Monsieur François Hollande Président de la République Palais de l

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Monsieur François Hollande Président de la République Palais de l
Monsieur François Hollande
Président de la République
Palais de l'Élysée
55, rue du Faubourg St. Honoré
75008 Paris
Luxembourg, le 5 mars 2015
Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République française
Monsieur le Président,
La France et le Luxembourg sont liés par des relations d'amitié aux multiples facettes. Les
échanges politiques, économiques, scientifiques et culturels ont une longue histoire et
contribuent positivement au développement de nos deux pays. Votre visite actuelle en est
une preuve importante.
Le Luxembourg et ses citoyens aiment et apprécient votre pays. Toutefois il existe un point
de désaccord considérable qui pèse lourdement sur le quotidien des résidents
luxembourgeois et le bon voisinage entre nos deux pays. Il s'agit bien évidemment de la
question de la centrale nucléaire de Cattenom.
Permettez-moi de rappeler les faits historiques. Dans les années 1970, la société civile
luxembourgeoise s'était mobilisée contre la construction d'un réacteur
nucléaire
luxembourgeois à Remerschen, dans le sud-est du pays et le gouvernement de l’époque a
finalement abandonné le projet au printemps 1978. Or, à peine un an plus tard, la
construction d’une centrale nucléaire avec in fine quatre réacteurs a commencée à
Cattenom, à huit kilomètres de notre frontière. Dès le raccordement au réseau du premier
réacteur en 1986, peu après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, la centrale nucléaire
de Cattenom continue à être une menace existentielle pour notre pays et qui s’aggrave avec
le vieillissement des réacteurs.
Quatre ans après le drame de Fukushima, 150.000 personnes ne sont toujours pas rentrées
chez elles et bien probablement ne pourront jamais le faire. À ce jour, les meilleurs experts
internationaux n'arrivent toujours pas à identifier les mesures appropriées pour contenir la
contamination. Fukushima, tout comme Tchernobyl, restera gravé dans les esprits des
résidents luxembourgeois et leur inquiétude est légitime. En cas d'accident nucléaire majeur
à Cattenom, tout le sud du Luxembourg ainsi que la capitale, se situent dans un périmètre de
25km et seraient indubitablement affectés. Au moins 150.000 citoyens seraient obligés de
quitter leur foyer et l'économie du pays, largement concentrée au sud, serait ravagée.
Malgré tout, la possibilité de prolonger la durée de vie des centrales nucléaires – et donc
aussi de Cattenom - à 50 voire 60 ans est en cours de discussion en France. Cette
possibilité nous apparait d'autant plus choquante que ces installations n'ont jamais été
conçues pour une telle durée de vie. Dans le cas de Cattenom, on parlait à l’époque de la
mise en service d’une durée de vie de 30 ans. Toute prolongation de Cattenom ne mettrait
donc non seulement en péril la vie de vos propres citoyens français, mais aussi de vos
voisins. Permettez-moi d’insister sur le fait qu’une telle prolongation sera parfaitement
inadmissible pour le peuple luxembourgeois, considérée comme contraire au principe de bon
voisinage et une menace pour notre souveraineté.
Comme estimé par l'ancien président de l'Autorité de sûreté nucléaire André-Claude Lacoste
lors de son audition au Sénat français le 3 avril 2012, le coût d'un accident nucléaire
important en Europe pourrait s'élever entre 600 et 1000 milliards d'euros. Il poursuivait
d’ailleurs en indiquant qu'un petit pays « n'y résisterait pas ». En effet, une telle somme
représente de 12 à 20 fois le PIB du Grand-Duché de Luxembourg.
Ces arguments ne sont pas nouveaux, mais le contexte politique et économique me semble
à présent propice pour la fermeture de la centrale de Cattenom alors que votre pays
souhaite aujourd'hui s'engager sur la voie de la transition énergétique. D'une part, la loi sur
la transition énergétique prend en compte le développement des énergies renouvelables et
de l'efficacité énergétique. Or, les énergies renouvelables sont parvenues à des réductions
de coûts spectaculaires ces dernières années et sont à présent moins onéreuses que
l'énergie nucléaire. D'autre part, la loi sur la transition énergétique prévoit le plafonnement de
la puissance du parc nucléaire français, puis la réduction de la forte dépendance française à
l’énergie nucléaire.
Au moment de votre élection, vous avez vous-même promis de réduire de 75% à 50% la part
du nucléaire dans la production d'électricité. Au-delà des paroles, il est grand temps d'agir.
Afin d'être crédible, cet engagement de la France doit se traduire en actes concrets, dont
non seulement la fermeture des réacteurs les plus âgés, mais aussi la fermeture à court
terme des centrales nucléaires situées à proximité de vos frontières, comme celle de
Cattenom.
Toute autre décision politique mettrait en doute la sincérité de la transition énergétique
française et serait préjudiciable aux relations de voisinage entre nos pays.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l'assurance de mes salutations très
distinguées.
Claude Turmes
Député européen