Rada BOUKOVA - Les Instants Chavirés

Transcription

Rada BOUKOVA - Les Instants Chavirés
Durant le mois d’avril,
nous présenterons quatre vidéos réalisées en 2008 de l’artiste bulgare Rada BOUKOVA.
Elle utilise des médiums comme la vidéo, la sculpture, l’installation et la performance. Chacun de ses travaux se charge
d’une référence commune, d’un poncif qui établit un hors champ visant à le parasiter.
L’artiste cherche à donner de l’importance à ce hors
champ, par fois aux dépens de l’image elle-même.
Le spectateur est ainsi amené à une expérience où « voir
» signifie en fait « reconnaître », dans le sens où
sa perception n’est pas conditionnée par ce qu’il voit, mais par
ce qu’il peut entendre.
Quatre vidéos à voir tous les soirs de concerts les 1er, 2, 3, 11,13, 15, 17,
21 et 29 avril de 20h30 à 21h aux Instants Chavirés, 7 rue richard lenoir,
Montreuil (93).
Rada
BOUKOVA
Avril 2010
plus d’infos sur le travail de Rada :
http://www.yvaa.net
http://www.thecentreofattention.org/exhibitions/PBArada.html
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Rien à voir reçoit le soutien du Conseil général de Seine-Saint-Denis.
www.instants
chavires.com
© Rada BOUKOVA. droits réservés
est une programmation de vidéos
qui a lieu aux
Instants Chavirés
à Montreuil et qui
présente de manière
monographique les
travaux d’artistes
plasticiens, émergents ou confirmés
entre l’ouverture des
portes et le début
du concert. Pour
en savoir plus sur
la programmation
des concerts, vous
pouvez aller sur le
site des instants :
Yes, I Also Want To Be A Hero - son - 5’ - 2007
Balerin - son, 5’- 2007
Une ballerine géante, manège de fête foraine est filmée dans son mouvement rotatif. Son visage énorme semble veiller sur les gens installés
dans des cabines placées dans les pans de sa jupe. La musique et
l’image ralenties participent à l’étrangeté de la scène en révélant une
ambiance différente de la joie attendue du manège.
Rien à voir
Tube - son - 4’ - 2007
Rada Boukova réactive un jeu auquel elle jouait enfant à Sofia, alors que la ville était encore derrière le Rideau de fer. Ce
moyen de faire de la «musique électronique», lui avait été indiqué en grand secret par un de ses aînés, et lui donnait l’impression de pouvoir communiquer avec un autre monde.
Les sons produits par cette occupation enfantine semblent irréels alors qu’il s’agit d’une prise de son directe sans aucun
trucage.
Ramettes de papier A4, moquette, cartons d’emballage, pastèques,
mousse polyuréthane, papier peint,
Rada BOUKOVA
toutes
choses que l’on peut commander
née en 1973 à Sofia.
sur internet ou acheter en gros avec un peu
vit et travaille entre la France
de budget. Voilà la matière des sculptures-objets de Rada Boukova. Le matériau y est traité de
et la Bulgarie
façon modulaire, quantifié, chiffré et démultiplié. Il
est découpé à partir d’un stock potentiellement infini
[email protected]
dont dispose ses fournisseurs. L’artiste n’utilise donc
aucun matériau rare ni précieux (ni pierre ni verre ni métal
ni bois). Elle décide des quantités dans sa disponibilité. Elle le
Plus d’infos :
met en forme sur le modèle des graphiques statistiques (c’est à
http://www.yvaa.net
dire de la répétition avec variations), à partir de modèles de traitement et de visualisation de l’information. Au fond c’est cela la statishttp://www.the
tique : mettre de l’ordre, donner une forme temporaire à des données.
centreofattention.org/
La statistique traite toute chose réelle comme une donnée, sans différences
exhibitions/
entre humain et objets. Sans différencier les qualités, il faut simplement disPBArada.html
tinguer des variations de quantité. Rada Boukova met donc à plat puis creuse
des dénivelés pour rendre visible, non pas des informations mais le support de
l’information lui-même. C’est ce que 84, histogramme, Délits ou Ramettes réalisent.
C’est-à-dire qu’on passe de l’unité à la quantité, de la brique au paysage. Comme l’énonce de façon directe Lotissement, un échantillon de papier peint encadré qui reproduit un
motif de maison, enchaîné et démultiplié en une trame infinie.
A une autre échelle, au travers de photographies ou d’objets plus petits, Rada Boukova travaille à
l’échelle de la maquette ce qui serait une version plus intime de son rapport au paysage. Une échelle
UN qui permet de questionner le rapport du singulier et du double, du lien entre Soi et l’Autre. Damart,
Deux Spots, Me & a german girl, Delux affichent chacune des duos, des paires liées où chaque élément
est entrelacé avec son double et donc difficilement identifiable. Le rapport entre le UN et le DEUX est mise
sous tension dans des oeuvres-paradoxes. Comment savoir qui est «Moi» et qui est cette «fille allemande» ?
Eternelle question que pose la sculpture ou l’objet d’art : où commence l’oeuvre et où s’arrête-t-elle? Où est-ce
que je commence et où est-ce que je m’arrête ? Que ce JE soit le spectateur ou le créateur d’ailleurs. Est-ce encore
moi qui parle dans l’objet d’art ou est-ce qu’il est fondamentalement AUTRE ? La question se déplace donc ensuite au
niveau du matériau et de sa quantité, dans des oeuvres à plus grande échelles.
Ses sculptures sont à la fois des objets, DEVANT lesquels on se tient debout, en vis-à-vis, mais aussi des environnements qui
s’étalent AUTOUR de nous et qu’on peut potentiellement pénétrer. Ce n’est pas soit l’un, soit l’autre : soit objet, soit paysage mais bien LES DEUX A LA FOIS. La même oeuvre condense les deux statuts et suggère deux postures différentes
pour le spectateur : rester debout devant ou avancer dedans.
Pour être vraiment précis, Rada Boukova ne propose pas des oeuvres pénétrables : Délits, mets cela clairement en jeu. Si l’oeuvre démarre comme un tapis moelleux et pratiquable au travers d’une moquette noire
et épaisse sur laquelle on peut marcher, rapidement le sol s’élève, une crête peut faire trébucher, qui
devient ensuite un obstacle puis un véritable mur qu’on est obligé de contourner. Ce potentiel de pénétrabilité qu’offre le format installation en art, est donc mis en scène et joué à distance : on l’observe
de l’extérieur. Par projection mentale seulement, nous pouvons aussi devenir ce cosmonaute qui
avance dans un paysage de pixels verts et ronds (incarnés par des pastèques). Comment marcher DANS ce qui nous entoure ? Comment distinguer CELUI qui marche de ce SUR quoi il
marche et de ce DANS quoi il marche ? Y a t il encore du face à face ? C’est la précision du
choix des matériaux, des couleurs et des formes qui permet de poser ces questions. Une
grammaire formelle simple (des ronds et angles droits) rencontre le langage de l’art
moderne après qu’il ait été domestiqué par le tertiaire et ses outils informatiques.
Le corps autant que le paysage sont codés, traduits en code formel pour aider à
visualiser une analyse ou des données synthétisées qui sont déjà elles-mêmes
des codifications de notre réalité. La distinction corps/paysage n’est donc
plus qu’un choix de codage.
S
N
I NTS
TA AVICH S
RÉ
7 rue richard lenoir
93100 MONTREUIL
[email protected]
www.instantschavires.com
Rien à voir reçoit le soutien du
Conseil Général de Seine-Saint-Denis
Finalement Rada Boukova, au travers des enjeux de la sculpture
et du langage statistique produit des images en 3D. On se trouve donc malgré tout FACE à des images qui théâtralisent le
rapport entre le matériau utilisé, présent ici en direct et ce
qu’il figure arbitrairement. On peut y observer notre position ambigüe et tendue d’étrangeté face au monde
: OUI, nous sommes bien exclus de ce monde, devant nous, mais NON, nous sommes aussi partie
prenante de ce monde. Nous y circulons, nous
avons pénétré et génétiquement modifié ce
monde, pour nous fondre dedans. Nous
refabriquons sans cesse l’’EDEN.
Maxime Thieffine