perturbations intentionnelles (affûts photo, curiosité ...). ∗ Limiter les perturbations non intentionnelles (escalade, parapente, randonnée ...). Optimisation des méthodes de réintroduction Evaluation des méthodes de lâcher, de suivi et de surveillance. LIFE “ Conservation du Gypaète barbu dans les Alpes françaises ” - Protocole commun de réintroduction et de suivi des gypaètes barbus dans les Alpes françaises - décembre 2000 5 / 22 B - OBJECTIFS SECONDAIRES : Autres actions Suivi après départ du site : Permet de contrôler l’état général apparent des oiseaux. Suivi scientifique : Biologie, éthologie de l’espèce et autres ... ∗ Etudes ponctuelles. ∗ Programmes pluriannuels. Etc., … LIFE “ Conservation du Gypaète barbu dans les Alpes françaises ” - Protocole commun de réintroduction et de suivi des gypaètes barbus dans les Alpes françaises - décembre 2000 6 / 22 LE LÂCHER A - PREPARATION : • Date de lâcher: Objectif : Assurer de bonnes conditions de vie aux oiseaux et le maximum de sécurité aux observateurs. Le choix de la date dépend de l’âge des oiseaux disponibles, du site de réintroduction et de l’enneigement. Le lâcher a lieu entre début mai et fin juin (exceptionnellement début juillet). • Aspect réglementaire : Au niveau national, veiller à ce que la personne qui transporte, pour réintroduction, les gypaètes barbus sur le territoire français ait une autorisation du Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement. En effet, le Gypaète barbu est concerné par l’arrêté ministériel du 9 juillet 1999, fixant la liste des espèces protégées menacées d’extinction (article L 211-1 du code rural). L’autorisation de transport pour réintroduction du gypaète barbu reste de la compétence du ministère en application du décret du 31 mars 1999 modifiant le décret du 15 janvier 1997. Au niveau international, si l’oiseau vient d’un centre d’élevage suisse ou transite par ce pays, le transport doit se faire dans le cadre de la CITES, la Suisse ne faisant pas partie de l’Union Européenne. • Préparation du site : Objectif : Avoir une grotte abritée pour recevoir de jeunes gypaètes en toute sécurité dans un site de lâcher leur préservant un maximum de tranquillité. Il est important d’effectuer une visite et un aménagement de la grotte avant le lâcher. Penser à la protection contre les éventuels prédateurs, à l’accessibilité pour l’équipe de surveillance, à réduire au maximum les problèmes éventuels d’humidité et de chute d’éléments solides dans la grotte ou à proximité. Installer, éventuellement, un balisage de la zone de réintroduction pour éviter les risques de fréquentation par d’éventuels randonneurs ou curieux. • Moyens humains : Objectif : Assurer un suivi efficace garantissant une connaissance journalière de l’état sanitaire et de l’émancipation des oiseaux, ainsi qu’une bonne surveillance. L’équipe comprend trois personnes au minimum. Un encadrant qui doit être présent suffisamment à l’avance afin de préparer l’ensemble de l’opération. Il doit avoir des connaissances en biologie, en gestion de la faune et/ou en soins vétérinaires, avec une expérience du suivi et/ou de la réintroduction d’espèces et doit être joignable à tout moment. Il sera secondé dans le suivi par deux ou trois autres personnes présentes simultanément, permettant le suivi minimum quotidien (pendant la plus grande partie de l’activité diurne des oiseaux) depuis le jour de la réintroduction jusqu’au jour de l’arrêt de la surveillance. Celles-ci ne doivent pas obligatoirement avoir des compétences préalables sur l’espèce Gypaète barbu, mais doivent être motivées par le suivi. Elles feront l’objet d’une formation préalable. • Matériel : LIFE “ Conservation du Gypaète barbu dans les Alpes françaises ” - Protocole commun de réintroduction et de suivi des gypaètes barbus dans les Alpes françaises - décembre 2000 7 / 22 Objectif : Réaliser un suivi des oiseaux avec la plus grande précision. C’est à dire, observer et consigner au mieux les comportements des oiseaux et contacter les personnes compétentes, le plus rapidement possible, en cas de problème. Il est nécessaire que l’équipe de suivi ait à sa disposition du bon matériel optique (plusieurs paires de jumelles, une longue-vue), plusieurs exemplaires de la fiche de suivi sur site de réintroduction (annexe 3), ainsi que le mode d’emploi de celle-ci (annexe 2). Fournir également, une fiche de marquage des oiseaux de l’année lâchés sur le site, une montre, un chronomètre par oiseau (en particulier pour relever les temps de vol), de quoi écrire en conditions difficiles (stylos bille, tablettes ...) et des radios (ou téléphones portables). • Données biologiques : Objectif : Sexer l’oiseau et entrer son patrimoine génétique dans la base de données de la FCBV (Foundation for the Conservation of the Bearded Vulture). Connaître la situation pondérale de l’oiseau (état initial). Vérifier que la prise de sang a été réalisée, avant le transport de l’oiseau vers la grotte de lâcher. Peser l’oiseau, avant le transport vers la grotte de lâcher. • Marquages : Objectif : Individualiser le suivi des oiseaux sur le site de réintroduction puis par le réseau d’observateurs. Permettre une identification certaine de l’individu en cas d’observation des bagues. Ils se font suivant le plan de marquage et le code baguage de la F.C.B.V. Les effectuer, avant le transport de l’oiseau vers la grotte de lâcher (Voir annexe 1). Prévoir, lorsque cela est possible, le baguage avant le transport vers le site de lâcher (aspect réglementaire). NB : Le recueil des données biologiques ainsi que les marquages gagnent à être effectués la veille du jour de la réintroduction, en prenant le temps nécessaire et avec un public restreint. B - MISE EN PLACE DES OISEAUX : • Transport jusqu'à la grotte : Objectif : Assurer une tranquillité et un confort maximal aux oiseaux pendant le transport jusqu’à la grotte afin d’éviter tout stress inutile. Il est nécessaire d’opérer le plus silencieusement possible en limitant les manipulations des jeunes au strict minimum et en limitant la présence d’observateurs extérieurs. Le transport se fera dans des caisses fermées, d’une taille adaptée et bien aérées. LIFE “ Conservation du Gypaète barbu dans les Alpes françaises ” - Protocole commun de réintroduction et de suivi des gypaètes barbus dans les Alpes françaises - décembre 2000 8 / 22 SUIVI ET SURVEILLANCE A - ORGANISATION : • Formation de l’équipe de suivi : Objectif : Garantir une observation de qualité ainsi qu’une prise de note représentative de l’activité des oiseaux. Prévoir une explication du fonctionnement de la fiche de suivi et mise en pratique sur le terrain avec l’encadrant pendant une demi-journée minimum, puis vérifier régulièrement que les consignes ont été bien intégrées. • Utiliser le mode d’emploi de la fiche de suivi (annexe 2) et la fiche (annexe 3) prévus pour le suivi. • Contrôle : Objectif : Permettre au responsable d’évaluer quotidiennement le bon déroulement du lâcher en matière de sécurité et d’état sanitaire des jeunes à partir des critères relatant leur émancipation. Permettre l’action rapide (après décision du responsable de la réintroduction) rapidement en cas de nécessité. Sortir des synthèses partielles, si nécessaire. Le responsable doit faire un bilan chaque soir en consultant les fiches d’observations de la journée. Le responsable réalisera la saisie de données régulièrement. Ne pas hésiter à contacter, si nécessaire, des personnes expérimentées. • Paramètres à prendre en compte : Objectif : Suivre quotidiennement l’état sanitaire et l’émancipation des oiseaux. Le principe est de suivre différents indicateurs, essentiellement comportementaux, qui sont censés refléter la condition physique de l’oiseau et la qualité de son émancipation. Ces indicateurs peuvent évoluer avec la maturité des oiseaux. La fiche de suivi (annexe 3) fournie permet de noter, de manière standardisées les informations pour en autoriser une analyse comparative avec les données issues des lâchers antérieurs sur le même site et, éventuellement, sur les autres sites. • Poste d’observation : Objectif : Garantir le confort de travail et la sécurité de l’observateur, tout en permettant la quiétude des oiseaux. Le poste d’observation doit garantir une accessibilité aisée et en toute sécurité pour les observateurs. Il est conseillé de prévoir un abri léger permettant une protection de l’observateur en cas d’intempéries importantes. La distance entre l’observateur et la grotte doit être un compromis entre une observation précise et un dérangement réduit au minimum. Selon la topographie, il est donc souhaitable qu’elle soit d’au moins 200 mètres. Essayer d’avoir un angle de vue le plus large possible afin d’être bien placé en cas de départ éventuel des oiseaux “à pied” ou lors de leurs premiers vols. Le point d’observation doit permettre, éventuellement, d’intervenir en cas de dérangements extérieurs anthropiques ou naturels (prédateur). • Début de la période de suivi et de surveillance : Dès l’instant où les oiseaux sont déposés dans la grotte. LIFE “ Conservation du Gypaète barbu dans les Alpes françaises ” - Protocole commun de réintroduction et de suivi des gypaètes barbus dans les Alpes françaises - décembre 2000 9 / 22 B - PHASE PRE-ENVOL : • Nourrissage : (arrêté interministériel du 7 août 1998 relatif à l’élimination des cadavres d’animaux et au nourrissage des rapaces nécrophages). Objectif : Assurer aux gypaètes la quantité nécessaire de nourriture dont ils ont besoin, sous une forme assimilable et dont la nature ne les mette pas en danger. Veiller à ce que les oiseaux aient toujours de la nourriture à disposition, au minimum 500 g par jour et par oiseau. La taille des morceaux carnés n’est pas très importante. Cependant il faut veiller à les préparer (lacérer la peau, couper les tendons, fracturer les gros os si nécessaire). Il est possible de donner des animaux entiers jusqu'à la taille du lièvre. La nourriture doit être décongelée et constituée d’os et de viande. Il est important de ne pas donner d’oiseaux, de carnivores, d’animaux risquant de comporter des plombs de chasse (risque de saturnisme) ou d’animaux dont la cause de la mort n’est pas connue avec certitude (risque d’empoisonnement). Le dépôt de nourriture doit s’effectuer hors de la période d’activité diurne des oiseaux. Tenir un registre (annexe 5) des dépôts de nourriture (date, quantité et nature). • Horaires : Objectif : couvrir la période d’activité diurne des oiseaux permettant de s’assurer de la sécurité, de l’état sanitaire et de la progression des oiseaux. L’activité des oiseaux nécessite, la présence d’une personne de 8h00 à 18h30. Cependant, une surveillance peut être mise en place une heure plus tôt le matin et une demi-heure plus tard le soir. On effectuera un relais au milieu de la journée entre deux observateurs. • Suivi comportemental : Objectif : Détecter tout incident dans le développement et l’état sanitaire des oiseaux, qu’il s’agisse de problèmes physiologiques ou comportementaux. La prise de nourriture : Il est important de surveiller que les oiseaux aient, au moins, une prise réelle de nourriture par jour. Si un oiseau ne mange pas pendant 2 jours, il faut s’inquiéter. Fiente : Du fait de sa brièveté il est facile de manquer l’observation de ce comportement. Cependant, si aucune production de fiente n'est observée dans la journée, il faut être particulièrement attentif à la production de fientes durant le jour qui suit. Aspect du plumage et entretien : Un plumage mal entretenu doit être source d’inquiétude. Si un oiseau ne prend aucun soin de son plumage pendant deux jours de suite, il faut le surveiller attentivement. Déplacements : Un oiseau qui reste prostré pendant une période supérieure à une journée doit être surveillé attentivement. Relations intra et interspécifiques : Les relations entre les jeunes réintroduits dans la grotte de lâcher sont inévitables et sont même une source de socialisation. Il est important de les surveiller, afin de détecter toutes blessures pouvant être provoquées par les contacts ou des comportements de dominance trop affirmés risquant de traumatiser un des jeunes. Si une dominance trop marquée empêche l’un des oiseaux de s’alimenter correctement, mettre en place deux points d’alimentation distincts dans la grotte. LIFE “ Conservation du Gypaète barbu dans les Alpes françaises ” - Protocole commun de réintroduction et de suivi des gypaètes barbus dans les Alpes françaises - décembre 2000 10 / 22 Il arrive que l’un des problèmes soulevés ci-dessus se produise isolément. Bien que ceci ne traduise pas forcément une situation dramatique, le suivi doit être plus attentif. Si des perturbations sur plusieurs des aspects cités ci-dessus se confirment, une surveillance accrue doit être mise en place et une intervention éventuelle peut-être préparée. Ne pas hésiter à se mettre en relation avec des personnes expérimentées. Cependant, il faut garder à l’esprit qu’une éventuelle intervention reste extrêmement délicate et devra faire l’objectif d’une décision du responsable de la réintroduction et être pratiquée uniquement par du personnel ayant l’expérience requise. • Séries de battements d’ailes : Objectif : Evaluer quantitativement la progression du développement physique et comportemental de l’oiseau. Le nombre de séries de battements d’ailes est noté par oiseau, sans tenir compte du nombre de battements par série. C - L’ENVOL : • Age des oiseaux à l’envol : Les informations présentées ci-dessous n’ont qu’un objectif informatif. Elles ont été calculées avec les données de 5 sites pour 74 oiseaux réintroduits : ∗ âge moyen d’envol : 117 jours. ∗ âge maximum d’envol : 130 jours. ∗ âge minimum d’envol : 101 jours. Le départ prématuré de la grotte de lâcher n’est pas exceptionnel, et se traduit le plus souvent par des déplacements des jeunes oiseaux à pied ou par un envol accidentel. Cependant, si le départ intervient avant l’âge de 100 jours, il est souhaitable de consulter le responsable de la réintroduction et d’envisager une recapture pour une remise en place dans la grotte. Dans ce cas la capture de l’oiseau se fait en fin de journée, lorsque la lumière décline légèrement, à l’aide d’une couverture. Une caisse adaptée est nécessaire en cas de transport jusqu’à la grotte. NB : dans le cas où l’on décide d’effectuer un suivi après départ du site, dynamiser le réseau d’observateurs dès l’envol d’un oiseau en indiquant une date pour l’échéance théorique des premières observations en dehors du site (environ un mois après l’envol de l’oiseau). D - PHASE POST-ENVOL : • Nourrissage : (arrêté interministériel du 7 août 1998 relatif à l’élimination des cadavres d’animaux et au nourrissage des rapaces nécrophages). Objectif : Assurer aux gypaètes la quantité nécessaire de nourriture dont ils ont besoin, sous une forme assimilable et dont la nature ne les mette pas en danger. Le point de nourrissage doit être réalisé sur un point haut où les oiseaux se sentiront dominants, et d’accès par la voie des air assez aisé. L’emplacement de ce point de nourrissage doit être identifié avant l’envol prévu et mis en place au plus tard le soir même de l’envol du premier oiseau. Il est important de s’assurer que ce point est repéré rapidement (le jour même), et fréquenté (au plus tard quatre à cinq jours après l’envol) au moins une fois par jour par les oiseaux. Ne pas hésiter à déplacer le point de nourrissage en cas de non visite persistante des oiseaux. La localisation du point de nourrissage doit garantir la tranquillité des oiseaux. Un apport ponctuel pourra être effectué ailleurs selon le comportement d’un oiseau. LIFE “ Conservation du Gypaète barbu dans les Alpes françaises ” - Protocole commun de réintroduction et de suivi des gypaètes barbus dans les Alpes françaises - décembre 2000 11 / 22 Un oiseau a besoin d’environ 500 g de nourriture journalière. Cependant, la présence d’autres espèces nécrophages sur les sites, impose un dépôt plus important de nourriture. Il est souhaitable qu’un stock de nourriture soit toujours disponible. Alimenter le point de nourrissage hors de la période d’activité diurne des oiseaux. La qualité de la nourriture doit être la même que celle des apports dans la grotte. Il est important de ne pas donner d’oiseaux, de carnivores, d’animaux risquant de comporter des plombs de chasse (risque de saturnisme) ou d’animaux dont la cause de la mort n’est pas connue avec certitude (risque d’empoisonnement). Privilégier les morceaux volumineux qui ne sont pas un handicap pour les gypaètes et qui seront moins facilement emportés par des charognards terrestres. Essayer de mettre en place des moyens de dissuasion des concurrents et prédateurs (urine, naphtaline), tout cela devant être inaccessible par les oiseaux. L’arrêt des apports de nourriture se fait au plus tard lorsque les oiseaux sont âgés de 180 jours. Il est conseillé d’interrompre progressivement les apports à partir du moment où les oiseaux exploitent de la nourriture ailleurs et ne visitent plus régulièrement le point de nourrissage. Tenir à jour le registre (annexe 5) des dépôts de nourriture (date, quantité, nature). • Horaires : Objectif : Assurer une surveillance constante de l’oiseau pendant son activité diurne, relever les données permettant le suivi des temps de vol et la qualité des perchoirs nocturnes. Le suivi post-l’envol, doit couvrir l’ensemble de la période d’activité diurne des oiseaux. Il est, de plus, souhaitable que le suivi soit effectué par deux personnes lors des périodes de forte activité des oiseaux (en général de 7h30 à 12h00 et de 15h30 à 18h00). Il convient également d'être particulièrement attentif en fin de journée pour le repérage du perchoir nocturne. • Poste d’observation : Il n’est pas nécessairement le même que celui utilisé durant le suivi pre-envol. Il doit permettre d’observer la plus grande partie du site, afin d’assurer un suivi correct des oiseaux volants et une intervention rapide en cas de dérangement. Il ne doit donc pas être trop éloigné de la zone principale d’activité des oiseaux. • Suivi comportemental : Objectif : Détecter tout incident dans le développement et l’état sanitaire des oiseaux, qu’il s’agisse de problèmes physiologiques ou comportementaux. La prise de nourriture : Il est important de surveiller que les oiseaux aient, au moins, une prise réelle de nourriture par jour. Si un oiseau ne mange pas pendant 5 jours, il faut s’inquiéter (attention, l’oiseau peut se nourrir en dehors du point de nourrissage lorsqu’il maîtrise le vol). Fiente : Bien que particulièrement difficile pendant cette période, l’observation d’une production de fiente est un des éléments participant à l’évaluation de l’état général de l’oiseau. Dans le cas ou un oiseau n’est pas vu en train de se nourrir, la production de fientes, associée à un comportement général satisfaisant, permet de supposer qu’il n’y a pas de problème majeur. Aspect du plumage et entretien : Un plumage mal entretenu doit être source d’inquiétude. Si un oiseau ne prend aucun soin de son plumage pendant deux jours de suite, il faut le surveiller attentivement. Déplacements : Un oiseau qui reste prostré pendant une période supérieure à une journée, doit être surveillé attentivement. Si un oiseau disparaît pendant plus de 24 heures dans la quinzaine qui suit l’envol, il est important de mettre en place des recherches. Relations intra et interspécifiques : LIFE “ Conservation du Gypaète barbu dans les Alpes françaises ” - Protocole commun de réintroduction et de suivi des gypaètes barbus dans les Alpes françaises - décembre 2000 12 / 22 Les relations avec des individus de son espèce ou d’autres espèces sont courantes et, le plus souvent, constructives pour l’oiseau. Il est important de les surveiller afin de détecter tous dommages pouvant être provoqués par les contacts. Il arrive que l’un des problèmes soulevés ci-dessus se produise isolément. Bien que ceci ne traduise pas forcément une situation dramatique, le suivi doit être plus attentif. Si des perturbations sur plusieurs des aspects cités ci-dessus se confirment, une surveillance accrue doit être mise en place et une intervention éventuelle peut-être décidée par le responsable de la réintroduction. Ne pas hésiter à se mettre en relation avec des personnes expérimentées. • Temps de vol : Objectif : Evaluer quantitativement la progression du développement physique et comportemental de l’oiseau. Le calcul de temps de vol se fera du décollage à l’atterrissage de l’oiseau. Dans les autres cas, noter le temps de vol observé. • Perchoirs nocturnes : Objectif : Evaluer l’expérience acquise et la capacité de l’oiseau à se mettre en sécurité, donc son émancipation. Chaque soir, évaluer la qualité du perchoir nocturne pour chaque oiseau à l'aide du mode d’emploi de la fiche de suivi (annexe 2). En cas de doute sur la cotation du perchoir, consulter l’encadrant. Si le doute persiste, prendre la cotation inférieure. En cas de doute sur la localisation tenter une vérification le lendemain, au lever du jour, ou s’abstenir de cotation. • Fin de la période de suivi : La période minimum de suivi quotidien s’arrête 30 jours après l’envol du dernier oiseau. • Fin de la période de surveillance : La période de minimum de surveillance journalière s’arrête à partir du moment où les oiseaux quittent le site pendant plus de 2 jours ou lorsque le plus jeune des oiseaux atteint l’âge de 180 jours. LIFE “ Conservation du Gypaète barbu dans les Alpes françaises ” - Protocole commun de réintroduction et de suivi des gypaètes barbus dans les Alpes françaises - décembre 2000 13 / 22 BILAN DE LA SAISON DE REINTRODUCTION ET OPTIMISATION DES METHODES DE REINTRODUCTION Un rapport sera produit à l’issu de la saison de réintroduction. Il a pour objectif de consigner le bilan de la saison de réintroduction, d’exploiter l’essentiel des données récoltées, de les échanger avec les autres sites de réintroduction et de les transmettre aux partenaires. Il servira enfin à l’évaluation et l’optimisation des méthodes de réintroduction. A - CONTENU DU RAPPORT ANNUEL SUR CHAQUE SITE : INTRODUCTION UN BILAN QUANTITATIF : • • • • • Les dates d’arrivée et de départ du site de l’équipe de suivi. Les moyens humains et le nombre de journées homme engagées pour le suivi. Les moyens matériels disponibles pour le suivi (optique, communication,…). Un tableau récapitulant (voir annexe 4) : Le nombre de jours de suivi. La durée d’observation. La durée d’observation oiseau vu. La durée moyenne d’observation oiseau vu journalière. Les pourcentages (moyen, maximum et minimum) du temps où l’oiseau est vu. Une représentation graphique de la qualité d’observation (camembert, annexe 4) commentée, en tenant compte de : Une bonne journée d’observation : lorsque le temps d’observation effective dépasse dix heures. Une journée moyenne d’observation : lorsque le temps d’observation effective est compris entre cinq et dix heures. Une mauvaise journée d’observation : lorsque le temps d’observation effective n’excède pas cinq heures. 1. LA SAISON DE REINTRODUCTION : • La date de réintroduction. • L’agenda des situations météorologiques simplifiées (tableau, annexe 5). • Un bilan des apports de nourriture (tableau, annexe 5). 2. LES OISEAUX : • Une fiche signalétique des oiseaux réintroduits (date et lieu de naissance, âge au moment du lâcher, poids, marquages ...). • Les dates et conditions d’envol. Pour le calcul de temps de vol, on prendra en compte le jour de naissance, ainsi que celui d’envol. • Une représentation graphique (histogramme, annexe 6) commentée du nombre de séries de battements d’ailes sur une période allant de la date de dépôt dans la grotte de l’oiseau jusqu’à la date d’envol. LIFE “ Conservation du Gypaète barbu dans les Alpes françaises ” - Protocole commun de réintroduction et de suivi des gypaètes barbus dans les Alpes françaises - décembre 2000 14 / 22 • Une représentation graphique (histogramme, annexe 6) commentée des temps de vols cumulés sur une période allant de la date d’envol jusqu'au 30ème jour. Afin de ne pas perdre d’informations, il est possible de faire un deuxième graphique reprenant toutes les informations sur la période allant de la date d’envol jusqu'à l’arrêt du suivi après envol. • Une représentation graphique (nuage de points, annexe 6) commentée de l’évolution de la qualité des perchoirs nocturnes sur une période allant de la date d’envol jusqu'au 30ème jour. Afin de ne pas perdre d’informations, il est possible de faire un deuxième graphique reprenant toutes les informations sur la période allant de la date d’envol jusqu'à l’arrêt du suivi après envol. • Une synthèse commentée des relations inter et intraspécifiques. • Une chronologie des faits marquants de la réintroduction. 3. EVALUATION DE LA SAISON DE REINTRODUCTION • Un bilan qualitatif contenant : La description des conditions de réintroduction, de surveillance et de suivi. Les dérangements constatés pendant la période d’observation des oiseaux. Les problèmes rencontrés. Des suggestions pour des réintroductions à venir. Cette évaluation servira de base pour l’optimisation des méthodes de réintroduction. CONCLUSION B - DIFFUSION DU RAPPORT : Afin d’échanger les expériences acquises chaque année et d’impliquer des partenaires sur le long terme, il est nécessaire de diffuser le rapport saisonnier. • • • • • • Au coordinateur et aux partenaires du programme LIFE. Au ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement. A la F.C.B.V. Aux autres sites de réintroduction. Interne à la structure. Eventuellement aux autres partenaires. LIFE “ Conservation du Gypaète barbu dans les Alpes françaises ” - Protocole commun de réintroduction et de suivi des gypaètes barbus dans les Alpes françaises - décembre 2000 15 / 22 AUTRES ACTIONS A - SUIVI APRES DEPART DU SITE DE REINTRODUCTION : Ce suivi de proximité facultatif permet de s’assurer que les oiseaux sont encore en vie et présente l'intérêt de contrôler leur état général après départ du site. En fonction de chaque site, ce suivi est notamment effectué par : L’équipe de suivi chargée de la réintroduction, Les réseaux d’agents de terrain (gardes d’espaces protégés, ONCFS, ONF, …). Les relais (alpagistes, restaurateurs d’altitude, gardiens de refuges, guides et accompagnateurs de moyenne montagne …). Les naturalistes. B - SUIVI SCIENTIFIQUE : Il est possible de permettre à d’autres structures d’effectuer si l’occasion se présente d’autres études pour peu que cela ne nuise pas à l’organisation et au suivi de la réintroduction, ainsi qu’aux gypaètes lâchés C - INFORMATION ET PREVENTION : L’objectif est de gérer la fréquentation pour éviter de nuire au lâcher, et à l’émancipation des jeunes. Lorsque les sites ne permettent pas de s’affranchir de cette pression de dérangement prévoir des moyens pour que les interventions nécessaires ne nuisent pas au travail des observateurs chargés du suivi. Dans le but de limiter au maximum ces perturbations, une information du public, sur la zone de lâcher, pourra être envisagée. Deux types de public cible sont à prendre en compte : d’une part les personnes qui fréquentent le site pour d’autres raisons que la réintroduction (randonneurs, autres pratiques sportives), d’autre part les personnes qui sont à la recherche du gypaète (curieux, naturalistes, photographes). Dans le premier cas une simple information : panneaux ou accueil par une personne sera nécessaire ; dans le second cas, une véritable vigilance et des consignes strictes devront être prévues. Pour éviter de détourner l’équipe de surveillance de sa mission, il est possible de prévoir au moins une personne supplémentaire pour cette mission de prévention. LIFE “ Conservation du Gypaète barbu dans les Alpes françaises ” - Protocole commun de réintroduction et de suivi des gypaètes barbus dans les Alpes françaises - décembre 2000 16 / 22 REFERENCES Gypaetus barbatus project Bearded Vulture (1987 à 1994). - Publication annuelle de : Infodienst Wildbiologie et Oekologie Zurich. Bearded Vulture reintroduction into the Alps (1993 à 1999). - Publication annuelle de : Foundation for the Conservation of the Beaded Vulture. ANDEREGG R., FREY H., MÜLLER H.U. (1983). - Reintroduction of the Bearded vulture or Lammergeier to the Alps. Reprinted from International Zoo Yearbook, Vol. 23. COTON C., ESTEVE R. (1990). - Premier bilan de la réintroduction du Gypaète barbu en Haute-Savoie. Arve Léman Savoie Nature, n°61 : 9 - 19. ESTEVE R. (1986). - La réintroduction du gypaète barbu. Dossier technique CNPN, 8 p. GENG M. (1998). - Interaction entre la nidification d’un couple de Gypaète barbu et la réintroduction de deux jeunes issus d’élevages. Rapport de Maîtrise de Sciences et Techniques “Sciences de l’environnement”, Université de Rouen, 41 p. KINNEN C. (1995). - Contribution à l’évaluation de l’émancipation des jeunes gypaètes barbus réintroduits dans les Alpes de Haute-Savoie. Rapport de BTS Gestion et Protection de la Nature. Arrêté interministériel du 07 août 1998, relatif à l’élimination des cadavres d’animaux et au nourrissage des rapaces nécrophages. LIFE “ Conservation du Gypaète barbu dans les Alpes françaises ” - Protocole commun de réintroduction et de suivi des gypaètes barbus dans les Alpes françaises - décembre 2000 17 / 22 ANNEXES II DOCUMENTS PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERCORS Pagination générale alphabétique, pagination numérique propre à chacun. Choisy J.-P. (2002) Réintroduire des Vautours en Europe. Les Alpes une position clé. Objectifs et stratégie : éléments de réflexion. Parc Naturel Régional du Vercors. 9 pp. disponibles par courriel [email protected] (également en allemand et en italien) Choisy J.-P. (2004 a) La réintroduction des Vautours. Objectifs, retombées. Parc Naturel Régional du Vercors. 4 pp. disponibles par courriel [email protected]. Choisy J.-P. (2004 b) Vautour et élevage extensif. Parc Naturel Régional du Vercors. 8 pp. disponibles par courriel [email protected]. REINTRODUIRE DES VAUTOURS EN EUROPE LES ALPES : UNE POSITION CLE OBJECTIFS ET STRATEGIE : ELEMENTS DE REFLEXION Jean-Pierre CHOISY Sont disponibles auprès de <jean-pierre.choisy@pnr-vercors > : - un exposé de l’état actuel des méthodes de réintroduction du Vautour fauve en France ; - un bilan sur les quatre espèces dans les Préalpes françaises du sud à la fin de l’été 2002. - des informations actualisées régulièrement sur la population du Diois. Pour informations relatives aux deux autres massifs prendre contact avec: <[email protected]> et <[email protected]>. 1/9 Reintroduire des vautours en Europe. Les Alpes : une position clé Objectifs et stratégie : éléments de réflexion J.-P. Choisy, sept. 2002 PNR du Vercors B INTRODUCTION La réintroduction des vautours concerne les politiques agricoles, de développement touristique, et elle est concernée par elles : importance du contexte humain pour réussir. Mais, par nature, elle se place d’abord dans le cadre de politiques de conservation et restauration de la biodiversité : européennes, nationales, locales. Celles-ci reposent sur des valeurs1. Ces niveaux supérieurs de la hiérarchie des niveaux d’analyse et de décision sont hors de notre propos, qui se situe à ceux des objectifs et des stratégies visant à les atteindre. OBJECTIFS Localement, le retour des Vautours est un grand objectif de reconstitution faunistique et écologique. À l’échelle continentale ou mondiale, l’objectif est une contribution à la pérennité des espèces concernée. Cette contribution, toujours importante, l’est d’autant plus pour les deux espèces aux effectifs mondiaux réduits : Gypaète et Vautour moine. Une question fondamentale est : dans quelle partie de l’Europe peut-on fonder des noyaux de population de vautours sans qu’il s’agisse d’une introduction d’espèces biogéographiquement étrangères au territoire ? Deux écueils opposés sont à éviter : - il n’est pas question de rééditer pour ces oiseaux les aberrations à l’origine de la présence sur en Europe des Faisans, Rat musqué, Ragondin, Sika, Mouflon, Poisson-chat, etc ; - les rares données sur leurs répartitions passées, jalons biogéographiques et écologiques précieux, ne sauraient être des références limitatives. En effet, lorsqu’on a commencé à écrire sur les vautours d’Europe, leurs aires de répartition étaient sans aucun doute depuis longtemps artificiellement fragmentées. En outre on ne dispose pas de témoignages écrit de présence ou absence sur l’ensemble de l’Europe du sud à cette époque, mais simplement de rares textes concernant des régions bien plus réduites. L’image de leurs aires de répartitions résiduelles globales dans ce proche passé en est donc très probablement encore minorée. STRATEGIE La poursuite des objectifs doit tirer le meilleur parti possible de moyens relativement réduits et même d’une véritable pénurie d’oiseaux à lâcher, sauf pour le Vautour fauve. La première question est donc : dans quelles régions des réintroductions permettent d’optimiser à l’échelle continentale leur efficacité pour le retour des vautours à l’échelle continentale ? La seconde est : où doit-on lâcher au sein d’une de ces régions ? Il ne s’agit que d’un changement d’échelle : stratégie continentale et stratégie régionale. Le succès d’une opération particulière dans un massif retenu par la stratégie dépend étroitement d’une approche pertinente des conditions écologiques locales et du contexte humain. Mais ce niveau tactique de la hiérarchie des niveaux d’analyse et de décision est hors de mon propos, de même que celui de la mise en œuvre des moyens opérationnels. Tout au plus ces niveaux seront-ils être brièvement évoqué lorsqu’ils peuvent avoir une incidence sur la stratégie. 1 Au moins implicitement. 2/9 Reintroduire des vautours en Europe. Les Alpes : une position clé 2002 Objectifs et stratégie : éléments de réflexion J.-P. Choisy, sept. PNR du Vercors C AIRES BIOGEOGRAPHIQUES A l’échelle continentale, il n’y a lieu de discuter ni les limites occidentales (aucun des quatre vautours d’Europe ne s’est jamais implanté au-delà de l’Atlantique), ni les limites orientales (les quatre espèces nichent plus à l’est), ni les limites méridionales (tous atteignent le sud du continent et trois, au-delà encore) . L’analyse portera donc sur les limites septentrionales des aires biogéographiques des vautours d’Europe, ainsi que sur leurs discontinuités éventuelles. I. - LIMITES SEPTENTRIONALES Il n’y a jamais eu de vautours sous les hautes latitudes alors que, plus au sud, certains nichent à haute altitude2. On n’en discutera pas ici le déterminisme écologique. Constatons simplement que la Scandinavie et les régions de latitudes analogues sont en dehors des aires biogéographiques passées, actuelles et potentielles des vautours. Plus au sud la vaste région de plaines et reliefs mous de l’Europe moyenne3 constitue la limite septentrionale absolue des trois nicheurs rupestres : Gypaète, Vautour fauve et Percnoptère. Le climat cantonne-il la nidification de certains Vautours encore plus au sud ? Pour le Gypaète, rien ne permet de le supposer. Les stations historiques les plus nordiques où l’on mentionne la nidification du Vautour fauve atteignent la limite géomorphologique évoquée plus haut : le sud-ouest de l’Allemagne jusqu’au Moyen Age (Glutz et al. in Cramp) et le sud de la Pologne jusqu’au XIX° siècle et même jusqu’en 1914 (Tomialojc in Cramp). Pourtant, il est généralement admis que les climats ensoleillés sont plus propices à cette espèce, notamment par leurs ascendances. La nidification au-delà des Alpes du sud pourrait s’expliquer par des stations localement plus favorables que le climat régional à la mauvaise saison (faces des massifs d’exposition sud, etc.) et/ou une abondance particulière de charognes, permettant aux vautours fauves de se nourrir avec relativement peu d’heures favorables au vol pendant quelques mois par an. Il se peut aussi qu’on s’exagère beaucoup l’héliophilie du Vautour fauve et qu’il n’ait pas de problème majeur pour nicher beaucoup plus au nord que les Alpes du sud, surtout dans les massifs calcaires externes. Même le Percnoptère, tropical et méditerranéen mais migrateur, donc échappant aux rigueurs hivernales, a niché jusqu’à la fin du XIX° en Haute-Savoie, près de Genève. Peut-être nichait-il encore plus au nord dans un passé plus ancien n’ayant pas laissé de traces dans la littérature ? Constatons que les stations septentrionales de nidification du Vautour moine, aux confins de la Pologne et de la Slovaquie (Glutz et al., Tomialojc, in Cramp), buttent sur la même limite géomorphologique que le Vautour fauve, alors qu’il niche sur arbre. Limite climatique? Ou bien conséquence de la densité humaine, forte depuis des siècles dans les plaines d’Europe centrale et occidentale ? A la belle saison, la répartion potentielle des espèces est beaucoup plus large : - en altitude : même pour les espèces autres que le Gypaète la haute montagne est, alors , exploitable, même par les nicheurs, si elle n’est qu’à un ou quelques dizaines de kilomètres du nid ; - en latitude : les non nicheurs peuvent aussi estiver durablement dans des zones bien plus lointaines : potentiellement, toutes les montagnes, basses ou hautes, au sud des plaines d’Europe moyenne, sous réserve que la nourriture y soit présente. Occasionnellement, ils font des incursions dans celles-ci, voire plus au nord encore. Les températures peuvent y être aussi basses que dans les régions arctiques en hiver, quand commence la reproduction des vautours. Mais ils n’y subissent pas une extrême réduction de la longueur du jour nécessaire à la longue recherche de cadavres sur des superficies d’autant plus vastes que la productivité primaire est réduite. 3 De la moitié nord-ouest de la France à la Russie, en passant par la plaine germano-polonaise. 3/9 2 Reintroduire des vautours en Europe. Les Alpes : une position clé 2002 Objectifs et stratégie : éléments de réflexion J.-P. Choisy, sept. PNR du Vercors D II. – CONTINUITE, DISCONTINUITES La continuité biogéographique se situe à une tout autre échelle que la continuité écologique. Une aire biogéographique est, dans la très grande majorité des cas, l’enveloppe de biotopes plus ou moins discontinus4. Un obstacle éco-éthologique n’introduit une discontinuité biogéographique que s’il est d’une certaine dimension, fort variable selon les aptitudes au déplacement de l’espèce considérée5 : des vautours fauves nicheurs ayant couramment un rayon d’action de plusieurs dizaines de kilomètres autour du nid, un hiatus de vingt ou trente kilomètres dans les parois rocheuses ne saurait être considéré comme rompant la continuité de l’aire biogéographique. Les autres vautours étant capables de déplacements du même ordre de grandeur, il est hautement invraisemblable que les énormes hiatus actuels tronçonnant d’est en ouest les aires de répartition des vautours d’Europe aient d’autres causes que des destructions par l’Homme, directes ou indirectes, récentes à l’échelle de temps de l’évolution des grands Vertébrés. Les données les plus anciennes ne remontent généralement qu’à quelques siècles et concernent des aires déjà artificiellement très morcelées. Certes, il existe des discontinuités naturelles d’aires biogéographiques. Mais elles s’expliquent par de vastes obstacles écologiques6. On en chercherait vainement de même ampleur spatiale que les vides séparant actuellement les fragments des aires de répartition des vautours en Europe. PRIORITES STRATEGIQUES La stratégie doit être modulée avec opportunisme : un contexte humain local, ou régional, temporairement défavorable dans une zone prioritaire ne doit pas interdire d’agir ailleurs. Ainsi : - la sauvegarde des populations existantes, dont certaines dans une situation préoccupante, voire critique, devrait être la priorité absolue. Mais il n’est pas possible de passer à la réalisation tant que les causes de destruction locales ne sont pas maîtrisées ; si c’est dans les gorges des Causses qu’on a commencé la réintroduction du Vautour fauve, ce n’est pas que cette localisation ait été géographiquement la plus pertinente à l’échelle européenne. C’est que, dans les années 1970-80, le contexte humain, tant naturalistes que population locale, s’y prêtait bien davantage qu’ailleurs. Plus tard, pour le Vautour moine s’y ajoutait le précédent local de la réussite de la réintroduction du Vautour fauve. - L’achèvement des réintroductions en cours est la priorité à très court terme : il s’agit également de populations encore fragiles, mais dans des régions où le contexte humain permet une bonne efficacité des lâchers. On les poursuivra donc jusqu’à ce que soient atteints des effectifs assurant le développement ultérieur spontané des populations fondées. Toutes autres choses étant égales par ailleurs, sont prioritaires les massifs offrant des potentialités actuelles7 importantes, continues sur de vastes étendues. Ainsi, les aires biogéographiques du Colvert Anas platyrhynchos, du Pinson Fringilla coelebs et de l’Alouette Alauda arvensis couvrent toute l’Europe ou presque, quoique eaux, forêts et prairies y soient discontinues. 5 Par exemple, entre les Préalpes occidentales et le Massif Central le Rhône constitue : - la limite biogéographique nord-est pour l’espèce Lacerta hispanica, petit lézard ibérique ; - une limite entre populations de Chamois R. rupicapra, empêchant des échanges journaliers ou des transhumances régulières, franchissable par des jeunes émancipés en phase de dispersion : la recolonisation spontanée du Massif Central est actuellement en cours à partir des Préalpes ; - un simple repère visuel pour les Vautours, aussi inexistant en tant qu’obstacle que n’importe quel cours d’eau à l’intérieur des Alpes ou du Massif Central. 6 Par exemple entre les populations des toundras arctiques du Lagopède Lagopus mutus et celles des hautes montagnes méridionales. 7 Ne pas se focaliser sur le passé local : sur certains versants où le Vautour fauve pouvait, vers 1850, chercher des cadavres dans des pâturages, de nos jours, le Lynx chasse en forêt. Inversement, il y a des massifs où, il y a 4/9 4 Reintroduire des vautours en Europe. Les Alpes : une position clé 2002 Objectifs et stratégie : éléments de réflexion J.-P. Choisy, sept. PNR du Vercors E Tout cela posé, la priorité est : tronçonner les plus grands hiatus entre populations actuelles d’une même espèce par des réintroductions médianes et non pas les grignoter par les extrémités. En Europe continentale, avant le début des réintroductions, un énorme hiatus artificiel8 centré sur les Alpes séparaient les populations pyrénéo-ibériques de celles des Balkans, à l’exception de populations résiduelles de Percnoptère en France méditerranéenne et en Italie. Le choix des Alpes pour le Gypaète, plus récemment celui des Préalpes françaises du sud pour le Vautour fauve et le Vautour moine, ont donc été particulièrement pertinents. L’importance géographique des Alpes et de leurs bordures dans une stratégie de réintroduction des Vautours en Europe est confirmée par l’observation dans les récents noyaux de population de vautours fauves des Préalpes françaises d’oiseaux originaires tant de l’ouest de l’Europe (Espagne, Pyrénées, Massif Central) que de l’est (Abruzzes, Croatie). Les stratégies propres aux diverses espèces ont des singularités propres, dont on va discuter. I. - GYPAETE GYPAETUS BARBATUS Ce sont essentiellement les massifs élevés où existent d’importantes populations de chamois et de bouquetins hors forêts qui lui offrent toute l’année des os accessibles en suffisance. Plus bas, le milieu est souvent plus boisé et, surtout, l’Homme tolère rarement des densités d’Ongulés sauvages suffisantes. Mais ce n’est qu’une moyenne statistique et non pas un déterminisme altitudinal direct et absolu : aussi en dessous de la haute montagne existent aussi des massifs actuellement très favorables. Dans les Alpes, le Gypaète s’installe dans les massifs de lâcher et dans quelques autres particulièrement favorables (deux couples nicheurs en Vanoise), surtout s’il ne sont pas trop éloignés (philopatrie). Ailleurs dans la chaîne, l’observation occasionnelle d’oiseaux non fixés à un territoire, possible dans tous les massifs, est presque partout encore exceptionnelle. Le développement des effectifs joint au comportement territorial des adultes devrait assurer à long terme une recolonisation spontanée de tous les massifs des Alpes où l’espèce trouvera os, sécurité, sites de nidification. Dans la mesure où des oiseaux seraient disponibles sans porter atteinte à l’opération en cours, la création d’un nouveau point de lâcher à l’extrême ouest des Alpes aurait un intérêt tout particulier : diminuer rapidement le hiatus entre la population de cette chaîne et celle des Pyrénées. Secondairement l’élargissement de l’aire de présence dans les Alpes françaises, encore très centrée sur les massifs internes, en serait accélérée 9. Lorsque le Gypaète aura élargi son occupation actuelle dans les Pyrénées et les Alpes, une population dans les gorges du sud du Massif Central auraient, par rapport aux Pyrénées orientales, une position analogue à celle des canyons du sud de l'Aragon par rapport celles des massifs du centre de la chaîne. Donc, des lâchers de Gypaètes dans l’extrême ouest des Alpes et dans les gorges du sud du Massif Central serait une contribution majeure au développement d’un transit entre Alpes et Pyrénées. Le retour du Chamois et du Bouquetin dans ce massif10 contribuerait beaucoup à en augmenter les potentialités pour cette espèce. cinquante ans seulement, le Gypaète n’aurait pu se nourrir en dehors de la saison de présence des transhumant mais où de nos jours, abondent Chamois et Bouquetin, fournissant des os toute l’année. 8 De 1000 à 2100 km selon les espèces. 9 Dans le Parc Naturel Régional du Vercors, les falaises du Glandasse et du cirque d’Archiane, à l’extrémité sud de la plus réserve nature de France, de la Réserve Naturelle des Hauts Plateaux du Vercors, constituent un site particulièrement favorable à l’espèce occupant une telle position géographique (cf. visite de Michel Terrasse, Hans Frey, Marteen Bijleveld en 2001). L’espèce y a déjà été observée, ainsi que sur cinq autre sites du Vercors et du Diois : à proximité immédiate et jusqu’à 20 et 25 km de là. 10 En cours pour le Chamois, projets de réintroduction pour le Bouquetin. 5/9 Reintroduire des vautours en Europe. Les Alpes : une position clé 2002 Objectifs et stratégie : éléments de réflexion J.-P. Choisy, sept. PNR du Vercors F II. - PERCNOPTERE NEOPHRON PERCNOPTERUS Dans les quatre noyaux de population de Vautour fauve issus de réintroductions en France, on assiste au retour spontané du Percnoptère : estivage durable, puis nidification, cette dernière pour l’instant seulement dans les deux populations les plus anciennement réintroduites. Il arrive même que l’estivage commence alors que les vautours fauves sont encore maintenus en volière. Ces faits suggèrent l’hypothèse d’une évolution du Percnoptère comme finisseur de restes : carcasses entamées par de grands Vautours ou/et des Carnivores, avec extension ultérieure aux déchets de l’Homme. En France, le contraste entre les effectifs pyrénéens et ceux du midi méditerranéen suggère que ces derniers représentent les pauvres restes d’une ancienne communauté de plusieurs espèces de vautours, ayant réussi à vivoter après l’élimination des plus grandes espèces. Pour la restauration de la situation de l’espèce en Europe, l’état actuel des connaissances conduit à préconiser la stratégie suivante : - concentrer les moyens en faveur des populations subsistantes, que ce soit sur les territoires de reproduction, ceux d’hivernage, ou en migration. La réintroduction n’est qu’un des moyens envisagés. On ne développera pas davantage car elle n’a encore été réalisée nulle part ; - ailleurs, suivre le retour spontané de l’espèce là où on réintroduit le Vautour fauve. III. - VAUTOUR FAUVE GYPS FULVUS Au contraire de l’espèce précédente, l’absence de comportement territorial, l’extrême grégarisme, font que seuls de nouveaux lâchers peuvent créer de nouveaux noyaux de population sans attendre des décennies, voire des siècles. A. - CHOIX DES REGIONS DE REINTRODUCTION Sont prioritaires les régions offrant sur de vastes étendues, simultanément : - abondance de sites de nidification : des parois rocheuses riches en corniches, vires et cavités. La grégarité de l’espèce, nichant en colonie, exige cette abondance de sites. Elle se rencontre plus souvent dans les massifs calcaires, ou dolomitiques, qu’ailleurs ; - altitude modérée des sites de nidification potentiels : ils doivent être bien représenté également en dans les étage collinéens et/ou méditerranéens, à Quercus pubescens ou/et Quercus ilex, etc. (donc bien dessous de 1000 m.). Les plus hauts doivent doit se situer au maximum au niveau du bas de l’étage de végétation montagnard à Hêtre Fagus et/ou Pinus sp. etc. (à l’adret au plus 1300 ou 1400 m.) ; - domaine vital potentiel en grande partie en dessous de la haute montagne ; - climat régional méridional, sans être nécessairement méditerranéen. L’ensoleillement importe davantage que la douceur de la température de l’air ; - position géographique scindant les hiatus entre les populations des gorges des Causses et des Balkans. Deux grandes régions des Alpes, répondent aux exigences exposées plus haut : les Préalpes occidentales (Préalpes françaises du sud) et les Alpes méridionales (massifs périphériques du versant italien des Alpes centrales et orientales)11. La réintroduction y est commencée12. : Diois, Baronnies et Ailleurs des potentialités existent : faces méridionales et orientales des Préalpes du nord, certains sites de massifs cristallins, des vallées internes, de la bordure italienne des Alpes occidentales. Mais les potentialités sont plus localisées, moins continues. Ces massifs sont donc moins prioritaires. 12 Pour l’ensemble des trois sites des Préalpes, cent trente oiseaux l’hiver 2001-02, puis à la belle saison 2002, cent 6/9 11 Reintroduire des vautours en Europe. Les Alpes : une position clé 2002 Objectifs et stratégie : éléments de réflexion J.-P. Choisy, sept. PNR du Vercors G gorges du Verdon dans les Préalpes, Frioul dans les Alpes méridionales. De ce fait, le plus grand hiatus entre les populations de l’ouest et de l’est de l’Europe, naguère d’environ 1000 km, a été réduit de moitié. Le transit est en train de se rétablir de l’Espagne aux Balkans : les Préalpes échangent des vautours fauves avec les gorges des Causses, les Pyrénées, l’Espagne, mais aussi avec l’Italie et la Croatie. Sous réserve de faisabilité locale, la poursuite de cette réduction impose comme priorité géographique actuelle l’ouest des Alpes méridionales : le nord-ouest de la Lombardie. Alors, de l’Espagne à la Croatie, il n’y aurait plus aucun hiatus dépassant 250 km, ce qui devrait induire une intensification des échanges. La priorité suivante serait l’Apennin Toscan ou ses environs : cette position géographique faciliterait le transit entre Alpes et les Abruzzes. Des vautours des Préalpes ont déjà été vus près de Modène. Pour poursuivre l’élaboration d’une stratégie européenne de réintroduction du Vautour fauve la priorité d’étude actuelle est donc l’analyse des potentialités écologiques des divers massifs des Alpes méridionales. Ceci doit venir avant l’étude, tactique, des contraintes et ressources de faisabilité liées aux contextes humains locaux actuels. Susciter de telles analyses, dont l’importance dépasse de beaucoup le cadre local, pourrait être un grand objectif du Réseau Alpin des Espaces Protégés. B. – AU SEIN D’UNE MEME REGION 1. – LACHER DANS PLUSIEURS MASSIFS Six étés après le premier lâcher dans les Préalpes, la surface prospectée à la belle saison par les oiseaux du Diois et des Baronnies couvre plus de 5000 km2. C’est le double de l’aire prospectée par ceux des gorges des Causses au bout de vingt ans, en dépit d’effectifs trois fois moins élevés. On le doit avant tout à la création de deux noyaux de populations distants de 40 km. Des oiseaux dont le conjoint couvent dans l’un des sites fréquentent couramment l’autre. Ces faits conduisent à, désormais, vivement préconiser, pour une même grande région, une stratégie de réintroduction POLYCENTRIQUE. Pour optimiser l’effet souhaité, la distance entre les deux sites de réintroduction devrait être comprise entre 40 et 70 km (extrêmes : 30 à 100 km). 2. – RESSOURCES ALIMENTAIRES Cette espèce vit quasi-exclusivement de charognes d’Ongulés. De nos jours, en Europe, l’accès aux cadavres de bétail est généralement nécessaire : il est rare que l’Homme tolère d’importantes populations d’Ongulés sauvages, surtout hors des forêts, aux altitudes modérées où l’espèce se cantonne à la mauvaise saison. Toutefois il convient de remarquer que subsister essentiellement à partir d’animaux sauvages est, parfois, possible : on en connaît au moins un cas, dans le nord-est de l’Espagne. Ceci suppose que la biomasse des Ongulés reste à la disposition des vautours. C’est concevable dans les situations suivantes : - chasse laissant le cadavre sur le terrain : chasse exclusivement pour le trophée, ou tirs d’élimination pour raison économiques (sanglier, femelles et jeunes de Cervidés, etc.). Un compromis pourrait être de ne récolter la venaison que des seuls animaux d’âge ! 2 ans, en laissant aux vautours les corps des animaux plus vieux ; - populations d’Ongulés non chassées. A altitude modérée, ce n’est guère envisageable à l’échelle d’un massif que pour le Bouquetin : du fait d’un habitat beaucoup plus rupestre que celui de toutes les autres espèces d’Ongulés, un contrôle des effectifs peut, bien souvent, ne pas être économiquement nécessaire, surtout dans des massifs à faibles densités humaines. Les deux options peuvent se combiner dans un même massif : la seconde pour le Bouquetin, la première pour les autres Ongulés. cinquante à deux cents oiseaux, visiteurs inclus, dont trente-trois couples nicheurs et dix-huit jeunes envolés. 7/9 Reintroduire des vautours en Europe. Les Alpes : une position clé 2002 Objectifs et stratégie : éléments de réflexion J.-P. Choisy, sept. PNR du Vercors H IV. - VAUTOUR MOINE AEGYPIUS MONACHUS En 2003 ou 2004 doit commencer la réintroduction du Vautour moine dans les Préalpes occidentales du sud. L’espèce commence déjà à s’y montrer dans les noyaux de population de vautours fauves : en 2000, un immature né dans les gorges des Causses, a fréquenté la population de vautours fauves des Baronnies pendant un mois au printemps ; en 2002 six ou sept vautours moines ont séjourné dans les Alpes occidentales du 4 juin au 14 septembre : plus d’un jour sur quatre dans les Préalpes drômoises, passant du noyau de population de vautours fauves du Diois à celui des Baronnies et inversement. Les deux oiseaux de juin étaient différents de ceux de juillet et août. Trois de ces oiseaux étaient bagués, deux bagues ont été lues : immatures nés en 2000 et 2001 dans les gorges des Causses. Un individu identifié en juillet et août, l’est à nouveau dans les gorges Causses le 10 septembre, puis dans les Baronnies les 12 et 13 septembre. C’est probablement le même qui est vu le 14 sur les Hauts Plateaux du Vercors. Deux individus, non bagués, ont été observés dans les gorges du Verdon le 20 juillet. Enfin un oiseau lâché juvénile dans les gorges des Causses en 2000 et marqué par décoloration, contrairement aux précédents, à été vu dans le nord des Alpes occidentales : du 8 au 23 août Valais (Suisse), puis Haute Savoie (France). Ces observations confirment - le bien-fondé global du projet de réintroduction dans les Préalpes ; l’attrait des populations de vautours fauves, et/ou de leurs charniers pour cette espèce ; le rôle des Baronnies « plaque-tournante » des échanges de vautours autres que le Gypaète, tant entre populations des Préalpes qu’entre celles-ci et les populations plus à l’ouest, du fait de son antériorité, d’effectifs plus élevés et de sa position géographique ; l’intérêt d’une stratégie de réintroduction polycentrique, comme pour le Vautour fauve (cf. page précédente § B, 1). Néamoins, le faible nombre d’oiseaux disponibles actuellement n’a permis de retenir que deux sites : Baronnies et gorges du Verdon. - Le hiatus entre les populations occidentales et celle des Balkans, de 2100 km avant la réintroduction dans les gorges des Causses, sera réduit à moins de 1300 km par l’opération dans les Préalpes. La priorité géographique de réintroduction suivante serait à mi-chemin entre les Préalpes de Provence et la Grèce, donc en Croatie, de préférence dans une population de vautours fauve. Alors, de l’Espagne à l’Anatolie, aucun hiatus ne dépasserait celui qui existe actuellement entre les populations ibériques et celle des gorges des Causses. Ce hiatus devrait lui-même être réduit : une réintroduction en Catalogne favoriserait le développement du transit entre les actuelles populations d’Espagne et les noyaux de population en cours de développement et de création du Massif Central à l’ouest des Alpes. La recolonisation spontanée des sierras du centre et du nord de l'Espagne en serait facilitée. PERSPECTIVES A LONG TERME La pénurie d’oiseaux à lâcher13 ne permet pas autant que pour l’espèce précédente de multiplier les opérations dans une même grande région. Sans être aussi territorial que le Gypaète, le Vautour moine, beaucoup moins grégaire que le Vautour fauve, devrait montrer une bien plus grande aptitude à recoloniser spontanément d’autres massifs sans attendre des siècles. Pour la même raison, ses effectifs locaux n’atteindront jamais ceux du Vautour fauve. Mais l’aire de nidification potentielle du Vautour moine dans les Alpes est très probablement plus étendue que celle du Vautour fauve, surtout dans le contexte actuel de retour massif des Ongulés sauvages, pour deux raisons au moins : - nichant dans un arbre, il n’est pas dépendant de la présence de parois rocheuses ad hoc à altitude modérée ; - nourriture : le Vautour moine peut vivre même de cadavres de taille modeste. Prospectant jusqu’aux forêts claires, il peut bien davantage que les autres vautours exploiter les charognes de toutes les espèces d’Ongulés sauvages. Disposer de charognes de bétail est pour lui un avantage appréciable. Ce n’est pas une nécessité. 13 Les effectifs ibériques de Vautour moine sont environ cinquante fois plus faibles que ceux du Vautour fauve. 8/9 Reintroduire des vautours en Europe. Les Alpes : une position clé 2002 Objectifs et stratégie : éléments de réflexion J.-P. Choisy, sept. PNR du Vercors I POUR CONCLURE La faute majeure serait d’introduire une espèce étrangère au territoire de lâcher en croyant réintroduire une espèce autochtone. Vu l’aptitude aux déplacements des quatre vautours du Paléarctique occidental (cf. supra AIRES BIOGEOGRAPHIQUES) la réintroduction d’un des quatre vautours entre la Méditerranée et les grandes plaines d’Europe moyenne ne risque nulle part d’être un objectif biogéographiquement aberrant14. Ceci ne signifie pas qu’elle y soit partout possible à l’échelle écologique. Le contexte humain peut également être localement défavorable à une époque donnée. Donc, localement un échec tactique est toujours possible. Bien analysé, il constituerait une expérience riche d’enseignements scientifiques ou/et technique. Courir ce risque est le seul moyen pour savoir avec certitude jusqu’où, vers le nord, peuvent nicher les vautours d’Europe autres que le Gypaète. Toutefois, un échec tactique peut avoir des conséquences stratégiques négatives graves lorsque les oiseaux disponibles sont rares, voire très rares : Gypaète, Vautour moine, Percnoptère. C’est pourquoi on ne réintroduira ces espèces que dans les régions à l’évidence prioritaires sur la base des connaissances actuelles. Au contraire, l’abondance du Vautour fauve en Espagne15 autorise une stratégie hardie et ambitieuse, multipliant les noyaux de population dans les grandes régions favorables à l’espèce, à des distances telles que l’espace entre eux soit régulièrement parcouru (cf. p. 6, § 1, LACHER DANS PLUSIEURS MASSIFS). Les priorités régionales seraient : Préalpes : une quatrième réintroduction, à mi-chemin des Baronnies et du Verdon. La continuité de prospection estivale actuelle, du Vercors au Ventoux, serait ainsi étendue du Vercors aux Préalpes de Provence, sur dix mille kilomètres carrés ; Alpes méridionales : plusieurs réintroduction à l’ouest du Frioul, au moins jusqu’au abords du Lac Majeur. Cette relative abondance du Vautour fauve permet même des expériences. Par exemple : - réintroduire en dehors des deux grandes régions prioritaires, une fois celles-ci repeuplées, bien entendues : Préalpes plus au nord que le Diois, sites rocheux d’altitude comparables de vallées internes, massifs cristallins, etc. ; - créer une fréquentation estivale de massifs de haute montagne à importantes populations d’Ongulés sauvages et/ou de bétail transhumant, telle celle qu’on observé dans les Hohe Tauern. Ceci par lâchers d’immatures, en juin. Pour que ces oiseaux puissent, à la mauvaise saison, rejoindre des noyaux de populations pérennes, ces expérience ne devrait pas commencer à plus 200 km de celles-ci, dans un premier temps au moins ; - favoriser l’installation spontanée de vautours fauves libres fréquentant plus ou moins régulièrement le massif : en entretenant dans une vaste volière un groupe de vautours fauves non relâchables16 et un charnier à proximité. Il serait très intéressant de vérifier si l’attraction de percnoptère et/ou de vautour moine, observée dans les Préalpes du sud se manifeste également, surtout dans le premier et le dernier cas. Si oui, ce serait le moyen d’accélérer le leur retour dans des régions où la pénurie d’oiseaux disponibles ne permet pas de lâcher dans un avenir prévisible. Bien entendu, le succès n’est jamais garanti : c’est le propre d’une démarche expérimentale. Mais, si ces expériences sont menées avec des moyens suffisants et, surtout, soigneusement suivies, leurs résultats seront du plus grand intérêt, quels qu’ils soient. + + + La seule exception pourrait être les îles : classiquement le nombre d’espèces à écologie voisine diminue, souvent avec élargissement de niche des espèces subsistantes. Ceci pourrait concerner les vautours. 15 Quelque vingt mille couples. 16 Long passé en captivité, handicap physique, etc. 9/9 14 Reintroduire des vautours en Europe. Les Alpes : une position clé 2002 Objectifs et stratégie : éléments de réflexion J.-P. Choisy, sept. PNR du Vercors R LA REINTRODUCTION DES VAUTOURS OBJECTIFS, RETOMBEES Jean-Pierre Choisy, PNR du Vercors On peut, sur simple demande <[email protected]> obtenir par courriel électronique trois autres documents autres documents, concernant : - stratégie : réintroduction des vautours à l’échelle continentale ; - opérations : état actuel de la méthode de réintroduction du Vautour fauve en France ; - identification sur le terrain. Si on ne dispose pas de messagerie électronique, écrire au même à 26150 CHAMALOC. I. – OBJECTIFS Les actions en faveur du Percnoptère de même que la réintroduction des trois grands Vautours d’Europe se placent dans les POLITIQUES de conservation et restauration de la biodiversité européenne et nationales, éventuellement régionales, voire locales. Chez des espèces qu’on peut voir très habituellement à 50 km de leur œuf ou de leur poussin (aux bons soins du conjoint tant qu’il n’est pas gros), parfois à 150 km, l’OBJECTIF ne saurait être le retour dans une commune, ni même un massif, un département ou un Parc. L’échelle pertinente est bien plus large : l’Arc Alpin et ses marges pour le Gypaète, au minimum le sud-est de la France pour Vautour fauve et Vautour moine, pour ne parler que des réintroductions en cours. Les STRATÉGIES diffèrent selon les espèces1, en fonction à la fois de leur éco-éthologie et de la disponibilité d’oiseaux à lâcher. Du fait de l’extrême originalité écologique de chacune, tout retour d’une espèce de vautour est une reconstitution majeure de la biodiversité locale de la structure des communautés de Vertébrés et de leur fonctionnement. Mais les OPÉRATIONS de réintroduction sont bien davantage justifiées par le fait que chaque réussite augmente la probabilité de survie globale de l’espèce à long terme, se place dans une stratégie du : « Ne pas avoir tous les œufs dans le même panier ! » dont le principe est d’application générale et non pas limité aux seuls vautours. 1 En Rhône-Alpes et PACA, bien au-delà pour le Gypaète : Vautour fauve : trois opérations de réintroduction : dans les Baronnies, dans le Diois, par le Parc Naturel Régional du Vercors et dans celui du Verdon ; Vautour moine : La moindre abondance d’oiseaux disponibles a conduit à se contenter de deux opérations seulement : Baronnies (premiers lâchers en 2004) et Verdon. Le retour spontané aux confins du Vercors et du Diois est une quasicertitude, du fait de la distance modérée des Baronnies comme de l’estivage de l’espèce depuis 2002, à partir des Causses ; Percnoptère : en France méditerranéenne et dans les Préalpes des charniers augmentant taux de survie et de reproduction ont été la principale contribution au renouveau amorcé. On constate que la réintroduction du Vautour fauve conduit à la restauration de l’estivage (Verdon, confins du Diois et du Vercors), puis à la reprise de la nidification (Causses, Baronnies). Dans l’Ardèche, où le dernier couple avait disparu, le transit croissant de vautours fauves (21 ensemble en 2004) et moines entre Causses et Préalpes, a probablement renforcé l’action de charniers qui ont induit le retour de l’espèce (nidification d’un couple en 2004) ; Gypaète : dans les Alpes, lâchers au Mercantour, en Haute-Savoie, en Engadine (Suisse), dans les Hohe Tauern (Autriche) et dans les massifs contigus d’Italie. Le Parc Naturel Régional du Vercors a répondu favorablement à une demande de la Fondation Gypaète pour étudier la faisabilité d’un point de lâcher sur son territoire, élargissant la zone de retour vers l’extrême ouest de l’arc alpin, minimisant le hiatus entre les actuelles populations des Alpes et des Pyrénées. S Exemples : - Bison d’Europe et Première Guerre Mondiale : dans l’immense aire d’origine, l’espèce avait été totalement exterminée par l’Homme sauf, en 1914, une seule population à Bialowieza (Pologne, dans la partie alors russe) : environ un millier, encore trois centaines en 1917, plus aucun en 1918. L’espèce n’a pu être sauvée qu’en « raclant les fonds de zoos », essentiellement en Allemagne et en Suède. L’espèce a failli connaître le même sort que l’Aurochs et de nombreuses autres. Pour une espèce réduite à une seule population, une épizootie aurait pu avoir des effets démographiques analogues. La leçon a été comprise : dix-huit populations actuelles (Pologne orientale et ex-soviétiques) assurent l’avenir de l’espèce ; - Bouquetin des Alpes et Seconde Guerre Mondiale : en 1945 ne subsistaient plus que 10 % de la vaste population reconstituée grâce à sa protection dans le Parc National du Grand Paradis. Mais même si l’anéantissement avait été total dans tous les pays belligérants, l’espèce aurait pu connaître un renouveau à partir des populations réintroduites antérieurement en Suisse, resté hors du conflit ; - les menaces qui pèsent sur les vautours en Espagne du fait de la reprise, illégale, des empoisonnements, des Carnivores plaident en faveur de la réintroduction de ces espèces ailleurs en Europe, partout où c’est un objectif biogéographiquement pertinent et où le contexte humain local le permet tactiquement, pour les moins abondants Gypaète et Vautour moine, encore plus que pour les deux autres. Outre ses objectifs immédiats démographiques, cette stratégie a aussi des retombées génétiques favorables à la diversité allèlique, elle-même favorable à l’objectif de survie à long terme des espèces concernées. II. – RETOMBEES DE LA REINTRODUCTION DES VAUTOURS A. - TOURISME L’impact très positif pour le tourisme rural du retour des vautours, oiseaux, spectaculaires par leur vol, leur taille, leur nombre, leurs mœurs, la facilité de leur observation n’a plus à être démontré : Causses2 : en 1995, sur 250 000 touristes visitant les gorges de la Jonte, si seulement 3 750 (= 1,5 %) sont venus spécialement pour les vautours, 33 250 (= 13,3 %) sont venus autant pour les vautours que pour d’autres motivations. 6à 7 % (12,3 % en été) s’arrêtent Belvédère des Vautours (consacré à une animation sur ce thème). Le bénéfice net réalisé par le tourisme local lié à la présence des vautours était de 4,4 millions de francs. 102 organismes différents (nationaux comme internationaux font découvrir les vautours à leur clientèle, 24 eux-mêmes, 78 en passant par le FIR 3. Majoritairement locaux (Grands Causses), 44 organismes (33 privés, 11 publics) utilisent l’image du vautour dans leurs outils de promotion publicitaire. Neuf entreprises étrangères au territoire des Grands Causses ont compris l’intérêt touristico-économique des vautours et créent des produits touristiques le représentant. Une cinquantaine de magasins de souvenirs vendent au total 33 produits touristiques différents d’une valeur moyenne de 60 f. et 39 modèles de cartes postales comportant une image de vautours. 55 livres français et étrangers, dont 22 guides touristiques, citent ou localisent géographiquement la réintroduction du Vautour fauve. Ont paru depuis 1981 158 articles (68 dans des journaux, 90 dans des revues) dans 30 journaux français et allemands, 61 revues françaises, espagnoles et italiennes. 5 émissions radiophoniques françaises d’une durée moyenne de 20 minutes diffusées sur des radios nationales (à fort taux d’écoute : France Inter, etc.) et locale, aux heures de grande écoute ; 19 émissions télévisées, d’une durée moyenne de 7 minutes, diffusées aux heures de grande écoute par les télévisions françaises, britannique à diffusion mondiale et jusqu’à…Taiwan ! Baronnies : Rémuzat, la commune de réintroduction, n’avait pas d’Office Tourisme avant la première réintroduction de vautours, en 1996. Elle en a un depuis, dit « Maison des Vautours », avec boutique, et exposition permanente. En 2002 comme en 2003 entre quatorze quinze mille personne ont visité le local. (soit un nombre analogue à celui du Belvédère des Vautours dans les Causses en 1995) Ceci dans un canton dont la densité humaine est de 3/km2. Auparavant le tourisme se réduisait au seul afflux estival, alors qu’actuellement la présence des vautours a généré une fréquentation hors saison appréciable. Ces derniers sont également l’atout majeur d’une animation locale bien organisée, pour des publics variés (touristes, classes vertes, etc.) En 2003, lors d’un séminaire européen consacré aux Vautours, le maire de 2 Source : QUILLARD V. Valeur sociale et économique de la Biodiversité in situ L’exemple de la Réintroduction du Vautour fauve (Gyps fulvus fulvus) dans les Grands Causses. Rapport de stage de Maîtrise S. & T. Aménagement et Mise en Valeur des Régions (Rennes). Actuellement membre du personnel du Parc National du Mercantour. 3 Fonds d’Intervention pour les Rapaces, depuis fusionné avec la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux). LA RÉINTRODUCTION DES VAUTOURS : OBJECTIFS, RETOMBEES Jean-Pierre Choisy Sept. 2004 2/4 T Rémuzat, banquier à la retraite, a souligné l’impact économique du retour des vautours 4 ;Diois-Vercors : les accompagnateurs de moyenne montagne de ces deux massifs ont vite compris le grand intérêt pour leurs activités du retour de ces oiseaux spectaculaires. Parmi ceux qui intègrent régulièrement à leur programme hebdomadaire une sortie « vautours », l’un est basé à Villard-de-Lans, vient spécialement aux confins des deux massifs. On n’est certainement qu’au début de cette exploitation ; Verdon : je ne suis guère informé sur les retombées touristiques5. Les réintroductions de vautours auraient pu, donc, constituer des objectifs également pour les politiques de développement local de tourisme rural. Mais6 nul responsable départemental ou régional d’organismes dont le tourisme est la seule raison d’être, n’a su en prévoir l’intérêt local pour cette activité économique. La prise de conscience est venue une fois le succès acquis et l’intérêt évident. En ce qui les concerne, le terme « objectif », qui suppose un projet, avant la réalisation d’opérations et une participation à celle-ci, financière ou autre, serait donc abusif. « Retombées » est bien celui qui convient. Au contraire, à la lumière du précédent des Causses, les personnes et organismes directement impliqués dans les opérations de réintroduction dans les Préalpes, ont fait de l’intérêt économique des vautours pour le tourisme local un des argument en faveur de leurs projets. Ceci que la promotion du tourisme rural soit au nombre de leurs missions (Parcs Naturels Régionaux du Vercors et du Verdon) ou non (Associations Vautours en Baronnies, FIR-LPO). Pour les Associations, développer elles-mêmes ces activités est un moyen de soutenir leur action, tant sur le plan de l’information du public que de l’obtention des ressources financières. B. - EQUARISSAGE NATUREL Ce point est primordial. Il constitue la base même de la démarche dans les Préalpes de la Drôme. Toutefois, ayant rédigé à ce sujet un document Parc Naturel Régional du Vercors pour un colloque du Réseau Alpin des Espaces Protégés, je le joins et me contente de renvoyer à sa lecture. Du fait du service rendu aux éleveurs, de son efficacité sanitaire, de son moindre coût que la filière habituelle d’équarissage et d’autres retombées (cf. document évoqués ci-dessus), les responsables sanitaires départementaux auraient pu considérer la réintroduction des vautours dans les Causses comme un des objectifs de leur politique d’élimination des charognes. Mais c’est a posteriori qu’ils ont pris conscience de la contribution des vautours à cette élimination, en partie du fait de travaux tels que ceux de Chassagne et/ou de Briquet. Lors des réintroductions dans les Préalpes de la Drôme cet aspect du problème était déjà bien compris. Mais les services concernés ne sont pas davantage allés jusqu’à en faire des objectifs de leur politique de gestion des charognes, ce qui aurait été pourtant concevable 7. Comme pour le tourisme, il s’agit donc de retombées, tactiquement essentielles pour la pérennisation du succès de ces opérations, mais le terme objectifs, qui suppose un projet en amont serait excessif. 4 Pour plus d’information, demander à mon collègue des Baronnies : Christian Tessier <aol.com> et à la Maison des Vautours, à Rémuzat. Une étude mériterait d’être réalisée, analogue à celle dans les Causses (cf. supra note 2). 5 Pour informations cf. LPO PACA <[email protected]>, qui mène l‘opération locale de réintroduction. 6 A ma connaissance Si je faisais erreur, ce que je souhaite, prière de transmettre l’information. 7 Si je faisais erreur, je serais très heureux de l’apprendre et faire amende honorable. Cela me semble peu probable… LA RÉINTRODUCTION DES VAUTOURS : OBJECTIFS, RETOMBEES Jean-Pierre Choisy Sept. 2004 3/4 U C. - REMARQUES Le contexte humain local est l’un des facteurs déterminant le succès ou l’échec de toutes les opérations de réintroduction. Dans la poursuite de ces objectifs, il est aussi véridique qu’habile, donc doublement justifié, de mettre en avant les retombées économiques (tourisme), financières (coût de l’équarrissage), technique (service rendu aux éleveurs), sanitaires (élimination de charognes dans la nature). Néanmoins, biologistes et naturalistes concernés se doivent de n’analyser les retombées d’une réintroduction qu’en termes de contraintes et ressources : une composante du contexte tactique local qu’il serait particulièrement maladroit de ne pas prendre en compte. Mais ils se doivent de ne pas hausser la prise en compte de ce contexte au niveau d’objectifs : ce serait trahir respectivement leur fonction et leurs valeurs. Le feindre pourrait avoir une efficacité éventuelle à court terme, mais, outre que ce serait éthiquement discutable, l’effet à long terme serait probablement négatif. Encore faut-il avoir un minimum d’éthique et le souci du long terme… La satisfaction de réussir une opération locale est légitime, que ce soit pour un Parc Régional, une association, un organisme départemental, régional ou leurs partenaires. Il est plus valorisant encore de la considérer comme participation locale à une stratégie de réintroduction au service d’un objectif biogéographique à l’échelle continentale et comme contribution majeure à la pérennité à long terme des espèces concernées. Ceci moyennant un tout petit peu de hauteur de vue. L’esprit de clocher étant une des petitesses du monde les mieux partagée8, on est malheureusement souvent conduit tactiquement à mettre l’accent, parfois exclusivement, sur le grand intérêt local de ces opérations. Pire encore : certains n’y voient d’intérêt que dans le lâcher proprement dit : petit événement d’actualité locale. « Petit » est le mot, en effet, par rapport à d’autres motivations qui se situent à un tout autre niveau intellectuel, émotionnel, philosophique et politique, au bon sens du terme. Je ne ferais pas l’injure à aucun des destinataires de ces lignes de croire qu’il n’ait pas une perception un peu plus élevée des motivations des réintroductons de vautours dans la Drôme. CONCLUSION Les motivations essentielles des réintroductions de vautours se placent dans les politiques de conservation et la restauration de la biodiversité, politiques européennes, nationales, parfois régionales, voire locales. On peut contester ces politiques, que ce soit au niveau des valeurs les fondant. Ceux qui ne les partagent pas préfèrent souvent les attaquer, de bonne ou mauvaise foi, du fait de leur coût, réel ou supposé. Dans le cas de la réintroduction des vautours, cette critique est sans fondement. En effet, globalement, pour la collectivité le coût de ces opérations est sans commune mesure avec leurs bénéfices : - augmentation induite du chiffre d’affaires du tourisme rural local ; - amélioration sanitaire de l’élimination des charognes issues des élevages extensif comme du renouveau des Ongulés sauvages ; - traitement sur place au lieu de transport routier de dizaines de tonnes de charognes à des centaines de kilomètres ; - prestation de service gratuite pour les éleveurs de montagne, donc aide objective à leur activité professionnelle ; - création d’un emploi local, au moins à temps partiel, assurant la prestation ci-dessus ; - coût moindre pour les finances publiques. Localement, le bilan matériel est encore plus favorable puisque la majeure partie des bénéfices est locale alors que la quasi-totalité des coûts sont départementaux, régionaux, nationaux, européens. L’apport esthétique, émotionnel, culturel, non développé, non chiffrable, mais pourtant bien réel, améliore encore le bilan de ces opérations pour la collectivité. 8 Pour paraphraser une formule célèbre. LA RÉINTRODUCTION DES VAUTOURS : OBJECTIFS, RETOMBEES Jean-Pierre Choisy Sept. 2004 4/4 VAUTOURS ET ELEVAGE EXTENSIF Jean-Pierre Choisy Octobre 2004 On peut, sur simple demande <[email protected]> obtenir par courrier électronique trois autres documents autres documents, concernant : - stratégie : réintroduction des vautours à l’échelle continentale ; - opérations : état actuel de la méthode de réintroduction du Vautour fauve en France ; - identification sur le terrain. On peut aussi faire partie d’une liste de diffusion d’informations sur les vautours. Prière de faire parvenir à la même adresse électronique 1 toute observation de toute espèce de vautours à distance des zones habituellement fréquentées : notamment pour le Vautour moine, à distance forte ou faible des sites de réintroduction, pour le Vautour fauve idem Pyrénées exclues (n’y a jamais disparu). 1 A défaut : J.-P. Choisy 26150 CHAMALOC (F) ou tél. : (0)4 75 21 34 39. K I. – ELEVAGE ET TIR, PIEGEAGE, DENICHAGE DES VAUTOURS Ces destructions ont fortement affecté les quatre espèces de vautours d’Europe : chasse de trophées, collection d’œufs, et d’oiseaux taxidermisés, destructions des Rapaces ne s’embarrassant pas de distinctions entre charognards et prédateurs. Mais les vautours n’ont pas suscité l‘animosité des éleveurs, au contraire, à deux exceptions près : a) A partir de la fin du XVIII° siècle et jusqu’à son éradication totale, l’inoffensif Gypaète, dans les Alpes, a été victime de fantasmes cynégétique-littéraires en faisant un véritable dragon. Eleveurs et bergers en ont diversement influencés. Curieusement, les Pyrénées et la Péninsule Ibérique n’ont pas été contaminés par ces délires romantiques. b) Depuis quelques années on a relaté, dans les Pyrénées et en Espagne, des cas de vautours fauves tuant du bétail. Une fois éliminées les billevesées, ainsi qu’une prétendue expérience (une chèvre en bonne santé peut effectivement être tuée par des vautours…si elle est bien ligotée !), le fait a été réellement observé dans des situations très particulières, concernant toujours des animaux en situation critique : blessé ou agonisant, jeune gisant durablement inerte sur le sol et pris pour un cadavre, mort-né dépassant de la vulve tiré par les vautours entraînant l’utérus, etc. Dans la grande majorité des cas, les vautours n’ont fait qu’accélérer une mort quasi-inéluctable. La récente augmentation de ces incidents tient à deux causes : - mise en alpage de races, notamment bovines, plus productives mais peu rustiques, dont certaines ne devraient jamais être laissées à elles-mêmes, sans possibilité d’assistance humaine, lors des mises-bas ; - suppression brutale de charniers dont disposaient précédemment d’importantes populations de vautours, d’où disette brusque et très forte motivation alimentaire. D’impact concret très limité, localisé, le problème est néanmoins très préoccupant médiatiquement, monté en épingle comme faits divers « sensationnels » et, plus encore, par tous ceux qui supportent mal la protection des Rapaces en général. NB Le problème, complexe, a été tout au plus évoqué et non pas traité. Pour information détaillée s’adresser à : Parc National des Pyrénées <[email protected]> et/ou au FIR-LPO Yvan Tariel <[email protected]> et/ou à Guy Joncour <[email protected]> vétérinaire ayant travaillé là-dessus. II. - ELEVAGE ET EMPOISONNEMENT DES VAUTOURS Dans le passé, l’impact du poison a été encore bien plus catastrophique, en tout cas pour les trois vautours autres que le Gypaète. Qu’il s’agisse d’un appât ou d’un Carnivore lui-même victime du poison, une seule charogne peut tuer en une seule fois plusieurs dizaines de vautours. Ces derniers sont atteints alors même que ce sont généralement les Carnivores qui sont généralement visés : le Renard pour des raisons surtout cynégétiques, l’Ours et surtout le Loup pour protéger les cheptels domestiques. De nos jours : a) Situation catastrophique de tous les vautours dans les Balkans et une grande partie de l’Afrique au Nord du Sahara du seul fait de l’usage de ce moyen de destruction redoutable et absolument non sélectif, est la cause essentielle de la quasi-extinction des vautours ; b) Graves préoccupations en Espagne : des centaines de vautours sont empoisonnés illégalement chaque année. Jusqu’à maintenant la survie globale du Vautour fauve n’est pas en cause du fait de l’importance des effectifs (cf. infra). Mais la situation pourrait vite s’aggraver. Elle est déjà préoccupante pour les trois autres vautours, bien moins abondants. Jusqu’à un passé récent, l’objectif était cynégétique : destruction des prédateurs2. Les incidents avec le bétail évoqués plus haut sont parfois à l’origine d’une volonté délibérée de détruire les vautours. Alors on préfère généralement le poison, plus discret, moins risqué, que le fusil ou le piège ; L c) Inquiétudes dans les Alpes : va-t-on vers une reprise illégale de l’empoisonnement des 2 conséquence de la récente intensification agricole ayant entraîné un effondrement des effectifs de nombreuses espèces, dont Lièvre et Perdrix rouge 2/8 VAUTOURS ET ELEVAGE EXTENSIF J.-P. CHOISY, 2004 PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERCORS Carnivores ? En France : - un Percnoptère agonisant car empoisonné a été trouvé au printemps 2004, à moins de 20 km des Hauts Plateaux du Vercors, fréquentés tout l’été par le Vautour fauve, à l’occasion par les trois autres Vautours, et où le Loup tue des brebis depuis quelques années ; - au Mercantour, premier massif de retour du Loup dans les Alpes françaises, une étude toxicologique récente des cadavres de Renard a montré que, dans au moins 80 % des cas, le poison était la cause de la mort ! NB Rien ne prouve que le Loup ait été visé dans le cas du Percnoptère. Au Mercantour c’est le Renard qu’on voulait détruire. Néanmoins, il est permis de redouter que le retour du Loup contribue à augmenter de la fréquence de tels délits. Qu’en est-il dans les autres pays de l’Arc Alpin, dans la chaîne elle-même comme ailleurs ? III. - ELEVAGE ET RESSOURCES ALIMENTAIRES DES VAUTOURS Certes, les Ongulés sauvages connaissent dans les Alpes et ailleurs en Europe un renouveau sans précédent depuis des siècles. Leurs cadavres peuvent très constituer une ressource suffisante pour les vautours lorsque ces animaux ne sont pas prélevés par la chasse3 et que, morts, ils restent à la disposition des charognards. Le plus souvent, il s’agit des espaces hors chasses : Parc Nationaux et certaines Réserves. Mais cela peut aussi se rencontrer ailleurs dans certaines conditions : - pression de chasse faible ou très faible ; - chasse exclusivement pour le trophée, abandonnant le reste du corps ; - chasse blessant beaucoup d’animaux non retrouvés par les chasseurs : symptôme de bas niveau cynégétique, qui n’est guère une méthode de gestion à préconiser ! - au moins une des espèces d’Ongulés n’est pas chassée4. Pour des raisons économiques (agriculture, sylviculture) une telle situation est de nos jours rarement tolérée ailleurs qu’en haute montagne. Celle-ci offre deux autres avantages aux vautours : - la faiblesse ou l’absence de voirie, la faible profondeur des sols, conduisent généralement, au moins en France, à laisser la plupart des cadavres de transhumants, sinon tous, à la disposition des charognards ; - la rareté ou de l’absence des ligneux rendent la grande majorité des charognes accessibles aux vautours. Tout ce qui précède est d’une grande importance pour la corrélation entre élevage et retour des vautours dans les Alpes et même en Europe en général. Elle est fort diverse selon les espèces : Gypaète Gypaetus barbatus Certes, le Casseur d’Os peut prospérer à très basse altitude : il y a des nids à partir de 630 m. dans les Pyrénées (bien plus bas naguère dans certaines régions d’Espagne) et de 300 m. en Crète. A ces altitudes, ses populations dépendent en grande partie du bétail, pour des raisons analogues à celles qu’on a exposées à propos du Vautour fauve. Mais c’est le seul des quatre vautours d’Europe à pouvoir vivre toute l’année et nicher même en haute montagne : nids jusqu’à 2300 m. dans les Pyrénées, avec prospections jusqu’aux plus hauts sommets. C’est pourquoi de nos jours une partie importante des Alpes permettrait le développement de populations de Gypaète même en l’absence d’élevage. Bien que celui-ci même en altitude lui procure des ressources saisonnières notables du fait de la transhumance, ce n’est nullement une condition nécessaire à sa survie. 3 4 Ceux qui sont braconnés restant généralement minoritaires. Exemple : le Bouquetin en France. 3/8 VAUTOURS ET ELEVAGE EXTENSIF J.-P. CHOISY, 2004 PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERCORS M Vautour moine Aegypius monachus Jusqu’à maintenant, les réintroductions de Vautour moine ont suivi celle du Vautour fauve sur les mêmes sites. Les charniers nécessaires à ce dernier sont donc exploités par le premier. En Europe, il niche sur arbre5, mais guère au-dessus de 1400 m, même s’il peut exploiter les plus hautes régions, particulièrement à la belle saison. Néanmoins, quoique pour d’autres raisons que le Gypaète, le retour du Vautour moine ne dépende pas forcément partout de l’élevage car il peut : - prospecter aussi les habitats semi-boisés, clairières et simples trouées en forêt, voire les boisements très clairs, donc y exploiter des cadavres d’Ongulés inaccessibles aux autres vautours ; - vivre de cadavres de lapins, lièvres, marmottes, et autres Vertébrés de taille analogue si leur abondance est suffisante. Percnoptère Neophron percnopterus La prospérité du Vautour blanc est liée à la présence de restes à finir : originellement en picorant les bribes laissées sur les os par les grands vautours,6 ainsi que, dédaigné par eux, le contenu de la panse des Ruminants. Secondairement, il s’est fréquemment adapté à l’exploitation des déchets humains 7, qui peuvent lui permettre de survivre à la disparition des grands vautours. Partout où ces déchets ne sont plus disponibles, sa prospérité dépend de l’organisation de l’accès aux charognes de bétail, que ces charniers soient prioritairement destinés à lui ou à d’autres vautours. Vautour fauve Gyps fulvus C’est l’espèce dont la prospérité est, depuis des siècles, la plus étroitement liée à l’accès aux charognes de bétail du fait du cumul de plusieurs caractéristiques : - il n’exploite que les charognes d’Ongulés ou de taille analogue, du fait de son extrême grégarisme : quelques des dizaines d’individus descendus consommer un cadavre d’écureuil dépenseraient plus d’énergie en s’envolant qu’ils en auraient obtenu ; - il ne niche guère au-dessus de la moyenne montagne, de l’étage montagnard, même si des couples peuvent nicher jusqu’à la limite supérieure des forêts, voire un peu au-dessus8. A la belle saison, il prospecte jusqu’aux plus hautes altitudes, y trouve beaucoup de cadavres de bétail transhumant et/ou, de nos jours d’Ongulés sauvages. Mais la haute montagne seule ne peut guère suffire à l’entretien de ses populations toute l’année ; - il ne prospecte que les habitats ouverts. Or, à basse et moyenne altitude, il est exceptionnel que, de nos jours, agriculture et/ou sylviculture y tolèrent des densités d’Ongulés sauvages non prélevés telles qu’il puisse y trouver dans les zones ouvertes des charognes en suffisance pour entretenir ses colonies. Le fondement de la prospérité du Vautour fauve en Espagne (vingt-trois à vingt-quatre mille couples, plus de cinquante mille individus) est la persistance répandue d’une élimination des charognes par la faune sauvage même à basse altitude. En dessous de la haute-montagne, la mise à disposition du Vautour fauve des charognes de bétail joue un rôle central également pour la prospérité des autres espèces de vautours : sur une même charogne leurs préférences alimentaires ne sont pas les mêmes et très souvent, les autres Vautours repèrent les charognes du fait des mouvements et rassemblement du Vautour fauve, plus abondant et grégaire. Ceci n’exclut nullement que, dans certaines situations particulières rares de nos jours, même à basse altitude, le Vautour fauve et les autres, puissent vivre essentiellement de charognes d’Ongulés sauvages. Mais c’est un autre débat. 5 Essentiellement sur Chêne vert Quercus ilex ou Pin sylvestre Pinus sylvestris Son bec, fin, y est très bien adapté, alors qu’il n’est guère apte à ouvrir le « cuir » des Ongulés. 7 D’où ses noms allemands et néerlandais. 8 Lorsque les Rapaces en général sont persécutés ou, au contraire, lorsque l’espèce est tellement prospère que les sites rocheux plus bas sont saturés. 4/8 6 VAUTOURS ET ELEVAGE EXTENSIF J.-P. CHOISY, 2004 PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERCORS N En France, en 1998 CHASSAGNE a fait de l’équarrissage naturel par les Vautours dans les Causses (sud du Massif Central) l’objet de sa thèse de doctorat vétérinaire. Son analyse historique s’applique parfaitement à une grande partie des montagnes françaises sinon à toutes. a) TRAITEMENT DES CHAROGNES EN FRANCE A partir de 1714, des mesures de police sanitaire imposent l’enfouissement des charognes, auparavant abandonnées aux charognards. Respectées en ville, elles ne le sont pas en milieu rural où les forces de police sont beaucoup moins présentes. Au XIX° siècle, les découvertes pastoriennes justifient la destruction prophylactique des cadavres. Au XX° siècle le Code Rural intègre les divers textes : loi du 2/2/42, puis du 31/12/75, revue et refondue le 26/12/96, du fait de la crise de l’ESB ( ’ maladie de la vache folle »). «Sur la majeure partie du territoire français, de moins en moins de carcasses sont abandonnées dans la nature, les ressources alimentaires des animaux charognards chutent et la démographie des populations sauvages qui profitaient de la situation s’en ressent. Le niveau sanitaire de l’élevage progresse énormément. La situation des zones de montagne reste particulière…Distance kilométrique, lenteur de l’accès, légèreté des carcasses à collecter sont défavorables au passage de l’équarrisseur en zone de montagne9, le texte de loi du 31/12/1975, puis celui du 26/12/1996 le reconnaissent. L’équarrisseur, le plus souvent, ne passe ni dans les 24h réglementaires après convocation, ni dans les 48 h. tolérées. La mise en place de conteneurs réfrigérés où les éleveurs peuvent apporter les charognes qui attendront le passage de l’équarrisseur a diminué la dépose illégale de charognes dans la nature. Elle ne l’a pas supprimée car beaucoup d’élevages de montagne sont situés à plusieurs dizaines de kilomètres du conteneur réfrigéré. A défaut d’équarrissage, trois modes de traitement sur place sont admis par les services vétérinaires : - - incinération : lourd à mettre en œuvre, outre qu’il génère des pollutions, ce traitement des charognes fait courir un risque d’incendie (hors d’un four) et nécessite d’autres combustibles, généralement hydrocarbures) ; traitement à la chaux vive : « l’efficacité prouvée sur les effluents organiques liquides n’est pas forcément transposable en ce qui concerne les solides » comme l’a montré une étude utilisant pourtant des doses de chaux triples de celles qui sont préconisées (Müller E., 1987, DEA, INSA Lyon) « L’effet bactéricide attendu…ne se produit…pas dans les charniers chaulés » ; enfouissement : dans des massifs où la très grande majorité des sols sont peu profonds, voire squelettiques, cette éventualité reste généralement très théorique, une vue de l’esprit, déconnectée de toute possibilité de réalisation concrète. En outre, on a démontré que beaucoup de spores de bactéries pathogènes survivent de nombreuses années, une partie étant remontée en surface par les lombrics, puis dispersée par le ruissellement. Pour toutes ces raisons, l’abandon des charognes dans la nature est une pratique courante, quoique parfaitement illégale et présentant de nombreux inconvénients sanitaires : nature : dissémination de germes, de parasites, pollution des eaux, ressources trophiques supplémentaires pour les chiens errants, pullulation des mouches, pour le bétail cause d’inconfort et agents de disséminations de germes infectieux. Divers travaux ont montré que la consommation par les vautours était le plus efficace traitement sur place des charognes de bétail dans les régions d’élevage extensif, tant du point de vue de l’efficacité que du coût. 9 Surtout pour des camions. 5/8 VAUTOURS ET ELEVAGE EXTENSIF J.-P. CHOISY, 2004 PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERCORS O « Le tube digestif des griffons10 (groupe auquel on peut joindre les vautours moines et oricou 11) détruit tous les micro-organismes qui auraient pu survivre dans les cadavres, hormis quelques spores très résistantes ». Outre que la plupart des spores sont détruites, Chassagne souligne que la consommation a presque toujours lieu avant sporulation des bactéries pathogènes. Cette aseptisation est due à l’extrême acidité du milieu stomacal : pH 1 à 1,5 ! Soit environ mille fois plus acide que chez les Mammifères. « L’action des vautours apparaît donc sans danger et même très bénéfique, dans une zone de moyenne montagne mal desservie par l’équarrissage industriel conclut l’auteur à propos des Causses. C’est a fortiori le cas dans les alpages de haute montagne : Alpes, Pyrénées. Ajoutons que cette fonction sanitaire concerne aussi charognes d’animaux sauvages. Ces constatations ont débouché sur des tractations pour un assouplissement de la législation en faveur des grands rapaces charognards. Des dérogations ont d’abord été obtenues au coup par coup auprès des services vétérinaires départementaux dans les Pyrénées, les Causses, les Alpes. Le FIR12 souligne alors la contradiction paradoxale entre le soutien du Ministère de l’Environnement aux mesures en faveur des vautours (charniers inclus) et le Ministère de l’Agriculture qui « se retranche derrière la législation sanitaire et condamne en bloc les moyens nécessaires à ces actions ». Passons sur le détail des péripéties multiples négociations entre les deux Ministères, arrêtés locaux, etc. 13, débouchant en 1998 sur un arrêté Ministériel assouplissant l’application de la législation dans les zones à vautours, démarche étayée scientifiquement (Briquet, 1990, Evaluation du rôle épidémiologique du vautour fauve dans le cadre de sa réintroduction en France sur les Grands Causses, thèse doctorat vétérinaire, Alfort-Créteil). Dans les zones à vautours, il devient possible d’entretenir légalement, outre les quelques charniers « lourds », ou charniers proprement dits, des charniers légers intermittents, dits « placettes » gérées par les éleveurs ou/et bergers eux-mêmes, pour les charognes issues de leur propre élevage. Les principes techniques de base sont : étanchéité du sol (béton) et interdiction de l’accès aux mammifères (clôture électrique). Il est exclu qu’un tel « charnier fermier » soit utilisé par d’autres éleveurs, pour éviter de transporter des germes pathogènes d’un élevage à l’autre. b) ORGANISATION DE LA PARTICIPATION DU VAUTOUR FAUVE À L’ÉQUARRISSAGE DANS LES MASSIFS DE RÉINTRODUCTION DES PRÉALPES FRANÇAISES Diois Les éleveurs de quatre cantons (Diois et du sud du Vercors = 1 162 km2) disposent d’un numéro téléphonique avec répondeur-enregistreur, où ils peuvent signaler les charognes à enlever chez eux. Cette collecte permet d’approvisionner aussi bien les oiseaux en volières avant lâcher que deux charniers sur la commune à Chamaloc, à la bordure méridionale du Vercors mais dans le Diois. Actuellement, ces frais de collecte de charogne et de gestion de charnier sont financés dans le cadre de la réintroduction par le Parc Naturel Régional du Vercors, opération qui n’est pas achevée. Baronnies Le système est analogue mais, l’opération de réintroduction étant achevée, la pérennité du financement a été assurée en associant officiellement à l’équarrissage l’association Vautours en Baronnies, gérant les charniers. Requise d’équarrissage, elle est rémunérée 23 ! par cadavre. Un système analogue existe dans les Causses14 (sud du Massif Central) et en projet pour le Diois. 10 C’est-à-dire les vautours du genre Gyps, en Europe le Vautour fauve Gyps fulvus. Torgos tracheliotus. 12 Fonds d’Intervention pour les Rapaces, fusionné depuis avec la LPO (Ligue Protectrice des Oiseaux). 13 1985, 1986, 1989, 1991, 1993, 1994, 1995, 1996, 1997. 14 Pour information plus précise demander à LPO Grands Causses <[email protected]>. 6/8 11 VAUTOURS ET ELEVAGE EXTENSIF J.-P. CHOISY, 2004 PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERCORS P Les avantages sont multiples pour les divers partenaires et pour la collectivité : - politique de restauration de la biodiversité : contribution à la pérennisation du retour des vautours, essentielle surtout pour le Vautour fauve ; - éleveurs : ils ne sont plus obligés de choisir entre illégalité, jamais très confortable, ou bien élimination sur place, dont on a vu plus haut les difficultés de mise en œuvre et les limites sanitaires, ou encore le transport au conteneur réfrigéré15 à destination de l’équarrisseur, imposant un transport par eux-mêmes, le souvent à une ou quelques dizaines de kilomètres de route de montagne, près d’une cinquantaine parfois. La collecte à domicile des charognes constitue donc pour eux une prestation de service très appréciée ; - développement local : la collecte fournit un emploi à temps partiel dans des contrées où l’emploi est rare ; - prophylaxie : la collecte annuelle d’un millier de charognes de bétail dans le cadre de l’opération menée par le Parc Naturel Régional du Vercors ne s’est traduite par aucune baisse de leur nombre au conteneur réfrigéré de Die. Idem dans les Baronnies16 : douze cent charognes collectées par an. La seule interprétation possible est que l’alimentation des charniers a diminué d’environ deux mille deux cents charognes par an les dépôts illégaux dans la nature…; - politique de l’environnement : un traitement sur place est préférable au transport de plusieurs dizaines de tonnes de charognes depuis les Préalpes jusqu’à Lyon ou Marseille ; - finances publiques : dans la grande majorité des cas, le coût pour elles est moindre que la filière d’équarrissage classique. Celle-ci ne redevient meilleur marché que dans les cas, heureusement rares, de mortalité massive, rentabilisant le déplacement d’un camion. Dès les trois premières années de la réintroduction dans les Baronnies, encore au stade du maintien en volière, le nombre de charognes collectées a été tel que leur élimination par l’équarrissage aurait coûté au Conseil Général de la Drôme au moins autant que la subvention de celui-ci à l’opération de réintroduction17. Ceci à supposer qu’un contrôle fortement accru ait éliminé les pratiques d’abandon des charognes dans la nature, ce dont la possibilité concrète est douteuse, et qui ne serait pas nécessairement préférable, tant sur le plan prophylactique qu’environnemental (cf. supra). Verdon On a choisi de ne pas collecter de charognes dans les élevages et de puiser directement dans le conteneur réfrigéré de la filière classique d’équarrissage. C’est évidemment bien plus facile que de mettre sur pied un système de collecte à domicile ! Certes, cette manière de faire permet, elle aussi, la pérennité de l’approvisionnement des charniers. Mais, ce faisant, on a perdu tous les autres avantages : - affaiblissement de la légitimité politique du financement de l’opération, qui ne se justifie plus que par la seule restauration de la biodiversité et les retombées touristiques ; - aucun emploi à temps partiel n’est créé ; - nulle diminution des dépôts, illégaux et dans des conditions sanitaires discutables, de charognes dans le milieu ; - les éleveurs, qui ne bénéficient pas d’une collecte des charognes à domicile, ne sentent pas directement concernés par le retour des vautours. Quelles ont bien pu être les raisons d’une telle faute tactique majeure ? Les responsables des autres opérations de réintroduction ont été bien inspirés de faire un tout autre choix. 15 Un seul pour tout le Diois et le sud du Vercors, un seul pour toutes les Baronnies, etc. Pour nombre exact, demander à Tessier <[email protected]>Pour comparaison avec le nombre de charognes collectées pour l’équarrissage, avant et après le début de l’opération, demander à Traversier <[email protected]>. 17 Pour information précise demander à TROUILLET,<[email protected]>. 7/8 16 VAUTOURS ET ELEVAGE EXTENSIF J.-P. CHOISY, 2004 PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERCORS Q c) DEUX PROBLÈMES DE GESTION D’ELEVAGE LIÉES AU RETOUR DES VAUTOURS FAUVES - bain dans les abreuvoirs : les vautours fauves sont des fouilleurs-tireurs qui introduisent leur tête et leur long cou dans la cavité générale des cadavres, les souillant abondamment. Ensuite, ils se nettoient. Lors un groupe de vautours se baigne dans des abreuvoirs, le bétail refuse ensuite l’eau à odeur de cadavre. A court terme, le problème peut être immédiatement réglé par un épouvantail. Si les vautours s’y habituent, d’autres techniques simples sont très efficaces. - disparition d’indices lors de dégâts aux troupeaux par des carnivores : quelques dizaines de vautours fauves font rapidement disparaître l’essentiel d’une brebis. En cas d’attaque par Chien, Lynx ou Loup, tout constat devient alors impossible. La seule parade est une intervention extrêmement rapide ou de recouvrir le cadavre d’une bâche. d) UN PROJET DE RÉGLEMENTATION EUROPÉEENNE MENAÇANT LES BASES MÊMES DE LA SURVIE DES VAUTOURS À L’ÉCHELLE CONTINENTALE Un projet actuel de réglementation européenne induit par la crise de la « vache folle » constitue une menace majeure et sans précédent sur la pérennité des vautours à l’échelle continentale : les charognes destinées aux charniers devraient être congelées, la tête prélevée pour analyse et ensuite, seulement, si l’analyse est négative, les charognes seraient placées sur les charniers. La France et l’Espagne, leurs Ministères de l’Environnement, les associations concernées par les vautours, ont présenté des contre-propositions élaborées par des vétérinaires. En tout état de cause, une modulation en fonction du contexte local s’impose : dans les Préalpes comme les Causses, la tremblante du mouton n’est guère présente et les races élevés y sont résistantes. Le coût exorbitant des mesures préconisées entraînerait obligatoirement une réduction à presque rien des charognes de bétail disponibles pour les vautours. Du point de vue de la conservation de la biodiversité, l’examen détaillé des contre-propositions est sans importance. Un seul point sera stratégiquement décisif : quelle que soit l’option retenue, il importe que l’éleveur ou le berger optant pour l’élimination par les vautours ne subissent pas la moindre contrainte supplémentaire par rapport à la filière d’équarrissage industriel, au contraire. Faute de quoi l’impossibilité d’un contrôle effectif (cf. supra) conduirait à un contournement de ces contraintes par une reprise massive des pratiques antérieures de dépôt dans le milieu. Ces dépôts illégaux ont toujours été camouflés : sous le couvert ligneux, dans des ravins, chaos rocheux, gouffres et cavernes, toutes conditions d’inaccessibilité aux vautours. Alors, les ressources trophiques des vautours autres que le Gypaète s’effondreraient à l’échelle continentale, donc leurs populations également, ceci sans le moindre bénéfice prophylactique dans les régions d’élevage extensif peu peuplées, à voirie peu dense, notamment en montagne, et même au contraire, du fait de la reprise de la dépose clandestine de charognes dans la nature. Le débat est en cours… + + + + 8/8 VAUTOURS ET ELEVAGE EXTENSIF J.-P. CHOISY, 2004 PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERCORS