L`indolence coupable de nos aieux

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L`indolence coupable de nos aieux
Mounir
L'indolence coupable de nos
aieux
Publié sur Scribay le 16/11/2015
L'indolence coupable de nos aieux
L'indolence coupable de nos aieux
L’automne 2005.
La brume matinale se condense comme la fumée d’un incendie. Le minaret d’une
mosquée déchire le frimas, elle s’élève au delà du brouillard pour affirmer l’existence
d’une ville.
Le soleil d’automne se lève du coté de la mer. Après quelques heures, la chaleur
chasse la brume vers le sommet de la montagne.
La cité dort encore. Elle s’accroche à Gouraya tel un homme a sa terre natale. Les
constructions et les ruelles forment une nappe d’araignée de la grotte de Hira.
Si on suit les tracés de cette nappe, la place Gueydon est le centre de tous les
chemins.
Sur cette placette, la buvette occupe le rez-de-chaussée d’un immeuble colonial,
peint en bleu et blanc. Elle a gardé son décor originale a l’intérieure.
J’ai un lien très fort avec ce lieu. Son odeur, son ambiance, même le touché de ses
murs et de son pavé. Dans la période des vacances estivales, je suivis mon oncle
comme un esclave de César derrière son char. Il poussait la charrette pleine de bidon
de Karantita. Il vendait des sandwichs dans les plages. Ils étaient notre source de
vie. A la fin de la journée, nous passions par la place Guidon. Il m’achète de la glace
et nous entrions chez nous. Désormais, mon oncle est appelé Moh Karantita.
J’occupe une table a l’intérieur du café en face la vitre. Je prends mon café
tranquillement. Je survole les titres d’un journal avant de rejoindre mon bureau.
J’allume une cigarette. Je regarde l’horizon infini, comme si je cherche une idée qui
m’échappe. Je me suis dit : « C’est à travers ce géant qui abrite tous les secrets de la
vie que le premier berbère musulman avait conquis l’Espagne, pour fonder une
civilisation au cœur du royaume chrétien ».
Je pense un moment puis je me réplique : « Mais non, c’est à travers cette goutte
d’eau maudite que le premier envahisseur avait arrogé ces terres nobles ».
Je me suis réveillé de mon voyage à travers le temps sous les brouhahas de jeunes et
le cri d’un vieux dans la placette.
Le vieux jette son journal avec irritation. Il cri en plein visage des deux jeunes
adolescents qui sont en face de lui.
—
Rigolez, sale arabe. Ah ! si les Français sont encore la ?
Les jeunes se taisent un moment, puis ils reprennent leur rigolade.
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—
Ne t’inquiète pas Mer Simon. Dit l’un des jeunes, les Français sont toujours la.
—
Vous avez raison, dit Simon. C’est le gouverneur Louis Henri de Gueydon qui à tort. Il vous a
conçu un espace pour déranger les gents.
Mer Simon est toujours matinal. Il occupe la même table à l’extérieur, sous une
ombrelle. Il arrive, il suspend sa canne sur le dossier de la chaise. Il pose son
chapeau sur la table. Il chine un journal, et de temps à autre, prend sa tasse à café. Il
est dans son coin habituel, seul avec ses convictions.
Le vieux endosse un costume à l’européenne. La couleur rose de son visage et la
forme longue de son nez, lui cachent presque tout les rides de la vieillesse. Sa taille
élevée et son silence habituel lui donne un caractère endiablé, malgré sa beauté. On
ne dit pas qu’il a 70 ans. Son vrai nom est Si Ouali. Les jeunes lui apprêtent le
surnom français car il parle beaucoup de son patron Mer Simon en France avant sa
retraite.
Si Ouali est marié avec Mme Daniel la française. Il avait deux garçons et une fille. Sa
femme a visité l’Algérie une seule fois dans sa vie, depuis, elle n’a jamais songé d’y
retourner. Le jour de son débarquement en Algérie, elle avait refusé de
l’accompagner. Elle restait en France avec ses trois gosses.
M er Simon a décidé de se remarier avec une Algérienne. Aujourd’hui, il vit
tranquillement avec sa femme Thilleli et son fils Bey Tourki.
Les habitants disent que le père de Si Ouali est un harki. Il a été égorgé devant ses
yeux. Depuis ce jour, il a quitté le Bled. Il a juré de venger la mort de son père. Mais
le temps passe vite sans réaliser son rêve. Aujourd’hui, il porte rancune pour tous ce
qui est arabo-musulman.
Moh Dzair est le frère de Syphax. Il tracte les boites vides de conserves ligoté l’une a
coté de l’autre. Elles sonnent comme les cloches d’une église.
C’est un jeune déprimé. Il a pris un choc, le jour d’un attentat à la capitale d’Alger en
1993. Il était un étudiant en journalisme. Il aime la capitale mieux qu’une autre ville.
Les habitants l’appellent Moh Dzair par rapport à son prénom Ahmed.
Il arrive devant Mer Simon. Il le regarde dans les yeux momentanément.
—
Je m’appel Ahmed, dit-il. Je suis le dernier des messagers. J’attends le message
devine pour redresser cette population irone.
Il sort de la poche de sa chemise, un petit livret. Il récite un verset coranique pour justifier sa
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cause. Il tourne autour de la table en criant : « les corbeaux envahissent notre ciel. Les loups
logent nos bergeries ».
—
Mais, quel pays ! dit Mer Simon. Cette terre a été maudite par nos ancêtres. On a trahi leur
étreinte. On a mystifié leur baraka et leur pouvoir.
L’arrivée de Syphax me détache de la scène. Il parle à haute voix au téléphone : « Je
serai dans mon cabinet dans un demi-heure».
Le serveur est déjà la. « Un café s’il vous plait », dit Syphax.
Syphax âgé de 38 ans est le fils de mon oncle Moh Karantita. Il est le médecin du
quartier. Il est réputé par toutes les familles, c’est un peintre talentueux.
La cafète commence à devenir archicomble. Dans un moment, le café arrive.
—
Et le verre d’eau Monsieur, ou est-il ? dit Syphax au serveur. Vous ne faites jamais la
promotion du tourisme dans cette ville. Hélas ! Bejaia est victime de son histoire.
Mais n’y est pas peur, la ville de Bejaia ne craint rien, malgré son longue
somnolence. Elle est surveillée par les esprits de ses saints patrons.
—
Mer Simon est en colère ce matin. Vient Syphax, on va le soulager.
Je le regarde un moment de loin sans bouger de ma place. Je décide de le rejoindre, en espérant
qu’il ne sera pas dérangé par notre présence. Je le salut de loin. Il lève sa tête vers moi en disant :
—
Oh ! C’est vous mes fils. Approchez, salles arabes.
Il nous invite en souriant. Alors je conclus qu’il a agréé notre présence.
—
Ecoutez mes fils, dit-il en allumant sa pipe. Vous croyez que vous êtes fiers de porter
ces noms ? vous Massinissa, vous êtes l’allié de Rome n’est-ce-pas ? et toi Syphax qui
voulait monter sur le trône de Carthage, que devient Carthage aujourd’hui ? Vous
n’êtes rien, vous êtes que deux ennemis qui s’entretuent pour s’enrichir et détenir le
pouvoir.
—
Mais, aujourd’hui, moi et Syphax on s’entend bien, malgré le conflit de nos deux pères.
—
D’ailleurs, je m’appel Simon. Ne se trompez pas mes fils, nous portons tous le gène de la haine et
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du mépris contre nos liens de sang, le grain d’amour et du respect pour nos ennemis. C’est grâce
à la femme que la dignité et la fraternité de son peuple sont sauvées. La seule âme à qui je dois
rendre hommage. On commençant par Sophonisbe, celle qui a choisis le venin que de marcher
comme esclave derrière le char de Scipion. De Dehia qui a résisté jusqu'à l’envole de sa tête par
les arabes, et de Fatma Nsoummer qui a effrayé les français et d’autres et d’autres. Mais
malheureusement a la mort de chacune, on disait nous les hommes « elles sont que des femmes
».
Le silence détient le trône de la discussion. J’ai regardé Syphax dans les yeux et je me suis dit au
fond de moi : « pourquoi on s’entretue ? Est-ce j’appartiens a Rome ou a Carthage ? Est-ce
j’appartiens aux tribus berbères ou aux tribus arabo-musulman ?
Syphax s’excuse. Il part en urgence vers son cabinet.
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