L`organisation syndicale au bénin

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L`organisation syndicale au bénin
La Faculté n'entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions
émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent
être considérées comme propres à leurs
auteurs.
2
INTRODUCTION GENERALE
Le XIXC siècle a été marqué par de nombreuses crises sociales au
nombre desquelles figurent les mémorables luttes ouvrières contre un
patronat devenu invivable. En effet, avec la révolution industrielle
et son corollaire qu'est le développement des moyens de production,
la
situation
des
travailleurs
s'est
davantage
dégradée.
Les
conditions de travail étaient souvent précaires voire inhumaines ;
les salaires dérisoires leur permettaient juste de renouveler leurs
forces en vue de poursuivre la production. Quant à leurs conditions
de vie, elles étaient pour le moins déplorables.
Face à cette situation, les ouvriers se mobilisèrent pour la
revendication de leurs droits, la défense de leurs intérêts communs
et la reconnaissance de leur identité. C'est dans ce contexte qu'est
intervenue la première guerre mondiale qui aggrava la condition des
travailleurs.
Après cette guerre, on a noté une prise de conscience de la
Communauté internationale qui a senti la nécessité d’œuvrer pour le
maintien de la paix, laquelle ne saurait être effective sans une
justice sociale, surtout en milieu du travail. Il existe donc un lien
étroit entre la paix universelle et le statut des travailleurs.
Cette préoccupation a conduit les Etats parties au Traité de
Versailles à adjoindre à la Société des Nations (SDN) une
Organisation internationale de "Travail (OIT) chargée d'assurer la
protection des travailleurs ; car, « la misère induite par les
conditions de travail provoque un tel mécontentement que la paix et
l'harmonie universelles .sont mises en danger » 1.
3
L'O.I.T. fut alors créée en 19192. Cette organisation a pour
but principal la protection des droits du travailleur dont la liberté
syndicale.
Dès sa création, l'O.I.T. a fait siennes les difficultés des
travailleurs et a adopté d'importantes conventions relatives aux
conditions de travail3.
Ces
efforts
de
l'O.I.T.
seraient
sans
succès,
si
les
travailleurs, acteurs concernés, n'avaient été pourvus de certains
"pouvoirs".
C'est
pourquoi
la
convention
n°
87
sur
la
liberté
syndicale et la protection du droit syndical et celle II°98 sut le
droit d'organisation et de négociation collective furent adoptées4.
En effet, la liberté syndicale « est tout d'abord le droit pour un
individu d'adhérer au syndicat de son choix... [elle] se présente
comme l'exercice d'un droit subjectif, d’un droit de l'individu...
C'est également la possibilité pour le syndicat considéré en tant que
groupement, d'exercer librement son action. La liberté syndicale est
alors envisagée non plus sur le plan individuel, mais sur le plan
collectif »5.
L'expression liberté syndicale
désigne
aussi
le
droit
des
travailleurs de s'affilier librement au syndicat de leur choix, et
celui des syndicats de se constituer et de fonctionner libremellt6.
On déduit de ces définitions certains principes fondamentaux
que pose la convention n° 87 tels que la liberté d'association (art.
2 et 5 ), la non ingérence (art.3), l'autonomie et l'indépendance (
art. 4).
4
En ce qui concerne la convention n°98, elle comporte deux
notions essentielles : le « droit d'organisation » et la «
négociation collective ».
Le droit d'organisation est la faculté reconnue aux travailleurs
ou aux employeurs de s'associer, sans discrimination, pour mettre en
place des cellules ou organes en vue de donner une orientation à
leurs actions polo- la défense et la sauvegarde de leurs droits.
La négociation collective quant à elle, est conçue comme
l'ensemble des pourparlers, des discussions entre un employeur, un
groupe d'employeurs ou une ou plusieurs organisations d'employeurs et
une ou plusieurs organisations de travailleurs, en vue du règlement
des questions relatives aux conditions de travail, d'emploi et aux
relations employeurs - travailleurs.
On peut retenir de ces définitions quelques principes
fondamentaux visant l'épanouissement du travailleur: le principe de
non ingérence, celui de la non discrimination ( art. 1 ).
Il existe; donc une complémentarité entre ces deux conventions
que le Bénin a ratifiées depuis son indépendance'.
De
Travail
tous
(CIT),
les
instruments
ces
deux
de
la
conventions
Conférence
sont
les
Internationale
plus
connues
du
des
travailleurs et figurent parmi celles qui ont reçu le plus grand
nombre
de
ratifications.
C'est
ce qu'affirme DUNNING
1-1.
en
ces
termes: « il serait quasiment impossible de trouver de par le monde
un seul bureau syndical où la convention n° 87 ne serait pas non
seulement bien connue, mais aussi tenue en haute estime »9.
En effet, au 31 décembre 1998, on pouvait noter 122
ratifications pour1a convention r1° 87 et 140 pour la convention n°
981°.
5
Mais
malheureusement
au
Bénin
,
pendant
une
période
relativement longue, notamment de; 1972 à 1989, les principes énoncés
par
ces
deux
l'instauration
conventions
du
régime
ont
été
marxiste
-
"mis
en
veilleuse"
léniniste.
Ce
n'est
avec
que
récemment, en 1990, que ces normes ont été remises en selle. Après
plus d'une décennie d'application, dans un contexte d'État de droit,
il y a donc lieu de faire le bilan de leur mise en œuvre.
Les principes énoncés par ces conventions sont-ils proclamés et
reconnus
au
plan
Interne
?
Comment
sont-ils
respectés
dans
le
contexte actuel d'État de droit et de démocratie ?
Le moins qu'on puisse dire est que la liberté syndicale et la
protection du droit syndical , ainsi que le droit de négociation
collective sont non seulement proclamés et reconnus, mais également
appliqués , malgré les insuffisances (Première partie).
De
même,
juridictionnels
il
qui
existe
veillent
des
à
organes
la
juridictionnels
protection
de
ces
et
non
principes
lesquels organes sont complétés par les acteurs de la société civile
(Deuxième partie) .
6
CONCLUSION GENERALE
Garantir et consolider le développement socio-économique, c'est
aussi reconnaître et respecter les principes de la liberté syndicale,
en tenant compte des intérêts des travailleurs et des exigences des
secteurs public et privé. En effet, comme le souligne Willy Brandt, «
la politique du développement est la politique pour la paix... ». Or,
il ne saurait y avoir de véritable paix sans une justice sociale,
laquelle
est
nécessairement
garantie
en
milieu
du travail
par
la
liberté syndicale.
Au Bénin, le processus démocratique qui a suivi la conférence
nationale
de
d'expression
Février
dont
le
1990
a
favorisé
corollaire
dans
l'éclosion
le
monde
du
de
la
liberté
travail
est
le
fondamentales
de
pluralisme syndical.
En
ratifiant
la
quasi
totalité
des
normes
l'OIT7°, le Bénin a ainsi fait sienne la Déclaration de l’O.I.T du 18
Juin 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au travail,
et
réaffiché
sa
volonté
de
respecter
la
liberté
syndicale
et
de
rendre effectif le droit de négociation collective.
En
outre,
dans
son
arsenal
juridique
interne,
le
Bénin
a
reconnu et garanti les principes contenus dans les conventions ri S
87 et 98 de l'01T. De même, du point de vue effectivité, il n'est
point de doute que depuis 1990, l'application des principes énoncés
par les deux conventions est une réalité incontestable au Bénin.
Hormis
institutions
liberté
le
cadre
ont été
syndicale
constitutionnelle,
et
juridique
installés
du
droit
tribunaux,
favorable,
pour
de
différents
garantir
organes
et
la
protection
de la
négociation
collective
(cour
organes
administratifs,
civile).
Ce cadre pragmatique permet un exercice, à tout le moins
acceptable, de la liberté syndicale et du droit de négociation
société
7
collective, même si certaines difficultés persistent encore. Ces
difficultés se situent à trois niveaux : juridique, économique,
socio-culturel et politico-administratif, et il convient de les
pallier pour un meilleur exercice de ces droits au Bénin.
Pour ce faire, d'abord au plan juridique, la révision du code du
travail (loi n°98-004 du 27 Janvier 1998), notamment en son article
83 s'impose pour une harmonisation de ce code avec les exigences des
normes internationales, notamment la convention n° 87 de l'OIT.
En outre, la loi n° 2001-09 du 14 Mai 2001, qui a remplacé à
juste titre l'ordonnance n° 69-14/PR/MFPRAT du 19 juin 1969 relative
à l'exercice du droit de grève mérite d'être promulguée, parce que
plus conforme à l'esprit des conventions n°' 87 et 98.
De plus, pour une meilleure jouissance de la liberté syndicale
et
du
droit
de
négociation
collective,
les
normes
nos
87
et
98
doivent être renforcées par la ratification d'autres conventions de
l'OIT, notamment :
•
La convention n° 135 de 1971 concernant les représentants des
travailleurs, afin de leur permettre de jouer efficacement leur
rôle sans être inquiétés ;
•
La convention n° 144 de 1976 (sur les consultations tripartites)
visant à promouvoir la mise en oeuvre des normes internationales
du travail ;
•
La convention n° 151 de 1978 (sur les relations de travail dans
la Fonction Publique) qui reconnaît aux Agents du secteur public
les mêmes avantages qu'à ceux du secteur privé, surtout en ce qui
concerne la liberté syndicale, les principes de non ingérence, de
non discrimination et d'indépendance ;
8
•
La convention n° 154 de 1981 (sur la négociation collective) en
vue de promouvoir les négociations libres et volontaires au
Bénin.
Au
plan
socio-culturel,
des
mesures
doivent
également
être
envisagées. Ainsi, les populations béninoises étant dans leur grande
majorité
analphabètes,
l'édition
de
"
plaquettes
illustrées
"
permettraient aux travailleurs à faible niveau d'instruction de se
familiariser avec les textes consacrant leurs droits et devoirs. Dans
le
même
sens,
il urge
d'entreprendre
une
large
vulgarisation
des
textes en matière de travail en général et de liberté syndicale en
particulier, à travers des séminaires de formation et d'information,
des émissions radiodiffusées ou télévisées en français et dans les
principales langues nationales (Adja, Bariba, Dendi, Fon, Yoruba, par
exemple). La transcription desdits textes dans ces langues nationales
serait aussi d'un apport important. Dans ce cadre, l'Etat et les ONG
doivent être mis à contribution pour des résultats efficients.
Quant aux dirigeants syndicaux, ils doivent oeuvrer pour leur
propre
formation
à
travers
des
séminaires,
avec
l'appui
des
institutions spécialisées. Ceci leur permettra d'acquérir une culture
syndicale démocratique et d'éviter les dérapages souvent observés au
sein des organisations syndicales. La culture de la probité et de
l'honnêteté,
permettrait
surtout
également
au
niveau
d'assainir
des
le
responsables
climat
de
syndicaux,
suspicion
souvent
source de luttes intestines au sein ou entre organisations syndicales
et qui ne rime pas avec leur mission première de défense des intérêts
dits travailleurs.
Au plan économique, l'Etat béninois doit s'efforcer de mener une
bonne politique de rémunération et de relever le pouvoir d'achat des
travailleurs (paiement des salaires à l'indice réel par exemple) afin
9
qu'ils
puissent
syndicales.
Ceci
organisations
s'acquitter
régulièrement
participerait
syndicales
dont
à
les
un
de
meilleur
ressources
leurs
cotisations
fonctionnement
sont
des
essentiellement
constituées de ces cotisations.
Par ailleurs, la culture de la bonne gouvernance et une
meilleure gestion des ressources publiques permettront de réduire
très sensiblement les cas de corruption et de dilapidation des biens
publics, qui accentuent la pauvreté de l'Etat et ne lui permettent
pas d'honorer ses engagements vis -à- vis de ses institutions et des
citoyens.
En définitive, au - delà des mesures juridiques et économiques,
la bonne gouvernance et la culture de la probité sont tout aussi
nécessaires pour l'enracinement et la consolidation de la liberté
syndicale au Bénin.