Jugement du 20 mars 2006
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Jugement du 20 mars 2006
L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n Droit des Baux Dégâts locatifs – Expertise unilatérale n° 148 Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be Justice de paix d’Uccle, Jugement du 20 mars 2006 Une indemnité de relocation n'est due par le locataire que si le bien demeure non loué à la suite de la résiliation (résolution) du bail à ses torts et griefs. En matière d'expertise, l'exigence de la contradiction est essentielle. Un rapport unilatéral établi en violation de cette règle ne lie pas les parties en ce qui concerne la qualification de dégâts locatifs, les constats opérés et les évaluations qu'il contient. Il est (simplement) susceptible d'être pris en considération pour la matérialité de la situation observée (JJP 2007, p. 117). Jugement du 20 mars 2006 II. LES FAITS Le Tribunal, (…) 1. OBJET DE L'ACTION Attendu que l'opposition tend à voir mettre à néant le jugement prononcé par défaut le 24 février 2005, qui condamnait l'opposante, défenderesse originaire, au paiement d'arriérés de loyers de 950 EUR à majorer des intérêts judiciaires et des dépens, ainsi qu'au payement d'une indemnité de relocation de 1.800 EUR, majorée des intérêts judiciaires et d'une indemnité de 2.903,89 EUR pour dégâts locatifs; Attendu que par voie de conclusions, la demanderesse originaire, défenderesse sur opposition, sollicite la condamnation de l'opposante et de l'intervenant volontaire, défendeurs originaires, au payement des sommes suivantes: - arriérés de loyers et de provisions pour charges: 1.625,00 EUR - solde de charges: 334,83 EUR - indemnité de résiliation: 1.875,00 EUR - indemnité pour dégâts locatifs: 2.903,89 EUR - frais d'expertise: 272,25 EUR La demande originaire tend en outre à obtenir le déblocage de la garantie locative de 1.875 EUR, ce montant venant en déduction des condamnations prononcées, et paiement d'une indemnité de 1.000 EUR couvrant les frais et honoraires de l'avocat. Le 6 octobre 2003, la demanderesse originaire a donné en location un appartement au 5ème étage d'un immeuble à Uccle pour une durée de neuf années prenant cours le 15 octobre 2003 moyennant paiement d'un loyer mensuel de 625 EUR et d'une provision pour charges de 100 EUR par mois. La garantie locative, égale à 1.875 EUR, a été constituée le 8 décembre 2003, auprès de Fortis Banque, grâce à l'intervention financière du C.P.AS. d'Uccle. Un tiers s'est porté caution solidaire et indivisible à l'égard de toutes les obligations du bail. Un procès-verbal d'état des lieux locatifs d'entrée a été établi par le bureau d'expertise. .. , le 10 octobre 2003. Par courrier du 9 juin 2004, la demanderesse notifie renon, pour occupation personnelle, moyennant un préavis de six mois, prenant cours le 15 juin 2004 pour se terminer le 15 décembre 2004. Contrainte de déménager à nouveau, moins d'un an après le début du bail, la locataire quittera les lieux loués dans le courant du mois de septembre 2004. Les clés ont été restituées le 20 septembre 2004. La demanderesse originaire a fait dresser un état des lieux de sortie, unilatéral, le 14 octobre 2004, par le bureau d'expertise ... La demanderesse a déposé requête le 27 janvier 2005 et par jugement du 24 février 2005, prononcé par défaut, la locataire et la caution ont été condamnées à payer les arriérés de loyer de 950 EUR, une indemnité de relocation de 1.800 EUR et une indemnité pour dégâts locatifs de 2.903,89 EUR. L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n Droit des Baux Fin d’un bail – Dégâts locatifs n° 148 Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be III EN DROIT A. Arriérés de loyers L'opposante ne conteste pas devoir les sommes suivantes: - solde de loyer et charges pour le mois de juillet 2004: 200 EUR; - loyer et charges du mois d'août 200: 725 EUR. Sur ce point, il convient de confirmer le jugement par défaut prononcé le 24 février 2005. Par contre, s'il n'est pas contesté que l'opposante a encore occupé les lieux au début du mois de septembre 2004, il convient de rappeler que le bail a pris cours le 15 octobre 2003 et a donc pris fin à son échéance mensuelle, le 14 septembre 2004. La demanderesse originaire n'apporte pas la preuve que l'opposante aurait encore occupé les lieux après cette date. Cela correspond d'ailleurs au contenu de sa requête déposée le 27 janvier 2005, qui constitue un aveu judiciaire: elle reconnaît que la locataire reste devoir un solde du loyer du mois de juillet et le loyer du mois d'août (échéances 15 juillet et 15 août). La demanderesse produit le décompte des charges communes de l'immeuble concernant la période du 1er janvier au 31 décembre 2004. Dans la mesure où le bail a pris fin le 14 septembre 2004, il convient de multiplier le montant de 1.497,65 EUR, à charge de l'opposante, par 8/12, pour obtenir le montant réel des charges qui incombent à la locataire, soit un montant de 1.060,84 EUR, auquel il convient d'ajouter l'indemnité de déménagement de 37,18 EUR, et d'en déduire les provisions mensuelles de 100 EUR, si bien que la locataire reste devoir la somme de 198 EUR à titre de solde de charges. B. Résiliation du bail La demanderesse sollicite payement d'une indemnité égale à trois mois de loyers. En l'espèce cependant, le bail n'a pas été résolu aux torts et griefs du locataire. Ce n'est pas la locataire qui a renoncé le bail, c'est la demanderesse qui a résilié la convention, en notifiant renon par courrier du 9 juin 2004, pour occupation personnelle. Si la convention fait la loi des parties, elle doit aussi être exécutée de bonne foi (article 1134 du Code civil). "La bonne foi ... implique une obligation de loyauté, de pondération et de collaboration dans l'exécution du contrat". Ces vertus sont celles du "bon père de famille". Le créancier, qui exprime envers son débiteur "des exigences incompatibles avec ces vertus", encourt le reproche d'abuser de son droit (X. DIEUX, R.C.J.B., 1983, p. 394). Une indemnité de relocation n'est due par le locataire que si le bien demeure non loué à la suite de la résiliation du bail à ses torts et griefs (Civ. Gand, 6 mai 1988, R.w., 1989-1990, p. 782), ce qui n'est pas le cas en l'espèce. ( ... ) Une indemnité de relocation ne peut être accordée, faute d'une résolution du bail aux torts des locataires (Civ. Bruxelles, 11 janvier 1988, Pas., 1988, III, p. 55). La demanderesse n'est pas fondée à réclamer une indemnité de relocation, puisque c'est elle qui résilie la convention de bail conclue le 6 octobre 2003. C. Dégâts locatifs L'opposante conteste devoir l'indemnité de 2.903,89 EUR pour dégâts locatifs. Les clés des lieux loués ont été restituées et acceptées sans réserve par la demanderesse originaire. L'opposante conteste la validité de l'état des lieux de sortie, unilatéral, qui ne lui est donc pas opposable. L'expert n'a pas été mandaté par les deux parties. L'opposante et l'intervenant volontaire n'étaient pas présents lors de l'établissement de l'état des lieux de sortie en date du 14 octobre 2004 et n'ont pu présenter leurs arguments et moyens de défense. Le juge apprécie souverainement la valeur des constatations et déductions de l'expertise (Cass., 4 janvier 1974, Pas., 1974, I, p. 460). L'expert effectue l'expertise loyalement, entend les parties en leurs dires et réquisitions et motive à suffisance son rapport, faute de quoi celui-ci n'a pas force probante (Civ. Bruxelles, 14 novembre 1990, J.J.p., 1991, p. 168). L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n Droit des Baux Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be Fin d’un bail – Dégâts locatifs n° 148 Il est de l'essence même d'une expertise d'être motivée, d'être effectuée dans des conditions qui lui assurent un caractère contradictoire et sauvegardent les droits de la défense de chacune des parties concernées, afin de permettre aux parties d'être convaincues que l'expert a accompli convenablement sa mission (P. LURQUIN, Traité de l'expertise en toutes matières, 1985, p. 26, n° 18). "L'expert amiable doit être impartial, de bonne foi et respecter les droits de la défense, toute atteinte à ces règles étant de nature à entraîner la nullité de l'expertise" (VANKERCKHOVE et VUES, "Chronique de jurisprudence - Baux à loyer", J.T., 1993, p. 775). L'estimation unilatérale des dégâts locatifs est dénuée de toute valeur probante. L'exigence de la contradiction est essentielle. ( ... ) L'expert reste obligé de veiller au respect effectif des droits de réponse de chacune des parties et doit motiver adéquatement son rapport. Un rapport établi en violation de cette règle ne lie pas les parties en ce qui concerne la qualification de dégâts locatifs, des constats opérés et les évaluations qu'il contient. Ce rapport est susceptible d'être pris en considération pour la matérialité de la situation observée ... (LA HAYE et VANKERCKHOVE, "Le louage de choses", Novelles, 2000, t. VI-l, n°s 870 et 871). Il y a lieu de rappeler l'article 594, 1 ° du Code judiciaire qui permet au juge de paix, saisi sur requête unilatérale, en cas de contestation, de statuer sur une demande de désignation d'expert, "lorsque l'objet de l'expertise entre dans sa compétence d'attribution" comme en l'espèce, ce qui aurait permis aux parties d'obtenir une ordonnance dans les 24 heures, l'expert judiciaire étant chargé d'une mission complète: rechercher les causes du dommage et évaluer celui-ci, l'expert étant chargé de rendre son expertise contradictoire à l'égard de chacune des parties en convoquant celles-ci (LURQUIN, Traité de l'expertise, 1985, p. 85; CLOSSET-MARCHAL, "Le rôle du juge en matière d'enquête et d'expertise", in La preuve, U.CL., 1987, p. 17 et VAN COMPERNOLLE, "La désignation, la mission et la fonction de l'expert", in L'expertise, FUS.L., 1994, p. 121). En l'espèce, la demanderesse originaire a prétendu à l'expert que "la locataire avait quitté les lieux prématurément en jetant les clés et sans rendre compte". C'est une affirmation dénuée de fondement et contraire aux faits et pièces du dossier. Il appartenait à la demanderesse de rendre l'expertise contradictoire, afin de sauvegarder les droits de la défense. Statuant en équité, tenant compte des éléments développés ci-dessus, tant en fait qu'en droit, il convient de débloquer la garantie locative en faveur de la demanderesse originaire, pour solde de tout compte entre parties. Dispositif conforme aux motifs