150317 Barbara DONVILLE - Collège International de Philosophie

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150317 Barbara DONVILLE - Collège International de Philosophie
CONFERENCE 5
APHASIE OU L’ACTIVATION DES DIFFERENTES REPRESENTATIONS
DE L’AIRE DE BROCA
Dans notre cinquième séminaire on retracera l’incroyable évolution de Killian lorsque nous
avons envisagé de mettre en place un chantier expérimental, qui, jusqu’ici n’avait été
proposé qu’aux singes, qui, petit à petit, l’a mené à l’autonomie de l’écriture et nous
traiterons des conséquences de la désactivation de l’aire de Broca. C’est en nous appuyant
sur les travaux de l’équipe italienne du professeur Rizzolatti concernant les neurones miroirs
que nous avons compris que l’aire de Broca, aire dévolue à l’articulation du langage, avait
une architecture anatomo-fonctionnelle caractérisée par la présence de représentations
motrices brachio-manuelles, oro-laryngées et oro-faciales ; ces différentes représentations
permettent de supposer que la communication individuelle s’est développée à partir de
l’intégration progressive des modalités différentes que sont les gestes faciaux, brachiomanuels, et vocaux, accompagnée par l’apparition des systèmes de neurones miroirs qui leur
correspondent. Nous avons alors compris que l’aire d’Exner, avoisinant l’aire Broca, dont la
désactivation mène à une agraphie, ne pouvait s’activer que lorsque l’aire de Broca avait
déjà suffisamment remplie son rôle, notamment dans sa représentation motrice brachiomanuelle. Mais avant cela, nous envisagerons les conséquences de la désactivation de l’aire
de Broca et tenterons de comprendre, sous l’éclairage des récentes recherches, par quel
biais le processus de verbalisation se développe dans l’aire de Broca.
Conséquences de la désactivation de l’aire de Broca : Parler comme on taille un
silex
Le langage humain et la fabrication d’outils se sont développés simultanément au cours
de l’évolution humaine, et l’imagerie cérébrale confirme que ces deux capacités reposent sur
les mêmes circuits neuronaux.
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Si aucun singe proche de l’homme (chimpanzés, gorilles, orangs-outans) ne parle, pourtant
la plupart ont à leur disposition certains prérequis nécessaires au langage. Cependant aucun
singe ne maîtrise une forme de communication comparable au langage humain du point de
vue de la richesse et de la complexité. De la même manière s’ils utilisent des pierres pour
ouvrir une noix, ils ne fabriquent pas réellement d’outils. Le langage et la fabrication d’outils
ne se sont développés que chez l’homme. Des expériences ont montré que cela n’était pas
dû au hasard. Ces deux facultés sont en effet commandées par la même structure cérébrale :
l’aire de Broca, structure propre à l’homme et chargée de hiérarchiser les actions.
En effet un professeur de psychologie à l’université de Californie à Los Angeles, Patricia
Greenfield, a pu constater que chez l’enfant l’apprentissage du langage semblait se dérouler
de manière simultanée avec un autre processus, la manipulation d’objet. Entre 1 et 3 ans
l’enfant est progressivement capable d’un enchaînement d’actions de plus en plus riche.
Période durant laquelle il assemble les mots de manière de plus en plus élaborée.
Ces recherches ont alors conduit à proposer que le langage et la manipulation d’objets
émergent chez l’enfant par le même substrat cérébral : l’aire de Broca qui une région du
cortex frontal inférieur gauche. Cette zone était plutôt jusque-là considérée comme
spécialisée dans le langage, ce qu’elle est effectivement puisqu’elle est l’aire dévolue à
l’articulation du langage. Mais elle aurait également le rôle, plus général, de hiérarchiser les
actions à accomplir pour réaliser une tâche.
Par exemple, pour les manipulations des objets, l’aire de Broca « sait » que pour se servir
d’un verre il faut commencer par déboucher la bouteille d’eau. Pour le langage, cela
correspond à la maîtrise de la grammaire. Sans grammaire, en effet, impossible de
différencier les phrases comme « Jean frappe Paul » et « Paul frappe Jean », qui décrivent
des situations diamétralement opposées. Les mots utilisés sont rigoureusement identiques
mais c’est l’ordre dans lequel ils sont présentés qui définit la structure hiérarchique (qui est
le sujet et qui est l’objet) de la phrase, et donc le sens.
Selon Patricia Greenfield, ce substrat cérébral a été présent chez l’ancêtre de l’homme et
des grands singes actuels. Mais seul l’homme l’aurait développé. En effet, les espèces du
genre Homo ont vu, au cours de l’évolution depuis environ 2,5 millions d’années, le lobe
frontal du cerveau croître fortement. Comme cette zone contient l’aire de Broca, il est
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vraisemblable qu’elle se soit aussi agrandie. La capacité à hiérarchiser le comportement se
serait de ce fait considérablement développée, ce qui aurait permis le développant en
parallèle du langage et de la manipulation d’outils. Le cas de Killian que je vous soumets ici
est à cet égard, exemplaire. En effet, si Killian présente bien une aphasie de Broca (il ne parle
pas, mais comprend parfaitement, et ne présente donc pas une aphasie de Wernicke), il
était également apraxique, et était donc incapable de la moindre action volontaire, de
quelque ordre que ce soit. Et l’on constate avec les années qu’à mesure que son apraxie a
évoluée en dyspraxie, les représentations brachio-manuelle, oro-laryngée et oro-faciale, se
sont assouplies : les actions volontaires sont peu à peu apparues avec une capacité de
manipulation des objets de plus en plus fine et les mots commencent à sortir.
Des préhistoriens comme André Leroi-Gourhan, ou encore des archéologues, spécialistes de
la fabrication des outils comme Dietrich Stout, se sont penchés sur la question. Ce dernier a
travaillé avec Thierry Chaminade, anthropologue, chercheur à l’institut de Neurosciences de
la Timone à Marseille, pour mettre en évidence ce lien entre le développement de l’aire de
Broca et celui du langage et de la manipulation d’outils. Thierry Chaminade avait travaillé sur
les bases cérébrales de l’imitation et de l’observation des actions, bases que nous
approfondirons dans une seconde partie, lorsque nous vous expliquerons comment nous
nous sommes inspirés des travaux de l’équipe italienne du professeur Rizzolatti, sur les
neurones miroirs, pour faire progresser Killian.
L’étude du développement du langage au cours de l’évolution n’est pas chose aisée, car on
ne peut qu’inférer son histoire à partir d’éléments très partiels ou indirects ; taille et forme
du cerveau, position du larynx qui abrite les cordes vocales.
On a essayé de déterminer quelles sont les ressources cérébrales impliquées lorsqu’un
homme fabrique des outils préhistoriques. Une première expérience a consisté à comparer
ce qu’il se passait lors de la fabrication de deux types d’outils. Ils correspondent aux deux
premiers types d’outils en pierre apparus successivement dans l’histoire de l’humanité, à
quelques milliers d’années d’intervalle. L’hypothèse qui a été émise était que la mise au
point de ces derniers avait été rendue possible par le développement de l’aire de Broca.
Pour étudier la fabrication de deux types d’outils préhistoriques, on a cartographié les
régions du cerveau, lorsqu’un spécialiste fabrique ces outils, et on a constaté que les deux
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types d’outils activent l’aire de Broca mais pas au même endroit. Fabriquer des outils
oldowayens (le premier type d’outils) nécessite une activité dans la partie postérieure de
l’aire de Broca, dans l’hémisphère gauche. C’est une zone qui est impliquée dans le contrôle
moteur des mouvements de la main, mais aussi dans celui de l’articulation des sons. La
fabrication d’outils acheuléens (le deuxième type d’outils) requiert en revanche une région
plus antérieure de l’aire de Broca, dans l’hémisphère droit. C’est dans cette même zone,
mais plutôt dans l’hémisphère droit, que le cerveau traite des aspects structurels du
langage ( la grammaire), donc de la hiérarchie des mots. Le recours à cette zone cérébrale
pour fabriquer les outils acheuléens semble relever du même type de fonction : la
hiérarchisation des gestes. En effet, il ne s’agit plus, seulement, comme dans le premier type
d’outil, de coordonner l’action des deux mains (étape par laquelle nous sommes passés avec
Killian), dans le second type d’outils, le tailleur doit se représenter au préalable
l’enchaînement des actions à exécuter ( étape que nous travaillons actuellement avec
Killian).
Les résultats de Thierry Chaminade et Dietrich Stout, semblent confirmer l’hypothèse de
Patricia Greenfield. Durant les deux premiers millions d’années, les premiers représentants
du genre Homo utilisent la partie postérieure de l’aire de Broca pour tailler les premiers
types d’outils et peut-être aussi pour émettre des vocalisations. Puis il a fallu attendre la
fabrication des outils du deuxième type ( acheuléen) qui a développé la partie antérieure de
l’aire de Broca et a sans doute permis de faire des phrases.
Cependant, au début des années 1990 l’équipe italienne du professeur Rizzolatti, qui,
comme Patricia Greenfield fait de l’aire de Broca la zone qui contrôle le langage et la
manipulation des outils, propose un mécanisme différent fondé sur le rôle des neurones
miroirs. En effet chez le singe macaque, il existe une zone à l’avant du cerveau, appelée F5
qui est l’analogue nettement plus petite de l’aire de Broca chez l’homme. Il s’y trouve une
classe particulière de neurones, les neurones miroirs, leur fonction principale est le contrôle
moteur des gestes. Mais ils présentent une particularité d’être activés non seulement
lorsqu’un individu agit, mais aussi lorsqu’il observe les actions d’un autre. Or, plusieurs
indices laissent à penser que ces neurones miroirs sont probablement aussi présents chez
l’homme.
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Selon Michael Arbib de l’université de Californie du Sud, ce mécanisme serait à l’origine du
langage humain. En effet, il permet à l’observateur d’interpréter les actions qu’il voit. Il le
fait non pas en fonction de leurs propriétés visibles (une main s’ouvre, un bras se tend, les
doigts entourent la bouteille et se referment), mais de l’intention de celui qui agit (attraper
une bouteille). Un geste partage donc la même signification pour celui qui exécute et celui
qui l’observe. D’où un moyen de communiquer, par les gestes d’abord puis en utilisant la
voix, ce qui aurait donné naissance au langage.
Pour tester cette hypothèse, des expériences de tailles d’outils ont été menées, en
s’intéressant à l’observation de l’action. On a étudié les régions activées lorsqu’un
observateur regarde un expert qui fabrique ces objets. Et les résultats ont montré que
l’expertise de l’observateur influence effectivement son activité cérébrale au sein de l’aire
de Broca. Si l’observateur est novice, l’activité de l’aire de Broca se concentre dans la partie
postérieure de cette aire ( la partie de l’aire qui s’active lorsqu’on fabrique le premier type
d’outils Olodowayens et qui sert au contrôle moteur des actions), en d’autres termes le
novice ne perçoit donc que les aspects moteurs des actions. Il ne les interprète pas. Son
cerveau traite l’action de manière artificielle.
En revanche, si l’observateur est un expert de la taille des outils, c’est la zone antérieure de
l’aire de Broca qui s’active (celle qui s’est activité lors de la fabrication des outils acheuléens,
zone qui contrôle la hiérarchie des différents gestes dans la taille de pierre. Il semble donc
bien qu’il y ait un phénomène miroir : l’observateur interprète la hiérarchie des différents
gestes effectués par l’autre tailleur de pierre, en utilisant la même région du cerveau que
lorsqu’il le taille lui-même. Cela renforce donc également l’hypothèse de Patricia Greenfield.
Jusqu’ici le phénomène miroir était surtout considéré pour les actions simples, les actions
motrices, c’était par exemple le cas de la théorie qui suggère que l’homme reconnaît les
paroles de son interlocuteur en les simulant. Il « imiterait intérieurement » l’articulation des
mots de celui qu’il écoute.
Mais les résultats des expériences de taille de pierre indiquent que si l’effet miroir ne se
limite pas aux gestes simples : il s’étend à la hiérarchie des actions ; C’est d’ailleurs ce que
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semble confirmer, pour le langage, l’étude de l’aphasie de Broca. Dans cette affection, dont
est touchée Killian, les patients ont du mal à prononcer des mots et a fortiori, à construire
des phrases, et parfois à comprendre la signification des phrases complexes, (ce n’est pas le
cas de Killian) ou également des intentions des autres (c’est le cas de Killian) Cela pourrait
être la manifestation du phénomène miroir pour l’aire de Broca. Le cerveau utiliserait cette
dernière pour produire des structures grammaticales mais aussi pour les comprendre.
Le phénomène miroir a donc une portée plus générale que le pensaient les
neuroscientifiques jusqu’à présent. Peut-être est-il plus économique, pour le cerveau
d’utiliser les mêmes structures lorsque l’individu est acteur et lorsqu’il est spectateur.
Toutefois, le phénomène miroir n’explique pas à lui seul comment les êtres humains ont
acquis la capacité d’effectuer des tâches complexes, il semble plutôt en être une condition
nécessaire.
C’est donc l’évolution qui aurait sélectionné peu à peu chez les ancêtres de l’homme la
capacité d’effectuer des tâches complexes. L’état des connaissances ne permet pas de
décider lequel, du langage ou de la fabrication d’outils a été le moteur de cette sélection.
Cependant, dans notre travail avec Killian, nous avons constaté qu’au fur et à mesure que
son apraxie s’est commuée en dyspraxie et qu’il est peu à peu devenu capable d’assembler
et de construire correctement un objet en meccano, par exemple, sa fonction oro-laryngée
s’est assouplie et les mots ont commencé à sortir.
Comment les neurones miroirs, ont-ils été considérés comme des neurones
visuo-moteurs à l’origine du langage ?
L’identification des neurones miroirs en 1992, due à l’équipe du professeur Giacomo
Rizzolatti, directeur du département de neurosciences de la faculté de médecine de Parme, a
permis la découverte d’aires cérébrales qui contiennent des neurones qui s’activent en
relation non à de simples mouvements mais à des actions motrices finalisées (saisir, tenir,
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manipuler un objet). Ces neurones répondent sélectivement aux formes et aux dimensions
des objets, aussi bien lorsque nous sommes sur le point d’interagir avec eux que lorsque
nous nous limitons à les observer. L’étude des neurones miroirs concerne principalement
des expériences faites avec des macaques, et ces neurones ont d’abord révélé qu’ils
codaient en situation de préhension et de portage à la bouche. On s’est aperçu que lorsque
le singe accomplissait cet acte ou regardait son partenaire faire ce même acte, une même
zone s’allumait dans le cerveau : la région F5.
Ces neurones se sont révélés capables de discriminer l’information sensorielle en la
sélectionnant sur la base des possibilités d’action qu’elle offrait, indépendamment du fait
que ces possibilités puissent être réalisées ou non. Ils montrent comment la reconnaissance
des autres, de leur action, voire de leur intention, dépend en première instance, de notre
patrimoine moteur. L’équipe italienne de Giacomo Rizzolatti et Vittorio Galese, a donc
effectué des expériences et a constaté qu’en situation de préhension par la main et de
portage à la bouche, cette même zone F5 s’allumait, que l’animal agisse ou regarde agir. Ils
en ont alors déduit que cette région F5 comportait les neurones qui avaient la capacité de
faire en sorte que l’animal se mette à la place de l’autre et ils les ont nommé « les neurones
miroirs ».
La découverte des neurones miroirs a profondément modifié la conception du
système moteur
Les recherches neuroscientifiques de ces vingt dernières années ont profondément
modifié la conception que l’on avait du système moteur. En effet, il est de plus en
plus évident que le système moteur possède une telle multiplicité de structures et de
fonctions qu’on ne pouvait plus le confiner au rôle de simple d’exécuteur passif, avec
des commandes ayant leurs origines ailleurs. Le système moteur n’est aucunement
périphérique, mais consiste en une trame complexe d’aires différenciées par leurs
localisations et par leurs fonctions et il contribue de manière décisive à réaliser ces
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transformations sensorielles dont dépendent l’identification, la localisation des
objets et la réalisation des mouvements.
Quel est le rôle du système moteur ?
Le système moteur n’est pas uniquement connecté automatiquement aux aires
corticales responsables des activités cérébrales impliquées dans les pensées et les
sensations, il possède en fait de nombreuses fonctions, lesquelles ne sauraient être
enfermées dans le cadre d’une cartographie purement exécutive. En effet, le cortex
moteur est formé d’une constellation de région diverses, dans différentes aires
anatomiques.
Que se passe-t-il donc dans le cerveau pour que la main puisse réellement saisir un objet ? :
1) D’une part, le cerveau doit disposer d’un mécanisme capable de transformer
l’information sensorielle relative aux propriétés géométriques de l’objet que l’on veut
saisir.
2) D’autre part, le cerveau doit être en mesure de contrôler les mouvements de la main,
des doigts, pour effectuer la prise désirée.
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Si l’on prend une tasse à café, cela implique deux processus indépendants : atteindre la
tasse puis saisir la tasse. On a le sentiment que le premier processus précède le second,
en réalité cela ne se passe pas comme ça : les deux processus se déroulent en parallèle.
La région F5 contient des représentations motrices de la main et de la bouche, elle
possède les caractéristiques requises pour avoir un accès direct à l’information visuelle
et transformer les propriétés géométriques des objets en configurations motrices
opportunes. Ces deux représentations sont en partie superposées, et la plupart des
neurones de l’aire F5 ne codent pas pour des mouvements particuliers mais pour des
actes moteurs, donc des actes coordonnés par une finalité spécifique.
On peut d’ailleurs répartir les neurones F5 en classes spécifiques :
1) Les neurones « saisir-avec-la-main-et-avec-la-bouche »
2) Les neurones « saisir-avec-la-main »
3) Les neurones « tenir »
4) Les neurones « arracher »
5) Les neurones « manipuler »…
Les neurones F5 présentent une certaine sélectivité des différentes configurations
des doigts pour un même genre de prise. Ils codent également le type de
conformation que la main doit adopter pour exécuter cet acte, ils varient en fonction
des différentes phases de l’acte moteur. On a donc remarqué chez le singe que les
mouvements de la bouche et de la main accomplis au cours de l’exécution de
certains actes, autres que la préhension, avec la main et le portage à la bouche,
n’activaient pas les neurones F5, en revanche ils répondaient si le singe exécutait un
mouvement différent de celui de la simple préhension pour atteindre de la
nourriture.
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Une partie des neurones F5 répondent sélectivement à des stimulations visuelles
En effet, une moitié décharge uniquement durant les mouvements relatifs à la préhension
(ce sont les neurones moteurs), tandis que l’autre moitié répond de manière sélective à la
présentation des objets aussi bien lorsqu’elle est suivie d’une prise que lorsque la prise n’a
pas lieu (ce sont les neurones visuo-moteurs).
Il y a donc bien un lien entre la sélectivité motrice pour un type déterminé de préhension et
la sélectivité visuelle pour des objets, qui, tout en ayant des formes et des dimensions
différentes, sont unis par la même prise codifiée au niveau moteur. L’information sensorielle
(ici visuelle) et l’information motrice peuvent donc être ramenées à un format commun : cela
suggère qu’au-delà de l’organisation de nos comportements moteurs, certains processus
habituellement considérés comme étant d’ordre cognitif, comme la perception et la
reconnaissance des actions d’autrui, l’imitation et les formes de communication gestuelle et
vocale peuvent renvoyer au système moteur, et avoir un substrat neural qui lui soit propre.
C’est ce qui a d’ailleurs été vérifié dans l’expérience des tailleurs de pierre avec les différents
types d’outils.
Quelles fonctions ont les neurones de ces aires dans le formatage de l’information visuelle en
commande motrice requise pour l’exécution d’un acte ?
a) En ce qui concerne les voies de la préhension : une des propriétés fondamentales
des neurones à dominante oculaire et des neurones visuo-moteurs, est de
répondre sélectivement à des stimuli tridimensionnels.
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b) En ce qui concerne les voies de la vision : On a supposé que le système visuel se
compose de deux régions fonctionnellement différentes : la « voie du où ? », voie
dorsale et « la voie du quoi ? », voie ventrale.
Certains neurones de F5, sélectionnent un type particulier d’actes. Et, à l’intérieur de ces
actes, il existe une sélectivité de modalités d’exécution singulières et de temps d’activation
déterminé. L’aire F5 semble donc contenir une sorte de « Vocabulaire d’actes » moteurs
dont les mots seraient représentés par des populations de neurones et certaines de ces
populations de neurones indiquent des actions particulières.
a) Le but général de l’acte (saisir, tenir, arracher).
b) La façon dont l’acte est spécifique pour être exécuté (précision de la prise, quel
type de prise et avec quels doigts).
c)
La segmentation temporelle de l’acte dans les mouvements élémentaires qui le
composent (ouverture/fermeture de la main).
Ces neurones répondent donc à des actes moteurs spécifiques ce qui pourrait expliquer
pourquoi nous interagissons toujours de la même manière avec un objet. L’acte potentiel
évoqué, comporte une référence à un type d’objets déterminés caractérisés par leurs
opportunités visuo-motrices.
Le fait que les neurones F5 répondent également aux présentations d’objets indiquerait que
la façon dont les aspects sensoriels des objets sont codés utilise un processus similaire donc
la vue ne serait qu’une forme préliminaire d’action. On comprend alors que les interactions
continues entre perception et action, jouent un rôle décisif dans la constitution du sens des
objets.
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On pourrait alors définir la perception comme une préparation implicite de l’organisme à
répondre et à agir. L’analyse des transformations sensori-motrices montre que c’est dans ces
actes, qu’ils soient effectivement exécutés ou potentiellement évoqués, que prennent corps
ces activités d’orientation, de préhension, ces chaînes d’intervention motrices qui
contribuent à configurer le monde comme un milieu praticable. La constitution d’un tel
monde ne dépend pas seulement du fait que nous prenons tel ou tel objet, mais de notre
propre capacité à bouger, à nous orienter dans l’espace environnant et à saisir les actions et
les intentions d’autrui.
Comment gérons-nous l’espace qui nous entoure ?
Les coordonnées du corps ne renvoient pas à un seul système de référence située sur une
partie spécifique du corps. Selon que l’objet est proche ou lointain, ce ne serait pas la même
région du cerveau qui réagirait, il y aurait donc :
a) D’une part, une région spatiale qui comprend tous les objets à portée de
main que nous appellerons espace péripersonnel ou espace proche
b) D’autre part, une région spatiale qui perçoit l’environnement plus général que
nous appellerons espace extra-personnel ou espace lointain.
Pour atteindre un objet, nous avons besoin de localiser en mesurant la position de l’objet
par rapport aux parties de notre corps concernés par le mouvement. Par exemple, lorsque
nous dirigions le bras vers une tasse, notre cerveau accompli une série de tâches allant du
codage des relations spatiales existant entre notre membre et l’objet jusqu’à la
transformation de ces informations en ordres moteurs appropriés. Les champs récepteurs
visuels sont toujours disposés autour de leurs champs récepteurs somato-sensoriels
réceptifs : Ce sont ces champs récepteurs qui permettent à notre corps d’anticiper et de
définir l’espace qui l’entoure et les objets qui lui sont visuellement proches. L’espace visuel
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est codé par une multiplicité de systèmes de référence différents, distribués selon le champ
récepteur somato-sensoriel qui lui correspond.
La représentation corticale de l’espace semble renvoyer à des formes et des modalités de
constitution différentes, déterminées par l’activation de circuits sensori-moteurs distincts,
dont chacun est dévolu à l’organisation et au contrôle d’actes différents.
La constitution des objets vaut donc pour la constitution de l’espace : C’est à partir de ses
mouvements que le corps cartographie l’espace qui l’entoure.
La constitution d’une perception cohérente des relations entre le corps et l’espace, dépend
de mécanismes à la fois hiérarchisés et parallèles, combinant les informations des sens et
des signaux liés à l’action. Donc certaines lésions ou déficits conduisent à une désintégration
de cette cohérence et mène à de la négligence spatiale. On distingue deux types de
négligences : la négligence perceptive, et la négligence motrice qui consiste à ne pas se servir
d’un membre alors que sa motricité est intacte.
Pendant longtemps, le cerveau de Killian développait ce que l’on appelle une négligence
spatiale de type perceptif, il n’avait pas la possibilité de voir un objet en son entier, il ne
voyait une assiette, par exemple que de manière fragmentaire ou locale.
Ce sont toutes les relations qui se font entre le corps et l’environnement qui créent autant
de possibilités motrices d’atteindre les objets qui nous entourent : L’espace ne serait pas
représenté pour Soi dans une aire quelconque du cortex cérébral, mais sa constitution
dépendrait de l’activité des circuits neuraux, dont la fonction principale est d’organiser cet
ensemble de mouvements qui permettent d’agir sur le milieu environnant, en en localisant
les menaces et les opportunités possibles. L’espace peut être défini en termes d’actes
moteurs potentiels. La constitution motrice de l’espace apparaît comme un système
d’actions coordonnées. L’espace doit être conçu sous une forme dynamique
Plus tôt le neurone décharge, plus tôt il évoque l’acte moteur qu’il code : cette anticipation
de l’action permet de cartographier l’espace avec une plus grande efficacité. On a remarqué
que lors de l’utilisation répétée d’un instrument, les champs récepteurs visuels ancrés sur la
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main, s’étendaient pour inclure l’espace autour de la main et de l’instrument, comme si
l’image de ce dernier était incorporée dans celle de la main. Donc le prolongement de la
main déterminée par l’emploi d’un instrument familier entraînerait une extension de
l’espace atteignable chez le sujet, ainsi qu’une redistribution du proche et du lointain : Les
neurones s’activeraient en présence d’objets situés dans l’espace péripersonnel, et
répondraient à des stimuli qu’ils n’auraient pas codés au départ parce qu’ils ne faisaient pas
partie de leur espace proche, mais qui maintenant seraient considérés comme tels.
Qu’en est-il de la portée d’une action ?
Les objets apparaissent comme des hypothèses d’actes possibles, et l’espace comme le
système de relations que ces actes déploient et qui trouve sa propre mesure dans les
diverses parties du corps. Les circuits neuronaux impliqués ici sont différents, ainsi que les
typologies d’actes codés par ces circuits.
Reprenons l’exemple de la tasse de café….
Dès l’ouverture initiale de la main, notre cerveau en sélectionne les traits (forme
et orientation de l’anse et du bord…) qui apparaissent prégnants pour l’action et
qui détermine la physionomie motrice de l’objet et l’espace des prises possibles.
La physionomie motrice se constitue par l’espace des prises possibles. Il faut donc
que la tasse soit atteignable et localisable par rapport aux parties du corps qui
interviennent dans l’acte de la saisie.
•
L’espace prend forme à partir des objets et de la multiplicité des actes
coordonnés qui nous permettent de les atteindre. Les lieux inscrivent
autour de nous la portée variable de nos visées et de nos gestes.
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•
Cette portée dépend de la possibilité de distinguer un espace proche et un
espace éloigné, de saisir la nature dynamique de la frontière qui les
sépare.
Cela confirme d’une part, l’interdépendance de la constitution des objets et de l’espace car
l’impossibilité d’atteindre les objets va de pair avec l’impossibilité de cartographier les
différentes régions de l’espace.
Et d’autre part, L’interdépendance de la catégorisation des objets avec la représentation de
l’espace. Le système moteur révèle une richesse de fonctions qui dépassent le simple
contrôle des mouvements et qui paraissent connectées aux différentes dynamiques de
l’action, dont celles qui concernent le corps des autres.
Qu’en est-il de l’acte moteur visuellement codé ?
On peut subdiviser les neurones miroirs comme tel :
Neurones miroirs « tenir ; Neurones miroirs « saisir » Neurones miroirs « manipuler » ;
Neurones miroirs « situer » ; Neurones miroirs « interagir-avec-les-mains ».
L’un des principaux aspects fonctionnels des neurones miroirs est le lien entre l’acte moteur
codé par le neurone et l’acte moteur observé qui l’active. Les neurones miroirs jouent le rôle
essentiel dans la reconnaissance et la compréhension du sens des événements moteurs,
donc des actions d’autrui. L’activation de la même configuration neurale ainsi que la
compréhension des actions d’autrui présuppose de la part de l’observateur la même
connaissance motrice que celle qui règle l’exécution de ses propres actes.
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Qu’en est-il des neurones miroirs chez l’homme ?
Il semble exister un système de neurones miroirs chez l’homme notamment par des
études d’électroencéphalographie lorsque l’on observe la réactivité des rythmes
cérébraux et l’observation de certains mouvements. Le cerveau génère plusieurs
types de rythmes sur la base de plusieurs fréquences d’ondes :
D’une part, un rythme alpha prévaut quand les systèmes sensoriels, en particulier visuel,
sont inactifs. Il suffit que le sujet ouvre les yeux pour que ce rythme disparaisse ou s’atténue
de façon considérable. D’autre part un rythme mu qui prévaut tant que le système moteur
reste à l’état de repos. Un mouvement actif ou une stimulation somato-sensorielle suffisent
à le désynchroniser.
Les neurones miroirs chez l’homme sont capables de coder aussi bien le but de l’acte
moteur que les aspects temporels des mouvements particuliers qui le composent. Il semble
que la région activée dans le lobe pariétal inférieur, corresponde à l’aire 40 de Brodmann,
c’est-à-dire à la partie postérieure de ce qu’on appelle l’aire de Broca , mais aussi de larges
parties du cortex pré-moteur et du lobe pariétal inférieur. Mais, le système des neurones
miroirs chez l’homme ne se limite pas aux mouvements de la main, ni même aux actes
transitifs, il correspond aussi à des actes imités. C’est ce que nous avons constaté avec les
expériences menées par les tailleurs de pierres.
Le système miroir chez l’homme possède des propriétés qu’on ne retrouve pas chez le
singe : Il code des actes moteurs transitifs et intransitifs. Il est capable de sélectionner aussi
bien le type d’acte que la séquence de mouvements qui le composent Il ne requiert pas une
interaction effective avec les objets Il s’active aussi quand l’action est simplement mimée
Cela confirme le rôle décisif de la connaissance motrice pour la compréhension de la
signification des actes d’autrui. Mais l’extension et la portée de ce « comme si » dépendent
du patrimoine moteur de l’observateur.
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Qu’en est-il de l’imitation et du développement du langage ?
Il existe plusieurs façons de définir l’imitation : Il peut s’agir de reproduire un acte qui
appartient au patrimoine moteur de l’observateur après l’avoir vu exécuté par autrui. Mais il
peut s’agir aussi d’apprendre un type d’action et de le reproduire dans les moindres détails.
La premier modèle d’imitation concerne ce que l’on appelle un problème de
correspondance. D’une part, comment pouvons-nous accomplir une action que nous avons
vue exécuter par autrui ? Et d’autre part, comment pouvons-nous, sur la base d’une simple
observation, exécuter une action analogue à celle que nous avons perçue ?
Il faut savoir que le système visuel utilise des paramètres de codage différents de ceux du
système moteur.
Quels sont les processus corticaux impliqués et les transformations sensori-motrices
nécessaires ? Et comment pouvons-nous acquérir des capacités d’actions nouvelles ?
Le second modèle d’imitation postule que l’action observée et l’action exécutée doivent
partager le même code neural. C’est ce second modèle qui semble prévaloir. Il se réfère à la
notion d’action idéomotrice : Selon ce principe plus un acte perçu ressemble à un acte
présent dans le patrimoine moteur de l’observateur, plus il tend à induire l’exécution : la
perception et l’exécution des actions doivent posséder un schéma représentationnel
commun.
La découverte des neurones miroirs suggère une redéfinition possible du principe d’action
idéomotrice. Le schéma représentationnel commun devrait être considéré comme un
mécanisme de transformation direct des informations visuelles en actes moteurs
potentiels. Il apparait évident qu’une transformation de l’information visuelle en réponses
motrices appropriées se produit dans le système des neurones miroirs. L’activation du
système miroir se produit sous le contrôle de certaines aires du cortex frontal, en
particulier l’aire de Brodman dévolue à des fonctions liées à la mémoire de travail ; l’aire de
Brodmann serait responsable d’une recombinaison des actes moteurs particuliers, à
laquelle appartient l’aire de Broca
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Les propriétés miroirs révèlent la présence d’un mécanisme de couplage direct entre les
informations visuelles provenant de l’observation des actions d’autrui et les représentations
motrices qui leur correspondent. Il ne peut y avoir d’imitation sans un système de contrôle
des neurones miroirs. L’architecture anatomo-fonctionnelle de l’aire F5 et de l’aire de Broca
est caractérisée par la présence de diverses représentations motrices (oro-faciales, orolaryngées et brachio-manuelles) qui nous permet de supposer que la communication interindividuelle s’est développée à partir des modalités motrices différentes (gestes faciaux,
brachio-manuels, et vocaux), accompagnée par l’apparition des neurones miroirs qui leur
correspondent.
Sans l’intervention d’un système brachio-manuel comme support du système oro-facial, nos
potentialités communicatives seraient restées extrêmement limitées. C’est de l’utilisation
de la main, bien plus que de la bouche, qu’a probablement dépendu le développement de la
capacité d’articuler des gestes susceptibles de donner vie à un premier système
communicatif ouvert, pouvant exprimer de nouvelles significations. Ce fut probablement le
développement du système communicatif brachio-manuel qui modifia l’importance et
surtout le contrôle des vocalisations.
Lorsque nous avons commencé à travailler le système miroir de Killian il se montrait
incapable de prendre de la nourriture et de la porter à sa bouche, lorsqu‘il voyait
quelqu’un faire cela il prenait bien la nourriture mais ne la portait pas à la bouche, il
donnait simplement à l’autre ce qu’il avait en main. A cette époque Killian
développait une négligence motrice de type brachio-manuel. Il lui était alors
impossible de reproduire le dessin de plusieurs formes du type trois traits, deux
ronds.. Nous avons donc mis en place des exercices où il devait voir sa mère
reproduire devant la glace des traits et des ronds et nous lui avons demandé de faire
la même chose. Au début, il n’arrivait à faire que des traits mais peu à peu, il est
devenu capable de tracer des ronds en dehors des temps d’imitation. Même si son
système miroir n’était pas encore totalement activé, Killian commençait à sentir que
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sa main devenait de plus en plus capable de lui obéir. Nous avons alors mis en place
un exercice qui consistait à ce que Killian essaie de faire obéir sa main en situation
d’écriture sans intervention de sa mère.
Depuis que Killian avait commencé à faire les exercices avec les traits et les ronds
devant la glace, il m’envoyait des mails témoignant que c’était très difficile pour lui de
gérer cela émotionnellement et que cela provoquait chez lui des cris et des crises de
violence mais que son cerveau changeait comme il n’avait jamais changé car son
corps et son cerveau se mettaient pour la première fois au même diapason. : « Tu
sais, avant le cerveau il n’était pas aussi avec le corps, le exercice, me met le corps et
le cerveau avec la même marche » témoignait-t-il dans un mail. Il s’était alors produit
un phénomène nouveau, alors qu’il était chez son kinésithérapeute qui lui faisait faire
des exercices pour contrôler la tonicité de son poignet. Jusque-là tout exercice était
resté vain et en une semaine de travail sur le système miroir, le poignet de Killian
avait acquis une force et une tonicité toute nouvelle. Le processus brachio-manuel
était donc en route, nous avions commencé à mettre en place des exercices pour
stimuler les représentations oro-faciales avec torsion de la bouche. Nous ne
toucherions à la dernière étape de type oro-laryngé que lorsque ces deux premières
étapes seraient vécues de manière alerte.
Il apparait donc, que tant les simples mouvements de la bouche que les synergies orolaryngées nécessaires pour la syllabisation apparaissent liés à des gestes manuels. Les actes
nécessitant un ample mouvement de la bouche s’appuient sur une organisation neurale
commune aux actes nécessitant des gestes manuels. Cette organisation neurale semble
représenter un des vestiges de ce stade de l’évolution vers le langage où les sons
commencèrent à véhiculer des significations grâce à la capacité du système buccal et orolaryngé d’articuler des gestes dotés d’une valeur descriptive analogues à ceux codés par le
système manuel.
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Conclusion
La compréhension du fonctionnement du système miroir nous fait comprendre que le fait
que l’information sensorielle et l’information motrice puissent être ramenées à un format
commun, suggère qu’au-delà de l’organisation de nos comportements moteurs, certains
processus habituellement considérés comme d’ordre supérieur, et attribués à des systèmes
d’ordre cognitif, comme par exemple la perception et la reconnaissance des actions d’autrui,
l’imitation et les formes de communication gestuelles et vocales, peuvent renvoyer au
système moteur : prendre un objet, par exemple une tasse, relève de deux processus
différents et indépendants que sont « atteindre » et « saisir », mais qui pourtant vont se
dérouler de manière parallèle. Ce fut probablement le développement du système
communicatif brachio-manuel qui modifia l’importance et surtout le contrôle des
vocalisations et qui mena l’homme vers la verbalisation. Mais quoi qu’il en soit, cela suppose
de la part de l’observateur la même connaissance motrice que celle qui règle l’exécution de
ses propres actes, et c’est cette forme de connaissance qui permet d’accéder à la
syllabisation. C’est à cela, à travers tous les exercices qui lui sont donnés, que, semaines
après semaines, Killian tente d’accéder à la verbalisation et a déjà considérablement
progressé.
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Bibliographie
« Parler comme on taille un silex » Thierry Chaminade, La Recherche juin 2013
Les neurones miroirs, Giacomo Rizzolatti et Corrado Sinigaglia, Editions Odile
Jacob 2008
Le cerveau volontaire, Marc Jeannerod, Editions Odile Jacob 2009
Le sens du mouvement, Alain Berthoz Editions Odile Jacob 1997
Histoire des mœurs tome 2 : l’homme, la parole et le geste, Encyclopédie de la
Pléiade, sous la direction de Jean Poirier, Editions Gallimard, 1991
The ecological approach to visual perception, James J. Gibson Editions Lawrence
Erlbaum Associates 1986
Manuscrits de Bernau sur la conscience du temps (1917-1918) Edmund Husserl,
Editions Jérôme Million, Collection Krisis 2010
L’individuation psychique et collective Gilbert Simondon Edition de l’Aubier 1989
L’individu et sa genèse physico-biologique, Gilbert Simondon Editions Jérôme
Million 1995
Penser l’individuation, Simondon et la philosophie de la nature Jean-Hugues
Barthélémy Editions Flammarion, Collection Esthétique
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