FORMATION SUR LE FILM CHANTONS SOUS LA PLUIE de Gene

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FORMATION SUR LE FILM CHANTONS SOUS LA PLUIE de Gene
FORMATION SUR LE FILM
CHANTONS SOUS LA PLUIE
de Gene Kelly et Stanley Donen
Le mardi 4 octobre 2016, l’association Collège au Cinéma 37 a reçu Nadia Meflah, journaliste critique et
responsable éducation cinéma pour le site Objectif Cinéma, pour parler du film de Gene Kelly et Stanley
Donen, Chantons sous la pluie programmé pour les collégiens au deuxième trimestre 2016/2017 dans le
département de l'Indre-et-Loire.
Chantons sous la pluie est un film extraordinaire, très didactique, pédagogique sur des réalités (passage du
muet au parlant) évoquant, entre autres, des différents métiers du cinéma.
Ce film permet de travailler avec les classes sur le doublage, le son, les scénarios qui s'entrecroisent et les
textes proches parfois de la poésie plutôt burlesque, usant souvent d'allitérations.
Ce film démontre que le cinéma est de l'image et du son et parle de décalage dans l'histoire, dans le
doublage, l'art de l'illusion : tout est faux mais reste vraisemblable.
"(...) Les premières minutes du film, qui évoquent une "preview" en 1927, (..) pétaradantes et joyeuses, nous
mettent en état de réceptivité parfaite ; quelque soit notre antagonisme de départ, quelque soit le chagrin de
notre esprit, ils s'effacent par magie, sans résistance possible (...).
Claude Chabrol, Cahiers du Cinéma nov. 53"
Ce film a quelque chose de merveilleux qui donne envie de danser. Cette comédie musicale a été réalisée
alors que ce genre était en train de s'effondrer à Hollywood. Le film joue beaucoup sur la mise en abyme des
cadres/décadrages et est nourri de la nostalgie des années 1920-1930.
Il est intéressant d'avoir un temps d'échanges avec les élèves sur leurs impressions.
I - CONTEXTE HISTORIQUE DU FILM
1/ Le contexte
Il y avait cinq grandes maisons de production appelées « majors » : Metro-Goldwyn-Mayer, la Paramount
Pictures, la Twentieth Century Fox, la Warner Bros. Pictures et enfin la RKO Pictures. Les Majors
contrôlaient et fabriquaient tout le film de A à Z sans aucune politique des auteurs contrairement à la France.
Les acteurs étaient sous contrat et les studios en avaient l'exclusivité.
À la sortie du film, l'industrie cinématographique est marquée par la fin de ces majors et l'arrivée massive de
la télévision ainsi que d'une nouvelle écriture cinématographique.
Le western a connu son âge d'or dans les années 1920-1930 où 500 films étaient réalisés par an. Le
western et la comédie musicale ne sont plus des genres dominants actuellement, la tendance est plutôt aux
films de super héros ou d'heroic fantasy. La comédie musicale a rencontré un succès aux États-Unis et en
Égypte. La diffusion des films de la cinématographie autre qu'européenne et américaine a commencé dans
les années 1960. Par exemple, dans les années 1950, très peu d'endroits diffusaient du cinéma asiatique.
Le cinéma américain a été une domination industrielle à grande échelle accélérée par les accords de
Bretton-Woods où en échange de l'aide apportée par les États-Unis, il y avait la circulation des produits ce
qui permet de comprendre que ces films ont pu influencer des cinéphiles français, des critiques, des
passeurs de cinéma.
En 1930, le cinéma devient parlant même si certains films sont encore muets. Auparavant il y avait déjà du
son optique dans les salles de cinéma (bonimenteurs, orchestre, gramophone...). Les Français, les Anglais
et les Américains étaient déjà sur le projet de relier le son et l'image dès 1920-21 mais le problème restait
l'amplification du son.
2/ Le film
Chantons sous la pluie ne connaît pas le succès escompté à sa sortie mais devient mythique avec les
années. Avec Chantons sous la pluie, Gene Kelly avec Arthur Freed rendent hommage à l'époque de
l'apogée des studios.
Le film, réalisé en 1952, colle bien aux années 1920-1930.
Avec Chantons sous la pluie, un bilan peut être dressé sur l'état du cinéma hollywoodien qui, en 1952 arrive
à la fin d'un système où le travail était très hiérarchisé.
Chantons sous la pluie invite le spectateur à revenir 25 ans en arrière sur le basculement industriel du
cinéma. À partir des années 1950, les écrans se multiplient avec l'arrivée de la télévision et le cinéma n'est
plus dominant dans la prolifération des images.
Tout comme le cinéma d'animation, la comédie musicale est artificielle et surréaliste avec le point de folie
basé sur la musique et le corps en mouvement. Le Magicien d'Oz et Mary Poppins intègrent la comédie
musicale et le cinéma d'animation. La musique et la danse sont universelles et la comédie musicale intègre
le spectateur dans le film qui est une joyeuse régression avec un point de folie auquel le spectateur adhère.
La notion de hors champ n'existe pas dans la comédie musicale, ni dans l'animation. Même lorsque les
comédies musicales sont filmées en plein air, elles parasitent le réalisme du plein air. La danse peut être
reliée à ce film et permet de s'interroger sur cet art populaire et universel.
Chaque comédie musicale a un scénario simple avec une histoire d'amour ; la complexité se trouve dans la
chorégraphie et le montage.
Dans Chantons sous la pluie, une séquence de 15 minutes se passe à Broadway où l'histoire de Don est
dépeinte de façon très stylisée contrairement à la scène d'ouverture.
3/ Pistes avec les élèves
> Les enseignants peuvent demander aux élèves comment les genres de cinéma naissent, pourquoi la
comédie musicale n'existait pas au temps du cinéma muet ? Pourquoi la comédie musicale n'existait pas en
France ? Il y a des réponses économiques et industrielles mais les historiens avancent l'idée du besoin de
rêver du spectateur dans les périodes de dépression. L'entre-deux-guerres fut une période dure et avec
l'objectif de rendre captif le spectateur, on réalise des comédies musicales.
> Tout en comparant le film avec The Artist, il serait intéressant de se demander ce que le réalisateur veut
dire sur le temps présent en racontant une histoire du passé ?
II - ÉTUDE DE SÉQUENCES
1/ Séquence d'ouverture (de 0 à 10 minutes 11 secondes)
- Les acteurs principaux annoncent eux-mêmes le titre du film, comme dans une troupe, avec des
parapluies, des cirés et de l'eau ; ces éléments seront réutilisés dans le film.
- Plein feu sur le cinéma : plan aérien sur les lumières de la ville.
- Présence du public, très important dans le film.
- Tapis rouge avec la journaliste, figure importante dans la fabrication et le pouvoir des studios de production
à l'époque ; elle est au service du mythe. Présentation des personnages. Le rite du tapis rouge existe
toujours.
- Le public est curieux, hilare, en pâmoison, obsessionnel et hystérique.
- Plan en contre-plongée sur les enfants dans l'arbre
- Défilé des monstres sacrés avec des tenues extravagantes
- Le spectateur peut voir deux mises en abyme
> "Je suis un comédien, je vais vous raconter une histoire"
> L'extrait raconte une autre histoire que celle racontée par Don. Si le spectateur est paranoïaque, il
peut se demander si l'histoire vue est la vraie ou si c'est elle-même un mensonge.
- L'histoire racontée est plus importante que les faits.
Dès le début du film, le spectateur se retrouve dans la comédie musicale en cohérence avec la narration du
film. Dès que Don et Cosmo commencent à danser et à chanter, la narration disparaît pour laisser le
spectateur être emporté dans le spectacle. Cette séquence permet de montrer l'envers du décor. Tous les
personnages sont bien caractérisés et renvoient à des personnages authentiques.
Dans les années 1910, il y a eu beaucoup de réalisations de courts métrages de western comme Don le
relate. Au début du film, le spectateur n'entend pas parler Lina et peut se demander pour quelles raisons
Don ne lui donne pas la parole. Dès la première scène, tous les personnages sont présents excepté Kathy ;
quant à Cosmo, il se trouve proche du cadre.
Aux États-Unis, les films étaient montrés aux spectateurs lors d'une avant-première appelé le "final cut" afin
d'effectuer d'éventuels réajustements avant la sortie dans les salles de cinéma. Dans le film, la présence du
public est donc très importante.
Chantons sous la pluie montre bien la fabrique du cinéma avec l'envers du décor, comme Don effectuant les
cascades comme doublure ou la rapidité des tournages.
2/ Scène de l'entrepôt (39 minutes 51 secondes)
Don dit avoir besoin d'un cadre pour faire sa déclaration d'amour permettant ainsi de créer du lien. L'échelle
où se trouve Kathy peut être comparée à un balcon comme dans Roméo et Juliette.
En réalité, Jean Hagen (Lina Lamont) double Debbie Reynolds (Kathy Selden) alors que dans le film, c'est le
contraire. Jean Hagen n'avait pas le rôle joué par Debbie Reynolds car l'actrice était trop âgée et il fallait une
actrice qui joue une débutante.
Plusieurs décisions ont été prises lors du tournage (les couples, le choix des chansons, les doublages pour
corriger un accent trop prononcé...). Gene Kelly a insisté pour que Debbie Reynolds ait le rôle de Kathy.
3/ Scène Make'Em Laugh (26 minutes)
Les décors du film devant lesquels chantent Cosmo sont les décors de cinéma. Le spectateur retrouve tout
dans cet extrait : le cinéma burlesque, le cartoon (Tex Avery) et le délire du langage. Le trompe-œil, le bazar
ambiant emmènent le spectateur très loin, l'un des principes du burlesque est de "faire un trou dans le réel".
Dans cette séquence, le corps explose, danse, escalade, s'effondre, roule comme une déclinaison de
postures, de mimiques, de déformation, toujours au bord de l'implosion. Au contraire d'être une chorégraphie
élégante et coordonnée, elle est plutôt désarticulée avec une inflation aussi bien dans le son et dans les
chutes, la séquence monte en crescendo comme dans les Tex Avery. Tout clown doit savoir chuter et se
relever. La plasticité des personnages cartoon se retrouve dans le cinéma burlesque où le corps peut faire
tous les mouvements. Donald O'Connor qui joue Cosmo a l'esprit de troupe comme l'avait Keaton ou
Chaplin, il est comme un élastique.
Il y a très peu de gros plan dans le cinéma burlesque. Ce n'est pas un plan séquence mais on ne perd pas
de vue Cosmo.
4/ Séquence Moses Supposes (45 minutes 08 secondes)
Cette séquence montre la réalité du cinéma en montrant au spectateur la manière dont le cinéma est passé
du muet au parlant avec des coachs vocaux qui ont fait fortune à cette époque-là.
Le film montre Lina faisant semblant d'être en couple avec Don comme cela pouvait se produire à l'époque
sans prendre en considération la répercussion dans la vie intime ; mais le film ne montre pas l'esclavage
organisé et sexué avec les violences faites aux femmes-actrices pour être modelées.
Dominique Roy fait remarquer que le contraire se présente dans le film, Lina harcèle Don. Nadia Meflah
ajoute qu'il y avait un âge d'or dans le star-system qui n'existe plus à présent.
Le découpage de la scène ressemble beaucoup au cinéma burlesque avec des plans larges, la caméra filme
toujours le corps dans son intégrité. Les gros plans dans le burlesque sont des plans psychologiques
dramatiques. Cette séquence est un comique de situation et retrouve le caractère chaotique où les
personnages font tout exploser pour le plaisir de faire exploser, ce qui en fait un "cadavre exquis".
5/ Séquence Singin' in the rain (1 heure 04 minutes 10 secondes)
La pluie est un motif très fort, peu utilisée dans d'autres scènes de cinéma. Il y a une cohérence dans les
danses proposées. L'amour fait faire des choses folles. Don fait repartir la voiture alors qu'il pleut. Il y a
toutes les étapes réjouissantes de l'eau : visage tendu (irradiation du bonheur) à la bénédiction, le
lampadaire devient céleste, une lumière, un soleil. Don régresse en pataugeant dans les flaques montrant
ainsi sa joie de chanter et de danser. Il est dans l'offrande à la vie, il est baptisé par l'amour. Gene Kelly fait
toutes les variations. La pluie est un motif tragique, elle est puissante et Don est en joie, amoureux, tout à la
gaieté de l'amour. Le plaisir du jeu nous fait basculer dans une autre dimension qui n'est pas rationnelle,
détachée de la loi, de l'ordre ; dans le burlesque, nous sommes dans le plaisir de l'instant.
Cette séquence devait être jouée par les trois personnages pour essayer de sauver le film tourné et Gene
Kelly a décidé de la jouer tout seul. Il y a eu plusieurs répétitions pour arriver à un tel niveau.
Souvent dans les films qui utilisent la pluie, il y a beaucoup de motifs dramatiques mais très peu dans la
jubilation de l'eau comme dans Chantons sous la pluie, hormis dans des productions enfantines.
6/ Pistes de travail
> La séquence de Broadway est lourde et complexe. Les enseignants peuvent prendre l'angle du travail,
Chantons sous la pluie est un film sur les métiers du cinéma. Quelles sont les règles de la comédie
musicale (décor naturel, studio, personnage en cinéma d'animation) ?
> Les paroles de Make'Em Laugh ainsi que celles de Moses supposes peuvent être traduites avec les
élèves.
La séquence de Moses supposes peut être travaillée avec les élèves en faisant le parallèle avec des
exercices de dictions français (l'archiduchesse, par exemple). Nadia Meflah pense qu'il faut travailler le texte
et sa traduction avec les élèves.
Moses supposes his toeses are roses
But Moses supposes erroneously
And Moses, he knowses his toeses aren´t roses
As Moses supposes his toeses to be
Moses supposes his toeses are roses
But Moses supposes erroneously
A Rose is a rose
A Nose is a nose
A Toese is a toese
Hupidubidu! (ehehehehe)
Moses supposes his toeses are roses
But Moses supposes erroneously
And Moses, he knowses his toeses aren´t roses
As Moses supposes his toeses to be
> Les enseignants peuvent travailler sur deux-trois séquences différentes et demander aux élèves, à quel
moment le spectateur est dans le champ et à quel moment il en sort ?Les enseignants peuvent présenter le
cinéma à l'époque de la sortie du film. Il est important de contextualiser.
> Ils peuvent montrer The Artist et leur demander l'année de réalisation et faire de même pour Chantons
sous la pluie. Une frise chronologique peut être faite.
L’association Collège au Cinéma 37 remercie Nadia Meflah de sa venue pour son intervention à Tours sur ce
film devant les professeurs investis dans le dispositif Collège au cinéma.

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