Un fauteuil pour deux

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Un fauteuil pour deux
L’ E S T R É P U B L I C A I N | L U N D I 2 5 M A R S 2 0 1 3
Coup de projecteur sur
Dommartemont
municipales 2014
Zoom
Le prochain scrutin à Dommartemont ne sera pas aussi paisible que le souhaite Marie­Christine Leroy…
Un fauteuil pour deux
K « Nous sommes le bistrot du village », résume Jacky Chef.
Portrait
Tchin tchin, à la santé de Saint­Martin
Douze associations.
La commune compte douze
associations. Enorme au
regard de la population !
Badminton, marche, pilates,
cuisine bio, escalade,
informatique… On peut
s’éclater dans un tas de
domaines à Dommartemont.
La plus importante de ces
structures est évidemment
celle qui œuvré à la
promotion du vignoble.
Quatre­vingts adhérents,
tous Dommartemontais,
aident le président, Jacky
Chef à l’exploitation des
3.000 m² de vignes.
Façon de renouer avec la
tradition du bourg mais aussi
et surtout de créer du lien.
« Nous sommes le bistrot du
village », va jusqu’à dire
Jacky Chef. « L’endroit où
l’on se retrouve quasi tous
les dimanches. » Hier a lancé
la saison justement, avec la
taille. La semaine prochaine,
il faudra attacher les ceps.
Puis traiter les bois…
L’occasion pour les membres
de se retrouver, de
déboucher une bouteille à
l’heure de l’apéritif. Une
bonne bouteille du clos
Saint­Martin de préférence,
nom de ce blanc pressé,
vinifié, embouteillé par leurs
soins. Un breuvage « floral,
aromatique, léger, agréable à
boire », s’enthousiasme
Jacky Chef.
Tiré de quelque 1.100 pieds
d’auxerrois plantés en 2003,
et aujourd’hui rejoints par
180 autres, de cépage
regent, gracieusement
offerts et même mis en terre
par la ville allemande
jumelée, Ensheim.
Les vendanges en octobre
constituent le point d’orgue
de la saison. Chaque année,
de 400 à 1.200 bouteilles
sont produites. Tous les
foyers de Dommartemont en
reçoivent au moins une.
Les autres sont servies lors
des manifestations
communales.
Textes Valérie RICHARD
Photos Patrice SAUCOURT et Fred MARVAUX
DOMMARTEMONT, 132 hec­
tares, 675 âmes au dernier re­
censement. C’est la plus petite
des communes de l’agglo. « La
plus petite des vingt facettes
qui composent le Grand Nan­
cy, mais pas la moins brillan­
te », nuance Mme le maire,
Marie­Christine Leroy.
Dans ce petit village de char­
me, accroché à flanc de colline
et où quelques jolies fortunes
ont trouvé refuge, va se jouer
une lutte fratricide aux pro­
chaines municipales. Avec,
d’un côté, Marie­Christine
Leroy donc, candidate à sa
propre succession. Et de
l’autre, René Martinuzzi, ex­
premier magistrat, frappé
d’inégibilité aux dernières
élections, mais bien décidé à
récupérer son fauteuil. A laver
ce qu’il considère comme une
trahison. Il n’a jamais lâché
l’affaire. Continue par exem­
ple à envoyer ses vœux aux
administrés avec une carte où
il se présente comme le maire
de Dommartemont de 1989 à
2008, date suivie de points de
suspension sans équivoque.
L’animosité qui oppose dé­
sormais ces deux­là, d’an­
ciens amis unis comme les
doigts d’une main, est palpa­
ble. Mais l’écho qu’ils veulent
y donner, bien différent.
« Préserver la sérénité »
Marie­Christine Leroy ne
souhaite pas s’appesantir. « Il
faut préserver la sérénité de la
K Marie­Christine Leroy n’a jamais investi le bureau de son prédécesseur, René Martinuzzi, à la mairie.
population. » Il reste un an
avant les échéances électora­
les, inutile de traumatiser les
Dommartemontais avec ces
querelles, justifie la dame. « Le
258 voix
E La commune s’étend sur 132 hectares et compte 675 habi­
scrutin doit être paisible. »
René Martinuzzi n’y met pas
les mêmes formes. Bien déci­
dé à reprendre « sa » place, il
envoie balader la langue de
bois : « Elle a été d’une mal­
honnêteté intellectuelle in­
croyable. »
« Briefée
par le prince despote »
tants. 70 % de la population a moins de 65 ans.
Aux dernières élections, deux listes s’affrontaient, celle de
Marie­Christine Leroy (dont le directeur de campagne était
René Martinuzzi), et celle de Madame Claudon. La première l’a
emporté avec 72 % des suffrages. Marie­Christine Leroy avait
recueilli 258 voix précisément.
Rappel des faits. En 2007,
René Martinuzzi est condam­
né par la chambre correction­
nelle de la cour d’appel de
Nancy pour complicité de pri­
se illégale d’intérêt par un élu
public. Il est frappé du même
Marie­Christine Leroy
coup d’inégibilité, une sanc­
tion automatique à l’époque. Il
engage aussitôt un recours
auprès du conseil constitu­
tionnel… qui lui donne raison.
Mais bien plus tard, en 2010.
Entre­temps, Marie­Christi­
ne Leroy a pris les comman­
des de la petite commune… et
ne veut plus les lâcher. « Con­
trairement à ce avait été con­
venu entre nous », ne digère
toujours pas René Martinuzzi.
« Mais elle a été briefée par le
prince despote chez qui elle a
trouvé un mentor », accuse­t­
il, désignant dans le rôle­titre,
René Martinuzzi
Maire de Dommartemont depuis 2008, candidate en 2014
Ancien maire de 1989 à 2008… et à nouveau candidat
« Nous ne sommes plus une commune à
part mais faisons partie intégrante du
Grand Nancy ! »
« Bien sûr, j’y vais. On ne m’enterre pas
debout, moi ! »
Vous êtes candidate
à votre succession ?
Oui. Et c’est un rendez­vous
très important, plus encore
que le premier. Je suis une
affective, donc extrêmement
sensible aux critiques. Je vais
être jugée sur mon travail et
celle de mon équipe bien sûr.
14 « sentinelles » qui ont
permis de mailler la
commune. En 2008,
finalement, les administrés
nous avaient remis un chèque
en blanc. Nous le remettons
en jeu.
Vous vous rangez
derrière une bannière ?
Je n’ai aucune couleur
politique affichée, je n’adhère
à aucun parti. Je ne cache pas
non plus appartenir à la
mouvance de la majorité du
Grand Nancy, diverses
droites. Mais dans des
villages comme le nôtre, les
gens ne votent pas pour le
représentant d’un parti. Ils
votent pour une tête qui leur
revient ou pas.
Quelle est votre plus
belle réussite ?
Nous ne sommes plus une
commune à part. Nous
faisons partie intégrante du
Grand Nancy. Le président
André Rossinot m’a donné
une belle délégation (NDLR :
elle est adjointe aux
équipements de culture
scientifique et technique et
aux grands événements) qui
me fait du bien
intellectuellement et qui
Vous êtes d’ores et déjà
candidat déclaré pour
2014 ?
profite à Dommartemont.
Quels sont vos projets ?
Nous devons continuer à
entretenir et conforter
l’espace naturel. On va encore
donner un coup de pouce à la
qualité de vie. Les jardins
suspendus seront nettoyés et
réaménagés. Un terrain de
boules sera notamment créé
et trois appareils de fitness
installés en extérieur.
Bien sûr. Suite à un complot,
je n’ai pas pu me représenter
en 2008. Mais j’ai fait
campagne avec ceux qui l’ont
emporté et les administrés
savaient que je devais
revenir. Il n’a jamais été
question pour moi de rester
sur une position indigne. On
ne m’enterre pas debout,
moi !
Quel bilan personnel
tirez­vous de ce premier
mandat ?
Vous avez déjà constitué
une équipe ?
Je me suis révélée à moi­
même. Avant 2008, j’étais 3e
adjointe, je n’avais jamais mis
les pieds à la CUGN… C’était
un monde étranger. J’ai
plongé dans le bain et j’ai
appris à nager. Avec
enthousiasme.
Particularité
J’ai déjà un bon embryon
autour de moi. Reste à savoir
quelle sera la loi adoptée par
l’assemblée concernant le
mode de scrutin. Le seuil de
population retenu pour le
scrutin majoritaire, paritaire
et proportionnel. Si c’est 500,
cela nous concernera, et il
faudra composer une équipe
en fonction de cela, une
équipe de treize pour
commencer, au lieu des 15
actuels. Mais je sais déjà que
je serai entouré de gens
jeunes. J’ai déjà à mes côtés
un garçon de 20 ans et une
jeune fille de 18 ans.
Quel sera votre axe de
campagne ?
Conforter les équipements de
la commune, développer le
pôle intergénérationnel aussi.
Et rétablir l’âme de
Dommartemont. Dans l’esprit
de ceux qui m’ont précédé à
la mairie.
Vous avez une couleur
politique ?
J’ai eu des fonctions au CNI
(centre national des
indépendants) qui avait
rejoint l’UMP et qui est
aujourd’hui à l’UDI de Borloo.
J’ai toujours une carte à
l’UMP, mais je ne vais à
aucune réunion. Je suis un
trublion. J’ai toujours été
indépendant. Le seul qui
votait contre certaines
décisions de la CUGN. Ce
qu’André Rossinot ne
supportait pas, d’ailleurs.
Mais j’estime que ce n’est pas
à la place Stan de décider si
on met une antenne relais sur
l’église de Dommartemont !
Vous êtes déjà dans les
starting­blocks ?
Je me prépare depuis six ans.
Il y a ici 270 foyers, je les
connais tous. Je continue à
aller chez les gens, comme je
l’ai toujours fait.
André Rossinot le président
de la CUGN. « C’est l’équipe
autour de moi qui m’a deman­
dé de rester », balaie, quant à
elle, Marie­Christine Leroy.
Elle estime avoir bien fait le
job, avoir notamment sorti
Dommartemont de son isole­
ment. Son opposant trouve
justement que le village a per­
du de son âme, rangé trop sa­
gement derrière toutes les dé­
cisions du Grand Nancy.
Lequel l’emportera ?
Si c’est René Martinuzzi, il
retrouvera son bureau intact.
Marie­Christine Leroy ne l’a
jamais occupé.
Transports
K Pas de bus, mais un TAD.
A la demande
Une commune accrochée à
flanc de coteau, c’est joli
mais ce n’est pas fait pour
les transports en commun.
Même si quelques arrêts
sont installés aux portes de
la commune. Pour suppléer,
il y a le TAD (transport à la
demande), service mis en
place par la CUGN.
Une réservation au
téléphone et un minibus
passe chercher ceux qui le
souhaitent pour les
rapprocher des lignes
classiques. Tout ça pour le
prix d’un titre de transport.
Le village pauvre est devenu un havre pour les
citadins aisés
Haut revenu fiscal
K 70 % de la population a moins de 65 ans.
ADOSSÉE AU PLATEAU de
Malzéville, la commune offre
un point de vue imprenable
sur l’agglo, voire, par temps
clair, sur la basilique de
Saint­Nicolas­de­Port et
même les pistes du Hohneck.
Si, si c’est vrai ! Et tout ça, à
moins de 5 mn en voiture de
la place Stan.
« C’est le bien­vivre ici »,
insiste le premier magistrat.
« La population en est cons­
ciente d’ailleurs ». Soit 280
foyers environ. « On est au
maximum de notre capacité,
on ne pourra jamais dépasser
les 700 âmes », assure Marie­
Christine Leroy, qui loue les
politiques des équipes muni­
cipales précédentes dans le
domaine.
« Elles ont eu l’intelligence
de maîtriser l’urbanisation ».
De privilégier l’espace. Du
coup, ce village de vignerons
et de carriers, extrêmement
pauvre pendant la première
partie du siècle dernier, est
devenu un havre de paix
pour citadins à l’aise.
Un chiffre suffit à s’en con­
vaincre : le revenu fiscal
moyen ici est de 71.855 € con­
tre 22.000 € pour le départe­
ment. « Cela ne reflète pas la
vérité », s’agace pourtant
M a r i e ­ C h r i s t i n e L e r o y.
« C’est le fait de deux ou trois
foyers hors norme qui font
exploser les chiffres. »
Et puis, il n’y a pas que des
villas immenses là­haut,
même si la plus grande de
l’agglo et ses 1.200 m² habita­
bles y a posé ses aises ; quatre
lotissements ont poussé.
Pour plus de mixité sociale.
Inutile d’assimiler non plus
Dommartemont à une cité­
dortoir sans vie. Au risque de
froisser l’élue tout autant.
Bien sûr, il n’y a plus aucun
petit commerce, ici. Pas d’en­
treprise non plus. Mais deux
établissements, de bouche et
de divertissement renommés
lui donnent de l’éclat : la fer­
me Sainte­Geneviève qu’on
ne présente plus et l’ex
French­Cancan rebaptisé
l’Iloa. Plus insolite, une crè­
che parentale, ouverte aux
petits de Saint­Max et Essey,
fonctionne du tonnerre. Et la
Curiosités
E Dommartemont accueille,
sur son territoire, le centre de
loisirs de Saint­Max. Le groupe
scolaire Jean­Rostand, lui
aussi relevant de la commune
de Saint­Max y était égale­
ment installé avant de fermer,
il y a deux ans. Privant ainsi
Dommartemont d’écoles,
primaire et maternelle.
K Insolite, Dommartemont compte un collège sur son territoire.
E Les règles en matière de
construction sont strictes,
imposent des surfaces de
terrains de 1.200 m² mini­
mum. Il resterait cinq parcelles
à construire sur les hauteurs
dommartemontaises.
commune compte sur son
territoire le collège René­
Nicklès. Bien sûr, il répond
aux besoins d’une carte sco­
laire plus large, accueille éga­
lement les ados de Tomblai­
ne, Essey, Saint­Max. Mais Il
porte le nom du fondateur de
l’Institut de géologie appli­
quée de Nancy. « La » per­
sonnalité du village, inhumée
dans son petit cimetière.
K À l’origine, Dommartemont était un village de vignerons.

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