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Priorités en matière de santé
Comité consultatif de rédaction
J.R. Aluoch
Jacques Baudouy
Fred Binka
Mayra Buvinić
David Challoner
Guy de Thé
Timothy Evans
Richard Horton
Sharon Hrynkow
Gerald Keusch
Kiyoshi Kurokawa
Peter Lachmann
Mary Ann Lansang
Christopher Lovelace
Anthony Mbewu
Rajiv Misra
Perla Santos Ocampo
G.B.A. Okelo
Sevket Ruacan
Pramilla Senanayake
Jaime Sepúlveda
Chitr Sitthi-amorn
Sally Stansfield
Misael Uribe
Zhengguo Wang
Witold Zatonski
Ont également contribué à la rédaction
William D. Savedoff et Anne-Marie Smith, Social Insight
Priorités en matière de santé
Rédacteurs
Dean T. Jamison
Joel G. Breman
Anthony R. Measham
George Alleyne
Mariam Claeson
David B. Evans
Prabhat Jha
Anne Mills
Philip Musgrove
©2006 Banque internationale pour la reconstruction et le développement / Banque mondiale
1818 H Street NW
Washington, DC 20433
États-Unis d’Amérique
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Tous droits réservés
1 2 3 4 09 08 07 06
Le présent ouvrage a été financé en partie par un don de la Fondation Bill & Melinda Gates et a été établi par les
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ISBN-10: 0-8213-6446-4
ISBN-13: 978-0-8213-6446-8
eISBN: 0-8213-6447-2
DOI: 10.1596/978-0-8213-6446-8
Une demande a été soumise à la Bibliothèque du Congrès des États-unis en vue de cataloguer cette publication.
Table des matières
Avant-propos
vii
Remerciements
xi
Sigles et abréviations
xiii
1. Accomplissements, problèmes et priorités
Réussites historiques en matière de la santé dans le monde
Explication des améliorations de santé
Santé et croissance économique
Équité
Programme d’action
Tirer parti du DCP2
Le présent volume
1
3
4
8
9
14
18
20
2. Succès en matière de réalisation des priorités
Succès réalisés malgré la faiblesse des systèmes de santé
Succès ayant renforcé des systèmes de santé faibles
Interventions efficaces visant à bâtir les systèmes de santé
Interventions efficaces ayant stimulé les systèmes de santé existants
Interventions efficaces au-delà des systèmes de santé
Conclusion
25
30
31
33
35
37
40
3. Analyse coût-efficacité
Pourquoi recourir à l’analyse coût-efficacité ?
Qu’est-ce que l’analyse coût-efficacité ?
Quel est le degré de fiabilité de l’analyse coût-efficacité ?
Quelles sont les tâches appropriées auxquelles s’applique
l’analyse coût-efficacité ?
Comment les décideurs peuvent-ils utiliser l’analyse coût-efficacité ?
Récapitulatif de l’utilisation judicieuse de l’analyse coût-efficacité
41
41
43
51
52
4. Stratégies efficaces au plan économique pour alléger l’excédent de morbidité
dans les pays en développement
Maladies infectieuses et transmissibles
Santé maternelle et néonatale
61
55
59
62
89
v
5. Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs
de risque et les comportements
Maladies cardiovasculaires, diabète, hypertension artérielle,
cholestérol et surpoids
Cancer
Affections congénitales et troubles du développement
Traumatismes involontaires
Tabagisme
Abus d’alcool
Santé mentale
Conclusion
105
6. La mise en œuvre des interventions
Niveaux de prise en charge
Services et ressources communs à tous les niveaux
Intégration des services sur le cycle de vie
139
140
151
161
7. Les piliers du système de santé
Information, surveillance et recherche
Gestion des services de santé
Ressources humaines
Financement
169
169
179
183
188
8. Des pistes pour agir
195
Bibliographie
199
Les rédacteurs
203
Comité consultatif de rédaction
211
Ont également contribué à la rédaction
212
Table des matières, Priorités en matière de lutte contre les maladies
dans les pays en développement, 2e édition
213
Table des matières, Charge de morbidité mondiale et facteurs de risque
221
Photos
223
vi | Priorités en matière de santé
106
113
115
119
124
130
134
138
Avant-propos
Le présent ouvrage, Priorités en matière de santé, est publié en complément de Disease Control
Priorities in Developing Countries, 2e édition (DCP2), vaste étude qui a succédé à la première édition du même titre (DCP1) avec une mission très élargie. Le DCP1 a eu des répercussions très
importantes sur l’élaboration des politiques de santé à travers le monde. Construit à partir de ses
principaux concepts et messages, le premier Rapport sur le développement dans le monde publié
par la Banque mondiale en 1993 (WDR93) est devenu — et reste encore aujourd’hui — l’ouvrage de référence des responsables de la santé publique aux quatre coins de la planète.
En Inde, l’impact du DCP1 a été considérable, et j’ai eu l’immense privilège de pouvoir organiser et superviser les changements induits, à savoir la mise en œuvre d’interventions en santé
publique très supérieures en termes de couverture et d’efficacité. Cette petite révolution a été facilitée par un exceptionnel concours de circonstances. L’Inde se trouvait confrontée alors à un déficit colossal de son budget et de sa balance des paiements. Contrainte de solliciter des prêts d’ajustement structurel auprès du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, elle
devait consentir de fortes compressions budgétaires. Dans le même temps, la Banque mondiale
avait décidé d’attribuer davantage de ressources de l’IDA aux secteurs sociaux, et peu de projets
avaient été soumis dans le domaine de la santé et de l’éducation pour bénéficier des financements
aux conditions très libérales de l’IDA dans un contexte de grave pénurie de devises. Enfin, l’équipe du bureau de l’Inde à la Banque mondiale a fait preuve d’une bienveillance et d’une coopération extraordinaires.
Nous avons été initiés aux grandes idées du DCP1 bien avant la publication de l’ouvrage en
1993, à l’occasion d’un séminaire organisé début 1992 à Delhi au prestigieux Institut des sciences
médicales de l’Inde, où Dean Jamison et ses collègues ont exposé les principales conclusions du
DCP1 et du WDR93, notamment les concepts d’année de vie corrigée du facteur d’invalidité
(AVCI), d’impact sur la morbidité, de transition épidémiologique, et d’analyse coût-efficacité en
tant qu’outils utiles pour définir les priorités. Il s’agissait d’une manière totalement nouvelle de
définir des priorités de façon objective, à partir de données factuelles et d’analyses économiques.
Bien que les méthodologies et les estimations présentées suscitèrent au départ un certain scepticisme bien compréhensible, l’accueil fut globalement très favorable.
À la même période, la Banque mondiale recherchait des critères objectifs pour sélectionner des
projets intéressants dans le secteur de la santé. L’idée d’utiliser les techniques du DCP1 fit son chemin entre la Banque et le ministère de la Santé, ce qui conduisit à restructurer et accélérer en un
temps record tous les grands projets existants de lutte contre les maladies — en particulier contre
la lèpre, la cécité, la tuberculose et le paludisme — et à lancer de nouveaux programmes pour faire
face à la menace du VIH/SIDA. Simultanément, d’autres projets de renforcement des capacités du
système de santé furent entrepris dans plusieurs États. De ce fait, les dépenses de développement
du ministère de la Santé (différent du ministère de la Famille) se trouvèrent multipliées par plus
de 5, et la composante externe par plus de 25 en à peine plus d’une décennie, entre 1990–1991 et
2001–2002 (India Health Report 2003). Non seulement les ressources financières disponibles
vii
avaient augmenté au-delà de toutes les espérances, mais la manière dont les projets étaient formulés et appliqués avait été radicalement modifiée. Le Gouvernement indien et la Banque mondiale peuvent être légitimement fiers du succès remporté — et dire merci au DCP1 grâce auquel
les moyens supplémentaires ont été affectés à des interventions coût-efficaces, ciblées sur les problèmes de santé les plus lourds sur le plan de la charge de morbidité.
Des terrains nouveaux
Le DCP2 représente un travail beaucoup plus complet et réellement très ambitieux, qui va bien
au-delà de la mise à jour du contenu technique, des statistiques de morbidité et des estimations
des rapports coût-efficacité présentés dans le DCP1. Il part sur des terrains totalement nouveaux
en abordant des sujets importants mais également très complexes tels que la mise en œuvre des
interventions, ou encore la gestion et le financement des services de santé et de la recherche en
santé. Le DCP2 stipule clairement que définir des priorités objectives n’est qu’une première étape
— l’efficacité économique théorique des interventions sélectionnées ne se matérialisant que si
elles sont appliquées correctement à la population ciblée, que les interventions en santé publique
produisent rarement des effets de façon isolée, et que, souvent, il faut parvenir non seulement à
ce que l’ensemble du système de santé fonctionne bien, mais à ce que tous les secteurs corrélés
comme la nutrition, l’eau potable, l’assainissement, l’éducation, etc., contribuent aux résultats.
Ainsi, le succès passe par le renforcement des capacités de tout le système, et aussi par l’instauration de liens étroits avec les autres acteurs.
Un rassemblement d’experts mondiaux
Pour accomplir sa formidable tâche, le DCP2 a réuni un panel des plus grands experts mondiaux
dans toutes les disciplines liées à la santé, et représente à ce titre une collection inestimable de
savoirs, d’informations techniques et d’expériences internationales les plus récents, avec des analyses spécialisées sur pratiquement tous les sujets en rapport avec la santé. On peut donc s’attendre à ce que le DCP2 fasse largement autorité et devienne un ouvrage de référence pour les
professionnels de la santé et les responsables politiques.
Pour des choix plus pertinents
Le DCP2 peut en outre apporter une immense contribution à l’amélioration de la santé mondiale
en encourageant les acteurs concernés, à tous les niveaux, à mieux s’informer et à fonder leurs
décisions sur des données factuelles. Cette publication arrive à point nommé pour mon propre
pays, l’Inde, où, pour la première fois depuis l’Indépendance, le gouvernement en place manifeste une ferme volonté de faire de la santé une grande priorité et de relever les dépenses publiques
de santé afin que, de moins de 1 % du PIB actuellement, elles représentent entre 2 et 3% du PIB.
Le DCP2 pourrait donc avoir une portée bien supérieure à la précédente édition du fait que, grâce
à lui, non seulement les ressources supplémentaires seront certainement mieux utilisées, mais le
système de santé public, très peu performant sur une grande partie du territoire, pourra être redynamisé et modernisé.
viii | Priorités en matière de santé
Expliquer les mesures de mortalité et de morbidité
Le projet DCP a également abouti à la publication d’un livre séparé, Global Burden of Disease
and Risk Factors, qui résume les concepts et les estimations de la charge de morbidité ainsi que
l’attribution de cette charge à plusieurs grands facteurs de risque. On y explique précisément
comment la mortalité et la morbidité sont calculées, en incluant des données telles que la mortalité périnatale, qui n’étaient pas prises en compte auparavant dans ces estimations, et comment
ces pertes sont combinées pour établir des mesures globales de la situation sanitaire, avec des estimations sur l’évolution de la mortalité dans le temps.
Des aspects essentiels souvent négligés
Le DCP2 a le mérite d’insister sur certaines questions essentielles, bien connues mais souvent
insuffisamment évoquées dans la littérature internationale sur la santé. Avant toute chose, il rappelle que l’équité doit être un objectif primordial de la politique de santé. Au-delà des considérations morales ou de qualité de vie, il faut bien comprendre en effet que la santé joue un rôle déterminant dans la lutte contre la pauvreté Par ailleurs, comme le souligne le DCP2, « les interventions peuvent accroître les inégalités au lieu de les réduire si le principe d’équité n’est pas pleinement intégré dans les processus de prise de décision et de suivi des résultats ». L’ouvrage attribue
à juste titre une bonne part des avancées mondiales en matière de santé au progrès technique dans
son sens le plus large, et explique les inégalités criantes qui existent, à l’intérieur des pays comme
d’un État à l’autre, à l’application inégale de ce savoir. Le principal enjeu pour la communauté
internationale est donc de « veiller à ce que les bénéfices du progrès technique soient partagés
rapidement par l’ensemble de la planète … ». On ne pouvait souhaiter d’arguments plus puissants
et plus clairs en faveur de l’équité.
Une vision nuancée et pragmatique
La seconde qualité du DCP2 tient à sa liberté de pensée et à sa démarche extrêmement pragmatique, d’où une absence totale de prosélytisme et une ouverture d’esprit bienvenue. Il admet clairement que, du fait de la diversité des situations socioéconomiques, des cultures et des modes de
gouvernance, les problèmes de santé complexes de la planète ne peuvent pas être résolus selon un
modèle unique. Il s’efforce donc de rassembler toutes les connaissances et toutes les analyses pertinentes des expériences internationales pour permettre aux responsables politiques de prendre
des décisions adaptées à leur situation particulière en toute connaissance de cause. Le DCP2 se
caractérise également par le fait que, contrairement à beaucoup d’autres rapports, il adopte une
position très nuancée entre la nécessité de mobiliser des ressources et l’importance de bien les utiliser. De même, il fait preuve d’une rare objectivité dans son analyse des responsabilités de la communauté des donateurs et de celles des pays en développement eux-mêmes. Le message est à l’évidence que, si les riches doivent donner beaucoup plus, les pauvres doivent faire le ménage chez
eux pour bien employer l’argent dont ils disposent. Si l’on doit s’attendre à ce que l’appui des
donateurs reste principalement motivé par leur intérêt bien compris, un saut qualitatif dans l’utilisation de l’aide améliorerait indiscutablement les choses.
Avant-propos | ix
Des informations très complètes
Le DCP2 est un ouvrage volumineux très documenté, comportant 73 chapitres, qui n’est peutêtre pas d’une lecture facile pour un lecteur profane. Même les universitaires et les professionnels
de santé peuvent ne pas être intéressés autant par tous les sujets et vouloir le lire sélectivement. Il
a été écrit pour un public très large : des universitaires et des professionnels de santé aux responsables de la santé publique et aux gestionnaires de programmes. En réalité, pour en tirer le maximum de profit, il faudrait le diffuser dans les médias, les partis politiques, les parlementaires et
l’ensemble des citoyens informés. Combien de fois nous sommes-nous lamentés de voir de nombreuses interventions en santé publique, dans les pays en développement, être négligées et se solder par un échec par manque de volonté politique ? De la même façon, l’immobilisme des pays
donateurs face à des causes pourtant très justes de l’aveu de chacun est souvent attribué à l’apathie et l’indifférence manifestées par la population des pays riches devant les problèmes des
pauvres.
Une présentation succincte du contenu du DCP2
Il est évident que, dans les sociétés démocratiques, tant dans les pays industrialisés que dans les
pays en développement, l’opinion publique joue un rôle déterminant et doit être mobilisée de
façon systémique. Les messages essentiels doivent donc être transmis aux médias et aux lecteurs
profanes sur une grande échelle, de manière à générer une prise de conscience générale et un
débat informé sur les grands problèmes de santé mondiaux. Nous avions besoin d’un ouvrage
parallèle qui extraie l’essentiel du DCP2 en un document succinct, clair et facile à lire. Priorités
en matière de santé répond admirablement à ce besoin. De même que les travaux du DCP1 se
sont fait connaître essentiellement à travers le WDR 93, Priorités en matière de santé va permettre de diffuser plus largement le contenu du DCP2. En à peine 200 pages, il présente l’essentiel du DCP2 de façon claire dans un langage très lisible, débarrassé du jargon technique et d’une
surcharge de statistiques. Il constitue aussi un premier aperçu de l’ouvrage entier pour les lecteurs
qui s’intéresseraient à telle ou telle question traitée, en renvoyant aux chapitres correspondants du
DCP2. Il peut être lu avec intérêt par des responsables politiques très pressés, par exemple pendant un trajet en avion. Je souhaite sincèrement que Priorités en matière de santé sera lu très largement dans les pays riches comme dans les pays en développement, et que ses messages susciteront une réflexion active afin que cet admirable travail apporte un maximum de bénéfices.
Priorités en matière de santé constitue à mon sens une lecture incontournable pour tous ceux qui
s’intéressent à la santé et aux secteurs apparentés.
Rajiv Misra
ancien ministre de la Santé de l’Inde
x | Priorités en matière de santé
Remerciements
Début 2001, Dean T. Jamison et Prabhat Jha sont convaincus que les progrès réalisés en matière
de santé dans le monde appellent une seconde édition de Disease Control Priorities in
Developing Countries, et sollicitent le concours d’Anthony R. Measham : le projet DCP est né. Six
autres rédacteurs les rejoignent peu après : George Alleyne, Joel G. Breman, Mariam Claeson,
David Evans, Anne Mills et Philip Musgrove.
Le DCP1 (Disease Control Priorities in Developing Countries, 1ère édition) était basé à la
Banque mondiale. Christopher Lovelace était Directeur de l’unité Santé, nutrition et population
à la Banque mondiale en 2001 lorsqu’elle devint le premier des trois partenaires centraux du projet DCP. Elle fut bientôt suivie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dirigée par Gro
Harlem Bruntland, alors Directeur général, et Christopher Murray, Chef de la Division Bases factuelles et information à l’appui des politiques Gerald Keusch, alors Directeur du Fogarty
International Center (FIC) au National Institutes of Health (NIH), offrit généreusement d’accueillir le projet DCP. Ce projet fut lancé début 2002 avec une aide importante de la Fondation
Bill & Melinda Gates. Par la suite, J.W. Lee à l’OMS, Jacques Baudouy à la Banque mondiale, et
Sharon Hrynkow au FIC/NIH continuèrent de soutenir le projet DCP aussi activement que leurs
prédécesseurs.
Le projet DCP est une entreprise conjointe du Fogarty International Center (FIC) du National
Institutes of Health (NIH), de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de la Banque mondiale, et du Population Reference Bureau. Le Fogarty International Center est la composante
internationale du NIH. Il travaille sur les problèmes sanitaires mondiaux à travers des programmes de formation et des travaux de recherche originaux et collaboratifs ; il appuie la mission
du NIH par des partenariats internationaux.
L’OMS est l’agence spécialisée des Nations Unies chargée de la santé. Son objectif, tel que défini dans sa Constitution, est d’amener tous les peuples au niveau de santé le plus élevé possible. La
Constitution de l’OMS définit la santé comme un état de complet bien-être physique, mental et
social, et pas seulement l’absence de maladie ou d’infirmité.
Le Groupe de la Banque mondiale est l’une des plus importantes sources mondiales d’aide au
développement. La Banque, qui accorde chaque année à ses pays clients 18 à 22 milliards de dollars de prêts, a fourni en 2004 1,27 milliard de dollars au secteur santé, nutrition et population.
La Banque mondiale travaille aujourd’hui dans plus de 100 pays en développement, apportant à
ses États clients des services d’études et de dialogue sur la politique publique, ainsi que des prêts
destinés à améliorer la qualité de vie des populations — y compris sur le plan de la santé et de
l’instruction — et à lutter contre la pauvreté.
Le Population Reference Bureau (PRB) a une mission d’information mondiale sur les questions de santé, population et environnement, et s’efforce de donner aux peuples les moyens nécessaires pour utiliser ces informations afin de promouvoir le bien-être des générations actuelles et
futures. Depuis 75 ans, le PRB analyse des données complexes et les résultats d’études pour produire des informations objectives à des intervalles de temps appropriés et dans un format qui
xi
puisse être compris facilement par les militants, les journalistes et les responsables politiques. Il
organise également des séminaires dans le monde entier afin de fournir à des publics stratégiques
les outils dont ils ont besoin pour comprendre les problèmes importants et savoir en parler. Enfin,
le PRB s’efforce d’amener les responsables politiques à fonder leurs décisions sur des données
fiables et non sur des informations anecdotiques ou obsolètes.
L’idée de cet ouvrage parallèle à l’intention des responsables politiques et d’autres personnalités influentes a germé à la première réunion du comité consultatif de rédaction du projet DCP,
qui s’est tenue en juin 2003 à Cuernavaca (Mexique). Elle a été immédiatement adoptée par le
comité exécutif de ce comité, composé de Jaime Sepúlveda, président, Guy de Thé et David
Challenor.
Priorités en matière de santé a été rédigé par William Savedoff et Amy Smith à partir du contenu de l’ouvrage Disease Control Priorities in Developing Countries, 2e édition. Les rédacteurs, les
auteurs et l’équipe du projet DCP sont extrêmement reconnaissants à Bill et Amy d’avoir su
rendre en très peu de pages l’essentiel de ce second volume de 1 400 pages. Philip Musgrove,
Sonbol Shahid-Salles et Anthony Measham ont relu et corrigé ce volume condensé ; si certaines
informations clés n’y apparaissaient pas, ils en seraient responsables.
Carlos Rossel, Mary Fisk, Randi Park, Nancy Lammers, Alice Faintich, Andres Meneses et leurs
collègues du Bureau des publications de la Banque mondiale ont accompli un travail remarquable
à toutes les étapes de la production des ouvrages du projet DCP, y compris le présent livre. Sans
leur professionnalisme, leur attention au moindre détail, leur travail acharné, leur soutien indéfectible et leurs conseils, il n’aurait pas été possible de publier ce livre en complément de la seconde édition.
La version française a été établie par l'Unité de traduction et d'interprétation de la Banque
mondiale (Washington)
Enfin, les rédacteurs du projet DCP souhaitent rendre hommage aux 350 et quelques auteurs
de la seconde édition pour leurs éminentes contributions à Priorités en matière de santé. Par le
biais du présent ouvrage, nous l’espérons, le DCP2 amènera une diminution importante de la
mortalité, de la morbidité et de l’invalidité dans le monde entier, en particulier parmi les pauvres
dans les pays en développement.
xii | Priorités en matière de santé
Sigles et abréviations
TRA
BCG
MCV
DCP2
AVCI
DOTS
PIB
Hib
PCIME
MTI
ODM
TRO
ONG
SRAS
MST
OMS
thérapie antirétrovirale
bacille de Calmette et Guérin
maladie cardiovasculaire
Disease Control Priorities in Developing Countries, 2e édition
année de vie corrigée du facteur d’invalidité
stratégie appliquée au niveau international pour lutter
contre la propagation de la tuberculose
produit intérieur brut
Haemophilus influenzae de type B
prise en charge intégrée des maladies de l’enfant
moustiquaire traitée aux insecticides
Objectifs de développement pour le Millénaire
thérapie de réhydratation par voie orale
organisation non gouvernementale
syndrome respiratoire aigu sévère
maladie sexuellement transmissible
Organisation mondiale de la santé
Tous les montants en dollars sont en dollars des États-Unis, sauf indication contraire.
xiii
Chapitre 1
Accomplissements, problèmes
et priorités
Le moment est venu de procéder à un examen de l’état de santé des
populations du monde. Certes, bon nombre de personnes vivent plus
longtemps et en meilleure santé qu’avant, mais tout aussi nombreuses
sont celles qui n’ont toujours pas accès aux soins de santé les plus élémentaires, et l’écart entre les niveaux de soins dont bénéficient les riches
et les pauvres s’est effectivement accentué en ce qui concerne certains
besoins essentiels. Pour ce qui est des maladies infectieuses, même si la
communauté médicale maîtrise de façon satisfaisante certaines d’entre
elles — elle en a même éradiqué une — de nouvelles affections apparaissent, dont quelques-unes sont causées par des virus mystérieux qui passent d’une espèce à l’autre ou subissent des mutations rapides. Les autres
grandes composantes de la morbidité mondiale sont liées au comportement humain et aux choix préjudiciables opérés aux niveaux individuel
et collectif.
L’ouvrage intitulé Disease Control Priorities in Developing
Countries, deuxième édition (DCP2), rédigé par Jamison et al. (2006), se
veut un examen à la fois de la situation sanitaire et des soins de santé.
Quels progrès la communauté médicale a-t-elle accomplis en termes
d’identification et d’allégement de la charge de morbidité mondiale ?
Quelle est l’ampleur des réalisations des pays dans le domaine de la mise
au point et de la mise en œuvre de soins de santé efficients, efficaces et
équitables ? Comment les pays doivent-ils établir et réaliser les priorités
en matière de santé ?
En 1993, la première édition de Disease Control Priorities in
Developing Countries (Jamison et al. 1993) présentait des connaissances
sur la distribution de la morbidité dans les pays en développement, des
informations actualisées sur nombre de ces maladies et des données sur
le rapport coût-efficacité des interventions disponibles pour lutter contre
ces dernières. Cet ouvrage a contribué à éclairer et à donner une impulsion aux politiques du secteur de la santé dans les pays du monde entier,
1
en montrant les avantages d’une réorientation des efforts vers les maladies ayant de lourdes charges, et ce grâce à des interventions efficaces. Il
a jeté la base conceptuelle de l’examen de la répartition des ressources
dans le secteur de la santé, tout en illustrant les liens existant entre la prévention et le traitement, entre les services de santé publique et ceux de
soins personnels, et entre le secteur de la santé et les autres secteurs. Les
renseignements et les analyses contenus dans cet ouvrage paru en 1993
ont aidé nombre de pays en développement à définir des ensembles de
base de soins de santé ; ils ont éclairé la gestion de leurs décisions relatives à la formation, aux fournitures et au matériel ; et ils ont contribué
à la mise au point de programmes d’assurance sociale. L’ouvrage a par
ailleurs inspiré de nombreuses autres publications pendant les années 90,
y compris celle intitulée World Development Report 1993 : Investing in
Health (Banque mondiale 1993).
Aujourd’hui, 13 ans plus tard, le DCP2 évalue les réalisations subséquentes, les problèmes nouveaux et ceux qui restent à résoudre, ainsi que
les nouvelles opportunités d’amélioration de la santé dans le monde en
développement. Cette nouvelle publication va plus loin que l’ouvrage précédent à maints égards, notamment les suivants :
• il comprend l’analyse d’un nombre plus élevé de maladies et d’affections, couvrant tout l’éventail des maladies infectieuses, des problèmes
relatifs à la reproduction, des questions liées à la santé infantile, des
maladies non transmissibles et des traumatismes, ainsi que les facteurs
de risque et les conséquences de chaque maladie.
• par rapport à l’édition précédente, il propose une analyse coût-efficacité plus approfondie et permet plus de comparaisons entre les affections
et les régions.
• il accorde une attention considérable à la mise en œuvre, en examinant
comment fournir, gérer et financer les soins de santé.
• il traite de problèmes transsectoriels, tels que les disparités entre les
sexes en ce qui concerne l’état de santé, et les dimensions morales de la
répartition des ressources.
Cette nouvelle publication est par conséquent une évaluation complète et
actualisée des connaissances médicales, économiques et sur la gestion qui
peuvent être exploitées à l’heure actuelle pour alléger la lourde charge de
morbidité mondiale et améliorer la santé.
2 | Priorités en matière de santé
RÉUSSITES HISTORIQUES EN MATIÈRE
DE SANTÉ DANS LE MONDE
Tout bilan doit comprendre une analyse des antécédents pathologiques1.
L’examen des améliorations sans précédent apportées à la santé durant le
dernier siècle fournit d’importantes perspectives sur la situation actuelle.
Jusqu’au 19e siècle, le décès des nourrissons et des enfants était monnaie
courante dans le monde entier. La mauvaise alimentation occasionnait des
retards de croissance chez la plupart des personnes par rapport aux normes
actuelles. Des maladies infectieuses telles que la variole, la rougeole et la
tuberculose ont décimé des communautés entières et elles ont diminué et
rendu invalides un grand nombre de personnes. L’espérance de vie était
faible partout dans le monde. Même chez les femmes anglaises, qui avaient
la plus longue durée de vie au monde entre 1600 et 1840, l’espérance de vie
fluctuait entre 35 et 45 ans, soit la moitié de l’espérance de vie d’aujourd’hui (figure 1.1).
La situation générale a changé rapidement et radicalement depuis le
milieu du 19e siècle. La communauté médicale a maîtrisé nombre de
« Jusqu’au 19e siècle,
le décès des nourrissons
et des enfants était
monnaie courante dans
le monde entier ».
Figure 1.1 Limites et convergence de la moyenne nationale de l’espérance de
vie à la naissance chez les femmes
Espérance de vie moyenne en années
90
90
85
85
Japon
80
80
75
75
Pays nordiques
75%
70
70
50%
65
25% 65
60
60
Nouvelle-Zélande
55
55
50
50
Norvège
Population
45
45
mondiale
Estimations pour
Écart
40
40
l’Angleterre
interquartile
35
35
Sierra Leone
30
30
Limite inférieure de viabilité
25
25
20
20
1550 1600 1650 1700 1750 1800 1850 1900 1950 2000 2050
Source: Oeppen 1999.
1
Pour des perspectives historiques sur la santé et les soins de santé, se reporter aux chapitres
1 et 33 du DCP2.
Accomplissements, problèmes et priorités | 3
maladies infectieuses, et elle a même éradiqué la variole ; l’amélioration de
l’alimentation et de l’état de santé général a réduit le taux de mortalité
dans tous les groupes d’âge, tout particulièrement chez les enfants ; et la
durée de vie a augmenté considérablement. Après 1840, la tendance à la
hausse de la durée de vie s’est poursuivie à un taux étonnamment régulier
et uniforme d’augmentation de 2,5 ans par décennie au cours des 160
années suivantes. En 1900, l’espérance de vie la plus élevée dépassait à
peine 60 ans ; en 2000, elle était supérieure à 80 ans.
Cela étant, bien que les gains de santé et d’espérance de vie n’aient pas
été uniformes partout sur la planète et ne se soient pas réalisés
au même moment ou dans les mêmes proportions, ils ont été généralisés :
• La variole a été éradiquée à l’échelle mondiale en 1977.
• La polio n’est plus présente que dans une poignée de pays.
• La diphtérie, la coqueluche, la rougeole et le tétanos sont rares ou
inexistants dans nombre de régions du monde.
• La mortalité infantile, tout en restant élevée dans de nombreuses
régions, a baissé presque partout.
• L’espérance de vie moyenne s’est accrue — bien qu’avec des retours en
arrière — dans le monde entier. Entre 1960 et 2002, l’espérance de vie
moyenne a augmenté de 36 à 71 ans en Chine, de 56 à 71 ans en
Amérique latine et dans les Caraïbes, de 47 à 69 ans au Moyen-Orient
et en Afrique du Nord, et de 44 à 63 ans en Asie du Sud. L’espérance de
vie moyenne a augmenté même en Afrique subsaharienne, passant de
40 à 50 ans en 1990 avant de retomber à 46 ans en 2002, en raison principalement de la progression de l’épidémie du VIH/SIDA (tableau 1.1).
Bien que l’espérance de vie des pays à revenu élevé dépasse celle des
régions en développement, la convergence entre les taux des deux groupes
est remarquable. En 1910, l’on s’attendait par exemple à ce qu’un enfant de
sexe masculin vive pendant 49 ans s’il naissait aux États-Unis, et 29 ans s’il
venait au monde au Chili. Vers la fin des années 90, en revanche, l’espérance de vie avait atteint 73 ans aux États-Unis, contre 72 ans au Chili.
EXPLICATION DES AMÉLIORATIONS DE LA SANTÉ
Une série de facteurs expliquent les améliorations remarquables et généralisées enregistrées dans le domaine de la santé au cours du 20e siècle,
notamment l’évolution de la démographie, l’accroissement de la productivité, l’urbanisation, l’augmentation des ressources vivrières, les sciences
médicales, l’assainissement, et les changements institutionnels. Certaines
4 | Priorités en matière de santé
Tableau 1.1 Niveaux et tendances de l’espérance de vie entre 1960 et 2002, par région de la Banque mondiale
Espérance de vie
(années)
Taux de changement par
décennie (années)
Région
1960
1990
2002
1960–1990
1990–2002
Pays à revenu faible ou intermédiaire
45,2
63
65
6,3
1,7
39
67
70
9,3
2,5
Asie de l’Est et Pacifique
(36)
(69)
(71)
(11)
(1,7)
Europe et Asie centrale
(Chine)
s/o
69
69
s/o
0,0
Amérique latine et Caraïbes
56
68
71
4,0
2,5
Moyen-Orient et Afrique du Nord
47
64
69
5,7
4,2
Asie du Sud
44
58
63
4,7
4,2
(Inde)
(44)
(59)
(64)
(5)
(4,6)
40
50
46
3,3
–3,3
Pays à revenu élevé
Afrique subsaharienne
69
76
78
2,3
1,7
Monde
57
70
72
4,3
1,7
Source : Banque mondiale 2004.
Note : les données représentent l’espérance de vie moyenne des hommes et des femmes.
analyses historiques cherchent à trouver un facteur dominant tous les
autres et mettent l’accent sur un facteur crucial, tandis que d’autres
approches soulignent l’interaction entre plusieurs facteurs. Les efforts
déployés pour comprendre les changements sans précédent qui sont
intervenus dans le domaine de la santé humaine au 20e siècle ont consisté notamment à étudier les théories relatives à l’histoire et à la nature de
la causalité, ainsi que la manière dont elles ont contribué à l’étude de
l’épidémiologie. Nombre d’explications différentes sont possibles, mais
dans le cadre de l’objectif que nous visons, à savoir tirer les leçons de cette
exceptionnelle trajectoire historique, les deux messages clairs ci-après se
dégagent :
• La croissance du revenu ne saurait en elle-même ni expliquer les améliorations spectaculaires enregistrées dans le domaine de la santé au
cours du dernier siècle, ni servir de façon fiable comme stratégie unique
pour accomplir des progrès en matière de santé dans l’avenir.
• Les progrès techniques, dans le sens le plus large, sont efficaces. Ils ont été
et peuvent être à la base d’améliorations substantielles de la santé, même
en dépit de la lenteur ou de la stagnation de la croissance du revenu.
« Les progrès techniques…
ont été... à la base d'améliorations substantielles de la
santé, même en dépit
de la lenteur ou de
la stagnation de la
croissance du revenu ».
Accomplissements, problèmes et priorités | 5
Bien que le développement économique et la croissance du revenu
comptent assurément parmi les facteurs qui contribuent à expliquer les
remarquables améliorations de la santé au 20e siècle, il n’existait qu’une
faible corrélation entre la baisse de la mortalité en Europe et les périodes
de croissance économique au 19e siècle et au début du 20e siècle, et de plus
récentes expériences réalisées dans de nombreuses régions, notamment à
Cuba, au Sri Lanka et dans l’État de Kerala en Inde, démontrent que des
améliorations spectaculaires peuvent survenir dans le domaine de la santé
sans que le revenu soit élevé ou en croissance rapide. Le rythme des améliorations qui se produisent dans le domaine de la santé dans un si grand
nombre de pays différents, se trouvant à différents niveaux de développement économique différents, et affichant des taux variés de croissance du
revenu, montre que d’autres facteurs peuvent et doivent jouer un rôle prépondérant.
Un nombre croissant d’études attribuent les remarquables progrès de la
santé du siècle dernier non pas tant à l’augmentation des richesses qu’aux
progrès techniques. Dans ce contexte, le terme progrès technique renvoie à
tout accroissement des connaissances qui mène à des améliorations pratiques. Il s’agit notamment de la mise au point et de l’application de traitements très élaborés, tels que les greffes d’organes et l’angioplastie, mais
aussi de traitements simples comme la thérapie de réhydratation par voie
orale, laquelle consiste à faire boire à un enfant souffrant de diarrhée des
solutions contenant quelques ingrédients simples pour empêcher la mort
par déshydratation. Il s’agit en outre de progrès en matière de soins préventifs tels que des vaccins nouveaux, plus efficaces ou plus faciles à administrer combinés avec de simples changements de comportement, comme
le fait de maintenir au chaud les nouveau-nés et de veiller à ce que leur cordon ombilical soit propre et non infecté. Il s’agit enfin de méthodes novatrices pour fournir des traitements classiques, tels que le traitement sous
observation directe sur une courte période (DOTS), stratégie appliquée à
l’échelon international et qui a permis de lutter efficacement contre la propagation de la tuberculose dans nombre de pays.
Les progrès techniques prennent également la forme d’innovations
institutionnelles et administratives. Celles-ci peuvent consister à organiser et à assurer des fonctions relatives à la santé publique pour la première fois dans un pays ou à le faire de manière novatrice et plus efficace. Elles peuvent consister à identifier et à former de nouveaux cadres du
personnel de santé, à élaborer de nouveaux moyens de surveillance pour
suivre de près une maladie et ensuite cibler les campagnes de vaccination,
ou à prendre des mesures pour améliorer l’accessibilité et la qualité des
soins.
Dans le domaine de l’économie et des politiques publiques, les progrès
techniques prennent la forme de l’amélioration de l’affectation des fonds,
6 | Priorités en matière de santé
suite à l’étude de l’efficacité des interventions et des stratégies et à l’évaluation de leur efficience économique. Ils comprennent l’élaboration de
nouvelles méthodes de financement des systèmes de santé, telles que la
mobilisation des ressources publiques ou la mise en commun des ressources financières existantes, et de nouvelles stratégies pour acquérir les
services de santé et payer les prestataires. La création de systèmes de sécurité sociale et de services nationaux de santé est une autre forme de ce
genre de progrès techniques qui permettent d’assurer des millions de
familles contre les coûts élevés des maladies et traumatismes graves. Le
DCP2 illustre les nombreuses manières dont l’action collective menée
grâce au financement public a débouché sur des progrès substantiels de la
santé pour la société.
Des progrès techniques accomplis en dehors du secteur de la santé ont
également contribué à l’amélioration de la santé. Notamment, l’augmentation de la productivité agricole a amélioré l’alimentation d’une grande partie de la population mondiale, qui continue de croître. En outre, l’aménagement des infrastructures telles que celles du logement, de l’assainissement, de l’approvisionnement en eau potable et de routes sûres a considérablement contribué à l’amélioration de la santé. Les investissements dans
l’éducation, qui aident à accroître le taux d’alphabétisation et, partant, à
faciliter la diffusion de l’information sur les modes de vie sains, ont également un impact important sur la santé.
Il n’est pas facile de déterminer la frontière entre les innovations institutionnelles et les changements sociaux plus généraux, lesquels ont contribué de façon considérable aux progrès en matière de santé. L’un des plus
notables de ces changements a porté sur la condition de la femme, notamment ses droits politiques, son éducation et d’autres formes d’autonomisation. Ces améliorations apportées à la condition de la femme ont contribué à améliorer la santé non seulement des femmes elles-mêmes, mais
aussi celle de leur famille et de leur communauté.
Lorsque les pays adoptent des innovations techniques comme celles cidessus, la santé des populations s’améliore même en l’absence de richesses
sociales ou de croissance économique. Entre 1950 et 1980, des pays à revenu faible ou intermédiaire tels que le Chili, le Costa Rica, Cuba et Sri Lanka
ont adopté des approches élémentaires de l’amélioration de la santé
publique, notamment l’assainissement, la vaccination systématique et
l’augmentation du taux d’accouchement assisté par du personnel qualifié,
ce qui a débouché sur une réduction remarquable de la mortalité infantile, juvénile et maternelle. Les pays présentant des profils économiques
similaires qui n’ont pas adopté de telles mesures ont pris du retard. Une
analyse économétrique portant sur plusieurs pays montre que les pays qui
ont accompli de rapides progrès techniques ont réduit la mortalité infantile d’un taux annuel atteignant 5 % par rapport aux pays dont les progrès
« La création de systèmes
de sécurité sociale et de
services nationaux de santé
est une autre forme de…
progrès techniques… ».
«… les pays qui ont
accompli de rapides
progrès techniques ont
réduit la mortalité infantile
d’un taux annuel atteignant
5 % par rapport aux pays
dont les progrès
techniques ont été
négligeables ou nuls ».
Accomplissements, problèmes et priorités | 7
techniques ont été négligeables ou nuls2. Même des pays pauvres ayant peu
d’institutions publiques, ainsi que ceux plongés dans de violents conflits,
ont réalisé des progrès substantiels de la santé grâce à des campagnes de
vaccination qui ont permis d’éradiquer la variole à l’échelle planétaire,
d’éliminer la polio dans la plupart des régions du monde, ou de maîtriser
d’autres maladies infectieuses endémiques. En embrassant le progrès technique sous ses innombrables formes, il est possible d’apporter des améliorations à la santé.
Les améliorations de la santé réalisées durant le siècle dernier étaient
non seulement exceptionnelles mais aussi remarquables par rapport aux
tendances de la croissance économique et aux capacités institutionnelles
locales. De fait, « la croissance du revenu n’est ni nécessaire ni suffisante
pour apporter des améliorations durables à la santé. Les outils actuellement disponibles pour améliorer la santé sont si puissants et si peu coûteux
que les conditions de santé peuvent être raisonnablement satisfaisantes
même dans les pays à faible revenu » (DCP2, chapitre 1, p.8).
SANTÉ ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE
«...le rythme de
l’accroissement de la
longévité, qui a amélioré
le bien-être des Américains,
a été supérieur ou égal au
rythme d’accroissement
du revenu réel, qui a
sextuplé pendant la
première moitié du
20e siècle ».
Les chercheurs perdent fréquemment de vue l’importance que les progrès
spectaculaires de la santé du 20e siècle revêtent pour le bien-être, en raison
des difficultés liées à la quantification de ces améliorations, et aussi parce
qu’une autre mesure du bien-être, à savoir la croissance du revenu national, a traditionnellement servi d’indicateur classique des progrès accomplis
par un pays. Plusieurs études ont cherché à résoudre ce problème en estimant la valeur, en termes monétaires, de l’accroissement de la longévité.
Lorsque la valeur de ces années de vie supplémentaires est ajoutée au
revenu national, le montant qui en résulte, connu sous le nom de plein
revenu, est une meilleure mesure du bien-être national. Des calculs de ce
genre pour les États-Unis ont révélé que le rythme de l’accroissement de
la longévité, qui a amélioré le bien-être des Américains, a été supérieur ou
égal au rythme d’accroissement du revenu réel, qui a sextuplé pendant la
première moitié du 20e siècle. En prêtant attention à la valeur de la longévité accrue, l’on tempère en outre les évaluations des inégalités mondiales,
car depuis les années 50, le niveau de l’espérance de vie des pays pauvres
se rapproche de celui des pays à revenu élevé.
Les chercheurs ont par ailleurs sous-estimé l’importance que revêtent
les améliorations apportées à la santé pour le bien-être : l’amélioration de
2
Une étude analysant tout particulièrement la différence entre les rythmes de progrès technique a en outre démontré que l’effet de la santé sur le revenu est considérablement plus
important que celui du revenu sur la santé. Pour une analyse plus détaillée des avantages économiques de la santé, se reporter au chapitre 1 du DCP2.
8 | Priorités en matière de santé
la santé elle-même contribue à la croissance économique. En fait, bien que
la croissance économique ne soit pas indispensable pour la santé, cette dernière peut être cruciale pour la croissance économique. Il ressort de
nombre d’études que plus une personne jouit d’une meilleure santé, plus
elle est productive. Ces études consistent en des expériences ciblées, telles
que les démonstrations prouvant que les ouvriers agricoles sont plus productifs après avoir subi un traitement pour l’anémie. Elles consistent en
outre en des recherches historiques montrant par exemple que l’on pourrait attribuer jusqu’à la moitié de la croissance britannique pendant la
révolution industrielle à l’amélioration de l’alimentation et, par conséquent, à l’amélioration de la santé et de la productivité des travailleurs. Des
études portant sur plusieurs pays ont démontré que 10 à 15 % de la croissance économique enregistrée entre 1960 et 1990 était attribuable à la
réduction de la mortalité chez l’adulte, et l’accroissement de l’espérance de
vie d’une année supplémentaire était lié à une augmentation soutenue du
revenu national de l’ordre de 4 %.
«... la moitié de la
croissance britannique
pendant la révolution
industrielle pourrait être
attribuée à l'amélioration
de l'alimentation... »
ÉQUITÉ
La perspective historique générale sur la santé est rassurante à maints
égards. Les tendances dominantes sont favorables, avec des gains sans précédent, des progrès généralisés, et la convergence des états de santé. Ces
tendances favorables masquent toutefois des progrès inégaux, de vastes
pans de populations ayant pris du retard et se retrouvant en situation défavorisée. Aucun processus d’établissement de priorités et d’élaboration de
stratégies pour améliorer la santé ne peut faire abstraction de ces grandes
inégalités généralisées. Comme le relève le DCP2 (chapitre 1, p. 5), « Dans
un trop grand nombre de pays l’état de santé reste — inutilement — d’une
médiocrité inadmissible. Cette situation est source de peine et de misère, et
elle constitue un puissant frein à la croissance économique et à la réduction
de la pauvreté ».
Compte tenu des outils et des ressources dont on dispose aujourd’hui,
l’état de santé pourrait être satisfaisant partout, mais pour un trop grand
nombre de personnes, un état de santé « satisfaisant » n’est pas la norme.
Les enfants nés dans les pays à faible revenu ont nettement moins de chance de vivre pendant longtemps et en bonne santé que ceux nés dans les pays
à revenu plus élevé.
Les femmes vivent en général plus longtemps que les hommes, mais leur
vie tend à se caractériser par une santé moins bonne (DCP2, chapitre 10).
Dans les sociétés qui refusent aux femmes le droit de succession, la liberté
d’expression politique, la capacité juridique ou l’éducation, les femmes
« Les femmes vivent en
général plus longtemps
que les hommes, mais leur
vie tend à se caractériser
par une santé moins
bonne... »
Accomplissements, problèmes et priorités | 9
ainsi touchées souffrent d’un plus grand nombre de maladies et de traumatismes et ont moins accès au traitement et aux services. D’autres
groupes marginalisés au plan social, qu’ils soient de taille importante —
tels que les populations autochtones, les habitants des zones rurales et les
travailleurs migrants — ou modeste comme les professionnels du sexe et
les enfants vivant dans la rue, ploient sous le même genre de charges de
morbidité excessives.
L’équité est un important thème présent en filigrane dans tout le
DCP23. Chaque chapitre consacré à une maladie particulière indique la
distribution de la charge de morbidité et identifie les zones de concentration de ce fardeau, que ce soit dans des régions ou au sein de populations
spécifiques. L’examen des interventions évalue l’efficacité de celles-ci pour
différentes classes d’âge, de sexe, de culture et de groupe social, et l’analyse des mécanismes de mise en œuvre traite des obstacles entravant l’accès
à des soins de santé appropriés et opportuns, étant donné que ces obstacles varient d’un groupe de population à l’autre. Comme le soulignent
les auteurs du chapitre sur la prise en charge intégrée des maladies de l’enfant (PCIME), « Le problème de l’amélioration de l’équité n’est pas propre
à la PCIME ou à la survie des enfants ; il touche pour ainsi dire toutes les
stratégies d’intervention et de prestation. À moins que les considérations
liées à l’équité ne soient désormais prises en compte lors de la formulation des
politiques et dans le suivi des résultats, les interventions risquent de creuser
le fossé des inégalités au lieu de le combler » (DCP2, chapitre 63, p. 1189 ;
nous soulignons).
Les inégalités en matière de santé, dont la plupart sont bien visibles,
peuvent être attestées lorsque les chercheurs subdivisent les analyses selon
les groupes pertinents de la société, comme par exemple ceux d’âge, de
sexe, de revenu, d’appartenance ethnique ou de région. Les caractéristiques de l’inégalité qui en découlent peuvent s’observer à trois niveaux
différents : de grandes disparités en ce qui concerne l’état de santé, des différences au niveau de l’accès aux soins et de l’utilisation des services de
santé, et une exposition disproportionnée aux risques pour la santé.
Caractéristiques de l’inégalité dans le domaine de l’état de santé
Le rassurant tableau brossé par l’augmentation des moyennes mondiales
cache d’importantes disparités en matière de santé entre les différentes
régions du monde et les différents groupes de populations en terme de
revenu, de sexe et d’âge. À titre d’exemple, la probabilité qu’un enfant nais3
Le problème de l’équité est traité dans pratiquement tous les chapitres du DCP2. L’analyse
la plus explicite figure au chapitre 3, mais l’on voudra aussi se reporter aux chapitres 9, 10, 59
et 63.
10 | Priorités en matière de santé
sant aujourd’hui meure avant l’âge de cinq ans est de 20 % en Éthiopie,
contre 1 % en Amérique du Nord ou en Europe de l’Ouest. En 1990–2002,
le taux de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans a stagné ou augmenté dans 27 pays. Le risque de décès d’une femme pendant l’accouchement est de moins de 20 pour 100 000 naissances dans les pays à revenu
élevé, alors que la moyenne est supérieure à 900 pour 100 000 naissances
dans les pays à faible revenu. Les progrès réalisés sur le front de la réduction de la mortalité infantile ont été ralentis, voire inversés dans certains
pays, et par conséquent le fossé se creuse.
L’excédent de morbidité chez les femmes ne tient pas exclusivement
aux maladies liées à la maternité, mais elle est également attribuable à
une plus forte incidence des maladies découlant de l’iniquité de la distribution des rôles entre les sexes ; par exemple, en Afrique subsaharienne,
les jeunes filles sont de 5 à 16 fois plus susceptibles d’être infectées par le
VIH que les jeunes hommes. En Chine, en Inde et dans d’autres régions
d’Asie du Sud, la négligence subie par les petites filles, l’avortement des
fœtus féminins, la violence et d’autres causes de la morbidité supplémentaire minent la vie des femmes, d’où les estimations accablantes
selon lesquelles des millions de femmes disparaissent ainsi des chiffres de
population.
Dans de nombreuses républiques de l’ancienne Union soviétique, l’espérance de vie des hommes a baissé dans les années 90 en raison de l’augmentation de l’alcoolisme, des bouleversements sociaux et de la détérioration des infrastructures essentielles de santé. La pire calamité des dernières
années est de loin celle qui a frappé l’Afrique subsaharienne, où le
VIH/SIDA réduit l’espérance de vie moyenne et accroît la mortalité liée
aux infections opportunistes, à la tuberculose, au paludisme et à la malnutrition.
De grandes disparités dans le domaine de la santé peuvent également
s’observer au sein des pays. La Chine occidentale par exemple présente un
profil de santé qui accuse du retard sur les régions côtières plus riches du
pays, et les populations autochtones des pays d’Amérique latine vivent
moins longtemps et en moins bonne santé que les autres segments sociaux.
De fait, les chercheurs constatent régulièrement que dans la plupart des
pays, les pauvres vivent moins longtemps et en moins bonne santé que les
riches.
« En 1990–2002, le taux de
mortalité chez les enfants
de moins de
cinq ans a
stagné ou a augmenté
dans 27 pays ».
« L’excédent de morbidité
chez les femmes ne
tient pas exclusivement
aux maladies liées
à la maternité... ».
Caractéristiques de l’iniquité dans la mise à disposition des soins
de santé
L’iniquité se manifeste en outre sous la forme de disparités au niveau des
services de santé, comme par exemple:
Accomplissements, problèmes et priorités | 11
« Les taux de couverture
des interventions efficaces
visant à améliorer la
survie des enfants sont
remarquablement faibles
dans la plupart des pays
en développement ».
«... 65 % des personnes en
Inde et 47 % en Afrique
subsaharienne ne peuvent
simplement pas obtenir
[des] médicaments
essentiels... ».
• les taux de couverture des interventions efficaces visant à améliorer la
survie des enfants sont remarquablement faibles dans la plupart des
pays en développement. Il est ressorti d’une analyse de 42 pays couvrant
90 % des décès infantiles du monde que seules deux interventions
majeures sur neuf atteignaient plus de 50% des enfants.
• en 1999, les accoucheurs qualifiés assistaient moins de la moitié des
femmes lors de l’accouchement en Afrique subsaharienne.
• un tiers de la population mondiale ne bénéficie pas d’un accès efficace
aux médicaments ou aux vaccins essentiels modernes. Quelque 65 %
des personnes en Inde et 47 % en Afrique subsaharienne ne peuvent
simplement pas obtenir les médicaments essentiels dont elles ont
besoin.
Nombre d’obstacles différents empêchent les populations de bénéficier
de soins de santé appropriés. Comme le relève le chapitre du DCP2 traitant des différences entre les sexes (chapitre 10), ces obstacles peuvent être
divisés entre ceux qui sont liés aux services, aux clients ou aux institutions,
et les femmes tendent à s’y heurter de façon disproportionnée, comme
suit :
• Les facteurs liés aux services sont notamment les coûts élevés des soins
et du transport, l’éloignement des lieux de prestation des services et le
temps nécessaire pour s’y rendre, la piètre qualité des soins, le caractère
inapproprié des soins, les attitudes négatives du personnel, les différences culturelles et linguistiques.
• Les facteurs liés aux clients ont trait aux obstacles sociaux et culturels
qui entravent la mobilité des femmes, au caractère plus modeste de la
richesse et du revenu des femmes, au plus lourd fardeau de temps assumé pas les femmes en raison des rôles familiaux que leur impose la
société, et au fait que les femmes sont peu renseignées sur leurs besoins
de santé, sur leurs droits et sur les ressources disponibles.
• Les facteurs institutionnels sont entre autres la mainmise des hommes
sur le processus de prise de décision, les budgets et les structures de de
santé ; la manière dont la maladie est perçue au niveau local ; les normes
locales de traitement ; la stigmatisation et la discrimination dans les
milieux de santé.
Les autres chapitres du DCP2 exposent, avec des détails certes variés, un
large éventail d’obstacles qui entravent l’accès aux soins chez les nourrissons, les enfants, les professionnels du sexe et nombre d’autres groupes
sociaux défavorisés.
12 | Priorités en matière de santé
Caractéristiques de l’iniquité en matière d’exposition
aux risques pour la santé
Les différences observées au niveau de l’état de santé sont également imputables à l’écart existant entre les degrés d’exposition aux risques pour la
santé. Nombre de ces différences sont associées à la pauvreté et sont analysées dans un certain nombre de chapitres du DCP2, notamment ceux traitant de l’eau et de l’assainissement (chapitre 41), des soins néonatals (chapitre 27), de la malnutrition (chapitre 28) et de la pollution intérieure due
aux cuisinières (chapitre 42). Nombre de risques sont associés aux tâches
dangereuses et exigeant des efforts physiques (chapitre 60). D’autres encore sont liés à des conditions climatiques et géographiques qui sont tout
particulièrement favorables au paludisme (chapitre 21), à l’onchocercose
(chapitre 50), aux infections helminthiques (chapitre 24) et à une vaste
gamme de maladies tropicales (chapitres 22 et 23).
« Nombre de risques sont
associés aux conditions
climatiques et
géographiques. . .
favorables au paludisme,
à l’onchocercose, aux
infections helminthiques
et… [aux] maladies
tropicales ».
Équité et progrès techniques
D’où proviennent ces iniquités au niveau de l’état de santé, des services de
santé et de l’exposition aux risques ? Les facteurs qui y contribuent sont
nombreux, allant des accidents climatiques ou géographiques à la négligence, en passant par la répression politique. Pourtant, malgré de longues
discussions engagées sur la nature et les origines des inégalités en matière
de santé, la plupart des spécialistes s’accordent à reconnaître que ces iniquités découlent largement de l’adoption et de la mise en œuvre inégales
des interventions en faveur de la santé qui sont associées aux progrès techniques ; en d’autres termes, ces inégalités proviennent dans une large
mesure du fait que des interventions efficaces au plan économique ont été
réalisées à certains endroits et pas d’autres, ou alors seulement en faveur de
groupes privilégiés.
Les populations qui ne bénéficient pas des retombées des progrès
techniques accusent le retard, et certains fossés se creusant sans cesse. À
titre d’exemple, sur 12 millions de décès d’enfants analysés en 1998, près
de 4 millions étaient dus à des maladies contre lesquelles il existe des vaccins efficaces. Des interventions coût-efficaces et relativement peu coûteuses contre nombre de maladies pouvant être prévenues par un vaccin,
contre la diarrhée, la pneumonie, la tuberculose et le paludisme, ont permis de réduire grandement la charge de morbidité de ces maladies dans
les régions où elles ont été mises en œuvre, jusqu’à 0,3 % seulement de la
morbidité totale. En revanche dans les régions où de telles interventions
n’ont pas été mises en œuvre, ces maladies comptent pour 11,7 % de la
charge de morbidité (tableau 1.2, figure 1.2).
«… les inégalités en matière
de santé ...découlent
largement de l’adoption et
de la mise en œuvre
inégales des interventions
en faveur de la santé
qui sont associées aux
progrès techniques. . . ».
Accomplissements, problèmes et priorités | 13
PROGRAMME D’ACTION
« Dans les pays à revenu
faible ou intermédiaire, une
grande partie de la charge
de morbidité est attribuable
à des maladies contre
lesquelles des interventions
efficaces au plan
L’amélioration générale de l’état de santé du monde est encore entravée
par le trop grand nombre de cas de négligence ou d’échec dans la mise en
place de mesures salutaires de santé publique. Que peut-on faire pour
réparer les iniquités tout en accroissant et en pérennisant les améliorations
de la santé ? Le DCP2 s’attaque à ce défi en s’appuyant sur les dernières
données scientifiques et sur l’analyse coût-efficacité. Il identifie les interventions précises et les changements de politique qui sont les plus susceptibles de faciliter les progrès au plan de la santé. Ces mesures consistent à
appliquer le savoir sur les interventions efficaces en matière de santé dans
un plus grand nombre de milieux, à améliorer les politiques et les instruments qui favorisent une prestation de soins de santé de qualité et réduisent les obstacles à leur accès, à générer des connaissances dans les
domaines prioritaires, et à mobiliser des ressources financières et
humaines supplémentaires.
Appliquer les connaissances pour bien choisir les interventions
Le DCP2 dresse un état des connaissances actuelles sur les interventions en
matière de santé qui sont efficaces contre un vaste éventail de maladies, de
traumatismes et de déficiences dans nombre de contextes différents. Dans
les pays à revenu faible ou intermédiaire, une grande partie de la charge de
morbidité est attribuable à des maladies contre lesquelles des interventions
efficaces au plan économique sont déjà connues et faisables. Il est important de choisir la bonne intervention contre une maladie précise et dans un
contexte donné. Le DCP2 démontre comment les décideurs pourraient
économique sont déjà
connues... ».
Tableau 1.2 Dépenses de santé par niveau de revenu des pays, secteurs
public et privé, 2001
Groupe de pays
À faible revenu
À revenu intermédiaire
À revenu élevé
(pays de l’Union
monétaire européenne)
Monde
Dépenses de
santé par habitant
(USD de 2001)
Dépenses de
santé du secteur
public en % du total
23
4,4
26,3
118
6,0
51,1
2 841
10,8
62,1
1 856
9,3
73,5
500
9,8
59,2
Source : Banque mondiale 2004, tableau 2.14.
14 | Priorités en matière de santé
Dépenses de
santé en
% du PIB
utiliser les renseignements sur l’efficacité économique ainsi que les informations sur la prévalence des maladies et sur les affections pouvant être
prévenues pour déterminer les interventions à amplifier et celles à remettre
en question. L’amplification, par les pays, d’interventions et de services de
santé qui sont efficaces au plan économique pourrait avoir un grand
impact sur la charge de morbidité.
Améliorer les systèmes de santé
L’amélioration des systèmes de santé et la réduction des obstacles à l’accès
aux soins de santé permettront d’optimiser la mise en œuvre de ces interventions. Le DCP2 accorde une attention considérable au renforcement
des systèmes de santé, car les interventions — quel que soit le soin mis à les
sélectionner — sont quasiment impossibles à réaliser sans de tels systèmes.
Selon le DCP2 (chapitre 3, p. 85), « Les données sur le rapport coût-effica-
Figure 1.2 Principales causes de décès chez les personnes de tous les âges,
par région de la Banque mondiale
Pourcentage du total des décès
70
60
50
40
30
20
10
Maladies cardiovasculaires
Tumeurs malignes
Traumatismes
ar riqu
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nn
e
d
Af
Su
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rd
0
Infections respiratoires
Maladies pulmonaires chroniques
VIH/SIDA
Source : DCP2 2006, chapitre 33, p. 5.
Accomplissements, problèmes et priorités | 15
cité des interventions indiquent dans une large mesure ce qui peut être réalisé avec un système de santé fonctionnant relativement bien. Dans ce sens,
on peut considérer qu’elles représentent une efficacité économique potentielle et doivent être complétées par des éléments probants et des conseils
sur la manière de renforcer les systèmes de santé en vue de réaliser les interventions de façon efficace, efficiente et équitable » (nous soulignons ceci).
On peut renforcer les systèmes, étendre la couverture et assurer une distribution équitable de diverses manières, en particulier l’acroissement des
infrastructures de service, la réduction des coûts, l’amélioration de la qualité et l’instauration de la transparence dans l’affectation des ressources. Il
est en outre impérieux de solliciter davantage les opinions des populations
mal desservies, car comme le signale le DCP2 (chapitre 3, p. 89), « Le renforcement des structures de responsabilité devant les communautés, ainsi
que l’instauration de mécanismes pour veiller à ce que les usagers fassent
entendre leurs voix dans le cadre du système de santé local et puissent
influencer les priorités, sont probablement importants pour encourager la
bonne performance ».
Déterminer les priorités en matière de recherche
« Un domaine prioritaire de
recherche est celui de la
mise au point d'interventions économiques contre
les maladies négligées
dont la charge de morbidité
est lourde… ».
Les effets positifs résultant de la recherche en santé sont très importants,
comme le montrent les améliorations de la santé éventuelles que l’on pourrait retirer de l’application des connaissances actuelles. En investissant des
ressources dans la recherche aujourd’hui, l’on pourra réaliser de plus importantes améliorations de la santé demain, à condition de bien cibler de telles
ressources. Un domaine prioritaire de recherche est celui de la mise au point
d’interventions économiques contre les maladies négligées, dont la charge
de morbidité est lourde, tout particulièrement chez les populations mal desservies. Un autre domaine essentiel de recherche est celui de l’étude de tous
les aspects de la mise à disposition des soins de santé, dans le but de concevoir les moyens les mieux indiqués et les plus efficaces pour faire en sorte
que les interventions atteignent les populations qui n’ont pas bénéficié jusqu’ici de leurs retombées.
Les secteurs où il existe actuellement des déséquilibres au niveau de l’attention accordée aux maladies et à la fourniture des soins sont notamment
les suivants :
• mise au point de médicaments. Des 1 233 nouveaux médicaments mis
sur le marché entre 1975 et 1999, seuls 13 étaient approuvés tout particulièrement pour les maladies tropicales.
• financement de la recherche. Même si le monde en développement supporte 85 % de la charge mondiale d’invalidité et de mortalité prématu-
16 | Priorités en matière de santé
rée, l’on consacre moins de 4 % de la recherche mondiale aux maladies
transmissibles et aux troubles maternels, néonatals et nutritionnels qui
constituent la grande partie de la charge de morbidité dans les pays en
développement.
• sous-utilisation des services de santé par les femmes. Ce phénomène a
été bien mis en évidence de manière générale et dans des cas de maladies précises. Par exemple, bien qu’en Inde les femmes déclarent plus de
cas de maladie que les hommes, les registres des hôpitaux montrent que
les hommes reçoivent plus de soins. De même, en Thaïlande, les
hommes sont six fois plus susceptibles de se faire traiter contre le paludisme, maladie qui frappe les hommes et les femmes de façon similaire
(DCP2, chapitre 10).
Le DCP2 identifie les secteurs prioritaires de la recherche en épidémiologie, sur les interventions et la mise à disposition des soins de santé.
Mobiliser davantage de ressources
L’attention accordée par le DCP2 à l’efficacité économique est stimulée par
l’objectif de maximiser le rendement de chaque dollar investi, ce qui n’implique toutefois pas que l’on n’ait point besoin de fonds supplémentaires.
Un effort global pour améliorer la santé à l’échelle mondiale nécessitera des
dépenses considérables.
Dans la plupart des pays à faible revenu, les ressources disponibles pour
les interventions en matière de santé sont, dans l’ensemble, largement
insuffisantes par rapport à l’ampleur de la charge de morbidité et des
besoins relatifs à ces interventions. Les pays doivent certes financer autant
que possible leurs propres interventions en santé, mais pour les pays à
faible revenu, l’aide extérieure est déjà et continuera d’être une importante source de financement. Même si l’aide au développement s’est accrue au
cours de la dernière décennie, notamment avec la participation de nouvelles fondations privées et la création de nouvelles initiatives mondiales,
certaines promesses n’ont pas été honorées et de nouveaux engagements
restent nécessaires.
Dans les pays à revenu intermédiaire, il est probable que les ressources
financières soient une contrainte moins forte en termes absolus, mais les
interventions en matière de santé doivent néanmoins entrer en compétition avec d’autres utilisations possibles des ressources. Lorsque les ressources existantes sont dépensées à mauvais escient ou de façon inefficace,
il devient plus difficile de faire campagne pour l’augmentation des financements lors de la prise de décision publique. Le DCP2 peut faciliter ce processus en aidant le secteur de la santé à devenir plus efficace et plus efficient.
« Dans la plupart des pays
à faible revenu, les
ressources disponibles
pour les interventions en
matière de santé sont,
dans l’ensemble, largement
insuffisantes... ».
Accomplissements, problèmes et priorités | 17
TIRER PARTI DU DCP2
La recherche, la mise en lumière de certains problèmes et l’analyse qu’offre
le DCP2 font ressortir les tendances dans les causes principales des maladies et des traumatismes au cours de la dernière décennie, et ils sont d’une
grande importance pour les débats sur la manière de faire face à la charge
de morbidité et d’alléger celle-ci à l’échelle mondiale. Les intervenants en
matière de politiques et les décideurs du système de santé, que ce soit au
niveau des ministères de la Santé des pays, des grands programmes régionaux ou de plus petits programmes, trouveront dans le DCP2 des renseignements actualisés sur la morbidité, les interventions efficaces au plan
économique, et l’interaction entre prévention et traitement. En combinant
ces renseignements avec leurs propres connaissances sur les ressources et
besoins locaux, les capacités institutionnelles, ils seront mieux en mesure
de définir les priorités et de choisir les meilleures interventions à appliquer
dans leur contexte. Les autres acteurs qui interviennent davantage dans la
gestion et l’administration des systèmes de santé découvriront dans le
DCP2 la meilleure pratique actuelle en matière de prestation des services
de santé, des recommandations pour l’innovation, des moyens pour améliorer la qualité, et des stratégies pour surmonter les obstacles du système.
Ceux qui s’intéressent principalement au financement des soins de santé,
que ce soit les responsables des ministères nationaux des Finances où les
acteurs de l’aide internationale, comprendront le rôle de la santé dans la
croissance économique et trouveront des éléments probants montrant
l’important effet qu’une bonne utilisation des ressources peut avoir sur la
santé. Le DCP2 renseignera les chercheurs sur les priorités clés de leurs
domaines, tandis que les spécialistes de l’éducation en matière de santé y
trouveront un précieux outil didactique.
La masse de renseignements et d’analyses couverts dans le DCP2 se
divise en trois parties (encadré 1.1). La première partie traite de la perspective, du contexte et de la vue d’ensemble. Elle présente les principaux
messages de l’ouvrage et les conséquences pour les mesures à prendre. Le
chapitre 1, « Investir dans la santé », fournit des perspectives historiques ;
présente des arguments en faveur de l’investissement dans la santé ; et met
en exergue quelques-unes des nouvelles constatations du DCP2, telles que
la charge étonnamment lourde des maladies cardiovasculaires dans les
pays en développement et l’importance des soins donnés pendant les 28
premiers jours de vie d’un enfant dans la réduction de la mortalité infantile. Le chapitre 2, « Efficience économique des interventions », examine
l’ensemble des interventions efficaces contre les maladies analysées dans le
DCP2, puis il identifie celles des interventions qui offrent le meilleur rapport entre bénéfices et coût. Combinée avec les renseignements sur la pré-
18 | Priorités en matière de santé
valence locale des maladies et les capacités du système de santé local, cette
analyse permettra au lecteur de décider des interventions qui conviennent
le mieux à son propre contexte. Le choix des interventions est certes crucial, mais aucune intervention n’atteindra son objectif sans de bons
mécanismes de mise en œuvre. Le chapitre 3, « Renforcer les systèmes de
santé » examine par conséquent les données scientifiques sur les systèmes
de santé, en identifiant les aspects des meilleures pratiques et en définissant les secteurs clés où il convient de pousser plus loin la recherche et
d’améliorer la mise à disposition et la gestion des soins de santé. Le chapitre 4, « Priorités de la recherche mondiale et de la mise au point des
interventions », analyse quelques-unes des lacunes actuelles des connaissances et les priorités urgentes pour l’approfondissement des études et la
poursuite des progrès.
Ces quatre premiers chapitres sommaires sont suivis de 11 chapitres traitant de thèmes généraux, notamment les objectifs de développement pour
le Millénaire (ODM), la santé des femmes, les récents succès dans le domaine de la santé publique, les considérations déontologiques de l’affectation
des ressources et la méthodologie de l’analyse coût-efficacité, ainsi qu’un
éventail de problèmes financiers et économiques. Ces chapitres fournissent
davantage de renseignements sur le contexte démographique et économique, et ils présentent des discussions générales qui jettent la base des analyses de tous les chapitres ultérieurs portant sur des maladies, des interventions et des modes de prestation précis.
La partie 2 du DCP2 traite de maladies précises, de leurs facteurs de
risque et de leurs séquelles, ainsi que du choix des interventions. Elle se
subdivise en quatre catégories, dont la première s’intitule « Maladies
infectieuses, santé génésique et dénutrition ». Les 13 chapitres de cette
catégorie portent sur l’analyse du VIH/SIDA, de la tuberculose, du paludisme, de la diarrhée, des maladies tropicales, et des affections maternelles
et néonatales. La deuxième catégorie, « Maladies non transmissibles et
traumatismes », comporte 12 chapitres traitant du cancer, du diabète, des
troubles psychiatriques, des maladies cardio-vasculaires, des hémoglobinopathies, et des blessures volontaires et involontaires. La troisième catégorie, « Facteurs de risque », comprend huit chapitres portant sur des
sujets tels que la pollution de l’air et de l’eau, l’assainissement, l’obésité, le
tabagisme et l’alcoolisme. La dernière catégorie, « Conséquences des
maladies et des traumatismes », contient quatre chapitres traitant des
troubles développementaux et sensoriels, de l’invalidité et de la réadaptation, et de la maîtrise de la douleur.
Enfin, la partie 3 du DCP2 s’intéresse aux systèmes de santé. Sa première catégorie est intitulée « Renforcer les services de santé publique », et elle
comporte 11 chapitres traitant de sujets tels que le planning familial, les
« Le choix des interventions
est certes crucial, mais
aucune intervention
n’atteindra son objectif
sans de bons mécanismes
de mise en œuvre ».
Accomplissements, problèmes et priorités | 19
programmes de santé scolaire, la santé des adolescents et la santé au travail.
La deuxième catégorie, « Renforcer les services de santé personnelle », comprend six chapitres portant sur les soins primaires généraux, les hôpitaux de
district et de recours, la chirurgie, les soins d’urgence et la médecine parallèle. La dernière catégorie, « Renforcement des capacités et réforme de la
gestion », se compose de quatre chapitres analysant la qualité des soins, les
ressources humaines, les médicaments essentiels et la gestion des services
cliniques.
Outre son principal volume, le Projet sur les priorités en matière de
lutte contre les maladies a été à l’origine d’un nombre de publications
connexes, comme par exemple l’ouvrage intitulé Global Burden of Disease
and Risk Factors (Lopez et al. 2006), qui actualise l’étude de la charge de
morbidité mondiale réalisée en 1990. Au cours des années suivant la publication de cette première étude, les méthodes de mesure de la charge de
morbidité se sont améliorées, de nouvelles données sont devenues disponibles, et les outils d’analyse des ensembles de données existants ont été
modifiés et renforcés. Global Burden of Disease and Risk Factors présente
ces nouveaux ensembles de données, méthodes et analyses ; réunit les données épidémiologiques sur les décès et l’invalidité pour 2001, classées par
âge, sexe, cause et région ; et contient des renseignements sur l’exposition
aux facteurs de risque.
Le Projet sur les priorités en matière de lutte contre les maladies a en
outre permis de procéder à un examen des succès remportés dans le
domaine de la santé publique et qui a été publié sous le titre Millions
Saved: Proven Successes in Global Health (Levine et al. 2004) ; d’éditer un
numéro spécial du American Journal of Tropical Medicine and Hygiene
intitulé The Intolerable Burden of Malaria: What's New, What's Needed
(Breman, Alilio et Mills 2004) ; de publier la série des documents de travail
du Projet, la série des tirés à part (dont la liste complète est accessible à partir du site du Projet sur les priorités en matière de lutte contre les maladies
à l’adresse http ://www.fic.nih.gov/dcpp), et le présent volume.
LE PRÉSENT VOLUME
Priorités en matière de santé est un volume qui fait pendant au DCP2. Il a
été rédigé pour faciliter l’accès au contenu substantiel du DCP2, faire la
synthèse de certains des principaux thèmes et constatations du DCP2, et
pour aider les lecteurs à identifier les chapitres dont la portée et la pertinence sont les plus importantes pour chacun. Grâce à ce volume complémentaire, les décideurs, les acteurs de la santé, les universitaires et le public
intéressé peuvent prendre connaissance des principaux messages du
20 | Priorités en matière de santé
Encadré 1.1 Table des matières du DCP2 (la liste complète
des auteurs figure en appendice)
Partie 1 : Résumé et thèmes généraux
A. Résumé
1.
2.
3.
4.
Investir dans la santé
Efficience économique des interventions : aperçu des messages généraux
Renforcer les systèmes de santé
Priorités de la recherche mondiale et de la mise au point des interventions
B. Thèmes généraux
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
Sciences et technologies de la lutte contre les maladies : hier, aujourd'hui et demain
Priorités en matière de mise au point de produits
Approches économiques de l’évaluation de la recherche mondiale en santé
Améliorer la santé des populations : leçons tirées de l’expérience acquise dans le
monde
Objectifs de développement pour le Millénaire relatifs à la santé : que faudra-t-il pour
accélérer le progrès ?
Disparités entre les sexes dans le domaine de la santé
Politiques financières pour la promotion de la santé et la prévention des maladies
Financer les systèmes de santé au 21e siècle
Récentes tendances et innovations dans le domaine de l’aide au développement en
faveur de la santé
Considérations déontologiques sur l’affectation des ressources, la recherche et la
mise au point de nouveaux produits
Analyse économique pour l’établissement des priorités
Partie 2 : Choix des interventions
A. Maladies infectieuses, santé génésique et dénutrition
16.
17.
18.
19.
20.
21.
22.
23.
24.
25.
26.
27.
28.
Tuberculose
Maladies transmises sexuellement
Prévention et traitement du VIH/SIDA
Maladies diarrhéiques
Maladies pouvant être prévenues par un vaccin
Vaincre le paludisme
Maladies tropicales 1 : trypanosomiase, lèpre, filariose et onchocercose
Maladies tropicales 2 : trypanosomiase africaine, dengue et leishmanioses
Infections helminthiques
Infections respiratoires des enfants
Affections maternelles et périnatales
Survie des nouveau-nés
Arrêt de croissance, cachexie et troubles dus à la carence en micronutriments
B. Maladies non transmissibles et traumatismes
29. Interventions contre le cancer dans le cadre des services de santé dans les pays en
voie de développement
30. Diabète : la pandémie et les solutions potentielles
(suite à la page suivante)
Accomplissements, problèmes et priorités | 21
Encadré 1.1 (suite)
31.
32.
33.
34.
35.
36.
37.
38.
39.
40.
Troubles mentaux
Troubles neurologiques
Maladies cardiovasculaires
Maladies héréditaires de l’hémoglobine
Maladies respiratoires de l’adulte
Maladies du rein et du système urinaire
Maladies de la peau
Maladies et affections orales et craniofaciales
Blessures involontaires
Violence interpersonnelle
C. Facteurs de risque
41.
42.
43.
44.
45.
46.
47.
48.
Alimentation en eau, assainissement et promotion de l’hygiène
Pollution intérieure
Pollution de l’air et de l’eau : fardeau et stratégies de combat
Prévention des maladies chroniques grâce à l’alimentation et au changement de mode
de vie
Le fardeau croissant du risque lié à l’hypertension artérielle, au cholestérol et au surpoids
Tabacomanie
Alcoolisme
Abus d’opiacés illicites
D. Conséquences des maladies et des traumatismes
49.
50.
51.
52.
Troubles de l’apprentissage et du développement
Perte de vision et d’audition
Coût-efficacité des interventions contre les affections musculo-squelettiques
Maîtrise de la douleur chez les patients souffrant de cancer et du sida
Partie 3 : Renforcer les systèmes de santé
A. Renforcer les services de santé publique
53.
54.
55.
56.
57.
58.
59.
60.
61.
62.
63.
Surveillance et réponse
Informations pour améliorer la prise de décision en matière de santé
Pharmacorésistance
Santé communautaire et programmes de nutrition
Contraception
Programmes de santé et de nutrition en milieu scolaire
Santé des adolescents
Santé du travail
Atténuation de l’impact des catastrophes naturelles et secours aux sinistrés
Maîtrise et éradication
Prise en charge intégrée de l’enfant malade
B. Renforcer les services de santé personnelle
64. Soins primaires généraux
65. L’hôpital de district
(suite à la page suivante)
22 | Priorités en matière de santé
Encadré 1.1 (suite)
66.
67.
68.
69.
Les hôpitaux de recours
Chirurgie
Services d’urgence médicale
Médecine complémentaire et parallèle
C. Renforcement des capacités et réforme de la gestion
70.
71.
72.
73.
Améliorer la qualité des soins dans les pays en développement
Travailleurs : bâtir et motiver la main-d’œuvre
Assurer l’approvisionnement en médicaments et en vaccins appropriés
Gestion stratégique des services cliniques
«. . . malgré la lourde
DCP2, comprendre ses principales méthodes d’analyse, apprécier la portée
des maladies et des questions couvertes, et être informés des chapitres présentant un intérêt immédiat. Le volume complémentaire facilitera l’accès à
l’énorme masse de renseignements et d’analyses contenus dans le DCP2,
ainsi que les discussions sur la lutte contre les maladies entre collègues, les
parties prenantes et l’ensemble de la communauté.
Le chapitre suivant démontre que le succès est non seulement possible,
mais qu’il a été réalisé partout dans le monde en développement. Il présente une série de cas de succès dans le domaine de la santé publique qui
ont été répertoriés dans le cadre du Projet sur les priorités en matière de
lutte contre les maladies. Le chapitre 2 démontre que malgré la lourde
charge de morbidité des pays en développement, le succès est possible et a
été réalisé même en dépit de formidables obstacles, et également qu’il
n’existe aucune recette unique pour réussir.
Le chapitre 3 décrit la méthodologie d’analyse coût-efficacité suivie
dans le DCP2 et explique son exploitation, son interprétation et ses limites.
Les chapitres 4 et 5 font le point de la situation concernant quelques
maladies, en soulignant certaines des découvertes importantes et stratégies judicieuses résultant de l’examen global de la charge de morbidité
mondiale réalisé dans le cadre du DCP2, ainsi que l’éventail des interventions en matière de santé qui sont disponibles actuellement. Le chapitre 4
analyse les maladies telles que la diarrhée, les affections maternelles, le
VIH/SIDA et le paludisme, auxquelles est attribuable la grande partie de
l’écart au niveau de l’état de santé entre les populations des pays en développement et celles du monde industrialisé. En revanche, le chapitre 5
traite des maladies dont la charge est partagée dans le monde et qui posent
des défis probablement similaires pour l’amélioration de la santé, comme
les maladies cardiovasculaires, le diabète, la tabacomanie et les troubles
neurologiques.
charge de morbidité des
pays en développement,
le succès est possible et
a été réalisé même en
dépit de formidables
obstacles. . . ».
«. . . [certaines maladies
posent] des défis probablement similaires pour
l’amélioration de la santé,
comme les maladies
cardiovasculaires, le
diabète, la tabacomanie
et les troubles
neurologiques ».
Accomplissements, problèmes et priorités | 23
Les chapitres 6 et 7 abordent les problèmes liés à la mise en œuvre des
interventions et à la mise à disposition des soins. Le chapitre 6 porte tout
particulièrement sur les constatations du DCP2 relatives aux différents
niveaux des services de santé et à la manière dont ils sont liés les uns aux
autres ; sur les fonctions propres aux services de santé, telles que le matériel chirurgical et les médicaments, qui sont importantes dans l’ensemble
du système de soins de santé ; et sur les moyens par lesquels les services de
santé peut être intégrés sur la base des besoins de sous-groupes particuliers, tels que les enfants d’âge scolaire et les adolescents. Le chapitre 7 procède ensuite à un examen plus approfondi des quatre dimensions du système de santé qui sont essentielles pour rendre celui-ci efficace : génération
et utilisation des informations, gestion des services afin d’en assurer la
bonne qualité, formation et déploiement d’un personnel soignant qualifié,
mobilisation et affectation des ressources financières.
Le chapitre 8 exhorte la communauté mondiale à adopter les stratégies
et les priorités identifiées dans le DCP2, afin que puisse se poursuivre la
réalisation de progrès en matière de santé pour tous.
24 | Priorités en matière de santé
Chapitre 2
Succès en matière de réalisation
des priorités
Au niveau le plus général, les priorités en matière de santé sont
claires : identifier les interventions efficaces au plan économique contre les
maladies qui imposent les plus lourdes charges de morbidité et mortalité
— à l’échelle mondiale, dans les régions ou au sein des populations faisant
face aux plus grands besoins ou inégalités — et déterminer comment réaliser ces interventions de manière efficace, efficiente et équitable. La science et la médecine ont montré que nombre d’interventions peuvent être
efficaces. La combinaison de ces connaissances avec des analyses économiques permet d’identifier les interventions susceptibles d'entraîner les
plus grandes améliorations de la santé avec un niveau donné de ressources.
La réalisation effective de tels gains passe par la mise en œuvre de certaines
interventions, un défi que les pays dotés de systèmes de santé efficaces sont
en mesure de mieux relever, mais que les pays n’ayant pas de systèmes de
santé efficaces peuvent aussi réaliser en améliorant leurs systèmes existants
ou en en créant là où il en manque.
Par conséquent, si les priorités en matière de santé sont relativement
faciles à définir, leur réalisation est nettement plus difficile, mais elle est
néanmoins possible. En effet, un certain nombre de réussites dans le
domaine de la santé publique ont été récemment obtenues, et permettent
aux analystes de tirer les leçons qui permettront de poursuivre le progrès.
Le What Works Working Group, réuni par le Global Health Policy
Research Network du Center for Global Development, a recueilli auprès
des auteurs du DCP2 des propositions d’interventions réussies en matière
de santé publique (Levine et al. 2004). Le groupe de travail a examiné ces
propositions et retenu 17 cas remplissant cinq critères explicites :
• les interventions ont été mises en œuvre à une échelle importante :
nationale, régionale ou mondiale.
• elles s’attaquaient à un problème d’une grande importance pour la
santé publique, telle que mesurée par le nombre d’années de vie corrigées du facteur d'invalidité (AVCI).
25
• elles se sont étendues sur au moins cinq années consécutives.
• elles se sont avérées efficaces au plan économique, coûtant moins de 100
dollars environ par AVCI ajoutée.
• elles ont réuni des éléments probants qui montrent qu’elles ont eu un
effet clair et mesurable sur la santé, et non pas simplement des données
relatives aux taux de couverture ou aux indicateurs liés au processus.
Les faits sous-tendant ces 17 cas ont ensuite été rassemblés et publiés
dans Millions Saved: Proven Successes in Global Health (Levine et al.
2004). Le chapitre 8 du DCP2 présente un récapitulatif de ces cas et fournit des informations supplémentaires sur les succès enregistrés dans le
domaine de la santé publique, notamment certains des facteurs qui ont
contribué à ces réussites (encadré 2.1).
Les 17 cas retenus à l’issue du processus de sélection ne sont ni les seules
réussites en matière de santé publique, ni nécessairement représentatifs des
succès enregistrés dans le secteur de la santé publique au cours des dernières décennies1, mais ils constituent ensemble une mine d’or pour ceux
qui interviennent dans le domaine de la santé publique. Tous ces cas ont
été analysés minutieusement en vue de tirer des leçons utiles pour la
conduite des activités, le financement, la collaboration, les stratégies, le rôle
du secteur public, les obstacles et bien d’autres aspects encore.
Un important message relatif à l’élaboration des politiques qui se dégage de l’ensemble des 17 cas est que le succès peut se présenter sous de nombreuses formes. Des pays ont remporté du succès dans un contexte où le
cadre institutionnel et les politiques étaient des plus difficiles ; contre de
nombreux types différents de maladies, tant infectieuses que non transmissibles ; et avec de nombreuses méthodes différentes d’intervention, notamment celles basées sur la mise à disposition de produits de santé (les vaccins
par exemple), sur la prestation des services (tels que les soins prénatals ou
la chirurgie de base), sur la promotion du changement des comportements
(par exemple, l’utilisation des préservatifs, le filtrage de l’eau ou l’adhérence aux règles d’hygiène), ou sur la réduction des risques environnementaux
(la pulvérisation de larvicides ou la construction de latrines par exemple).
Certains éléments clés reviennent constamment, notamment l’initiative
politique, l’innovation technologique, le consensus des spécialistes autour
de l’approche, l’utilisation efficace des informations et la disponibilité de
ressources financières publiques suffisantes, tandis que certains types de
1
En réalité, les auteurs du DCP2 avaient proposé 26 autres interventions comme étant des
exemples clairs de réussite dans le domaine de la santé publique, mais elles ont dû être éliminées en raison du manque d’éléments probants formels montrant leurs effets sur la santé. Par
conséquent, l’absence d’un plus grand nombre de cas dans l’ouvrage de Levine et al. (2004)
peut être attribuée davantage aux lacunes inhérentes aux pratiques d’évaluation actuelles qu’à
un quelconque manque de réalisations dans le domaine de la santé publique.
26 | Priorités en matière de santé
Encadré 2.1 Programmes à succès dans le monde entier
En plus des six cas retenus à des fins d’examen dans l’ouvrage, le DCP2 (chapitre 8) présente d’autres exemples de succès en matière de santé publique, comme suit :
• Amélioration de la santé des enfants et des adultes. En 1997, le Gouvernement mexicain a lancé un nouveau programme d’assistance sociale conçu pour aider les familles
pauvres à sortir de la pauvreté en leur versant des fonds en espèces, en échange de
leur participation à des programmes de nutrition et de supplémentation, de l’utilisation
des services de santé de base et préventifs, et de l’assiduité scolaire de leurs enfants.
Après cinq ans, la probabilité de tomber malade était plus faible de 12 % chez les
enfants des familles participantes que ceux des familles non participantes, et leur état
nutritionnel s’était amélioré. On notait également une amélioration des indicateurs de
santé chez les adultes.
• Lutte contre la trypanosomiase. En 1991, sept pays — l’Argentine, la Bolivie, le Brésil,
le Chili, le Paraguay, l’Uruguay et, plus tard, le Pérou — ont uni leurs efforts, dans le
cadre de l’Initiative des pays du Cône Sud de l’Organisation panaméricaine de la
santé, pour lutter contre la trypanosomiase grâce à une combinaison d’activités de surveillance, de pulvérisation d’insecticides de maison en maison, et d’autres méthodes
de lutte contre le vecteur de la maladie. En 2000, l’incidence de la maladie avait diminué de 94 %, et en 2001, la transmission de la maladie avait été enrayée au Chili, en
Uruguay et dans de vastes régions du Brésil et du Paraguay.
• Traitement contre la diarrhée. En Égypte, le Gouvernement a lancé au début des
années 80 un programme national destiné à encourager les mères à utiliser les sels de
réhydratation orale fabriqués sur place, en recourant à une stratégie en quatre volets
incluant : l’adaptation de la conception et des labels des produits pour tenir compte
des préférences et des coutumes locales ; le renforcement des circuits de production
et de distribution publics et privés ; la formation des agents de santé ; le lancement
d’un programme de commercialisation sociale et d’une campagne dans les mass
médias. Entre 1982 et 1987, la mortalité infantile et juvénile a baissé de 36 % et de 43
% respectivement. La mortalité attribuée à la diarrhée a reculé de 82 % chez les nourrissons et 62 % chez les enfants.
• Lutte contre la dracunculose. Vingt pays d’Asie et d’Afrique subsaharienne ont lancé
une campagne mondiale pour éradiquer le ver de Guinée au milieu des années 80.
Animée par le Carter Center, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, les Centers
for Disease Control and Prevention des États-Unis, et l’Organisation mondiale de la
santé, cette campagne encourageait l’amélioration de la salubrité de l’eau grâce au
forage de puits profonds, au contrôle de l’environnement, et à l’utilisation de filtres de
tissu pour l’eau potable ; des programmes d’éducation sanitaire ; et la prise en charge,
le confinement et la surveillance des cas. En 1998, entre 9 millions et 13 millions de
cas de dracunculose avaient été prévenus, et la prévalence mondiale de cette maladie
avait baissé de 99 %.
• Planning familial. Depuis les années 70, le Bangladesh promeut le planning familial
grâce à un programme d’information de porte-à-porte réalisé par des jeunes femmes
« Entre 1982 et 1987, la
mortalité infantile et juvénile a baissé de 36 % et 43 %
respectivement. La mortalité
attribuée à la diarrhée a
reculé de 82 % chez les
nourrissons et de 62 %
chez les enfants ».
« En 1998, entre
9 millions et 13 millions
de cas de dracunculose
avaient été prévenus, et
la prévalence mondiale
de cette maladie avait
baissé de 99 % ».
(Suite à la page suivante)
Succès en matière de réalisation des priorités | 27
« . . . le nombre de cas
Encadré 2.1 (suite)
de rougeole déclarés
chaque année . . .a baissé
de 60 000 en 1996 à 117
en 2000 ».
•
•
« Entre 1990 et 1998, la
Pologne a enregistré une
•
baisse de 30 % du taux de
cancer pulmonaire chez
•
les hommes âgés de 20 à
44 ans, une réduction de
près de 7 % du taux des
maladies cardiovasculaires,
et une diminution du
nombre de bébés ayant
un poids insuffisant à
la naissance ».
•
mariées qui fournissent des renseignements sur la limitation de la taille de la famille
ou l’espacement des grossesses et les produits pertinents. Le programme d’information s’accompagne d’une vaste campagne médiatique. Le taux d’utilisation des contraceptifs chez les femmes mariées du Bangladesh est d’environ 50 % aujourd’hui contre
8 % seulement au milieu des années 70, et au cours de la même période le nombre
d’enfants par famille est passé de 7 à 3,3.
Prévention du VIH/SIDA. La Thaïlande a lancé en 1991 le Programme d’utilisation du
préservatif à 100 % pour faire face à l’incidence croissante du VIH/SIDA. Ce programme fournissait gratuitement des boîtes de préservatifs aux maisons closes, exigeait
l’utilisation obligatoire de préservatifs chez les professionnels du sexe, et menaçait les
maisons closes de sanction et de fermeture en cas de non-respect de ces directives.
L’utilisation des préservatifs dans les maisons closes a augmenté, passant de 14 % en
1989 à plus de 90 % en 1992. Le nombre de nouveaux cas d’infection par les maladies
transmissibles a baissé de 200 000 en 1989 à 15 000 en 2001, et le taux de nouvelles
infections par le VIH a été réduit de cinq fois entre 1991 et 1993–1995.
Élimination de la rougeole. En 1996, les sept pays d’Afrique australe ont adopté une
stratégie coordonnée de vaccination, appuyée par l’amélioration de la surveillance et
le renforcement des capacités des laboratoires, pour éliminer la rougeole en l’ajoutant
à la liste des vaccinations obligatoires pour tous les enfants de neuf mois, et en organisant des campagnes nationales de rattrapage et rappels pour les enfants âgés de
neuf mois à 14 ans. Le nombre de cas de rougeole déclarés chaque année a baissé de
60 000 en 1996 à 117 en 2000. Le nombre de décès attribués à la rougeole est passé
de 166 à zéro au cours de la même période.
Fluoration du sel. En Jamaïque, un accord officiel entre le ministère de la Santé et
l’unique producteur de sel du pays a permis d’instaurer la fluoration du sel en 1987
pour prévenir les caries. En 1995, la prévalence de la carie chez les enfants âgés de six
à 12 ans avait baissé de plus de 80 %.
Iodisation du sel. La Chine a lancé en 1993 un Programme national d’élimination des
troubles dus à la carence en iode. Le gouvernement exige des producteurs qu’ils iodisent le sel, et il a renforcé ses capacités de suivi et d’application de ces directives
pour s’assurer que celles-ci sont respectées. Les taux globaux de goitre chez les
enfants âgés de huit à 10 ans sont passés de 20,4 % en 1995 à 8,8 % en 1999.
Lutte contre le tabagisme. La Pologne a adopté en 1995 une loi révolutionnaire imposant des étiquettes de mise en garde sévère sur les paquets de cigarettes, interdisant
de fumer dans les milieux de travail clos, et prohibant la vente de cigarettes aux
mineurs. L’Afrique du Sud a adopté une loi similaire en 1999 pour renforcer une taxe
de 50 % imposée antérieurement sur le prix des cigarettes. Entre 1990 et 1998, la
Pologne a enregistré une baisse de 30 % du taux de cancer pulmonaire chez les
hommes âgés de 20 à 44 ans, une réduction de près de 7 % du taux des maladies cardiovasculaires, et une diminution du nombre de bébés ayant un poids insuffisant à la
naissance. Dans les années 90, l’Afrique du Sud a enregistré une baisse de 30 % de la
consommation des cigarettes, surtout chez les jeunes et les pauvres.
(Suite à la page suivante)
28 | Priorités en matière de santé
Encadré 2.1 (suite)
• Lutte contre la tuberculose. En 1991, la Chine a lancé un programme décennal dans
13 de ses 31 provinces continentales pour mettre en œuvre la stratégie du traitement
sous observation directe dans la lutte contre la tuberculose. Le Pérou, jusque-là faisant
partie des 23 pays qui enregistrent ensemble 80 % des nouveaux cas mondiaux de
tuberculose chaque année, a engagé une initiative similaire au cours de la même
année. En l’espace de deux ans après le début du programme, la Chine avait affiché
un taux de guérison de 95 % pour les nouveaux cas et de 90 % chez les patients dont
le traitement avait antérieurement échoué. Entre 1999 et 2000, le nombre de tuberculeux de ces provinces avait baissé de plus de 37 %. Au Pérou, le programme de traitement sous observation directe a permis de réaliser un taux de détection des cas de
70 % et un taux de guérison de 85 %. Par conséquent, l’incidence de la maladie a
baissé de 6 % par an.
Source : Adapté du chapitre 8 du DCP2.
défis peuvent être plus faciles à relever que d’autres, mais aucune composante n’est à elle seule suffisante et aucune combinaison ne peut à elle seule
à assurer le succès. Au contraire, les faits relatifs à ces 17 cas démontrent que
les succès sont variés et possibles.
Le large éventail d’approches adoptées pour améliorer la santé, telles
que présentées dans le DCP2, mettent davantage en évidence cette réalité.
Le DCP2 ne propose pas une recette unique pour améliorer la santé, mais
il évalue les nombreuses interventions et les stratégies de mise en œuvre
qui ont porté leurs fruits dans différentes régions. La présente section ne
met en évidence que quelques-uns de ces cas de réussite dans le domaine
de la santé publique, choisis pour illustrer certains des importants messages du DCP2 sur le lien existant entre le choix d’interventions coût-efficaces et leur réalisation efficiente. Plus précisément, ces cas
• ont réussi malgré des systèmes de santé faibles, voire inexistants (éradication de la variole)
• ont été exécutés de manière à bâtir ou à renforcer les systèmes de santé
(lutte contre l’onchocercose [cécité des rivières] et la polio)
• visaient directement à bâtir un système de santé (amélioration de la
santé maternelle)
• ont consolidé les systèmes de santé existants (vaccination contre l’haemophilus influenzae de type B [Hib])
• sont allés au-delà des systèmes de santé (lutte contre le trachome).
Succès en matière de réalisation des priorités | 29
« Des pays ont… réalisé de
grands succès dans le
domaine de la santé
publique même dans des
conditions de pauvreté
extrême, de faiblesse ou
d’absence d’infrastructures
de santé, et de troubles
civils ou de guerre ».
«. . . la variole, qui est
connue depuis au moins
1160 avant J.C., était la
première maladie jamais
éradiquée de l’histoire ».
30 | Priorités en matière de santé
SUCCÈS RÉALISÉS MALGRÉ LA FAIBLESSE
DES SYSTÈMES DE SANTÉ
Des pays ont mis en œuvre des interventions économiques et réalisé de
grands succès dans le domaine de la santé publique même dans des conditions de pauvreté extrême, de faiblesse ou d’absence d’infrastructures de
santé, et de troubles civils ou de guerre. C’est le cas par exemple de l’éradication de la variole à l’échelle mondiale. En 1980, l’Assemblée mondiale de
la santé avait déclaré que la variole, qui est connue depuis au moins 1160
avant J.C., était la première maladie jamais éradiquée de l’histoire. Cette
éradication avait été réalisée grâce à une campagne mondiale atteignant
même les zones rurales les plus reculées des pays les plus démunis de la planète, les pays déchirés par la guerre et les pays dont les systèmes de santé
étaient à peine fonctionnels.
Certaines caractéristiques distinctives de la variole avaient orienté la
stratégie et influencé le succès de son éradication. La maladie se transmettait directement de personne à personne sans autre hôte ou vecteur, et il
était relativement facile de l’identifier. Une fois qu’un individu contractait
la variole, il devenait infectieux au bout de 10 à 14 jours, mais ce délai arrivait lorsque le patient était déjà en général alité, ce qui réduisait ses contacts
avec les autres. Ceux qui se réchappaient de cette maladie ou étaient adéquatement vaccinés étaient immunisés à vie. Par conséquent, les caractéristiques de la maladie elle-même avaient facilité son éradication.
Les nouvelles découvertes technologiques essentielles pour lutter contre
la maladie comprenaient non seulement le vaccin antivariolique proprement dit, mais aussi l’aiguille bifurquée, qui a réduit les coûts et facilité la
vaccination des populations. Un encadrement et un financement soutenus
ont par ailleurs été cruciaux pour la campagne d’éradication, mais au
départ ils n’étaient pas facilement disponibles. Proposée pour la première
fois en 1958, la campagne pour éradiquer la variole ne commença réellement qu’en 1967, en raison de changements fortuits de dirigeants et de personnel à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de la décision prise
aux États-Unis de consacrer un financement substantiel à la campagne.
Un autre important point tournant fut le passage d’une stratégie de vaccination généralisée de populations entières à une stratégie de surveillance
et de confinement. Cette stratégie dite de « vaccination en anneaux »
consistait en une surveillance épidémiologique très serrée, en un confinement sélectif, et en la vaccination de patients et de communautés en réponse à des flambées précises. Cette stratégie fut cruciale pour éliminer les derniers réservoirs restants de variole dans cinq pays —Bangladesh, Éthiopie,
Inde, Népal et Pakistan — même lorsqu’un ou plusieurs de ces pays étaient
en crise, souffraient de la guerre ou de troubles civils, voire faisaient face à
des afflux massifs de réfugiés ou à une pauvreté extrême.
La campagne antivariolique avait mis au point une stratégie d’intervention indépendante de l’existence ou de l’inexistence de systèmes ou d’infrastructures de santé dans un pays, et elle avait atteint son objectif. Une
maladie qui, au début de la campagne, représentait des millions de cas, était
à l’origine de 1,5 million à 2 millions de décès par an, et rendait nombre de
survivants aveugles ou avec de profondes séquelles, avait cessé d’exister en
l’espace de trois décennies seulement.
SUCCÈS AYANT RENFORCÉ DES SYSTÈMES
DE SANTÉ FAIBLES
Des pays ont réalisé avec succès d’autres interventions en matière de santé
publique alors que les systèmes de santé étaient faibles, et ils les ont mises
en œuvre de sorte à renforcer ces systèmes. La lutte contre l’onchocercose
en Afrique subsaharienne et l’élimination de la polio en Amérique latine et
dans les Caraïbes fournissent deux illustrations de ce processus.
Environ 18 millions de personnes vivent dans des régions où l’onchocercose est endémique, dont 99 % en Afrique subsaharienne (DCP2, chapitre 22). Cette maladie est causée par un ver microscopique qui infecte les
êtres humains par le biais de la piqûre d’une mouche noire qui se reproduit
dans les cours d’eau à courant rapide d’Afrique subsaharienne.
L’organisme de la victime finit par être infesté par les vers, ce qui provoque
une gamme de symptômes débilitants, dont la cécité. Dans les zones endémiques, plus du tiers de la population adulte peut être aveugle, et le taux
d’infection de la population approche souvent les 90 %. En raison de la
peur de cette maladie, les populations abandonnent de vastes zones fertiles
près des rivières.
Les initiatives de lutte contre l’onchocercose, engagées en 1974, ont
consisté en des pulvérisations aériennes hebdomadaires des zones d’habitat du vecteur, pour tuer la mouche noire qui propage la maladie, ainsi
que la distribution d’un nouveau médicament, l’ivermectine, qui agit
contre les vers dans l’organisme humain. L’impact a été immense. Ces initiatives avaient pour principales caractéristiques la collaboration d’un
grand nombre d’organisations et d’organismes, le partenariat publicprivé avec le fabricant de l’ivermectine, et le financement à long terme.
Les succès initiaux ont entraîné des engagements ultérieurs plus importants, de sorte que de 1974 à 2002, les initiatives de lutte contre la maladie avaient permis d’arrêter la transmission dans 11 pays d’Afrique de
l’Ouest, de prévenir 600 000 cas de cécité, de protéger 18 millions de
fœtus contre le risque de l’onchocercose, et d’assainir environ 25 millions
d’hectares de terres en vue de l’habitat humain et de la culture. Les initiatives de lutte contre la maladie ont rendu possible ces réalisations, malgré
Succès en matière de réalisation des priorités | 31
«… de 1974 à 2002, les
initiatives de lutte contre la
maladie… avaient permis
de prévenir 600 000 cas de
cécité, de protéger 18 millions de fœtus contre le
risque de l’onchocercose,
et d’assainir environ 25
millions d’hectares … en
vue de l'habitat humain et
de la culture. . . ».
« Pas plus tard qu’en
1988, 125 pays étaient
endémiques pour la polio.
En fin 2003. . . , six pays
seulement déclaraient
des cas de polio. . . ».
32 | Priorités en matière de santé
la situation d’extrême pauvreté des pays concernés, la dispersion des
populations dans des villages reculés, la médiocrité des systèmes nationaux de santé, la pénurie d’agents de santé, le besoin impérieux de maintenir les activités (notamment la pulvérisation hebdomadaire ininterrompue du larvicide) en dépit des conflits civils et régionaux, ainsi que
des coups d’État.
Les programmes de suivi ont mis l’accent sur la durabilité à long terme,
car l’élimination de tous les vers exige un traitement médicamenteux
annuel sur 15 à 20 ans, et à cette fin un système de traitement piloté par la
communauté a été mis en place. Il s’agit d’un cadre dans lequel des milliers
de communautés organisent et gèrent à l’échelon local le traitement à
l’ivermectine. Dans certaines régions, les coordinateurs du programme de
distribution de l’ivermectine étaient les seuls agents de santé à se rendre
dans chaque village. Il a d’ailleurs été suggéré que même si le cadre de traitement réalisé par la communauté avait été conçu au départ pour lutter
contre l’onchocercose, il pouvait devenir l’épine dorsale des systèmes de
santé en servant à distribuer la vitamine A, l’azithromycine (pour soigner
le trachome), l’albendazole (traitement contre la filariose lymphatique) et
même les vaccins et les médicaments contre le VIH/SIDA. Par conséquent,
« l’impact du système efficace de ComDT [traitement géré par la communauté] va au-delà du traitement et de la prévention de l’onchocercose. Le
système offre un précieux point d’entrée pour les cinq interventions en
matière de santé réalisées par la communauté dans les régions négligées
ayant un accès limité ou inexistant aux services de santé traditionnels, et un
véhicule pour renforcer l’ensemble du système de santé dans les pays en
développement » (Levine et al. 2004, p. 62).
L’élimination de la polio en Amérique latine et dans les Caraïbes présente certains parallèles. Pas plus tard qu’en 1988, 125 pays étaient endémiques pour la polio (DCP2, chapitres 20 et 62). En fin 2003, grâce à une
campagne de vaccination et de surveillance massive et bien ciblée, six pays
seulement déclaraient des cas de polio, dont aucun pays d’Amérique latine
et des Caraïbes.
L’élimination de la polio est confrontée à des problèmes particuliers en
raison de la nature de cette maladie. Le virus causal est très contagieux et,
bien qu’il se transmette en général par contact oro-fécal, il peut survivre
pendant une période atteignant deux mois hors de l’organisme, résidant
dans les mares, l’eau potable, les aliments et les vêtements. La transmission
peut passer inaperçue parce que 90 % ou plus des porteurs ne présentent
aucun symptôme. Lorsque les symptômes se manifestent, ils ne sont pas
toujours reconnaissables comme étant ceux de la polio. En réalité, pour
chaque cas clair et confirmé de paralysie due à la polio, on estime que 2 000
à 3 000 porteurs contagieux supplémentaires existent dans la communauté, chez qui le seul signe d’infection peut être la fièvre (Levine et al. 2004,
p. 40). L’élimination d’une telle maladie est difficile même dans des
contextes où les systèmes de santé sont solides.
Avec l’inclusion du vaccin antipolio oral dans le Programme élargi de
vaccination à partir de 1977, les efforts initiaux déployés en Amérique latine ont connu un succès impressionnant. En 1981, l’incidence de la polio
dans la région avait été réduite de moitié et le nombre de pays déclarant des
cas de polio avait baissé de 19 à 11. En 1984, la couverture vaccinale atteignait 80 %. Cette amélioration a encouragé l’Organisation panaméricaine
de la santé à lancer une campagne intensive pour éliminer la polio de la
région.
Lancée en 1985, cette campagne avait une caractéristique frappante, à
savoir la coordination entre les organisations internationales et régionales
d’une part, et les organisations nationales publiques et privées d’autre part.
Cette coalition sans précédent poursuivait une stratégie visant à renforcer
la surveillance de sorte que les agents de santé puissent identifier les épidémies, y faire face rapidement et les contenir. La campagne soutenait en
outre la couverture vaccinale contre la polio, ce qui permettait même aux
pays ayant des infrastructures de santé moins solides et des programmes de
vaccination moins forts d’obtenir des résultats impressionnants. Pour ce
faire, le programme recourait à des moyens tels que les journées nationales
de vaccination, organisées deux fois par an et pendant lesquelles les enfants
de moins de cinq ans étaient vaccinés, qu’ils aient déjà subi une vaccination
ou non.
La campagne antipolio a laissé un héritage durable pour les systèmes de
santé d’Amérique latine et des Caraïbes en s’attaquant à la polio de telle
manière qu’elle est devenue « un tremplin pour le renforcement de l’ensemble du Programme élargi de vaccination..., l’amélioration des infrastructures de santé dans toute la région, et la mise en place d’un indispensable système de surveillance pour évaluer l’impact des interventions sur la
polio et d’autres maladies » (Levine et al. 2004, p. 41). Outre l’aménagement des infrastructures et le renforcement des capacités de lutte contre la
maladie, la campagne antipolio a par ailleurs renforcé la capacité de planification nationale de la santé, dans la mesure où les pays adaptent désormais les plans d’action annuels de la campagne polio à d’autres initiatives,
notamment l’amélioration et l’extension des services de santé maternelle et
infantile.
« La campagne antipolio a
laissé un héritage durable
pour les systèmes de santé
d’Amérique latine et des
Caraïbes. . . ».
INTERVENTIONS EFFICACES VISANT À BÂTIR
LES SYSTÈMES DE SANTÉ
La vaccination peut enrayer certaines maladies et la pulvérisation de larvicides exterminer certains vecteurs, mais de telles approches n’ont aucune
Succès en matière de réalisation des priorités | 33
«. . . si une femme est
en mauvaise santé, en
raison de .. . la malnutrition,
du paludisme, d’une
immunodéficience, de la
tuberculose ou d’une
cardiopathie, elle peut
courir de graves risques
pendant la grossesse et
l’accouchement ».
«… dans les années 50,
le taux de mortalité
maternelle du Sri Lanka
était de 500 à 600 pour
100 000 naissances
vivantes. En 2003 il avait
chuté à 60… ».
34 | Priorités en matière de santé
influence sur les soins prénatals et l’accouchement. Dans ces derniers cas,
il est impérieux de mettre en place un système de santé solide et fonctionnel si l’on tient à obtenir de bons résultats. L’expérience du Sri Lanka
montre comment on peut y parvenir.
La grossesse et l’accouchement sont des événements naturels et ils n’exigent en général que peu ou pas d’intervention médicale auprès de la mère
ou du bébé (DCP2, chapitre 26). Cela étant, si une femme est en mauvaise santé, en raison par exemple de la malnutrition, du paludisme, d’une
immunodéficience, de la tuberculose ou d’une cardiopathie, elle peut courir de graves risques pendant la grossesse et l’accouchement. La réduction
de la mortalité maternelle et infantile passe par l’adoption de mesures préventives, telles qu’une bonne nutrition et le dépistage des risques possibles.
Elle nécessite par ailleurs un environnement hygiénique pour l’accouchement, et des soins rapides et efficaces en prévision des situations d’urgence telles que les obstacles à la naissance ou les hémorragies. Les avortements
non médicalisés sont un autre important facteur de risque pour la santé
des femmes. Lorsque les systèmes de santé sont faibles et qu’en conséquence les populations n’ont pas accès à des soins appropriés, une proportion beaucoup plus importante de grossesses entraîne des complications, la
maladie, l’invalidité permanente ou le décès de la mère, voire de l’enfant.
Millions Saved relève que « les interventions visant à détecter les problèmes de santé liés à la grossesse avant qu’ils ne menacent la vie de la
patiente, et à gérer les principales complications lorsqu’elles se produisent,
sont bien connues et nécessitent relativement peu de recours à la technologie de pointe. Ce qui est nécessaire, toutefois, c’est un système de santé
organisé et accessible — physiquement, financièrement et culturellement
— permettant de faire en sorte que les femmes accouchent dans des conditions hygiéniques, que celles courant un risque particulièrement élevé de
complications soient identifiées à temps, et qu’une aide soit disponible
pour faire face aux situations d’urgence lorsqu’elles se présentent » (Levine
et al. 2004, p. 48).
Voici ce que le Sri Lanka a réalisé en dépit de sa situation de pauvreté.
Selon les estimations, dans les années 50 le taux de mortalité maternelle du
Sri Lanka était de 500 à 600 pour 100 000 naissances vivantes. En 2003, il
avait chuté à 60, et des professionnels qualifiés étaient présents lors de
97 % des naissances. Il s’agissait là des résultats d’efforts sérieux et soutenus du gouvernement pour étendre de manière équitable les services de
santé, notamment les soins essentiels de santé maternelle. Le Sri Lanka a
poursuivi de maintes manières différentes son objectif de bâtir un système
de soin accessible à tous : il a à dessein implanté les établissements de santé
dans les zones rurales, rendu les soins gratuits pour tous, créé des réseaux
de transport, et renforcé les systèmes d’aiguillage des patients. En développant les ressources humaines, il a accordé une attention particulière à la
profession des sages-femmes. D’autres attributs essentiels du système du
Sri Lanka étaient la bonne exploitation des renseignements pour effectuer
le suivi et la planification, l’amélioration de la qualité des soins, et le ciblage des populations mal desservies.
La stratégie progressive adoptée par le pays pour élargir l’accès à des services cliniques précis, encourager l’utilisation de ces services, et en améliorer systématiquement la qualité, a été facilitée par son excellent système
d’enregistrement des actes d’état civil, et renforcée par un bon système
d’éducation, remarquable pour son égalité entre sexes (89 % des Sri lankaises sont alphabétisées, par rapport à une moyenne de 43 % en Asie du
Sud). Qui plus est, la détermination du pays à fournir des services sociaux
à tous a été constante dans le temps et remonte à la période d’avant l’indépendance en 1948.
Le Sri Lanka a été et demeure un pays pauvre. Il a réalisé sa performance exemplaire dans le domaine de la santé maternelle non seulement sans
innovation technologique majeure, mais aussi avec des dépenses limitées.
De fait, toutes ces réalisations ont été accomplies avec un budget spartiate.
Le montant absolu des dépenses nationales au titre de la santé maternelle
était quasiment le même dans les années 90 que dans les années 50 ; mais
en raison de la croissance du revenu pendant cet intervalle, la part du produit intérieur brut (PIB) a baissé de 0,28 à 0,16 %. En outre, les financements étaient essentiellement d’origine interne, provenant des recettes
publiques. D’après Millions Saved, « d’autres peuvent s’inspirer des réalisations du pays : à la fin des années 50, lorsque le pays déployait ses premiers efforts pour s’attaquer au problème des décès maternels, le PNB
[produit national brut] du Sri Lanka équivalait, en dollars constants, au
revenu national actuel du Bangladesh, de l’Ouganda ou du Mali, et il était
de loin inférieur à celui du Pakistan, de l’Égypte ou des Philippines. En
termes relatifs, le Sri Lanka a dépensé nettement moins en santé — et a réalisé beaucoup plus — que chacun de ces pays » (Levine et al. 2004, p. 54).
Le succès du Sri Lanka est lié tout particulièrement à la santé maternelle, mais il n’aurait pas pu être réalisé si le pays n’avait pas bâti un système
général de santé solide et équitable.
« Le succès du Sri Lanka
est lié tout particulièrement
à la santé maternelle,
mais il n’aurait pas pu être
réalisé si le pays n’avait
pas bâti un système
général de santé solide
INTERVENTIONS EFFICACES AYANT STIMULÉ
LES SYSTÈMES DE SANTÉ EXISTANTS
et équitable ».
Même si certains pays ont des systèmes de santé solides et qui fonctionnent, des besoins précis d’initiatives nouvelles peuvent se faire sentir, peutêtre en raison d’une nouvelle maladie, d’une grave inégalité de santé, d’un
problème chronique ou d’un besoin généralisé d’amélioration. Les soluSuccès en matière de réalisation des priorités | 35
«. . . il était possible…
de fournir une
combinaison du vaccin
diphtérie-tétanos-coqueluche
avec le vaccin contre le Hib,
dans le cadre du système
chilien existant …».
36 | Priorités en matière de santé
tions peuvent provenir de l’intérieur du système de santé, surtout si ce dernier est ouvert aux idées, s’il effectue des recherches, et s’il cherche des
moyens pour améliorer sa performance et la santé de la population. La vaccination contre l’hæmophilus influenzæ de type B (Hib) au Chili illustre ce
genre de cas (DCP2, chapitre 20).
Le Hib meningitis est une forme particulièrement mortelle de Hib, qui
tue 20 à 40 % des enfants infectés et un nombre plus limité d’adultes qui le
contractent, et qui cause chez la moitié de ses survivants des déficiences
durables telles que la surdité et des retards mentaux. À l’échelle mondiale,
le Hib est la principale cause de méningite bactérienne chez les enfants de
moins de cinq ans et la deuxième cause de décès liés à la pneumonie bactérienne dans ce groupe d’âge. Environ 450 000 enfants meurent de Hib
chaque année. Il existe un vaccin conjugué très efficace et relativement coûteux contre le Hib depuis la fin des années 80.
Le Chili est un pays à revenu intermédiaire ayant une infrastructure de
santé moderne et des services d’immunisation efficaces grâce auxquels 95
% des nourrissons subissent des vaccinations systématiques. À la fin des
années 80, les chercheurs du ministère de la Santé ont entrepris les premières estimations de l’incidence du Hib dans la région de Santiago.
Jusque-là, il n’existait aucun renseignement sur l’ampleur de cette maladie
au Chili. Les chercheurs ont analysé les dossiers des cliniques et des laboratoires ; ils ont comparé ces données aux données de population du recensement ; et ils ont évalué la qualité des données, notamment la probabilité
qu’elles sous-estiment l’ampleur véritable de la maladie. Ils ont conclu que
le Hib était une maladie très répandue et que le taux de décès par cette
maladie était élevé au Chili.
Les vaccins contre le Hib étaient certes disponibles, mais ils étaient coûteux, et malgré les preuves substantielles de leur efficacité clinique (leur
effet de protection biologique), il existait moins d’éléments probants montrant leur efficacité en grande population (impact sur un grand groupe de
population de nourrissons recevant le vaccin dans les conditions normales
d’un service d’immunisation systématique). Le ministère de la Santé a
conçu et réalisé une étude sur la vaccination Hib « avec intention de traiter », expérimentant une combinaison de vaccins contre le Hib avec le vaccin habituel diphtérie-tétanos-coqueluche administré en routine dans 36
centres de santé de la région de Santiago, et les résultats ont été comparés
à ceux obtenus dans 35 centres qui n’offraient pas le vaccin contre le Hib.
Les résultats de ce programme pilote étaient spectaculaires. L’étude
démontrait non seulement l’efficacité du vaccin contre le Hib, mais aussi
qu’il était possible, pour les centres de santé, de fournir une combinaison
du vaccin diphtérie-tétanos-coqueluche avec le vaccin contre Hib, dans le
cadre du système chilien existant. En conséquence, en juillet 1996 le ministère de la Santé a intégré le vaccin dans le programme d’immunisation sys-
tématique des bébés à l’échelon national. L’incidence du Hib meningitis au
Chili a baissé de 91 %, contre 80 % pour celle de la pneumonie et des autres
formes de Hib.
Le coût du vaccin était certes élevé au départ, mais le Gouvernement
chilien l’a financé en entier à partir des fonds publics et des taxes. Le prix
du vaccin a depuis diminué, passant d’environ 15 dollars par dose en 1996
à 3 dollars à peu près en 2003. En 1998, les chercheurs ont conclu que le
pays épargnait 78 dollars pour chaque cas de Hib évité, ce qui fournissait
davantage d’éléments probants pour continuer le programme de vaccination, lequel s’est poursuivi.
Les raisons expliquant le succès du Chili sont les atouts existants en
matière de recherche dans ce pays, et l’aptitude de ce dernier à donner suite
aux résultats. L’existence d’un système de soin déjà en place et d’un programme d’immunisation systématique touchant 95 % des nourrissons
était également essentielle. En d’autres termes, le système chilien de vaccination contre le Hib a porté ses fruits parce qu’il s’agissait d’une intervention qui est parvenue à tirer pleinement parti des atouts d’un système de
santé déjà satisfaisant.
« L’incidence du Hib
meningitis au Chili a baissé
de 91 %, contre 80 % pour
celle de la pneumonie et
des autres formes de Hib ».
INTERVENTIONS EFFICACES
AU-DELÀ DES SYSTÈMES DE SANTÉ
Les exemples précédents montrent que les interventions en matière de
santé peuvent réussir dans des situations de pauvreté extrême, voire pendant un violent conflit. En outre, une analyse de l’histoire des gains sans
précédent enregistrés dans le domaine de la santé au 20e siècle révèle que
les améliorations apportées à la santé ne sont pas fonction du développement économique. Comme on l’a mentionné au chapitre 1, le progrès technique — symbolisé par les connaissances scientifiques, les analyses coûtefficacité et l’expertise en matière de gestion — peut définir et fournir des
interventions efficaces au plan économique dans presque toutes les situations. Néanmoins, comme le montre la lutte contre le trachome au Maroc,
les synergies potentielles entre les interventions en santé et l’amélioration
des conditions sociales générales sont importantes (DCP2, chapitres 50 et
67).
Le trachome est une maladie de la pauvreté. Il s’agit d’une infection
bactérienne très contagieuse, et des infections à répétition mènent à l’apparition d’une taie (tache de la cornée) et, plus tard, à la cécité, en général
à l’âge de 40 à 50 ans. Cette maladie se transmet par contact direct avec les
sécrétions oculaires et nasales des personnes atteintes, par contact avec les
serviettes et les vêtements contaminés, et par les mouches. La transmission
Succès en matière de réalisation des priorités | 37
«. . . le trachome a disparu
d’Europe et d’Amérique du
Nord, mais il continue de
sévir dans le monde en
développement… ».
« Au début des années 90,
. . . plus de 5 % de la
population marocaine
présentait des signes de
trachome. . . ».
de la maladie est rapide et intense dans les conditions de surpeuplement,
d’absence d’hygiène, et de pauvreté.
Avec le développement économique et l’amélioration de l’hygiène, le
trachome a disparu d’Europe et d’Amérique du Nord, mais il continue de
sévir dans le monde en développement, touchant en particulier des millions de personnes qui vivent dans des régions chaudes et sèches où l’accès
à l’eau potable, aux services d’assainissement et aux soins de santé est limité. Les enfants en sont les premières victimes. Dans les zones endémiques,
les taux de prévalence chez les enfants âgés de deux à cinq ans atteignent
90 %. Cette maladie touche aussi de façon disproportionnée les femmes,
lesquelles sont deux à trois fois plus infectées que les hommes, en raison de
leur contact étroit avec les enfants. La plus forte prévalence de la cécité due
au trachome est supportée par les populations d’Afrique subsaharienne. Le
trachome est lié à la pauvreté à la fois comme symptôme et cause, car la
cécité due au trachome touche les individus pendant leurs années les plus
productives au plan économique.
Au départ, le Maroc a traité le trachome comme s’il s’agissait essentiellement d’un problème médical. Dans les années 70 et 80, l’on administrait
deux fois par an aux écoliers des provinces les plus touchées un traitement
sous forme de pommade pour les yeux à base de tétracycline, mais cela n’a
en rien amélioré le niveau de vie des pauvres du milieu rural. Ainsi, si le
trachome avait pratiquement disparu des zones urbaines en développement, il sévissait dans les régions rurales plus pauvres. Au début des années
90, une enquête nationale a révélé que plus de 5 % de la population marocaine présentait des signes de trachome et que la quasi-totalité des cas
étaient concentrés dans cinq provinces rurales pauvres.
En 1991, le Maroc a créé le Programme national de lutte contre la cécité. Ce partenariat élargi réunissait les cinq divisions du gouvernement responsables de la santé, de l’éducation, de l’emploi, de l’équipement et de
l’eau ; des organisations internationales ; des organismes bilatéraux et multilatéraux ; et des organisations non gouvernementales (ONG) nationales.
Entre 1997 et 1999, l’État a intégré la stratégie communautaire dite SAFE
(pour les initiales anglaises de « chirurgie » (surgery), « antibiotiques »
(antibiotics), « nettoyage du visage » (face cleaning) et « modification de
l’environnement » (environmental change) au Programme national de
lutte contre la cécité. Les composantes de cette stratégie étaient les suivantes :
• Chirurgie : une opération simple, rapide et peu coûteuse pour préserver la vision des patients, avec un taux de succès de 80 %. Au Maroc, les
unités de chirurgie mobiles comprenant des médecins et des infirmiers
spécialisés réalisaient les opérations chirurgicales.
38 | Priorités en matière de santé
• Antibiotiques : administration de l’azithromycine en dose unique pour
traiter les infections actives et réduire les infections au sein de la communauté. L’État a élaboré de nombreuses stratégies de distribution des
médicaments reçus en don, reposant sur la reconnaissance du fait que
le trachome est une maladie communautaire et que la réinfection est
susceptible de se produire si le traitement se limite aux cas isolés.
• Nettoyage du visage : le nettoyage régulier du visage peut permettre de
briser le cycle de la réinfection et de prévenir la propagation des bactéries. Les campagnes d’information, de sensibilisation et de communication se sont révélées efficaces pour modifier le comportement des populations.
• Modification de l’environnement : l’amélioration des conditions de vie
et d’hygiène communautaire est indispensable pour réduire la propagation du trachome. L’État a coordonné la construction de latrines dans
32 villages et l’approvisionnement en eau potable de 74 villages.
Quelque 350 associations villageoises locales ont également entrepris de
construire des latrines, de forer des puits et d’entreposer de façon sécuritaire les déjections animales de sorte qu’elles puissent servir d’engrais
sans favoriser la propagation des mouches. L’accès à l’eau potable s’est
amélioré, passant de 13 % de toutes les communautés rurales en 1992 à
60 % en 2000. Reconnaissant que la réduction de la pauvreté et l’amélioration de l’alphabétisme chez les femmes sont essentielles dans la
lutte contre le trachome, l’État a entrepris des interventions pour améliorer l’alphabétisme chez les femmes et a mis en œuvre des programmes économiques pour accroître le revenu des femmes.
L’adoption de la stratégie SAFE s’explique par la reconnaissance, de la
part du Maroc, comme l’a souligné le responsable du Programme national
de lutte contre la cécité, du fait que « Le trachome au niveau de ces régions
n’est pas strictement un problème médical ; il est essentiellement le reflet
d’un problème socioéconomique… Les véritables ennemis sont l’existence
de communautés rurales défavorisées, l’analphabétisme, le surpeuplement
des familles, le manque d’eau, l’accumulation des déchets d’origine animale, et la prolifération des mouches domestiques. En somme, l’ennemi à
combattre n’est pas la chlamydia mais la pauvreté » (cité dans Levine et al.
2004, p. 86).
Avec un programme de santé qui va expressément au-delà du système
de santé pour intégrer et encourager de plus larges aspects du développement économique, le Maroc a enregistré une réduction de 75 % de la prévalence du trachome depuis 1999 et il a éradiqué cette maladie de certaines
provinces, soit le progrès le plus rapide jamais enregistré dans un pays en
matière de lutte contre le trachome.
«. . . l’amélioration des
conditions de vie et
d’hygiène communautaire
est indispensable pour
réduire la propagation
du trachome ».
«. . . Le Maroc a enregistré
une réduction de 75 % du
taux de prévalence du trachome depuis 1999 et il a
éradiqué cette maladie de
certaines provinces… ».
Succès en matière de réalisation des priorités | 39
CONCLUSION
«. . . lorsque les
interventions publiques
permettent de prévenir des
épidémies et des maladies,
elles ne constituent pas des
succès visibles… ».
40 | Priorités en matière de santé
L’analyse succincte effectuée dans le présent chapitre n’a porté que sur
quelques aspects d’une poignée d’interventions en santé publique qui ont
porté leurs fruits, telles qu’examinées dans le DCP2. On peut tirer beaucoup plus d’enseignements de ces cas, mais leur plus grande valeur est
peut-être qu’ils dissipent le cynisme manifesté devant ce qui apparaît parfois comme des problèmes insurmontables.
Paradoxalement, lorsque les interventions publiques permettent de prévenir des épidémies et des maladies, elles ne constituent pas des succès
visibles : seuls les cas d’échec sont médiatisés. En rendant compte de la
manière dont la vie de millions de personnes a été sauvée grâce à une
action concertée, le DCP2 et Millions Saved offrent l’occasion de reconnaître et de célébrer les cas de réussite et d’en tirer des leçons ;
d’apprécier leur variété ; et d’afficher un degré d’optimisme éclairé, lequel
est peut-être un autre ingrédient essentiel du succès.
Chapitre 3
Analyse coût-efficacité
La santé s’est certes améliorée de façon spectaculaire au cours du dernier
siècle, mais de graves inégalités persistent dans ce domaine. Pour poursuivre les progrès en matière de santé, relever les nouveaux défis et corriger
les inégalités, il convient de déployer efficacement les ressources. L’on doit,
pour ce faire, disposer de connaissances sur les interventions qui sont
concrètement efficaces, d’informations sur les coûts associés, et d’expérience sur leur mise en œuvre et leur mise à disposition (DCP2, chapitres
14 et 15).
POURQUOI RECOURIR À L’ANALYSE COÛT-EFFICACITÉ ?
L’édition de Disease Control Priorities in Developing Countries (Jamison et
al. 1993) parue en 1993 figure parmi les premiers efforts pour guider les
choix relatifs aux politiques de santé publique dans les pays en développement, en combinant systématiquement les renseignements sur les interventions efficaces avec les informations sur leurs coûts. Cette démarche
était motivée, en partie, par le sentiment que les pays en développement
laissaient passer de nombreuses occasions d’améliorer la santé et qu’une
meilleure affectation des ressources limitées pouvait permettre de réaliser
de meilleurs résultats en matière de santé. L’ouvrage présentait l’analyse
coût-efficacité comme un important outil pour identifier ces possibilités
inexploitées et pour réorienter les ressources vers de meilleurs usages.
L’analyse coût-efficacité permet d’identifier les possibilités inexploitées
en mettant en relief des interventions qui, bien que relativement peu coûteuses, ont le potentiel d’alléger considérablement la charge de morbidité.
À titre d’exemple, chaque année plus d’un million de jeunes enfants meurent de déshydratation suite à une diarrhée. Si la thérapie de réhydratation
par voie orale (TRO) ne diminue pas l’incidence de la diarrhée, elle réduit
cependant de façon spectaculaire sa gravité et le taux de mortalité associé.
41
«… aux États-Unis, le
nombre d’années de vie
sauvées pourrait doubler
si les ressources étaient
réaffectées à des
interventions plus efficaces
au plan économique… ».
«… les interventions…
coûteuses par rapport à
l'amélioration de la santé
qu’elles procurent… sont…
la chirurgie pour soigner
les accidents vasculaires
cérébraux, et les
interventions
communautaires
contre la schizophrénie
et la psychose
maniacodépressive ».
42 | Priorités en matière de santé
Le fait de prouver scientifiquement que la TRO peut sauver des vies était
une importante étape dans l’identification de cette thérapie comme une
possibilité inexploitée d’améliorer la santé. En démontrant qu’il ne pourrait coûter que de 2 à 4 dollars par année de vie sauvée, l’on a justifié pourquoi la politique de santé publique devait promouvoir ce traitement, et en
réponse nombre de pays ont encouragé le recours à la TRO, ce qui a permis de sauver des millions de vies (DCP2, chapitres 8 et 19).
L’analyse coût-efficacité aide à identifier les moyens pour réorienter les
ressources de manière à accomplir davantage. Elle démontre l’utilité de la
réorientation des ressources non seulement des interventions inefficaces
vers des interventions efficaces, mais aussi des interventions moins avantageuses au plan économique vers des interventions plus avantageuses. À
titre d’exemple, une étude réalisée par le National Center for Policy
Analysis de l’Université Harvard s’est intéressée tout particulièrement à
185 interventions salutaires réalisées chaque année aux États-Unis, lesquelles coûtent 21,4 milliards de dollars et permettent de sauver 592 000
années de vie. L’étude a examiné les différents modes d’allocation de ces
fonds et a constaté que le nombre d’années de vie sauvées pourrait doubler
si les ressources étaient réaffectées à des interventions plus efficaces au plan
économique (DCP2, chapitre 2, encadré 3).
Le DCP2 abonde dans le même sens. Il identifie des dizaines d’interventions contre un large éventail de maladies et de facteurs de risque qui
sont coûteuses par rapport à l'amélioration de la santé qu’elles procurent.
Il s’agit notamment d’interventions en milieu hospitalier, telles que la chirurgie pour soigner les accidents vasculaires cérébraux récurrents, et les
interventions communautaires contre la schizophrénie et la psychose
maniacodépressive. D’autres interventions qui ne sont pas particulièrement efficaces au plan économique sont le traitement des infections de
tuberculose latente à l’isoniazide et les règlements visant à réduire la
consommation abusive d’alcool. Si un pays réorientait les fonds et les
efforts des interventions de ce genre vers celles qui sont relativement plus
efficaces au plan économique, un nombre considérablement plus élevé de
personnes pourraient vivre plus longtemps et en meilleure santé. S’il n’est
ni possible ni approprié de réaffecter ailleurs les fonds consacrés à ces interventions moins efficaces, l’on peut probablement orienter les augmentations futures de dépenses vers des activités qui rapporteront davantage en
terme de santé.
Les études coût-efficacité se sont multipliées depuis 1993, et leurs
méthodes sont devenues plus largement répandues. Le DCP2 a tiré parti de
ce volume croissant de publications et a visé à effectuer des comparaisons
cohérentes entre les maladies et les interventions. À titre d’exemple, dans la
mesure du possible, les analyses coût-efficacité du DCP2 ont utilisé les
mêmes bases de prix, les mêmes indicateurs de santé et les mêmes défini-
tions des coûts inclus (encadré 3.1). Le présent chapitre donne un aperçu
des concepts et des méthodes fondamentaux de l’analyse coût-efficacité
examine quelques-unes de ses limites, et explique de quelle manière elle a
été et peut être utilisée. Ce chapitre se penche par ailleurs sur certains
autres facteurs contextuels qui doivent compléter l’analyse coût-efficacité
dans le processus de prise de décision, si les autorités tiennent à tirer le
meilleur parti des conclusions émises dans le DCP2.
QU’EST-CE QUE L’ANALYSE COÛT-EFFICACITÉ ?
L’analyse coût-efficacité est une méthode pour évaluer les gains de santé
par rapport au coût des différentes interventions en matière de santé. Il ne
s’agit pas du seul critère pour décider de la manière d’allouer les ressources,
mais elle constitue un critère important, car elle lie directement les implications financières et scientifiques des différentes interventions.
L’opération de calcul de base consiste à diviser le coût d’une intervention
en unité monétaire par le gain de santé prévu, mesuré en unités naturelles,
telles que le nombre de vies sauvées. Par exemple, l’utilisation d’un personnel paramédical bénévole et de non-spécialistes qualifiés comme premiers intervenants en cas d’accident coûte environ 128 dollars par vie sauvée en Asie du Sud et 283 dollars au Moyen-Orient et en Afrique du Nord,
tandis que l’utilisation d’une ambulance communautaire coûte à peu près
1 100 dollars et 3 500 dollars par vie sauvée dans les deux régions, respectivement. En mesurant le coût-efficacité en termes de vies sauvées, toutes
les vies sont traitées de manière égale, peu importe que la personne concernée soit un enfant qui pourrait vivre 80 autres années ou un individu d’âge
moyen pouvant s’attendre à vivre pendant seulement 40 ans encore.
Certaines études calculent l’efficience économique en utilisant les
années de vie perdues comme unité naturelle pour mesurer les effets des
interventions (encadré 3.2). Cette mesure traite de façon égale chaque
année supplémentaire de vie gagnée grâce à une intervention. Elle fait la
somme du nombre d’années de vie qui seraient sauvées grâce à une intervention. Par conséquent, une intervention qui sauve la vie d’un nourrisson
(par exemple la prévention de la déshydratation due à la diarrhée) pèserait
davantage qu’une autre visant à sauver la vie d’une personne plus âgée
(prévention de la récidive d’un accident vasculaire cérébral par exemple).
L’avenir étant incertain, la pratique courante (mais non universelle)
veut que l’on ne tienne pas compte des gains de santé et des coûts des
années éloignées. Le DCP2 utilise un taux d’escompte de 3 % par an, ce qui
a pour effet d’attribuer à 80 ans d’espérance de vie à la naissance une valeur
de 30 années escomptées. Avec cet escompte, le fait de sauver la vie d’un
nourrisson se traduit toujours par l’ajout de plus d’années que lorsqu’on
«… l’utilisation d’un personnel paramédical bénévole et
de non-spécialistes qualifiés
comme premiers intervenants en cas d’accident
coûte environ 128 dollars
par vie sauvée en Asie du
Sud et 283 dollars au
Moyen-Orient et en Afrique
du Nord, tandis que l’utilisation d’une ambulance communautaire coûte à peu près
1 100 dollars et 3 500 dollars respectivement par vie
sauvée … ».
Analyse coût-efficacité | 43
sauve la vie d’une personne d’âge moyen, mais la différence est considérablement réduite. Selon la méthode de l’escompte, les interventions qui
occasionnent des coûts aujourd’hui mais ne rapportent des gains que des
Encadré 3.1 Une base cohérente pour le calcul de l'efficience
économique dans le DCP2
Unités des rapports coût-efficacité
Les rédacteurs du DCP2 ont demandé à l’auteur de chaque chapitre d’adopter une méthode
commune d’analyse coût-efficacité et d’utiliser des paramètres cohérents. Il a été demandé
aux auteurs de calculer l’efficience économique en termes de dollars par AVCI (année de
vie corrigée du facteur d'invalidité), les AVCI étant obtenues en utilisant les pondérations
d’invalidité fournies par l’OMS et un taux d’escompte de 3 %.
Aucune différenciation par âge
Contrairement à certaines autres études, les rédacteurs du DCP2 ont choisi de ne pas appliquer différentes pondérations selon l’âge. En conséquence, par exemple, l’effet de la préservation de la vie d’un nourrisson est supérieur à celui de la préservation de la vie d’une
personne plus âgée, en raison de la différence au niveau des années de vie prévues, mais
non parce que l’on accorde une valeur supérieure ou inférieure à une année de vie sauvée
à un âge plutôt qu’à un autre.
Base de calcul des années de vie
Le calcul des années de vie prévues était basé sur une moyenne régionale de l’espérance
de vie à chaque âge. Cela a pour effet de réduire le rapport coût-efficacité des interventions dans les régions où l’espérance de vie est plus faible ; toutefois, au sein de chaque
région, cela permet de faire plus de comparaisons réalistes entre les interventions qui touchent les enfants et celles qui touchent les adultes.
Unités monétaires
Les principales façons possibles de mesurer les coûts sont de convertir toutes les monnaies
en une monnaie à grande circulation comme le dollar des États-Unis, en utilisant les taux
de change du marché, ou de les convertir en dollars internationaux en se servant d’un facteur de conversion basé sur la parité des pouvoirs d’achat. Le principal avantage de l’utilisation des dollars internationaux est que ceux-ci s’ajustent pour tenir compte de la différence réelle entre les pouvoirs d’achat d’une monnaie par rapport à une autre. Cependant,
le DCP2 a opté pour le dollar américain parce qu’il permet d’assurer une plus grande cohérence avec les autres estimations de coûts auxquelles les décideurs sont habitués, et parce
que les indices disponibles de parité des pouvoirs d’achat sont basés sur l’agrégation de
tout l’éventail des prix, et peuvent par conséquent induire en erreur si l’on s’en sert pour
analyser un secteur particulier ayant sa propre répartition de biens échangeables et non
échangeables. Les dollars internationaux sont plus difficiles à comprendre et ne correspondent pas à la faisabilité financière reflétée par les budgets.
(Suite à la page suivante)
44 | Priorités en matière de santé
Encadré 3.1 (suite)
Coûts
Le DCP2 tient compte des coûts de production d’une intervention, mais pas de ceux de la
consommation de cette dernière par les patients et la famille. Les coûts indirects sont souvent non monétaires — surtout les coûts en temps pour les patients — et ils sont difficiles
à estimer de façon cohérente. Lorsque de tels coûts sont élevés, ils donnent l’impression
que les interventions ne sont pas efficaces au plan économique, mais le problème peut
résider dans la localisation géographique des établissements, leur niveau de dotation en
personnel et la manière dont ils sont gérés, plutôt que dans les interventions mises en
œuvre.
Source : Adapté du chapitre 15 du DCP2.
Encadré 3.2 Quelques termes techniques utilisés dans le DCP2
Rapport coût-efficacité : le coût d’une intervention divisé par le changement de l’état de
santé qui en résulte. Le choix des unités monétaires pour mesurer les coûts et celui des
unités de santé pour mesurer l’impact peuvent varier. Dans la mesure du possible, le
DCP2 donne le ratio en dollars par AVCI.
Coût-efficacité moyen : le coût total lié à la résolution d’un problème de santé précis en
utilisant une intervention donnée divisée par le total des améliorations de la santé.
Coût- efficacité marginal : le coût supplémentaire de l’extension d’une intervention précise divisé par ll'amélioration de la santé supplémentaire qui en découlerait.
AVCI : unité de mesure du niveau santé perdue en raison d’une maladie ou d’une
blessure donnée. Elle est calculée comme la valeur présente des années futures de vie
sans invalidité qui sont perdues à cause de décès prématurés ou de cas d’invalidité se
produisant au cours d’une année donnée.
Taux d’escompte : taux utilisé pour convertir les pertes et les gains futurs en valeurs
présentes équivalentes. À titre d’exemple, à un taux d’escompte de 3 %, un coût de 1
dollar l’an prochain serait l’équivalent de 0,97 dollar aujourd’hui et un coût de 1 dollar
dans 10 ans serait l’équivalent de 0,74 dollar aujourd’hui.
Intervention : activité utilisant des ressources humaines, physiques et financières conduite dans le but d’améliorer la santé en réduisant le risque, la durée ou la gravité d’un
problème de santé (Jamison 2002, tableau 2).
Année de vie gagnée pondérée par sa qualité : unité de mesure des gains de santé
d’une intervention, calculée comme le nombre d’années de vie gagnées et pondérée pas
leur qualité.
Années de vie perdues : mesure de l’impact d’un événement de santé défavorable, calculé généralement en soustrayant l’âge auquel survient le décès de l’espérance de vie
à cet âge.
Analyse coût-efficacité | 45
«… une analyse coût- efficacité qui mesure l'amélioration de la santé par le
nombre de décès évités
accorderait peu de valeur à
la prévention de l’onchocercose, mais en mesurant
l'amélioration de la santé
en AVCI, l’on accorde une
plus grande valeur à la
préservation de la vision
des populations. . . ».
46 | Priorités en matière de santé
années plus tard semblent être moins efficaces au plan économique que
lorsque des gains sont réalisés sur-le-champ, mais les interventions dont les
coûts et les améliorations de la santé suivent la même chronologie sont
toutes touchées de manière égale et leur rapport coût-efficacité relatif ne
change pas.
Néanmoins, les interventions en matière de santé n’ont pas pour seul
objectif de sauver ou prolonger les vies. Les chercheurs ont proposé
d’autres mesures pour établir des différences entre une année de vie en parfaite santé et une autre avec une certaine détérioration de la santé. L’une
des mesures utilisées plus couramment et tenant compte de ce problème
est l’année de vie corrigée du facteur d’invalidité (AVCI). Une AVCI mesure non seulement les années de vie supplémentaires gagnées grâce à une
intervention, mais aussi l’amélioration de la santé qui en résulte. Elle attribue une valeur de 1 à chaque année vécue en parfaite santé. À toute détérioration de la santé ou toute invalidité, elle attribue un coefficient d’invalidité qui décrit l’ampleur de la détérioration, le coefficient étant plus
grand si la détérioration est grave et plus petit si la détérioration est modeste. La valeur d’une année vécue avec une invalidité est alors de 1 moins le
coefficient d’invalidité, qui mesure le degré restant de santé. Les chercheurs
ont attribué des coefficients d’invalidité à diverses maladies chroniques, à
la douleur, à l’incapacité et à la perte de fonctions corporelles en utilisant
une variété de méthodes, dont les enquêtes internationales dans lesquelles
il est demandé aux répondants de comparer la qualité de la vie dans différents états de santé. Le DCP2 s’est appuyé sur les coefficients d’invalidité
calculés dans les études de l’OMS portant sur la charge de morbidité, en
s’en servant parfois pour estimer l’invalidité liée à des états sur lesquels
l’OMS ne s’était pas explicitement penchée.
Les AVCI sont utiles pour les décideurs car elles constituent une mesure plus complète de la santé de la population et non un simple décompte
des décès, et parce qu’elles permettent de comparer un large éventail d’interventions en matière de santé. Certaines interventions en santé visent
directement à réduire la mortalité, mais nombre d’entre elles ont pour
objectif d’atténuer la gravité des maladies et d’améliorer la qualité de la vie.
Avec les AVCI, ces différentes interventions peuvent être comparées en
fonction d’un standard commun. À titre d’exemple, une analyse coût-efficacité qui mesure l'amélioration de la santé par le nombre des décès évités
accorderait peu de valeur à la prévention de l’onchocercose, mais en mesurant l'amélioration de la santé en AVCI, l’on accorde une plus grande
valeur à la préservation de la vision des populations parce que le poids de
l’invalidité due à la cécité est grand.
L’un des avantages de l’utilisation des rapports coût-efficacité est qu’ils
permettent d’éviter certains dilemmes moraux et les difficultés d’analyse
qui se présentent lorsqu’on cherche à effectuer des analyses coûts-béné-
fices. L’application de cette méthode non conventionnelle d’analyse coûtsbénéfices nécessite l’attribution d’une valeur monétaire à chaque année de
vie. En renonçant à cette étape, l’analyse coût-efficacité attire l’attention
exclusivement sur les gains de santé, lesquels n’ont pas de valeur monétaire. Lorsqu’une intervention débouche sur des gains de santé, la valeur de
ces gains doit être soustraite des coûts de l’intervention lorsque ceux-ci
sont comparés aux résultats en matière de santé. Nombre d’interventions
dans le domaine de la santé produisent des gains au-delà de l’amélioration
immédiate de l’état de santé. Par exemple, des parents jouissant d’une
meilleure santé seront en mesure de mieux s’occuper de leurs enfants, des
employés mieux portants seront plus productifs au travail, et des familles
en meilleure santé peuvent éviter de tomber dans la pauvreté. Certaines
interventions en matière de santé peuvent créer des cercles vicieux. À titre
d’exemple, le fait de prévenir le décès d’un parent peut signifier qu’une
famille dispose de plus de revenu pour nourrir et élever ses enfants.
D’autres interventions dans le domaine de la santé rapportent des bénéfices annexes, dont la valeur est établie de façon indépendante. Par
exemple, le rapport coût-efficacité des services d’approvisionnement en
eau et d’assainissement est faible en ce qui concerne la réduction des maladies gastro-intestinales, mais en eux-mêmes les services de distribution
d’eau courante et d’assainissement sont ressentis comme une commodité
et une amélioration de l’environnement.
Les valeurs que les populations accordent aux avantages non liés à la
santé sont passablement élevées, comme le montre leur disponibilité à s’acquitter des frais de tels services, mais le rapport coût-efficacité ne mesure
pas les gains supplémentaires non liés à la santé. Par conséquent, la comparaison des interventions selon les critères d'efficience économique doit
s’effectuer en comprenant clairement qu’on ne compare les interventions
que du point de vue de leur efficacité en matière d’amélioration de la santé,
et si l’analyse doit porter sur les bénéfices non liés à la santé, il faut alors
prendre en compte ces derniers pour toutes les interventions examinées.
L’analyse coût-efficacité nécessite également des unités comparables
pour mesurer les coûts. Pour les études nationales, les unités de coût en
monnaie locale ont une signification claire. En l’absence de prix unitaires
des intrants associés aux interventions, pour la comparaison entre les pays,
l’on a fourni aux auteurs du DCP2 les coûts pour chaque région de la
Banque mondiale dans une monnaie de grande circulation, en général le
dollar des États-Unis. La principale question est de savoir s’il faut utiliser les
taux de change du marché pour convertir les coûts en monnaie locale et les
comparer à la valeur des intrants importés et importables exprimés en dollars, ou si l’on doit utiliser un facteur de conversion différent basé sur les
études du pouvoir d’achat relatif de la monnaie locale. Les taux de change
du marché étant plus faciles à comprendre et correspondant mieux aux
Analyse coût-efficacité | 47
contraintes financières réelles, le DCP2 s’en est servi pour les conversions de
ce genre.
Les estimations des coûts sont influencées par les prix et ces derniers
peuvent varier considérablement d’un pays à l’autre et même au sein du
même pays. Les auteurs du DCP2 n’ont pas pu recueillir les prix unitaires
des intrants pour les interventions réalisées dans chaque pays, aussi leur at-on plutôt fourni les prix unitaires moyens de chacune des six régions
en développement : Asie de l’Est et Pacifique, Europe et Asie centrale,
Amérique latine et Caraïbes, Moyen-Orient et Afrique du Nord, Asie du
Sud, Afrique subsaharienne (cependant, dans les analyses publiées antérieurement l’on utilisait parfois les groupements régionaux de l’OMS).
Dans les analyses les plus complètes, les auteurs ont multiplié ces prix unitaires régionaux par les quantités estimées des biens nécessaires à chaque
intervention, le résultat étant ensuite divisé par l’effet estimé sur la santé
pour obtenir les rapports coût-efficacité. Lorsque les auteurs ne pouvaient
pas trouver de renseignements désagrégés sur les biens nécessaires à chaque
intervention mais que certaines mesures d'efficience économique étaient
disponibles, ils ont procédé à des extrapolations. Dans certains cas, les
ratios des biens nécessaires à une intervention étaient disponibles pour une
région et les auteurs les ont extrapolés à d’autres régions (se reporter par
exemple au chapitre 30 du DCP2).
Pour effectuer une analyse coût-efficacité, les chercheurs devaient également donner des détails précis sur les interventions dans le domaine de la
santé. Une intervention en matière de santé est une activité visant expressément à améliorer la santé d’une personne en réduisant le risque, la durée ou
la gravité d’un problème de santé. De telles interventions peuvent être définies sur la base d’événements défavorables de santé, comme le fait d’être victime d’un accident, de contracter une infection, ou de souffrir d’une tumeur
maligne. La prévention primaire cherche à éviter un événement défavorable
de santé, tandis que la prévention secondaire cherche à empêcher qu’un événement défavorable de santé ne se produise ou ne provoque un problème
connexe une fois qu’il s’est produit. Après un événement défavorable de
santé, les interventions devraient également se répartir en plusieurs catégories de prise en charge, notamment les traitements, les soins de courte durée,
les soins de longue durée, la réadaptation et les soins palliatifs (encadré 3.3).
La caractérisation complète d’une intervention passe aussi par la définition du niveau de soins auquel elle est réalisée ; le matériel et les processus précis qui sont utilisés ; et les types d’agents de santé et tous les autres
services connexes qui sont nécessaires, tels que les tests de laboratoire. Plus
l’analyse est détaillée et précise, plus il est facile pour les chercheurs de
déterminer si elle est similaire ou différente de la manière dont l’intervention en question est caractérisée dans d’autres contextes. À titre d’exemple,
une intervention en matière de santé peut être réalisée par un établisse48 | Priorités en matière de santé
ment moins spécialisé ou nécessiter plus de visites dans un pays que dans
un autre.
La gamme des coûts considérés influera également sur l’analyse coûtefficacité de l’intervention. Les chercheurs peuvent opter pour une définition étroite des coûts et se concentrer exclusivement sur les frais variables
directs de prestation d’un service ; en d’autres termes, ils peuvent tenir
compte uniquement des coûts de matériel et de personnel supplémentaires
qui sont nécessaires, et exclure les coûts liés à l’utilisation des infrastructures existantes ou des capacités déjà installées. Dans d’autres cas, les chercheurs peuvent utiliser des définitions de coûts plus larges en affectant une
certaine part des frais fixes des installations et d’administration aux coûts
du service. L’on a demandé aux auteurs du DCP2 de suivre cette dernière
approche.
Dans certaines études, les chercheurs tiennent compte d’autres coûts,
tels que la valeur du temps consacré par les patients et les membres de leurs
familles à l’obtention d’un service, ou les frais de transport pour se rendre
dans les établissements de santé. Lorsqu’un plus grand nombre de coûts
sont pris en considération, le coût par unité de gain de santé est plus élevé
et l’intervention semble moins efficace au plan économique. Si les interventions qui sont comparées présentent des caractéristiques similaires,
comme par exemple le fait d’être toutes réalisées par un établissement du
même genre, l’inclusion de ces autres coûts ne modifie pas le classement
des interventions, mais la comparaison d’interventions plus dissemblables
Encadré 3.3 Catégories d’intervention et illustrations
La figure montre comment les interventions sont liées à un événement de santé. Les
définitions de ces catégories sont fournies ci-après.
Avant
Prévention primaire
de la manifestation d'un
facteur de risque
de la transformation d'un
facteur de risque existant
en un événement défavorable
de santé
Événement
Après
Prévention secondaire
d’un autre événement du même genre
(un deuxième accident vasculaire
cérébral par exemple)
d’un événement connexe d’un genre
différent (par exemple, crise cardiaque
suite à un accident vasculaire cérébral)
Prise en charge du cas
Traitement
Soins de courte durée
Soins longue durée
Réadaptation
Soins palliatifs
(Suite à la page suivante)
Analyse coût-efficacité | 49
Encadré 3.3 (suite)
Les interventions axées sur les populations visent toutes à la prévention primaire (telle
que définie ci-après), sont orientés vers l’ensemble de la population ou de grands sousgroupes, et se répartissent en trois catégories :
• Promotion d’un changement de comportement personnel (régime alimentaire, exercice, tabagisme, activité sexuelle)
• Élimination des risques liés à l’environnement (pollution de l’air et de l’eau, vecteurs
de maladies)
• Interventions médicales (vaccination, chimioprophylaxie de masse, dépistage à
grande échelle, et aiguillage des patients)
Les interventions individuelles sont orientées vers les particuliers et peuvent viser les
objectifs suivants :
• Prévention primaire — pour abaisser le niveau d’un ou de plusieurs facteurs de
risque, pour réduire la probabilité de la première manifestation d’une maladie
(médicaments contre l’hypertension pour empêcher un accident vasculaire cérébral,
ou contre la crise cardiaque), ou pour réduire la probabilité de déclenchement d’une
maladie lorsque le facteur de risque est déjà présent (prophylaxie pour la drépanocytose).
• Prévention secondaire après la manifestation de la maladie — pour prévenir un
autre événement du même genre (médicaments pour réduire la probabilité d’un
deuxième événement coronarien) ou pour atténuer le risque d’un événement différent mais connexe (médicaments pour réduire la probabilité d’une première crise
cardiaque après un accident vasculaire cérébral).
• Traitements — pour éliminer la cause d’une affection et remettre la fonction à son
état antérieur (chirurgie pour appendicite).
• Prise en charge de courte durée — assurer une intervention à court terme pour
atténuer la gravité d’événements aigus ou le niveau de facteurs de risque établis,
réduire au minimum les effets à long terme (médicaments thrombolytiques à la suite
d’une crise cardiaque, angioplastie pour réduire la sténose des artères coronaires).
• Prise en charge de longue durée — assurer une intervention continue pour atténuer
la gravité d’états chroniques ou empêcher la détérioration (médicaments contre la
dépression unipolaire, insuline contre le diabète). La prise en charge de longue durée
peut comprendre certaines activités de prévention secondaire.
• Réadaptation — assurer la réadaptation totale ou partielle d’une fonction physique,
psychologique ou sociale qui a été endommagée par une maladie ou prédisposition
antérieure (thérapie à la suite d’un traumatisme musculo-squelettique, ou consultations pour des problèmes psychologiques).
• Soins palliatifs — atténuer la douleur et la souffrance liées à un état pour lequel il
n’existe actuellement aucun traitement ou aucune réadaptation (analgésiques contre
les céphalées, opiacés contre le cancer en stade terminal).
Source : DCP2, chapitre 15, encadré 15.1
50 | Priorités en matière de santé
pourrait produire des résultats différents, alors que les ratios sont par
ailleurs proches.
Pour des raisons de cohérence, les chapitres du DCP2 n’utilisent que les
coûts directs, les estimations de ces autres coûts étant à la fois difficiles et
rarement homogènes d’une étude à l’autre. Il se pose en outre un problème d’ordre éthique si la valeur du temps des populations pauvres est établie uniquement sur la base de leurs faibles salaires ou revenus.
QUEL EST LE DEGRÉ DE FIABILITÉ
DE L’ANALYSE COÛT-EFFICACITÉ ?
Bien que le calcul de base du rapport coût-efficacité paraisse simple, les
choix relatifs aux unités de mesure, les définitions des interventions, l’ampleur des coûts, et les prix à prendre en compte influenceront non seulement les résultats numériques mais aussi l’interprétation du rapport coûtefficacité. Dans nombre de cas, les différences sont si grandes qu’il est inutile d’affiner les analyses sous-jacentes. Par exemple, aucun affinement ne
fera qu’un pontage aortocoronarien par greffe (plus de 25 000 dollars par
AVCI gagnée) présente un meilleur rapport coût-efficacité que l’utilisation
de nouveaux médicaments contre le paludisme lorsqu’il y a résistance aux
médicaments antérieurs (8 à 20 dollars par AVCI gagnée) ou l’imposition
de taxes sur les produits du tabac (3 à 50 dollars par AVCI gagnée) (tableau
3.1). Pour cette raison, les lecteurs du DCP2 sont encouragés à prêter attention aux différents ordres de grandeur, en établissant une distinction entre
les interventions qui sont très efficaces du point de vue coût ou moyennement efficaces, et les interventions qui ne le sont pas.
Lorsque les rapports coût-efficacité se trouvent dans une fourchette
similaire, il devient plus difficile de prendre des décisions en matière de
politique. Dans de telles situations, il peut être impérieux de procéder à un
examen plus minutieux des rapports coût-efficacité pour bien s’assurer
que les mesures sont proches. Il s’agit de vérifier si les unités de mesure, la
définition des interventions et l’ampleur des coûts pris en compte sont
similaires.
Il convient en outre de noter que les éléments de preuve disponibles
pour évaluer le rapport coût-efficacité varient, compte tenu surtout du
vaste éventail des interventions examinées. Le DCP2 relève que les
meilleurs éléments de preuve proviennent des études randomisées ou des
méta-analyses systématiques ; à défaut et les meilleurs éléments de preuve
viennent des études non-randomisées qui ont pu néanmoins utiliser des
méthodes statistiques rigoureuses. Les éléments de preuve les plus faibles
proviennent des études de cas limitées ou d’opinions d’experts.
« Il se pose en outre un problème d’ordre éthique si la
valeur du temps des populations pauvres est établie
uniquement sur la base de
leurs faibles salaires ou
revenus ».
Analyse coût-efficacité | 51
Cependant, un manque d’éléments de preuve ne signifie pas qu’une intervention n’est pas efficace du point de vue économique. Cela signifie tout
simplement que les chercheurs ne savent pas dans quelle mesure l’intervention est efficace du point de vue coût. Cela ne veut pas dire non plus
que les lecteurs doivent faire abstraction des chiffres relatifs à l'efficience
économique. Au contraire, il importe que les lecteurs se montrent circonspects, qu’ils ne se fient pas outre mesure aux estimations ponctuelles,
et qu’ils prêtent attention aux ordres de grandeur et à la qualité des éléments de preuve.
QUELLES SONT LES TÂCHES APPROPRIÉES
AUXQUELLES S’APPLIQUE L’ANALYSE COÛT-EFFICACITÉ ?
« L’analyse coûtefficacité. . . fournit… des
informations sur les coûts
d’amélioration de la santé
au moyen d’une intervention
précise».
L’analyse coût-efficacité n’est pas utile pour certaines prises de décision.
Elle fournit essentiellement des informations sur les coûts d’amélioration
de la santé au moyen d’une intervention précise. Comme dans le cas des
décisions d’investissement, le prix d’un produit est un facteur certes
important, mais non exclusif. À titre d’exemple, le coût de la construction
d’une école — comme celle d’une clinique — varie en fonction de la taille
de l’établissement, de son emplacement et des matériaux utilisés. Ces choix
influent sur le coût de l’éducation par élève, qui peut influencer le nombre
d’enfants pouvant fréquenter l’école, et peut-être la qualité de l’enseignement qui leur est dispensé. Cela étant, en l’absence de renseignements sur
les prix, les décideurs ne peuvent voir les arbitrages à faire dans la prise en
compte des autres préoccupations.
Dans ces conditions, la question est de savoir comment les décideurs,
les administrateurs des programmes de santé, les chercheurs et autres
peuvent tirer le meilleur parti de l’analyse coût-efficacité. Avec cette dernière, trois types de comparaison deviennent très faciles :
• comparaison de différentes interventions contre la même maladie
• comparaison de différentes interventions ciblant des groupes précis de
population
• comparaison de différentes interventions contre différentes maladies.
L’utilisation du ratio coût-efficacité est des plus simples lorsqu’on compare des interventions qui ciblent la même maladie ou le même facteur de
risque et ne sont différentes que du point de vue de leur mode de mise en
œuvre. Dans ce cas, les interventions moins coûteuses rapportent en général de plus grandes améliorations de la santé. À titre d’exemple, le fait de
remédier à une carence en vitamine A en distribuant des capsules produit
52 | Priorités en matière de santé
Tableau 3.1 Gains de santé potentiels avec USD 1 million
Service ou Intervention
Coût par AVCI (USD)
AVCI gagnées par
USD million dépensé
Réduction de la mortalité chez les enfants de moins de cinq ans
1.
Amélioration des soins offerts aux enfants de moins de 28 jours
(notamment la réanimation des nouveau-nés)
2.1 Extension de la couverture vaccinale au moyen de vaccins
pédiatriques habituels
2.2 Ajout des vaccins contre d’autres maladies au programme d’immunisation
systématique des enfants (surtout contre l’haemophilus influenza et
l’hépatite B)
3.
Adoption du recours à l’association de médicaments (les ACT) contre
le paludisme en cas de résistance aux médicaments actuels qui sont peu
coûteux et très efficaces (Afrique subsaharienne)
10–400
2 500–100 000
2–20
50 000–500 000
40–250
4 000–24 000
8–20
50 000–125 000
Prévention et traitement du VIH/SIDA
4.
Prévention de la transmission de la mère à l’enfant (TAR–névirapine —
prophylaxie de la mère ; substituts du lait maternel)
50–200
5 000–20 000
5.
Traitement des ITS pour interrompre la transmission du VIH
10–100
10 000–100 000
350–500
2 000–3 000
6.1 TAR qui fait l’objet d’une forte adhésion de la part d’un grand pourcentage
de patients
6.2 TAR qui fait l’objet d’une forte adhésion de la part d’un petit pourcentage
de patients
En raison du caractère très
limité des gains réalisés par
le patient et de potentiels
changements défavorables de
comportement chez les
populations, il est probable
que plus de vies soient
perdues que sauvées
Prévention et traitement des maladies non transmissibles
7. Imposition de taxes sur les produits du tabac
8.1 Traitement de l’infarctus aigu du myocarde ou des crises cardiaques au
moyen d’un ensemble de médicaments peu coûteux
8.2 Traitement de l’infarctus aigu du myocarde au moyen de médicaments
peu coûteux et de la streptokinase (ici les coûts et les AVCI s’ajoutent
aux résultats qu’on aurait obtenus en utilisant uniquement des médicaments
peu coûteux)
9. Traitement à vie des patients ayant souffert de crise cardiaque et d’accident
vasculaire cérébral au moyen de « poly-comprimé » combinant 4 à 5
médicaments préventifs sans brevet
10.1 Pontage aortocoronarien par greffe ou pontage dans des cas à haut risque
identifiables, tels que la maladie de l’artère coronaire gauche principale
(s’ajoute à 9)
10.2 Pontage relatif à une maladie moins grave de l’artère coronaire (s’ajoute à 9)
3–50
10–25
20 000–330 000
40 000–100 000
600–750
1 300–1 600
700–1 000
1 000–1 400
>25 000
<40
très élevé
Négligeables
(Suite à la page suivante)
Analyse coût-efficacité | 53
Table 3.1 (suite)
Service ou Intervention
Coût par AVCI (USD)
AVCI gagnées par
USD million dépensé
Autre
11. Détection et traitement du cancer du col de l’utérus
15–50
20 000–60 000
12. Ouverture d’un pavillon service de chirurgie de base au niveau de l’hôpital
de district s’occupant tout particulièrement des cas de traumatisme, de
grossesse à haut risque et d’autres états généralement soignés au moyen
de la chirurgie
70–250
4 000–15 000
Sources : DCP2, chapitre 1, tableau 1.3.
Note : Les AVCI gagnées par USD 1 million dépensé au titre d’une intervention varient considérablement d’un pays à l’autre et en fonction d’un grand nombre d’autres facteurs. Le tableau ci-dessus ne vise qu’à donner une idée très sommaire des gains de santé que les différentes interventions peuvent permettre de réaliser, et à montrer
qu’il existe une grande variation au niveau des gains que les différentes interventions (ou la même intervention appliquée de différentes manières) peuvent rapporter
avec le même montant.
ACT ~ polythérapie à base d’artémisinine
ITS ~ infection transmise sexuellement
TAR ~ thérapie antirétroviral
« … le fait de remédier à
une carence en vitamine A
en distribuant des capsules
produit sur la santé un
impact similaire à celui de
l’enrichissement du sucre
pour combler la même
carence ; cependant, le coût
par AVCI gagnée est d’environ 6 à 12 dollars pour la
distribution des capsules,
contre 33 à 35 dollars pour
l’enrichissement du sucre ».
54 | Priorités en matière de santé
sur la santé un impact similaire à celui de l’enrichissement du sucre pour
combler la même carence ; cependant, le coût par AVCI gagnée est d’environ 6 à 12 dollars pour la distribution des capsules, contre approximativement 33 à 35 dollars pour l’enrichissement du sucre. Autrement dit, pour
le même coût, la distribution des capsules pourrait permettre d’atteindre
trois à cinq fois plus de personnes que l’utilisation du sucre enrichi (DCP2,
chapitre 28). Cela montre clairement qu’il est possible de réaliser plus de
gains de santé en consacrant les ressources à la distribution des capsules.
Toutefois, même dans cet exemple simple, il conviendrait que les décideurs tiennent compte d’autres facteurs, et tout particulièrement du fait
que différentes interventions peuvent permettre d’atteindre des populations différentes. L’analyse coût-efficacité traite de la même manière toutes
les améliorations de la santé, tandis qu’en matière de politique publique, les
questions de distribution sont également importantes. Par exemple, il se
pourrait que la distribution des capsules n’atteigne que les personnes qui
se rendent aux centres de santé, et que le sucre enrichi ne parvienne qu’aux
personnes qui achètent du sucre. Selon les caractéristiques et les comportements de la population accusant une carence en vitamine A, l’enrichissement du sucre pourrait, en pratique, s’avérer à la fois plus efficace et plus
équitable. L’enrichissement du sucre serait toujours plus coûteux par AVCI,
aussi les décideurs devront-ils comparer le coût supplémentaire lié à la réalisation de résultats plus équitables par rapport à celui d’autres utilisations
des mêmes ressources économiques.
L’analyse coût-efficacité est par ailleurs utile pour comparer les interventions ciblant des maladies ou des facteurs de risque différents. Les rares
ressources permettent d’apporter plus d’améliorations dans le domaine de
la santé lorsqu’elles sont consacrées aux interventions plus efficaces au plan
économique. Si l’analyse coût-efficacité utilise le nombre des décès évités
lors de la mesure des gains de santé, l’affectation des ressources à des interventions plus efficaces au plan économique permettra d’éviter le plus de
décès. À titre d’exemple, le fait de dépenser 1 million de dollars pour élargir le plan de vaccination traditionnel afin d’intégrer un programme de rattrapage pour la vaccination contre la rougeole permettrait d’éviter entre
800 et 66 000 décès, en fonction de la prévalence de la rougeole. En
revanche, en consacrant le même montant à l’élargissement du programme
pour y intégrer le vaccin contre le Hib, l’on éviterait entre 10 et 800 décès,
contre 300 à 900 décès avec l’intégration du vaccin contre la fièvre jaune.
Si au contraire l’analyse utilise les AVCI comme mesure du progrès de la
santé, dans ce cas l’affectation des ressources aux interventions les plus efficaces au plan économique permettra d’obtenir un maximum d’années de
vie en bonne santé. À titre illustratif, l’investissement de 1 million de dollars
dans la distribution de la névirapine et de substituts du lait maternel pour
empêcher que les mères séropositives ne transmettent le VIH à leurs enfants
rapporterait un gain de 5 000 à 20 000 AVCI, tandis que le même montant
consacré à l’extension de la couverture vaccinale au moyen de vaccins
pédiatriques réguliers produirait un gain d’entre 50 000 et 500 000 AVCI.
Il s’ensuit que les décisions en matière de politiques publiques relatives
à la santé ne devaient pas reposer uniquement sur l’efficience économique ; cette dernière doit être complétée par des renseignements sur les
conséquences distributionnelles. Pour les autorités, ces deux types de renseignements déterminent les arbitrages inhérents à l’affectation des fonds
à différentes interventions.
« … le fait de dépenser
1 million de dollars. . . afin
d’intégrer un programme
de rattrapage pour la
vaccination contre la
rougeole permettrait
d’éviter entre 800 et
66 000 décès. . . ».
COMMENT LES DÉCIDEURS PEUVENT-ILS UTILISER
L’ANALYSE COÛT-EFFICACITÉ ?
Pour que l’analyse coût-efficacité fournisse de bons éléments d’orientation
en matière de politique, il convient de la compléter par des renseignements
essentiels sur le contexte plus général, en ce qui concerne tout particulièrement la charge de morbidité , la couverture existante des interventions
dans le domaine de la santé, et la capacité globale du système de santé.
Un facteur contextuel essentiel dans l’utilisation des informations relatives au rapport coût-efficacité de toute intervention est la charge de morbidité ou mortalité imposée par une maladie. Certaines interventions peuvent être plus efficaces du point de vue du coût, tout en ne touchant qu’un
petit nombre de personnes ou en n’apportant que de légères améliorations
à la santé (figure 3.1). À titre d’exemple, le traitement contre la leishmanioAnalyse coût-efficacité | 55
« . . . la charge de morbidité
évitable est un
renseignement essentiel
dont doivent disposer les
décideurs au moment de
choisir entre des
interventions ayant la
même efficience
économique ».
56 | Priorités en matière de santé
se est relativement efficace au plan économique, mais il n’est administré que
dans un nombre de cas comparativement réduit. En revanche, les antipaludiques et les moustiquaires traitées aux insecticides sont des mesures efficaces au plan économique qui, dans certains pays, permettraient d’éviter
une lourde charge de morbidité. Dans la mesure du possible, les pays financeraient toutes les mesures susceptibles d’améliorer la santé, mais chaque
pays étant confronté à des contraintes budgétaires ou de capacité de prestation des services, la charge de morbidité évitable est une information essentielle dont doivent disposer les décideurs au moment de choisir entre des
interventions ayant la même efficience économique.
Les interventions en matière santé qui sont de nature préventive sont en
général plus efficaces au plan économique dans les situations où la charge
de morbidité relative à la maladie ou au facteur de risque ciblé est élevée et
donc, où l’intervention permettra d’éviter davantage de cas. Pourtant, la
prévalence actuelle n’est pas toujours un bon facteur prédictif du rapport
coût-efficacité d’une intervention, tout particulièrement dans les situations
où le faible taux de prévalence est dû à l’efficacité des programmes de santé
publique. À titre d’exemple, la prévalence de la diphtérie, du tétanos, de la
coqueluche et de la rougeole est en général faible dans les pays ayant d’efficaces programmes de vaccination, mais le rapport coût-efficacité du programme de vaccination qui est nécessaire pour éviter la recrudescence de
ces maladies demeure passablement élevée.
Par ailleurs, la prévalence a un grand impact sur le rapport coût-efficacité du dépistage des maladies et, de manière indirecte, sur celle d’un régime
thérapeutique contre une certaine affection. Par exemple, le dépistage et le
traitement de l’hélicobacter, facteur de risque bactérien du cancer de l’estomac, ne sont pas efficaces au plan économique aux États-Unis, mais ils le
sont en Colombie, car la prévalence du cancer gastrique y est plus élevée et
bon nombre des coûts de traitement sont plus faibles (DCP2, chapitre 29).
L’efficience économique du dépistage des cancers et de nombreuses
autres maladies est fonction des coûts liés à la détection des cas, du nombre
de personnes qui ne suivent pas de traitement après le dépistage, et des coûts
directs du traitement. Bien entendu, si aucun traitement n’est disponible, le
dépistage ne sert à rien. La réalisation de tests d’anémie chez les malades du
sida est efficace au plan économique en ce qui concerne les patients traités
à la zidovudine, non seulement parce que le dépistage est relativement peu
coûteux (moins de 0,02 dollar par test d’anémie), mais aussi parce que
l’anémie se manifeste chez 10 % de ces patients. Lorsque les coûts sont plus
élevés ou quand la probabilité de développer les affections en question est
faible, le dépistage n’est peut-être pas efficace au plan économique.
Le rapport coût-efficacité est en outre influencé par les probabilités de
transmission. À titre illustratif, le dépistage sanguin universel du VIH est
certes coûteux, mais il est aussi efficace au plan économique, même dans
Figure 3.1 Efficacité des interventions
Élevé
Possibilités
inexploitées
Interventions
efficaces
au plan
économique
largement
utilisées
Faible
Coût-efficacité
Interventions
dont il est
inefficace
d’accroître
l’ampleur
Interventions
dont l’ampleur
doit être réduite
Faible
Élevé
Couverture courante
Source : DCP2, chapitre 2, p. 34.
les pays affichant une faible prévalence du VIH/SIDA, la probabilité d’infection à la suite d’une transfusion de sang contaminé étant si élevée —
près de 100 %.
Pour plusieurs raisons, un calendrier prévisionnel approprié est également impérieux dans l’évaluation de la valeur d’une charge de morbidité
et de la valeur d’une intervention. L’une des raisons en est que les gains
produits par l’intervention peuvent se matérialiser seulement à long terme,
de sorte que l’intervention semble efficace à long terme mais pas à court
terme. Le taux d’escompte revêt une grande importance dans cette comparaison, car il accorde moins de valeur aux résultats éloignés dans le
temps. Une autre raison en est qu’il peut s’avérer utile de répéter l’intervention pendant plusieurs années pour pouvoir réaliser les gains de santé
potentiels. Tel est le cas avec la TRO, qu’il faut parfois administrer maintes
fois au cours de plusieurs années pour prévenir les décès liés à la diarrhée
chez les jeunes enfants, et avec la prophylaxie à la pénicilline pour prévenir
les décès dus à l’infection chez les enfants souffrant de drépanocytose
(DCP2, chapitres 19 et 34). Enfin, une intervention peut comporter d’importants frais de lancement à amortir sur une certaine période. Le DCP2
utilise une période type de 10 ans dans de tels cas.
La couverture des interventions existantes constitue un autre facteur
contextuel qui est crucial dans l’utilisation de l’analyse coût-efficacité.
Lorsque les autorités décident du mode d’affectation des ressources, elles
peuvent comparer les interventions qui sont relativement plus ou moins
efficaces au plan économique, étant donné les services de santé actuels. À
titre d’exemple, certaines interventions peuvent être très efficaces, mais
avoir une faible couverture. De telles interventions représentent des possibilités inexploitées auxquelles les décideurs doivent accorder une plus
« … le dépistage sanguin
universel du VIH est certes
coûteux, mais il est aussi
efficace au plan économique, même dans les pays
affichant une faible prévalence du VIH/SIDA… ».
Analyse coût-efficacité | 57
grande attention. À moins qu’il n’existe d’autres facteurs défavorables, il
s’agit probablement d’interventions susceptibles d’avoir un grand impact
sur la santé à un coût relativement faible.
Le DCP2 présente en général les rapports coût-efficacité comme s’ils
étaient indépendants du niveau et de l’ampleur des interventions, alors que
le rapport coût-efficacité marginal varie aussi en fonction du niveau de la
couverture des services. Les frais engagés pour atteindre le premier 1 % de
la population peuvent être assez élevés lorsque les coûts fixes liés à l’achat
du matériel, à la formation du personnel et à la mise en place des systèmes
de gestion sont pris en compte, et ils peuvent rapporter relativement
moins d'améliorations de la santé. À mesure que s’étend la couverture, toutefois, le coût moyen peut diminuer et l’on peut assister à davantage d’améliorations dans le domaine de la santé, ce qui entraîne une amélioration
considérable du rapport coût-efficacité de l’intervention visant à atteindre
un groupe supplémentaire, comme par exemple le fait de passer d’une couverture de 50 % à 51 %. Dès que le taux de couverture est élevé, il peut
s’avérer encore une fois assez dispendieux d’atteindre le reste de la population — souvent constituée de groupes marginalisés —, et cela sans un progrès de la santé correspondant au coût élevé, ce qui réduit davantage l’efficience économique. Soit par exemple l’expérience de l’éradication de la
variole. À un certain stade de la campagne, de vastes régions du monde
étaient indemnes de variole et l’éradication dépendait de l’identification de
la poignée des dernières poches du virus et d’une intervention massive et
rapide pour mettre en quarantaine les personnes infectées et vacciner tout
le monde dans ces régions. Aujourd’hui, la campagne contre la polio est
confrontée à un problème similaire : il est beaucoup plus coûteux d’atteindre et de vacciner quelques enfants dans les régions rurales de l’Inde et
du Soudan que de traiter un plus grand nombre de personnes dans les
zones urbaines, mais l’élimination de la maladie peut justifier ces coûts élevés. Un processus similaire entre en jeu avec la mise à disposition des soins
de santé de base, dans la mesure où une telle intervention est en général
moins coûteuse par personne dans les régions densément peuplées que
celles où la population est plus éparse.
En plus de la prévalence de la maladie et de la couverture existante, les
décideurs doivent tenir compte d’autres facteurs locaux. Le DCP2 fournit
des estimations basées sur les moyennes régionales des prix unitaires1, mais
les prix locaux et la disponibilité des biens nécessaires à une intervention
peuvent varier de façon considérable par rapport aux moyennes régionales.
En conséquence, il importe par exemple de déterminer d’abord si les prix
d’un pays donné sont proches ou nettement éloignés de la moyenne régio1
Lorsque les données sur les prix n’existaient que dans quelques pays de la région, les auteurs
du DCP2 ont essayé de choisir le prix le plus susceptible d’être représentatif pour la région en
question, même s’il ne s’agissait pas d’une moyenne calculée.
58 | Priorités en matière de santé
nale, puis si les prix des principaux paramètres ou biens ont changé depuis
l’analyse initiale. L’un des changements les plus radicaux depuis la parution
de la première édition de Disease Control Priorities in Developing Countries
(Jamison et al. 1993) a été la chute des prix de médicaments antirétroviraux.
Il s’ensuit que la thérapie antirétrovirale (TAR) est considérablement plus
efficace au plan économique aujourd’hui qu’il y a une décennie. Des baisses
supplémentaires des coûts des tests de diagnostic et d’autres formes de prestations peuvent améliorer encore davantage le rapport coût-efficacité de la
TAR dans un avenir proche.
Enfin, le rapport coût-efficacité de la plupart des interventions en matière de santé est également fonction de l’efficacité du fonctionnement du système de santé (DCP2, chapitre 3). Dans leurs calculs des rapports coût-efficacité, la majorité des auteurs des chapitres du DCP2 tiennent pour acquis
qu’un système de santé fonctionnel est disponible pour mettre en œuvre
l’intervention ; toutefois, il s’agit là d’une hypothèse dont la validité varie
considérablement d’un pays à l’autre. Si le système de santé d’un pays est
particulièrement faible, les interventions qui font grandement appel aux
professionnels médicaux, à des traitements complexes ou à des systèmes
d’information avancés ne seront en pratique pas aussi efficaces au plan économique que dans des pays disposant de systèmes de santé plus solides.
L’expérience de l’adoption de la prise en charge intégrée des maladies de
l’enfant (PCIME) (DCP2, chapitre 63) montre dans quelle mesure un système de santé qui fonctionne peut influer sur le rapport coût-efficacité des
interventions en matière de santé. Il ressort des expériences de plusieurs
districts du Brésil et de la Tanzanie que l’ensemble des interventions de
PCIME peuvent permettre non seulement d’améliorer les résultats en
matière de santé chez les enfants, mais aussi de réaliser des économies en
réduisant les soins contre-indiqués et l’utilisation excessive de médicaments. Cependant, dans la plupart des pays à revenu faible ou intermédiaire, l’ensemble des interventions de PCIME se sont heurtées à des difficultés de mise en œuvre et n’ont pas pu réaliser leur promesse de rapport
coût-efficacité , en raison du fort taux de roulement et d’attrition du personnel qualifié, ainsi que de l’insuffisance du matériel et des fonds.
RÉCAPITULATIF DE L’UTILISATION JUDICIEUSE
DE L’ANALYSE COÛT-EFFICACITÉ
Utiliser efficacement les ressources revient à consacrer les fonds aux interventions influant sur la santé, ce qui nécessite certes des connaissances
scientifiques sur les facteurs de risque, les maladies, la biochimie, le comportement social, etc., mais ce savoir scientifique ne permet pas à lui seul
de déterminer les interventions qui auront le plus d’impact. Afin de déterAnalyse coût-efficacité | 59
miner la meilleure manière d’affecter les fonds publics, les décideurs ont
besoin de renseignements sur les coûts relatifs pour établir la combinaison
d’interventions pouvant apporter le plus d’améliorations à la santé.
L’analyse coût-efficacité est un outil permettant aux décideurs de mesurer
les différents coûts et les résultats en matière de santé lorsqu’ils doivent
prendre des décisions relatives à l’affectation des ressources. Pour ce faire,
l’analyse donne aux décideurs le « prix » de la réalisation des améliorations
dans le domaine de la santé au moyen de différents types d’interventions
et, partant, elle les aide à prendre des décisions qui leur permettent de tirer
le meilleur parti de leurs ressources financières.
En fin de compte, le fait de savoir quelles interventions sont efficaces et
à quel coût doit être tempéré par la connaissance des institutions et la maîtrise de la mise en œuvre. Seule la combinaison des connaissances scientifiques et pratiques peut permettre aux décideurs d’identifier les interventions qui auront le plus grand impact en pratique. Par conséquent, les analyses coût-efficacité présentées dans le DCP2 et dans le présent ouvrage
apportent une importante contribution aux débats plus larges sur les décisions en matière de politiques publiques relatives à la santé.
Le DCP2 réunit les meilleurs éléments probants qui existent sur l’efficience économique des différentes interventions. Pour utiliser judicieusement ces chiffres, les lecteurs doivent :
• considérer les rapports coût-efficacité indiqués pour leur région comme
une première approximation, et classer les interventions selon des catégories qui sont larges ;
• établir si les ratios calculés seraient considérablement différents dans
leur pays en raison des prix, des données démographiques, de
l’épidémiologie, ou si la couverture des services serait sensiblement différente de la moyenne régionale ;
• déterminer si les interventions efficaces au plan économique s’attaqueraient aux principales sources de la charge de morbidité dans leur pays ;
• établir si les interventions efficaces au plan économique seraient
faisables compte tenu des institutions existantes et des expériences en
matière de mise en œuvre dans leur pays ;
• évaluer les interventions efficaces au plan économique du point de vue
de la manière dont elles distribueraient les améliorations en matière de
santé, et déterminer si cela serait équitable dans leur pays.
Au terme d’un tel examen des éléments de preuve réunis à l’échelle
internationale, les pays seront en mesure d’améliorer la santé de leurs
populations car ils pourront évaluer explicitement les coûts et les conséquences des différentes options.
60 | Priorités en matière de santé
Chapitre 4
Stratégies efficaces au plan économique
pour alléger l’excédent de morbidité
dans les pays en développement
Bon nombre des maladies et des affections qui représentent une grande partie de l'excédent de morbidité dans les pays à revenu faible ou
intermédiaire sont nettement moins répandues dans les pays à revenu
élevé. Les excédents sont principalement liés aux maladies infectieuses,
à la santé génésique et aux maladies de l’enfant. Huit maladies et affections sont à elles seules à l’origine de 29 % de tous les décès enregistrés
dans les pays à revenu faible ou intermédiaire : tuberculose, VIH/SIDA,
maladies diarrhéiques, maladies de l’enfant pouvant être prévenues par
un vaccin, paludisme, infections respiratoires, affections maternelles et
décès néonatals.
Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, environ 17,6 millions
de personnes meurent chaque année de maladies transmissibles et d’affections maternelles et néonatales. A la fois la fréquence de telles maladies et affections et les taux de décès connexes sont nettement plus
faibles dans les pays à revenu élevé. Cette situation tient en partie au fait
que ces pays sont plus riches, que les conditions de vie générales y sont
meilleures, que les facteurs climatiques et environnementaux y sont
différents, mais aussi qu’on y recourt à des interventions en matière de
santé efficaces du point de vue coût. Nombre de ces maladies auxquelles sont imputables les plus grandes différences, au niveau l’état de
santé, entre les pays à revenu faible ou intermédiaire et les pays à revenu élevé, sont par ailleurs des maladies pour lesquelles il existe des stratégies efficaces au plan économique connues, disponibles et qu’il est
possible de mettre en place.
Si les pays à revenu faible ou intermédiaire enregistraient les mêmes
taux de décès dus à ces maladies que les pays à revenu élevé, le nombre
des décès y baisserait de 17,6 millions à 3 millions par an. La différence, soit quelque 14 millions de décès, représente une mesure de l'excédent de morbidité sous lequel ploient les pays à revenu faible ou inter61
« Les maladies infectieuses
sont à l’origine de moins de
médiaire. L’application de mesures efficaces au plan économique
connues contre ces maladies pourrait réduire considérablement de
nombreux décès inutiles.
Un nombre de mesures efficaces du point de vue du coût pour s’attaquer aux maladies transmissibles et aux affections maternelles et néonatales étaient déjà connues au moment de la publication de la première édition de Disease Control Priorities in Developing Countries
(Jamison et al. 1993). Il avait été prouvé que la TRO était efficace au
plan économique pour réduire les décès liés à la diarrhée chez les
enfants. Les soins prénataux et les accouchements en présence d’un
personnel qualifié, la vaccination contre le tétanos et les soins hygiéniques du cordon ombilical des nouveau-nés, l’immunisation contre
les maladies infantiles, la stratégie DOTS (traitement de brève durée
sous observation directe) pour enrayer la tuberculose étaient également des mesures efficaces connues pour s’attaquer à cet excédent de
morbidité. Le DCP2 présente certes des informations confirmant
nombre de ces constatations antérieures, mais il passe aussi en revue les
nouveaux éléments de preuve concernant par exemple l’apparition de
souches pharmacorésistantes de paludisme, de tuberculose et de VIH,
et la grande concentration de décès d’enfants qui se produisent pendant les 28 premiers jours de vie.
Le présent chapitre ne peut examiner que quelques-unes des maladies couvertes dans le DCP2 et qui sont à l’origine de l'excédent de morbidité que supportent les pays à revenu faible ou intermédiaire. (Pour
une liste complète des maladies transmissibles et des affections maternelles et néonatales couvertes dans le DCP2, se reporter à l’encadré 1.1
du chapitre 1 et à l’appendice). Par ailleurs, la présentation ci-après ne
peut mettre en exergue que quelques-unes des constatations relatives à
chacune des maladies examinées. Pour une description plus étoffée et
plus exhaustive, se référer aux chapitres connexes du DCP2 auxquels
des renvois sont faits dans le présent chapitre.
2 % des décès dans les
pays à revenu élevé, mais
de. . . 21 % des décès
dans les pays à revenu
faible ou intermédiaire ».
62 | Priorités en matière de santé
MALADIES INFECTIEUSES ET TRANSMISSIBLES
Les maladies infectieuses sont à l’origine de moins de 2 % des décès
dans les pays à revenu élevé, mais elles sont la cause de 21 % des décès
dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Les maladies infectieuses
mettent à jour une différence flagrante au niveau de l’état de santé entre
pays riches et pays pauvres, et qui est attribuable précisément à l’existence d’interventions efficaces au plan économique pour prévenir et
traiter un si grand nombre d’entre elles.
Les maladies infectieuses posent un éventail de problèmes. Certaines
se transmettent soit directement d’une personne à une autre, soit par
contact avec les insectes ou d’autres animaux. Le système immunitaire
de l’organisme humain résiste facilement à certaines d’entre elles, tandis que d’autres, notamment les maladies auto-immunitaires, attaquent
et affaiblissent le système immunitaire lui-même. Certaines présentent
des symptômes visibles et manifestes dans un court délai, alors que
d’autres restent à l’état latent pendant des années avant de devenir évolutives. Les maladies infectieuses varient par ailleurs selon leur virulence, leur transmissibilité et leur durée ; de plus, certains agents infectieux
deviennent plus rapidement résistants aux traitements que d’autres.
Trois maladies transmissibles, à savoir le VIH/SIDA, la tuberculose
et le paludisme, sont à l’origine d’environ 10 % des décès dans les pays
à revenu faible ou intermédiaire. Un examen de ces trois maladies seulement laisse entrevoir l’immense variété des maladies infectieuses et
démontre pourquoi les stratégies pour s’y attaquer doivent être si différentes. Le VIH/SIDA se transmet principalement par contact sexuel,
la tuberculose par inhalation de gouttelettes infectieuses dans l’air, et le
paludisme exclusivement par piqûre d’insecte. Le VIH/SIDA s’attaque
au système immunitaire de l’organisme, tandis que la tuberculose
attaque principalement les poumons, le paludisme affectant quant à lui
le système sanguin et pouvant attaquer le cerveau, le foie et d’autres
organes. Le VIH/SIDA non traité est presque invariablement mortel,
tout comme la tuberculose et le paludisme peuvent être mortels.
En outre, 10 % des décès enregistrés dans les pays à revenu faible ou
intermédiaire sont attribués à d’autres maladies causées par des agents
infectieux ou transmissibles. Pour nombre de ces maladies, telles que la
coqueluche, le tétanos et la diphtérie, il existe des vaccins et obtenir une
couverture universelle est faisable. Néanmoins, des millions d’enfants
ne sont pas vaccinés et risquent par conséquent de tomber malades ou
de mourir. Les infections occasionnent par ailleurs des maladies diarrhéiques pouvant entraîner des décès inutiles lorsque les enfants sont
mal soignés et meurent de déshydratation.
«… le VIH/SIDA, la
tuberculose et le paludisme
VIH/SIDA
sont à l’origine d’environ
Le VIH s’est propagé dans le monde entier en un bref laps de temps,
mais il s’est concentré de manière disproportionnée dans les pays à
faible revenu1. En 2004, quelque 2,9 millions de décès attribués au sida
10 % des décès dans les
pays à revenu faible ou
intermédiaire ».
1
Cette partie est basée sur les chapitres 17 et 18 du DCP2.
Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 63
« En 2004, quelque 2,9
millions de décès attribués
au sida se sont produits
dans les pays à revenu
faible ou intermédiaire,
contre environ 22 000 dans
les pays à revenu élevé ».
64 | Priorités en matière de santé
se sont produits dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, contre
environ 22 000 dans les pays à revenu élevé. L’Afrique subsaharienne
est la région la plus touchée par l’épidémie. Bien qu’elle n’abrite que
10 % de la population mondiale, on y dénombre 66 % de tous les cas
de VIH et plus de 75 % des décès liés au sida. Les pays d’Asie et du
Pacifique n’ont pas des taux de prévalence élevés comme ceux
d’Afrique subsaharienne, mais leurs populations sont de taille importante et la prévalence y augmente. En 2004, cette région a enregistré à
peu près 505 000 décès liés au sida, soit approximativement 17 % de
tous les cas de décès liés au sida.
Lorsque cette maladie a été identifiée pour la première fois au début
des années 80, la plupart des personnes vivant avec le VIH/SIDA
étaient des hommes. La proportion des femmes touchées par l’épidémie a régulièrement augmenté : en 2004, les femmes et les jeunes filles
représentaient près de 50 % de toutes les personnes vivant avec le
VIH/SIDA, et elles constituaient 57 % des personnes infectées en
Afrique subsaharienne.
La transmission du VIH se fait essentiellement par voie sexuelle,
laquelle est à l’origine d’environ 80 % des infections. Le VIH se transmet également par exposition à du sang contaminé, ainsi que de la
mère à l’enfant pendant l’accouchement ou l’allaitement. Les efforts
pour enrayer l’épidémie sont basés sur des stratégies préventives. Dans
le cas de la transmission sexuelle et de l’exposition à du sang contaminé, les mesures de ce genre consistent notamment à sensibiliser les
populations au mode de transmission, à encourager l’utilisation des
préservatifs et la réduction des contacts sexuels avec de multiples partenaires, à soumettre au test de dépistage le sang destiné à la transfusion, à créer des programmes d’échange d’aiguilles à l’intention des
consommateurs de drogues injectables, et à promouvoir l’accès universel à des aiguilles stérilisées dans les lieux de soins. Les médicaments
antirétroviraux peuvent être utilisés à des fins de prévention de la
transmission de la mère à l’enfant (PTME) pendant l’accouchement ;
on peut également réduire la transmission périnatale en limitant la
durée de l’allaitement maternel et en évitant l’allaitement mixte. Les
stratégies de lutte contre l’épidémie doivent en outre prévoir des
régimes de traitement utilisant la thérapie antirétrovirale (TAR),
laquelle peut prolonger la vie et améliorer la qualité de la vie des personnes vivant avec le sida.
En dépit de ces initiatives, les efforts consentis à l’échelle mondiale
se sont avérés insuffisants pour juguler la propagation de la pandémie
ou pour prolonger la vie de la majorité des personnes infectées. Le
niveau de succès souhaité n’a pas encore été atteint pour plusieurs rai-
sons. La plupart des personnes qui pourraient tirer parti des stratégies
de lutte existantes (notamment le traitement) n’y ont pas accès. Des
chercheurs ont modelisé l’épidémie et ont établi que les interventions
existantes pourraient permettre de prévenir 63 % de tous les cas d’infection qui, selon les prévisions, se produiront entre 2002 et 2010.
Toutefois, pour le moment, moins d’une personne à risque élevé d’infection sur cinq a accès aux services de prévention les plus élémentaires, notamment les préservatifs, l’éducation au sujet du sida, la
PTME, le conseil bénévole et le dépistage, et les programmes de lutte
contre l’ostracisme et la discrimination. En outre, les soins donnés aux
personnes séropositives ont de tout temps été limités dans les pays en
développement, et la couverture au moyen de la TAR n’a pas été étendue à la plupart des habitants des pays disposant de peu de ressources
(les exceptions notables sont celles de l’Argentine, du Brésil et du
Mexique). En bref, les programmes nationaux ont manqué de moyens
pour adopter une approche globale de lutte contre le VIH/SIDA.
Un autre formidable obstacle entravant la mise au point de stratégies judicieuses de lutte contre le VIH/SIDA est le manque de données
sur la meilleure manière de mettre en œuvre les ensembles d’interventions existantes à une échelle appropriée pour protéger les droits des
populations touchées par l’épidémie. Au cours de la dernière décennie,
les gouvernements et les ONG ont acquis une expérience limitée mais
précieuse des stratégies de prévention et de traitement dans un large
éventail de milieux, ce qui rend possible l’identification et la diffusion
des principes généraux de succès. L’épidémie a toutefois continué de se
propager, mais beaucoup moins rapidement dans les pays — notamment le Brésil, le Mexique, le Sénégal, la Thaïlande et l’Ouganda — où,
dans les politiques nationales, l’on a pris au sérieux l’épidémie du sida
et mis en œuvre des programmes nationaux de lutte contre cette maladie (voir encadrés 4.1 et 4.2). Ces programmes qui ont porté leurs fruits
présentaient plusieurs caractéristiques communes, dont un degré élevé
d’initiative politique, un engagement actif de la société civile et des
dirigeants religieux, des programmes axés sur la population et conçus
pour modifier les normes sociales, la promotion de l’utilisation des
préservatifs, la surveillance des infections transmises sexuellement
(ITS) et la lutte contre ces dernières, des programmes de lutte contre
l’ostracisme et la discrimination, et des interventions ciblant les principales populations « passerelles ».
Le plus grand obstacle bridant l’efficacité de la lutte mondiale contre
le VIH/SIDA est, cependant, peut-être celui du manque de données
scientifiques fiables pour guider le choix des interventions en matière de
prévention et de traitement ciblant des régions ou des populations pré-
«… les interventions
existantes pourraient
permettre de prévenir 63 %
de tous les cas d’infection
qui, selon les prévisions,
se produiront entre 2002
et 2010 ».
« L’épidémie a… continué
de se propager, mais beaucoup moins rapidement
dans les pays… où, dans
les politiques nationales,
l’on a pris au sérieux
l’épidémie du sida … ».
Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 65
cises. De la même manière que les décideurs à l’échelle mondiale reconnaissent de plus en plus la nécessité d’évaluer de façon rigoureuse les
programmes de développement afin d’en assurer le succès et d’éliminer
les gaspillages, les évaluations scientifiques fiables des programmes de
lutte contre le sida s’avèrent d’une nécessité primordiale, pour des raisons similaires. En raison du manque de données relatives à l’efficacité
et au coût des interventions qui sont nécessaires pour guider une prise
de décision éclairée, l’affectation courante des ressources de prévention
du VIH/SIDA est rarement basée sur des éléments probants.
Néanmoins, malgré la pénurie des données sur l’efficacité et les
coûts des diverses stratégies de lutte, l’action s’impose. Des directives
ont été élaborées pour guider la sélection de stratégies appropriées de
prévention et de traitement basées sur le profil épidémiologique d’un
pays (caractérisation d’épidémies spécifiques, à la lumière de la prévalence de l’infection au sein de populations clés précises, telles que les
professionnels du sexe, les hommes qui ont des rapports sexuels avec
des hommes ou les consommateurs de drogues intraveineuses, et au
sein de la population générale) et le contexte politique, culturel et économique propre au pays en question.
Encadré 4.1 L’épidémie du VIH/SIDA en Ouganda
À l’instar de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, l’Ouganda a connu une croissance
rapide de l’incidence du VIH et une généralisation de l’épidémie à la fin des années 80
et au début des années 90. En 1991, la prévalence globale du VIH était de 21 % (LowBeer et Stoneburner 2003) ; cependant, la trajectoire de l’épidémie en Ouganda s’est
distinguée remarquablement de celle des pays voisins. En 2001, la prévalence globale
du VIH avait baissé à 5 %, avec des réductions spectaculaires de l’incidence au sein des
populations clés, telles que les soldats, les femmes enceintes et les jeunes femmes
(USAID 2002). Les composantes cruciales du programme ougandais de prévention du
VIH étaient les suivantes :
•
solide appui politique, surtout de la part du président Yoweri Museveni
•
interventions en faveur de l’autonomisation des femmes et des filles
•
concentration intense sur les jeunes
•
efforts pour lutter activement contre la stigmatisation et la discrimination
•
accent sur une communication ouverte au sujet du VIH/SIDA
•
mise à contribution des dirigeants religieux et des organismes confessionnels
•
établissement des premières interventions confidentielles en matière de conseil bénévole et de dépistage
•
accent sur la lutte contre les ITS et la prévention de celles-ci.
Source : DCP2, chapitre 18, encadré 18.5.
66 | Priorités en matière de santé
Encadré 4.2 Programme « Utilisation à 100 % des préservatifs »
en Thaïlande
La prévalence du VIH en Thaïlande, stimulée principalement par des taux élevés d’activités sexuelles professionnelles et de faibles taux d’utilisation des préservatifs, a commencé à s’accroître rapidement à la fin des années 80. À partir de 1989, le
Gouvernement thaïlandais a lancé une campagne nationale d’éducation et de distribution de préservatifs ciblant les professionnels du sexe et leurs clients, afin d’assurer une
utilisation à 100 % des préservatifs lors de tous les rapports sexuels professionnels. Les
éléments qui auraient contribué au succès du programme sont les suivants :
•
imposition, par le gouvernement, de l’utilisation à 100 % des préservatifs dans les
établissements de commerce du sexe
•
campagne publicitaire massive de promotion des préservatifs
•
éducation dans les lieux d’activités sexuelles professionnelles
•
distribution de préservatifs par l’État
•
dépistage et traitement des ITS
•
surveillance des infections et repérage de leur source
•
solide engagement politique et financier
•
participation active des administrations provinciales et locales.
Malgré ce succès sans précédent, les données scientifiques donnent à croire que l’application du Programme « Utilisation à 100 % des préservatifs » n’est plus aussi rigoureuse aujourd’hui qu’au début de sa mise en œuvre. Il ressort d’une étude menée
récemment à Bangkok que 89 % des professionnels du sexe utilisent les préservatifs,
soit une baisse par rapport au taux de 2000 qui s’élevait à 96 % (PNUD 2004).
Source : DCP2, chapitre 18, encadré 18.4.
Ces catégories sont énumérées au tableau 4.1 intitulé « Profils épidémiques » (la catégorie d’épidémie généralisée étant à son tour subdivisée en catégories « à faible niveau » et « à niveau élevé »). Ces catégories peuvent servir à mettre au point des directives en matière de prévention.
Dans les pays où la prévalence de l’infection à VIH est faible, il
demeure impérieux d’intervenir de façon rapide et efficace. La collecte
des données est essentielle pour évaluer les progrès de l’épidémie et
guider les politiques publiques. L’établissement du profil des populations clés pour comprendre les comportements liés à l’infection et le
suivi du taux d’infection peuvent fournir de précieux renseignements
permettant d’adopter des mesures appropriées et opportunes. Des
connaissances élémentaires sur le mode de transmission du VIH et sur
la manière de se procurer et d’utiliser les préservatifs doivent être difStratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 67
« … [là] où la prévalence
de l’infection à VIH est
faible, il demeure impérieux
d’intervenir de façon
rapide et efficace ».
fusées dans le cadre de campagnes restreintes dans les mass médias et
les programmes scolaires. Dans de telles activités d’information, d’éducation et de communication (IEC), il convient de tenir compte des attitudes dominantes vis-à-vis de l’activité sexuelle, car elles déterminent
la manière dont les populations perçoivent le matériel éducatif. Dans
les politiques de santé publiques, l’on doit par ailleurs veiller à ce que
les préservatifs soient facilement disponibles dans les circuits existants,
tels que les pharmacies, les cliniques et les magasins d’alimentation. En
outre, les établissements de santé doivent soumettre au test de dépistage tous les produits sanguins destinés à la transfusion, et utiliser des
aiguilles stérilisées pour toutes les injections, car le taux de transmission du virus par ces voies est élevé. Par ailleurs, étant donné que l’infection se propage si rapidement chez les consommateurs de drogues
intraveineuses, il importe de mettre en place des programmes de prévention ciblant cette population clé, y compris dans les milieux où l’infection est relativement peu connue.
Dans les pays où l’épidémie est concentrée, des mesures supplémentaires s’imposent. Les programmes visant à prévenir la transmission au sein des populations clés dont les risques de contracter ou de
transmettre l’infection sont tout particulièrement élevés revêtent une
importance particulière, notamment le conseil bénévole et le dépistage à l’intention des particuliers, et les programmes basés sur l’action
des « pairs » et portant sur l’éducation des personnes à risque, la promotion de comportements sûrs et la distribution des préservatifs. Il
convient de promouvoir le dépistage et le traitement des ITS, et d’offrir aux femmes enceintes qui présentent un profil à haut risque des
Tableau 4.1 Profils épidémiques
Plus forte prévalence au sein
de la population clé
(professionnels du sexe,
consommateurs de drogues
injectables, hommes ayant des
rapports sexuels avec des hommes)
Prévalence au sein
de la population
générale
Régions de l’OMS
Niveau faible
⬍ 5%
⬍ 1%
Moyen-Orient et Afrique du Nord
Concentrée
⬎ 5%
⬍ 1%
Asie de l’Est et Pacifique, Europe et
Asie centrale, Amérique latines et
Caraïbes, Asie de l’Est
Généralisée à faible niveau
ⱖ 5%
1–10%
Afrique subsaharienne
Généralisée à niveau élevé
ⱖ 5%
ⱖ 10%
Afrique subsaharienne
Source : ONUSIDA, 1997.
68 | Priorités en matière de santé
services de dépistage et de traitement du VIH, à la fois à leur propre
profit et pour réduire la probabilité de la transmission de la mère à
l’enfant.
Dans le cas d’une épidémie généralisée à faible prévalence, comme
en Tanzanie, il convient de maintenir ou même de renforcer la priorité
accordée aux interventions ciblées, mais les interventions visant de plus
grands groupes de populations doivent également être mises en œuvre
avec vigueur. Ces priorités en matière de prévention doivent porter sur
la surveillance des ITS, des comportements à risque et des infections à
VIH dans l’ensemble de la population, avec un accent particulier sur les
jeunes gens ; l’extension des campagnes d’IEC dans les mass médias audelà de l’éducation de base ; la promotion, au-delà des populations clés,
de l’administration systématique de tests volontaires et confidentiels de
VIH, ainsi que du dépistage et du traitement des ITS ; la vente de préservatifs subventionnés et leur commercialisation sociale, ainsi que le
renforcement de leur distribution pour en assurer un accès universel ;
la mise à disposition de services de dépistage du VIH à toutes les
femmes enceintes ; et l’élargissement des approches axées sur les pairs
et des campagnes ciblées d’IEC pour couvrir toutes les populations
présentant des taux plus élevés d’ITS et de comportement à risque.
Une épidémie généralisée à niveau élevé, telle qu’observée au
Botswana et au Zimbabwe, constitue une situation d’urgence nationale qui appelle une intervention publique la plus vigoureuse possible. Il
convient de promouvoir à l’échelle universelle l’administration courante de tests du VIH et le dépistage systématique des ITS. L’on doit élaborer des stratégies novatrices de masse pour mettre l’information, les
services de dépistage et les préservatifs à la disposition d’un grand
nombre de personnes — par exemple dans le milieu du travail, dans les
lieux de passage, lors des rassemblements politiques, dans les écoles et
les universités, dans les camps militaires, et par le biais des brigades de
jeunes, des syndicats de travailleurs, et des mouvements d’agriculteurs.
Il est impératif de distribuer gratuitement des préservatifs dans tous les
lieux possibles. Il faut promouvoir le conseil bénévole et le dépistage
auprès de tous les couples qui entretiennent des rapports sexuels. La
pauvreté, l’éducation et le statut social de la femme, qui sont d’importants facteurs dans toutes les épidémies, doivent être au centre des préoccupations. Des mesures prioritaires doivent être adoptées pour
modifier les normes relatives à chacun des sexes et réduire les restrictions économiques, sociales et juridiques auxquelles sont soumises les
jeunes filles et les femmes.
Outre ces stratégies préventives, des stratégies appropriées de soin et
de traitement sont nécessaires. Les chercheurs ont mis au point de nou-
«… une épidémie
généralisée à niveau
élevé… constitue une
situation d’urgence
nationale qui appelle
une intervention publique
la plus vigoureuse
possible ».
Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 69
« Il est également
possible d’améliorer et de
prolonger la vie des
personnes infectées par le
VIH/SIDA grâce à un appui
psychosocial, au traitement
des infections opportunistes, à la TAR, et aux
soins palliatifs… ».
velles thérapies pour soigner le VIH/SIDA, dont certaines sont plus
faciles à administrer et moins toxiques que leurs prédécesseurs. Le traitement devient aussi une réalité pour nombre d’habitants de pays disposant de peu de ressources, car les prix des médicaments antirétroviraux ont baissé en raison des négociations internationales avec les compagnies pharmaceutiques et des pressions politiques exercées sur ces
dernières, ainsi que de la fabrication de médicaments génériques, et des
changements apportés à la politique commerciale internationale afin
de permettre la concession de brevets obligatoires pour l’utilisation des
produits pharmaceutiques dans les situations d’urgence et de faciliter
l’importation de produits génériques. À mesure que la TAR devient
disponible à plus grande échelle, la résistance du VIH à un nombre de
régimes de médicaments antirétroviraux se manifeste, ce qui oblige fréquemment les patients à passer des médicaments donnés en première
intention de traiter à ceux de deuxième intention, dont les prix sont
plus élevés et les effets secondaires plus graves.
Il est également possible d’améliorer et de prolonger la vie des personnes infectées par le VIH/SIDA grâce à un appui psychosocial, au
traitement des infections opportunistes, à la TAR, et aux soins palliatifs, lesquels sont donnés non seulement au dernier stade de la vie et
pour la maîtrise de la douleur, mais aussi pour résoudre les problèmes
psychologiques, sociaux et spirituels des patients et de leurs familles.
Les soins aux personnes en fin de vie peuvent être délivrés dans de
nombreux milieux, des hôpitaux aux domiciles des patients et aux hospices. Nombre de mesures peu coûteuses pour traiter la douleur2, la
diarrhée, la nausée et les affections de la peau3 des personnes infectées
sont disponibles et elles peuvent améliorer la qualité de vie des patients.
Les suppléments de micronutriments, qui ne coûtent que 15 dollars par
an, peuvent augmenter le poids corporel, réduire la charge virale du
VIH, accroître le nombre de CD4, et réduire les infections opportunistes chez les personnes séropositives. Malgré le large éventail et le
faible coût des interventions pour soigner les symptômes chez les personnes vivant avec le VIH/SIDA, le besoin de soins palliatifs à donner à
de telles personnes est loin d’être comblé.
Les campagnes massives d’éducation peuvent réduire la stigmatisation
associée à l’infection à VIH et permettre aux patients de rester actifs au
sein de leur communauté. Le soutien psychologique direct peut également avoir des effets importants. Il ressort des études menées en Afrique
du Sud et en Thaïlande que l’accès aux services de santé mentale et au
2
3
70 | Priorités en matière de santé
Voir DCP2, chapitre 52.
Voir DCP2, chapitre 37.
conseil contribue considérablement à la qualité de la vie des patients et
est même associé, dans certains cas, à une réduction de la mortalité.
Le diagnostic, le traitement, et la prise en charge des infections
opportunistes potentiellement mortelles restent l’un des plus importants aspects des soins aux patients atteints du VIH. Lorsque le VIH
commence à affaiblir le système immunitaire des patients, ce qui tend à
se produire cinq à sept ans après l’infection, les bactéries, les champignons, les virus et même les cancers qui auraient autrement été contenus deviennent actifs et nuisibles. Certaines infections telles que la
pneumonie, la tuberculose4 et la candidose orale et œsophagienne sont
relativement faciles à diagnostiquer et leur traitement est efficace au plan
économique, tandis que d’autres, comme le cytomégalovirus et le complexe Mycobacterium avium sont difficiles à diagnostiquer et leur traitement est coûteux. Dans ce dernier cas, la TAR, qui réduit la charge
virale du VIH et, partant, améliore le système immunitaire, peut présenter un meilleur rapport coût-efficacité que le traitement de l’infection elle-même. La prévention de certaines infections opportunistes est
efficace du point de vue du coût, et une simple prophylaxie, telle que le
co-trimoxazole qui prévient la pneumonie Pneumocystis jiroveci, a des
effets positifs sur la survie. Cela étant, la prophylaxie des infections
opportunistes est sous-utilisée dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, et malheureusement ses avantages sont de courte durée car elle
n’arrête pas la dégradation inexorable du système immunitaire chez les
personnes infectées. La seule manière d’arrêter la progression de la
maladie chez ces personnes est d’interrompre la réplication virale au
moyen de la TAR.
Les perspectives de traitement des personnes séropositives au moyen
de médicaments antirétroviraux dans les pays à revenu faible ou intermédiaire se sont améliorées, mais la TAR continue d’être coûteuse et de
présenter un problème complexe. Dans certains pays en développement le coût de la TAR a diminué, passant de 15 000 dollars par patient
par an à moins de 150 dollars par an. Avec ce prix moins élevé, la TAR
est désormais à la portée de nombreux pays à revenu intermédiaire,
mais elle reste un lourd fardeau pour les pays à faible revenu, où les
dépenses annuelles au titre de la santé publique s’élèvent souvent à
moins de 20 dollars par habitant par an. L’OMS et le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA estiment que seulement 7 %
environ des près de 6 millions de personnes ayant besoin de traitement
seront soignés, et que le nombre de patients nécessitant la TAR augmente de 8 000 chaque jour.
4
Voir DCP2, chapitre 16.
Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 71
« Il convient d’approfondir
nettement la recherche sur
l’efficience économique des
interventions contre le
VIH/SIDA . . . ».
72 | Priorités en matière de santé
Le DCP2 (chapitre 18) décrit les divers régimes disponibles pour le
traitement de première intention du VIH/SIDA lorsqu’il n’y a pas pharmacorésistance, et pour les thérapies de deuxième ou troisième intention de traiter en cas de pharmacorésistance. Dans les pays en développement, les médicaments préférés de première intention sont dictés
par l’efficacité différentielle d’un nombre de combinaisons, ainsi que
par des considérations liées au prix et au brevet. La quasi-totalité des
TAR hautement actives comportent certains effets secondaires, allant
de celles qui sont assez simples à traiter (par exemple l’anémie, soignée
avec un apport de fer) à celles qui sont plus complexes (la lipodystrophie et la maladie cardiovasculaire).
Pour tirer pleinement parti de la TAR, l’adhésion au traitement doit
être carrément parfaite (supérieure à 90 %) ; dans les cas d’adhésion
non-optimale, la résistance peut se produire dans un délai de deux
semaines seulement. Les expériences avec la TAR en Haïti et en
Ouganda ont montré que dans les pays à faible revenu, les programmes
appliquant le traitement sous observation directe peuvent réaliser des
taux d’adhésion au régime médicamenteux qui sont élevés, voire parfois supérieurs à ceux des pays riches. Néanmoins, l’on ne peut tenir
pour acquis un fort taux d’adhésion, car des études menées en Inde, au
Mexique et au Sénégal y ont révélé de faibles niveaux d’adhésion, d’où
le besoin d’approfondir la recherche sur l’efficacité des interventions
pour accroître l’adhésion.
Pour s’attaquer à l’épidémie du VIH, il convient d’apprécier les
innombrables liens qui existent entre la technologie, l’économie, la
politique et le comportement. Lorsque les dirigeants politiques et les
célébrités apportent leur soutien aux campagnes publiques de sensibilisation et de normalisation des débats publics sur le VIH, les approches
techniques et comportementales sont accueillies favorablement à une
plus grande échelle. Quand les innovations techniques rendent le
dépistage plus fiable, moins cher et plus facile, le conseil bénévole et le
dépistage peuvent être mieux ciblés et plus efficaces. Lorsque la concurrence des produits génériques réduit le coût des médicaments, et quand
l’aide internationale est disponible pour les acheter, et lorsque les programmes sociaux encouragent l’adhésion aux régimes médicamenteux, le rapport coût-efficacité de la TAR augmente, et la TAR devient
financièrement faisable.
Il convient d’approfondir nettement la recherche sur le rapport
coût-efficacité des interventions contre le VIH/SIDA, et les chiffres
figurant au chapitre 18 du DCP2 doivent être interprétés sans perdre de
vue que leurs coûts changent rapidement. Le chapitre 2 du DCP2
signale que le diagnostic et le traitement des ITS coûtent environ 57
dollars par AVCI gagnée, contre 84 dollars pour les programmes de
dépistage des transfusions sanguines et des aiguilles. Le traitement des
infections opportunistes coûte environ 150 dollars par AVCI, tandis
que la prévention et le traitement de la coinfection à la tuberculose
coûtent approximativement 120 dollars par AVCI gagnée. Le rapport
coût-efficacité de la TAR est difficile à estimer, car elle est fonction du
prix des médicaments, de la prévalence des souches pharmacorésistantes, des coûts du diagnostic et de l’efficacité du système de santé
dans la fourniture appropriée des médicaments. La TAR n’est certes pas
susceptible de présenter un rapport coût-efficacité comparable à celui
de ces autres interventions, mais le traitement est une importante composante de la stratégie nationale globale pour enrayer et lutter contre le
VIH, et ne peut pas être ignoré. La réponse à la question de savoir si
l’on peut amplifier efficacement la TAR dans les pays à faible revenu
durement frappés constitue une épreuve majeure pour les pays touchés
eux-mêmes et pour la communauté internationale.
Les plus grands défis de la recherche sur les soins et le traitement
adéquats pour les pays en développement ne portent pas sur la mise au
point de nouveaux médicaments, mais plutôt sur la manière d’adapter
les stratégies de soin et de traitement à des milieux à faible revenu, à
technologie rudimentaire et à faible capacité en matière de ressources
humaines, de sorte à maximiser l’adhésion aux interventions ; de
réduire au minimum la toxicité, le suivi et le coût ; et d’optimiser la
prolongation d’une vie de qualité élevée grâce à la TAR, — tout cela
sans endommager les infrastructures de soins de santé existantes qui
sont souvent fragiles.
La synergie entre la prévention et le traitement doit être prise en
considération dans les efforts d’affectation de ressources limitées. Bien
que la prévention du VIH/SIDA soit souvent plus efficace au plan économique que son traitement, les décisions relatives à l’affectation des
fonds publics sont rendues complexes par les interactions entre prévention et traitement. En mettant à disposition le traitement, on peut
atténuer dans une certaine mesure la stigmatisation et la peur associées
au sida et faire qu’il soit plus facile de joindre et de conseiller les personnes qui sont actuellement infectées, de sorte à prévenir la transmission future. Le traitement peut par ailleurs réduire la transmissibilité.
Cependant, des préoccupations sont émises quant au fait que la mise à
disposition du traitement risque de réduire les inhibitions et de mener
à un accroissement des comportements à risque (tel que noté aux
États-Unis, au Canada et en Europe). La mauvaise adhésion au traitement peut également favoriser la pharmacorésistance, tandis que l’accroissement de l’espérance de vie sous traitement pourrait déboucher
« Bien que la prévention
du VIH/SIDA soit souvent
plus efficace au plan
économique que son
traitement, les décisions
relatives à l’affectation
des fonds publics sont
rendues complexes par
les interactions entre
prévention et traitement ».
Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 73
sur l’exposition d’un plus grand nombre de partenaires. L’effet net de
l’interaction entre la prévention et le traitement sera probablement différent d’un pays à l’autre, et il est impératif de réaliser des études et un
suivi plus poussés des interactions.
La lutte contre le VIH/SIDA exige des stratégies et des politiques
publiques qui s’intéressent à la question de la prévention et du traitement avec des ressources limitées. L’on en a beaucoup appris sur la
maladie elle-même, les interventions et les stratégies précises, l’interaction entre la prévention et le traitement, et les plus grands liens contextuels. Le DCP2 présente l’ensemble des expériences et les évaluations
réalisées jusqu’à ce jour et qui permettent aux décideurs de choisir des
stratégies appropriées.
Tuberculose
La tuberculose reste la deuxième plus grande cause des décès liés à un
agent infectieux dans le monde, même si les médicaments pour soigner
cette maladie existent depuis 50 ans5. Le programme international de
santé publique accorde une attention prioritaire à la tuberculose en raison de cette énorme charge de mortalité, compte tenu de l’augmentation des cas de tuberculose associés à l’infection à VIH et à la pharmacorésistance, et parce que la stratégie de lutte contre la tuberculose
recommandée à l’échelon international et connue sous le nom de
DOTS (traitement de brève durée sous observation directe) s’est imposée comme la plus efficace au plan économique de toutes les interventions en matière de santé.
La recrudescence de la tuberculose dans les pays à revenu élevé dans
les années 80 avait surpris les responsables de la santé publique, mais
des interventions publiques efficaces ont arrêté sa propagation et réduit
son incidence en Europe occidentale et centrale, en Amérique latine et
dans les Caraïbes, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. La tuberculose a cependant continué de se propager et de tuer, partout où les
conditions sociales se sont détériorées, où les mesures de santé
publique sont peu rigoureuses, et où le VIH/SIDA est répandu. Par
conséquent, l’incidence de la tuberculose augmente en Europe orientale — principalement dans les anciennes républiques soviétiques —
depuis les perturbations politiques de la fin des années 80, et en Afrique
subsaharienne depuis le milieu des années 80. En 2003, le nombre de
nouveaux cas de tuberculose enregistrés chaque année à l’échelon
mondial s’élevait à environ 8,8 millions. Le plus fort taux d’incidence,
soit 345 cas pour 100 000 personnes par an, s’enregistre en Afrique sub5
74 | Priorités en matière de santé
Cette partie est basée sur le chapitre 16 du DCP2.
saharienne, mais la moitié des cas de tuberculose du monde surviennent dans les pays les plus peuplés d’Asie, à savoir le Bangladesh, la
Chine, l’Inde, l’Indonésie et le Pakistan. Selon les épidémiologistes, les
tendances à la hausse peuvent être renversées si 70 % des cas sont détectés et si 85 % des cas détectés sont soignés. Cet objectif doit être atteint
si l’on tient à réaliser l’ODM adopté à l’échelon international de réduire de moitié les taux de prévalence et de mortalité à l’horizon 20156.
Les interventions visant à enrayer la tuberculose portent notamment sur la prévention de l’infection au moyen de la vaccination, le
traitement des infections latentes, et le traitement de la maladie évolutive. Dans le monde entier, environ 80 % des nourrissons reçoivent
actuellement un vaccin vivant atténué, le bacille Calmette-Guérin
(BCG). Bien que ce vaccin protège les enfants contre la méningite et la
tuberculose miliaire, il est peu efficace contre la tuberculose pulmonaire chez les adultes. La vaccination reste efficace au plan économique
dans les régions où l’incidence est élevée, mais elle est souvent abandonnée dans les pays à faible incidence, parce que le risque d’infection
est faible et la réaction immunitaire rend moins efficace le test cutané à
la tuberculine à des fins de surveillance épidémiologique.
Le dépistage et le traitement des cas évolutifs est actuellement la
principale mesure de lutte contre la tuberculose, et la plus efficace. La
clé de voûte de cette approche est la stratégie DOTS. Cette dernière fait
appel à un test diagnostic utilisant un échantillon de crachat positif, un
traitement à court terme avec prise en charge efficace du patient, un
approvisionnement régulier en médicaments, et un suivi systématique
afin d’évaluer les résultats obtenus par chaque patient. La prise en charge effective du patient comprend la supervision régulière par un agent
de santé ou un bénévole de la communauté pour veiller à ce que le
patient prenne effectivement ses médicaments. L’engagement de frais
supplémentaires pour suivre les patients et faire en sorte qu’ils adhèrent
au régime médicamenteux même après la disparition des symptômes
s’est avéré efficace au plan économique, en raison de son impact sur les
taux de guérison, ce qui a eu pour conséquence de ralentir l’épidémie
et de limiter l’apparition de la pharmacorésistance.
Dans toutes les régions, à l’exception de l’Europe et de l’Asie centrale, le DOTS coûte entre 5 et 50 dollars par AVCI gagnée. Dans certaines
conditions, le DOTS peut permettre de réaliser des économies ainsi que
6
En 2000, les membres du groupe des huit pays les plus industrialisés se sont réunis à Okinawa,
au Japon, et ils ont établi officieusement les cibles pour la réduction des cas de tuberculose et
des décès dus à celle-ci à l’horizon 2010. Les ODM des Nations Unies fixent des objectifs pour
réduire de moitié le nombre de cas et de décès d’ici à 2015 par rapport à leur niveau de 1990,
et l’OMS suit les progrès en direction de ces objectifs.
Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 75
de prévenir les nouveaux cas et les décès. Le traitement des personnes
qui ont des souches polypharmacorésistantes ou qui sont aussi infectées par le VIH/SIDA est moins efficace au plan économique, car les
frais de traitement sont plus élevés tandis que l’efficacité et les avantages
attendus sont plus faibles. Néanmoins, le traitement des patients ayant
une tuberculose polypharmacorésistante coûte relativement peu par
rapport aux gains potentiels d’années de vie en bonne santé, soit en
général moins de 400 dollars par AVCI gagnée. Le traitement des personnes ayant des infections latentes, c’est-à-dire des patients infectés à
la tuberculose mais ne présentant aucun symptôme, est la solution la
moins efficace au plan économique, avec un coût de 5 500 à 26 000 dollars par AVCI gagnée, lorsque la tuberculose est endémique (taux de
prévalence relativement stable) et que la prévalence du VIH est faible.
Toutefois, pendant une épidémie de tuberculose chez des personnes
séropositives, la mise à disposition d’un traitement contre l’infection
latente aux personnes chez qui la maladie n’est pas encore évolutive
pourrait coûter moins de 100 dollars par AVCI gagnée dans les pays à
faible revenu. La vaccination BCG est également efficace au plan économique, avec un coût de 40 à 170 dollars par AVCI gagnée.
La recherche pourrait fournir un meilleur éventail d’interventions
dans l’avenir, que ce soit en améliorant l’approche du DOTS ; en resserrant le lien entre les prestataires privés — que les patients souffrant
de tuberculose dans la plupart des milieux sont les premiers à consulter — et le secteur public ; en améliorant la compréhension des facteurs
de risque ; en raffinant le diagnostic ; ou en recherchant activement les
cas. La mise au point d’un vaccin peu coûteux qui serait plus efficace
que le BCG en matière de protection des adultes contre la tuberculose
pulmonaire révolutionnerait la lutte contre la tuberculose ; la priorité
passerait alors du traitement à la prévention. En attendant, le DOTS ou
les autres régimes thérapeutiques joueront un rôle central.
Le succès de la lutte contre la tuberculose est étroitement lié à la
capacité des systèmes de santé locaux de maintenir un système efficace
pour détecter les cas, entamer le traitement et en assurer l’adhésion. Le
coût n’est pas insurmontable au niveau mondial. En 2005, les pays à
lourde charge de morbidité, qui représentent environ 80 % des cas
mondiaux, n’ont dépensé que 1,2 milliard de dollars, dont à peu près
200 millions provenaient des bailleurs de fonds internationaux. Le
maintien de l’aide financière internationale est indispensable pour faire
en sorte que l’on puisse poursuivre la lutte contre la tuberculose dans
les pays les plus démunis du monde, où le problème lié à cette lutte
cadre bien avec le défi de la mise au point et de l’exécution de programmes efficaces de santé publique.
76 | Priorités en matière de santé
Paludisme
Le paludisme est la cause directe de 2 % de tous les décès dans le monde
chaque année (soit environ 1,2 million de décès) et de près 3 % des
AVCI à l’échelle planétaire7. En Afrique subsaharienne, le paludisme est
à l’origine d’une grande partie de la charge de morbidité, causant à peu
près 9 % de tous les décès et 10 % de toutes les AVCI. La part de la charge de morbidité supportée par les autres régions est beaucoup plus
faible, soit approximativement 1 %, mais il n’en reste pas moins qu’un
nombre considérable de cas de décès et d’invalidité sont dus au paludisme.
Plus de 3 milliards de personnes vivent dans des régions où le paludisme est présent. Nombre de pays non africains ont réussi à enrayer
cette maladie en recourant à une combinaison de mesures préventives
et de stratégies de traitement. Pour les pays les plus frappés par le paludisme, la mise en œuvre de tels programmes a été entravée par l’apparition et la propagation de souches pharmacorésistantes du parasite et
des vecteurs, ainsi que par la faiblesse des infrastructures de santé
publique.
Quatre espèces de parasites du paludisme infectent les êtres
humains. Le Plasmodium vivax et le Plasmodium falciparum sont les
plus répandus, ce dernier étant le plus dangereux. La quasi-totalité des
décès sont dus au Plasmodium falciparum, lequel sévit en Haïti, en
Papouasie-Nouvelle-Guinée et en Afrique. Le Plasmodium vivax est
plus répandu en Amérique centrale et en Asie du Sud. Le vecteur du
parasite est un moustique, dont l’aptitude à reproduire et à propager le
parasite est grandement influencée par le climat. L’infection a lieu lorsqu’une personne est piquée par un moustique porteur du parasite. Le
taux d’incidence est par conséquent fonction du nombre de piqûres
infectantes par personne, ou du taux d’inoculation entomologique.
Cela varie de moins de 1 piqûre par personne par an en Amérique latine et en Asie du Sud à plus de 300 dans certaines régions d’Afrique tropicale (figure 4.1).
Lorsqu’il est bien traité, le paludisme non compliqué a un taux de
mortalité de 0,1 % seulement. Si la maladie n’est pas soignée et qu’elle
touche les organes vitaux, le taux de mortalité augmente fortement.
Un coma peut survenir, auquel cas la probabilité de décès est d’environ
20 % chez les adultes et de 15 % chez les enfants. Le neuropaludisme
peut entraîner des convulsions, des lésions neurologiques, et la mort.
Les infections palustres entraînent aussi l’anémie qui peut être bénigne,
modérée ou aiguë.
7
Cette partie est basée sur le chapitre 21 du DCP2.
Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 77
En outre, le paludisme a un impact considérable sur d’autres pathologies. Les femmes qui contractent le paludisme pendant la grossesse
sont plus susceptibles de devenir anémiques et d’accoucher d’enfants
présentant une insuffisance pondérale à la naissance et courant un plus
grand risque de maladie, d’invalidité ou même de décès. Environ 3,7 %
des décès maternels, ou 5 300 décès par an, sont dus à des affections
liées au paludisme. Selon les estimations, entre 190 000 et 934 000
enfants meurent chaque année des suites d’anémie consécutive au
paludisme. Le paludisme entraîne diverses autres conséquences chez le
patient. D’après une étude réalisée en Afrique, environ 13 à 15 % des
cas d’absentéisme scolaire étaient liés au paludisme chez les enfants
(Holding et Kitsao-Wekulo 2004). Des études réalisées en Gambie et au
Kenya ont montré que les enfants protégés par des moustiquaires traitées aux insecticides (MTI) grandissaient plus rapidement que les
enfants non protégés.
L’utilisation des médicaments et la lutte contre le moustique vecteur sont les principales stratégies et interventions mises en œuvre
pour lutter contre le paludisme. D’autres stratégies et interventions
visent à tuer les moustiques, à prévenir les piqûres, à bloquer l’évolution de la maladie, ou à traiter la maladie elle-même. Les méthodes
environnementales utilisées pour tuer les moustiques qui sont les vecteurs du paludisme sont notamment l’élimination des sites de reproduction et la pulvérisation des insecticides. D’autres efforts pour tuer
les moustiques ou prévenir les piqûres sont la pulvérisation à effet
rémanent dans le lieux fermés et l’utilisation de MTI. Un éventail de
médicaments sont efficaces du point de vue prophylactique et sont
pris par les voyageurs se rendant dans les régions où sévit le paludisme, ainsi que par les femmes enceintes. La découverte de médicaments
qui traitent la maladie est devenue un plus grand impératif en raison
de l’apparition de souches pharmacorésistantes du paludisme à
l’échelle mondiale.
L’efficacité et la faisabilité de certaines interventions varient considérablement selon que la transmission change au cours du temps
(faible, irrégulière ou focale) ou reste stable (fréquente, intense et présente toute l’année). Lorsque la transmission du paludisme change au
cours du temps, il n’y a pas d’immunité protectrice. Quand la transmission du paludisme reste stable, les personnes qui ont été infectées
acquièrent une certaine immunité, et à l’âge adulte, les infections
palustres sont en général asymptomatiques.
Dans les régions où la transmission change au cours du temps, des
programmes ciblés qui éliminent les sites de reproduction grâce à l’utilisation judicieuse d’insecticides ou à la modification des pratiques en
78 | Priorités en matière de santé
Figure 4.1 Écologie et fardeau du paludisme : manifestations cliniques
Maladie
fébrile aiguë
Maladie grave
Hypoglycémie
Anémie
Détresse
respiratoire
Neuropaludisme
Séquelles
durables
Décès
Moustique
infecté
Personne
infectée
Effets
chroniques
Anémiques
Neurologiques
Cognitifs
Développementaux
Troubles de la
croissance et du
développement
Malnutrition
Insuffisance
pondérale
à la naissance
Foetus
Avortement,
mortinaissance
Mortalité infantile
et intra-utérine
Grossesse
Maladie aiguë
Séquelles
durables
Mère
Anémie
Source : DCP2, Breman, Alilio et Mills, 2004.
matière de construction peuvent être faisables et efficaces, tandis que
dans les zones où la transmission reste stable, l’identification et l’élimination de tous les sites de reproduction potentielle sont en général infaisables. Dans les zones à transmission instable, la prophylaxie pour les
femmes enceintes ou une thérapie préventive intermittente ne sont des
plus efficaces que pendant des épidémies temporaires localisées. Dans
les régions à transmission stable, toutefois, une utilisation plus générale
de la thérapie préventive intermittente peut s’avérer très efficace.
Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 79
Dans nombre de régions, l’on a réussi à utiliser les MTI pour réduire la transmission. Les MTI ont été liées à une réduction de la mortalité infantile de l’ordre de 18 % et à une diminution des épisodes de
paludisme d’un taux atteignant 50 % dans différentes régions
d’Afrique. L’impact des MTI est fonction non seulement de l’efficacité
technique des moustiquaires ainsi que de la durée et de l’efficacité de
l’insecticide utilisé, mais aussi de l’acceptation sociale et culturelle de
leur utilisation, et de leur prix abordable. La Chine, la Tanzanie et le
Viet Nam ont réussi à promouvoir l’utilisation des MTI et à juguler
considérablement le paludisme dans de nombreuses régions. Les stratégies adoptées pour encourager l’utilisation des MTI ont été entre
autres la commercialisation sociale au Kenya et au Malawi ; l’aide au
développement du secteur commercial au Mali, au Sénégal et en
Tanzanie; la distribution gratuite généralisée au Togo ; et la distribution, aux femmes enceintes en Tanzanie, de coupons pour des MTI fortement subventionnées.
Les programmes de traitement ont de tout temps reposé sur des
médicaments relativement peu coûteux, surtout la chloroquine. La clé
du succès réside dans la détection et le traitement opportuns. En
Afrique du Sud, où 83 % de la population vit à moins de 10 km d’une
clinique, les professionnels de santé jouent un rôle central. Dans des
pays comme le Burkina Faso, l’Éthiopie et l’Ouganda, où les cliniques
sont beaucoup moins accessibles, afin de réduire la mortalité et la morbidité au moyen du traitement, l’on a dû former les mères et les agents
de santé communautaire à la prestation de soins sur la base de diagnostics présomptifs.
Dans nombre de régions, les souches du parasite qui sont résistantes
à la chloroquine et à la sulfadoxine-pyriméthamine sont désormais
monnaie courante. Fort heureusement, les chercheurs ont mis au point
toute une nouvelle série de médicaments, notamment la polythérapie à
base d’artémisinine (ACT), qui coûte plus cher que les médicaments de
première intention de traiter traditionnels, mais sont efficaces au plan
économique dans les régions où les souches pharmacorésistantes sont
très répandues.
L’éducation et le conseil en matière de santé sont également importants dans la lutte contre le paludisme. Ils améliorent l’opportunité du
traitement en aidant les populations à identifier la maladie et à rechercher les soins appropriés. Ils permettent en outre une utilisation améliorée et plus régulière des MTI, et d’encourager les usagers à traiter à
nouveau les moustiquaires aux insecticides au besoin. Ils améliorent
davantage l’adhésion aux traitements, ce qui réduit la transmission du
parasite et l’apparition de la pharmacorésistance.
80 | Priorités en matière de santé
La plupart des interventions antipaludiques disponibles sont
assez efficaces au plan économique. Presque toutes coûtent moins de
150 dollars par AVCI gagnée et nombre d’entre elles peuvent être mises
en œuvre à un coût inférieur à 10 dollars par AVCI. Le DCP2 estime
que les MTI coûtent entre 11 et 17 dollars par AVCI gagnée, selon
le type d’insecticide et la fréquence des traitements successifs nécessaires ; la pulvérisation à effet rémanent à l’intérieur coûte entre 5 et 18
dollars par AVCI ; et le traitement préventif intermittent des femmes
enceintes coûte de 13 à 35 dollars par AVCI gagnée.
Parmi les traitements médicamenteux, la chloroquine reste la thérapie la plus coût-efficace tant que la pharmacorésistance à la chloroquine est de moins de 35 % environ. Lorsque la prévalence de la résistance s’accroît au-delà de ce taux, l’ACT est plus efficace au plan économique. La sulfadoxine-pyriméthamine peut être plus efficace que la
chloroquine et l’ACT, mais la résistance à la sulfadoxinepyriméthamine semble apparaître relativement vite, et l’ACT est plus efficace que la
sulfadoxinepyriméthamine lorsque la résistance à la sulfadoxinepyriméthamine est supérieure à 12 % environ.
Bien que les interventions antipaludiques soient efficaces au plan
économique, leur faisabilité est fonction de la disponibilité des ressources financières et des infrastructures de santé, ainsi que des conditions épidémiologiques locales. Le coût total d’un programme visant à
promouvoir l’utilisation des MTI pour les enfants s’élève à environ 2,80
dollars par habitant par an, et un programme de pulvérisation à effet
rémanent à l’intérieur coûterait approximativement 4 dollars par habitant par an. Même si ces coûts peuvent sembler faibles à maints égards,
ils sont prohibitifs pour les pays où le paludisme est endémique, car
l’ensemble des budgets publics couvrant toutes les dépenses de santé
dans de tels pays varient de 2 à 10 dollars par habitant par an. Une aide
extérieure substantielle est nécessaire pour surmonter les contraintes
financières liées à ces programmes efficaces au plan économique.
La recherche d’un vaccin antipaludique est en cours depuis longtemps et il convient de l’encourager davantage, mais il faudra de nombreuses années encore pour mettre au point un tel vaccin. En attendant,
il est aussi nécessaire d’orienter la recherche vers l’amélioration des
soins aux malades, notamment une prise en charge à domicile plus facile et moins coûteuse, ainsi qu’une évaluation des systèmes de prestation
non conventionnels ; la prévention, comme par exemple le traitement
intermittent et l’utilisation accrue des MTI ; les progrès technologiques,
telles que les insecticides et les molécules effectrices antiparasitaires utilisant la génomique ; et l’évaluation sur le terrain des méthodes transgéniques d’interruption de la transmission du paludisme.
Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 81
De telles recherches sur les nouvelles formes d’intervention, combinées avec la mise en œuvre des stratégies efficaces connues de prévention et de traitement, permettront d’enrayer avec succès cette maladie.
La plus lourde charge de morbidité liée au paludisme étant concentrée
dans les pays caractérisés à la fois par de forts taux de transmission, des
ressources limitées et des systèmes de santé faibles, la lutte antipaludique nécessite aussi sans aucun doute un accroissement de l’aide
internationale.
Maladies pouvant être prévenues par un vaccin
Les maladies contre lesquelles des vaccins relativement très efficaces et
peu coûteux sont disponibles représentent une importante proportion
de la charge de morbidité dans les pays en développement8. Le DCP2
(chapitre 20) traite de la tuberculose, de la diphtérie, du tétanos, de la
coqueluche, de la polio, de la rougeole, de la rubéole, du Hib, de l’hépatite B, de la fièvre jaune, de la méningococcie et de l’encéphalite japonaise. Les vaccins sont également disponibles ou en cours de mise au
point contre les causes de la maladie diarrhéique, à savoir le rotavirus
et le choléra (DCP2, chapitre 19).
Les maladies pouvant être prévenues par un vaccin sont assez variées.
Certaines de ces maladies sont bactériennes et d’autres virales ; quelquesunes surviennent principalement chez les êtres humains, tandis que
d’autres touchent aussi d’autres espèces; certaines ont des taux de létalité
élevés, alors que d’autres sont débilitantes ; quelques-unes sont concentrées dans des régions précises, tandis que d’autres sont répandues géographiquement; et certaines se transmettent par contact respiratoire, alors
que d’autres sont transmises par piqûre d’insecte ou par contact avec du
sang contaminé ou des matières fécales infectées. Malgré cette variabilité,
les maladies pouvant être prévenues par un vaccin partagent deux importantes caractéristiques : on peut être infecté sans pour autant manifester
de symptôme (à l’exception du tétanos) et l’immunité induite par le vaccin dure en général toute la vie (à l’exception de la coqueluche).
Les pays qui vaccinent une grande partie de leurs populations contre
ces maladies ont éliminé la plupart des cas de mortalité et de morbidité liées à celles-ci. Les régions ayant une couverture vaccinale plus faible
continuent à enregistrer des milliers de décès qui seraient relativement
faciles à éviter. En 2001, sept maladies pouvant être prévenues par un
vaccin — rougeole, hépatite B, Hib, coqueluche, tétanos, fièvre jaune et
diphtérie — ont causé plus de 2,3 millions de décès, essentiellement en
8
82 | Priorités en matière de santé
Cette partie est basée sur les chapitres 16, 19, 20, 25 et 27 du DCP2.
Afrique et en Asie. Quelque 80 % de tous les décès liés à la fièvre jaune
surviennent en Afrique, tout comme 59 % des décès dus à la rougeole,
58 % des décès liés à la coqueluche, et 41 % des décès attribuables au
tétanos. La région Asie de l’Est et Pacifique fait face à la plus lourde
mortalité due à l’hépatite B et ses affections connexes, et on y enregistre
62 % des décès de ce type dans le monde. L’Asie du Sud affiche également un fort taux de mortalité liée à ces maladies, tout particulièrement le tétanos et la rougeole.
Au cours des dernières décennies, l’on a cherché à étendre la couverture vaccinale contre ces maladies dans le cadre d’un nombre d’initiatives mondiales. Depuis 1974, le Programme élargi de vaccination
(PEV) de l’OMS encadre et appuie l’extension de la couverture vaccinale en normalisant les programmes de vaccination, en promouvant
des technologies d’injection sûres, en améliorant le stockage et la disponibilité des vaccins, et en protégeant l’efficacité des vaccins grâce à la
gestion de la chaîne de froid. Sa stratégie « Atteindre chaque district»
vise à faire en sorte que 80 % des enfants de chaque pays reçoivent trois
doses de vaccin diphtérie-coqueluche-tétanos. En 2000, les organismes
internationaux, les bailleurs de fonds bilatéraux, les fondations privées,
les ONG et les compagnies pharmaceutiques ont travaillé ensemble
pour lancer l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination
(GAVI). Depuis lors, la GAVI a recueilli plus de 1,3 milliard de dollars
pour renforcer les systèmes de vaccination ; faire connaître les vaccins
nouveaux ou sous-utilisés, tels que ceux contre le Hib, l’hépatite B et la
fièvre jaune ; et appuyer des pratiques d’injection sûres. En outre, de
grands efforts de recherche visent à mettre au point de nouveaux vaccins et de nouvelles méthodes pour les délivrer.
Une fois qu’un vaccin est disponible, le plus important aspect de la
conception des programmes de vaccination est l’organisation de la
logistique pour immuniser les populations. Dans la plupart des pays en
voie de développement, les enfants sont amenés à des établissements de
santé fixes pour se faire vacciner par injection ou par voie orale. Un
important nombre de vaccins sont en outre fournis par le biais des services de proximité, c’est-à-dire des stratégies mobiles dans le cadre desquelles les agents de santé se déplacent dans les foyers et les villages. Les
campagnes de vaccination concentrées sur des agents pathogènes précis constituent une autre approche. Les plus célèbres campagnes de
vaccination ont porté sur la variole, laquelle fut déclarée complètement
éradiquée en 1980, et la polio, qui ne se trouve plus que dans une poignée de pays (DCP2, chapitre 8).
La vaccination est en général très efficace au plan économique.
Dans le meilleur des cas, les vaccins sont relativement peu coûteux et
Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 83
une seule dose confère l’immunité à vie. Chaque fois qu’une telle
intervention est disponible contre une infection répandue et potentiellement létale, il est fort probable qu’elle soit efficace au plan économique.
La combinaison des stratégies de mise à disposition des vaccins, le
prix de l’intervention (le vaccin proprement dit plus la main-d’œuvre, le
transport, et l’entreposage au froid) et l’ampleur globale du programme,
sont autant de facteurs qui influent sur les coûts. Les charges récurrentes
représentent quelque 80 % des coûts pour délivrer les vaccins par le
canal des établissements de santé fixes et 92 % des coûts des campagnes
de vaccination. Le coût par enfant complètement immunisé au moyen
des six vaccins initiaux du PEV — tuberculose, diphtérie, coqueluche,
tétanos, polio et rougeole — est d’environ 20 dollars. Les chercheurs
estiment que le coût marginal lié au remplacement du vaccin oral contre
la polio par le vaccin antipoliomyélitique injectable, ainsi qu’à l’ajout
aux programmes existants de nouveaux antigènes contre l’hépatite B, la
fièvre jaune, le Hib, la rougeole, la rubéole, l’encéphalite japonaise et la
méningococcie se situe entre 1 et 16 dollars par personne.
Le rapport coût-efficacité est influencé non seulement par les différences au niveau des prix et des stratégies, mais aussi par les niveaux
existants de la couverture vaccinale. Le coût par décès évité grâce à une
immunisation réussie des enfants contre les six maladies du PEV s’élève à 205 dollars en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne, et à 3 540
dollars en Europe et en Asie centrale, la différence étant en grande partie attribuable aux taux de couverture relativement élevés dans cette
dernière région. Néanmoins, même au coût de 3 450 dollars par décès
évité, la vaccination reste très efficace au plan économique en Europe
et en Asie centrale et elle soutient favorablement la comparaison avec
nombre d’autres usages des fonds publics.
Il est impératif de surmonter les contraintes financières et logistiques auxquelles sont confrontés les pays à faible revenu si l’on tient à
poursuivre les progrès dans le domaine de la lutte contre les maladies
pouvant être prévenues par un vaccin. Bien que les programmes de
vaccination soient relativement peu coûteux, le manque de ressources
financières dans nombre de pays à faible revenu est tel que quand bien
même les programmes coûtent peu ils absorbent une part substantielle des financements disponibles. En moyenne, 6 % des dépenses
publiques au titre de la santé sont consacrées aux programmes de vaccination dans les pays en développement. Cela étant, parmi les pays du
monde ayant les plus faibles revenus, l’extension de la couverture au
moyen des antigènes traditionnels, l’introduction de nouveaux vaccins
et l’amélioration de la qualité et de la sécurité des vaccins pourraient
84 | Priorités en matière de santé
engloutir jusqu’à 20 % du budget de santé d’un gouvernement en l’absence d’une importante aide étrangère.
Le fardeau financier peut être allégé grâce à la recherche et à la mise
au point de vaccins qui nécessitent moins de doses et sont moins chers
à produire, plus faciles à transporter et à entreposer, et d’une administration plus sûre. L’élaboration de nouvelles stratégies de prestation
pourrait également avoir un important effet sur l’élargissement de la
couverture vaccinale dans les pays à faible revenu.
Maladies diarrhéiques
La diarrhée est l’une des cinq grandes affections mortelles évitables qui
sévissent chez les enfants de moins de cinq ans dans les pays en développement9. Elle est des plus dangereuses pour les jeunes, causant environ 90 % des décès dus à la diarrhée chez les petits enfants. Cependant,
même si les enfants des pays en développement continuent de
connaître en moyenne 3,2 épisodes de diarrhée chaque année, le
nombre des décès semble avoir considérablement diminué, passant
d’entre 4 millions et 6 millions approximativement en 1979 à une
moyenne de 2,6 millions par an dans les années 90, l’essentiel de l’amélioration étant attribuable à des interventions efficaces en matière de
santé publique (se reporter par exemple à l’analyse de l’utilisation de la
TRO en République arabe d’Égypte au chapitre 8 du DCP2).
Des dizaines de virus, de bactéries, de protozoaires et d’helminthes
sont à l’origine de la diarrhée. Certains de ces agents se développent
exclusivement chez des hôtes humains, tandis que d’autres infectent
aussi les animaux. Ils se transmettent en général par voie oro-fécale,
souvent par ingestion d’eau contaminée ou d’aliments non lavés.
L’infection par de tels agents cause des accès diarrhéiques aigus, porte
atteinte au système immunitaire de l’organisme et affaiblit l’aptitude de
celui-ci à extraire les nutriments des aliments, et peut entraîner une
déshydratation grave et rapide. Des diarrhées aqueuses aiguës, causées
principalement par le rotavirus, l’Escherichia coli entérotoxigénique et
le vibrio cholerae, provoquent une déshydratation rapide et peuvent
mener à la mort. La diarrhée chronique est associée à la malnutrition,
et bien qu’elle soit à l’origine d’une part relativement modeste des cas
de diarrhée, elle est trois fois plus susceptible de causer la mort que la
diarrhée aqueuse. La diarrhée sanglante est souvent associée à des
atteintes intestinales et à la détérioration nutritionnelle, ainsi qu’à certains cas de déshydratation et de fièvre.
9
«… même si les enfants
des pays en développement
continuent de connaître en
moyenne 3,2 épisodes de
diarrhée chaque année,
le nombre des décès
semble avoir considérablement diminué, passant
d’entre 4 millions et 6
millions approximativement
en 1979 à une moyenne
de 2,6 millions par an dans
les années 90… . ».
La présente section s’inspire des chapitres 19 et 41 du DCP2.
Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 85
« Quelque 800 000 vies
pourraient être sauvées
chaque année en veillant
à une préparation et à
une conservation plus
hygiénique des aliments,
en promouvant l’éducation,
en assurant une bonne
alimentation de l’enfant et
en faisant en sorte que
son poids augmente de
façon adéquate ».
86 | Priorités en matière de santé
Les stratégies pour alléger la charge de la diarrhée ont peu changé
depuis la première édition de Disease Control Priorities in Developing
Countries (Jamison et al. 1993), hormis quelques progrès dans le
domaine des technologies de vaccination. Des pratiques d’allaitement
améliorées et plus hygiéniques, la vaccination, l’amélioration des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement, et une meilleure prise en charge des cas sont les principales interventions disponibles
pour prévenir et traiter la maladie diarrhéique.
L’adoption de pratiques d’allaitement améliorées et plus hygiéniques commence par des programmes qui encouragent le recours
exclusif à l’allaitement maternel pendant les six premiers mois de vie de
l’enfant. Ce faisant, l’on réduit le risque qu’un enfant en bas âge ingère
de l’eau ou des aliments contaminés, et le système immunitaire de l’enfant est renforcé grâce à l’ingestion de nutriments bénéfiques contenus
dans le lait maternel. De tels programmes comprennent des politiques
d’hospitalisation qui encouragent l’allaitement maternel, le conseil et
l’éducation par les pairs et les agents de santé, des campagnes de sensibilisation au moyen des mass médias et de la communauté, et des
groupes d’appui aux mères10.
Une fois que l’enfant atteint l’âge de six mois, de meilleures pratiques d’allaitement peuvent également être encouragées et s’avérer
efficaces. Quelque 800 000 vies pourraient être sauvées chaque année
en veillant à une préparation et à une conservation plus hygiénique des
aliments, en promouvant l’éducation, en assurant une bonne alimentation de l’enfant et en faisant en sorte que son poids augmente de
façon adéquate. Les chercheurs ont en outre montré que l’apport en
vitamine A et en zinc peut avoir des effets bénéfiques sur la diarrhée :
tous les deux sont associés à la réduction de la fréquence des diarrhées
aiguës, et l’apport en zinc réduit par ailleurs l’incidence de la diarrhée.
La vaccination contre le rotavirus pourrait prévenir quelque 440 000
décès par an liés à cette infection courante. La mise au point d’un vaccin sûr et efficace contre le choléra s’est également révélée difficile, et
cette maladie peut en général être enrayée grâce à des programmes efficaces de santé publique. Seul le Viet Nam administre systématiquement
le vaccin anticholérique. Les autres pays ont décidé que la TRO est si
bon marché et si efficace pour prévenir les décès, qu’il n’y a aucun inté10
La seule réserve importante émise au sujet de cette approche a trait au problème de la transmission du VIH de la mère à l’enfant. La meilleure pratique dans de tels cas serait un allaitement de substitution sûr pour l’enfant dont la mère est séropositive. Cependant, lorsque l’état
sérologique de la mère relativement au VIH est inconnu dans les pays à forte prévalence du
VIH, il importe de prendre une décision qui met en balance les risques de transmission du
VIH et les avantages probables d’un allaitement maternel exclusif (DCP2, chapitre 19).
rêt à encourir les frais et les risques liés à la vaccination. La rougeole
porte atteinte au système immunitaire et peut par conséquent entraîner une diarrhée aiguë. En réduisant la fréquence de la rougeole, les
vaccins pourraient permettre d’abaisser de 6 à 26 % le taux des décès
dus à la diarrhée chez les enfants de moins de cinq ans.
Une autre manière de juguler la diarrhée est d’assurer l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement, car selon les estimations, l’eau contaminée est à l’origine de 90 % des cas de diarrhée chez
les enfants. Néanmoins, le DCP2 (chapitre 41, p. 778) relève que « l’hygiène domestique — surtout celle des aliments et des mains — est le
principal facteur déterminant du taux de diarrhée, et non la qualité de
l’eau de boisson ». Plutôt que la qualité, ce sont bien le volume, la régularité et la commodité des services d’approvisionnement en eau qui
réduisent l’incidence de la diarrhée en encourageant un comportement
plus hygiénique en ce qui concerne les soins personnels et la préparation des aliments.
Les infrastructures d’investissement dans le domaine de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement peuvent s’avérer coûteuses
par rapport aux autres mesures préventives et au traitement des cas.
Néanmoins, les services d’eau procurent de nombreux avantages en
matière de santé, au-delà de la réduction des cas de diarrhée. Lorsque
le service d’approvisionnement en eau est combiné avec une meilleure
hygiène personnelle, il interrompt la transmission entre personnes des
infections cutanées et oculaires telles que le trachome ; il réduit l’incidence des maladies d’origine aquatique telles que la bilharziose et la
dracunculose ; et il réduit l’exposition aux vecteurs entomologiques liés
à l’eau qui causent le dengue, le paludisme et la trypanosomiase.
Le plus important avantage généralement lié aux services d’approvisionnement en eau et d’assainissement est la plus grande commodité
qu’ils procurent, en dehors des effets sur la santé. Les économies de
temps et de main-d’œuvre peuvent être importantes, étant donné que
les femmes et les enfants tout particulièrement consacrent chaque jour
en moyenne plus d’une heure dans les régions rurales d’Afrique de l’Est
et plus de deux heures dans plusieurs pays d’Asie à la recherche et au
transport de l’eau. Il ressort par ailleurs des enquêtes que les populations des pays en développement apprécient l’amélioration de l’assainissement moins pour des raisons sanitaires que pour des raisons de
confort, de prestige et de sécurité.
Dans les débats sur les politiques de santé publique, les avantages en
matière de santé que procurent l’eau et l’assainissement peuvent être
considérés, dans le meilleur des cas, comme un avantage supplémentaire que rapportent les investissements dans le domaine de l’approvi-
«… les femmes et les
enfants. . . consacrent
chaque jour en moyenne
plus d’une heure dans les
régions rurales d’Afrique
de l’Est et plus de deux
heures dans plusieurs pays
d’Asie à la recherche et au
transport de l’eau ».
Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 87
«…[là] où les services
d’approvisionnement en
eau et d’assainissement de
base ne sont pas
disponibles, où les
conditions d’hygiène
laissent à désirer, et où
l’utilisation de la TRO n’est
pas répandue, les
interventions en matière
de santé publique qui visent
à prévenir les diarrhées
sont très efficaces au
plan économique ».
88 | Priorités en matière de santé
sionnement en eau et de l’assainissement, lesquels se justifient par
d’autres raisons. La politique en matière de santé publique a encore un
rôle à jouer dans la réglementation de la qualité de l’eau, mais les autorités responsables de la santé publique peuvent avoir de bonnes raisons
d’étendre leur pouvoir de réglementation à l’examen du volume et de
la régularité des services d’approvisionnement en eau, compte tenu de
la grande influence de ces services sur les comportements hygiéniques
qui permettent de réduire l’incidence de la maladie.
Lorsque la prévention de la diarrhée se solde par un échec, il existe
des techniques simples et peu coûteuses pour la prise en charge de la
plupart des cas. La TRO, qui consiste à administrer par voie orale des
liquides contenant des sels et des sucres simples, est peu coûteuse, peut
être administrée par des parents ayant suivi une formation limitée, et
est très efficace pour atténuer la gravité de nombreuses maladies diarrhéiques et pour permettre d’éviter la mort. Après son lancement dans
les années 80, nombres de pays ont rapidement étendu l’utilisation de
la TRO, de sorte que celle-ci atteint 33 % des enfants souffrant de diarrhée aux Philippines, 35 % au Brésil, 50 % en Égypte et 81 % au
Mexique. L’apport en zinc pour les enfants souffrant de diarrhées a également contribué à réduire la gravité de ces dernières. Pour la diarrhée
sanglante, le traitement aux médicaments antimicrobiens est indiqué,
mais comme dans le cas d’un si grand nombre d’autres maladies, la
pharmacorésistance aux antimicrobiens de première intention se
répand et rend ces médicaments moins efficaces.
Dans les régions où les services d’approvisionnement en eau et d’assainissement de base ne sont pas disponibles, où les conditions d’hygiène laissent à désirer, et où l’utilisation de la TRO n’est pas répandue,
les interventions en matière de santé publique qui visent à prévenir les
diarrhées sont très efficaces au plan économique. La promotion de l’allaitement maternel exclusif, de la vaccination contre la rougeole, de la
TRO et de l’hygiène coûte moins de 5 dollars par AVCI gagnée ; la promotion de meilleurs services d’assainissement grâce aux politiques
publiques coûte environ 11 dollars par AVCI gagnée ; l’investissement
dans les pompes à eau manuelles et leur entretien coûte à peu près 94
dollars par AVCI gagnée ; le raccordement des habitations au réseau de
distribution d’eau potable coûte approximativement 223 dollars par
AVCI gagnée ; et la construction et la promotion d’installations d’assainissement de base coûtent plus de 270 dollars par AVCI gagnée
(DCP2, chapitre 41).
Les facteurs qui favorisent la transmission et l’évolution des diarrhées sont présents au sein des populations vivant dans la pauvreté. Les
populations pauvres sont davantage susceptibles d’être mal nourries,
de manquer d’eau potable et de moyens hygiéniques pour éliminer les
eaux usées sanitaires, de cohabiter avec des animaux qui abritent et
transmettent des pathogènes pour l’homme, et de ne pas avoir accès à
des moyens appropriés de conservation d’aliments tels que la réfrigération. Il est néanmoins possible d’accomplir des progrès dans la lutte
contre la diarrhée en dépit de la pauvreté. Des programmes efficaces
peuvent encourager des comportements sains tels que l’allaitement
maternel exclusif et l’hygiène personnelle ; améliorer les conditions de
l’environnement grâce à la mise à disposition de services d’approvisionnement en eau et d’assainissement ; et former les soignants non
professionnels pour reconnaître les symptômes, tout particulièrement
ceux des formes de diarrhée les plus dangereuses, et pour administrer
des traitements relativement simples.
«Il est. . . possible
d’accomplir des progrès
dans la lutte contre la
diarrhée en dépit de
la pauvreté ».
SANTÉ MATERNELLE ET NÉONATALE
Avec les maladies infectieuses, les affections maternelles et néonatales
sont à l’origine d’une importante partie de l’écart des niveaux de santé
entre pays riches et pays pauvres ; à titre d’exemple, plus de 99 % des
décès maternels sont enregistrés dans le monde en développement.
Cette différence représente la plus importante disparité au niveau des
statistiques de santé publique entre pays à faible revenu et pays à revenu élevé. Dans l’ensemble, le risque à vie moyen de décès maternel est
de 1 sur 4 000 dans les pays à revenu élevé, 1 sur 61 dans les pays à revenu intermédiaire, et 1 sur 17 dans les pays à faible revenu.
Les taux de décès pendant la période néonatale (de la naissance au
e
28 jour de vie) révèlent également d’énormes différences entre pays
riches et pauvres. Seulement 1 % de tous les décès néonatals surviennent dans les pays à revenu élevé, où le taux de mortalité néonatale est
en moyenne de 4 pour 1 000 naissances vivantes. Dans les pays à faible
revenu, cette moyenne est d’environ 33 pour 1 000 naissances vivantes.
La majorité des décès néonatals sont enregistrés en Asie du Sud en raison de la taille importante de la population de cette région ; cela étant,
20 des pays affichant les plus forts taux de mortalité néonatale se trouvent en Afrique subsaharienne. Les taux les plus élevés sont enregistrés
dans les pays où la pauvreté a été exacerbée par les guerres civiles et l’instabilité politique, comme en Éthiopie, au Libéria et en Sierra Leone.
Dans ces pays, les taux de mortalité néonatale dépassent 50 pour 1 000
naissances vivantes.
Les accords internationaux ont reconnu l’importance de la réduction de la mortalité maternelle et infantile dans les pays à revenu
«… plus de 99 % des
décès maternels sont
enregistrés dans le monde
en développement. Cette
différence représente la
plus importante disparité
au niveau des statistiques
de santé entre pays à
faible revenu et pays à
revenu élevé ».
Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 89
«… les décès néonatals
représentent 40 % de tous
les décès d’enfants de
moins de cinq ans. . . ».
«… l’on enregistre…
210 millions de
grossesses chaque
année, dont 60 millions
faible ou intermédiaire. De fait, deux des huit ODM visent à
résoudre ces problèmes : le quatrième objectif est de réduire des
deux tiers la mortalité chez les enfants de moins de cinq ans, et le
cinquième objectif a trait à la réduction des trois quarts du ratio de
mortalité maternelle, à l’horizon 2015 dans les deux cas. Le DCP2
souligne que les décès néonatals représentent 40 % de tous les décès
d’enfants de moins de cinq ans, que 75 % des décès néonatals surviennent pendant la première semaine de vie, et que 50 % des décès
maternels se produisent au cours de la première semaine suivant
l’accouchement.
Les taux de mortalité maternelle et infantile d’un pays donné peuvent en dire plus long sur l’état de son système de santé que tout autre
chiffre. La réduction des taux de mortalité maternelle et infantile exige
un système de prestation des soins de santé intégré et fonctionnant
convenablement qui permet de fournir directement aux communautés
des services d’éducation et de conseil, qui aide les populations à éviter
les grossesses non désirées, qui encourage la bonne alimentation, qui
procède à la détection des risques, qui facilite les accouchements dans
de bonnes conditions de santé, et qui réagit efficacement dans les situations d’urgence obstétrique.
Il est cependant peu probable que le système de santé à lui seul
apporte ou soutienne des améliorations dans le domaine de la santé
dans nombre de pays sans des changements sociaux concomitants destinés à accroître de la scolarisation des jeunes filles ; à réduire la discrimination sur le sexe dans les domaines de l’emploi et de la rémunération ; et à corriger les déséquilibres au niveau du pouvoir de négociation au sein du ménage qui influent sur l’accès des femmes à l’alimentation, sur leur charge de travail ménager, et sur leur sécurité physique.
Néanmoins, le DCP2 s’intéresse principalement aux interventions
propres au secteur de la santé, et il montre qu’il existe nombre d’interventions efficaces au plan économique permettant de prévenir les grossesses non désirées, de rendre la grossesse et l’accouchement plus sûrs,
et d’améliorer la santé néonatale.
se terminent par un
avortement, voire par
le décès de la mère
ou du bébé ».
Planning familial
À l’échelle mondiale, l’on enregistre environ 210 millions de grossesses
chaque année, dont 60 millions se terminent par un avortement, voire
par le décès de la mère ou du bébé11. Vingt-cinq pour cent de toutes les
11
90 | Priorités en matière de santé
Cette partie est basée sur le chapitre 57 du DCP2.
grossesses, soit approximativement 52,5 millions de cas, s’achèvent par
un avortement. Plus de 500 000 cas de décès maternels et 4 millions de
cas de décès néonatals surviennent chaque année, mais la mortalité ne
constitue qu’un des dénouements négatifs possibles. Chaque année,
plus de 54 millions de femmes souffrent en outre de maladies ou de
complications pendant la grossesse et l’accouchement. En effet, les
affections liées à la maternité représentent entre 12 et 30 % de la charge de morbidité chez les femmes âgées de 15 à 44 ans dans les pays en
développement. Les conditions de santé génésique sont une source
majeure de différence au niveau de la charge de morbidité entre les
hommes et les femmes, ces dernières vivant en général plus longtemps
mais en moins bonne santé.
Bien que la grossesse et l’accouchement fassent naturellement partie
d’une vie saine, ils comportent des risques. Les femmes souffrant d’hypertension, de cardiopathie, de paludisme, d’anémie, de tuberculose,
d’hépatite, d’ITS ou de VIH/SIDA courent d’importants risques pendant la grossesse. Il est tout particulièrement important de fournir à ces
femmes des services appropriés de dépistage, de conseil et de contraception. Les grossesses non désirées ont aussi des conséquences négatives. Les données sont fragmentaires et les variations régionales sont
grandes, mais selon les estimations, les programmes de planning familial pourraient permettre de prévenir entre 20 et 40 % de tous les décès
d’enfants en empêchant l’accouchement chez les adolescentes et les
femmes plus âgées et en permettant d’aménager des intervalles de trois
à cinq ans entre les grossesses.
Le planning familial peut réduire les grossesses non désirées et aider
les couples à avoir une famille de la taille désirée. L’accès à un moyen de
contraception efficace est essentiel. Le besoin non satisfait de contraception est défini comme le nombre de femmes qui souhaitent éviter la
grossesse mais n’utilisent aucun moyen contraceptif.
Le taux le plus élevé de besoin non satisfait de contraception est
enregistré en Afrique subsaharienne, où environ 19, 4 % des femmes
souhaiteraient éviter de tomber enceintes mais n’utilisent aucun
moyen contraceptif. Les principaux obstacles entravant la satisfaction
du besoin de contraception sont notamment le manque de connaissances, les problèmes de santé et la désapprobation sociale. Avec
quelques variations d’un pays et d’un contexte à l’autre, ces facteurs
sont plus importants que la mise à disposition ou le coût des contraceptifs. Dans les pays où la demande de la contraception est largement
satisfaite, tels que le Brésil, la Colombie et le Viet Nam, les taux de
fécondité sont plus faibles, tout comme ceux de mortalité maternelle.
«… les programmes
de planning familial
pourraient permettre de
prévenir entre 20 et
40 % de tous les décès
d’enfants… ».
Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 91
« Chaque année, les
avortements non
médicalisés causent
quelque 80 000 décès,
ce qui représente environ
13 % de la charge de
morbidité chez les femmes
en âge de procréer ».
92 | Priorités en matière de santé
En revanche, en Afrique subsaharienne, la proportion des femmes dont
les demandes sont insatisfaites dépasse parfois celle des femmes qui utilisent des moyens contraceptifs.
Lorsque les femmes ont des grossesses non désirées, nombre d’entre
elles cherchent à avorter, peu importe que cela soit légal ou socialement
acceptable. En 1995, environ 35,5 millions d’avortements ont été pratiqués dans les pays en développement. La plupart des avortements
légaux sont pratiqués en Chine et dans d’autres pays d’Asie, mais en
raison de la taille de la population et des forts taux de fécondité, l’essentiel des avortements illégaux se déroulent également en Asie. Dans
les pays où l’avortement est illégal, il comporte beaucoup plus de
risques. Chaque année, les avortements non médicalisés causent
quelque 80 000 décès, ce qui représente environ 13 % de la charge de
morbidité chez les femmes en âge de procréer. Les taux de mortalité liée
aux avortements non médicalisés varient de 100 à 600 pour 100 000
opérations, par rapport à un taux de mortalité due aux avortements
sûrs de 0,6 décès seulement pour 100 000 opérations. Nombre de
femmes qui survivent à l’avortement non médicalisé s’en sortent avec
des incapacités.
Chez les personnes qui veulent éviter la grossesse, l’adoption d’un
moyen contraceptif peut être permanente, à long terme ou temporaire.
Les méthodes permanentes font appel à la stérilisation de la femme ou
de l’homme. Il s’agit de la méthode anticonceptionnelle la plus courante et la plus efficace : la stérilisation de 187 millions de femmes de
par le monde représente 34 % de toutes les pratiques contraceptives. La
stérilisation masculine au moyen de la vasectomie est une procédure
plus simple et plus sûre que la stérilisation féminine, mais elle est
moins pratiquée. Néanmoins, la stérilisation de quelque 40 à 50 millions d’hommes à l’échelle mondiale représente 8 % de toutes les pratiques contraceptives. Les dispositifs intra-utérins constituent la
deuxième méthode la plus courante de contraception, utilisée par 150
millions de femmes dans le monde entier. Ces dispositifs sont des
méthodes contraceptives à long terme, car ils sont installés dans l’utérus et empêchent la grossesse jusqu’à leur retrait.
Parmi les méthodes temporaires on peut citer la pilule, les implants
cutanés et les produits injectables qui modifient le cycle hormonal de
la femme pour empêcher la conception. Ces méthodes sont certes
sûres et efficaces, mais elles peuvent aussi causer des hémorragies irrégulières, ce qui constitue un problème pour les femmes dans les sociétés où certaines activités des femmes sont interdites ou restreintes
pendant la période des règles. L’OMS estime que 10 à 30 % des
femmes abandonnent ces méthodes contraceptives pour cette raison.
Les autres méthodes temporaires sont notamment les barrières, dont
la plus courante est le préservatif. Par rapport aux autres formes de
contraception, le préservatif est unique en son genre parce qu’il fournit une protection contre les ITS. Les préservatifs masculins représentent environ 4 % des méthodes contraceptives utilisées par les couples
en âge de procréer. Les stratégies pour combler la demande de services
de contraception sont entre autres l’éducation et l’information, les
subventions, la distribution gratuite et les mesures visant à faciliter ou
à encourager la stérilisation (encadré 4.3). La commercialisation
sociale renvoie à une diversité de stratégies qui adoptent des techniques traditionnelles de commercialisation pour promouvoir des
comportements, des produits et des services qui sont bénéfiques pour
la société. En général, de tels programmes promeuvent des produits
comme les préservatifs par le biais des mass médias. Ils adaptent également la présentation des produits et en font la promotion de façon
efficace dans une culture et un contexte précis. Parfois les gouvernements collaborent avec les fabricants commerciaux pour commercialiser des marques existantes. Les programmes de commercialisation
sociale ont permis d’accroître la vente et l’utilisation des contraceptifs
dans nombre de pays.
Le coût des programmes de planning familial se situe entre 5 000 et
35 000 dollars par décès maternel évité, entre 1 300 et 5 000 par décès
infantile évité, et l’ajout des autres impacts sur la santé au nombre de
décès évités, entre 30 et 60 dollars par AVCI. Les interventions semblent plus efficaces au plan économique en Asie du Sud et en Afrique
subsaharienne qu’en Asie de l’Est et dans le Pacifique. Dans ces
régions, le niveau d’efficacité économique varie également, parfois du
simple au double, en raison des différences entre les taux de fécondité, des risques de mortalité et des taux existants de prévalence des
contraceptifs.
De manière générale, les données scientifiques sont solides pour
permettre de conclure que le planning familial est efficace au plan économique, mais elles ne le sont pas assez pour déterminer quels programmes sont les plus efficaces au plan économique. Le coût de la
contraception n’est pas d’ordinaire un obstacle majeur à son acceptation. Au contraire, les mœurs sociales et les problèmes de santé constituent de plus grands obstacles. La proximité des services et leur disponibilité sont également pertinentes. Pour être efficaces, les programmes
doivent cerner les obstacles locaux au planning familial, et concevoir
ensuite une réponse appropriée.
« Le coût des programmes
de planning familial se situe
entre 5 000 et 35 000
dollars par décès maternel
évité, entre 1 300 et 5 000
dollars par décès infantile
évité, et… entre 30 et
60 dollars par AVCI ».
Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 93
Encadré 4.3 Le remarquable succès du Bangladesh
Au milieu des années 70, la Bangladaise moyenne avait plus de six enfants, ce qui, combiné avec la malnutrition et le manque d’accès à des services de santé de qualité, compromettait la santé tant de la mère que de ses enfants. Au-delà de l’impact de cette situation sur la santé, le taux élevé de fécondité et la croissance rapide de la population constituaient des obstacles majeurs au développement économique et au progrès social du
pays.
Le programme de planning familial du Bangladesh, lancé dans le but d’atteindre des
objectifs démographiques, comportait quatre éléments. Le premier élément était le
déploiement de jeunes femmes mariées qui étaient recrutées comme agents de terrain et
formées pour effectuer des visites à domicile auprès des femmes, auxquelles elles fournissaient des services de contraception et des renseignements. Le nombre de ces agents
de terrain, connues sous le nom d’assistantes de bien-être familial, a finalement atteint
25 000 dans le secteur public, en plus de 12 000 dans les ONG. Le programme avait
également recruté 4 500 hommes comme agents de terrain.
Chacune des assistantes de bien-être familial devait couvrir de trois à cinq villages ou
s’occuper de 850 femmes du milieu rural, en se rendant dans chaque ménage une fois
tous les deux mois (Hossain et Phillips 1996). L’ampleur du programme était impressionnante : les assistantes de bien-être familial avaient contacté presque toutes les
Bangladaises au moins une fois et elles atteignaient plus du tiers de celles-ci tous les six
mois. Les assistantes de bien-être familial étaient des visiteuses bien reconnues dans les
villages et elles constituaient le principal lien entre le programme gouvernemental et les
femmes du milieu rural.
Le deuxième élément du programme était la mise à disposition d’un éventail aussi
large que possible de méthodes pour satisfaire une diversité de besoins en matière de
reproduction. L’approche dite de la cafétéria proposait des méthodes temporaires ainsi
que des services de stérilisation à l’intention des personnes ayant deux enfants vivants
et dont le plus jeune est âgé d’au moins deux ans (Rob et Cernada 1992). Un système de
distribution bien géré ravitaillait les agents de terrain en produits de planning familial
pour appuyer leurs activités.
Le troisième élément du programme était les cliniques de planning familial ouvertes
dans les zones rurales et vers lesquelles les agents de terrain pouvaient aiguiller les
clientes qui désiraient utiliser des méthodes permanentes ou à long terme telles que la
stérilisation. En fin de compte, environ 4 000 établissements publics et 200 cliniques
appartenant à des ONG ont été créés.
Le quatrième élément était les activités d’information, d’éducation et de communication destinées à changer les normes relatives à la taille de la famille et à fournir des renseignements sur les options de contraception. Une utilisation avant-gardiste des mass
médias s’est avérée tout particulièrement efficace.
Grâce au programme, la quasi-totalité des Bangladaises étaient au courant des
méthodes modernes de planning familial. L’utilisation de contraceptifs par les femmes
mariées s’est accrue, passant de 8 % au milieu des années 70 à environ 50 % en 2000,
et la fertilité a baissé plus de 6,0 enfants par femme en 1975 à approximativement 3,3
en 2000. Même si les progrès socioéconomiques ont joué un rôle majeur dans l’accroissement de la demande de la contraception, les chercheurs ont montré que la mise
à disposition de services et d’informations a eu un effet indépendant sur les attitudes
et les comportements.
(suite à la page suivante)
94 | Priorités en matière de santé
Encadré 4.3 (suite)
Selon les estimations, ce programme coûte à peu près 100 millions à 150 millions de dollars par an, environ la moitié aux deux tiers du financement provenant de bailleurs de
fonds extérieurs. Le rapport coût efficacité a été estimé à environ 13 à 18 dollars par
naissance évitée, mesure standard des programmes de planning familial.
Malgré ces succès, le programme bangladais de planning familial est loin d’être parfait.
Depuis 1995 à peu près, la baisse du taux de fécondité a fortement ralenti. Nombre d’observateurs ont souligné les occasions à exploiter pour accroître l’efficacité du programme, répondre de façon plus efficace aux besoins des femmes, et établir un meilleur
lien entre le planning familial et la santé. Néanmoins, le Bangladesh a réalisé ce que peu
d’autres pays ayant le même niveau de développement socioéconomique ont été capables d’accomplir : il a complété les efforts pour changer les attitudes au sujet de la taille
de la famille en fournissant des services de planning familial afin d’abaisser de manière
durable et spectaculaire le taux de fécondité. Même si le programme visait au départ à
atteindre des objectifs démographiques, l’État a pu créer un programme comblant les
besoins des couples plutôt que de recourir à des mesures coercitives.
Source : Auteurs.
Affections maternelles
Le planning familial allège la charge de morbidité liée à la grossesse en
permettant d’éviter les grossesses non désirées12. Pour les femmes qui
sont enceintes, diverses affections maternelles (entendues comme les
troubles qui surviennent dans la période allant de la conception à 42
jours après l’accouchement) peuvent entraîner la mort ou l’invalidité,
même si la grossesse et l’accouchement ne sont pas par nature pathologiques. L’objectif visé par les programmes de maternité sûre est de
fournir des soins pendant la grossesse et l’accouchement normaux et
sains, tout en maintenant un état de préparation pour faire face aux
problèmes de santé potentiels.
Des 210 millions de cas de grossesse enregistrés à l’échelle mondiale chaque année, quelque 500 000 se terminent par le décès de la mère,
et chaque année plus de 54 millions de femmes souffrent de maladies
ou de complications liées à la grossesse et à l’accouchement.
Treize pays — Afghanistan, Angola, Bangladesh, Chine, République
démocratique du Congo, Éthiopie, Inde, Indonésie, Kenya, Nigéria,
Pakistan, Tanzanie et Ouganda — enregistrent 70 % de tous les cas de
décès maternels, en raison des effets variables de la taille de la population, de la faiblesse du revenu et de la médiocrité des soins de santé.
12
Cette partie est basée sur le chapitre 26 du DCP2.
Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 95
«… la moyenne régionale
des accouchements
assistés par du personnel
qualifié en Afrique
subsaharienne n’a
augmenté que de 0,2 %
par an au cours de la
L’Asie du Sud et l’Afrique subsaharienne supportent 74 % de la charge
mondiale des affections maternelles. Les complications que connaissent les mères sont en outre directement liées à nombre de cas de naissances mort-nées et de décès néonatals chaque année, et plusieurs
études ont montré qu’un bébé dont la mère décède a peu de chance de
survivre.
Cinq affections seulement sont à l’origine des trois quarts des décès
maternels : hémorragie, septicité, trouble hypertensif, arrêt de progression du travail, et avortement non médicalisé. Nombre de ces affections
peuvent être efficacement atténuées grâce au dépistage prénatal et à
l’assistance médicale lors de l’accouchement, et les différences d’accès à
de tels soins expliquent une grande partie des disparités régionales. À
titre d’exemple, le taux des femmes qui accouchent en présence d’un
personnel médical qualifié est de moins de 30 % dans les pays les plus
pauvres, contre plus de 98 % dans les pays les plus riches du monde.
Pourtant, les progrès sur ce front sont d’une lenteur frustrante : la
moyenne régionale des accouchements assistés par du personnel qualifié en Afrique subsaharienne n’a augmenté que de 0,2 % par an au
cours de la dernière décennie (figure 4.2).
Étant donné la nature de la grossesse et de l’accouchement, aucune
intervention ou approche ne peut à elle seule permettre d’alléger pleinement la charge de morbidité connexe. La seule analyse pertinente consiste à comparer les combinaisons possibles qui diffèrent par leur contenu
et par leur moyen de distribution. Par exemple, une stratégie globale de
maternité sûre pourrait prévoir l’éventail d’interventions ci-après :
dernière décennie ».
• campagnes d’éducation et services de santé génésique à l’intention des
adolescents ;
• campagnes d’éducation auprès de la communauté sur la maternité sûre
et les soins aux nouveau-nés ;
• soins et conseils prénatals, en ce qui concerne notamment les suppléments nutritionnels, le contrôle de la tension artérielle, le dépistage des
ITS, le traitement de la syphilis, les conseils en matière d’allaitement
maternel, la vaccination au toxoïde tétanique, et le traitement de l’infection des voies urinaires
• accouchement assisté par du personnel qualifié
• soins pour les complications et les situations d’urgence obstétriques
• soins postnatals.
Outre le fait d’éviter des grossesses non désirées, les mesures visant
à prévenir les problèmes liés à la maternité doivent permettre d’assurer
la bonne santé générale, tout particulièrement une nutrition adéquate.
Il convient de prévenir les complications ou de les traiter si elles se pro96 | Priorités en matière de santé
Figure 4.2 Niveaux de couverture des soins prénatals, 1990 et 2000
Pourcentage des naissances vivantes bénéficiant de soins prénatals
100
1990
88
2000
77
80
68
59
60
71
57
52
45
40
20
0
Asie
(hormis la Chine)
Amérique
latine et
Caraïbes
Moyen-Orient
et Afrique
du Nord
Afrique
subsaharienne
Source : adaptation de l’OMS 2003.
duisent. Les interventions peuvent être individuelles ou à l’échelle de la
population ; elles peuvent s’effectuer pendant la grossesse, le travail et
la délivrance, ou durant la période postnatale ; et elles peuvent varier
selon le niveau de soins, c’est-à-dire suivant que ceux-ci sont fournis à
domicile, dans un établissement de santé primaire ou dans un hôpital.
Les interventions axées sur la population s’attaquent à deux grands
facteurs de risque, à savoir le manque de moyens contraceptifs et la
dénutrition chez la mère. La dénutrition se manifeste de deux manières :
l’insuffisance pondérale et/ou l’arrêt de croissance prématuré, ainsi que
la carence en micronutriments, principalement le fer et la vitamine A. La
dénutrition étant souvent chronique, à long terme et intergénérationnelle, l’on ne sait pas bien quand et comment les interventions seront le
plus efficace. Les efforts peuvent se concentrer sur les femmes lorsqu’elles
sont jeunes, durant la grossesse ou tant qu’elles sont en âge de procréer.
Les interventions personnelles couvrent un large éventail de services qui
partagent certaines caractéristiques importantes : elles doivent s’intégrer
dans un ensemble. Cet ensemble s’étend dans le temps, c’est-à-dire de la
conception à la période postnatale ; dans l’espace, englobant le domicile, les services de santé primaire et l’aiguillage vers les soins complexes au
besoin ; et aux divers soignants non professionnels, couvrant éventuellement les agents de terrain, les agents de santé publique, les sagesStratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 97
«… quatre visites
prénatales chez un
prestataire de soins de
santé peuvent être efficaces
au plan économique. La
formation de tels
prestataires doit couvrir la
manière de reconnaître les
signes de danger et de
prendre des dispositions
en vue d’un transfert
rapide vers un
établissement approprié
en cas d’urgence… ».
femmes, les aides-soignantes, les médecins et les chirurgiens.
Les études ont montré que quatre visites prénatales chez un prestataire de soins de santé peuvent être efficaces au plan économique. La
formation de tels prestataires doit couvrir la manière de reconnaître les
signes de danger et de prendre des dispositions en vue d’un transfert
rapide vers un établissement approprié en cas d’urgence, et elle devrait
en outre insister sur le recours à un accoucheur qualifié lors de l’accouchement. Les autres éléments essentiels des soins prénatals sont la
prévention et le traitement du paludisme et de l’anémie, le dépistage et
le traitement de la syphilis, et la vaccination contre le tétanos. L’apport
nutritionnel est souvent inclus, mais son efficacité et son rapport coûtefficacité n’ont pas été établis de manière concluante.
Les femmes et les nourrissons courent les plus grands risques d’invalidité et de mort pendant et immédiatement après l’accouchement.
Durant cette période, la présence d’un personnel qualifié et la possibilité d’un aiguillage vers un niveau de soin plus complexe peuvent s’avérer cruciales. La définition précise de ce que l’on entend par « présence
d’un personnel qualifié » est sujette à débat, mais les ODM proposent
la proportion des accouchements en présence d’un professionnel de
santé (médecin, infirmier ou sage-femme qualifiée) comme indicateur
substitutif. Le taux des naissances en présence d’un personnel qualifié
varie considérablement d’une région en développement à l’autre et
d’un groupe socioéconomique à l’autre dans le même pays, allant de
48 % en Afrique subsaharienne à 59 % en Asie du Sud et à 82 % en
Amérique latine et dans les Caraïbes.
Le DCP2 évalue plusieurs différentes propositions de combinaisons
de soins qui amélioreraient la couverture et/ou la qualité des soins
maternels courants. Les trois combinaisons les plus efficaces au plan
économique et qui prévoient toutes la supplémentation nutritionnelle,
ont des coûts variant de 77 à 104 dollars par AVCI gagnée en Afrique
subsaharienne et à 150 dollars par AVCI gagnée en Asie du Sud. Les
coûts directs sont certes plus élevés en Afrique subsaharienne, mais ils
sont compensés par la meilleure efficacité, en raison de la plus forte
prévalence des affections maternelles (encadré 4.4).
Affections néonatales
Le risque de décès est le plus élevé au cours des 28 premiers jours de vie
(mortalité néonatale)13. Environ 1 million de nourrissons meurent
pendant leur première journée de vie, 2 millions d’autres meurent au
13
98 | Priorités en matière de santé
Cette partie est basée sur le chapitre 27 du DCP2.
Encadré 4.4 Étude de cas de mise en œuvre : Indonésie
Un effort intense déployé par le Gouvernement indonésien pour augmenter le nombre
des accouchements en présence de prestataires de soins de santé qualifiés avait été
lancé en 1993 avec l’instauration d’un programme de formation en sciences infirmières
de trois ans, suivi d’une préparation d’un an à la profession de sage-femme. À partir
de1996, ce programme avait été complété par un module supplémentaire d’interventions
dans le domaine de la formation, comprenant notamment une formation en cours d’emploi ; un système de supervision avec examen par les pairs et formation permanente ; un
système de contrôle maternel et périnatal ; et une stratégie d’information, d’éducation et
de communication visant la communauté.
À partir de 1996, l’on avait recueilli des données dans trois districts du sud du
Kalimantan, avant et après le module supplémentaire de formation, ce qui avait permis
d’en mesurer la valeur ajoutée. Avant la formation supplémentaire, 90 % des naissances
se déroulaient au foyer et un accoucheur qualifié n’était présent que dans 37 % des cas.
En 1998–1999, l’on dénombrait 510 sages-femmes affectées dans les districts et le taux
des naissances en présence d’un personnel qualifié avait augmenté, passant à 59 %.
Grâce au module de formation, les sages-femmes gagnaient en assurance et acquéraient
des compétences en prise en charge des complications obstétriques, mais malgré cela, la
proportion des femmes hospitalisées pour une césarienne a baissé de 1,7 % à 1,4 %. La
proportion des femmes hospitalisées à la suite de complications requérant une intervention nécessaire à la survie a également baissé de 1,1 % à 0,7 % (Ronsmans et al. 2001).
Un nombre considérablement plus élevé de sages-femmes qui avaient participé aux programmes de formation maîtrisaient cinq compétences clés, contrairement à celles qui n’y
avaient pas pris part.
Walker et al. (2002) ont réalisé une analyse économique des programmes de formation — en faisant la distinction entre les programmes destinés aux sages-femmes
appelées à travailler dans les établissements de santé et ceux à l’intention des sagesfemmes des villages — qui prévoyaient des stages en résidence dans les hôpitaux de
district. Les auteurs ont évalué l’efficience économique marginale de ces programmes du
point de vue du prestataire de soins de santé. Ils ont estimé que le premier programme
pouvait être amplifié pour accroître le nombre des sages-femmes compétentes travaillant
dans les établissements de santé et les villages du sud du Kalimantan de l’ordre de 1 %
aux coûts différentiels de 765 et 1 176 dollars respectivement. La reproduction dans les
autres régions coûterait entre 50 et 60 % de plus.
« Environ 1 million de
nourrissons meurent
pendant leur première
journée de vie, 2 millions
d’autres meurent au
Source : Auteurs.
cours de la semaine
cours de la semaine subséquente, et 1 million d’autres encore meurent
avant d’atteindre l’âge d’un mois. Ces chiffres ne s’améliorent guère. En
1980, le taux de mortalité infantile (décès survenant entre l’âge d’un
jour et d’un an, y compris la période post-néonatale) des pays à revenu
faible ou intermédiaire s’élevait approximativement à 88 pour 1 000
naissances vivantes (figure 4.3). De ces décès, 28 se produisaient au
début de la période néonatale, soit la première semaine de vie. En 2000,
le taux de mortalité infantile avait baissé à 62 pour 1 000 naissances
subséquente, et 1 million
d’autres encore meurent
avant d’atteindre l’âge
d’un mois ».
Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 99
Figure 4.3 Tendances de la mortalité infantile dans le temps
Taux de mortalité néonatale pour 1 000 naissances vivantes
100
Période postnéonatale
Fin de la période néonatale
80
Début de la période néonatale
44
60
35
« L’ODM relatif à la
réduction des deux tiers de
29
40
ans d’ici à 2015 ne peut
être atteint si l’on ne
s’attaque pas au problème
de la mortalité durant les
28 premiers jours de vie ».
« Jusqu’à 40 % des décès
néonatals pourraient être
évités en recourant à des
solutions appliquées à
domicile ou au sein de
la communauté ».
100 | Priorités en matière de santé
12
8
24
25
20
28
la mortalité chez les
enfants de moins de cinq
16
5
2
9
0
1980
1995
2000
Pays à revenu faible
ou intermédiaire
6
1980
1995
1
1
4
1
1
2000
Pays à revenu élevé
Source : DCP2, chapitre 27, p. 3.
vivantes ; cependant, tous les progrès pour ainsi dire ont été enregistrés
à la fin de la période néonatale ou dans la période postnatale. Le taux
des décès enregistrés au début de la période néonatale a à peine diminué, ne baissant qu’à 25 pour 1 000 naissances vivantes en 2000.
L’ODM relatif à la réduction des deux tiers du taux de mortalité chez
les enfants de moins de cinq ans d’ici à 2015 ne peut être atteint si l’on
ne s’attaque pas au problème de la mortalité durant les 28 premiers
jours de vie.
Les interventions appropriées ne sont pas très complexes. Jusqu’à
40 % des décès néonatals pourraient être évités en recourant à des solutions appliquées à domicile et au sein de la communauté. Parfois, certaines de ces solutions consistent tout simplement à maintenir le nourrisson au chaud, à lui donner régulièrement du lait maternel, et à le
protéger contre l’infection grâce à une bonne hygiène et/ou à un traitement opportun au moyen d’antibiotiques (encadré 4.5). Dans
nombre de cas, les soins appropriés sont disponibles, mais il existe des
écarts au niveau de la qualité ou de la continuité des soins. La différence entre l’obtention des soins et le fait de bénéficier de soins adéquats
peut être synonyme de différence entre la vie et la mort (encadrés 4.6
et 4.7). Les retards dans l’accès aux soins sont également un important
facteur contribuant aux décès maternels et néonatals. De tels retards se
produisent pour de nombreuses raisons différentes, comme par
exemple la non-reconnaissance du besoin d’une intervention clinique,
les normes culturelles qui entravent le recours aux services médicaux,
le caractère limité de l’accès aux établissements de santé en raison de
contraintes physiques ou financières, et les retards dans la réception des
soins une fois que le patient est rendu dans un établissement.
Les stratégies d’amélioration de la survie néonatale qui s’intéressent
uniquement à la mise à disposition des soins de santé au sein des établissements ne porteront par conséquent leurs fruits que si elles sont
intégrées à des efforts visant à améliorer les pratiques des familles et à
encourager les populations à faire usage des services de santé. Pour ce
faire, il importe dans nombre de cas d’accorder une attention adéquate à l’élimination des obstacles culturels aux soins — en assurant par
exemple la formation d’accoucheuses lorsqu’il est culturellement inapproprié que l’accouchement se déroule en présence d’accoucheurs, ou
en permettant à la nouvelle mère et à son bébé de quitter le foyer pendant la première semaine de vie s’il se présente une situation d’urgen-
Encadré 4.5 Stratégies à succès pour la survie néonatale
En Asie du Sud et en Afrique subsaharienne, la baisse du nombre des décès à la fin de la
période néonatale était influencée par la réduction de moitié des décès néonatals dus au
tétanos enregistrée au cours des années 90, suite à l’accroissement de la protection au
toxoïde tétanique et à des pratiques d’accouchement hygiéniques. En 2000, les deux tiers
des pays à revenu faible ou intermédiaire avaient éliminé le tétanos néonatal et 22
autres pays étaient sur le point d’atteindre cet objectif.
Source : Adapté du chapitre 27 du DCP2.
Encadré 4.6 Institutionnalisation d’un programme de réanimation
néonatale dans une province chinoise
Une étude réalisée en milieu hospitalier en Chine fait état d’une surveillance de référence
de 1 722 nouveau-nés suivie d’une évaluation prospective de deux ans de 4 751 nouveaunés, parallèlement à l’instauration de directives standardisées de réanimation. La réanimation traditionnelle telle que pratiquée jusque-là consistait à infuser des stimulants centraux avec de la vitamine C et 50 % de glucose ; à badigeonner d’alcool le bébé ; et à
appuyer sur le philtrum. Les professionnels de la santé ont reconnu que l’asphyxie était la
principale cause de décès néonatal et la deuxième plus importante cause de décès infantiles à l’échelon national. Ils ont également reconnu que les objectifs en matière de survie
des enfants ne pouvaient être atteints tant que le problème de l’asphyxie n’était pas
résolu. Ils ont élaboré et mis en œuvre un programme de réanimation néonatale reposant
sur des éléments probants et permettant de former le personnel à l’utilisation des nouvelles directives. Le taux de mortalité du début de la période néonatale a baissé considérablement, soit de l’ordre de 66 %, pour se fixer à 3,4 pour 1 000.
Source : Adapté du chapitre 27 du DCP2.
Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 101
Encadré 4.7 La réduction des décès des nouveau-nés est possible
dans les pays à faible revenu
Le Sri Lanka a enregistré un taux de mortalité néonatale de 11 pour 1 000 naissances
vivantes en 2000 malgré un faible PNB par habitant de 800 dollars et des dépenses de
santé de moins de 1,50 dollar par habitant dans le secteur de la santé maternelle néonatale. En 1959, la mortalité maternelle et néonatale était élevée, avec un taux de mortalité
néonatale de 50 pour 1 000 naissances vivantes, et le PNB par habitant était de 290 dollars. En 1980, la mortalité maternelle et infantile était réduite de moitié, grâce à l’accroissement du nombre d’accouchements en présence d’un personnel qualifié et parce
que les services de soins prénatals, lors de l’accouchement, postnatals et aux nouveaunés étaient fournis à proximité des communautés et gratuitement. La période 1980–2000
a vu une réduction supplémentaire de 50 % du taux de mortalité néonatale sans aucun
recours aux soins intensifs, en dehors de ceux fournis dans une unité dans la capitale.
La Malaisie a elle aussi suivi une politique d’amplification rapide de la couverture des
services d’accouchement en présence d’un personnel qualifié. Elle a formé de grands
nombres de sages-femmes et encouragé la collaboration avec les accoucheurs traditionnels pour promouvoir un passage graduel aux soins fournis par un personnel qualifié sur
plusieurs décennies. Le taux de mortalité néonatale s’élève aujourd’hui à 6 pour 1 000
naissances vivantes, et 95 % des femmes accouchent en présence d’un accoucheur
qualifié.
Source : Adapté du chapitre 27 du DCP2.
«… plusieurs modules de
services portant sur les
soins aux nouveau-nés
pendant les 28 premiers
jours de vie... sont
applicables de façon
universelle et sont
faisables même en
l’absence de professionnels
de santé qualifiés ».
102 | Priorités en matière de santé
ce — et des contraintes financières, notamment les frais de service et de
transport.
Le DCP2 examine plusieurs modules de services portant sur les
soins aux nouveau-nés pendant les 28 premiers jours de vie. Quelquesunes de ces interventions sont applicables de façon universelle et sont
faisables même en l’absence de professionnels de santé qualifiés.
D’autres nécessitent des soins fournis par un professionnel qualifié,
elles sont plus complexes ou elles utilisent du matériel médical essentiel. Les ensembles d’interventions qui ont un grand impact et qui sont
faisables dans la plupart des contextes peuvent être divisés en cinq
groupes : soins au nouveau-né fournis par la famille, soins essentiels au
nouveau-né, réanimation du nouveau-né, soins aux enfants présentant
une insuffisance pondérale à la naissance, et soins d’urgence. Les deux
premiers groupes mettent l’accent sur le maintien de l’enfant au chaud,
l’allaitement maternel et l’utilisation de pratiques hygiéniques (notamment le fait de soigner convenablement le cordon ombilical et de se
laver les mains). Les trois derniers groupes nécessitent une certaine formation, même si la réanimation peut souvent s’effectuer avec un matériel simple coûtant moins de 5 dollars.
Il n’est pas judicieux de créer un programme distinct de soins aux
nouveau-nés. Au contraire, la meilleure manière d’améliorer les soins
aux nouveau-nés est de combler la lacune de ce qui devrait être un
spectre de soins comprenant des services prénatals, l’accouchement
assisté par du personnel qualifié, et un soutien de suivi pendant le premier mois de vie. Le fait d’ajouter les interventions ciblant les nouveaunés aux services existants (DCP2, chapitre 63) ou de les mettre en
œuvre parallèlement aux services de base lorsque ces derniers sont
inexistants serait plus efficace au plan économique que de lancer
isolément des interventions néonatales.
Les interventions visant à améliorer la santé néonatale et les taux de
mortalité sont souvent simples, mais elles nécessitent un réseau de services de santé qui fonctionne et peut assurer la continuité des soins
pendant les périodes prénatale, d’accouchement et postnatale. Le plus
grand défi est d’étendre ces services aux régions urbaines et rurales
marginalisées. Dans un premier temps, de simples approches peuvent
être appliquées même dans les milieux les plus pauvres pour améliorer
les pratiques familiales, en ce qui concerne tout particulièrement la
propreté, le maintien au chaud et l’allaitement au lait maternel de l’enfant. Lorsque les services de santé de base sont disponibles, il est possible de mettre en place du matériel et un programme de formation
pour des interventions bien éprouvées, mais pour résoudre pleinement
le problème de la survie néonatale, il convient de combler les lacunes
de la continuité des soins et de renforcer le réseau des services de soins
de santé et d’information. Pour ce faire, il importe de veiller à ce que les
sages-femmes professionnelles soient présentes lors des accouchements
et dispensent les soins de suivi, que les familles apprennent à reconnaître le moment où les soins de santé sont nécessaires, et que les soins
de santé soient facilement accessibles.
Le DCP2 relève que des dépenses modestes peuvent avoir un effet
important sur la survie néonatale. À titre d’exemple, en Afrique subsaharienne, la mise à disposition de services de santé maternelle et infantile de base qui réduiraient la mortalité néonatale d’un taux allant
de 6 % à 41 %, selon la couverture préexistante des services primaires
et du taux de référence de mortalité néonatale, coûterait entre 2 et 10
dollars par habitant. Des dépenses supplémentaires de 0,21 à 0,95
dollar par habitant pourraient réduire les décès néonatals d’un taux
atteignant 71 %. Selon les estimations, les coûts précis de l’ajout d’un
programme de formation en réanimation néonatale, de matériel, de
cours de recyclage et de la supervision s’élèvent à moins de 0,02 dollars
par habitant, pour une réduction prévue de la mortalité néonatale
d’environ 5 % en Afrique et en Asie du Sud.
Si certains pays pauvres en ressources ont démontré du succès, il
«… la meilleure manière
d’améliorer les soins aux
nouveau-nés est de combler
la lacune de ce qui devrait
être un spectre de soins
comprenant des services
prénatals, l’accouchement
assisté par du personnel
qualifié, et un soutien de
suivi pendant le premier
mois de vie ».
«… la mise à disposition
de services de santé
maternelle et infantile
de base qui réduiraient
la mortalité néonatale d’un
taux allant de 6 % à 41 %...
coûterait entre 2 et 10
dollars par habitant ».
Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 103
« Il faudrait doubler les
dépenses en Inde et les tripler en Afrique pour fournir
un module de soins de
santé maternelle et infantile
de base dans le cadre des
interventions spéciales liées
à la survie néonatale ».
104 | Priorités en matière de santé
faut du temps pour mettre en place un système fonctionnel, surtout en
ce qui concerne les soins cliniques. Bien que les coûts paraissent
modestes par rapport aux dépenses effectuées dans les pays à revenu
élevé, ils sont considérables comparativement aux dépenses consacrées
aux soins de santé dans les pays à faible revenu. Il faudrait doubler les
dépenses en Inde et les tripler en Afrique pour fournir un module de
soins de santé maternelle et infantile de base dans le cadre des interventions spéciales liées à la survie néonatale. Le financement international est par conséquent nécessaire pour réduire la charge de morbidité liée aux affections néonatales dans les pays à faible revenu.
Chapitre 5
Intervenir sur les maladies
non transmissibles, les facteurs
de risque et les comportements
Si les maladies transmissibles et la santé maternelle et infantile constituent
depuis longtemps une préoccupation majeure pour les spécialistes de la
santé publique dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, elles ont été
rejointes depuis peu par des maladies non transmissibles telles que les
maladies cardiovasculaires (MVC), le diabète et différentes formes de cancers, ainsi que par les traumatismes volontaires et involontaires. On s’est en
effet rendu compte que la charge de morbidité due aux maladies non
transmissibles dans ces pays non seulement augmentait à un rythme rapide, mais atteignait déjà un niveau incroyablement élevé. De fait, en 2001,
les MCV étaient devenues la première cause de mortalité dans le monde,
tant dans les pays développés que dans les pays en développement. Les
maladies non transmissibles figurent aujourd’hui parmi les principales
sources de morbidité et de mortalité à travers le monde.
Certaines maladies non transmissibles affectent de la même façon les
pays à revenu faible ou intermédiaire et ceux à revenu élevé. Ainsi, dans
toutes les régions du monde, au moins 80 % de la charge de morbidité
imputable aux MCV est associée à des cardiopathies ischémiques, des
insuffisances cardiaques congestives et des accidents vasculaires cérébraux.
Ces troubles ont beaucoup de facteurs de risque en commun — l’obésité,
l’hypertension artérielle, l’inactivité physique, et un apport en sel élevé —
et sont donc sensibles aux mêmes interventions.
D’autres maladies non transmissibles ne présentent pas le même profil
dans les pays développés et dans ceux en développement. C’est le cas du
cancer, pour lequel les variations géographiques sont très importantes. Les
types de cancer qui prédominent dans les pays à revenu élevé — les cancers du poumon, du sein, de la prostate et le cancer colorectal — sont associés à des facteurs tels que l’antériorité de l’épidémie de tabagisme et de
l’exposition à des substances cancérigènes, le régime alimentaire et le mode
de vie. En revanche, les cancers prédominants dans les pays à revenu faible
ou intermédiaire — les cancers du col de l’utérus, du foie et de l’estomac
105
« Le recul de la mortalité
due aux maladies
transmissibles ne doit pas
nécessairement être compensé par une augmentation
équivalente des décès
imputables aux maladies
non transmissibles. »
— sont associés à des infections chroniques par le papillomavirus humain,
l’hépatite B et Helicobacter pylori. La charge de morbidité due au cancer
est très élevée et en augmentation dans le monde entier, mais son épidémiologie, et par conséquent les interventions pertinentes, sont très différentes entre les pays à revenu faible ou intermédiaire et les pays à revenu
élevé.
Le poids des maladies non transmissibles augmente, mais la pression
qu’elles vont exercer sur les systèmes de santé n’a pas encore atteint son
maximum dans beaucoup de pays à revenu faible ou intermédiaire.
L’ironie de la chose est que, pour une part, cette charge nouvelle viendra
des progrès réalisés en matière de prévention et de traitement des maladies
transmissibles, et de mortalité juvénile, progrès qui vont permettre à des
individus d’atteindre l’âge adulte et d’être ainsi exposés à des maladies non
transmissibles.
Il est possible de diminuer la charge de morbidité due aux maladies non
transmissibles et aux traumatismes. En adoptant des politiques publiques
qui encouragent une alimentation saine et découragent la consommation
de tabac, par exemple, les pays à revenu faible ou intermédiaire peuvent
échapper aux profils de risques, que les pays plus riches ont acquis au cours
de leur processus de développement. Des mesures de sécurité routière
appropriées permettraient aussi aux pays à revenu faible ou intermédiaire
d’alléger sensiblement le fardeau imposé par les accidents de la route, qui
progresse en même temps que le trafic motorisé. Le recul de la mortalité
due aux maladies transmissibles ne doit pas nécessairement être compensé par une augmentation équivalente des décès imputables aux maladies
non transmissibles.
MALADIES CARDIOVASCULAIRES, DIABÈTE, HYPERTENSION
ARTÉRIELLE, CHOLESTÉROL ET SURPOIDS
Dans toutes les régions du monde, on constate une augmentation de la
charge de morbidité due aux MCV, au diabète et aux troubles associés que
sont l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie et le surpoids1.
Autrefois considérées comme des maladies des pays industrialisés ou des
milieux aisés dans les pays en développement, elles sont à présent reconnues en tant que problèmes planétaires.
Les MCV sont devenues en 2001 la première cause de mortalité mondiale. Elles représentent actuellement 28 % des décès dans le monde et
80 % de la charge de morbidité dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. L’essentiel de cette charge est localisée en Asie et en Europe orienta1
106 | Priorités en matière de santé
Cette partie est basée sur les chapitres 30, 33, 44 et 45 du DCP2.
le en raison du nombre d’habitants de ces régions et de l’incidence élevée
des maladies coronariennes en Europe orientale et en Asie centrale. Le diabète est aussi en progression à travers le monde, avec un taux de prévalence de 5,1 % en 2003. La prévalence du diabète atteint son plus haut niveau
dans les pays à revenu élevé avec 7,8 % tandis que, dans les pays en développement, elle va de 2,4 % en Afrique subsaharienne à 7,6 % en Europe
orientale et en Asie centrale. Bien que le taux de prévalence du diabète soit
supérieur dans les pays à revenu élevé, la part des régions en développement dans la charge de morbidité liée à cette affection dépasse les 70 % du
fait qu’elles sont plus peuplées2.
Une autre manière d’analyser la charge des MCV, du diabète et des
troubles associés consiste à les classer par facteurs de risque. D’après les
estimations du Rapport sur la santé dans le monde 2002 (OMS 2002),
7,1 millions de décès dans le monde pourraient être attribués à l’hypertension artérielle, 4,4 millions à l’hypercholestérolémie et 2,6 millions au surpoids. Le surpoids est un problème qui s’aggrave dans pratiquement tous
les pays, même les plus pauvres, à un rythme tel que, dans les pays à revenu intermédiaire, la charge de morbidité associée au fait d’avoir un indice
de masse corporelle supérieur à 25 est maintenant égale ou plus élevée que
celle due à la malnutrition.
Ces maladies ne sont pas des conséquences inéluctables de la vie moderne. Il est possible de diminuer la charge de morbidité correspondante en
introduisant dans les modes de vie des modifications mineures parfaitement compatibles avec la vie au XXIe siècle. Néanmoins, les habitudes tabagiques, l’activité physique et le régime alimentaire ne sont pas forcément
faciles à faire évoluer, et les changements nécessaires devront être accompagnés et encouragés par des investissements dans l’éducation, des modifications de la politique alimentaire, et parfois même des transformations
des infrastructures urbaines. Si les modifications des comportements à
obtenir sont partout les mêmes, la manière d’y parvenir sera bien évidemment différente selon les pays et les régions et devra prendre en compte les
caractéristiques culturelles, sociales et économiques locales.
« Bien que le taux de
prévalence du diabète soit
supérieur dans les pays à
revenu élevé, la part des
régions en développement
dans la charge de
morbidité liée à cette
affection dépasse les
70 % du fait qu’elles sont
plus peuplées. »
« …dans les pays à
revenu intermédiaire, la
charge de morbidité
associée au fait d’avoir
un indice de masse
corporelle supérieur à
25 est maintenant égale
Interventions sur le mode de vie
ou plus élevée que celle
Pour réduire les principaux facteurs de risque associés aux MCV et au diabète — l’obésité, l’inactivité physique et une mauvaise alimentation — il
due à la malnutrition. »
2
Les statistiques sur le diabète englobent les diabètes de type 1 (maladie auto-immune qui
provoque la destruction des cellules pancréatiques, entraînant un déficit absolu en insuline)
et de type 2 (caractérisé par une résistance à l'insuline, qui fait que les tissus cibles n'utilisent
pas l'insuline correctement, et par une secrétion insuffisante d'insuline par le pancréas), et le
diabète gestationnel. Le diabète de type 2, qui a quelques uns des facteurs de risque des MCV,
représente actuellement 85 à 95 % de l'ensemble des cas de diabète diagnostiqués.
Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 107
« Parce que rouler en
voiture coûte deux fois plus
cher en Europe qu’aux ÉtatsUnis, les Européens se
déplacent davantage à
pied et en vélo, et utilisent
leurs voitures environ 50 %
moins que les Américains.
»
108 | Priorités en matière de santé
est nécessaire d’intervenir pour modifier les modes de vie malsains. Les
chances d’y parvenir sont plus grandes avec un ensemble coordonné d’interventions encourageant les individus à éviter les excès de poids, à faire de
l’exercice tous les jours et à avoir une alimentation saine, c’est-à-dire remplacer les acides gras saturés et trans-saturés par des acides gras insaturés,
augmenter la consommation de fruits, de légumes et de céréales complètes,
et limiter l’apport en sel et les calories en excès de toute provenance, en particulier celles des boissons sucrées.
L’éducation de la population joue ici un rôle essentiel, et les résultats sont
meilleurs lorsqu’on agit par différentes voies et dans différents lieux, comme
les établissements scolaires, les lieux de travail, les mass médias et les centres
de santé. Les messages éducatifs ont également davantage d’impact quand
ils sont renforcés par des actions. Les établissements scolaires doivent par
exemple organiser des cours sur la nutrition, mais aussi proposer des repas
équilibrés ; sur les lieux de travail, il faut sensibiliser les employés aux bienfaits de l’activité physique, mais également faciliter l’utilisation de modes de
transport non motorisés.
L’aménagement urbain et la politique des transports entrent aussi en
ligne de compte lorsqu’on cherche à modifier les modes de vie. La population peut être encouragée à faire plus d’exercice en utilisant des transports publics et non motorisés, et plus spécialement en se déplaçant à pied
ou à bicyclette. Bien qu’elles ne soient généralement pas considérées
comme un instrument permettant d’améliorer la santé, les politiques
nationales des transports peuvent influer notablement sur l’utilisation des
automobiles et sur la dépendance de leurs usagers. Des taxes sur l’essence
réduites, des aires de stationnement gratuites et des chaussées larges favorisent l’utilisation des automobiles (aux États-Unis par exemple), tandis
que des rues étroites, des parkings peu nombreux et le prix élevé de l’essence le découragent (c’est le cas en Europe occidentale). Parce que rouler
en voiture coûte deux fois plus cher en Europe qu’aux États-Unis, les
Européens se déplacent davantage à pied et en vélo, et utilisent leurs voitures environ 50 % moins que les Américains. Les politiques publiques
suivent les mêmes tendances dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Singapour a été l’un des premiers États à décourager l’utilisation individuelle des automobiles et à encourager la population à utiliser les transports en commun ou se déplacer à pied ou en vélo. À l’inverse, la Chine a
clairement encouragé les familles à acheter des voitures en abaissant les
taxes, en simplifiant les procédures d’immatriculation et en autorisant les
financements étrangers.
La politique alimentaire représente un autre levier important pour faire
évoluer le mode de vie. On peut agir par exemple sur la production agroalimentaire en enrichissant les aliments en micronutriments et en limitant
la publicité pour les aliments néfastes pour la santé. L’un des moyens les
plus efficaces pour améliorer l’alimentation consiste à soumettre l’industrie agroalimentaire à des réglementations ou à des incitations afin qu’elle
remplace les ingrédients ou les produits malsains par d’autres, meilleurs
pour la santé. Par exemple, modifier les types de matières grasses peut être
pratiquement imperceptible pour les consommateurs, et relativement peu
coûteux. Un grand nombre de fabricants européens ont beaucoup diminué
la quantité d’acides gras trans-saturés de leurs aliments en modifiant leurs
méthodes de production. Ainsi, les Pays-Bas ont diminué la proportion
d’acides gras trans-saturés contenus dans les produits alimentaires : en
10 ans, elle est passée de 6 % du contenu énergétique à environ 1 %. À
Maurice, les politiques publiques ont remplacé les huiles de palme couramment utilisées pour la cuisine par de l’huile de soja, ce qui a diminué
l’apport en acides gras et abaissé les niveaux de cholestérol. D’autres modifications faciles à mettre en œuvre dans les processus de transformation
alimentaire concernent la réduction de l’apport en sel et l’enrichissement
des aliments par des micronutriments tels que la vitamine A, la vitamine
B12, l’iode, le fer et l’acide folique.
Les expériences passées permettent de tirer certains enseignements
sur les interventions utilisables pour modifier le mode de vie des populations :
« … les Pays-Bas ont
diminué la proportion
d’acides gras transsaturés contenus dans
les produits alimentaires :
en 10 ans, elle est
passée de 6 % du
contenu énergétique
à environ 1 %. »
• ces interventions doivent s’étendre sur plusieurs années ;
• leur organisation doit être confiée à des organismes crédibles ;
• il est important qu’une collaboration s’établisse entre le secteur de la
santé, les autres agences gouvernementales, les établissements scolaires,
les lieux de travail et le secteur associatif ;
• la coopération de l’industrie agroalimentaire est indispensable pour
garantir que les consommateurs puissent acheter de la nourriture plus
saine à des prix raisonnables et avec un étiquetage qui présente des
informations pertinentes d’une façon claire, fiable et norma-lisée.
Plusieurs faits indiquent que la plupart des maladies coronariennes, des
accidents vasculaires cérébraux, des diabètes et de certains cancers peuvent
être prévenus ou retardés par des modifications réalistes du régime alimentaire et du mode de vie. L’un de ces faits se fonde sur le recul des maladies coronariennes dans les pays ayant mis en place des programmes de
prévention. L’exemple de la Finlande est particulièrement spectaculaire.
Dans ce pays qui présentait les taux de MCV les plus élevés au monde, un
programme d’action complet ciblé sur l’amélioration de l’alimentation et
de l’hygiène de vie a permis de réduire le taux de mortalité de quelque
75 % entre 1972 et 1992 (encadré 5.1).
Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 109
« En adoptant des lois qui
obligent les industriels
à réduire la quantité de sel
présente dans les
aliments transformés, tout
en sensibilisant le public
par une campagne
d’information, on peut
réduire l’hypertension
artérielle pour un coût
de 6 dollars par personne
et par an. »
Le DCP2 évalue le rapport coût-efficacité de plusieurs de ces interventions. Le remplacement des acides gras saturés par des acides gras monoinsaturés dans les produits transformés, accompagné d’une campagne
d’information locale, peut réduire les cas de maladies coronariennes de
4 %. Le coût total de ces changements serait compris entre 1,80 et 4,50 dollars par personne et par an selon les régions. Le rapport coût-efficacité
marginal s’établirait entre 1 865 dollars par AVCI gagnée en Asie du Sud, et
4 012 dollars par AVCI gagnée au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
En remplaçant les 2 % d’énergie fournis par les acides gras trans-saturés par des acides gras polyinsaturés, on réduirait les MCV de 7 à 40 % et
l’on diminuerait également le nombre de diabètes de type 2. L’effet serait
variable selon les régions. La consommation d’acides gras trans-saturés est
déjà faible en Chine, c’est pourquoi les remplacer par des polyinsaturés
n’abaisserait pas autant l’incidence de ces maladies qu’en Asie du Sud, où
les graisses de cuisson employées habituellement ont une teneur en acides
gras trans-saturés extrêmement élevée. Les matières grasses partiellement
hydrogénées pourraient être éliminées ou sensiblement réduites par une
démarche volontaire des industriels, comme aux Pays-Bas, ou par la réglementation, comme au Danemark. Cette intervention ne nécessite pas d’action de sensibilisation des consommateurs, et son coût ne dépasse pas 0,5
dollar par personne et par an. Le rapport coût-efficacité de cette intervention est compris entre 25 et 73 dollars par AVCI gagnée selon la région. Elle
se solde par une économie dans toutes les régions.
En adoptant des lois qui obligent les industriels à réduire la quantité de
sel présente dans les aliments transformés, tout en sensibilisant le public
par une campagne d’information, on peut réduire l’hypertension artérielle pour un coût de 6 dollars par personne et par an. Cette intervention coûterait 1 325 dollars par AVCI gagnée en Asie du Sud, et 3 056 dollars par
AVCI gagnée au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Interventions médicales
Lorsque les interventions sur le mode de vie ne suffisent pas à prévenir les
MCV ou le diabète, la médecine doit prendre le relais. Beaucoup d’interventions médicales sont complexes et coûteuses, par exemple greffer de
nouvelles artères autour du cœur ou dilater un vaisseau obstrué par
angioplastie, mais il existe aussi des traitements relativement bon marché
pour soigner les MCV chroniques. Pour les sujets ayant eu des infarctus,
des médicaments comme les bêtabloquants et l’aspirine peuvent réduire
la probabilité d’une récidive. Le principal moyen permettant de prévenir
les décès dus au diabète de type 1 consiste à injecter de l’insuline afin de
maintenir dans le sang des niveaux de glucose adéquats. Pour le diabète de
110 | Priorités en matière de santé
Encadré 5.1 Des actions de proximité contre les MCV en Finlande
En 1972, la Finlande occupait le premier rang mondial pour la mortalité due aux MCV.
Les planificateurs ont analysé les éléments des politiques publiques et les facteurs
environnementaux qui favorisaient les MCV et se sont efforcés d’introduire les changements nécessaires, par exemple en améliorant la disponibilité des produits laitiers
allégés en matières grasses, en votant des lois anti-tabac et en servant des repas plus
équilibrés dans les restaurants scolaires. Ils ont utilisé les médias, les établissements
scolaires, les lieux de travail et des porte-paroles du monde du sport, de l’éducation et
de l’agriculture pour sensibiliser les habitants. Au bout de cinq ans, des progrès significatifs avaient été constatés sur le plan du tabagisme, du cholestérol et de la tension
artérielle. En 1992, les taux de mortalité due aux MCV avaient chuté de 57 % chez les
hommes de 35 à 64 ans. Devant le succès du programme, il a été étendu à d’autres
maladies liées au mode de vie et a servi de modèle pour les planificateurs de la santé
publique dans tout le pays et ailleurs. En vingt ans, il a permis d’obtenir d’importantes
réductions des facteurs de risque, de la morbidité et de la mortalité liés aux MCV. Des
chiffres récents montrent une diminution de 75 % de la mortalité due aux MCV (Puska
et al. 1998).
Source : DCP2, chapitre 44, p. 837
type 2, le traitement nécessite de modifier le régime alimentaire et l’activité physique, ce qui est aussi valable pour le diabète de type 1, et d’administrer par voie orale des agents abaissant le taux de glycémie, l’insuline
n’étant indispensable que dans les cas sévères. La tension artérielle et la
lipidémie peuvent aussi être régulées par voie médicamenteuse. Parmi les
autres interventions efficaces sur le diabète, on peut citer le dépistage précoce, suivi par le traitement des rétinopathies, des microalbuminuries et
des lésions du pied.
Les taux de glycémie des diabétiques de type 1 comme de type 2 sont
actuellement mal régulés dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.
Une étude de 1997 réalisée par la Fédération internationale du diabète a
montré qu’aucun pays d’Afrique ne bénéficiait d’un accès universel à l’insuline pour les patients qui en ont besoin. En République démocratique du
Congo, les diabétiques de type 1 arrivaient à se procurer de l’insuline
moins de 25 % du temps, ce qui entraînait une mortalité élevée. Même
dans les pays à revenu intermédiaire comme El Salvador et le Pérou, les diabétiques ayant besoin d’insuline pour réguler leur glycémie ne parvenaient
à s’en procurer que 26 à 49 % du temps.
La plupart des données que l’on possède sur le rapport coût-efficacité
des traitements médicaux pour les MCV et le diabète proviennent des pays
à revenu élevé. Les interventions médicales ciblées sur les MCV qui ont des
« Même dans les pays à
revenu intermédiaire …, les
diabétiques ayant besoin
d’insuline pour réguler leur
glycémie ne parvenaient à
s’en
procurer que 26 à
49 % du temps. »
Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 111
chances d’être efficaces par rapport aux coûts dans les pays à revenu faible
ou intermédiaire sont les suivantes :
« Les chercheurs en
médecine placent
beaucoup d’espoir dans
la mise au point d’une
« polypilule » pour
prévenir les MCV. »
« …pour le diabète,… les
interventions qui se révèlent
être faisables et d’un bon
rapport coût- efficacité
sont la
régulation de
la glycémie, la régulation de
la
tension artérielle et
la prise en charge du pied
diabétique. »
112 | Priorités en matière de santé
• les agents anticoagulants comme l’aspirine ou l’héparine pour prévenir
les thrombo-embolies veineuses ;
• les injections de benzathine pénicilline en prévention secondaire,
généralement pendant cinq ans, pour les sujets ayant été atteint de rhumatisme articulaire aigu ;
• les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine pour les
insuffisances cardiaques congestives ;
• les anticoagulants pour les sténoses mitrales et les fibrillations auriculaires ;
• différents médicaments, notamment des bêtabloquants et des statines
génériques, pour la prise en charge de longue durée du post-infarctus
du myocarde.
Équiper de défibrillateurs les véhicules de secours d’urgence est d’un
très bon rapport coût-efficacité dans les pays à revenu élevé mais n’est sans
doute pas efficace au plan économique dans la plupart des pays moins
riches. En revanche, en équiper les hôpitaux peut l’être davantage.
Les chercheurs en médecine placent beaucoup d’espoir dans la mise au
point d’une « polypilule » pour prévenir les MCV. Cette polypilule hypothétique associerait plusieurs médicaments : de l’aspirine générique, un
bêtabloquant, un diurétique thiazide, un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, et une statine. Administrée à une population ayant
35 % de risques d’être atteinte d’une MCV, elle aurait un rapport coût-efficacité marginal compris entre 721 dollars par AVCI gagnée au MoyenOrient et en Afrique du Nord, et 1 065 dollars par AVCI gagnée dans la
région Asie de l’Est et Pacifique. Le rapport coût-efficacité est bien évidemment inférieur dans les populations où la prévalence des MCV est
moins élevée.
Le rapport coût-efficacité des interventions médicales pour le diabète
est extrêmement variable. Certaines permettent de réaliser des économies ; d’autres coûtent plus de 73 000 dollars par année de vie gagnée
pondérée par sa qualité. Les évaluations du rapport coût-efficacité de ces
interventions qui sont données dans le DCP2 tiennent expressément
compte des différences qui existent dans leur mise en œuvre, notamment
la difficulté de couvrir les populations ciblées, la complexité technique
des interventions, l’intensité relative de capital et l’acceptabilité culturelle. Après intégration de ces critères, les interventions qui se révèlent être
faisables et d’un bon rapport coût-efficacité sont la régulation de la glycémie, la régulation de la tension artérielle et la prise en charge du pied
diabétique.
Réguler la glycémie coûte moins cher que gérer les complications
qui surviennent en l’absence de régulation. Permettre aux diabétiques de
type 1 de se procurer toute l’insuline dont ils ont besoin est une mesure
importante et efficace par rapport aux coûts. La régulation de la tension
artérielle chez les sujets atteints d’hypertension présente également un
bon rapport coût-efficacité et fait faire des économies. Parce qu’un grand
nombre de médicaments hypotenseurs sont des médicaments génériques,
leur coût est relativement bas dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. En outre, dans ces pays, beaucoup de diabétiques ne bénéficient pas
non plus d’une bonne régulation de leur tension artérielle. Ces médicaments offrent donc un excellent rapport coût-efficacité.
On voit ainsi que le rapport coût-efficacité des interventions médicales
varie considérablement selon les contextes, en fonction de l’existence de
personnels qualifiés, du prix des médicaments et de la prévalence des
risques. En revanche, les interventions sur le mode de vie font souvent faire
des économies parce qu’elles permettent de prévenir des affections dont le
traitement est parfois coûteux.
de prévention et de
CANCER
Autre maladie non transmissible longtemps considérée comme un problème de pays riches, le cancer frappe aujourd’hui lourdement toutes les
régions du globe3. En 2001, le cancer a provoqué plus de 7 millions de décès
dans le monde, dont 5 millions dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. Cette année-là, il a entraîné la perte de 100 millions d’AVCI, dont
près de 75 millions perdues dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. À moins que des actions de prévention et de dépistage énergiques ne
permettent d’infléchir la tendance, l’incidence du cancer, estimée en 2000
à 10 millions de nouveaux cas par an, passerait d’ici 2020 à 15 millions par
an, dont 9 millions dans les pays en développement.
Bien que le problème du cancer soit présent partout, il ne se pose pas de
la même manière dans toutes les régions. Dans les pays en développement,
une part importante des cancers est associée à des infections chroniques
(jusqu’à 25 %). Le cancer du foie est mis en relation avec l’hépatite B, le
cancer du col de l’utérus avec certains types de papillomavirus humains, et
le cancer de l’estomac avec une infection à Helicobacter pylori. L’incidence
de ces cancers est également liée à l’absence d’infrastructures de santé
publique bien développées permettant de lutter contre les agents infectieux
provoquant des cancers.
3
« À moins que des actions
dépistage énergiques ne
permettent d’infléchir la
tendance, l’incidence du
cancer, estimée en 2000 à
10 millions de nouveaux
cas par an, passerait
d’ici 2020 à 15 millions
par an… »
Cette partie est basée sur le chapitre 29 du DCP2.
Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 113
En 2000, sept types de cancers représentaient environ 60 % de l’ensemble des nouveaux cas de cancers diagnostiqués et des décès dus aux
cancers dans les pays en développement : les cancers du col de l’utérus, du
foie, de l’estomac, de l’œsophage, du poumon, du colon-rectum et du sein.
Les quatre premiers présentent des taux d’incidence et de mortalité élevés
dans les pays en développement. Les trois derniers ont une incidence plus
faible mais en hausse du fait des transitions démographiques et industrielles. Les régions en développement montrent également de très grandes
variations sur le plan de la charge de mortalité due aux cancers. Les décès
imputables au cancer du foie sont relativement nombreux en Asie de l’Est
et en Afrique en raison de la forte prévalence de l’hépatite B chronique et
des problèmes de stockage et de conservation de la nourriture dans ces
régions. La mortalité due au cancer colorectal et au cancer du sein est relativement élevée en Europe orientale car les populations de ces régions ont
adopté une alimentation trop grasse, moins saine, et des modes de vie plus
sédentaires. Les décès dus au cancer de la bouche sont particulièrement
nombreux en Asie du Sud où chiquer de la noix de bétel est une pratique
courante. Ces différents types de cancer appellent des stratégies d’intervention différentes.
Les interventions ciblées sur les cancers se classent en plusieurs catégories. La prévention primaire élimine l’exposition aux agents étiologiques
du cancer ; la prévention secondaire consiste à dépister et traiter des lésions
précancéreuses ; le traitement fait intervenir la chirurgie, la chimiothérapie
et la radiothérapie ; enfin, les soins palliatifs visent à améliorer le confort
physique et psychologique des patients depuis le diagnostic jusqu’au décès.
Les interventions de prévention primaire qui s’appliquent aux types de
cancer les plus préoccupants dans les pays en développement comprennent
la vaccination et le traitement contre les agents infectieux, les interventions
ciblées sur le régime alimentaire, la lutte contre le tabagisme, la réduction
de la consommation excessive d’alcool, et la chimioprophylaxie. Les études
évaluant le rapport coût-efficacité de ces interventions sont relativement
rares et concentrées dans les pays à revenu élevé. Ainsi, des études réalisées
au Royaume-Uni et aux États-Unis montrent que le dépistage et le traitement des infections à helicobacter en vue de réduire le risque de cancer de
l’estomac coûtent entre 25 000 et 50 000 dollars par année de vie sauvée,
mais selon une autre étude, le rapport coût-efficacité de cette intervention
serait très supérieur en Colombie, où le coût des soins de santé est moindre
et où la prévalence du cancer de l’estomac est plus élevée.
La prévention secondaire consiste à organiser des programmes de
dépistage pour détecter et traiter les précurseurs du cancer, ce qui peut prévenir ou réduire l’incidence des cancers très invasifs, par exemple le cancer
du col de l’utérus et le cancer colorectal. Un dépistage efficace peut également détecter des cancers invasifs, comme le cancer du sein et du poumon,
114 | Priorités en matière de santé
à un stade plus précoce qu’il ne serait possible sans cela, et donc améliorer
les chances de succès des traitements. Le rapport coût-efficacité de la prévention secondaire dépend de nombreux facteurs, notamment du coût des
tests de diagnostic, de la prévalence de la maladie et de la disponibilité de
traitements efficaces.
Le traitement du cancer comprend l’élimination chirurgicale des
tumeurs, la chimiothérapie et la radiothérapie. Pour les cancers du col de
l’utérus, du sein, de la bouche et du côlon-rectum, le rapport coût-efficacité du traitement est compris entre 1 300 et 6 200 dollars par année de
vie sauvée. Pour les cancers plus difficiles à traiter, comme ceux du foie,
du poumon, de l’estomac et de l’œsophage, il est beaucoup moins bon :
de 53 000 à 163 000 dollars par année de vie sauvée.
L’existence de méthodes de prévention et de traitement du cancer
offrant un rapport coût-efficacité satisfaisant dans les pays à revenu faible
ou intermédiaire varie beaucoup selon le type de cancer, avec un impact
important sur l'égalité des résultats obtenus. Dans le cas des cancers pour
lesquels il n’existe pas de moyens de dépistage et de traitement efficaces, à
savoir le cancer de l’œsophage, du foie, du poumon et du pancréas, les taux
de survie sont du même ordre dans les pays riches et pauvres. Concernant
les cancers pour lesquels on dispose de moyens thérapeutiques avérés,
c’est-à-dire le cancer du gros intestin, du sein, de l’ovaire et du col de l’utérus, on constate un écart important entre les meilleurs taux de survie des
pays à revenu élevé et les moins bons taux de survie des pays à revenu faible
ou intermédiaire. Un troisième groupe de cancers exige des traitements
complexes et multimodaux. Il s’agit du cancer des testicules, de la leucémie
et du lymphome. La prise en charge de ces cancers pose des problèmes particulièrement ardus dans les environnements ne disposant pas de personnel médical spécialisé ni de bonnes infrastructures de santé.
« Pour les cancers du col
de l’utérus, du sein, de la
bouche et du côlon-rectum,
le rapport coût-efficacité du
traitement est compris entre
1 300 et 6 200 dollars par
année de vie sauvée. Pour
les cancers … du foie, du
poumon, de l’estomac et
de l’œsophage, il est
beaucoup moins bon… »
AFFECTIONS CONGÉNITALES
ET TROUBLES DU DÉVELOPPEMENT
Une autre catégorie de maladies non transmissibles contribuant à la charge de morbidité comprend les affections congénitales et les troubles du
développement4. Plus les pays à revenu faible ou intermédiaire progresseront dans la lutte contre les grandes maladies infantiles, plus ils risquent de
voir augmenter le nombre d’affections congénitales et de troubles du développement diagnostiqués.
En Afrique, 2 % des nouveau-nés sont atteints de drépanocytose, l’une
des maladies héréditaires, ou hémoglobinopathies, qui affectent le fonc4
« En Afrique, 2 % des
nouveau-nés sont atteints
de drépanocytose… »
Cette partie est basée sur le chapitre 34 du DCP2.
Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 115
« … 7 % de la population
du globe sont porteurs de
gènes responsables
d’hémoglobinopathies, et
entre 300 000 et 500 000
enfants naissent chaque
année avec des formes
graves de ces affections.
L’arriération mentale
légère due à l’ingestion
de plomb compte pour
1 % dans la charge de
morbidité mondiale… »
116 | Priorités en matière de santé
tionnement normal de l’hémoglobine dans les globules rouges (figure 5.1).
On les rencontre peu chez les adolescents et les adultes en raison de la mortalité élevée chez les enfants. Au fur et à mesure que les pays feront reculer
le paludisme et amélioreront le diagnostic et le traitement des infections
aux antibiotiques, un plus grand nombre d’enfants touchés par cette maladie atteindront l’âge adulte.
La prévalence des troubles de l’apprentissage et du développement
(handicaps fonctionnels provoqués par une atteinte du système nerveux)
s’élève à au moins 10 à 20 % dans les pays à revenu élevé. Les enfants
atteints de ces handicaps ont plus de chances de survivre et d’être repérés
par le système de santé lorsque le pays est capable de maîtriser les maladies
infectieuses courantes et que la couverture du système de santé est plus
complète.
L’origine des affections congénitales et des troubles du développement
est très variable. Dans un grand nombre de cas, elle est strictement génétique : la drépanocytose touche un enfant sur quatre dans les familles où
les parents sont porteurs du gène récessif de la maladie, et la trisomie 21 est
provoquée par la présence d’un troisième chromosome. D’autres troubles
surviennent lorsque le développement du fœtus est perturbé, comme dans
le cas du syndrome de l’alcoolisation fœtale, de la carence en iode et de la
rubéole congénitale. Une troisième classe de troubles provient de l’exposition à des facteurs environnementaux néfastes, par exemple les lésions neurologiques provoquées par le neuropaludisme, la méningite bactérienne ou
l’empoisonnement au plomb.
Ces troubles représentent une part importante de la charge de morbidité mondiale. Quelque 7 % de la population du globe sont porteurs de gènes
responsables d’hémoglobinopathies, et entre 300 000 et 500 000 enfants
naissent chaque année avec des formes graves de ces affections.
L’arriération mentale légère due à l’ingestion de plomb compte pour 1 %
dans la charge de morbidité mondiale, soit environ 9,8 millions d’AVCI, et
l’intoxication par le plomb n’est qu’une cause d’arriération mentale parmi
beaucoup d’autres.
Les conséquences de ces troubles sont extrêmement variables et dépendent à la fois de la gravité de l’affection et du contexte. Là où le système de
santé est capable d’assurer un diagnostic correct et une prophylaxie par
pénicilline, un grand nombre d’enfants peuvent vivre normalement avec la
drépanocytose. Les troubles de l’hyperactivité et la dyslexie sont problématiques dans les environnements scolaires qui n’ont pas les moyens d’y faire
face. La stigmatisation peut empêcher des individus de participer à des
activités sociales même lorsque leurs handicaps structurels ne sont pas rédhibitoires. Quand la politique publique encourage la construction de
rampes pour les fauteuils roulants ou l’écriture en Braille, les handicaps
fonctionnels sont moins gênants.
Figure 5.1 Répartition mondiale des hémoglobinopathies
Hb E
Hb S
Source : DCP2, chapitre 34, p. 665.
Note : variantes de l’hémoglobine à structure anormale : Hb E (inoffensive sauf interaction avec une thalassémie α ou β) et Hb S
(provoquant une drépanocytose sous la forme homozygote)
Hb = hémoglobine
Certaines interventions en matière de santé visent à prévenir les affections congénitales et les troubles du comportement. Il s’agit notamment de
proposer des services de dépistage génétique et de conseil aux couples
lorsque des troubles congénitaux graves sont détectés, de vacciner contre le
Hib et la méningite pour éviter les lésions neurologiques, de mener des
actions de sensibilisation pour que les femmes enceintes cessent de boire
de l’alcool afin de prévenir le syndrome de l’alcoolisation fœtale, d’éliminer l’exposition aux toxiques tels que le plomb qui provoquent des arriérations mentales, et de remédier aux carences nutritionnelles des femmes
enceintes.
Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 117
D’autres interventions sont possibles pour empêcher les troubles de
progresser jusqu’au stade du handicap :
• le dépistage des troubles du métabolisme permet d’identifier les sujets
qui développeront des lésions neurologiques après avoir ingéré certains
aliments. Les enfants exposés à ces troubles et leurs parents peuvent
bénéficier de conseils pour adapter en conséquence le régime alimentaire des enfants identifiés ;
• le dépistage de la drépanocytose peut être suivi d’une prophylaxie par
pénicilline pour réduire les risques de décès et de morbidité liés aux
infections ;
• le dépistage et le traitement de l’hypothyroïdie congénitale peut éviter
des altérations du développement responsables de graves incapacités
cognitives ;
• le traitement rapide du neuropaludisme peut prévenir des atteintes
neurologiques sur le long terme.
« …un grand nombre
d’interventions ciblées sur
les affections congénitales
et les troubles du
développement présentent
un bon rapport coûtefficacité. »
118 | Priorités en matière de santé
Lorsque les troubles ne peuvent pas être prévenus, des traitements permettent dans certains cas d’atténuer leurs effets sur la santé d’un individu.
Les personnes atteintes d’affections provoquées par des thalassémies
graves, qui sont des maladies génétiques caractérisées par un défaut de
synthèse de l’hémoglobine dans le sang, peuvent avoir besoin de transfusions de globules rouges lavés, ayant subi un dépistage approprié des
maladies transmises par le sang. Les sujets atteints de drépanocytose peuvent être hospitalisés et recevoir des analgésiques pendant les crises de
douleur osseuse. Enfin, l’enrichissement nutritionnel, la chirurgie, la
réadaptation ou l’éducation spécialisée peuvent permettre d’atténuer la
gravité des handicaps.
Enfin, lorsque les troubles ne peuvent pas être prévenus ni traités, il est
parfois possible d’atténuer les conséquences du handicap sur la qualité de
vie des personnes. De nombreuses interventions portent sur des affections
secondaires. Ainsi, les trisomiques risquent d’avoir besoin d’être traités
pour des problèmes d’audition et de vision, d’anomalies cardiaques congénitales, et de retard mental. D’autres interventions visent à réduire les obstacles environnementaux qui entravent la participation des individus à la
vie familiale et sociale, par exemple en améliorant leur mobilité physique
par des investissements dans les infrastructures publiques (accès des fauteuils roulants aux transports, aux bâtiments et aux toilettes), en créant des
réseaux de soutien social, en luttant contre le rejet social et en éduquant le
public pour mieux intégrer les personnes handicapées.
Le DCP2 fait le constat qu’un grand nombre d’interventions ciblées sur
les affections congénitales et les troubles du développement présentent un
bon rapport coût-efficacité. Le chapitre 34 cite la prophylaxie par pénicilline pour les nouveau-nés atteints de drépanocytose, qui coûte entre 7 000 et
12 000 dollars par décès évité et entre 250 et 600 dollars par AVCI gagnée.
Le rapport note également que le dépistage de la drépanocytose chez les
personnes d’origine africaine coûte environ 6 700 dollars par décès évité,
mais que le dépistage systématique dans les autres populations où la prévalence est faible n’est pas efficace sur le plan économique. Le chapitre 49
montre que l’enrichissement des céréales en acide folique pour prévenir les
anomalies congénitales offre un bon rapport coût-efficacité puisqu’il coûte
en moyenne 36 dollars par AVCI gagnée en Amérique latine et dans les
Caraïbes, 40 dollars par AVCI gagnée en Afrique subsaharienne, 58 dollars
par AVCI gagnée en Asie du Sud, et 160 dollars par AVCI gagnée dans la
région Asie de l’Est et Pacifique. Le dépistage prénatal et l’interruption thérapeutique de grossesse pour prévenir la trisomie 21, le spina bifida et
d’autres maladies congénitales souvent mortelles peuvent avoir un très bon
rapport coût-efficacité mais soulèvent des questions éthiques, sociales et
culturelles auxquelles il convient de répondre d’une manière qui respecte la
gravité de ces décisions et garantisse la protection des droits de l’homme.
Les données du DCP2 démontrent les relations étroites existant entre
certaines maladies et des affections congénitales ou des troubles du comportement. La vaccination contre la rubéole diminue la probabilité des
malformations congénitales chez les nouveau-nés, et le renforcement de la
lutte contre le paludisme réduirait la prévalence des troubles neurologiques causés par le neuropaludisme. Améliorer l’alimentation des femmes
enceintes, en veillant plus particulièrement aux apports en micronutriments tels que la vitamine A, l’acide folique et l’iode, non seulement aurait
des effets bénéfiques sur la santé des femmes et diminuerait le risque de
mortalité maternelle, mais abaisserait les risques qu’elles mettent au
monde des enfants atteints d’affections congénitales.
« Améliorer l’alimentation
des femmes enceintes …
non seulement aurait des
effets bénéfiques sur la santé
des femmes et diminuerait
le risque de mortalité
maternelle, mais abaisserait
les risques qu’elles mettent
au monde des enfants
atteints d’affections
congénitales. »
« Sur l’ensemble de la
planète, les blessures
TRAUMATISMES INVOLONTAIRES
involontaires ont causé en
Les traumatismes involontaires, notamment ceux causés par les accidents
de la route, constituent une autre composante de la charge de morbidité
des maladies non transmissibles5. Sur l’ensemble de la planète, les traumatismes involontaires ont causé en 2001 3,5 millions de décès, dont plus de
90 % sont survenus dans les pays à revenu faible ou intermédiaire et ont
représenté dans ces pays environ 7 % du total des décès. Les traumatismes
2001 3,5 millions de décès,
dont plus de 90 % sont
survenus dans les pays
à revenu faible ou
intermédiaire… »
5
Cette partie est basée sur le chapitre 39 du DCP2.
Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 119
« Le … Brésil … a
diminué de 25 % le nombre
de personnes tuées dans
des accidents de la route
entre 1997 et 1998. »
120 | Priorités en matière de santé
causés par les accidents de la route ont compté pour environ 34 % dans la
mortalité par traumatismes involontaires. Bien que la part des hommes
dans le total des décès par traumatismes involontaires soit de 66 %, elle
atteint 73 % pour les accidents de la route et de la circulation.
Les traumatismes occasionnés par les accidents de la route progressent
avec la hausse du volume des déplacements et de l’utilisation de véhicules
motorisés, en particulier des deux-roues. Ils sont également plus nombreux
lorsque la vitesse augmente, et là où les routes existantes ne permettent pas
d’absorber la croissance du volume et de la vitesse du trafic. Des accidents
surviennent aussi quand les piétons doivent partager la chaussée avec des
véhicules motorisés et non motorisés.
Les traumatismes résultant d’accidents de la route ont tendance à augmenter avec l’industrialisation et l’essor économique des pays. Dans un
deuxième temps, lorsque le niveau de vie est plus élevé et que les institutions publiques sont bien établies, les États investissent dans la sécurité,
mais si l’on attend que le revenu soit en hausse pour prendre des mesures
de prévention, des millions de vies seront perdues inutilement. En ayant en
tête ce schéma historique d’augmentation des accidents de la route, les pays
à revenu faible ou intermédiaire devraient mieux comprendre la nécessité
d’intégrer davantage la sécurité dans la construction des routes et des autoroutes, et de promouvoir une conduite prudente.
Un grand nombre d’interventions efficaces existent pour réduire le
risque de traumatismes liés aux accidents de la route. La première catégorie vise à limiter l’exposition au risque. Il s’agit par exemple d’utiliser des
modes de transport moins dangereux et de minimiser les scénarios à haut
risque, notamment en relevant l’âge minimum pour conduire une motocyclette. Une deuxième catégorie d’interventions porte sur la construction
de routes plus sûres. On peut ainsi installer des ralentisseurs, séparer la
chaussée des voies utilisées par les piétons et les bicyclettes, construire des
barrières de séparation centrales, aménager des passages piétons et améliorer l’éclairage des rues. Une troisième catégorie d’interventions a pour
objectif d’encourager les usagers à adopter des comportements moins dangereux. Cela signifie notamment faire voter et appliquer des lois relatives
aux limitations de vitesse, à l’alcoolémie, aux horaires de circulation pour
les véhicules commerciaux, à l’installation et à l’usage de ceintures de sécurité, et à l’utilisation de casques pour rouler à vélo ou à motocyclette, et
également sensibiliser les piétons.
Le DCP2 évalue le rapport coût-efficacité de plusieurs interventions
visant à réduire le nombre d’accidents de la circulation, notamment l’augmentation des sanctions en cas d’infraction au code de la route et le renforcement de leur application, l’installation de ralentisseurs, et le port du
casque obligatoire et effectivement sanctionné pour les cyclistes et les
motocyclistes.
Le cas du Brésil atteste de l’efficacité des lois renforçant la sécurité routière. Une combinaison de trois interventions — des modifications législatives pour augmenter les sanctions, la diffusion de messages dans les
médias informant le public de ces changements, et la multiplication des
contrôles — a diminué de 25 % le nombre de personnes tuées dans des
accidents de la route entre 1997 et 1998. Bien que l’éducation à la sécurité
routière puisse produire des effets à elle seule, des études réalisées en
Malaisie et en Thaïlande ont montré que les actions de sensibilisation ont
un impact bien supérieur lorsqu’elles sont associées à un renforcement de
la législation et des contrôles, car les interventions se renforcent mutuellement.
Les ralentisseurs installés aux intersections dangereuses ou à l’approche
des passages piétons offrent un moyen simple de réduire la vitesse des véhicules et le risque d’accidents. Il importe de surveiller la circulation et de
collecter des données avant de choisir un emplacement car les ralentisseurs, pour être efficaces, doivent être mis en place aux endroits les plus
dangereux. Le Ghana, qui en a installé aux endroits dangereux, y a vu le
nombre de tués chuter de plus de 50 %.
Les casques de vélo donnent d’excellents résultats pour prévenir les
traumatismes touchant la tête, et les casques de motocyclette un peu
moins. En Chine, les accidents de bicyclette causent chaque année 22 décès
par million d’habitants, contre 16 pour les accidents de motocyclette. Des
études de cas indiquent que les casques de vélo peuvent réduire les traumatismes de 85 %.
En modélisant le rapport coût-efficacité de ces interventions, le DCP2
constate que toutes coûtent moins de 1 000 dollars par AVCI gagnée. Pour
la législation sur la sécurité routière et le renforcement des contrôles, le
rapport coût-efficacité va de 14 dollars par AVCI gagnée en Asie du Sud à
584 dollars par AVCI gagnée en Europe orientale et en Asie centrale.
Installer des ralentisseurs aux 10 % d’intersections où se produisent le plus
de décès dans une ville de 1 million d’habitants ne coûterait que 2 dollars
par AVCI gagnée en Amérique latine et dans les Caraïbes, et 9 dollars par
AVCI gagnée dans la région Asie de l’Est et Pacifique. Développer le port
du casque de vélo en Chine coûterait 107 dollars par AVCI gagnée, alors
qu’augmenter celui du casque de moto coûterait 467 dollars par AVCI
gagnée (tableau 5.1).
Ainsi, les interventions destinées à réduire le risque de traumatismes
dus aux accidents de la circulation sont relativement simples et d’un bon
rapport coût-efficacité. Pourtant, les pays investissent peu dans ce type
d’interventions. En 1998, l’Ouganda n’a consacré que 0,09 dollar par habitant, et le Pakistan 0,07 dollar par habitant, à la sécurité routière, soit moins
de 1 % des dépenses publiques de santé dans ces deux pays. L’analyse des
mesures prises en matière de sécurité routière montre que les investisse-
« …les actions de
sensibilisation ont un
impact bien supérieur
lorsqu’elles sont associées
à un renforcement de la
législation et des contrôles,
car les interventions se
renforcent mutuellement. »
« Installer des ralentisseurs
aux 10 % d’intersections
où se produisent le plus
de décès dans une ville de
1 million d’habitants ne
coûterait que 2 dollars
par AVCI gagnée en
Amérique latine et dans
les Caraïbes, et 9 dollars
par AVCI gagnée dans la
région Asie de l’Est et
Pacifique. »
Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 121
ments dans la sécurité routière étaient également insuffisants au Bénin, en
Côte d’Ivoire, au Kenya, en Tanzanie et au Zimbabwe.
La mise en œuvre de mesures de sécurité routière ne nécessite aucun
savoir nouveau : les facteurs de risque sont bien connus. Pourtant, elle se
solde souvent par un échec pour des raisons de conflits entre départements
ministériels, d’inefficacité des fonctionnaires et de corruption. Ces interventions, bien qu’ayant un coût non négligeable, sont efficaces sur le plan
économique.
Tableau 5.1 Principales constatations sur les interventions permettant de prévenir les traumatismes
involontaires avec un bon rapport coût-efficacité dans les pays à revenu faible ou intermédiaire
Traumatisme
Interventions prometteuses
Traumatismes
causés par
des accidents
de la route
Réduire le trafic de véhicules à moteur : taxes sur les carburants, modification des politiques d'aménagement foncier, évaluation de l'impact des
transports et des plans d'occupation des sols sur la sécurité, construction de routes plus courtes et moins dangereuses, mesures de réduction
des déplacements
Interventions dont l’efficacité est avérée
dans les pays à revenu faible ou
intermédiaire (références)
Relever de 16 à 18 ans l'âge légal pour conduire une motocyclette (Norghani et al. 1998)
Utiliser davantage les modes de transport moins dangereux
Minimiser l'exposition aux scénarios à haut risque : limiter l'accès à différentes parties du réseau routier, donner la priorité aux véhicules transportant un plus grand nombre de passagers ou aux usagers de la route
vulnérables, limiter la vitesse et la puissance des moteurs de deuxroues, relever l'âge légal pour conduire une motocyclette, utiliser des
systèmes de permis de conduire progressif
Améliorer la sécurité des routes
Prendre en compte la sécurité dans la planification des réseaux routiers
et la conception des routes, réaménager les sites particulièrement dangereux : ralentir le trafic, protéger les usagers vulnérables, prévoir des
voies de dépassement, des glissières centrales et l'éclairage des rues
Modérer le trafic, par exemple avec des ralentisseurs
Installer des dispositifs de contrôle radar
Améliorer la sécurité des véhicules
Améliorer la visibilité des véhicules, notamment rendre obligatoire l'allumage automatique des feux de jour
Intégrer dans les véhicules des dispositifs de protection en cas de collision, notamment les ceintures de sécurité
Ralentisseurs pour diminuer le nombre de piétons blessés
(Afukaar, Antwi, et Ofusu-Amah 2003)
Allumage des feux de jour sur les motocyclettes (Radin Umar, Mackay, et Hills 1996;
Yuan 2000)
Rendre obligatoires l'immatriculation et l'inspection des véhicules
Augmenter les amendes et les suspensions de
permis (Poli de Figueiredo et al. 2001)
Améliorer la sécurité des conducteurs
Loi rendant le port du casque obligatoire pour
les motards et renforcement des contrôles
(Ichikawa, Chadbunchachai, et Marui
Voter des lois et renforcer l'application de la réglementation sur les
limites de vitesse, les seuils d'alcoolémie, les horaires de circulation
(suite à la page suivante)
122 | Priorités en matière de santé
Tableau 5.1 (suite)
Interventions prometteuses
Interventions dont l’efficacité est avérée
dans les pays à revenu faible ou
intermédiaire (références)
des camions, l'utilisation de la ceinture de sécurité, l'utilisation du
casque pour les cyclistes et les motards
2003 ; Supramaniam, Belle, et Sung
1984).
Empoisonnements Améliorer les emballages, notamment l'emplacement et la nature
des flacons
Distribution gratuite de contenants à
l'épreuve des enfants
(Krug et al. 1994)
Traumatisme
Utiliser des contenants à l'épreuve des enfants
Étiquettes d'avertissement
Information sur les premiers secours
Centres anti-poison
Personnes âgées
Chutes
Renforcement des muscles et réapprentissage de l'équilibre, selon un protocole individuel
Pratique du Tai chi en groupe
Évaluation des dangers domestiques et aménagements pour les sujets à
haut risque
Dépistage pluridisciplinaire et multifactoriel pour les facteurs de risque
liés à la santé et à l'environnement
Brûlures
Jeunes enfants
Programmes de proximité à plusieurs composantes, du type « Children
Can't Fly »
Traumatismes causés par le feu
Mettre en place des programmes d'installation d'alarme incendie
Séparer les espaces de cuisine des espaces de vie
Placer les surfaces de cuisson à une certaine hauteur
Réduire l'entreposage de substances inflammables chez les ménages
Mieux surveiller les enfants
Introduire, contrôler et faire appliquer des normes et codes pour les vêtements résistants au feu
Noyades
Traumatismes causés par de l'eau bouillante
Séparer les espaces de cuisine des espaces de jeu
Améliorer la conception des récipients de cuisson
Traumatismes causés par le feu ou par de l'eau bouillante
Sensibiliser aux risques de brûlures
Informer sur les premiers secours
Limiter l'exposition aux plans d'eau proches des habitations, par exemple
en installant des barrières
Mettre en place des programmes d'apprentissage de la natation
Informer sur les risques de noyade
(suite à la page suivante)
Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 123
Tableau 5.1 (suite)
Traumatisme
Interventions prometteuses
Interventions dont l’efficacité est avérée
dans les pays à revenu faible ou
intermédiaire (références)
Améliorer la surveillance et installer des barrières de sécurité sur les lieux
de loisirs
Équiper les bateaux de gilets de sauvetage et veiller à ce qu'ils soient
utilisés
Réglementer le nombre de passagers des navires et faire appliquer la
réglementation
Avoir des équipes de sauvetage en mer entraînées et opérationnelles
Source: DCP2, chapitre 39, tableau 39.3
« À l’échelle de la
planète, le tabac cause
un décès sur 5 chez
les hommes et 1 sur 20
chez les femmes après
30 ans. »
« …entre la moitié et les
deux tiers des fumeurs de
longue durée meurent de
maladies causés par leur
toxicomanie. »
TABAGISME
Si bon nombre d’affections — le VIH/SIDA, la tuberculose, le cancer —
vont chercher leurs victimes, certains comportements semblent à l’inverse
appeler la maladie6. La toxicomanie entre dans cette seconde catégorie.
À l’échelle de la planète, le tabac cause un décès sur 5 chez les hommes
et 1 sur 20 chez les femmes après 30 ans. En 2000, 4,8 millions de décès prématurés pouvaient être attribués à des maladies provoquées par le tabac,
notamment les MCV, le cancer du poumon et le syndrome obstructif
bronchique. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, le tabagisme est
également associé à des affections respiratoires comme l’asthme et la
tuberculose. En Chine, le tabagisme s’est avéré responsable de 12 % des
décès masculins dus à la tuberculose. En Inde, on a enregistré quatre fois
plus de cas de tuberculose chez les fumeurs que chez les non-fumeurs, ce
qui tend à montrer que le tabagisme constitue un facteur contributif dans
environ la moitié des décès masculins dus à la tuberculose. Le risque de
décès imputable au tabagisme est élevé : entre la moitié et les deux tiers des
fumeurs de longue durée meurent de maladies causées par leur toxicomanie. Les fumeurs font également courir des risques aux autres, le tabagisme
passif constituant un facteur de risque important chez les enfants pour
l’asthme, les pharyngites et les affections respiratoires.
Le nombre de fumeurs est estimé actuellement à 1,1 milliard de personnes, dont les quatre cinquièmes vivent dans des pays à revenu faible ou
intermédiaire. La prévalence du tabagisme est la plus élevée en Europe
orientale et en Asie centrale, où 35 % des adultes fument. Néanmoins, c’est
dans la région Asie de l’Est et Pacifique que le pourcentage de décès liés au
6
124 | Priorités en matière de santé
Cette partie est basée sur les chapitres 44 et 46 du DCP2.
tabac est le plus important (environ 40 %). Les hommes fument davantage que les femmes, bien que l’écart soit plus faible dans les pays à revenu
élevé.
Les tendances mondiales du tabagisme sont inquiétantes. Si le pourcentage de jeunes qui commencent à fumer continue de suivre le schéma
actuel — environ la moitié des hommes et une femme sur dix — le
nombre de fumeurs de longue durée progressera de 30 millions chaque
année. D’ici 2030, les décès prématurés liés au tabac passeront ainsi à 10
millions par an (figure 5.2).
Ces décès pourraient pourtant être évités, comme on a pu le voir dans
les pays où arrêter de fumer est devenu courant. La lutte contre le tabagisme a commencé sérieusement au Royaume-Uni et aux États-Unis dans
les années 60. Sur la durée, elle a découragé de nombreux jeunes de fumer
et aidé des millions de fumeurs à arrêter. Les actions menées ont entraîné
une diminution rapide des taux de cancer du poumon au Royaume-Uni
et aux États-Unis. Au Royaume-Uni, où la principale augmentation du
tabagisme avait débuté avant la Seconde Guerre mondiale, l’incidence du
cancer du poumon chez les hommes âgés de 35 à 44 ans est passée de 18
cas pour 100 000 habitants en 1950, à 4 cas pour 100 000 habitants en
2000 (figure 5.3a). En France par contre, où le tabagisme s’était installé
beaucoup plus tard, les efforts entrepris pour inciter les fumeurs à arrêter
« Au Royaume-Uni, …
l’incidence du cancer du
poumon chez les hommes
âgés de 35 à 44 ans est
passée de 18 cas pour
100 000 habitants en 1950,
à 4 cas pour 100 000
habitants en 2000. »
Figure 5.2 Augmentation prévisible des décès liés au tabac de fumeurs n’ayant
pas arrêté de fumer
Mortalité par cancer du poumon (%)
Fumeurs n’ayant
pas arrêté de fumer
15
10
Fumeurs ayant
arrêté à 50 ans
5
Fumeurs ayant arrêté à 30 ans
Personnes n’ayant jamais fumé]
0
45
55
65
75
Age (années)
Source : DCP2, chapitre 46, p. 5.
Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 125
Figure 5.3 Décès attribués au tabagisme
a. Royaume-Uni
b. France
Taux de mortalité /100 000 hommes, âge standardisé a
Taux de mortalité /100 000 hommes, âge standardisé a
18
18
16
16
Hommes
14
14
12
12
10
10
8
8
6
6
4
Hommes
4
Femmes
2
0
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Femmes
2
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2000
0
1950
1960
1970
1980
1990
2000
Source : DCP2, chapitre 46, p. 4.
a. Moyenne des taux annuels par groupes d'âge de 5 ans.
n’ont pas eu d’impact avant les années 90, et l’incidence du cancer du
poumon chez les hommes en France a continué d’augmenter (figure
5.3b).
La substance contenue dans le tabac qui crée une dépendance est la
nicotine, une drogue psycho-active. L’inhalation est le moyen le plus efficace de transporter la nicotine jusqu’aux récepteurs du cerveau. La nicotine crée des sensations positives lorsqu’elle est administrée, et entraîne
des sensations désagréables lorsque le corps cesse d’en recevoir. À cet
égard, il a les mêmes effets que d’autres drogues générant une très forte
dépendance, comme l’héroïne et la cocaïne.
Les influences comportementales renforcent l’accoutumance biochimique du tabac. Contrairement aux drogues illégales qui entraînent un
risque d’emprisonnement et de désapprobation sociale, le tabac a été
favorisé par les usages sociaux et des intérêts commerciaux en toute légalité. L’industrie du tabac et les pouvoirs publics ont encouragé le tabagisme par le biais de la publicité et d’autres formes de promotion. Le marketing de masse offre également aux fumeurs de multiples occasions d’acheter et de consommer du tabac, ainsi que de fréquents exemples les incitant
à le faire, ce qui ne les aide pas à arrêter.
La prévention est le meilleur moyen de lutter contre les maladies causées par le tabac. Tout ce qui réduit le tabagisme, que ce soit en abaissant
le nombre de nouveaux fumeurs, en augmentant celui des fumeurs qui
126 | Priorités en matière de santé
arrêtent, en limitant le nombre d’ex-fumeurs qui reprennent, ou en diminuant la consommation de tabac des fumeurs, permettra à terme de
réduire la charge de morbidité due aux maladies liées au tabac, comme les
MCV, le cancer et la tuberculose. Du fait de sa nature toxicomanogène, le
tabac entraîne une accoutumance dont il n’est pas facile de se défaire. Il ne
suffit pas de sensibiliser les consommateurs au fait que le tabac crée une
dépendance et provoque des problèmes de santé : en règle générale, les
gens ne se soucient pas assez des risques qu’ils prennent pour leur santé
future, et les jeunes sont davantage susceptibles d’adopter des comportements à risque. Une personne qui a commencé à fumer a du mal à arrêter. Les interventions qui se sont révélées efficaces pour réduire le tabagisme comprennent l’augmentation des taxes sur le tabac, la diffusion d’informations sur les risques du tabac pour la santé, l’instauration d’interdictions de fumer dans les lieux publics et sur les lieux de travail, l’interdiction de la publicité, et l’amélioration de l’accès aux thérapies antitabac.
Presque tous les États prélèvent des taxes sur le tabac pour augmenter
les recettes publiques, mais depuis que l’on connaît mieux les dangers du
tabagisme, ils se servent de plus en plus des taxes sur le tabac pour rendre
la consommation plus chère et décourager ainsi l’usage du tabac. Certains
pays utilisent même les recettes des taxes sur le tabac pour financer des
programmes de santé visant à réduire l’exposition au tabac.
L’impact sur la consommation des taxes sur le tabac est plus important
dans les groupes de population à faible revenu, chez les jeunes et chez les
personnes moins instruites. Il est également plus élevé à long terme qu’à
brève échéance, parce que les consommateurs en état de dépendance mettent du temps à modifier leurs habitudes. Le prix élevé du tabac semble
particulièrement efficace pour empêcher les jeunes fumeurs de passer du
stade de l’expérience à celui de la consommation régulière. Les études ont
estimé que l’effet d’une augmentation des prix du tabac pouvait être deux
fois plus important dans les pays à revenu faible ou intermédiaire que
dans les pays à revenu élevé, ce qui signifie qu’en relevant sensiblement les
taxes sur le tabac dans les premiers, on arriverait à réduire la consommation de tabac. Les taxes représentent plus des deux tiers du prix de détail
dans les pays les plus riches, mais moins de la moitié dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.
En plus d’augmenter le prix du tabac, beaucoup de pays sont parvenus
à décourager le tabagisme en restreignant l’usage du tabac dans les lieux
publics. Ces mesures sont justifiées par la nécessité de protéger les nonfumeurs des effets nocifs de l’inhalation passive du tabac, mais elles créent
aussi un obstacle pour les fumeurs, qui les oblige à modifier leurs habitudes et à rechercher des espaces réservés aux fumeurs. Cela peut contribuer à élever des barrières contre le tabac et également stigmatiser le fait
« …les États … se servent
de plus en plus des taxes
sur le tabac pour rendre la
consommation plus
chère et décourager
ainsi l’usage du tabac. »
Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 127
« …le fait d’arrêter de
fumer augmente les
chances de survie quel
que soit le nombre
d’années pendant lequel
la personne a fumé. »
« Une hausse de 70 %
du prix du tabac pourrait
éviter 10 à 26 % des
décès liés au tabac
dans le monde. »
128 | Priorités en matière de santé
de fumer, induisant de ce fait des changements dans les normes sociales.
Pour produire des effets, ces réglementations doivent être effectivement
appliquées et sanctionnées, en particulier au moment où elles sont introduites.
Les interventions qui affectent les attitudes et les connaissances du
public sur les dangers du tabagisme peuvent aussi être extrêmement
utiles. Dans le monde entier, peu de produits font l’objet d’autant de
publicité et de promotion que les cigarettes. Il est possible de contrer ces
actions par des campagnes d’information et de sensibilisation en rendant
publics des rapports sur les dangers du tabagisme, en imposant des étiquettes d’avertissement sur les emballages, et en diffusant des messages
anti-tabac dans les médias. L’interdiction totale de la publicité et de la promotion du tabac peut réduire le tabagisme et renforcer l’impact des campagnes de sensibilisation du public.
Si les dangers du tabagisme sont aujourd’hui largement connus dans la
plupart des pays à revenu élevé, les risques de mortalité et de maladie associés au tabagisme ne sont pas encore bien perçus partout dans les pays à
revenu faible ou intermédiaire. Les principaux messages à transmettre
sont que le tabac tue entre la moitié et les deux tiers de l’ensemble des
fumeurs, que, en moyenne, les fumeurs perdent 20 à 25 années de vie et
meurent entre 35 et 69 ans, et que le fait d’arrêter de fumer augmente les
chances de survie quel que soit le nombre d’années pendant lequel la personne a fumé.
Les médicaments récemment mis au point pour contrer les effets de la
nicotine améliorent les chances de succès des fumeurs souhaitant s’arrêter. Il est toutefois regrettable que les produits du tabac soient souvent
moins chers et plus faciles à se procurer que les traitements de substitution de la nicotine. Pour aider les fumeurs à s’arrêter, les pouvoirs publics
doivent diminuer le coût des traitements de substitution de la nicotine et
améliorer leur disponibilité. Ces traitements sont plus efficaces lorsqu’ils
sont combinés à des services de conseils et un soutien des pairs. Il est particulièrement important d’encourager les fumeurs à arrêter parce que la
plus grande part des décès liés au tabac qui surviendront entre maintenant et 2050 toucheront les personnes qui fument aujourd’hui, tandis que
l’impact des politiques ciblées sur la prévention du tabagisme chez les
jeunes ne se fera vraiment sentir qu’après 2050.
Les interventions visant à diminuer l’offre de tabac ne semblent pas
donner de très bons résultats. Certains de ces programmes, par exemple
l’interdiction de la vente de produits du tabac aux jeunes, sont difficiles et
chers à faire appliquer. Les restrictions sur l’importation des produits du
tabac peuvent relever les prix intérieurs, mais violent aussi les accords
commerciaux internationaux. Les programmes destinés à encourager les
agriculteurs à arrêter de cultiver du tabac ne sont pas efficaces parce que
d’autres agriculteurs peuvent augmenter leur production pour combler le
vide. C’est pourquoi les pays à revenu faible ou intermédiaire auraient
intérêt à concentrer leurs efforts sur la diminution de la demande.
Heureusement, la plupart des interventions portant sur la demande
ont un bon rapport coût-efficacité, et font même faire des économies. À
cet égard, augmenter les taxes sur le tabac est la solution la plus efficace
pour réduire le tabagisme. Une hausse de 70 % du prix du tabac pourrait
éviter 10 à 26 % des décès liés au tabac dans le monde. L’effet serait particulièrement marqué dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, chez
les jeunes, et parmi la population masculine. Avec une augmentation des
prix de seulement 33 %, on obtiendrait un rapport coût-efficacité de 3 à
42 dollars par AVCI gagnée dans les pays à revenu faible ou intermédiaire,
et de 85 à 1 773 dollars par AVCI gagnée dans les pays à revenu élevé. En
Pologne et en Afrique du Sud, les pouvoirs publics sont allés beaucoup
plus loin en doublant pratiquement les prix en peu de temps, ce qui a
donné d’excellents résultats (DCP2, chapitre 8 ; Levine et al. 2004). La
hausse des prix est la mesure la plus efficace par rapport aux coûts pour
faire baisser la consommation de tabac, mais elle est pourtant largement
sous-utilisée. De fait, si l’on tient compte de l’évolution du pouvoir
d’achat, le prix des produits du tabac a en réalité diminué dans la plupart
des pays en développement entre 1990 et 2000.
Améliorer l’accès aux traitements de substitution de la nicotine pour
aider les fumeurs qui veulent arrêter de fumer est une mesure qui coûte
plus cher, entre 75 et 1 250 par AVCI gagnée, mais qui reste d’un assez bon
rapport coût-efficacité, en particulier là où le coût direct des traitements
est faible. D’autres interventions, ne portant pas sur les prix, pourraient
être mises en œuvre pour un coût compris entre 233 et 2 916 dollars par
AVCI gagnée. Leur efficacité économique est extrêmement sensible au
contexte. Dans les pays où le public assimile bien les messages sur la santé
publique, les coûts peuvent être faibles.
Les décès liés au tabac constituent la cause de mortalité en plus forte
progression dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, à égalité avec
l’épidémie de VIH/SIDA. Les pays n’ont aucune excuse à rester inactifs
puisqu’ils ont à leur disposition des mesures efficaces sur le plan économique pour lutter contre le tabagisme. Si l’on veut empêcher une hausse
rapide des décès liés au tabac, il importe d’engager des actions énergiques
et pertinentes à l’encontre des groupes qui commercialisent les produits
du tabac et font pression contre les réformes. Les obstacles qui s’y opposent sont purement d’ordre politique.
« …si l’on tient compte
de l’évolution du pouvoir
d’achat, le prix des
produits du tabac a en
réalité diminué dans la
plupart des pays en
développement entre
1990 et 2000. »
« Les décès liés au tabac
constituent la cause de
mortalité en plus forte
progression dans les pays
à revenu faible ou
intermédiaire, à égalité
avec l’épidémie de
VIH/SIDA. »
Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 129
ABUS D’ALCOOL
« Les maladies liées à
l’alcool représentent
La consommation dangereuse d’alcool7 constitue un grave problème de
santé publique8. Elle altère directement la santé des personnes qui boivent de façon excessive, et contribue à générer des comportements dangereux pouvant provoquer des traumatismes et des infirmités chez les
buveurs et chez des tierces personnes. La consommation d’alcool a des
conséquences sociales et sanitaires à long terme à travers trois mécanismes différents : l’intoxication, la dépendance et les effets biologiques
directs (figure 5.4).
Les maladies liées à l’alcool représentent environ 4 % des AVCI chaque
année en moyenne mondiale, avec des variations : de 0,5 % au MoyenOrient et en Afrique du Nord, où la consommation d’alcool est faible, à
1,5-2 % en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne, 4,3 % dans la région
Asie de l’Est et Pacifique, 8,8 % dans la région Amérique latine et
Caraïbes, et jusqu’à 10,7 % en Europe orientale et Asie centrale. Environ
environ 4 % des AVCI
chaque année en
moyenne mondiale… :
de 0,5 % au MoyenOrient et en Afrique du
Nord,… jusqu’à 10,7 %
en Europe orientale et
en Asie centrale. »
Figure 5.4 Modèle de la consommation d’alcool, des résultats intermédiaires
et des conséquences à long terme
Schémas de
consommation
d’alcool
Effets
biochimiques
toxiques et
bénéfiques
Maladie
chronique
Volume
moyen
Intoxication
Dépendance
Accidents et
traumatismes
(maladie aigüe)
Problèmes
sociaux et
psychologiques
aigus
Problèmes
sociaux et
psychologiques
aigus
Source : DCP2, chapitre 47, figure 47.1
7
La consommation dangereuse d'alcool est définie différemment pour les hommes et les
femmes. Pour les hommes, elle correspond à la consommation moyenne de plus de 40
grammes d'alcool pur par jour. Pour les femmes, le chiffre est de plus de 20 grammes par jour.
Cet écart est dû à des différences biologiques dans le métabolisme de l'alcool.
8
Cette partie est basée sur le chapitre 47 du DCP2.
130 | Priorités en matière de santé
75 % de cette charge de morbidité se manifeste par des maladies chroniques telles que la dépendance à l’alcool, les maladies vasculaires, la cirrhose du foie et le cancer, tandis que les 25 % restants correspondent aux
traumatismes volontaires et involontaires (en particulier les accidents de
la circulation).
Le problème de l’alcool se pose de façon particulièrement aiguë en
Europe et en Asie centrale, où il touche pas moins d’un homme sur cinq et
une femme sur dix dans la tranche d’âge des 15–29 ans. Bien que la
consommation dangereuse d’alcool dans cette région soit seulement un
peu plus prévalente que dans les pays à revenu élevé, elle représente le
double de la charge de morbidité parce qu’une plus grande part de cette
consommation se situe dans la fourchette supérieure, associée à un danger
et à un volume plus élevé.
Des interventions sont possibles pour prévenir la consommation dangereuse d’alcool ou atténuer ses effets. Certaines d’entre elles portent sur
l’ensemble de la population, par exemple les mesures législatives et les
taxes, le renforcement de l’application des lois et les campagnes dans les
mass médias. D’autres sont ciblées spécifiquement sur les buveurs à haut
risque afin d’encourager des changements de comportement.
Comme dans le cas du tabac, la politique publique peut avoir un impact
important sur l’abus d’alcool. Les taxes sur l’alcool augmentent son prix et
réduisent ainsi la consommation. D’après les estimations, une hausse de
10 % du prix de l’alcool diminue la consommation d’environ 3 % pour la
bière, 10 % pour le vin et 15 % pour les spiritueux. Il est possible de rendre
l’accès à l’alcool plus difficile en limitant les ventes à un nombre restreint
limité de détaillants agréés ou en limitant les heures auxquelles la vente
d’alcool est autorisée. Des lois sévères sur l’alcool au volant découragent
aussi la consommation excessive, évitent des accidents de la circulation et
peuvent réduire de 7 % le nombre de tués sur la route. Lorsque le respect
de la législation est contrôlé par des tests d’alcoolémie aléatoires, le nombre
de tués et de blessés dans les accidents de la route peut baisser de 15 % supplémentaires. Pour que ce type de mesures de politique publique soit efficace, il faut faire appliquer la réglementation et la législation, soit par un
renforcement des contrôles policiers pour réduire la contrebande et l’évasion fiscale, soit par la mise en place d’alcootests aléatoires pour décourager la conduite en état d’ivresse (encadré 5.2).
Lorsqu’elles sont effectivement appliquées, les interdictions ou les restrictions sur la publicité des produits alcoolisés suppriment des incitations
à la consommation d’alcool ; toutefois, les fabricants remplacent souvent la
publicité par d’autres méthodes de marketing, par exemple le parrainage
de manifestations sportives. De ce fait, la réduction de la consommation
dangereuse d’alcool que l’on peut attendre des mesures sur la publicité ne
dépasse pas 1 à 3 %.
« …une hausse de 10 %
du prix de l’alcool diminue
la consommation d’environ
3 % pour la bière, 10 %
pour le vin et 15 % pour
les spiritueux. »
« Des lois sévères sur
l’alcool au volant …
peuvent réduire de 7 %
le nombre de tués sur
la route. »
Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 131
Encadré 5.2 Impact de la réduction des taxes sur la charge
de morbidité correspondante à Maurice
État insulaire de l’océan Indien, Maurice a une population d’environ 1 million d’habitants. Le secteur du tourisme y occupe la troisième place en termes d’apports de devises fortes. En juin 1994, le gouvernement a abaissé radicalement les droits de douane
sur les boissons alcoolisées importées : de 200 % pour les vins et 600 % pour le
whisky et les autres spiritueux, ils sont passés à 80 % (Abdool 1998). Les pouvoirs
publics ont agi sous la pression de l’industrie hôtelière, qui prétendait que les clients
n’achetaient pas assez d’alcool à cause des prix élevés (Lee 2001). Les autres raisons
invoquées étaient de réduire les importations illicites et de fabriquer des boissons
alcoolisées de meilleure qualité, plus raffinées, pour la population locale. Malgré le
peu de données étayant cette opinion, certains ont fait valoir qu’un alcool de meilleure
qualité causerait moins de problèmes de santé.
Au lieu de l’impact attendu sur les touristes, la diminution des taxes a eu essentiellement
les effets suivants sur les Mauriciens :
• les arrestations pour conduite avec un taux d’alcoolémie dans le sang supérieur au
taux autorisé, effectuées principalement en rapport avec des accidents de la circulation, ont augmenté de 23 % entre 1993 et 1997 ;
• les admissions de cas d’alcoolisme à l’hôpital psychiatrique de l’île ont explosé en
1994. Le taux de 1995 était plus du double de celui de 1993, et il a encore légèrement augmenté en 1996 et 1997. Les spécialistes mauriciens s’accordent à dire que
les patients alcooliques composent une proportion croissante des admissions en
médecine générale et représentent aujourd’hui entre 40 et 50 % de l’occupation des
lits (Abdool 1998) ;
• les taux de mortalité ajustés selon l’âge pour 100 000 habitants dus aux hépatites
chroniques et à la cirrhose du foie sont passés de 32,8 % chez les hommes et 4 %
chez les femmes en 1993, à 42,7 % chez les hommes et 5,3 % chez les femmes en
1996 (OMS 1999, 2000).
Bien qu’il existe peu de statistiques, la réduction des taxes sur les importations d’alcool a manifestement eu un effet négatif important sur la santé des Mauriciens. C’est
pourquoi les mesures de lutte prises en 1997 par le gouvernement — nouveaux permis
pour les établissements agréés, augmentation des droits spécifiques sur l’alcool et limitation des heures d’ouverture des bars — n’ont rien d’étonnant. Les taxes sur l’alcool
ont été un peu augmentées dans le budget 1999–2000 (ministère des Affaires
étrangères des États-Unis 1999). Pourtant, une analyse effectuée par des agents de la
Banque mondiale sans tenir compte des effets sur la santé a recommandé de nouvelles
réductions des droits de douane les plus élevés, au motif que le barème des taxes sur
l’alcool et le tabac à Maurice était défavorable au commerce (Hinkle et Herrou-Aragon
2001).
Source : Adapté du chapitre 47 du DCP2, p. 900.
Beaucoup de pays lancent des campagnes médiatiques et des actions en
milieu scolaire sur les risques de la consommation d’alcool. Les études
montrent que ces interventions améliorent effectivement les connaissances
132 | Priorités en matière de santé
sur l’alcool et ses risques pour la santé, mais qu’elles n’induisent pas de
baisse durable de la consommation d’alcool ou de réduction des effets
néfastes dus à l’alcool.
Les interventions de courte durée visant à réduire la consommation
dangereuse d’alcool au niveau individuel par des réunions d’information
et des conseils psychosociaux dans les structures de soins primaires permettent de diminuer de 13 à 34 % la consommation d’alcool chez les
buveurs à haut risque, mais les résultats peuvent être sensiblement inférieurs en cas d’observance et de couverture faibles.
Dans les trois régions où la consommation dangereuse d’alcool concerne plus de 5 % de la population — Europe et Asie centrale, Amérique latine et Caraïbes, et Afrique subsaharienne — les interventions les plus efficaces sont la taxation et les interventions de courte durée, qui font gagner
plus de 500 AVCI par million d’habitants et par an. Les autres stratégies,
c’est-à-dire les contrôles aléatoires d’alcoolémie, la limitation des horaires
de vente pendant le week-end, et l’interdiction totale de la publicité, font
gagner entre 200 et 400 AVCI par million d’habitants et par an. Dans les
deux autres régions où les taux de consommation dangereuse d’alcool sont
les plus faibles, la taxation a un impact très inférieur sur la charge de morbidité : 10 à 100 AVCI gagnées par million d’habitants et par an. En Asie du
Sud, les lois sur l’alcool au volant s’avèrent les plus efficaces compte tenu
de la plus forte prévalence des traumatismes causés par les accidents de la
circulation et du niveau moindre de la consommation dangereuse d’alcool
dans cette région.
Le rapport coût-efficacité des interventions varie aussi beaucoup entre
les régions. Ainsi, la taxation, les restrictions sur la vente au détail et l’interdiction de la publicité sont les interventions qui présentent le meilleur
rapport coût-efficacité dans les trois régions ayant la plus forte prévalence
de la consommation dangereuse d’alcool, mais elles obtiennent l’un des
moins bons scores dans les deux autres régions en développement.
En Europe et en Asie centrale, en Amérique latine et dans les Caraïbes,
et en Afrique subsaharienne, l’augmentation de 25 % des taxes spécifiques
coûte entre 100 et 200 dollars par AVCI gagnée, la réduction des heures
d’ouverture des magasins de détail coûte entre 152 et 340 dollars par AVCI
gagnée, et l’interdiction de la publicité coûte entre 134 et 380 dollars par
AVCI gagnée. Les contrôles aléatoires d’alcoolémie coûtent beaucoup plus
chers : de 973 dollars par AVCI gagnée en Afrique subsaharienne à 1 856
dollars par AVCI gagnée en Europe et en Asie centrale. En Asie du Sud au
contraire, l’ordre est inversé : l’augmentation de 25 % des taxes sur les boissons alcoolisées coûte 3 654 dollars par AVCI gagnée, alors que les alcootests aléatoires coûtent 531 dollars par AVCI gagnée.
En général, les pays à forte prévalence de consommation dangereuse
d’alcool ont intérêt à commencer par la taxation parce que c’est l’interven-
« …[là] où la consommation
dangereuse d’alcool
concerne plus de 5 % de
la population … les
interventions les plus
efficaces sont la taxation
et les interventions de
courte durée… »
Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 133
« La consommation
dangereuse d’alcool,
avec la consommation
de tabac,… apportent
la preuve que … les
mesures de politique
publique peuvent être
tion qui donne le plus de résultats avec le moins de moyens dans ce contexte. Là où la consommation dangereuse d’alcool représente un problème de
santé publique moins lourd, les stratégies consistant à limiter l’offre ou la
promotion des boissons alcoolisées s’avèrent prometteuses et d’un assez
bon rapport coût-efficacité.
La consommation dangereuse d’alcool, avec la consommation de tabac,
représentent une part importante et en hausse de la charge de morbidité
dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Elles apportent la preuve
que, pour certains facteurs de risque et certaines affections, les mesures de
politique publique peuvent être d’un bien meilleur rapport coût-efficacité
que le traitement médical individualisé. Elles montrent également que de
bonnes politiques de santé peuvent être aussi de bonnes politiques fiscales.
L’intérêt de ce type d’interventions multisectorielles est un thème récurrent dans les chapitres du DCP2 traitant des toxicomanies, et qui revient
dans l’analyse des interventions possibles pour réduire les MCV, le diabète
et les traumatismes dus aux accidents de la route.
d’un bien meilleur rapport
coût-efficacité que le
traitement médical
individualisé. »
« Environ 13 % du total
des AVCI sont dus à des
troubles neurologiques et
psychiatriques. »
SANTÉ MENTALE
Au-delà des statistiques de mortalité, la première édition de Disease
Control Priorities in Developing Countries (Jamison et al. 1993) s’intéressait au poids du handicap dans les pays en développement, révélant que la
santé mentale représentait une part importante de la charge de morbidité
dans ces pays9. La dépression, la schizophrénie, la psychose maniacodépressive, les troubles anxieux, les démences et l’épilepsie sont des troubles
qui n’apparaissent pas comme des causes importantes de mortalité, mais
ils diminuent gravement la qualité de vie des individus et de leurs familles.
Les estimations données dans le DCP2 confirment que la santé mentale
contribue notablement à la charge de morbidité mondiale. Le DCP2 présente également les connaissances actuelles en matière d’efficacité économique des interventions, tout en soulignant la nécessité de procéder à des
études complémentaires pour trouver de meilleurs moyens de réduire les
problèmes de santé mentale.
Environ 13 % du total des AVCI sont dus à des troubles neurologiques
et psychiatriques. La maladie d’Alzheimer et les autres démences représentent 17,1 millions d’AVCI et sont deux fois plus fréquentes chez les femmes
que chez les hommes, tandis que l’épilepsie représente 6,2 millions d’AVCI
supplémentaires et la maladie de Parkinson 2,3 autres millions d’AVCI. La
dépression est le trouble psychiatrique le plus courant avec 51,9 millions
d’AVCI, soit 3,4 % de la charge de morbidité mondiale. Elle se place au
9
134 | Priorités en matière de santé
Cette partie est basée sur les chapitres 31 et 32 du DCP2.
quatrième rang de toutes les causes d’AVCI et constitue le principal trouble
non mortel à l’échelle de la planète. Elle est également plus fréquente chez
les femmes que chez les hommes. La schizophrénie, la psychose maniacodépressive et la panique ajoutent respectivement 11,6 millions d’AVCI, 9,7
millions d’AVCI et 4,5 millions d’AVCI. Les troubles mentaux sont courants dans les pays en développement, mais ils sont moins souvent reconnus, diagnostiqués et traités que dans les pays développés.
Les interventions disponibles pour prévenir et traiter les problèmes de
santé mentale dans les pays en développement sont relativement limitées.
Un grand nombre d’affections neurologiques comme la maladie
d’Alzheimer ou la maladie de Parkinson ne peuvent pas être guéries, et
l’on ne sait pas non plus les prévenir. La principale exception est l’accident
vasculaire cérébral, pour lequel nous avons évoqué plus haut des mesures
préventives. En ce qui concerne les autres problèmes de santé mentale, des
progrès importants ont été accomplis aussi bien dans le domaine des traitements pharmacologiques que dans celui des thérapies psychosociales,
mais beaucoup d’interventions restent ciblées sur l’atténuation des symptômes ou l’allégement de la charge qui pèse sur les familles s’occupant de
membres atteints de troubles mentaux.
Même si certains traitements pharmacologiques existent pour la maladie d’Alzheimer et d’autres types de démence, la plupart des interventions
relatives à cette maladie visent à diminuer le stress et la dépression chez les
personnes qui s’occupent des patients. Par exemple, apprendre à ces personnes les régimes alimentaires appropriés ou à instaurer des horaires routiniers pour vider la vessie et les intestins, peut soulager le stress que représente la prise en charge d’un patient atteint de la maladie d’Alzheimer.
Pour la maladie de Parkinson, les traitements ont pour objectif de réduire
les symptômes au moyen de médicaments, de thérapie physique et des
médecines traditionnelles. Pour la schizophrénie, la dépression, la psychose maniacodépressive et les crises de panique, il existe différents traitements pharmacologiques, notamment les stabilisateurs d’humeur anciens
comme le lithium, les antipsychotiques comme l’halopéridol, et les antidépresseurs, par exemple les antidépresseurs tricycliques qui sont également
employés pour soigner les troubles anxieux. Les traitements psychosociaux
se sont aussi révélés efficaces ; il s’agit essentiellement des thérapies cognitives-comportementales.
Bien qu’il soit nécessaire de développer la palette d’interventions ciblées
sur les problèmes mentaux, la qualité de vie d’un grand nombre d’habitants des pays à revenu faible ou intermédiaire pourrait être grandement
améliorée par des interventions qui ont déjà fait la preuve de leur bon rapport coût-efficacité. Pour l’épilepsie, l’administration de phénobarbitol
aide à éviter les crises pour un coût de 89 dollars par AVCI gagnée. Pour la
maladie de Parkinson, deux interventions offrent un rapport coût-efficaci-
« La dépression est le
trouble psychiatrique le
plus courant …. Elle se
place au quatrième
rang de toutes les
causes d’AVCI et
constitue le principal
trouble non mortel à
l’échelle de la planète. »
« Pour la schizophrénie, la
dépression, la psychose
maniacodépressive et les
crises de panique, il existe
différents traitements
pharmacologiques… »
Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 135
« Le traitement à l’aspirine
des attaques cérébrales
dues à une occlusion
vasculaire ne coûte que
150 dollars par
AVCI gagnée. »
« En ce qui concerne
les troubles psychiatriques,
l’intervention qui offre le
meilleur rapport coûtefficacité consiste à
associer un traitement
pharmacologique et une
thérapie psychosociale. »
136 | Priorités en matière de santé
té raisonnable : L-dopa et carbidopa pour un coût de 1 500 dollars par
AVCI gagnée et la médecine ayurvédique pour un coût de 750 dollars par
AVCI gagnée. Le traitement à l’aspirine des attaques cérébrales dues à une
occlusion vasculaire ne coûte que 150 dollars par AVCI gagnée. Les interventions destinées à prévenir de nouvelles attaques ont un bon rapport
coût-efficacité en partie parce qu’elles sont faciles à cibler sur une population connue pour être exposée à des risques supérieurs ; elles coûtent 70
dollars par AVCI gagnée pour le traitement à l’aspirine, 932 dollars par
AVCI gagnée pour l’association dipyridamole-aspirine, et 1 458 dollars par
AVCI gagnée pour l’endartérectomie carotidienne.
Le rapport coût-efficacité de ces traitements peut être très variable
d’une région à l’autre du fait des écarts qui existent dans les coûts de la
main d’œuvre, du transport et de la prestation des services. Il est meilleur
avec l’aspirine en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne pour les
attaques cérébrales, alors que c’est l’association aspirine-dipyridamole qui
arrive en tête dans les autres régions en développement.
En ce qui concerne les troubles psychiatriques, l’intervention qui offre
le meilleur rapport coût-efficacité consiste à associer un traitement pharmacologique et une thérapie psychosociale (tableau 5.2). Dans cette catégorie, la solution la plus intéressante pour traiter la schizophrénie est l’administration d’halopéridol ou d’un autre antipsychotique ancien, avec une
psychothérapie familiale, pour un coût compris entre 5 000 et 8 000 dollars par AVCI gagnée au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, en Asie du
Sud et en Afrique subsaharienne, et compris entre 10 000 et 17 000 dollars
par AVCI gagnée dans les autres régions. Traiter la dépression par l’association de nouveaux antidépresseurs (fluoxétine, etc.) et d’une psychothérapie de groupe coûte entre 2 000 et 3 000 dollars par AVCI gagnée dans
toutes les régions. Prévenir les crises de panique en donnant des nouveaux
antidépresseurs comme la fluoxétine coûte entre 1 000 et 1 500 dollars par
AVCI gagnée.
Pour alléger la charge de morbidité imputable aux maladies mentales
dans les pays en développement, il faut fournir aux personnes atteintes de
troubles neurologiques et psychiatriques les traitements qui existent mais
dont elles ne bénéficient pas actuellement. Le DCP2 identifie les interventions d’un bon rapport coût-efficacité dont on dispose, mais le problème
est aussi d’améliorer le fonctionnement général des systèmes de santé.
L’efficacité économique passe par les soins ambulatoires, mais elle dépend
beaucoup de la capacité des professionnels de santé travaillant dans les
structures primaires à reconnaître les symptômes et diriger les patients vers
les établissements appropriés. Elle exige aussi une meilleure gestion des
stocks de médicaments pour garantir la disponibilité et la validité des
médicaments, et la fourniture de conseils aux patients et à leurs familles
pour les encourager à respecter le traitement prescrit. Des recherches doi-
Tableau 5.2 Coûts et effets de différentes thérapies pour les troubles mentaux
Régions de la Banque mondiale
Afrique
subsaharienne
Amérique
latine et
Caraïbes
Moyen-Orient
et Afrique
du Nord
Europe
et Asie
centrale
Asie
du Sud
Asie de
l’Est et
Pacifique
Effet total (AVCI gagnées par an par million d’habitants)
Schizophrénie : antipsychotiques anciens
plus thérapie psychosociale
254
373
364
353
300
392
Psychose maniacodépressive :
stabilisateurs d’humeur anciens
plus thérapie psychosociale
312
365
322
413
346
422
1 174
1 953
1 806
1 789
1 937
1 747
245
307
287
307
284
330
1 985
2 998
2 779
2 862
2 867
2 891
Dépression : traitement dynamique par nouveaux
antidépresseurs (IRS ; génériques)
Crises de panique : nouveaux antidépresseurs
(IRS ; génériques)
Effet total des interventions
Coût total (millions de dollars par an et par million d’habitants)
Schizophrénie : antipsychotiques anciens
plus thérapie psychosociale
0,47
1,81
1,61
1,32
0,52
0,75
Psychose maniacodépressive :
stabilisateurs d’humeur anciens
plus thérapie psychosociale
0,48
1,80
1,23
1,39
0,62
0,95
Dépression : traitement dynamique par nouveaux
antidépresseurs (IRS ; génériques)
1,80
4,80
3,99
3,56
2,81
2,59
Crises de panique : nouveaux antidépresseurs
(IRS ; génériques)
0,15
0,27
0,21
0,23
0,16
0,20
2,9
8,7
7,0
6,5
4,1
4,5
Schizophrénie : antipsychotiques anciens
plus thérapie psychosociale
544
206
226
267
574
522
Psychose maniacodépressive :
stabilisateurs d’humeur anciens
plus thérapie psychosociale
647
203
262
298
560
446
Dépression : traitement dynamique par nouveaux
antidépresseurs (IRS ; génériques)
652
407
452
502
690
675
1 588
1 155
1 339
1 350
1 765
1 649
Coût total des interventions
Rapport coût-efficacité
(AVCI gagnées par million de dollars dépensé)
Crises de panique : nouveaux antidépresseurs
(IRS ; génériques)
Source : DCP2, chapitre 31, p. 622.
Note : IRS = inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine
Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 137
vent être menées pour élargir la gamme des interventions disponibles,
réduire le coût des interventions actuelles, découvrir des traitements d’un
meilleur rapport coût-efficacité, et, si possible, trouver des moyens de prévenir ou guérir ces troubles débilitants.
CONCLUSION
« Les pays à revenu faible
ou intermédiaire ne
peuvent pas se permettre
d’attendre pour s’attaquer
aux maladies non
transmissibles et
aux traumatismes. »
138 | Priorités en matière de santé
Les pays à revenu faible ou intermédiaire ne peuvent pas se permettre d’attendre pour s’attaquer aux maladies non transmissibles et aux traumatismes. Ces problèmes sanitaires représentent déjà une part importante de
la charge de morbidité dans la plupart des pays, et risquent de s’aggraver
encore au fur et à mesure que ces pays diminueront la prévalence des maladies infectieuses et les taux de mortalité et de morbidité maternelle et
infantile qui restent aujourd’hui élevés.
La prévention joue un rôle essentiel et passe souvent par des politiques
publiques multisectorielles. Elle peut consister à informer pour promouvoir une meilleure hygiène de vie, à réglementer l’industrie agroalimentaire pour décourager l’emploi de matières grasses et d’huiles nocives pour la
santé, à adopter des politiques des transports urbains qui favorisent la bicyclette et le port de casques, à imposer des taxes élevées sur les produits du
tabac et les boissons alcoolisées, ou à mener des actions culturelles visant à
réduire le caractère socialement infamant des troubles du développement.
Pour les autres problèmes, il existe de nombreuses interventions présentant
un bon rapport coût-efficacité, qui doivent être développées. Lorsque
aucun traitement n’est disponible ou efficace au plan économique, des travaux de recherche doivent être entrepris.
La prévention, la prise en charge et le traitement, et enfin la recherche,
sont des activités toutes facilitées par l’existence d’un système de santé solide et opérant. Si les pays parviennent à renforcer suffisamment leurs systèmes de santé pour améliorer la couverture des interventions en matière
de maladies infectieuses et d’affections maternelles et infantiles, il devrait
être possible de poursuivre ce renforcement pour répondre aux besoins
générés dans le futur par les maladies non transmissibles. Les deux prochains chapitres examinent la panoplie de mesures qui existent pour développer et consolider les systèmes de soins de santé afin qu’ils soient à même
de relever ces défis.
Chapitre 6
La mise en œuvre des interventions
Même fondée sur des recherches approfondies et organisée dans le plus
grand détail, une intervention reste sans effet s’il n’existe pas de mécanismes permettant de la mettre en œuvre. Que ce soit pour garantir le bon
déroulement des interventions ou pour optimiser leur coût, les mécanismes d’exécution jouent un rôle essentiel. Ils varient beaucoup d’un pays
à l’autre en fonction de facteurs généraux tels que les caractéristiques économiques, politiques et culturelles nationales, mais aussi de l’existence ou
non d’un système de santé fonctionnel.
Bien qu’il soit parfois possible de mener des interventions en santé
publique de façon isolée, dans la majorité des cas, ce type d’interventions
forment un réseau de services qui fonctionnent mieux lorsqu’ils sont coordonnés. Le dépistage ne sert à rien si aucun traitement n’est assuré ensuite, adresser les patients à des spécialistes n’a pas de sens s’ils ne peuvent pas
accéder aux soins dont ils ont besoin, et les centres de traitement sont
débordés si l’on néglige les soins préventifs essentiels.
Dans un monde statique, les choix à faire sur la structure d’un système
de santé nécessiteraient de trouver le bon équilibre entre spécialisation et
intégration, entre un niveau de prise en charge et un autre. Mais le monde
est en mouvement, c’est pourquoi le développement du système de santé
doit être envisagé comme un processus graduel, débutant par l’utilisation
des institutions, des ressources et du personnel existants pour construire
une plateforme de mise à disposition de soins qui, au fil du temps, complète, élargit et renforce le tissu de services et d’interventions offerts.
Ce chapitre analyse les problèmes que posent la mise en œuvre et l’aboutissement des interventions en santé publique. Il décrit et évalue les
méthodes utilisables pour fournir des soins à différents niveaux, puis présente quelques éléments du système de santé qui doivent impérativement
fonctionner à tous ces niveaux. On y verra également comment intégrer les
soins dispensés à différentes classes d’âge de population.
139
NIVEAUX DE PRISE EN CHARGE
« Les programmes de
proximité peuvent réduire
le coût et les barrières qui
empêchent l’accès de la
population aux services… »
Les interventions en matière de santé ont un impact sur les individus soit
en leur apportant un service chez eux, à l’école ou sur leur lieu de travail,
soit en les encourageant à aller consulter dans un établissement de santé.
Les programmes de proximité peuvent réduire le coût et les barrières qui
empêchent l’accès de la population aux services, tandis que les soins primaires généraux peuvent servir d’interface entre les programmes de proximité et les services de soins cliniques individuels, en ambulatoire ou en
hospitalisation. Il faut enfin des hôpitaux de district et des hôpitaux de
recours pour dispenser des soins plus spécialisés ou plus chers, afin de
relayer les services de proximité et les services de soins primaires lorsque
ceux-ci ne disposent pas des équipements ou du personnel spécialisé
nécessaires.
Services de proximité
« Les programmes de
proximité … sont
généralement concentrés
sur … la maternité sans
risques, … la nutrition, et …
la prévention et …[les]
traitements simples. »
Dans beaucoup de pays, un certain nombre de programmes de santé ont
tenté de créer des liens entre les familles et des relais locaux d’intervention
sanitaire1. Ces programmes ne remplacent pas un système de santé, mais ils
permettent d’approcher les familles pour leur apporter des informations et
des ressources. Ils exploitent aussi d’autres formes de capital, par exemple
le travail bénévole, les savoirs locaux, et la confiance des individus dans la
communauté locale.
Les programmes de proximité peuvent comprendre tout un éventail
d’interventions, mais ils sont généralement concentrés sur les services liés
à la maternité, à la nutrition, et à la prévention et aux traitements simples.
Ils englobent le plus souvent les services suivants :
•
•
•
•
•
•
•
soins prénatals,
santé génésique et nutrition maternelle,
allaitement maternel,
alimentation complémentaire,
surveillance et promotion de la croissance,
supplémentation en micronutriments,
distribution alimentaire d’appoint avec les moyens locaux ou des
moyens extérieurs,
• thérapie de réhydratation par voie orale,
• vaccination,
• vermifugation.
1
140 | Priorités en matière de santé
Cette partie est basée sur le chapitre 56 du DCP2.
Ensemble, ces interventions diminuent des facteurs de risque tels que la
malnutrition qui représentent pas moins de 40 % de la charge de morbidité dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.
Les programmes de proximité sont organisés de différentes manières, en
particulier en ce qui concerne le statut et le nombre d’agents communautaires. À l’une des extrémités du spectre, on trouve des programmes de
proximité qui reposent beaucoup sur les ressources locales et le bénévolat.
Par exemple, la Thaïlande a recruté et formé 60 000 villageois animateurs
de santé bénévoles ayant pour mission de mobiliser et superviser 600 000
villageois éducateurs de santé, chargés ensuite de 20 enfants chacun en
moyenne (encadré 6.1). À l’autre bout du spectre, certains pays recrutent
des agents dans les communautés ciblées, mais qui deviennent ensuite des
employés du système de santé. Au Costa Rica par exemple, des agents de
santé ont été recrutés et employés à temps plein par le programme de santé
rurale de l’État, à raison de deux agents à plein temps pour 350 enfants.
D’après les évaluations du DCP2, on peut obtenir de bons résultats avec un
agent de santé communautaire rémunéré à plein temps pour environ 500
enfants, et un bénévole à temps partiel pour 10 à 20 enfants.
En dehors des questions de personnel, les programmes de proximité ont
un autre choix important à faire : distribuer ou non des rations alimentaires d’appoint pour traiter la malnutrition. Une distribution alimentaire
d’appoint peut aider un programme de santé de proximité à atteindre ses
objectifs lorsqu’elle vient compléter d’autres services, mais elle peut aussi
devenir le centre du programme au détriment des autres services de santé.
Dans certaines communautés, la distribution alimentaire d’appoint entre
dans le cadre d’un programme plus large portant sur la supplémentation
en micronutriments, l’éducation préscolaire, la surveillance de la croissance, et parfois l’amélioration des disponibilités alimentaires locales. À l’inverse, cette composante s’est retrouvée prédominante dans certains programmes de proximité comme le Programme intégré de développement
du jeune enfant en Inde.
Les programmes de proximité ont besoin aussi de trouver un équilibre
entre la promotion de la santé et les soins curatifs. Lorsque les établissements de soins primaires sont éloignés ou mal approvisionnés, les agents
communautaires peuvent être amenés à fournir des soins curatifs directs,
ce qui leur fait négliger le travail de promotion de la santé. Dans ce cas, les
structures de proximité peuvent être adaptées et « médicalisées » par l’ajout
de modules de diagnostic et de traitement. Bien que cette solution puisse
permettre aux populations d’accéder à des services dont elles seraient privées autrement, elle empêche les programmes de proximité de se consacrer
à leur mission première qui est de promouvoir la santé. Les agents de santé
communautaires peuvent non seulement encourager une bonne hygiène
« … on peut obtenir de bons
résultats avec un agent de
santé communautaire
rémunéré à plein temps pour
environ 500 enfants, et un
bénévole à temps partiel
pour 10 à 20 enfants. »
« Les agents de santé
communautaires peuvent non
seulement encourager une
bonne hygiène de vie et
promouvoir la prévention,
mais aussi susciter une
demande pour des services
appropriés à d’autres
niveaux. »
La mise en œuvre des interventions | 141
Encadré 6.1 Des programmes de santé de proximité dans trois pays
L’exemple de l’Indonésie, des Philippines et de la Thaïlande donne une idée de ce que les
programmes de proximité peuvent réaliser, en l’occurrence sur la prévalence de l’insuffisance pondérale chez les enfants de 2 ans. Des trois pays, c’est la Thaïlande qui a obtenu les meilleurs résultats. Le ministère thaïlandais de la Santé publique a dépensé environ 11 dollars par bénéficiaire et par an pour constituer un réseau de chefs d’équipe
bénévoles et d’agents communautaires bénévoles représentant environ 1 % de la population. Bien que le pourcentage d’enfants avec une insuffisance pondérale soit influencé
par un ensemble de facteurs sociétaux et individuels, le fait qu’il ait diminué rapidement
en Thaïlande après le lancement du programme de proximité montre que celui-ci a joué
un rôle. En Indonésie en revanche, le programme national villageois a dépensé un peu
moins (environ 2 à 11 dollars par enfant et par an) et a porté en grande partie sur la distribution de rations alimentaires d’appoint. Il a eu certains effets, mais plus lents et
moins homogènes. Enfin, les Philippines ont lancé un programme national qui n’a pas été
mis en œuvre complètement et n’a consacré que 0,40 dollar par enfant et par an dans les
zones ciblées. La prévalence de l’insuffisance pondérale chez les enfants n’a pas beaucoup baissé pendant cette période.
Prévalence de l’insuffisance pondérale chez les enfants
50
Indonésie
40
Philippines
30
20
10
1970
Thaïlande
1980
1990
Année
2000
Source pour la figure : ACC/SCN 2004 ; Mason, Rivers, et Helwig 2005.
Source pour le texte : DCP2, chapitre 56.
a. - 2 écarts-types
142 | Priorités en matière de santé
2010
de vie et promouvoir la prévention, mais aussi susciter une demande pour
des services appropriés à d’autres niveaux.
Enfin, les programmes de proximité doivent s’efforcer d’optimiser la
couverture compte tenu du niveau d’encadrement réalisable. Un programme qui doit encadrer des dizaines de milliers de bénévoles nécessite des
centaines de chefs d’équipe. D’après le DCP2, il faut compter environ un
chef d’équipe pour 20 agents de santé communautaires. Si l’encadrement
est assuré par les établissements de santé primaires, il risque de devenir un
fardeau trop lourd, alors que, bien organisé, il peut constituer un facteur de
succès déterminant.
Pour donner de bons résultats, les programmes de santé doivent s’appuyer sur les pratiques locales. En Thaïlande, les services de santé sont
associés aux organisations religieuses au niveau des villages. En Indonésie,
les organisations sociales jouent un rôle important. Au Bangladesh, des
ONG ayant fait du bon travail dans certains domaines comme la sécurité
alimentaire et l’éducation ont commencé à s’impliquer dans la santé. Au
Costa Rica, au Honduras et à la Jamaïque, les services de santé nationaux
avaient déjà une présence locale suffisante pour lancer des programmes de
santé de proximité.
Les structures locales peuvent accomplir beaucoup de choses, mais seulement si elles bénéficient d’une assistance suffisante (conseils et ressources) de la part des niveaux plus centraux. Pour obtenir des effets
durables, il faut assurer la formation et l’encadrement de ces structures, et
leur fournir les produits dont elles ont besoin, pendant une période prolongée. Cela signifie en général établir une liaison entre les agents de santé
communautaires et les établissements de soins primaires.
Le succès des actions de proximité en matière de santé dépend donc du
contexte local, notamment du niveau de développement des infrastructures, des services et des ressources socioéconomiques. En Indonésie par
exemple, les programmes de proximité ont été amenés à se recentrer sur la
fourniture de services cliniques individuels du fait des insuffisances du système de soins primaires. Au Costa Rica au contraire, où le système de soins
primaires est plus performant, les programmes de santé de proximité ont
pu s’occuper davantage de la prévention et de la promotion de la santé.
« Pour donner de bons
résultats, les programmes
de santé doivent s’appuyer
sur les pratiques locales. »
Soins primaires généraux
Le terme « soins primaires » se rapporte à plusieurs aspects différents, bien
qu’apparentés, des systèmes de santé2. Dans certains contextes, il fait référence à certaines activités, telles que la vaccination et les soins prénatals.
2
Cette partie est basée sur le chapitre 64 du DCP2.
La mise en œuvre des interventions | 143
« …[les] soins primaires …
doivent servir d’interface
entre les familles et les
programmes de proximité
d’une part, et les hôpitaux
et les politiques de santé
nationales de l’autre. »
Dans d’autres, il correspond à un niveau de prise en charge exigeant relativement peu de compétences et de moyens techniques. Pour certains pays, il
s’agit d’une stratégie permettant de structurer et organiser les soins de
santé. Ailleurs, c’est une manière de voir les choses, une philosophie. Le
concept général de soins primaires comprend un ensemble d’initiatives en
rapport avec la Déclaration d’Alma Ata sur les soins de santé primaires
adoptée par l’OMS en 1978. Plus récemment, la Commission
Macroéconomie et Santé de l’OMS a exposé la nécessité de mettre en place
des services proches des clients. Malgré les variations qui existent dans le
contenu du terme « soins primaires », l’idée commune est qu’une palette de
services de soins de santé doivent servir d’interface entre les familles et les
programmes de proximité d’une part, et les hôpitaux et les politiques de
santé nationales de l’autre.
Depuis la Déclaration d’Alma Ata de 1978, l’OMS, la Banque mondiale
et certains pays ont affiné le concept de soins primaires généraux et établi
de nouvelles listes d’interventions pouvant être comprises dans ce vocable.
Le DCP2 constate que les soins primaires généraux se sont uniformisés au
fil des ans. Ils comprennent les soins liés à la maternité (soins prénatals,
aide à l’accouchement par un professionnel de santé qualifié, planning
familial, etc.), les interventions ciblées sur les maladies infantiles (maladies
pouvant être prévenues par un vaccin, infections respiratoires aiguës, diarrhée, malnutrition, etc.), et la prévention et le traitement des principales
maladies infectieuses. La liste est reprise de nombreuses études réalisées sur
l'efficience économique des interventions et sur les axes prioritaires pour
réduire la charge de morbidité mondiale (tableau 6.1).
Cependant, les établissements de santé locaux qui sont équipés exclusivement pour accomplir ce type de tâches risquent de ne pas répondre à la
demande locale pour d’autres soins curatifs, ou de passer complètement à
côté d’importants problèmes sanitaires locaux. C’est pourquoi les spécialistes de la santé publique soulignent la nécessité d’avoir une équipe d’encadrement locale chargée de planifier les services de soins et d’aide nécessaires
à une population définie, comprenant entre 10 000 et 50 000 personnes.
Cette équipe peut fixer les priorités et suivre l’évolution de la situation, et
veiller aussi à ce que les priorités nationales soient en phase avec les besoins
et la demande locale en matière de promotion de la santé et de traitement.
En pratique, il n’est pas facile d’organiser ce type d’action locale dans les
pays à revenu faible ou intermédiaire, pour plusieurs raisons :
• souvent, les établissements de soins primaires ne disposent pas des
moyens nécessaires pour fonctionner correctement.
• les postes restent parfois vacants, ou certains membres du personnel
peuvent être absents.
144 | Priorités en matière de santé
Tableau 6.1 Liste d’interventions présentant
un bon rapport coût-efficacité
(en dollars)
Coût par AVCI
Interventions
Pays à
faible revenu
Pays à revenu
intermédiaire
Santé publique
Programme élargi de vaccination
Plus (c’est-à-dire incluant le vaccin
contre l’hépatite B et un apport
en vitamine A)
15–22
32–38
Programme de santé scolaire
25–32
48–54
Programme de lutte contre le tabagisme
et l’abus d’alcool
44–70
57–70
Programme de prévention du sida
4–6a
16–23a
Autres interventions en santé publique
(information, communication, et éducation sur
certains facteurs de risque et comportements
ayant des effets sur la santé, et incluant
la lutte antivectorielle et surveillance
épidémiologique)
—
—
Total
18
—
Services cliniques
Chimiothérapie antituberculeuse
4–6
6–9
Prise en charge intégrée de l’enfant malade
38–63
63–127
Planning familial
25–38
127–190
1–4
13–19
Traitement des maladies sexuellement
transmissibles
Soins prénatals et liés à l’accouchement
Soins limités (traitement des infections
et des traumatismes légers ; pour les
problèmes plus graves, ils comprennent
le diagnostic, le conseil, le traitement de
la douleur et le traitement curatif en fonction
des ressources disponibles)
Total
38–63
76–139
253–380
507–760
168
Source : DCP2, chapitre 64, tableau 64.2.
Note : — = non disponible, les auteurs n’ayant sans doute pas pu compiler les données au niveau national.
a. Rapport coût-efficacité sous-estimé du fait que l’analyse porte sur la probabilité de transmission à d’autres personnes seulement la première année.
La mise en œuvre des interventions | 145
« …les structures de soins
primaires généraux seraient
capables de répondre à 90 %
de la demande de soins de
santé dans les pays en
développement. »
• les produits ne sont pas toujours livrés ou peuvent être périmés.
• les établissements sont parfois mal entretenus.
• en plus des services de santé publics, la population va souvent s’adresser à des guérisseurs traditionnels, à des pharmaciens et à des professionnels de santé privés. Cette fragmentation peut rendre la surveillance
et la planification difficiles à gérer.
À condition de disposer de ressources financières, institutionnelles et
humaines suffisantes et bien utilisées, les structures de soins primaires
généraux seraient capables de répondre à 90 % de la demande de soins de
santé dans les pays en développement. L’impact direct des soins de santé
primaires est bien établi. Ainsi, au Libéria, au Niger et en République
démocratique du Congo, des réductions locales de 5 à 32 % de la mortalité juvénile ont été attribuées à la mise à disposition de soins primaires
généraux dans les zones concernées. Un système de soins primaires généraux qui fonctionne bien contribue directement au succès du système de
santé dans son ensemble, car il sert de relais entre la prise en charge locale
et les soins dispensés aux niveaux suivants, c’est-à-dire dans les hôpitaux
de district puis les hôpitaux de recours.
Hôpitaux de district
Dans la plupart des pays, la majorité des services d’hospitalisation sont
assurés par les hôpitaux de district3. Ces hôpitaux sont généralement prévus pour desservir une population comprise entre 100 000 et 1 million
d’habitants et offrent des services plus sophistiqués, plus techniques et plus
spécialisés que ceux disponibles dans les établissements de soins primaires,
mais pas aussi spécialisés que les services fournis par les hôpitaux de
recours.
La gamme des services offerts par les hôpitaux de district comprend le
diagnostic, le traitement, les soins, le conseil et la réeducation. Du fait de
la technicité de ces services, les hôpitaux doivent avoir du personnel formé
et expérimenté dans les domaines de la médecine familiale et des soins de
santé primaires, de l’obstétrique, des maladies mentales, de l’ophtalmologie, de la réeducation, de la chirurgie, de la pédiatrie et de la gériatrie. Ces
services exigent d’importants investissements en installations, en matériel
et en encadrement. Les hôpitaux de district peuvent également assurer
une information en matière de santé, de la formation et un soutien administratif et logistique aux programmes de soins de santé primaires et de
proximité. Lorsque la zone desservie par un hôpital de district coïncide
3
146 | Priorités en matière de santé
Cette partie est basée sur le chapitre 65 du DCP2.
avec une unité territoriale, il peut se voir chargé d’autres missions de santé
publique sur le territoire correspondant.
La force de l’hôpital de district réside dans le fait qu’il réunit en un lieu
unique des compétences et des moyens permettant de soigner des affections qui sont soit rares soit difficiles à traiter. C’est aussi un lieu où sont
concentrés le savoir et les outils de diagnostic nécessaires pour évaluer si un
patient doit être orienté vers un établissement plus spécialisé. Toutefois, un
hôpital de district ne peut tirer parti de cette force que s’il est correctement
intégré à d’autres niveaux de prise en charge qui fonctionnent bien aussi.
Si les établissements de soins primaires ne satisfont pas les besoins locaux,
par exemple, les patients vont les court-circuiter et submerger les hôpitaux
d’un flot de demandes de services qui pourraient être fournis plus efficacement dans d’autres structures. Les établissements de soins primaires doivent également identifier les patients ayant besoin d’être dirigés vers un
hôpital. Il est enfin indispensable de disposer de modes de transport
rapides et appropriés, car il ne sert à rien de savoir diagnostiquer une affection et adresser un patient dans un centre plus spécialisé si le patient est
bloqué dans un village reculé.
En même temps, la concentration de ressources que l’on trouve dans les
hôpitaux de district peut être problématique. Trop souvent, ces hôpitaux
profitent à la population qui vit à proximité, et ne sont pas faciles d’accès
pour les pauvres et les populations dispersées dans les zones rurales. Les
hôpitaux de district peuvent fournir des services plus équitablement
lorsque leur concentration de ressources est accessible à tous, c’est-à-dire
lorsqu’on résout les problèmes d’accès générés par la pauvreté, la mauvaise qualité des services, le prix des transports ou l’éloignement géographique.
Le coût des soins dispensés dans les hôpitaux de district dépend des
salaires versés au personnel, des taux d’utilisation et des autres missions de
santé confiées aux hôpitaux. Les salaires, même quand ils sont bas, représentent généralement la plus grande part des coûts récurrents des hôpitaux. Lorsque les taux d’utilisation sont élevés, le coût fixe moyen par journée-patient est inférieur. À certains endroits, le taux d’utilisation de l’hôpital se situe en dessous de 50 %, et la capacité inutilisée représente une perte
économique importante pour le système de santé. Ailleurs, certains hôpitaux sont surchargés, et même si les coûts moyens en sont diminués, cela
entraîne une dépréciation plus rapide des installations. Les autres tâches
dévolues aux hôpitaux augmentent aussi les coûts. Il peut s’agir de former
les nouveaux professionnels de santé ou d’assurer leur formation continue,
de superviser, d’assister ou de gérer les services primaires, ou encore d’élaborer et de mettre en œuvre des campagnes de santé publique au niveau du
district.
« Trop souvent, les hôpitaux
de district … ne sont pas
faciles d’accès pour les
pauvres et les populations
dispersées dans les zones
rurales. »
La mise en œuvre des interventions | 147
« …un hôpital de district
implanté au Kenya, dans une
communauté rurale …
desservait 2 223 enfants,
dépensait environ 10 dollars
par patient, et sauvait selon
son estimation 215 vies
pour un coût moyen par vie
sauvée de 104 dollars… »
« …dans les anciennes
républiques soviétiques et
en Chine, les hôpitaux
publics sont devenus
tellement dépendants des
paiements de l’usager
qu’ils fonctionnent en
pratique comme des
organismes privés. »
148 | Priorités en matière de santé
Les études de coût permettent d’établir une échelle des coûts enregistrés
dans les hôpitaux des pays à revenu faible ou intermédiaire. L’une d’elles
constate qu’un hôpital tanzanien a dépensé environ 4 dollars par patient et
par jour, mais indique que son financement était insuffisant et qu’il faudrait un peu plus de 12 dollars par patient et par jour pour assurer une
prise en charge correcte selon les propres critères du prestataire. Des chercheurs ont évalué le coût des soins en hospitalisation à environ 9 dollars
par patient et par jour au Kenya, et à près de 16 dollars par patient et par
jour au Bangladesh. En Afrique du Sud, les coûts s’étalaient entre 40 et 97
dollars par patient et par jour dans cinq districts différents.
Le DCP2 évalue le rapport coût-efficacité des soins dispensés par les
hôpitaux de district. Malgré le caractère approximatif de l’exercice, il
donne une idée de l’ordre de grandeur possible. À partir d’une étude réalisée sur un hôpital de district implanté au Kenya, dans une communauté
rurale bénéficiant d’un accès relativement satisfaisant aux services de santé,
il conclut que l’hôpital desservait 2 223 enfants, dépensait environ 10 dollars par patient, et sauvait selon son estimation 215 vies pour un coût
moyen par vie sauvée de 104 dollars, soit un coût par AVCI gagnée d’environ 4 à 5 dollars seulement.
Les méthodes utilisées pour améliorer les soins dispensés par les hôpitaux de district ne sont pas les mêmes partout. Dans beaucoup de pays, la
responsabilité de ces hôpitaux a été transférée aux pouvoirs locaux dans le
cadre de la décentralisation des services publics. Ailleurs, les hôpitaux se
voient accorder un plus grand pouvoir de décision, parfois même financier.
Dans certaines régions d’Asie centrale et d’Asie de l’Est, en particulier dans
les anciennes républiques soviétiques et en Chine, les hôpitaux publics sont
devenus tellement dépendants du paiement de l’usager qu’ils fonctionnent
en pratique comme des organismes privés. La plupart des hôpitaux publics
reçoivent des budgets qui sont fonction de leurs effectifs et de leur taille,
mais certaines réformes ont introduit un remboursement basé sur le
nombre et la complexité des services fournis, avec des résultats mitigés.
Ailleurs, on s’efforce d’améliorer la qualité des soins dans les hôpitaux. L’un
des objectifs est de réduire les maladies contractées à l’hôpital, qui constituent un grave problème dans les pays démunis d’Afrique subsaharienne,
où les transfusions sanguines et la réutilisation des aiguilles peuvent provoquer une contamination par le VIH, l’hépatite et d’autres infections.
Améliorer la sécurité transfusionnelle coûterait moins de 8 dollars par
AVCI gagnée.
Les hôpitaux de district sont soumis à différentes pressions qui affectent
la manière dont ils remplissent leur mission. Certaines les obligent à intervenir comme s’ils étaient des centres primaires, tandis que d’autres les
poussent à fonctionner comme des centres de gestion de la santé publique.
Pour arriver à un bon compromis, il faut équilibrer correctement les investissements réalisés dans les hôpitaux de district et dans les autres niveaux
de prise en charge.
Hôpitaux de recours
Le niveau de prise en charge suivant est l’hôpital de recours, qui fournit des
soins cliniques complexes aux patients adressés par les structures de proximité, les établissements de soins primaires et les hôpitaux de district4. La
mission d’orientation relie les différents niveaux de prise en charge dans les
deux sens. Les établissements des trois premiers niveaux dirigent les
malades vers un hôpital spécialisé. Dans l’autre sens, l’hôpital de recours
fournit une assistance et des informations aux niveaux inférieurs, et redirigent les patients sur eux le cas échéant. Pour que les relations entre les différents niveaux de prise en charge puissent fonctionner le mieux possible,
les hôpitaux de recours doivent assurer plusieurs formes de soutien,
notamment des conseils sur les patients à orienter vers tel ou tel niveau, les
soins à dispenser après la sortie de l’hôpital, et la prise en charge des affections chroniques sur une longue durée. Les professionnels de santé doivent
être formés de façon coordonnée à utiliser des protocoles communs, et une
assistance technique doit être assurée par des techniciens et des médecins
qualifiés.
Les hôpitaux de recours peuvent également apporter aux autres établissements une aide importante en matière de gestion et d’administration,
servant de plaque tournante pour les médicaments et les autres fournitures
médicales, les services d’analyses médicales, la passation des marchés, la
collecte des données issues des systèmes d’information sanitaire, et la surveillance épidémiologique. Parfois, ils organisent le transport des fournitures médicales et du personnel, ou même s’occupent de gérer les finances,
les salaires et les ressources humaines d’établissements de niveau inférieur.
D’autres fonctions importantes confiées aux hôpitaux de recours sont
la recherche et la formation. Dans les pays industriels, les hôpitaux de
recours peuvent mettre au point de nouvelles technologies, mais dans les
pays en développement, le travail de recherche concernera plus probablement l’expérimentation et l’introduction de technologies mises au point
ailleurs, c’est-à-dire consistera à vérifier qu’elles restent opérantes et
valides dans un contexte différent. Les hôpitaux de recours deviennent le
canal de diffusion de ces technologies en formant le nouveau personnel et
en assurant la formation continue du personnel en place dans différents
établissements. La recherche apporte une contribution essentielle lorsqu’elle travaille à atténuer les problèmes de santé de la région en tenant
4
« Pour que les relations entre
les différents niveaux de
prise en charge puissent
fonctionner le mieux possible,
les hôpitaux de recours
doivent assurer plusieurs
formes de soutien… »
Cette partie est basée sur le chapitre 66 du DCP2.
La mise en œuvre des interventions | 149
compte des contraintes technologiques locales car, en général, les pays
industriels et les groupes pharmaceutiques n’engagent pas ce type de
recherches si le retour sur investissements prévisible n’est pas suffisant.
Les activités de recherche aident également à attirer et retenir les spécialistes dont tout pays a besoin pour traiter les cas complexes et former de
nouveaux spécialistes.
Tout comme les hôpitaux de district, les hôpitaux de recours des pays à
revenu faible ou intermédiaire sont souvent amenés à offrir une gamme
complète de services, depuis les plus spécialisés jusqu’au traitement de base
en médecine ambulatoire. La demande de soins de base vient des patients
qui cherchent à court-circuiter des établissements de niveau inférieur manquant de matériel ou de personnel compétent.
Les coûts et l’efficacité des hôpitaux de recours dépendent beaucoup de
l’étendue des services qu’ils assurent, des salaires du personnel, et des taux
d’utilisation. En règle générale, ils ont tendance à coûter plus cher que les
hôpitaux de district parce qu’ils traitent des cas plus complexes, ont des
facteurs de production plus onéreux, et font également de l’enseignement
et de la recherche. Les études montrent que le coût d’une journée d’hospitalisation peut être deux à cinq fois plus élevé dans un hôpital de recours
que dans un hôpital de district.
Les hôpitaux de recours sont souvent implantés dans de grands centres
urbains, ce qui renforce l’inégalité d’accès aux soins spécialisés dont sont
victimes les populations rurales et les citoyens pauvres en général. Ces
hôpitaux étant par définition spécialisés, il n’est pas possible de corriger ces
inégalités en construisant des établissements supplémentaires. Si l’on veut
parvenir à une certaine équité dans l’accès aux services des hôpitaux de
recours, il faut améliorer l’orientation des patients vers ces hôpitaux et
réduire les obstacles financiers, notamment les coûts de transport, qui
pénalisent les pauvres.
Il est important d’établir un équilibre et une coordination appropriés
entre les investissements et les fonctions affectés aux hôpitaux de recours
et ceux affectés aux hôpitaux de district, aux centres de soins primaires et
aux agents de santé communautaires. De même que les hôpitaux de
recours ne peuvent pas fonctionner correctement si les autres niveaux ne
remplissent pas leurs missions, les structures de soins de proximité, les
centres de soins primaires et les hôpitaux de district ne peuvent pas être
performants quand ils n’ont pas la possibilité d’aiguiller les cas complexes
vers des hôpitaux spécialisés. Si les niveaux inférieurs de prise en charge
ont certainement besoin d’être renforcés, ce n’est sans doute pas dû au
niveau excessif des dotations allouées aux hôpitaux de recours, mais plutôt à un financement insuffisant de l’ensemble du système de santé
publique.
150 | Priorités en matière de santé
SERVICES ET RESSOURCES COMMUNS
À TOUS LES NIVEAUX
Bien que des types de services différents soient associés à chaque niveau du
système de santé, certains services doivent pouvoir être fournis par toutes
les structures. Le DCP2 passe en revue un large éventail de ces services
communs et des problèmes qu’ils posent. Nous examinons ici trois d’entre
eux.
Chirurgie
La chirurgie évoque souvent des interventions à haute technicité pouvant
être extrêmement coûteuses5. Par ailleurs, la chirurgie n’est pas spécifique
à une maladie ou un facteur de risque particulier, ni cantonnée à un niveau
de prise en charge donné. De ce fait, les responsables de la santé publique
ont souvent négligé son potentiel. Le DCP2 remet la chirurgie à l’honneur
en tant que service d’un bon rapport coût-efficacité pour traiter un grand
nombre d’affections courantes.
Selon le DCP2, environ 12 % des problèmes de santé dans le monde
sont associés à des troubles pour lesquels la chirurgie pourrait apporter
une aide. Ces troubles sont responsables de la perte de 21 AVCI pour 1 000
habitants dans les Amériques, et de 38 AVCI pour 1 000 habitants en
Afrique. Les traumatismes représentent 38 % de ces affections, suivies par
les tumeurs malignes et les anomalies congénitales.
Les affections pouvant être traitées par la chirurgie se répartissent en
quatre grandes catégories :
« …12 % des problèmes de
santé dans le monde sont
associés à des troubles pour
lesquels la chirurgie pourrait
apporter une aide. »
• les interventions chirurgicales destinées à empêcher la mort ou un dysfonctionnement chez les victimes de traumatismes ;
• les complications obstétricales ;
• le traitement des troubles abdominaux constituant une urgence vitale ;
• le traitement hors urgence des troubles simples tels que hernies, pieds
bots et cataractes.
Le DCP2 définit la chirurgie comme l’ensemble des services faisant
intervenir des sutures, des incisions, des excisions, des manipulations et
d’autres actes invasifs nécessitant une anesthésie locale, régionale ou générale. Cette définition porte expressément sur les actes chirurgicaux, et non
sur les personnes qui les exécutent ni sur les établissements où ils sont pra5
Cette partie est basée sur le chapitre 67 du DCP2.
La mise en œuvre des interventions | 151
« …[le coût de] la chirurgie
qui serait pratiquée dans un
centre médical de proximité
hypothétique desservant une
population de 20 000
personnes… est estimé
entre 150 et 350 dollars
par AVCI gagnée. »
152 | Priorités en matière de santé
tiqués. On admet donc qu’un grand nombre de catégories différentes
d’agents de santé peuvent pratiquer des actes chirurgicaux s’ils sont convenablement formés, et que cela peut se faire dans différents lieux à condition
qu’ils soient correctement équipés. Pour certaines affections comme la
cataracte ou le trachome, la chirurgie peut être utilisée dans le cadre de
campagnes où une équipe d’agents est formée au dépistage et à l’exécution
d’interventions simples au moyen d’installations mobiles (encadré 6.2).
Des actes chirurgicaux simples peuvent également être pratiqués dans des
centres de soins primaires pour traiter les blessures, les complications obstétricales ou les anomalies congénitales. Les hôpitaux de district et les hôpitaux de recours peuvent être configurés pour réaliser des opérations chirurgicales plus complexes si nécessaire.
Le DCP2 donne une estimation du rapport coût-efficacité de la chirurgie qui serait pratiquée dans un centre médical de proximité hypothétique
desservant une population de 20 000 personnes. Il traiterait approximativement 4 000 dossiers de chirurgie par an et son personnel serait composé
d’un infirmier, d’une sage-femme qualifiée, et d’un aide-soignant. Il serait
compétent pour traiter les coupures et contusions simples, extraire des
corps étrangers, drainer des abcès, soigner des brûlures bénignes, fournir
une assistance lors des accouchements normaux, et traiter des traumatismes simples. Le coût de ces services est estimé entre 150 et 350 dollars
par AVCI gagnée. Les actes chirurgicaux plus complexes, notamment la
chirurgie abdominale et thoracique, les blessures à la tête, les complications
obstétricales et les brûlures, seraient prises en charge par les hôpitaux de
district pour un coût estimé à 40 dollars par AVCI gagnée en Asie du Sud
et en Afrique subsaharienne, à 70 dollars par AVCI gagnée dans la région
Asie de l’Est et Pacifique, et à près de 100 dollars par AVCI gagnée dans les
autres régions. Le coût par AVCI gagnée des services chirurgicaux assurés
dans les hôpitaux de district est moins élevé que dans les établissements de
soins primaires en raison des économies d’échelle. Les coûts fixes des actes
chirurgicaux pratiqués dans les hôpitaux de district sont supérieurs, mais
l’hôpital peut être configuré pour gérer un nombre de dossiers de chirurgie beaucoup plus important. La réalité de ces économies dans la pratique
dépend des taux d’utilisation effectivement atteints.
Il est clair que la chirurgie peut constituer une composante importante
de la stratégie nationale de santé publique. Elle peut éviter des décès et des
handicaps chroniques chez les victimes de blessures si elle est pratiquée
suffisamment vite et bien ; elle peut réduire le risque de mortalité et d’invalidité lié à un accouchement difficile, à une hémorragie prepartum ou
postpartum, et à d’autres complications obstétricales ; elle peut remédier à
un large éventail d’urgences médicales ; et la chirurgie réglée peut avoir un
impact notable sur la qualité de vie pour des affections telles que la cata-
Encadré 6.2 Le traitement de la cataracte en Inde
Le traitement de la cataracte figure parmi les mieux documentés des cas d’interventions
chirurgicales pratiquées dans un cadre de proximité. L’Inde emploie des camps mobiles
pour faire bénéficier les populations rurales d’une chirurgie de la cataracte bon marché et
performante. Le nombre d’interventions a plus que doublé en 5 ans, passant de 1,2 million en 1991–1992 à 2,7 millions en 1996–1997. Le coût s’est élevé à environ 97 dollars
par patient dans les camps, contre 176 dollars dans les hôpitaux universitaires et 54 dollars dans les hôpitaux non publics. La chirurgie de la cataracte coûte en Inde moins de 25
dollars par AVCI gagnée et présente donc un excellent rapport coût-efficacité.
Source : Adapté du chapitre 67 du DCP2.
racte, les infections auriculaires, les pieds bots, les hernies et les hydrocèles.
La chirurgie peut donc représenter un élément important, efficace par rapport aux coûts, d’un système de santé opérant et d’une politique de santé
publique, à condition que les établissements concernés soient correctement pourvus en personnel et en matériel.
« La chirurgie peut donc
représenter un élément
important, efficace par
rapport aux coûts, d’un
Services médicaux d’urgence
Comme la chirurgie, les services médicaux d’urgence sont constitués d’un
ensemble d’interventions qui ne sont pas spécifiques à un problème médical ou à un niveau de prise en charge particulier6. Leur point commun est
que les résultats dépendent fortement du délai d’intervention. Les services
médicaux d’urgence traitent des problèmes médicaux soudains qui nécessitent une intervention immédiate sous peine d’entraîner la mort ou une
invalidité. Bien qu’ils soient souvent associés aux ambulances, aux unités
hospitalières de soins d’urgence, aux technologies modernes et à des coûts
élevés, en pratique, les services médicaux d’urgence ne sont pas toujours
synonymes de transport rapide et de gestes effractifs. En réalité, la prise en
charge des urgences peut souvent être améliorée grâce à une meilleure planification, à la formation appropriée des premiers intervenants, à des
moyens de communications et à des solutions de transport originales.
Les urgences sont souvent générées par des blessures, des complications
obstétricales et des infections survenant de façon soudaine, mais aussi des
négligences dans le traitement d’affections lentes et chroniques. Les problèmes de santé nécessitant le recours à des services médicaux d’urgence
ont donc été en grande partie évoqués dans les chapitres précédents,
6
système de santé opérant
et d’une politique de santé
publique… »
Cette partie est basée sur le chapitre 68 du DCP2.
La mise en œuvre des interventions | 153
« Les problèmes de santé
nécessitant le recours à des
services médicaux d’urgence
… représentent 36 % …
[des] AVCI.. »
« …les soins d’urgence
nécessitent d’investir dans
des installations permettant
de traiter les patients une
fois leur état stabilisé. »
154 | Priorités en matière de santé
notamment les affections maternelles et les blessures causées par les accidents de la route. Au total, ces troubles représentent 36 % de la charge de
morbidité mesurée en AVCI. Environ un tiers de ces AVCI sont dues à des
blessures, un autre tiers sont liées à des maladies chroniques comme le diabète, les MCV et l’asthme, et le dernier tiers est associé aux maladies transmissibles et aux affections maternelles.
Les services médicaux d’urgence comprennent un spectre continu de
soins allant du premier contact avec les patients jusqu’au moment où leur
état est stabilisé. Il s’agit pour commencer d’évaluer rapidement la situation pour déterminer les interventions les plus appropriées, d’organiser le
transport rapide du malade vers l’établissement le mieux adapté à son état,
et de fournir des premiers soins. Une fois que le patient arrive dans un établissement, les services d’urgence continuent jusqu’à ce que son état soit
stabilisé.
La nature des services d’urgence varie considérablement selon les pays et
les régions. Dans beaucoup de zones rurales pauvres, des guérisseurs traditionnels comme les rebouteux peuvent assurer les premiers secours, et le
transport peut se faire en canoë ou en charrette. Dans les villes riches en
revanche, ils font souvent intervenir du personnel paramédical arrivant en
ambulance. L’important n’est pas de faire aussi bien que les technologies les
plus sophistiquées, mais d’améliorer l’organisation et la planification des
soins d’urgence, ce qui est réalisable à moindre coût et relèverait le taux
d’utilisation des ressources, la qualité des soins reçus et les résultats obtenus.
Le DCP2 expose un certain nombre de problèmes qui empêchent les
pays à revenu faible ou intermédiaire de fournir des soins d’urgence corrects, ainsi que différentes solutions originales susceptibles d’y remédier.
Tout d’abord, les soins d’urgence nécessitent d’investir dans des installations permettant de traiter les patients une fois leur état stabilisé. Organiser
le transport rapide d’un patient vers un établissement de soins mal équipé
ou surchargé ne sert pas à grand chose. C’est pourquoi, là encore, il est
important de pouvoir compter sur un système de santé qui fonctionne correctement.
En second lieu, l’existence de moyens de communication rapides peut
être déterminante pour la survie des patients. Dans les lieux dépourvus de
téléphones traditionnels, de simples radiotéléphones ou, de plus en plus,
des téléphones cellulaires peuvent être utilisés. Les télécommunications
sont importantes pour coordonner les soins entre le site de prise en charge initiale et l’établissement où le patient va être soigné, et permettent aussi
aux premiers intervenants de consulter d’autres professionnels de santé et
d’obtenir des avis spécialisés sur le lieu de l’urgence.
Troisièmement, une bonne planification peut réduire le délai d’intervention et améliorer la prise en charge. Il suffit parfois de s’assurer qu’il
existe des cartes suffisamment précises, que les maisons portent des numéros et que les noms des rues sont signalés par des panneaux. Lors d’une
étude réalisée à Kuala Lumpur, on s’est aperçu que les équipes d’intervention d’urgence ne parvenaient pas à localiser le patient dans 20 % des cas.
Quatrièmement, un moyen de transport doit être accessible dans un
délai très bref. Les véhicules équipés de brancards sont l’idéal, mais beaucoup d’autres types de véhicules peuvent convenir. Au Malawi, une ambulance tirée par une bicyclette, imaginée à l’origine pour transporter les
urgences obstétricales, a été généralisée au transport de patients souffrant
de toutes les catégories d’urgences, y compris les traumatismes.
Les études ont montré que le principal facteur de survie était moins lié
à la rapidité du transport qu’à l’efficacité des soins vitaux prodigués par
l’équipe d’intervention. Les dispositifs d’urgence demandent du personnel
qualifié et motivé ayant à sa disposition le matériel et les médicaments
dont il a besoin, ainsi que des équipes d’appui chargées du travail de coordination et de gestion. Lorsque les moyens existent, ces dispositifs peuvent
fonctionner avec du personnel employé à plein temps et des transports
motorisés. Là où les ressources sont limitées, on peut faire quand même
beaucoup de choses avec des méthodes simples et viables. Il est ainsi possible de réduire sensiblement les temps d’intervention en recrutant et en
formant des citoyens motivés souvent confrontés à des urgences, par
exemple des chauffeurs de transports publics (encadré 6.3).
Le DCP2 analyse les données disponibles sur l’utilisation d’intervenants
non professionnels formés en association avec des bénévoles formés. Cette
solution nécessiterait le recrutement de 7 500 premiers intervenants non
professionnels et de 150 paramédicaux bénévoles pour desservir une
population d’un million d’habitants. Les premiers intervenants non professionnels pourraient être formés en une demi-journée, tandis que le personnel paramédical bénévole suivrait une formation sur 25 jours. Des
cours de remise à niveau devraient être organisés tous les trois ans pour les
deux catégories d’intervenants, afin de maintenir leur niveau de compétences et de motivation. Le rapport coût-efficacité d’un programme de ce
type pourrait être excellent, puisqu’il coûterait entre 73 et 706 dollars par
décès évité, ou entre 3 et 27 dollars par année de vie sauvée.
L’emploi d’une ambulance augmente sensiblement les coûts, mais le
rapport coût-efficacité reste cependant acceptable. En milieu urbain, la
hausse des coûts est compensée par un taux d’utilisation supérieur. D’après
le DCP2, l’utilisation d’ambulances en ville coûterait seulement 60 dollars
par année de vie sauvée en Asie du Sud, environ 111 dollars par année de
vie sauvée dans la région Amérique latine et Caraïbes, et 176 dollars par
année de vie sauvée au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. En milieu
rural, un service d’ambulance coûterait entre deux et trois fois plus par
année de vie sauvée en raison des taux d’utilisation inférieurs.
« …à Kuala Lumpur, …
les équipes d’intervention
d’urgence ne parvenaient
pas à localiser le patient
dans 20 % des cas. »
« …[le rapport coût-efficacité
d’un programme utilisant des]
intervenants non professionnels formés en association
avec des bénévoles formés…
pourrait être excellent,
puisqu’il coûterait entre 73 et
706 dollars par décès évité,
ou entre 3 et 27 dollars par
année de vie sauvée. »
La mise en œuvre des interventions | 155
« Au cours des 50 dernières
années, le nombre de
médicaments permettant
de prévenir et traiter les
maladies a considérablement
augmenté. »
Les États ne doivent pas négliger leurs services médicaux d’urgence.
Améliorer la planification et les communications et former davantage de
bénévoles est un minimum qui peut augmenter notablement les chances
de survie dans les situations d’urgences. Ces services, eux aussi, nécessitent
une coordination à l’intérieur du système de santé afin de relier les lieux
d’accident et les autres sites d’urgences aux différents niveaux de prise en
charge. Pour avoir un rapport coût-efficacité satisfaisant, les stratégies
employées doivent être adaptées à la situation locale, qu’il s’agisse de former des chauffeurs de bus aux premiers secours, de recruter des vélotaxis
ou d’équiper du personnel paramédical professionnel.
Médicaments
Au cours des 50 dernières années, le nombre de médicaments permettant
de prévenir et traiter les maladies a considérablement augmenté7. Certains
ont évité à des millions de personnes de contracter la diphtérie, le tétanos,
la polio ou la rougeole. D’autres ont soigné des infections bactériennes ou
virales comme la pneumonie, la tuberculose et le VIH/SIDA. Il existe
aujourd’hui une vaste classe de médicaments disponibles pour traiter des
maladies chroniques telles que le diabète, les MCV et la dépression.
D’autres sont essentiellement destinés aux soins palliatifs.
Il n’y a pas de bonne prise en charge des patients sans médicaments.
Pour faire en sorte que les personnes qui en ont besoin aient accès à des
médicaments appropriés, il faut résoudre différents problèmes :
• des problèmes financiers, notamment le financement d’activités élémentaires de recherche et développement, la définition et la protection
des droits de propriété intellectuelle, et la tarification des médicaments
afin de les rendre accessibles ;
• des problèmes logistiques liés à l’approvisionnement, à l’entreposage et
à la distribution ;
• des problèmes cliniques, à savoir veiller à ce que les prescriptions soient
convenables et que les patients les suivent effectivement ;
• des problèmes d’incitation, car il est important d’encourager les
compagnies pharmaceutiques, les prestataires de santé privés, les
pharmacies et les services de santé financés ou gérés par l’État, à participer à la recherche, au développement et au marketing des médicaments.
La disponibilité des médicaments est extrêmement inégale et aggrave les
inégalités en matière de répartition des soins de santé à travers le monde.
7
156 | Priorités en matière de santé
Cette partie est basée sur les chapitres 4, 6, 55 et 72 du DCP2.
Encadré 6.3 Améliorer la prise en charge des traumatismes
en l’absence de dispositif structuré de transport en ambulance
Contexte : on a cherché à évaluer l’efficacité d’un programme reposant sur le dispositif
existant, bien qu’informel, de transport préhospitalier au Ghana. Dans ce pays, la
majorité des blessés sont transportés à l’hôpital par un véhicule de type commercial,
par exemple un taxi ou un bus.
Méthodes : un total de 335 chauffeurs de véhicules commerciaux ont suivi une formation élémentaire aux premiers secours, d’une durée de 6 heures. L’efficacité de cette
formation a été évaluée en comparant la prise en charge des traumatismes avant l’arrivée à l’hôpital, avant et après la formation, d’après les déclarations des chauffeurs.
Résultats : des entretiens de suivi ont été menés auprès de 71 chauffeurs, en moyenne
10,6 mois après la formation. Soixante et un pour cent d’entre eux ont indiqué qu’ils
avaient dispensé des premiers secours depuis leur formation. On a constaté une forte
amélioration dans la fourniture des premiers secours par rapport à ce qui était rapporté
avant la formation (tableau 1).
Tableau 1 Secours d’urgence dispensés avant et après
la formation aux premiers secours
Type de secours
Protection sur le lieu de l’accident
Dégagement des voies aériennes
Arrêt d’une hémorragie
Pose d’une attelle
Triage
Dispensés avant
la formation (%)
7
2
4
1
7
Dispensés après
la formation (%)
35
35
42
16
21
Source: Mock et al. 2002
La formation a fait appel à un volume modeste de travail bénévole et de cadeaux en
nature, par exemple le transport jusqu’au lieu de formation. Son coût réel s’est élevé à
3 dollars par participant.
Conclusions : même en l’absence de services médicaux d’urgence structurés, il est possible d’améliorer la prise en charge préhospitalière des traumatismes en exploitant les
transports préhospitaliers existants, même informels.
Source : DCP2, chapitre 68, encadré 68.1.
« Quelque 30 % de la
Quelque 30 % de la population du globe n’a pas accès de façon régulière à
des médicaments essentiels, cette proportion variant entre 26 % en Asie du
Sud-Est (à l’exclusion de l’Inde), 29 % dans la Région OMS de la
Méditerranée orientale, et 47 % en Afrique, jusqu’à 65 % en Inde. À l’inverse, les 15 % d’habitants de la planète qui vivent dans les pays à revenu
population du globe n’a
pas accès de façon régulière
à des médicaments
essentiels… »
La mise en œuvre des interventions | 157
« La liste des médicaments
essentiels … privilégie les
solutions les moins chères
pour traiter des maladies
prioritaires. »
158 | Priorités en matière de santé
élevé comptent pour 90 % dans la consommation mondiale de médicaments (en valeur).
Les sociétés pharmaceutiques privées et les pouvoirs publics des pays à
revenu élevé privilégient la mise au point de médicaments répondant aux
problèmes de santé de leurs pays. Sur les 1 325 nouveaux médicaments mis
sur le marché entre 1975 et 1997, seulement 11 ont été développés spécifiquement pour des maladies tropicales. Au cours de la dernière décennie,
quelques initiatives internationales ont tenté de remédier à cette répartition inégale des bienfaits des médicaments. Certaines cherchent à améliorer l’accès à des médicaments essentiels qui existent déjà, comme c’est le cas
du GAVI et du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le
paludisme. D’autres ont pour objectif de promouvoir la recherche et le
développement de nouveaux vaccins, de nouveaux traitements, ou de traitements médicamenteux plus faciles à administrer. Il s’agit de l’initiative
DNDi de Médecins Sans Frontières visant à relancer la recherche et développement de médicaments pour les maladies négligées, des travaux de
recherche d’organismes publics sur la mise au point d’un vaccin contre le
paludisme, et des nouvelles thérapies étudiées pour la tuberculose résistante aux antibiotiques.
Le principal objectif d’une politique pharmaceutique doit être d’augmenter l’accès aux médicaments efficaces, d’améliorer et de garantir leur
qualité, et de promouvoir des pratiques de prescription rationnelles de la
part des prestataires, et des pratiques de consommation rationnelles de la
part des patients. L’OMS a aidé un grand nombre de pays à revenu faible
ou intermédiaire à adopter des politiques nationales qui définissent une
liste de médicaments essentiels, garantissent leur accessibilité économique,
réglementent leur qualité, encouragent des achats réguliers, et encouragent
leur utilisation rationnelle.
La liste des médicaments essentiels constitue un élément important de
la politique pharmaceutique, parce qu’elle privilégie les solutions les moins
chères pour traiter des maladies prioritaires. Elle simplifie ainsi le processus d’approvisionnement, d’achat, de formation et d’utilisation. Les
recommandations de l’OMS comprennent une liste de 320 médicaments
dans 559 formulations. La plupart des pays qui ont utilisé ces recommandations ont établi une liste de moins de 300 médicaments, allant de 180 au
Libéria, à 389 dans l’État indien du Karnataka. Comme la liste de médicaments, la liste de vaccins recommandés s’est également allongée au fil du
temps avec l’apparition de nouveaux vaccins. La grande majorité des pays
continue de s’en tenir aux vaccins du PVE (contre la tuberculose, la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la polio et la rougeole) mais, depuis, l’OMS
en a recommandé d’autres, dont celui contre l’hépatite B, le Hib et la fièvre
jaune dans les pays d’endémie.
Les procédures de passation de marchés doivent permettre non seulement d’obtenir le meilleur prix mais aussi de garantir la qualité des médicaments et la fiabilité de l’approvisionnement. Pour cette raison, les pays
abandonnent de plus en plus les appels d’offres ouverts, dans lesquels le
prix est le premier critère de sélection et où la qualité et la fiabilité sont
jugés en second lieu, pour des appels d’offres restreints, où ceux qui répondent aux appels d’offre doivent présenter des informations sur leur fiabilité, leur stabilité financière, la qualité de leur production et leurs performances passées. Seuls les fabricants présélectionnés peuvent participer à la
deuxième étape qui consiste à obtenir des offres et à sélectionner la moins
chère.
D’une manière générale, la tendance du prix des médicaments est à la
baisse. Cela est dû en partie au cycle naturel du développement des médicaments. Un nouveau médicament est habituellement protégé par un brevet, qui limite l’offre et maintient les prix élevés jusqu’à ce que le brevet
arrive à expiration ou qu’une licence obligatoire soit instaurée, et que des
fabricants de médicaments génériques puissent pénétrer sur le marché et
les concurrencer. Certains prix ont véritablement chuté suite à des négociations collectives et à la pression de la communauté internationale et du
public, en particulier pour les médicaments destinés à soigner la tuberculose et le VIH/SIDA, dont quelques-uns ont vu leur prix baisser de plus de
90 % ces dernières années.
Acheter des médicaments génériques en gros est de loin la meilleure
solution pour optimiser les dépenses d’un budget national limité. Lorsque
des médicaments génériques sont disponibles avec la qualité et les posologies qui conviennent, ils sont nettement moins chers que les médicaments
d’origine. Une étude réalisée en Malaisie a constaté que 13 médicaments
d’origine étaient 4 à 45 fois plus chers que les équivalents génériques qui
figuraient dans la liste de médicaments essentiels de ce pays. Pour permettre aux États de mieux négocier, des informations sur les prix sont
désormais disponibles au niveau international sur les sites Web. Différents
programmes internationaux ont été lancés pour améliorer l’accessibilité
économique des médicaments essentiels dans les pays à revenu faible ou
intermédiaire : le Fonds des Nations Unies pour l’enfance a mis en place un
programme d’achat de vaccins qui gère 40 % de la demande mondiale,
l’Organisation panaméricaine de la santé gère un fonds renouvelable pour
la région Amérique latine et Caraïbes, et le Programme d’achats groupés
du Conseil de coopération du Golfe aide six États du golfe Persique à organiser leurs appels d’offres et leurs dispositifs logistiques.
L’achat ne représente qu’une partie du coût de la mise à disposition
des médicaments, et le supplément qui s’ajoute ensuite pour tenir compte des frais locaux peut être assez considérable. Au Sri Lanka, les coûts
locaux majorent de 64 % le prix importé des médicaments. Au Kenya, la
La mise en œuvre des interventions | 159
« … pas moins de la moitié
des échecs des thérapies
médicamenteuses sont dus
au non-respect du traitement
par le patient. »
« La seconde moitié
des échecs … proviennent
d’erreurs du personnel
médical ou des
pharmaciens. »
160 | Priorités en matière de santé
composante locale dépasse 100 % du prix importé. Les études tendent à
montrer que ces niveaux de majoration entre le prix importé et le prix
de détail sont courants. Pour les réduire, il est nécessaire de modifier la
politique fiscale, par exemple accorder des exonérations de droits d’importation ou de taxes à la valeur ajoutée, de prendre des mesures pour
réduire les coûts de transport, et de réglementer le marché.
Une fois que les médicaments ont été sélectionnés et achetés, ils doivent
être convenablement entreposés et distribués. Lorsqu’ils sont distribués par
des prestataires publics, l’État doit gérer un certain nombre de questions
logistiques, à savoir prévoir la demande, transférer les médicaments sur les
lieux où l’on en a besoin, veiller à ce qu’ils soient entreposés dans des
emballages appropriés en respectant les niveaux de température et d’humidité prescrits, et prévoir la destruction des médicaments périmés. Pour
cela, les pays ont recours à différentes méthodes, consistant par exemple à
distribuer des kits prédéfinis de médicaments selon un calendrier déterminé, avec des systèmes plus souples et plus complexes au moyen desquels les
établissements de santé peuvent passer des commandes. Les vaccins posent
des problèmes particuliers, notamment la gestion d’une chaîne du froid
pour garantir que les vaccins soient maintenus à une température convenable jusqu’à leur utilisation. Lorsque les médicaments sont distribués par
des pharmacies privées, le rôle des pouvoirs publics consiste à surveiller les
canaux de distribution pour vérifier que les informations fournies avec le
conditionnement sont exactes, que les moyens de stockage utilisés sont
propres à maintenir la qualité des produits, et que les médicaments périmés sont détruits.
Les étapes suivantes concernent la prescription et l’utilisation. Le bon
médicament doit être prescrit en fonction de l’état du patient, lequel doit
se conformer aux doses et à la durée de traitement qui lui ont été indiquées.
D’après le DCP2, pas moins de la moitié des échecs des thérapies médicamenteuses sont dus au non-respect du traitement par le patient. Contrôler
que le patient suit sa prescription participe de la qualité des services de
santé. À cet égard, on constate de meilleurs résultats lorsque le système de
santé tient compte des attitudes, du niveau d’instruction et de la culture du
lieu, que les agents de santé s’adressent aux patients avec respect et dans un
langage clair, et que la population reçoit aide et information.
La seconde moitié des échecs enregistrés dans les thérapies médicamenteuses proviennent d’erreurs du personnel médical ou des pharmaciens.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, la surprescription de médicaments
est aussi courante dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, qui pourtant ne peuvent guère se permettre de gaspiller ce genre de produits, que
dans les pays à revenu élevé. L’analyse de programmes de PCIME conduits
dans différents pays a montré qu’améliorer la formation des agents de
santé donnait des résultats identiques ou meilleurs que la moyenne, et que
les coûts étaient souvent moins élevés parce qu’un agent mieux formé utilisait les médicaments de façon plus rationnelle et prescrivait moins de
médicaments inutiles (encadré 6.4). Il s’avère aussi très souvent que les
médecins qui délivrent des médicaments en prescrivent davantage que les
médecins n’en délivrant pas, ce qui va dans le sens de la recommandation
générale selon laquelle les actes de prescription et de délivrance doivent
être séparés dans toute la mesure du possible.
La surconsommation de médicaments contre les maladies infectieuses
et l’inobservance des prescriptions peuvent toutes deux avoir des conséquences catastrophiques sur l’efficacité des soins, parce qu’elles accélèrent
l’émergence de pathogènes résistants aux médicaments. Les antipaludéens
les moins chers commencent déjà à devenir inefficaces, d’où la nécessité de
faire appel aux ACT, plus onéreux. Des souches pharmacorésistantes de
tuberculose sont déjà apparues, appelant le recours plus fréquent à des
polythérapies et des traitements médicamenteux de seconde intention.
Beaucoup d’infections dont la résistance augmente sont des maladies
courantes dans les pays à revenu faible ou intermédiaire mais pas dans les
pays à revenu élevé. De ce fait, la demande de recherche de nouveaux traitements pour remplacer les anciens est moins forte.
Des mesures doivent être prises pour ralentir l’émergence de souches
pharmacorésistantes, mesures qui améliorent simultanément la qualité des
soins. L’établissement de prescriptions appropriées et l’observance des traitements améliorent les taux de guérison et limitent la propagation des
infections. À cette fin, un ensemble de programmes de sensibilisation doivent être mis en place à l’intention des prestataires publics et privés et des
dispensaires. Il faut également assurer un approvisionnement fiable en
médicaments, réduire les obstacles financiers pour les ménages à faible
revenu, et améliorer la communication avec les patients pour les amener à
mieux observer les prescriptions. Enfin, il importe de mettre fin à l’ajout
systématique d’agents antimicrobiens dans la nourriture des animaux, suivant les recommandations de l’OMS.
« La surconsommation de
médicaments contre les
maladies infectieuses et
l’inobservance des
prescriptions … accélèrent
l’émergence de souches
résistantes aux
médicaments. »
INTÉGRATION DES SERVICES SUR LE CYCLE DE VIE
Après avoir examiné les services de santé par niveau et fonction, le DCP2
donne des informations sur les actions menées pour intégrer la prise en
charge tout au long des différentes étapes de la vie. Les nouveau-nés, les
enfants, les adolescents, et les femmes en âge de procréer se caractérisent
tous par des groupes de risques et de problèmes médicaux spécifiques qui
demandent un ensemble approprié de mesures prophylactiques et théraLa mise en œuvre des interventions | 161
peutiques. Le chapitre 4 a abordé la question des affections maternelles et
néonatales. La présente section s’intéresse à certains chapitres du DCP2
qui traitent de la prise en charge intégrée de classes d’âge particulières.
Prise en charge intégrée des maladies de l’enfant (PCIME)
« La prise en charge intégrée
des maladies de l’enfant
comprend trois composantes :
améliorer le travail des
agents de santé, améliorer
les systèmes de santé, et
améliorer les pratiques
familiales et collectives. »
Après la période néonatale, la majorité des décès chez les enfants de moins
de cinq ans sont dus à des diarrhées, à des pneumonies, au paludisme et à
d’autres maladies infectieuses, ainsi qu’à la malnutrition8. Compte tenu de
la forte prévalence de la comorbidité et de l’existence d’interventions efficaces, des efforts ont été entrepris pour intégrer les actions sanitaires
ciblées sur les enfants. L’initiative la plus remarquable dans ce domaine est
le programme PCIME, lancé par l’OMS et le Fonds des Nations Unies pour
l’enfance au milieu des années 90 et mis en œuvre depuis lors dans une
douzaine de pays.
La prise en charge intégrée des maladies de l’enfant comprend trois
composantes : améliorer le travail des agents de santé, améliorer les systèmes de santé, et améliorer les pratiques familiales et collectives. Pour la
première, il s’agit de former les agents à utiliser un guide du traitement qui
leur apprend à rechercher les signaux d’alerte, à évaluer l’état des patients
de façon approfondie, puis à mettre en œuvre les interventions appropriées. La formation apprend également aux agents de santé à combiner
les soins préventifs et curatifs, par exemple en vérifiant que les enfants qui
viennent consulter pour une maladie respiratoire sont à jour de leurs vaccins et convenablement nourris. La deuxième composante concerne les
améliorations à apporter au système de santé pour que l’approvisionnement en médicaments et l’encadrement soient satisfaisants, que le personnel bénéficie de formations, que les services d’orientation des patients
fonctionnent, et que des systèmes d’information sanitaire soient en place.
La troisième composante, à savoir l’amélioration des pratiques familiales
et collectives, consiste à promouvoir de bonnes pratiques d’allaitement et
une meilleure nutrition, et à expliquer à la population pourquoi il est
important d’avoir une bonne hygiène, d’utiliser des moustiquaires audessus des lits, de faire boire les malades et d’aller consulter quand il le
faut (figure 6.1).
Les évaluations du programme PCIME montrent avant tout combien il
est difficile de mettre en œuvre une stratégie intégrée de formation, de renforcement du système de santé et d’implication de la population, dans des
pays handicapés par le manque de ressources et par des institutions
publiques peu performantes. La plupart des pays qui ont officiellement
8
162 | Priorités en matière de santé
Cette partie est basée sur le chapitre 63 du DCP2.
Figure 6.1 Organisation de la prise en charge intégrée des maladies de l’enfant
Établissement de soins ambulatoires
Rechercher les signaux d’alerte
• Convulsions
• Léthargie ou inconscience
• Incapacité de boire ou de donner le sein
Évaluer les principaux symptômes
• Toux ou difficulté à respirer
• Diarrhée
• Fièvre
• Problèmes d’oreille
Vérifier les vaccinations,
évaluer l’état nutritionnel et les
problèmes d’alimentation potentiels
Rechercher les éventuels autres problèmes
Classer les troubles et
identifier les mesures à prendre
en suivant les schémas de
traitement repérés par des couleurs
Rose
Orientation urgente vers un
établissement de recours
Établissement de soins
ambulatoires
• Dispenser un traitement
• Donner des instructions
aux parents
• Diriger l’enfant vers un
établissement de recours
Jaune
Traitement dans l’établissement
de soins ambulatoires
Établissement de soins
ambulatoires
• Soigner les infections locales
• Donner des médicaments par
voie orale
• Donner des instructions et des
explications à la personne qui
va soigner l’enfant
• Suivi
Rose
Orientation urgente vers un
établissement de recours
Vert
Prise en charge à domicile
Domicile
La personne s’occupant de
l’enfant reçoit des instructions
sur la manière de :
• Donner des médicaments par
voie orale
• Soigner les infections locales
à domicile
• Continuer à alimenter le malade
• Savoir quand revenir consulter
d’urgence
• Suivi
Établissement de recours
• Assurer le triage et le
traitement des urgences
• Diagnostic
• Traitement
• Surveillance et suivi
Source : OMS, UNICEF 2001 (DCP2, chapitre 63, figure 63.1).
La mise en œuvre des interventions | 163
« …[en] Tanzanie, … les
districts qui ont mis en œuvre
le programme PCIME ont
amélioré la prise en charge
des enfants et fait baisser
la mortalité de 13 % en
dépensant moins ou autant
que les districts ayant
adopté la PCIME ne l’ont pas complètement appliquée. Des trois composantes, c’est la formation des agents de santé qui a été la mieux appliquée.
La Tanzanie fait partie des exemples les plus réussis : les districts qui ont
mis en œuvre le programme PCIME ont amélioré la prise en charge des
enfants et fait baisser la mortalité de 13 % en dépensant moins ou autant
que les districts ayant appliqué les programmes de santé traditionnels
(encadré 6.4). Toutefois, le potentiel de la prise en charge intégrée n’a pas
pu être valorisé la plupart du temps, pour plusieurs raisons : le programme n’a pas bénéficié de ressources suffisantes, les systèmes de santé n’ont
pas pu fournir le personnel et l’encadrement nécessaires, et aucun pays n’a
vraiment réussi à infléchir le comportement des familles pour ce qui est de
dispenser des soins aux malades à domicile, d’aller consulter au bon
moment, et d’améliorer les pratiques alimentaires.
appliqué les programmes de
santé traditionnels. »
Programmes de santé et de nutrition scolaires
Les enfants scolarisés composent un autre sous-groupe bien défini dont les
problèmes de santé peuvent être regroupés autour d’un nombre gérable de
Encadré 6.4 Améliorer l’utilisation des antimicrobiens
dans le cadre de la PCIME
Les médicaments antimicrobiens, notamment les antibiotiques et les antipaludéens,
sont indispensables à la survie de millions d’enfants. En administrant rapidement à un
enfant de moins de cinq ans un médicament adapté à son état, on peut lui sauver la
vie. Pour ralentir l’apparition de pharmacorésistances, il importe de veiller à ce que ces
médicaments ne soient pas prescrits sans nécessité, et que les patients qui les
reçoivent suivent leur traitement jusqu’au bout. D’après les données d’études d’observation réalisées dans des établissements de santé primaires sélectionnés de façon
aléatoire au Brésil, en Ouganda et en Tanzanie, les enfants soignés par des agents de
santé formés à la PCIME ont, par rapport aux enfants soignés par des agents n’ayant
pas encore reçu de formation à la PCIME, beaucoup plus de chances de recevoir des
prescriptions appropriées d’antimicrobiens et de recevoir la première dose de médicament avant de quitter l’établissement de santé, et les personnes qui s’occupent d’eux à
la maison ont beaucoup plus de chances d’avoir reçu des recommandations sur la
manière d’administrer le médicament et d’être capable, au moment de quitter l’établissement de santé, de décrire correctement la manière dont le médicament devra être
donné à la maison. La formation à la PCIME est une intervention efficace pour améliorer l’usage rationnel des médicaments antimicrobiens pour les enfants malades amenés
en consultation dans des centres de santé primaires, dans les pays à revenu faible ou
intermédiaire.
Source : DCP2, chapitre 63, encadré 63.2.
164 | Priorités en matière de santé
maladies et de facteurs de risque9. Leur présence dans un établissement
scolaire permet de les toucher à l’intérieur d’une infrastructure préexistante. En outre, il y a plus d’enseignants que d’infirmiers dans la plupart des
pays à revenu faible ou intermédiaire. Le coût marginal par enfant des
interventions sanitaires en milieu scolaire est donc exceptionnellement bas,
à moins de 1 dollar par an pour le programme d’action le plus simple.
Organiser des interventions sanitaires ciblées sur les enfants scolarisés peut
donc être une solution intéressante sur le plan du rapport coût-efficacité.
Les programmes de santé scolaires complètent également la mission
éducative de l’école dans la mesure où il faut être en bonne santé et bien se
nourrir pour pouvoir bien apprendre. Ainsi, des campagnes de vermifugation menées dans les écoles ont permis d’améliorer l’assiduité et les résultats scolaires des élèves. En même temps, l’éducation est une composante
importante de nombreux programmes de santé préventifs, visant par
exemple à sensibiliser les enfants à l’importance de l’hygiène, à la sécurité
routière, à l’intérêt des moustiquaires, et à la nutrition, et à leur transmettre
certains messages sur la sexualité et les risques sanitaires associés.
Il s’agit ici de limiter le recours à un diagnostic clinique. Alors que la
pratique médicale traditionnelle est axée sur le traitement après diagnostic, cette démarche considère que, sur le plan technique et économique et
du point de vue de l’équité, il est souvent préférable de fournir massivement certains services, par exemple vermifuger et apporter une supplémentation en micronutriments, que de procéder à des examens diagnostiques.
« Alors que la pratique
médicale traditionnelle est
axée sur le traitement après
diagnostic, …sur le plan
technique et économique et
du point de vue de l’équité, il
est souvent préférable de
fournir massivement certains
services, par exemple
vermifuger et apporter une
supplémentation en
micronutriments… »
Adolescents et jeunes adultes
Les taux de mortalité chez les adolescents sont habituellement faibles par
rapport aux autres classes d’âge. La charge de morbidité est associée pour
l’essentiel à la dépression, aux traumatismes causés par les accidents de la
route, et aux chutes. Néanmoins, l’adolescence est une période charnière
pour ce qui est d’adopter ou d’éviter certains comportements qui augmentent le risque ultérieur de maladies. Les facteurs de risque qui apparaissent souvent à l’adolescence sont notamment le tabagisme, la consommation excessive d’alcool, les mauvaises habitudes alimentaires, le fait
d’être victime d’abus sexuels, et les rapports sexuels non protégés.
En Afrique subsaharienne, il est particulièrement important d’intervenir sur cette classe d’âge du fait de l’épidémie de VIH/SIDA qui y sévit.
Dans cette région, 63 % des AVCI pour les jeunes femmes âgées de 15 à 29
ans sont liées à des maladies sexuelles et des problèmes de santé génésique.
« Les facteurs de risque
qui apparaissent souvent
à l’adolescence sont
notamment le tabagisme,
la consommation excessive
d’alcool, les mauvaises
habitudes alimentaires, le
fait d’être victime d’abus
sexuels, et les rapports
9
Cette partie est basée sur le chapitre 58 du DCP2.
sexuels non protégés. »
La mise en œuvre des interventions | 165
« Les interventions ciblées
sur les adolescents sont
souvent problématiques...
Il s’agit de modifier des
comportements à risque
parfois encouragés par la
tradition ou au contraire par
les mœurs modernes. »
166 | Priorités en matière de santé
Les mariages précoces avec des hommes plus âgés et les rapports sexuels
non protégés augmentent beaucoup la probabilité pour une jeune fille de
contracter le VIH/SIDA et d’autres infections sexuellement transmissibles.
Les interventions ciblées sur les adolescents sont souvent problématiques, parce que la plupart des risques à cet âge ne sont pas faciles à réduire par des soins préventifs ou curatifs. Il s’agit de modifier des comportements à risque parfois encouragés par la tradition ou au contraire par les
mœurs modernes. En règle générale, l’objectif doit être d’informer et
rendre les jeunes capables de prendre de bonnes décisions, leur fournir un
ensemble de services de santé pour les aider à prendre ces décisions, par
exemple des moyens contraceptifs, et mettre en place un environnement
social, juridique et réglementaire qui, d’une part, encourage les jeunes à ne
pas adopter des comportements néfastes pour leur santé et, d’autre part,
qui les protège contre certains dangers, par exemple en interdisant la publicité pour le tabac.
Il existe relativement peu de programmes ciblés sur les adolescents et les
jeunes adultes qui aient été mis en œuvre sur une grande échelle. Les interventions les plus courantes portent sur l’hygiène sexuelle et la santé génésique, et notamment sur la prévention du VIH/SIDA. Parmi ces programmes, une majorité ont été appliqués en milieu scolaire. Les programmes de sensibilisation des adolescents à la nutrition, aux problèmes
de santé mentale et aux méfaits du tabac se rencontrent plus fréquemment
dans les pays à revenu élevé. Les services sont souvent répartis entre plusieurs programmes. Par exemple, un programme de planning familial géré
par une ONG traitera de la grossesse des adolescentes, tandis que le ministère des Transports s’efforcera d’améliorer la sécurité routière et que la
nutrition sera abordée dans le cadre d’une intervention ciblée sur la santé
maternelle.
À l’heure actuelle, il existe assez peu de données sur le rapport coût-efficacité des programmes de santé nationaux à l’intention des adolescents et
des jeunes adultes. Au Bangladesh, le Newlyweds Program a encouragé les
jeunes mariés à diminuer leur fertilité. La Nouvelle-Zélande a mis en place
un programme de prévention du suicide chez les adolescents. La Mongolie
a introduit des cours d’éducation sexuelle à partir de la troisième année
d’école pour faire face à l’augmentation des MST, attribuée à une sexualité
précoce, à la violence sexuelle et aux messages sexistes diffusés dans les
médias. En Afrique du Sud, l’initiative Love Life a sensibilisé les jeunes de
12 à 17 ans à l’importance de l’hygiène sexuelle et d’une bonne hygiène de
vie, avec un certain succès puisque les évaluations réalisées ont montré que
les jeunes étaient mieux informés des risques pour la santé, commençaient
leur vie sexuelle plus tard, avaient moins de partenaires, montraient une
plus grande volonté d’utiliser des préservatifs, et communiquaient davantage avec leurs parents sur les questions sexuelles.
Ce type de programmes nécessite de coordonner un ensemble complexe
d’interventions. Par ailleurs, les solutions préconisées pour lutter contre les
comportements à risque qui sont visés peuvent être en contradiction avec
les objectifs poursuivis par les pouvoirs publics et avec les opinions de leaders religieux, des parents ou des enseignants. Pour aborder cette classe
d’âge de façon intégrée, on retiendra quelques principes essentiels : impliquer les jeunes dans le processus d’élaboration des programmes, les faire
participer en tant qu’éducateurs, rendre les services de santé attrayants et
accueillants, et prendre en compte les inégalités entre les sexes.
En résumé, les interventions sanitaires offrent un meilleur rapport
coût-efficacité lorsqu’elles sont assurées par un système de santé qui fonctionne bien, et ne sont d’aucune utilité quand elles ne sont pas mises en
œuvre correctement. Dans ce chapitre, nous avons passé en revue
quelques-uns des problèmes qui se posent pour organiser des services de
santé par niveau, par fonction ou pour répondre aux besoins d’une classe
d’âge particulière. D’une manière générale, le DCP2 montre que les différentes composantes du système de santé fonctionnent mieux quand elles
sont interconnectées et à même de fournir un spectre complet de soins
dans les lieux appropriés et avec le personnel qui convient. Pour cela, il faut
des dispositifs pour générer et échanger des informations, gérer la qualité
et le personnel, mobiliser des fonds et les affecter correctement.
La mise en œuvre des interventions | 167
Chapitre 7
Les piliers du système de santé
Un système de santé est plus qu’un ensemble d’installations et de consultations médicales. C’est une structure à l’intérieur de laquelle des personnes, des institutions et des organisations travaillent en interaction
pour mobiliser et affecter des ressources en vue de prévenir et soigner des
maladies et des traumatismes. Pour que cette structure puisse fonctionner, elle doit s’appuyer sur un certain nombre de piliers, allant d’une
fonction publique bien gérée à un vaste système de communications. Le
présent chapitre s’intéresse à quatre de ces piliers : l’information, la gestion, les ressources humaines et le financement.
INFORMATION, SURVEILLANCE ET RECHERCHE
On n’insistera jamais assez sur l’importance du travail de collecte, de traitement et d’exploitation des données pour faire progresser la santé1. Ainsi
qu’il a été noté au chapitre 1, une grande part des avancées qui ont permis de prolonger la vie et améliorer sa qualité sont dues au progrès technique, et notamment à une meilleure compréhension des maladies et des
moyens d’y faire face de façon efficace sur le plan économique. Si, comme
on peut le penser, la génération et l’application des informations et du
savoir peuvent être facilités et devenir plus systématiques, il devrait être
possible d’accélérer l’amélioration de la santé humaine et l’élimination
des inégalités en matière de santé.
Information et surveillance
Dans le secteur de la santé, les décideurs — qu’il s’agisse d’agents de santé
dans les petits centres médicaux, de gestionnaires dans les grands hôpi1
Cette partie est basée sur les chapitres 4, 5, 6, 53 et 54 du DCP2.
169
« …moins de la moitié des
naissances et un tiers
seulement des décès
sont consignés dans les
registres nationaux
d’état civil. »
« Les statistiques des
services de santé sont
indispensables pour gérer
les services de santé
publique, repérer les
tendances en matière de
santé et affecter au mieux
les ressources. »
170 | Priorités en matière de santé
taux, de directeurs de la sécurité des médicaments, de responsables politiques locaux ou de ministres de la Santé — se posent un certain nombre
de questions dont il faut partir pour analyser les besoins en matière d’information. Ces questions sont, par exemple : la recrudescence récente des
cas de grippe est-elle le début d’une nouvelle épidémie ? Est-ce que 90 %
des enfants de moins de cinq ans du pays sont couverts par les vaccins
recommandés ? Quelles seront les principales causes de décès probables
dans les 10 à 20 prochaines années ? Quels comportements sociaux
contribuent le plus à la propagation des MST ? Où vont les dépenses
publiques affectées à la santé ? Quelles sont les interventions qui permettent de lutter efficacement contre telle ou telle maladie ? Existe-t-il des
méthodes plus efficaces par rapport aux coûts ?
Les informations nécessaires pour répondre à ces questions proviennent généralement des six principales sources suivantes :
• Les registres d’état civil fournissent des données sur les naissances et les
décès, ainsi que sur les mariages, les divorces et les migrations. Les informations sur les naissances, les décès et les migrations sont particulièrement importantes pour pouvoir analyser correctement les politiques de
santé : sans elles, il est impossible de suivre l’évolution de la population
et de calculer des indicateurs élémentaires tels que les taux d’incidence
d’une maladie. Toutefois, l’enregistrement de ces données de base est
incomplet dans la plupart des pays : moins de la moitié des naissances
et un tiers seulement des décès sont consignés dans les registres
nationaux d’état civil.
• Les statistiques des services de santé comprennent des informations sur
les consultations des patients, les services fournis et les diagnostics. Les
établissements de santé récoltent une grande partie de ces informations
pour un usage local, mais elles sont rarement collectées sous une forme
normalisée ou transmises à une base de données nationale. Les statistiques des services de santé sont indispen-sables pour gérer les services
de santé publique, repérer les tendances en matière de santé et affecter
au mieux les ressources.
• La surveillance de la santé publique comprend un vaste éventail d’activités destinées à suivre l’évolution des maladies et y réagir. Elle fait
souvent intervenir l’établissement d’une liste de maladies que les
prestataires de soins de santé doivent obligatoirement déclarer aux
autorités nationales. Il s’agit en général de maladies infectieuses qui
peuvent être rares mais exigent une réaction immédiate. Un autre type
de surveillance, appelé surveillance sentinelle, utilise des échantillons
de prestataires de soins ou des établissements de santé qui acceptent de
notifier tous les cas d’une maladie donnée. Bien qu’intéressante pour
les grands programmes de santé publique, la surveillance sentinelle ne
permet pas de détecter des menaces sanitaires rares ou nouvelles. La
surveillance peut se fonder sur des prestataires de soins rapportant les
cas observés avec des symptômes particuliers, ou sur des analyses de
laboratoire correspondant à des diagnostics donnés. En règle générale,
la surveillance fonctionne mieux lorsque de nombreuses sources sont
intégrées dans un système incluant la détection, le suivi, l’analyse et la
réaction.
• Les données des recensements, lorsqu’elles sont fiables et collectées
régulièrement, permettent de calculer des taux importants et de constituer des échantillons valides.
• Les enquêtes auprès des ménages représentent un bon moyen d’obtenir
des informations sur la démographie, les caractéristiques sociales et la
dynamique de population à intervalles réguliers entre les recensements.
Elles peuvent également être élargies pour collecter des informations
importantes sur certains comportements ou problèmes de santé particuliers.
• Le suivi des ressources consiste à mesurer et gérer les ressources
humaines, les installations, les produits et les finances. Il repose sur un
ensemble de méthodes de communication d’informations et d’activités
de collecte de données. Les informations sur les professionnels de santé
correspondent aux emplois occupés dans le secteur de la santé
publique, mais doivent souvent inclure également les activités des professionnels de santé ayant une pratique privée. De la même façon, les
flux financiers injectés dans le système de santé doivent prendre en
compte non seulement les informations sur les budgets publics mais
aussi les dépenses de santé privées, notamment l’argent utilisé par les
ménages pour payer les consultations et les médicaments, les primes
d’assurance maladie et les dépenses de recherche et développement du
secteur pharmaceutique.
Quelle que soit la manière dont les données sont collectées, il est important qu’elles le soient au moment opportun et à des intervalles de temps
appropriés. La surveillance des flambées d’épidémies infectieuses doit être
rapide et constante afin que l’alerte puisse être donnée à temps. En
revanche, la surveillance des facteurs de risque comportementaux peut
nécessiter des intervalles de temps plus longs.
Lorsqu’on cherche à mettre en place un système d’information sanitaire, il est tentant de vouloir obtenir des données très détaillées sur la
situation sanitaire et les services de santé dans tous les sites existants, mais
cela ne permet pas forcément d’obtenir des données fiables et faciles à
analyser. En choisissant un échantillon de sites sûrs du point de vue de
l’exactitude et de l’exhaustivité des données, on obtient souvent des infor-
« La surveillance des
flambées d’épidémies
infectieuses doit être
rapide et constante …,
[alors que] la surveillance
des facteurs de risque
comportementaux peut
nécessiter des intervalles
de temps plus longs. »
Les piliers du système de santé | 171
mations de meilleure qualité qu’en visant l’universalité sans que l’organisation suive. Sous réserve que les sites aient été choisis par une méthode
d’échantillonnage adaptée, les informations qu’ils fournissent permettront de réaliser des extrapolations valides pour l’ensemble de la population. Beaucoup de pays ont ainsi commencé à améliorer leurs systèmes
d’enregistrement des faits d’état civil en se concentrant sur un échantillon
de districts présélectionnés, dans le but de fournir des données de bonne
qualité utilisables pour effectuer des analyses et prendre des décisions au
niveau national, tout en travaillant à étendre et améliorer l’enregistrement des faits d’état civil dans d’autres districts afin que le système, à
terme, devienne universel.
La normalisation est aussi un moyen d’améliorer l’utilité du travail de
collecte de données. Fixer des normes communes facilite la consignation,
la communication et l’analyse des informations. Cela permet également de
rationaliser les formations et le développement des matériels et des logiciels. Aux États-Unis par exemple, l’U.S. Centers for Disease Control and
Prevention a élaboré des normes relatives à la communication automatique des résultats d’analyses de laboratoire pour les maladies à déclaration
obligatoire, et a diffusé des logiciels les utilisant, qui sont employés dans un
grand nombre de pays. Ce type d’initiative a davantage de chances d’aboutir lorsque les normes sont mises au point de façon ouverte, et que les
autres pays et les agences internationales sont encouragés à la fois à les
améliorer et à favoriser leur adoption.
L’évolution de la technologie redéfinit et élargit la manière dont les
informations sont collectées, stockées et traitées. Ainsi, il existe aujourd’hui des techniques plus économiques, plus rapides et plus simples pour
obtenir et analyser des échantillons de tissus, qui permettent de diagnostiquer des maladies et de collecter des données épidémiologiques dans un
ensemble de lieux et de situations beaucoup plus large que ce qui était
possible auparavant, et les nouvelles technologies de communication
permettent de transmettre rapidement des données très récentes, à
condition que le matériel et le personnel soient capables de les utiliser
correctement.
Le DCP2 affirme que les principaux obstacles à l’amélioration des
systèmes d’information dans les pays à revenu faible ou intermédiaire
tiennent moins aux technologies qu’aux investissements nécessaires
pour assurer la formation et la coordination du personnel. Les compétences requises pour faire fonctionner et exploiter un système d’information sanitaire performant ne se limitent pas à savoir concevoir une
étude, construire des échantillons et utiliser le matériel et le logiciel : il
faut également des compétences en gestion, en recherche médicale et
en épidémiologie de terrain, et des connaissances dans des domaines
comme l’économie et la sociologie. Les initiatives internationales peu172 | Priorités en matière de santé
vent contribuer à développer ces compétences. L’U.S. Centers for
Disease Control and Prevention et l’OMS coordonnent ainsi un programme de formation d’épidémiologistes de terrain dans plus de 30
pays.
En matière de la lutte contre les maladies, certains exemples témoignent
de l’importance d’avoir des professionnels qualifiés et une bonne communication. L’épidémie de SRAS (syndromes respiratoires aigus sévères) s’est
déclarée en Chine en novembre 2002 et s’est propagée au Canada, à HongKong (Chine), au Viet Nam, à Singapour et à d’autres pays en l’espace de
cinq mois. Pour arriver à enrayer cette première nouvelle pandémie du
XXIe siècle, il fallait à la fois une collaboration pleine et entière entre scientifiques et responsables politiques de nombreux pays, et la transmission
rapide et fiable des données de surveillance au niveau national et entre les
pays. La pandémie mondiale a pris fin en juillet 2003 après plus de 8 000
patients atteints dans 26 pays et 5 continents, et 774 décès confirmés. Si
l’épidémie de SRAS — maladie que l’on ne sait pas encore guérir ni prévenir par un vaccin — a pu être maîtrisée, c’est grâce aux efforts structurés de professionnels de santé compétents et dévoués ayant accès à des
moyens de communication efficaces (pour plus de détails, voir le chapitre
53 du DCP2).
Pour être utiles, les informations sanitaires doivent être intégrées
d’une manière qui facilite l’analyse et qui déclenche des réponses et des
actions. Par exemple, le Bureau régional pour l’Afrique de l’OMS travaille
avec un certain nombre de pays pour relier les données épidémiologiques
et de laboratoire au processus décisionnel, dans le cadre d’une stratégie
intégrée de surveillance épidémiologique qui a permis de contrer la
menace de la fièvre Ebola en Ouganda (encadré 7.1). Aux Philippines, le
système de surveillance détecte régulièrement des flambées épidémiques,
notamment de choléra et de typhoïde (encadré 7.2). Plus récemment, la
grippe aviaire de type A H5N1 en Asie du Sud-Est est suivie de très près
par plusieurs pays et l’OMS, et des plans sont en cours d'élaboration pour
éviter la survenue d'une nouvelle pandémie en cas de contamination
inter-humaine.
Enfin, il faut de l’argent pour mettre en place et faire fonctionner les systèmes d’information sanitaire. Un système d’information complet et performant peut coûter seulement 3 dollars par habitant dans certains pays,
mais c’est souvent déjà trop cher pour un pays à faible revenu dont la totalité du budget de la santé publique est du même ordre de grandeur (tableau
7.1). Heureusement, un grand nombre de programmes internationaux
sont conscients de ce problème et financent des activités en rapport avec
l’information sanitaire à travers leurs prêts et leurs dons.
L’information sanitaire est également intéressante pour améliorer l’efficacité des services de santé. Une étude réalisée au Mali en milieu rural a
« Si l’épidémie de SRAS —
maladie que l’on ne sait
pas encore guérir ni
prévenir par un vaccin —
a pu être maîtrisée, c’est
grâce aux efforts structurés
de professionnels de santé
compétents et dévoués
ayant accès à des moyens
de communication
efficaces… »
« Un système
d’information complet
et performant peut coûter
seulement 3 dollars
par habitant … »
Les piliers du système de santé | 173
Encadré 7.1 Une épidémie de fièvre Ebola enrayée en Ouganda
En octobre 2000, un début d’épidémie de fièvre hémorragique Ebola a été repéré dans le
district de Gulu, dans le nord de l’Ouganda. L’épidémie a pu être enrayée grâce au signalement et à la reconnaissance rapides du problème, suivis d’une réaction adaptée. La
surveillance de la santé publique était difficile à assurer, d’une part parce que Gulu était
une zone politiquement instable, et d’autre part parce que, devant une infection, la population réagissait en allant voir des guérisseurs traditionnels ou en fuyant, ce qui ne faisait que propager davantage l’épidémie. Les hôpitaux manquaient aussi désespérément
de matériel face à une multitude de patients infectés en même temps. Le Gouvernement
ougandais a mobilisé l’armée pour aider à repérer les cas, et sollicité l’aide de l’OMS, de
l’U.S. Centers for Disease Control and Prevention, et d’autres équipes internationales.
Les agents de santé ougandais ont soigné les malades en prenant des risques pour euxmêmes. Avec 425 cas identifiés, il s’agit de l’épidémie de fièvre Ebola la plus importante
jamais enregistrée. Seulement 53 % des patients sont morts, un chiffre très inférieur aux
88 % de décès lors des épidémies précédentes.
Le succès de l’intervention témoigne des investissements consentis par le ministère
ougandais de la Santé pour former un corps d’agents de santé compétents et motivés
grâce à son partenariat dynamique Public Health School Without Walls, qui associe l’université Makerere, la Fondation Rockefeller, le U.S. Centers for Disease Control and
Prevention, et l’OMS. Il a aussi été rendu possible par la mise en œuvre réussie d’une
stratégie intégrée de surveillance épidémiologique..
Source : Adapté du chapitre 53 du DCP2.
Encadré 7.2 Le système national philippin de surveillance
épidémiologique
Vers la fin des années 80, le système informatique de gestion intégrée du ministère
philippin de la Santé détectait moins d’une épidémie par an sur une population de plus
de 60 millions d’habitants. En 1989, le ministère a élaboré un système national de surveillance épidémiologique sous la forme d’un dispositif de surveillance sentinelle relayé
par les hôpitaux, englobant à la fois les flux de données et le personnel nécessaires pour
que le système de surveillance fonctionne correctement. Après les résultats prometteurs
de l’étude pilote, le ministère a créé des postes et une structure d’encadrement pour des
médecins, des infirmiers et des employés administratifs chargés de la surveillance sentinelle dans des unités régionales d’épidémiologie et de surveillance (RESU) intégrées au
système de santé publique. Pour la seule année 1995, le système a détecté et analysé
officiellement quelque 80 épidémies, dont 25 poussées de typhoïde et 5 de choléra confirmées par des analyses bactériologiques. Lorsque les Philippines ont mis en place une
surveillance de la sérologie VIH et des risques comportementaux associés, les personnels
des RESU ont réalisé des enquêtes dans leurs communautés. En intégrant les fonctions
de surveillance selon les compétences des personnels, le ministère de la Santé a évité la
juxtaposition de plusieurs systèmes verticaux, souvent synonyme de travail en double, de
gaspillage des ressources et de problèmes de viabilité (White et McDonnell 2000).
Source : DCP2, chapitre 53, p. 1004
174 | Priorités en matière de santé
montré par exemple que le coût des programmes de vaccination des
enfants dans les zones couvertes par des systèmes d’information locaux
s’élevait à seulement 1,47 dollar par enfant, contre 2,79 dollars par enfant
dans les zones non couvertes. De même, dans la province sud-africaine
du Cap-Oriental, l’amélioration de la gestion et du suivi des médicaments a diminué de 39 % le nombre de ruptures de stock de médicaments essentiels ; des milliers de patients ont ainsi pu bénéficier d’un
meilleur traitement en ayant accès aux médicaments dont ils avaient
besoin.
Le Programme tanzanien d’interventions essentielles en santé publique
(TEHIP) vient démontrer le bon rapport coût-efficacité des systèmes
d’information sanitaire. Ce programme a appris aux agents de santé et
aux responsables de la santé publique à utiliser des informations pour
définir les priorités et mieux gérer les interventions déjà en place (encadré
7.3). Le coût du programme s’est élevé à environ 0,80 dollar par personne
dans les districts où il a été mis en œuvre. Si l’on regarde uniquement la
baisse consécutive de la mortalité chez les enfants de moins de cinq ans, le
programme a coûté 68,50 dollars par AVCI gagnée. Toutefois, le rapport
« …au Mali … le coût des
programmes de vaccination
des enfants dans les zones
[rurales] couvertes par des
systèmes d’information
locaux s’élevait à seulement
1,47 dollar par enfant,
contre 2,79 dollars par
enfant dans les zones ne
disposant pas de ce type
de systèmes. »
Tableau 7.1 Coût des sous-systèmes indispensables à un système
d’information sanitaire
Coût total
(USD millions)
Sous-systèmes du
système d’information
sanitaire
Coût par
habitant (USD)
Pays à
faible
revenu
Pays à
revenu
élevé
Pays à
faible
revenu
Pays à
revenu
élevé
4,8
25,9
0,16
1,66
0
0
0
0
Recensements
7,5
30,0
0,25
1,0
Enquêtes auprès des ménages
0,6
1,0
0,02
0,03
Registres d’état civil
1,5
6,0
0,05
0,20
Suivi des ressources
1,5
3,0
0,05
0,10
15,9
65,9
0,53
2,99
Statistiques des services de santé
Surveillance de la santé publique
(incluse dans les statistiques des
services de santé)
Total
Source : DCP2, chapitre 54, p. 1024
Note : Ce tableau est basé sur une population de 30 millions d’habitants. Le coût des enquêtes auprès des
ménages est fondé sur les enquêtes démographiques et de santé des années 2001-2003 (Macro International,
communications personnelles). Les coûts varient selon la taille de l’échantillon et la longueur de l’instrument d’enquête ; Macro International évalue le coût moyen à 100 dollars par personne participant à l’enquête. L’hypothèse
est de 6 000 participants pour un pays à faible revenu, et de 10 000 participants pour un pays à revenu élevé. Le
coût estimé de l’enregistrement des faits d’état civil est basé sur des sites de surveillance démographique. Dans
les pays à revenu élevé, le coût annuel est supposé être quatre fois plus cher. Le coût du suivi des ressources est
basé sur les comptes nationaux de la santé (Abt Associates, communications personnelles) et sur le système
égyptien de suivi des dépenses budgétaires. Le coût des ressources humaines et celui des produits sont considérés être du même ordre.
Les piliers du système de santé | 175
coût-efficacité était probablement supérieur du fait des améliorations de
l’état de santé des adultes et de la baisse générale de la morbidité qu’il a
entraînées.
Recherche et développement
Si l’on veut que les systèmes d’information sanitaire influencent les choix
cliniques, la gestion du système de santé et la politique publique, ils doivent
être utiles aux décideurs. Mais ils doivent également fournir des informations et générer des questions pour la recherche fondamentale qui permet
de mieux comprendre les maladies, d’améliorer les techniques de prévention, de diagnostic et de traitement, et d’améliorer les méthodes de prestation et d’organisation des services de soins de santé.
La recherche en santé est une affaire mondiale. Les États sont de plus en
plus conscients que leurs propres efforts de recherche en santé ont tout à
gagner d’une collaboration plus étroite avec les chercheurs d’autres pays,
d’études menées sur plusieurs sites, d’un travail d’équipe et de formations
communes. Cinq chapitres du DCP2 sont consacrés au fait que la science,
la mise au point de nouveaux produits et la capacité d’analyse sont essentielles au progrès économique et social. Le DCP2 estime qu’il n’est pas
judicieux de considérer la recherche comme une activité nationale ou locale, et qu’il convient au contraire de créer un système mondial de recherche
en matière de santé, avec un programme d’action international.
Encadré 7.3 Le programme tanzanien d’interventions essentielles
en santé publique
Le TEHIP est un partenariat entre le ministère tanzanien de la Santé et le Centre de
recherches pour le développement international du Canada. Le projet a été mis en place
pour examiner la faisabilité d’une méthode de planification sanitaire à l’échelon des districts, basée sur des données factuelles. Mettant à l’épreuve le postulat du Rapport sur
le développement dans le monde 1993 : Investir dans la santé publié par la Banque mondiale (1993), le TEHIP a permis à des responsables de la planification sanitaire de deux
des 117 districts de la Tanzanie, de recueillir et utiliser des données sur la charge de
morbidité et le rapport coût-efficacité des interventions pour optimiser l’emploi fait des
investissements nationaux dans la santé. Ce travail a notamment nécessité de collecter
des données par du porte-à-porte et de former ou apporter une aide technique aux
responsables afin de leur permettre d’analyser et d’exploiter les données pour prendre
des décisions. Les districts couverts par le TEHIP ont affecté des services aux maladies à
forte prévalence, ce qui a eu pour effet de tripler les taux d’utilisation des centres médicaux et d’améliorer l’efficacité des traitements. Pour une augmentation des dépenses de
seulement 0,80 dollar par habitant, les gestionnaires de santé de district ont obtenu une
réduction de 47 % des taux de mortalité infantile.
Source : DCP2, chapitre 54.
176 | Priorités en matière de santé
Le DCP2 identifie plusieurs domaines de recherche future qui nécessitent un large éventail d’outils, de l’épidémiologie de terrain à la génomique, et des sciences comportementales à la biochimie. Les programmes
de recherche évoqués tout au long du DCP2 et résumés au chapitre 5 comprennent des domaines faisant déjà partie des priorités internationales
actuelles, et des sujets prometteurs qui devraient leur être ajoutés.
Les maladies infectieuses figurent au premier rang des priorités à l’ordre
du jour à l’échelle mondiale. Un grand nombre de programmes de
recherche concernent le VIH/SIDA, le paludisme et la tuberculose. La
recherche porte sur l’épidémiologie et les facteurs de risque associés à ces
maladies, ainsi que sur la mise au point de moyens diagnostiques, de vaccins et de traitements nouveaux ou meilleurs. Elle s’intéresse également
aux programmes de modification des comportements et de conseil, et à la
meilleure façon de mettre des interventions efficaces à la disposition des
pays à faible revenu et dont les institutions sont peu développées. L’absence
d’évolution sensible des priorités de la recherche sur ces maladies montre
combien celles-ci sont complexes et omniprésentes dans les pays les plus
pauvres.
La recherche fondamentale sur les maladies infectieuses existantes et sur
leur mode d’évolution est également nécessaire pour se préparer et savoir
réagir face à des maladies infectieuses émergentes. Depuis 1970, 32 nouvelles maladies infectieuses ont été recensées, parmi lesquelles l’hépatite C,
la maladie du légionnaire, la fièvre Ebola, le virus Nipah, le SRAS, et des
souches particulières de la grippe aviaire et du choléra. Par ailleurs, des
inquiétudes sont apparues quant à l’usage possible de maladies infectieuses
à des fins terroristes ou hostiles.
Outre les maladies infectieuses, un autre pan important du programme de recherche mondial concerne les affections maternelles et
néonatales, qui nécessitent de se pencher sur l’offre de services de santé
élémentaires. La recherche sur le financement, la mise à disposition, la
gestion et l’exécution des services de santé est indispensable si l’on veut
pouvoir proposer des interventions efficaces sur le plan économique.
En l’absence de progrès dans ce domaine, il sera impossible d’atteindre
les objectifs fixés en matière de santé au niveau international, par
exemple les ODM portant sur la réduction de la mortalité maternelle
et infantile.
Pour ce qui est des grands problèmes sanitaires des pays en développement qui ne comptent pas encore dans les priorités du programme de
recherche mondial, le DCP2 tire la sonnette d’alarme sur les MCV, les
troubles neuropsychiatriques, l’obésité, le diabète et les cancers, qui pèsent
déjà lourdement et de plus en plus dans la charge de morbidité des régions
en développement. Le DCP2 identifie plusieurs axes de recherche prioritaires concernant ces affections : mieux comprendre les causes des mala-
« Depuis 1970,
32 nouvelles maladies
infectieuses ont été
recensées… »
« La recherche sur le
financement, la mise à
disposition, la gestion et
l’exécution des services de
santé est indispensable si
l’on veut pouvoir proposer
des interventions efficaces
sur le plan économique. »
Les piliers du système de santé | 177
« …beaucoup
d’interventions ayant
permis de lutter avec
succès contre des maladies
non transmissibles dans
les pays à revenu élevé
s’avèrent transposables
dans les pays à revenu
faible ou intermédiaire,
mais ce transfert de savoir
est compliqué par des
différences sur le plan de
la culture, des ressources
et des institutions. »
178 | Priorités en matière de santé
dies non transmissibles, en particulier les effets du régime alimentaire, du
mode de vie, de l’obésité, et de la consommation de tabac et d’alcool, savoir
transférer dans un autre contexte des interventions qui se sont révélées efficaces ailleurs, et trouver de nouvelles méthodes pour prendre en charge des
maladies chroniques comme le diabète et la dépression, d’une manière qui
améliore la qualité de vie des patients et qui empêche ou atténue l’aggravation de leur état de santé.
Plus on dispose de connaissances fondamentales sur les maladies et les
interventions sanitaires, mieux on sait adapter à des environnements différents des programmes et des mesures qui ont donné de bons résultats
ailleurs. Ainsi, beaucoup d’interventions ayant permis de lutter avec succès
contre des maladies non transmissibles dans les pays à revenu élevé s’avèrent transposables dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, mais ce
transfert de savoir est compliqué par des différences sur le plan de la culture, des ressources et des institutions. La recherche peut remédier au problème et permettre ainsi à d’autres pays de bénéficier de ces interventions.
Enfin, les systèmes de santé eux-mêmes constituent un sujet de
recherche important. On peut par exemple réduire le gaspillage et améliorer la santé en trouvant les arrangements institutionnels les plus aptes à
dégager des ressources pour des interventions sanitaires utiles. La
recherche peut identifier des moyens plus efficaces pour former et motiver les agents de santé et pour élaborer des politiques susceptibles de retenir le personnel hautement qualifié. Elle peut également évaluer différentes manières de mobiliser et affecter les ressources financières
publiques à la santé, et apporter une meilleure compréhension des mécanismes d’incitation propres à encourager ou décourager l’innovation
médicale.
Dans son tour d’horizon des problèmes de santé mondiaux, le DCP2
signale une convergence croissante de certains problèmes de santé entre
pays riches et pauvres. Une partie de cette convergence est due au phénomène général de mondialisation, et notamment à la rapidité des déplacements et des échanges commerciaux qui fait qu’une flambée d’épidémie
infectieuse peut se propager ailleurs en très peu de temps. Mais elle s’explique aussi par la charge de morbidité imputable aux maladies non transmissibles et aux blessures, qui est forte de part et d’autre. Les bénéfices
tirés de la recherche sur ces problèmes de santé ne peuvent être confinés
par des frontières artificielles, et les observations faites dans les pays
pauvres présentent autant d’intérêt que celles faites dans les pays plus
riches.
Pour que cette vision mondiale de la recherche en santé progresse, il
importe d’encourager et soutenir les capacités scientifiques dans tous les
pays, d’échanger et développer les savoirs en utilisant les technologies et
les institutions par des voies nouvelles, de fixer des priorités mondiales
afin d’orienter les investissements dans le recherche et le développement,
et de défendre la liberté de l’investigation scientifique (encadré 7.4).
GESTION DES SERVICES DE SANTÉ
Bien que les pays cherchent avant tout à augmenter la quantité des soins
dispensés — par exemple, le nombre de vaccinations ou de consultations,
ou les taux de couverture — les services de santé peuvent être inutiles,
générer des gaspillages, voire même avoir des effets négatifs s’ils ne
conviennent pas à l’affection ciblée ou ne correspondent pas au meilleur
savoir médical2. Se préoccuper de la qualité des soins n’est donc pas un luxe
que seuls les pays à revenu élevé peuvent se permettre, mais constitue un
autre pilier du système de santé qui a un impact très fort sur le rapport
coût-efficacité et l’équité des interventions. De fait, la qualité de la prise en
charge est un élément déterminant du progrès technique intangible qui est
à l’origine de tant d’améliorations enregistrées dans le secteur de la santé
au cours des 50 dernières années. Même avec peu de moyens, il est possible
d’améliorer la qualité.
La qualité des soins laisse à désirer dans beaucoup de systèmes de santé,
qu’il s’agisse de pays à revenu faible, intermédiaire ou élevé. Une étude réalisée sur les soins pédiatriques en Papouasie-Nouvelle-Guinée a montré
que 24 % seulement des agents de santé travaillant dans les centres de
« Se préoccuper de la
qualité des soins n’est …
pas un luxe que seuls les
pays à revenu élevé peuvent
se permettre, mais constitue
un autre pilier du système
de santé qui a un impact
très fort sur le rapport
coût-efficacité et l’équité
des interventions. »
2
Cette partie est basée sur les chapitres 70 et 73 du DCP2.
Encadré 7.4 Un tournant dans la collaboration internationale
en matière de recherche
Les mesures prises récemment au niveau international pour faire face aux épidémies de
SRAS et de grippe aviaire représentent un tournant important dans la collaboration mondiale en matière de recherche. Elles ont en effet exigé une surveillance nationale sur le
plan épidémiologique et au niveau des laboratoires, des échanges d’informations sans
précédent à tous les niveaux du système de santé, et une collaboration entre cliniciens,
épidémiologistes, chercheurs en laboratoire et responsables de la surveillance vétérinaire
afin d’élaborer rapidement des stratégies d’intervention efficaces. Ces deux exemples
ont montré qu’il est indispensable de disposer d’informations fiables et précises pour
pouvoir donner l’alerte rapidement et prendre des mesures sanitaires appropriées. Ils
soulignent également le caractère hautement prioritaire que doit revêtir la création de
systèmes nationaux de surveillance sanitaire et de réseaux de laboratoires compétents
qui puissent être intégrés dans un système de surveillance épidémiologique à l’échelle
de la planète.
Source: Adapté du DCP2, chapitre 4
Les piliers du système de santé | 179
« Au Pakistan, seulement
56 % des prestataires de
soins se sont montrés
capables de diagnostiquer
une diarrhée virale, et
seulement 35 %
prescrivaient des
traitements conformes
aux normes. »
« Les problèmes de
qualité ont un caractère
systémique et sont la
conséquence d’un manque
de savoir, de
communication, de
formation, d’encadrement
et d’incitations. »
« … la qualité peut être
améliorée beaucoup plus
vite que les autres
facteurs qui contribuent
à une bonne santé,
notamment les revenus,
l’éducation, les nouvelles
technologies ou les
infrastructures. »
180 | Priorités en matière de santé
soins étaient capables de prescrire correctement un traitement contre le
paludisme, et les examens cliniques observés par les enquêteurs étaient
suffisamment approfondis dans seulement 1 % des cas. Au Pakistan, seulement 56 % des prestataires de soins se sont montrés capables de diagnostiquer une diarrhée virale, et seulement 35 % prescrivaient des traitements normalisés. En Indonésie, une étude a conclu que 60 % des décès de
nourrissons étaient dus à de mauvaises pratiques médicales, contre 37 %
dus à des contraintes économiques. Aux États-Unis, l’Institute of Medicine
a constaté des carences graves dans la prise en charge médicale, responsables de plus de 40 000 décès chaque année, avec de nombreuses erreurs
au niveau du diagnostic, du traitement prescrit et des soins dispensés.
La mauvaise qualité des soins n’est pas la faute des professionnels de
santé pris individuellement et n’est pas due uniquement à l’absence de
moyens. Les problèmes de qualité ont un caractère systémique et sont la
conséquence d’un manque de savoir, de communication, de formation,
d’encadrement et d’incitations. Ces problèmes persistent lorsque les organisations prestataires de soins ne sont pas en mesure de contrôler la qualité et de prendre des mesures pour corriger la situation. Parfois, le système d’incitations favorise la mauvaise qualité des soins, par exemple
lorsque la vente des médicaments est une source de revenu importante
pour les prestataires de soins. Dans d’autres cas, la mauvaise qualité des
soins est simplement due à des pratiques non conformes aux connaissances modernes. Il convient alors de mesurer les résultats obtenus en
matière de santé et les mettre en relation avec la pratique clinique afin que
les problèmes puissent être identifiés et que des stratégies soient élaborées
pour y remédier. En un sens, ce constat est positif pour les pays à revenu
faible ou intermédiaire. En règle générale, la qualité peut être améliorée
beaucoup plus vite que les autres facteurs qui contribuent à une bonne
santé, notamment les revenus, l’éducation, les nouvelles technologies ou
les infrastructures.
Pour évaluer la qualité des services de santé, on collecte habituellement
des données sur les caractéristiques structurelles de la mise à disposition
des soins, sur les processus de prise en charge et sur les résultats obtenus.
Les caractéristiques structurelles supposées avoir un impact sur la qualité
sont le nombre et le type d’infrastructures, d’équipements et de fournitures, et le personnel. Ces indicateurs structurels peuvent être relativement
faciles à collecter, mais ils ont aussi montré leurs limites comme facteurs
prédictifs de la qualité et des résultats obtenus. Pour avoir des soins de qualité, une bonne structure est nécessaire mais pas suffisante.
Les processus de prise en charge traduisent la manière dont le personnel applique le savoir moderne au diagnostic, à la prévention et au traitement des maladies et des handicaps. La qualité des processus de soins peut
être mesurée en observant le travail des professionnels de santé pour voir
s’ils suivent les protocoles scientifiquement validés lorsqu’ils posent un diagnostic et prescrivent un traitement. Le processus d’interaction entre les
patients et les personnes qui s’occupent d’eux peut également influer sur la
façon dont les patients se conforment à la prescription médicale et aux
conseils qui leur ont été donnés, et donc sur les résultats finaux. Bien que
les processus de prise en charge soient souvent plus difficiles et plus coûteux à mesurer que les caractéristiques structurelles, ils tendent à avoir un
lien plus direct avec les résultats obtenus en matière de santé.
Pour l’Institute of Medicine des États-Unis, la qualité de la prise en
charge se définit selon les six dimensions suivantes :
« Bien que les processus
•
•
•
•
avec les résultats obtenus
l’innocuité pour le patient,
la pertinence (l’utilité médicale scientifiquement prouvée),
l’attention portée au patient (respect et écoute),
la rapidité de prise en charge (un minimum de délai et d’obstacles pour
accéder aux soins),
• la rationalité (le moins de matériel, de fournitures, d’idées et d’énergie
gaspillés),
• l’équité (un accès aux soins uniforme entre les sexes, les groupes ethniques, les lieux et les classes socioéconomiques).
Différentes interventions sont possibles pour agir sur ces six dimensions. Elles comprennent des mesures directes visant par exemple à identifier les soins appropriés et vérifier si les prestataires individuels ou les
groupes de prestataires suivent les pratiques normalisées fondées sur des
faits. Parmi les interventions directes, des formations ont été dispensées
avec un suivi assuré par des pairs qui viennent observer les consultations et
les soins prodigués dans un établissement de santé.
D’autres interventions, indirectes, ont visé à faire évoluer le comportement des prestataires en modifiant les caractéristiques structurelles ou le
système d’incitations financières du système de santé ou de l’organisation
concernée. Rémunérer les prestataires en fonction des performances peut
les inciter à améliorer la qualité des soins. Des pourcentages relativement
faibles de rémunération au mérite (entre 3 et 10 % de la rémunération
totale) s’avèrent avoir des effets significatifs sur le comportement des prestataires au Cambodge, en Haïti et au Nicaragua, ainsi qu’aux États-Unis. Le
Mexique et l’Ouganda ont instauré avec succès un système de reconnaissance des mérites professionnels sans rémunération pour encourager
l’amélioration de la prise en charge.
Une autre intervention indirecte consiste à définir des normes légales
pour les soins. L’agrément, le renouvellement périodique de la certification
des connaissances et des compétences, et la réglementation administrative
permettent d’établir des normes minimales en contrôlant la prise d’exerci-
de prise en charge soient
souvent plus difficiles et
plus coûteux à mesurer
que les caractéristiques
structurelles, ils tendent à
avoir un lien plus direct
en matière de santé. »
« Rémunérer les
prestataires en fonction
des performances peut les
inciter à améliorer la qualité
des soins. Des pourcentages
relativement faibles de
rémunération au mérite …
s’avèrent avoir des effets
significatifs sur le
comportement des
prestataires au Cambodge,
en Haïti et au Nicaragua,
ainsi qu’aux États-Unis. »
Les piliers du système de santé | 181
« La formation professionnelle … semble avoir peu
d’impact sur les indicateurs
de santé à moins d’être
associée à des politiques
qui encouragent les
professionnels de santé
à modifier leurs pratiques
pour tenir compte des
connaissances qui leur
ont été apportées. »
182 | Priorités en matière de santé
ce et en fixant les conditions de renouvellement des autorisations d’exercer.
Toutefois, même si elles empêchent des personnes non qualifiées d’exercer,
ces mesures n’ont pas eu globalement d’impact important sur l’amélioration de la qualité des soins chez les professionnels autorisés à exercer. Les
poursuites judiciaires pour faute professionnelle peuvent apporter des
améliorations, mais les incertitudes et les effets pervers liés à la voie judiciaire en font une solution brutale et coûteuse. La surveillance professionnelle, l’examen par les pairs et les inspections représentent des moyens plus
efficaces pour recueillir des informations sur la qualité des soins, mais elles
n’améliorent pas nécessairement le comportement et la pratique des prestataires. En revanche, former les professionnels de santé à utiliser des protocoles et des recommandations fondés sur des données factuelles est une
méthode qui s’est révélée prometteuse dans les pays à revenu élevé. Aux
Pays-Bas par exemple, l’application de directives relatives à la prise en charge des patients a été bénéfique aux personnes souffrant d’asthme et d’obstruction pulmonaire chronique.
L’éducation ciblée et la formation professionnelle constituent le moyen
le plus direct d’influer sur les pratiques médicales. La formation continue
a suscité de grands espoirs, mais elle semble avoir peu d’impact sur les indicateurs de santé à moins d’être associée à des politiques qui encouragent les
professionnels de santé à modifier leurs pratiques pour tenir compte des
connaissances qui leur ont été apportées.
L’un des problèmes les plus difficiles à résoudre pour une politique
publique est d’améliorer la qualité des soins dispensés par les médecins privés. Il s’agit d’une question cruciale dans de nombreux pays où le secteur
privé assure la plus grande part de la fourniture des soins de santé primaires. En Inde par exemple, les professionnels de santé privés sont les premiers à examiner la plupart des patients présentant des symptômes de
tuberculose. De ce fait, à moins que le secteur public ne trouve des solutions pour améliorer le repérage des cas, le dépistage et l’orientation des
patients par les médecins privés, il sera impossible de lutter efficacement
contre la tuberculose.
Les secteurs de la santé ont entrepris des réorganisations pour améliorer la qualité des soins dispensés, adoptant notamment des techniques de
gestion modernes telles que la gestion de la qualité totale, les modèles
d’amélioration collaboratifs et les cycles « planifier-exécuter-évaluer-intégrer » d’autres secteurs. Lorsqu’elles sont mises en œuvre correctement, ces
mesures permettent d’obtenir des taux de couverture plus élevés, de
meilleurs schémas de prescription et un plus grand respect des recommandations cliniques (encadré 7.5).
Les interventions qui améliorent la qualité des soins ont un coût : le
coût direct des ressources humaines et physiques impliquées, et le coût
généré par les réorganisations. Le DCP2 évalue le rapport coût-efficacité
des mesures prises pour améliorer la prise en charge des patients atteints
de pneumonie et de diarrhée. Il constate que ce rapport dépend beaucoup
de l’écart qui existe entre la pratique actuelle et la situation optimale, et du
niveau de prévalence de la maladie. Lorsque les pratiques sont très insatisfaisantes et que la prévalence est élevée, le rapport coût-efficacité des interventions visant à augmenter l’utilisation de bons protocoles pour soigner
les pneumonies est compris entre 132 et 800 dollars par vie sauvée. Pour le
traitement des diarrhées par la TRO, le rapport coût-efficacité va de 14 à
500 dollars par vie sauvée. Dans d’autres cas, les interventions font faire des
économies, comme par exemple la diminution des surprescriptions et des
traitements inutiles (voir l’encadré 6.4).
« … le rapport coûtefficacité des interventions
visant à augmenter
l’utilisation de bons
protocoles pour soigner
les pneumonies est
compris entre 132 et
800 dollars par vie sauvée.
RESSOURCES HUMAINES
Le progrès technique est souvent associé à de nouveaux équipements
sophistiqués, comme les appareils d’IRM et les scanners, ou à de nouveaux
médicaments, par exemple des vaccins ou des anticoagulants, mais il se
manifeste aussi par une amélioration des capacités à prévenir, diagnostiquer et soigner les maladies et les blessures3. Il est par conséquent indispensable d’investir dans les personnes qui assurent les services de soins si
l’on veut faire des progrès dans le traitement de la maladie et des blessures.
Les pays à revenu faible ou intermédiaire ont particulièrement du mal à
mobiliser et retenir des professionnels de santé dans tous les secteurs, que
ce soit sur le plan du recrutement, de la formation, des politiques salariales, de la fidélisation, des récompenses, de la motivation et des affectations. Il sera difficile d’atteindre les ODM fixés en matière de santé et de
nutrition si les États ne parviennent pas à développer sensiblement les
effectifs et les compétences des agents de santé. Pour ne citer que quelques
exemples, la réduction de la mortalité maternelle et néonatale passera par
une augmentation importante des accouchements assistés par une sagefemme, l’amélioration de la couverture des programmes de vaccination
nécessitera sans doute davantage de personnel, et la prévention et le traitement de la tuberculose, du VIH/SIDA et du paludisme exige aussi des
professionnels qualifiés.
Une partie du problème auquel de nombreux pays à revenu faible ou
intermédiaire sont confrontés tient au manque de professionnels de santé.
Par exemple, tandis que les pays à revenu élevé disposent en moyenne de
283 médecins pour 100 000 habitants et que la moyenne mondiale s’établit
à 146 médecins pour 100 000 habitants, le Pérou en compte 10, la
3
Pour le traitement des
diarrhées par la TRO, le
rapport coût-efficacité va
de 14 à 500 dollars par
vie sauvée. »
« Il est … indispensable
d’investir dans les
personnes qui assurent
les services de soins si l’on
veut faire des progrès dans
le traitement de la maladie
et des blessures. »
Cette partie est basée sur les chapitres 3, 71 et 73 du DCP2.
Les piliers du système de santé | 183
Encadré 7.5 Au Pérou, l’amélioration de la qualité des soins
a permis de réduire la mortalité maternelle et infantile
Face à l’échec des précédentes tentatives de formation visant à améliorer la qualité des
services de santé, le ministère péruvien de la Santé, avec l’aide de l’USAID et la participation d’institutions locales, a élaboré un programme d’action national original. Il a été
mis en œuvre par des équipes pluridisciplinaires dans quelque 2 500 établissements de
santé, dont 88 hôpitaux. Le programme comprenait plusieurs axes de travail : a) normaliser les soins, b) assurer la disponibilité des fournitures, c) mieux utiliser les systèmes
d’information existants, d) promouvoir une large participation du personnel à l’application
de plans d’action locaux, et e) mesurer la satisfaction des clients et traiter les réclamations. La principale activité de formation montrait comment utiliser une technique participative de résolution de problème.
À la fin des trois années du programme (1996–1999), la demande de services de santé
s’était considérablement développée, la motivation et la satisfaction des patients et des
agents de santé avaient progressé, et les recettes des établissements étaient en hausse.
Dans les zones couvertes par le programme d’amélioration de la qualité, les taux de mortalité maternelle ont baissé de 25 % entre 1997 et 1999, mais aucune évolution n’a été
enregistrée dans les zones non couvertes, et les inégalités régionales en matière de mortalité maternelle sont restées identiques.
Source : Adapté du DCP2, chapitre 65
Papouasie-Nouvelle-Guinée — 7, le Népal — 4, et 10 pays d’Afrique subsaharienne ont moins de 3 médecins pour 100 000 habitants. Les infirmiers
sont également en nombre insuffisant. Dans les pays à revenu élevé, on en
trouve en moyenne 750 pour 100 000 habitants, avec une moyenne mondiale de 334 infirmiers, mais il n’y en a que 67 en Papouasie-NouvelleGuinée, 6 au Pérou, 5 au Népal, et moins de 20 pour 100 000 habitants
dans 11 pays d’Afrique subsaharienne.
Dans beaucoup de pays à revenu faible ou intermédiaire, le nombre
relativement faible de professionnels de santé est inégalement réparti
parmi la population. D’une manière générale, il est difficile de poster des
médecins et même des infirmiers dans des zones rurales reculées, et les
professionnels de santé ont tendance à être concentrés dans les grands
centres urbains. Les systèmes de santé publics doivent se battre pour empêcher le personnel qualifié de partir travailler dans le privé, ou pour des
agences internationales et des programmes d’aide. Bon nombre de professionnels de santé émigrent dans des pays plus riches, où ils bénéficient de
salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail.
Les professionnels de santé qui restent dans leur pays ont recours à différentes stratégies pour compenser les emplois mal rémunérés et les mauvaises conditions de travail. Dans beaucoup de pays, l’absentéisme constitue un réel problème, souvent dû au fait que les agents de santé exercent
d’autres activités rémunératrices à l’intérieur ou à l’extérieur du secteur de
la santé. Les médecins, en particulier, ont souvent deux emplois : un emploi
184 | Priorités en matière de santé
salarié dans le secteur public, et une pratique privée qui leur permet de
toucher des honoraires. Ceux qui restent dans le secteur public font parfois
payer les patients en toute illégalité pour compléter leurs revenus modestes.
Le faible niveau de productivité est en outre aggravé par le manque de
compétences, d’encadrement, de formation continue et de fournitures
médicales de base, et par la vétusté des installations.
Face à ces problèmes de ressources humaines, les États adoptent différentes stratégies, notamment en créant de nouvelles professions, en modifiant le système d’incitations financières et non financières, et en procédant
à des réorganisations. Le DCP2 relève la grande diversité de ces réformes,
en évaluant les interventions elles-mêmes ainsi que leur degré d’application et de pertinence par rapport au contexte.
Les pays qui tentent de remédier à la pénurie d’agents de santé qualifiés
en formant davantage de docteurs et d’infirmiers constatent parfois que la
pénurie persiste en raison de taux de départ élevés. Pour dissuader les
agents de santé de partir travailler dans le privé ou d’émigrer vers des États
où ils seront mieux payés, certains pays ont modifié leurs programmes
d’enseignement afin de réduire l’adaptabilité des diplômes professionnels.
La formation peut être adaptée à certains besoins médicaux nationaux sans
être nécessairement reconnue au plan international. De cette manière, les
pays peuvent diminuer les risques de voir les personnels qu’ils ont formés
partir à l’étranger.
Dans le domaine de la gestion des ressources humaines, un grand
nombre d’innovations portent sur la création de nouvelles professions de
santé, c’est-à-dire de catégories d’agents de santé assurant des fonctions qui
étaient traditionnellement réservées aux médecins et aux infirmiers. Les
associations professionnelles résistent souvent à ces évolutions pour protéger leurs valeurs et leurs emplois, mais les études réalisées sur les pays en
développement ont montré que, dans certains cas, les infirmiers des établissements de soins primaires sont capables d’assurer beaucoup de fonctions aussi bien que les médecins, sans plus de risques pour le patient. Pour
empêcher les migrations internes et externes, le Zimbabwe a introduit un
nouveau grade d’« infirmier en soins primaires », qui a moins de qualifications que l’infirmier général. Le Malawi a créé la profession d’« agent clinique », dont la formation médicale, si elle n’est pas complète, lui permet
d’exécuter un certain nombre d’actes médicaux, notamment chirurgicaux
et anesthésiques. Il y a un peu plus de risques lorsqu’une césarienne est réalisée en urgence par un agent clinique au lieu d’un médecin, mais ces
risques sont très inférieurs à ceux qui existeraient si aucune intervention
n’était pratiquée à temps. Il est naturellement préférable de recruter et garder des médecins entièrement qualifiés lorsque cela est possible, mais dans
les secteurs totalement dépourvus de services médicaux, former et poster
des professionnels moins qualifiés peut faire une grande différence.
« … les infirmiers des
établissements de soins
primaires sont capables
d’assurer beaucoup de
fonctions aussi bien que
les médecins, sans plus
de risques pour le patient. »
Les piliers du système de santé | 185
« La Chine est parvenue
à améliorer la prise en
charge des patients
tuberculeux en payant
les médecins de village
pour chaque cas
identifié et traité. »
186 | Priorités en matière de santé
La création de nouvelles catégories d’agents de santé est un thème
récurrent dans le DCP2. Le chapitre 68 expose la manière dont il est possible de développer l’accès aux services de soins d’urgence afin de réduire
la charge de morbidité élevée associée aux traumatismes, et cela en faisant
appel à des chauffeurs de bus et de taxi auxquels on fournit une formation
et un accompagnement. Le chapitre 56 s’intéresse au rôle que les agents de
santé communautaires peuvent jouer pour surveiller la croissance des
enfants et dispenser une éducation nutritionnelle, et dépister de nombreuses affections courantes en dirigeant éventuellement les patients vers
une consultation spécialisée. Le chapitre 26 évoque le besoin d’avoir des
sages-femmes qualifiées n’ayant pas suivi une formation médicale complète. Dans certaines situations, si l’on veut fournir un service, il est plus
important de se préoccuper des compétences et des méthodes techniques
nécessaires que du titre de la personne assumant la fonction.
Certains États ont également modifié leur système d’incitations financières et non financières. Relever les salaires coûte souvent cher car la masse
salariale représente entre 50 et 80 % des coûts récurrents, mais lorsque les
mesures d’incitation financière sont ciblées sur des objectifs précis, elles
peuvent être utiles. En Thaïlande par exemple, les pouvoirs publics ont
réussi à améliorer la desserte des zones rurales en versant des primes aux
médecins prêts à travailler sur des sites excentrés, et en instaurant d’autres
formes d’incitations (relations contractuelles différentes, logement, évaluation par des pairs et reconnaissance professionnelle).
D’autres mesures ont consisté à augmenter les salaires en fonction des
performances. Il s’agissait parfois de réformes de la fonction publique
prévoyant des évaluations périodiques avec versement éventuel d’augmentations de salaires ou de primes en fonction des performances.
Ailleurs, des gratifications sont versées selon le nombre de services fournis ou la réalisation d’objectifs de performance. La Chine est parvenue à
améliorer la prise en charge des patients tuberculeux en payant les médecins de village pour chaque cas identifié et traité (encadré 7.6). Dans
d’autres cas, la rémunération liée aux performances peut avoir des effets
négatifs. Ainsi, dans la province de Shandong où des incitations avaient
été mises en place pour augmenter les recettes des hôpitaux, les progrès
constatés se sont avérés dus en partie à une augmentation des soins
inutiles.
Les incitations non financières peuvent être aussi efficaces que les
mesures financières pour modifier le comportement du personnel. On
peut par exemple accorder aux agents productifs des possibilités de formation ou de promotion, reconnaître publiquement leurs mérites professionnels, verser des primes utilisables pour améliorer les conditions de travail
locales, leur déléguer des responsabilités, s’occuper de l’éducation des personnes à charge ou fournir un logement.
Un grand nombre de pays ont lancé des réformes structurelles pour
modifier toute l’organisation du recrutement et de l’emploi des ressources humaines. La tendance mondiale est à la décentralisation des activités de santé vers les échelons locaux. Ce transfert de responsabilités
intervient souvent dans le cadre d’une réforme politique générale à l’intérieur de laquelle le secteur de la santé, comme les autres secteurs de services publics, doit s’intégrer. La décentralisation peut exacerber les problèmes liés au paiement et à la fidélisation des agents de santé, à moins
que le transfert de responsabilités aux pouvoirs locaux ne s’accompagne
de dotations budgétaires suffisantes. Certains pays ont également engagé
de grandes réformes de la fonction publique afin d’améliorer la rémunération et la supervision des employés du secteur public et d’empêcher
davantage les départs. Malheureusement, les études montrent que rares
sont les réformes de la fonction publique de ce type à avoir apporté des
améliorations importantes. Les mesures prises par l’Ouganda et la
Zambie pour séparer les agents de santé des autres catégories de fonctionnaires se sont heurtées à une violente opposition politique et n’ont
pas été appliquées.
Encadré 7.6 Les gratifications financières en Chine
En Chine, les médecins de village jouent un rôle très important dans le diagnostic, le
traitement et la surveillance des patients. Dans les années 80, la plupart exerçaient dans
un cadre privé car les systèmes d’assurance communaux s’étaient effondrés et les
autorités locales ne versaient pas de salaires. Leurs revenus dépendant de la vente de
médicaments et de services, il semblait difficile de mettre en place un dispositif de prise
en charge gratuite des patients tuberculeux, même si les médecins recevaient les
médicaments gratuitement. Un système de gratification a donc été instauré, par lequel
les médecins de village recevaient 1 dollar pour chaque patient inscrit au programme de
traitement, 2 dollars supplémentaires pour chaque examen de frottis réalisé dans le dispensaire local d’accueil des tuberculeux après 2 mois, et encore 4 dollars pour chaque
patient ayant suivi le traitement jusqu’au bout. Les résultats ont été suivis au moyen d’un
système de communication de données, et la qualité du traitement et les informations
notifiées ont été vérifiées par des examens et des visites aléatoires. Le succès du programme est incontestable, avec un taux de guérison des nouveaux cas s’élevant à 95 %
au bout de 2 ans.
Les gratifications ont également été très largement utilisées en Chine dans les hôpitaux
et même dans les programmes de santé publique, mais les études montrent qu’elles peuvent avoir des effets pervers. Dans la province de Shandong, le système de primes
appliqué aux médecins hospitaliers avait été modifié : auparavant lié à la quantité de
services fournis, le montant des primes a été calculé en fonction des recettes générées.
Ce changement s’est traduit par une forte augmentation des recettes des hôpitaux, mais
une étude séparée a révélé qu’environ 20 % des recettes provenaient de soins inutiles.
Source : DCP2, chapitre 3, encadré 3.4.
Les piliers du système de santé | 187
« Pour gérer des
ressources humaines,
il importe de comprendre
qu’elles se trouvent sur un
marché concurrentiel. »
« … il est difficile de
trouver de l’argent pour
financer les interventions en
santé publique, d’une part
Enfin, beaucoup d’États sous-traitent des services de santé à des ONG
ou des prestataires privés, parfois avec un certain succès sur le plan de la
couverture et de la qualité des services. L’Afrique du Sud a obtenu de bons
résultats en sous-traitant la gestion de plusieurs hôpitaux à une société privée, et le Cambodge également en passant des contrats de performances
avec des ONG pour la fourniture de services de soins primaires. Toutefois,
dans d’autres cas, l’incapacité de l’administration à contrôler le travail des
fonctionnaires s’est simplement déplacée sur le contrôle de l’exécution des
contrats, aboutissant à une situation où les ONG et les prestataires privés
recevaient des fonds sans s’acquitter de leurs obligations.
Les modèles traditionnels de planification des ressources humaines ont
eu tendance à être mécanistes, partant du principe que les personnes ayant
reçu une formation de médecin ou d’infirmier pouvaient être facilement
affectées sur n’importe quel site où l’on avait besoin d’eux. Ces modèles
n’ont pas pris en compte le vaste éventail d’opportunités qui se présente à
un professionnel de santé dans son propre pays aussi bien qu’à l’étranger.
Pour gérer des ressources humaines, il importe de comprendre qu’elles se
trouvent sur un marché concurrentiel. Les professionnels de santé sont
toujours motivés par leur vocation, mais ils sont aussi sensibles aux avantages financiers et non financiers, aux conditions de travail et aux possibilités d’évolution professionnelle. La création de nouvelles catégories d’emploi offre des perspectives prometteuses pour satisfaire une partie des
besoins en agents de santé qualifiés. Par ailleurs, les expériences menées en
matière de gestion du personnel et de réorganisation déboucheront peutêtre sur des modalités de recrutement, de fidélisation et d’affectation des
agents de santé permettant d’obtenir de meilleurs résultats.
parce que certains soins de
santé coûtent cher, et
d’autre part parce que la
capacité des pays à revenu
faible ou intermédiaire
à augmenter les
recettes publiques est
relativement limitée. »
FINANCEMENT
L’argent représente un autre défi de taille pour les pays à revenu faible ou
intermédiaire4. Le problème est double : il faut à la fois mobiliser suffisamment de fonds pour faire fonctionner le système de santé, et utiliser ces
fonds à bon escient. Or, il est difficile de trouver de l’argent pour financer
les interventions en santé publique, d’une part parce que certains soins de
santé coûtent cher, et d’autre part parce que la capacité des pays à revenu
faible ou intermédiaire à augmenter les recettes publiques est relativement
limitée.
Le financement des dépenses de santé coûte cher. En 2001, quelque 3 billions de dollars ont été dépensés pour la santé dans le monde, mais avec de
4
188 | Priorités en matière de santé
Cette partie est basée sur les chapitres 11, 12 et 13.
très grandes disparités géographiques. Seulement 12 % de ce total ont
bénéficié aux populations des pays à revenu faible ou intermédiaire, alors
qu’elles représentent 84 % de la population mondiale et 92 % de la charge
de morbidité. Les pays à faible revenu ont dépensé environ 25 dollars par
habitant en 2001, contre 176 dollars pour les pays à revenu intermédiaire et
1 527 dollars pour les pays à revenu élevé, mais il ne s’agit que de moyennes.
Les pays les plus pauvres du monde, comme l’Éthiopie et le Népal, se trouvent tout en bas de l’échelle avec 2 ou 3 dollars tout au plus, tandis que le
Canada, le Japon, les États-Unis et l’Europe occidentale dépensent entre 2
000 et 5 000 dollars par habitant.
Il existe une forte corrélation entre les dépenses de santé et le revenu
national. Les pays les plus riches non seulement dépensent davantage
pour la santé, mais ils y consacrent une part plus importante de leur revenu. Ainsi, en moyenne, les pays d’Afrique subsaharienne affectent environ 4,5 % de leur revenu national à la santé, contre 7,7 % en moyenne
dans les pays à revenu élevé. D’autre part, les pays riches financent un
plus grand pourcentage de leurs dépenses de santé au moyen de mécanismes publics. Les recettes fiscales et les cotisations d’assurance sociale
financent 70 % des dépenses de santé dans les pays à revenu élevé, mais
seulement 50 % en moyenne dans les pays à faible revenu. Par ailleurs,
alors que les assurances de santé financent une part importante des
dépenses de santé privées dans les pays à revenu élevé, ces dépenses sont
payées en grande majorité par les ménages dans les pays à revenu faible
ou intermédiaire.
Les pays à revenu faible ou intermédiaire n’ont pas beaucoup de possibilités d’augmenter leurs recettes fiscales. Ces dernières représentent
14,5 % du PIB dans les pays à faible revenu, contre 26,5 % dans les pays
à revenu élevé. Les impôts assis sur les rémunérations qui servent à financer l’assurance maladie et l’assurance vieillesse, c’est-à-dire les cotisations
de sécurité sociale, sont encore plus limités dans les pays à faible revenu
où l’emploi structuré occupe une place généralement modeste. Les cotisations de sécurité sociale représentent moins de 1 % du PIB dans les
pays à faible revenu, contre 7,2 % du PIB dans les pays à revenu élevé.
Les taxes prélevées sur les ventes de certains produits tels que l’alcool et
le tabac peuvent être considérées à la fois comme des interventions en
matière de santé et comme des sources de revenu. Le DCP2 montre que le
fait d’augmenter le prix de l’alcool et du tabac est un moyen très efficace
sur le plan économique pour décourager la consommation dangereuse
d’alcool et le tabagisme, et donc réduire la charge de morbidité associée à
ces comportements. En même temps, les taxes sur l’alcool et le tabac peuvent accroître les revenus de l’État. Dans certains pays, ces taxes sont officiellement affectées au financement de campagnes de santé publique
« … alors que les
assurances de santé
financent une part
importante des dépenses
de santé privées dans les
pays à revenu élevé, ces
dépenses sont payées en
grande majorité par les
ménages dans les pays à
revenu faible ou
intermédiaire. »
« … [les] recettes
fiscales … représentent
14,5 % du PIB dans les
pays à faible revenu,
contre 26,5 % dans les
pays à revenu élevé. »
Les piliers du système de santé | 189
« …le financement public
a contribué de façon
essentielle à la quasitotalité, sinon la totalité,
des succès obtenus en
matière de santé publique
à travers le monde… »
« … dans les systèmes où
les services publics sont
officiellement gratuits, les
patients et leurs familles
peuvent être obligés de
payer pour bénéficier des
services, ou invités à
apporter leur propre
nourriture, leur couchage,
voire leurs fournitures
médicales. »
190 | Priorités en matière de santé
visant à encourager la population à arrêter de fumer ou à boire plus raisonnablement.
Les financements publics jouent un rôle important dans les services de
santé, en particulier dans les pays à revenu élevé et même aux États-Unis
où l’assurance de santé publique pour les personnes âgées (Medicare), les
pauvres (Medicaid) et les militaires (Veterans Administration) représente
plus de la moitié du total des dépenses de santé. Le financement public des
services de santé se justifie à plus d’un titre. Les économistes ont démontré
que les marchés des services de santé ne fonctionnaient pas correctement
lorsqu’ils étaient livrés à eux-mêmes. Par exemple, les consommateurs ne
peuvent pas facilement chercher les meilleurs services de soins au meilleur
prix comme ils le feraient pour d’autres types de services. En outre, les
marchés privés sont peu susceptibles de consacrer suffisamment de
moyens à des mesures de prévention qui ont un impact important sur
l’état de santé collectif d’une population, comme la vaccination des enfants
ou la lutte contre les risques environnementaux. Le financement public
fournit également à la société un instrument de politique publique qui
peut servir à créer des incitations afin d’améliorer la qualité des soins, de
contenir les coûts, de corriger les inégalités ou d’améliorer l’accès. Il faut
tout de même rappeler que le financement public a contribué de façon
essentielle à la quasi-totalité, sinon la totalité, des succès obtenus en matière de santé publique à travers le monde (voir le chapitre 2 du présent
ouvrage ainsi que le chapitre 8 du DCP2). L’implication de l’État dans les
services de santé n’est pas la panacée, mais c’est la principale voie que beaucoup de pays ont choisi, et le DCP2 estime que le financement public se
justifie pour au moins certains services de santé dans tous les pays.
Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où les dépenses
publiques sont peu élevées, l’accès aux soins dépend souvent de la capacité d’un ménage à payer pour en bénéficier. C’est le cas non seulement avec
les prestataires privés, mais souvent aussi avec les prestataires publics. Les
services de santé publics font souvent payer l’usager pour recouvrir une
partie de leurs coûts, mais même dans les systèmes où les services publics
sont officiellement gratuits, les patients et leurs familles peuvent être obligés de payer pour bénéficier des services, ou invités à apporter leur propre
nourriture, leur couchage, voire leurs fournitures médicales.
Le DCP2 ne tranche pas la question de la facturation des services de
santé à l’usager dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Certains
chapitres font valoir que les effets négatifs, à savoir que les gens risquent de
ne pas aller se faire soigner, annulent le bénéfice obtenu par l’augmentation
des recettes. Certains chapitres défendent même l’idée des prix négatifs,
c’est-à-dire le fait de payer les gens pour les encourager à réclamer des soins
curatifs ou préventifs, en donnant un certain nombre d’exemples
concluants. Au Tadjikistan par exemple, les patients pauvres atteints de
tuberculose recevaient des rations alimentaires d’appoint quand ils suivaient correctement le traitement médicamenteux prescrit, ce qui a amélioré le taux d’observance. Autre exemple de succès, le Gouvernement
mexicain verse une allocation aux familles pauvres à condition que leurs
enfants soient entièrement vaccinés, soient amenés régulièrement en
consultation pour un bilan de santé et fréquentent l’école avec assiduité.
Néanmoins, la facturation de l’usager a également un impact sur la productivité des services de soins là où elle permet d’assurer la disponibilité
des médicaments ou de réduire l’absentéisme, et elle peut alors contribuer
à maintenir des services utilisés par les pauvres. Globalement, le DCP2
adopte une attitude pragmatique, encourageant les pays à éliminer les obstacles financiers limitant l’accès aux soins dans toute la mesure du possible,
et à veiller à ce que, là où la facturation de l’usager est pratiquée, elle améliore effectivement la productivité et la qualité des soins auxquels les
pauvres ont accès.
Les recommandations du DCP2 en ce qui concerne le financement de
la santé diffèrent totalement pour les pays à faible revenu et pour ceux à
revenu intermédiaire. Dans les pays à faible revenu, les possibilités de
financer des services de soins corrects et universels sont très limitées par le
niveau absolu des revenus et des recettes fiscales. Au cours de la dernière
décennie, différentes études ont évalué les coûts pour fournir des services
de santé de base. Elles sont parvenues à la conclusion que, pour assurer un
ensemble de services de santé capables d’améliorer sensiblement la santé de
la population, il en coûterait entre 12 et 50 dollars par habitant et par an.
Ces montants, accessibles à la plupart des pays à revenu intermédiaire,
sont hors de portée pour les pays à faible revenu sans une aide extérieure
massive.
La problématique de la santé dans les pays à faible revenu est donc
multiforme. D’un côté, ils doivent augmenter leurs revenus intérieurs,
sans espérer gagner plus de 1 ou 2 % du PIB. De l’autre, il leur faut utiliser de façon optimale les ressources dont ils disposent, d’origine nationale ou étrangère. C’est cette deuxième stratégie — obtenir le plus de gains
possibles des dépenses de santé actuelles et nouvelles — qui a motivé le
projet DCP.
Dans les pays à revenu intermédiaire, les problèmes de financement ne
se posent pas de la même manière, et les États ont davantage de moyens
économiques et institutionnels pour y faire face. Ces pays peuvent financer
la plupart de leurs dépenses de santé par des sources internes, mais ils ont
différentes solutions pour organiser le financement des services de santé,
avec des conséquences importantes sur le plan de l’équité et de la productivité. Le choix des mécanismes de financement utilisés a aussi des implications majeures sur les personnes qui supporteront les coûts des soins de
santé : ces coûts peuvent être partagés par l’ensemble de la population, pro-
« … pour assurer un
ensemble de services
de santé capables
d’améliorer sensiblement
la santé de la population,
il en coûterait entre 12 et
50 dollars par habitant et
par an. »
Les piliers du système de santé | 191
« … dans les pays à faible
revenu …, l’aide au
développement ciblée sur
le secteur de la santé
représentait en moyenne
20 % du total des dépenses
de santé, contre 3 %
dans les pays à revenu
intermédiaire. »
192 | Priorités en matière de santé
curant une véritable assurance de santé aux personnes ayant la malchance
de tomber malade, ou retomber principalement sur les malades euxmêmes.
Certains pays font le choix de financer leurs services de santé par les
recettes fiscales générales, et d’autres par des impôts assis sur les rémunérations et des systèmes d’assurance sociale. Les pays à revenu intermédiaire ont souvent recours aux deux pour des groupes de population différents.
Des initiatives ont également été engagées pour encourager la souscription
d’assurances de santé privées. Il existe des arguments très forts en faveur
d’une répartition des risques financiers associés au paiement des soins de
santé entre un maximum de population. Cette mutualisation permet de
payer les frais de santé des pauvres et des malades avec les impôts et les
primes versés par les personnes mieux portantes et plus riches. Le chapitre
12 du DCP2 examine ces différentes approches.
Le rôle joué par l’aide au développement dans la politique de santé est
beaucoup plus important dans les pays à faible revenu que dans les pays à
revenu intermédiaire. Dans les premiers, l’aide au développement ciblée
sur le secteur de la santé représentait en moyenne 20 % du total des
dépenses de santé, contre 3 % dans les pays à revenu intermédiaire. Dans
13 pays d’Afrique subsaharienne, la part des financements extérieurs dans
les dépenses de santé était supérieure à 30 %. Globalement, l’aide internationale au développement a reculé dans les années 90 et représentait seulement 0,25 % du revenu national brut des pays riches, malgré leurs engagements publics de contribuer à cette aide à hauteur de 0,70 % de leur revenu total.
En dépit de cette tendance générale, l’aide au développement destinée
au secteur de la santé a augmenté durant la dernière décennie, mais elle
reste insuffisante pour atteindre les objectifs internationaux en matière de
santé. L’aide internationale à la santé serait ainsi passée de 6,7 milliards de
dollars en 1997–1999, à environ 9,3 milliards de dollars en 2002. Cette
somme comprend des fonds d’agences bilatérales de développement et de
banques multilatérales de développement, mais aussi et de plus en plus, de
fondations privées telles que la Fondation Bill & Melinda Gates, ainsi que
de nouveaux programmes internationaux parmi lesquels le Fonds mondial
de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et le GAVI. Toutefois,
ce sont entre 60 et 70 milliards de dollars par an d’aide au développement
dont la santé aurait besoin pour atteindre les objectifs fixés dans les ODM,
c’est-à-dire beaucoup plus que ce dont on dispose aujourd’hui.
Une grande part du débat sur l’aide internationale au développement,
comme sur l’utilisation des ressources nationales d’ailleurs, tourne toujours autour de la même question : comment faire pour qu’elle produise
un maximum d’effet. Le DCP2 passe en revue un ensemble d’initiatives
dont l’objectif est de rendre l’aide au développement plus efficace en
l’affectant à des mesures d’un bon rapport coût-efficacité, mais aussi en
réduisant les coûts de transaction, en améliorant la coordination et en renforçant l’adhésion des pays. Les pistes les plus prometteuses sont notamment les programmes soumis à des critères de performance, dans lesquels
les fonds sont décaissés en fonction des résultats obtenus, par exemple la
couverture de vaccination atteinte. D’autres actions associent les gouvernements des pays hôtes à des agences internationales et des acteurs nationaux en vue d’élaborer et suivre des plans sectoriels coordonnés liés à la
réduction de la pauvreté et à l’amélioration des indicateurs de santé. Les
nouveaux fonds créés par les initiatives mondiales sont ciblés sur des maladies particulières et des problèmes affectant les pays à faible revenu. La
communauté internationale s’efforce également d’encourager la recherche
et le développement de vaccins et de médicaments, pas uniquement à travers des financements directs, mais aussi en s’engageant sur des achats
futurs.
Quel que soit le pays, les modes de financement choisis pour la santé
influent beaucoup sur le fonctionnement du système de santé. Néanmoins,
les pays à revenu faible ou intermédiaire peuvent faire davantage avec l’argent dont ils disposent en affectant leurs ressources à des interventions
d’un bon rapport coût-efficacité, et en mobilisant des fonds supplémentaires pour financer les améliorations recherchées. Dans le cas des pays à
faible revenu, les problèmes sanitaires actuels ne pourront être résolus que
si les pays riches honorent les engagements qu’ils ont pris d’augmenter l’aide internationale au développement ciblée sur la santé, malgré les difficultés que représente pour les pays à faible revenu le fait d’avoir à absorber ces
fonds et à les utiliser d’une manière qui améliore effectivement la santé de
leurs populations.
Les piliers du système de santé | 193
Chapitre 8
Des pistes pour agir
D’immenses progrès doivent être accomplis dans le secteur de la santé, et
d’immenses progrès sont possibles. Le DCP2 rappelle les grandes réalisations du siècle dernier dans le domaine de la santé humaine. Les interventions en santé publique ont permis de réduire la mortalité infantile, de prévenir des épidémies et de prendre en charge des maladies chroniques.
Quelle que soit la perspective adoptée — étude historique ou analyse de cas
particuliers — le DCP2 fait apparaître clairement que ces avancées sont
dues pour une grande part au progrès technique au sens large, c’est-à-dire
non seulement à des innovations médicales mais également à des initiatives
de santé publique, à des améliorations dans l’organisation et le financement de la mise à disposition des soins, et à des changements bénéfiques
dans d’autres secteurs. Ce serait une erreur d’attendre que la croissance
économique soit là pour agir, alors que l’on peut faire beaucoup en développant le savoir et en appliquant celui déjà acquis.
Toutefois, les succès passés ne doivent pas faire oublier l’ampleur et la
gravité des problèmes qui restent à résoudre. Dans beaucoup de cas, il s’agit
de combattre des maladies infectieuses qui frappent surtout les populations pauvres. Le VIH/SIDA occupe le devant de la scène par l’importance
du désordre social qu’il génère dans les pays à forte prévalence, et par l’urgence des multiples actions qu’il nécessite pour prévenir et soigner la maladie. La charge de morbidité due au paludisme reste obstinément élevée
malgré des décennies de lutte pour la réduire, et l’émergence de pathogènes
résistants transforme en cible perpétuellement mouvante le combat contre
des maladies infectieuses comme le paludisme et la tuberculose.
Certaines difficultés font immédiatement pointer du doigt les carences
des systèmes de santé. Le DCP2 rappelle que le risque qu’une femme décède en mettant un enfant au monde est 500 fois plus grand dans un pays à
faible revenu que dans un pays à revenu élevé — l’écart le plus extrême de
tous les indicateurs de santé — et que la mortalité maternelle ne pourra
être abaissée que s’il existe tout un spectre de services accessibles permet195
« Les pays à revenu
faible ou intermédiaire
peuvent également
anticiper … la hausse
des décès causés par les
accidents de la circulation
et les pollutions environementales, et doivent
prendre aujourd’hui
des mesures efficaces
par rapport aux coûts,
pour éviter des morts
inutiles demain. »
tant de réduire les facteurs de risque et les complications. Pour réduire la
mortalité infantile, en particulier durant la période néonatale, il faudra que
des mesures publiques soient prises afin de garantir un accès équitable à un
ensemble de services de soins élémentaires de bonne qualité.
Les maladies non transmissibles frappent autant les pays en développement que les pays développés, avec notamment une importante charge de
morbidité commune due aux MCV et au diabète. Seule une collaboration
étroite permettra d’identifier les meilleures façons de prévenir et soigner ces
maladies afin de répondre à la menace qu’elles représentent. Les pays à
revenu faible ou intermédiaire peuvent également anticiper les tendances
déjà observées dans les pays à revenu élevé, par exemple la hausse des décès
causés par les accidents de la circulation et les pollutions environnementales, et doivent prendre aujourd’hui des mesures efficaces par rapport aux
coûts, pour éviter des morts inutiles demain.
Lorsque les savoirs et les ressources sont utilisés de façon inégale, il en
résulte des écarts de santé injustifiés entre riches et pauvres, que ce soit à
l’intérieur d’un même pays ou au niveau international. Parmi tous les
obstacles à surmonter, le plus difficile est peut-être d’arriver à ce que les
bénéfices du progrès scientifique et technique soient partagés rapidement
à travers le monde.
Bien qu’il n’existe pas de solution universelle pour choisir et organiser
les meilleures interventions, certaines généralités se dégagent néanmoins
du DCP2 :
• Le seul moyen d’éliminer les inégalités de santé entre riches et pauvres est d’agir sur les principaux problèmes sanitaires par des interventions d’un bon rapport coût-efficacité et accessibles à tous.
• Le succès des interventions en santé publique requiert un financement public suffisant.
• Si l’on veut faire disparaître les grandes disparités actuelles en
matière de santé, il faut renforcer l’aide financière et technique
internationale en quantité et en qualité.
• L’amélioration de la santé passe souvent par une collaboration avec
d’autres secteurs tels que les transports, l’éducation, l’agriculture, les
services de police et la finance.
• Renforcer les systèmes de santé démultiplie l’impact des dépenses
en améliorant le rapport coût-efficacité des interventions et en
permettant une meilleure intégration des services.
• Il importe de développer les connaissances en sciences fondamentales, en sciences appliquées et en gestion afin que la recherche et le
développement puissent alimenter le progrès dans le futur.
196 | Priorités en matière de santé
Deux messages essentiels ressortent du travail de recherche et d’analyse
accompli par le DCP2. Le premier est que, si l’on veut réduire les inégalités criantes qui existent en matière de santé, il est nécessaire de consacrer
davantage de moyens à des interventions efficaces dans les pays à faible
revenu. Avec davantage de moyens, on peut aller vacciner, vermifuger, pratiquer des TRO ou réaliser d’autres interventions offrant un très bon rapport coût-efficacité, dans des lieux qui n’étaient pas couverts jusqu’alors.
Avec davantage de moyens, il devient possible d’étendre la couverture des
services de santé de base et de la rendre plus équitable. Des moyens supplémentaires peuvent également être injectés dans la recherche, en donnant la priorité aux maladies pour lesquelles il n’existe pas encore d’intervention efficace sur le plan économique, et aux problèmes à résoudre pour
assurer des services de santé corrects dans les pays où les institutions sont
défaillantes.
Le second message est que l’on pourrait faire beaucoup plus pour améliorer la santé avec les ressources actuelles, en utilisant plus systématiquement les interventions dont le bon rapport coût-efficacité est avéré. Le
DCP2 démontre que les moyens dont on dispose aujourd’hui peuvent permettre d’obtenir des gains importants en matière de santé lorsque l’on sait
exploiter les connaissances acquises sur le rapport coût-efficacité des interventions en santé publique. Il y a un gaspillage de ressources lorsque le
choix se porte sur des interventions inappropriées ou que le faible niveau
de qualité des soins devient une norme admise. En faisant un état des lieux
documenté des charges de morbidité, du rapport coût-efficacité de différentes interventions et des solutions pratiques utilisables pour les mettre en
œuvre, le DCP2 donne des pistes pour faire mieux, même dans des situations difficiles.
Avant d’exploiter les informations, les analyses et les stratégies exposées
dans le DCP2, il convient d’évaluer attentivement le contexte local, notamment les caractéristiques des maladies présentes, les capacités institutionnelles et les ressources disponibles. En se basant à la fois sur le DCP2 et sur
leurs connaissances de la situation locale, les acteurs concernés à de nombreux niveaux différents — des parlementaires et des ministres de la Santé
aux administrateurs d’hôpitaux, aux professionnels de santé et aux
citoyens — seront à même de définir les priorités, choisir les interventions
pertinentes, trouver de meilleures modalités pratiques, améliorer la gestion
et savoir mieux mobiliser les ressources, afin que les effets bénéfiques du
progrès technique sur la santé puissent être partagés par tous.
« … si l’on veut réduire
les inégalités criantes
qui existent en matière
de santé, il est nécessaire
de consacrer davantage
de moyens à des
interventions efficaces
dans les pays à faible
revenu. »
« …l’on pourrait faire
beaucoup plus pour améliorer la santé avec les
ressources actuelles, en
utilisant plus systématiquement les interventions
dont le bon rapport coûtefficacité est avéré. »
Des pistes pour agir | 197
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Références | 201
202 | Priorités en matière de santé
Les rédacteurs
Dean T. Jamison est professeur d’économie de la santé à la faculté de
médecine de l’Université de la Californie à San Francisco (UCSF) et
membre du programme Global Health Sciences du même établissement. Il
est par ailleurs maître de recherche à l’Ellison Institute for World Health.
Parallèlement, le Dr Jamison est professeur auxiliaire à l’École de gestion
Guanghua de l’Université de Pékin et de la School of Population Health de
l’Université de Californie du Queensland.
Avant d’intégrer le corps professoral de l'UCSF, le Dr. Jamison avait
enseigné à l’Université de la Californie à Los Angeles, et avait passé de nombreuses années à la Banque mondiale, occupant les fonctions d’économiste principal au département de la recherche, de chef de la division des politiques d’éducation, et de chef de la division de la population, de la santé et
de la nutrition. En 1992–1993, il est revenu brièvement à la Banque mondiale où il a occupé le poste de directeur du Bureau du Rapport sur le développement dans le monde et comme auteur principal du « Rapport sur le
développement dans le monde : investir dans la santé » publié par la
Banque mondiale en 1993. Ses publications portent sur la théorie économique, la santé publique et l’éducation. Il a fait ses études à l’Université
Stanford (licence de philosophie ; maîtrise de sciences de l’ingénieur) et à
Harvard (doctorat en économie, sous la direction de K.J. Arrow). En 1994,
il a été élu membre de l’Institut de médecine de l’Académie nationale des
sciences des États-Unis.
Joel G. Breman, M.D., D.T.P.H., est conseiller scientifique principal du
Fogarty International Center qui fait partie des Instituts nationaux de la
santé (NIH) des États-Unis, et co-rédacteur en chef du Projet sur les priorités en matière de lutte contre les maladies. Il a étudié à l’Université de
Californie à Los Angeles (USCLA), à la Keck School of Medicine de
l’Université de la Californie du Sud, et à la London School of Hygiene and
203
Tropical Medicine. Le Dr Breman a suivi ses études médicales au County
Medical Center de l’USCLA ; il s’est spécialisé en maladies infectieuses au
Boston City Hospital de la faculté de médecine de l’Université Harvard, et
en épidémiologie aux Centers for Disease Control and Prevention (CDC).
Il a travaillé dans le domaine de l’éradication de la variole en Guinée
(1967–1969), à l’Organisation pour la coordination et la coopération pour
la lutte contre les grandes endémies au Burkina Faso (1972–1976), et à
l’Organisation mondiale de la santé à Genève (1977–980) où il était chargé de la recherche sur l’orthopoxvirus et de la certification de l’éradication.
En 1976, en République démocratique du Congo (ex-Zaïre), le Dr
Breman a mené des recherches sur la première flambée épidémique de la
fièvre hémorragique Ebola. Après la confirmation de l’éradication de la
variole en 1980, le Dr Breman est revenu aux CDC où il a engagé des travaux sur l’épidémiologie du paludisme et la lutte contre ce dernier. Le Dr
Breman a rejoint le Fogarty International Center en 1995 et il y a servi
comme directeur du Programme international de formation et de
recherche sur les maladies infectieuses émergentes, et comme conseiller
scientifique principal. Il a été membre de nombreux groupes consultatifs,
occupant notamment les fonctions de président du Groupe consultatif de
l’OMS sur le monkeypox humain, et de membre de la Commission internationale de l’OMS sur la certification de l’éradication de la dracunculose
(ver de Guinée). Le Dr Breman est l’auteur de plus d’une centaine de publications sur les maladies infectieuses et le renforcement des capacités en
matière de recherche dans les pays en développement. Il a été rédacteur
scientifique invité de deux suppléments de l’American Journal of Tropical
Medicine and Hygiene parus sous les titres The Intolerable Burden of
Malaria: A New Look at the Numbers (2001) et The Intolerable Burden of
Malaria: What’s New, What’s Needed (2004).
Anthony R. Measham est co-rédacteur en chef du Projet sur les priorités
de lutte contre les maladies au Fogarty International Center, affilié aux
NIH ; directeur adjoint du Projet sur la communication relative aux priorités en matière de santé du Population Reference Bureau de Washington ;
et membre représentant la Banque mondiale au sein du Groupe de travail
de l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination.
Originaire du Royaume-Uni, le Dr Measham a pratiqué la médecine
familiale à Dartmouth en Nouvelle-Écosse (Canada), avant de consacrer le
reste de sa carrière, jusqu’aujourd’hui, à la santé internationale. Il a exercé
pendant 15 ans comme médecin résident dans les pays en développement
pour le compte du Conseil de la population (en Colombie), de la Ford
Foundation (au Bangladesh) et de la Banque mondiale (en Inde). Au début
de sa carrière dans le domaine de la santé internationale, il était directeur
204 | Priorités en matière de santé
adjoint du Center for Population and Family Health de l’Université
Columbia de New York, de 1975 à 1977.
Il a ensuite été employé pendant 17 ans dans les services de la Banque
mondiale, où il a occupé les fonctions de conseiller, santé, de1984 à 1988,
et de responsable des politiques et de la recherche de la Division de la santé,
de la nutrition et de la population de 1988 à 1993.
Pendant une grande partie de sa carrière, le Dr Measham a œuvré à
fournir de l’assistance technique, à effectuer des recherches et des analyses,
et à aider à élaborer des projets dans plus d’une vingtaine de pays en développement, principalement dans les domaines de la santé maternelle et
infantile, du planning familial et de la nutrition. Il a été l’un des rédacteurs
de Disease Control Priorities in Developing Countries, 1re édition (1993),
et il est l’auteur d’une soixantaine de monographies, de chapitres de livres
et d’articles de revues.
Le Dr Measham est diplômé de la faculté de médecine de l’Université
Dalhousie d’Halifax, en Nouvelle-Écosse (Canada). Il est titulaire d’une
maîtrise ès sciences, d’un doctorat en santé publique de l’Université de la
Caroline du Nord à Chapel Hill, et est membre de l’American Board of
Preventive Medicine and Public Health. Parmi ses distinctions honorifiques on peut citer son élection à l’Alpha Omega Alpha Honor Medical
Society ; sa nomination au poste de professeur spécial de santé internationale à la faculté de médecine de l’Université de Nottingham au RoyaumeUni ; et sa désignation comme ancien étudiant de médecine de l’année de
l’Université Dalhousie en 2000–2001.
Sir George Alleyne, M.D., F.R.C.P., F.A.C.P. (Hon.), D.Sc. (Hon.), est
directeur émérite de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) qu’il
a dirigée de 1995 à 2003. Originaire de la Barbade, le Dr Alleyne est titulaire d’un diplôme en médecine de l’Université des West Indies (UWI) obtenu en 1957. Il a suivi une formation supérieure en médecine interne au
Royaume-Uni et a effectué des travaux de recherche postdoctorale dans ce
pays ainsi qu’aux États-Unis. Il est entré dans le monde de la médecine universitaire à l’UWI en 1962, et durant sa carrière il a entre autres effectué des
recherches au sein de l’Unité de recherche tropicale sur le métabolisme en
vue de son doctorat en médecine. Il a été nommé professeur de médecine
à l’UWI en 1972, et quatre ans plus tard, il est devenu directeur du département de médecine. Il est professeur émérite de l’UWI. Il a rejoint l’OPS
en 1981; en 1983, il a été nommé directeur du Secteur des programmes de
santé, et directeur adjoint de l’OPS en 1990.
Les publications scientifiques du Dr Alleyne ont trait à sa recherche sur
la physiologie rénale et la biochimie, ainsi que sur divers aspects de la
médecine clinique. Pendant son mandat de directeur de l’OPS, ses activités
Les rédacteurs | 205
et ses publications ont porté sur des questions telles que l’équité en matière de santé, la santé et le développement, et les fondements de la coopération internationale dans le domaine de la santé. Il s’est également intéressé
à plusieurs aspects de la santé dans les Caraïbes et aux problèmes auxquels
est confronté le secteur de la santé dans cette région. Il est membre de
l’Institut de médecine et recteur de l’Université des West Indies.
Le Dr Alleyne a reçu de nombreux prix décernés en reconnaissance de
ses travaux, notamment de prestigieuses médailles et distinctions honorifiques nationales conférées par nombre de pays des Amériques. En 1990, il
a été fait Knight Bachelor par Sa Majesté la reine Elizabeth II pour ses services à la médecine. En 2001, il a reçu l’Order of the Caribbean
Community, la plus haute distinction que puisse obtenir un ressortissant
des Caraïbes.
Mariam Claeson, M.D., M.P.H., est coordinatrice du Programme de lutte
contre le sida pour la région Asie du Sud de la Banque mondiale depuis
janvier 2005. Elle a été spécialiste principale en santé publique du Réseau
santé, nutrition, population et développement humain de la Banque mondiale (1998–2004) ; à ce titre, elle a dirigé le programme de travail sur les
objectifs de développement pour le Millénaire (ODM) du Réseau — qui
vise à appuyer l’accélération des progrès dans les pays —, notamment le
secrétariat conjoint Banque mondiale/OMS du Forum de haut niveau sur
les ODM relatifs à la santé. Elle a été coauteur de l’appel à l’action du groupe d’études Bellagio sur la survie des enfants, lancé en 2003 et intitulé
Knowledge into Action for Child Survival, ainsi que du rapport de la
Banque mondiale paru sous le titre The Millennium Development Goals
for Health: Rising to the Challenges (2005). Elle a été membre du What
Works Working Group hébergé par le Center for Global Development et
dont les travaux ont débouché sur le rapport Millions Saved: Proven
Successes in Global Health (2005).
Le Dr Claeson a été coauteur du chapitre sur la santé du guide de référence Poverty Reduction Strategy, qui préconise une approche de la santé
maternelle et infantile et de la nutrition fondée sur le cycle de vie. En tant
que coordinatrice du groupe thématique sur la santé publique
(1998–2002), elle a piloté l’élaboration du document de stratégie intitulé
Public Health and World Bank Operations et elle a promu les approches
multisectorielles de la santé infantile au sein de la Banque mondiale ainsi
que dans les activités, les travaux d’analyse et les opérations de prêt
appuyés par la Banque dans les pays.
Avant de rejoindre la Banque mondiale, le Dr Claeson était en service à
l’OMS de 1987 à 1995, où elle a occupé pendant les dernières années le
poste de chef de programme au sein du Programme mondial de lutte
206 | Priorités en matière de santé
contre les maladies diarrhéiques de l’OMS. Elle possède plusieurs années
d’expérience sur le terrain, pour avoir travaillé dans les pays en développement dans les domaines de la pratique clinique au niveau du district rural
(en Tanzanie, au Bangladesh et au Bhoutan) ; de la gestion des programmes nationaux de vaccination et de lutte contre les maladies diarrhéiques (Éthiopie 1984–1986) ; et des projets de développement du secteur de la santé dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.
David B. Evans est économiste de formation. Entre 1980 et 1990, il a travaillé dans le monde universitaire, d’abord au sein des départements des
sciences économiques, puis dans une faculté de médecine, tout en œuvrant
comme consultant auprès de la Banque mondiale, de l’OMS et du gouvernement. De 1990 à 1998, il a parrainé et effectué des recherches sur les
aspects sociaux et économiques des maladies tropicales et sur la lutte
contre ces dernières, dans le cadre du Programme spécial
UNICEF/PNUD/Banque mondiale/OMS sur la recherche et la formation
concernant les maladies tropicales. Il est par la suite devenu directeur des
Bases factuelles et information à l’appui des politiques, avant d’entrer au
Département de financement des systèmes de santé de l’OMS où il s’occupe actuellement d’un éventail d’activités liées à la mise au point de stratégies et de politiques appropriées de financement de la santé. Il s’agit
notamment du projet WHO-CHOICE (« Choisir des interventions d’un
bon rapport coût-efficacité » de l’OMS) qui a procédé à l’évaluation et à la
publication d’informations sur les coûts et l’efficacité de plus de 700 interventions en matière de santé, les coûts de l’amplification des interventions,
les dépenses et les comptes de santé, l’ampleur de la catastrophe financière
et de l’appauvrissement liés aux paiements remboursables des frais de
santé, et de l’évaluation de l’impact des divers types de moyens utilisés
pour mobiliser des fonds en faveur de la santé, les réunir et s’en servir pour
fournir ou acquérir des services et des interventions. Il a abondamment
publié dans ces domaines.
Prabhat Jha est titulaire de la chaire de recherche du Canada sur la santé
et le développement de l’Université de Toronto (Canada). Il est directeurfondateur du Centre for Global Health Research du Michael’s Hospital,
professeur agrégé au département des sciences de la santé publique de
l’Université de Toronto et chercheur au McLaughlin Centre for Molecular
Medicine. Le Dr Jha est également professeur extraordinaire de l’Université
de Lausanne en Suisse.
Le Dr Jha est le principal auteur de Curbing the Epidemic:
Governments and the Economics of Tobacco Control et co-rédacteur de
Tobacco Control in Developing Countries. Ces deux ouvrages sont parmi
Les rédacteurs | 207
les publications les plus influentes sur la lutte contre le tabagisme. Le Dr
Jha est le chercheur principal d’une étude prospective portant sur un million de décès en Inde et consistant en un examen de la mortalité liée au
tabagisme et à la consommation d’alcool, aux taux de fécondité, à la pollution intérieure et à d’autres facteurs de risque dans 2,3 millions de ménages
et chez 15 millions de personnes. Il s’agit de la plus vaste étude prospective du monde sur la santé (www.cghr.org/project.htm).
Le Dr Jha a en outre mené des études sur la transmission du VIH dans
divers pays, se concentrant surtout sur la description des facteurs de risque
liés à la transmission du VIH, et sur les interventions permettant de prévenir la propagation de l’épidémie du VIH. Ses études ont bénéficié de subventions de plus de 5 millions de dollars octroyées dans le cadre de processus d’évaluation par les pairs.
Le Dr Jha a publié abondamment dans le domaine du tabagisme, du
VIH/SIDA et de la santé des populations pauvres du monde. Parmi les distinctions honorifiques qu’il a reçues, on peut citer une médaille d’or décernée par la Fondation pour la promotion de la santé (2000) de Pologne, le
prix des « Top 40 Canadians under age 40 » (2004), et le prix d’excellence
en recherche du premier ministre de l’Ontario (2004). Le Dr Jha est chercheur à l’Université de Toronto et à l’Université McMaster au Canada. Il est
titulaire d’un doctorat en médecine de l’Université du Manitoba (Canada)
et d’un Ph.D. en épidémiologie et en santé publique de l’Université
d’Oxford (Angleterre) où il a étudié en tant que boursier de la Fondation
Rhodes au Magdalen College.
Anne Mills est professeur d’économie et de politique de la santé à la
London School of Hygiene and Tropical Medicine. Elle possède plus de 20
ans d’expérience en recherche liée à l’économie de la santé dans les pays en
développement, et elle a abondamment publié dans les domaines de l’économie de la santé et de la planification de la santé, notamment des
ouvrages sur le rôle du gouvernement dans la santé dans les pays en développement, la planification de la santé au Royaume-Uni, la décentralisation, la recherche sur l’économie de la santé dans les pays en développement, et l’agencement des secteurs public et privé. Dans ses plus récents
travaux de recherche, elle s’intéresse à l’organisation et au financement des
systèmes de santé, notamment l’évaluation des relations contractuelles
entre les secteurs public et privé, et à l’application des techniques d’évaluation économique pour améliorer l’efficacité des programmes de lutte
contre les maladies.
Elle a œuvré considérablement à appuyer les activités de recherche en
matière d’économie de la santé du Programme de recherche sur les maladies tropicales de l’OMS. Elle est fondatrice et directrice du Health
208 | Priorités en matière de santé
Economics and Financing Programme, lequel est devenu l’un des
meilleurs groupes du monde dans le domaine de la conception et de l’application des théories et des techniques de l’économie de la santé pour
accroître les connaissances sur la meilleure manière d’améliorer l’équité et
l’efficacité des systèmes de santé des pays en développement. Elle a servi
comme conseillère auprès d’un nombre d’organismes multilatéraux et
bilatéraux, notamment le ministère de Développement international du
Royaume-Uni et l’Organisation mondiale de la santé. Elle a supervisé la
création de l’Alliance pour la recherche sur les politiques et les systèmes de
santé et elle en préside le conseil d’administration. Plus récemment, elle a
été membre de la Commission Macroéconomie et Santé, et coprésidente de
son groupe de travail sur l’« amélioration des résultats en matière de santé
chez les pauvres ».
Philip Musgrove est rédacteur adjoint de la rubrique santé mondiale de
la revue Health Affairs, qui est publiée par le Project HOPE de Bethesda au
Maryland (États-Unis). De 2002 à 2005, il a été l’un des rédacteurs du
Projet sur les priorités en matière de lutte contre les maladies du Fogarty
International Center, affilié aux NIH. Il a travaillé pour la Banque mondiale (1990–2002) — servant entre autres en détachement auprès de
l’Organisation mondiale de la santé (1999–2001) — et il occupait le poste
d’économiste principal au moment de sa retraite. Il avait auparavant été
conseiller en économie de la santé à l’Organisation panaméricaine de la
santé (1982–1990), et agrégé de recherche à la Brookings Institution et à
Resources for the Future (1964–1981).
Le Dr Musgrove est professeur auxiliaire à la School of Advanced
International Studies de l’Université Johns Hopkins, et il a enseigné à
l’Université George Washington, à l’American University et à l’Université
de Floride. Il est diplômé du Haverford College (B.A., 1962, summa cum
laude), de l’Université Princeton (M.P.A., 1964) et de la Massachusetts
Institute of Technology (Ph.D., 1974).
Le Dr Musgrove a travaillé sur des projets de réforme de la santé en
Argentine, au Brésil, au Chili et en Colombie, tout comme il a traité de
divers problèmes qui se posent dans les domaines de l’économie de la
santé, du financement de la santé, de l’équité en matière de santé et de la
nutrition. Il a notamment publié 50 articles dans des revues économiques
et de santé, et des chapitres dans 20 ouvrages.
Les rédacteurs | 209
Comité consultatif de rédaction
J. R. Aluoch
Professeur, Nairobi Women’s Hospital, Nairobi, Kenya
Jacques Baudouy
Directeur, Santé, nutrition et population, Banque
mondiale, Washington, États-Unis
Fred Binka
Directeur exécutif, INDEPTH Network, Accra, Ghana
Mayra Buvinić
Directeur, Parité des sexes et développement,
Banque mondiale, Washington, États-Unis
David Challoner, coprésident
Secrétaire aux affaires étrangères, Institut de médecine, Académies nationales des États-Unis,
Gainesville, Floride, États-Unis
Sharon Hrynkow
Directeur par intérim, Fogarty International Center,
Instituts nationaux de la santé, Bethesda,
Maryland, États-Unis
Gerald Keusch,
Président et Doyen, Santé mondiale
School of Public Health de l’Université de Boston,
Boston, Massachusetts, États-Unis
Kiyoshi Kurokawa
Président, Conseil des sciences du Japon (SCJ),
Kanawaga, Japon
Peter Lachmann
Ancien Président, Académie des sciences médicales du
Royaume-Uni, Cambridge, Royaume-Uni
Guy de Thé, coprésident
Directeur de la recherche et professeur émérite,
Institut Pasteur, Paris, France
Mary Ann Lansang
Directeur exécutif, INCLEN Trust International, Inc.,
Manille, Philippines
Timothy Evans
Directeur général adjoint, Bases factuelles et information à l’appui des politiques, Organisation mondiale de la santé, Genève, Suisse
Christopher Lovelace
Directeur, représentation nationale en République
kirghize et du Développement humain en Asie
centrale, Banque mondiale, Bichkek, République
kirghize
Richard Horton
Rédacteur, The Lancet, Londres, Royaume-Uni
211
Anthony Mbewu
Directeur exécutif, Conseil de la recherche médicale
de l’Afrique du Sud, Tygerberg, Afrique du Sud
Rajiv Misra
Ancien Ministre de la Santé du Gouvernement indien,
Haryana, Inde
G. B. A. Okelo
Secrétaire général et directeur exécutif, Africa
Academy of Sciences, Nairobi, Kenya
Perla Santos Ocampo
Président, Académie nationale des sciences et de la
technologie, San Juan, Philippines
Sevket Ruacan
Directeur général, Hôpital MESA, Ankara, Turquie
Pramilla Senanayake
Président, conseil de la Fondation Forum mondial
pour la recherche en santé, Colombo, Sri Lanka
Chitr Sitthi-amorn
Directeur, Institut de la recherche en santé/Doyen,
faculté de santé publique, Université de
Chulalongkorn, Bangkok, Thaïlande
Sally Stansfield
Codirecteur, Stratégies en matière de santé mondiale,
Bill & Melinda Gates Foundation, Seattle,
Washington, États-Unis
Misael Uribe
Président, Académie nationale de médecine du
Mexique, Mexico, Mexique
Zhengguo Wang
Professeur, Académie de l’ingénierie de Chine,
Daping, Chine
Witold Zatonski
Professeur, Fondation pour la promotion de la santé,
Varsovie, Pologne
Jaime Sepúlveda, président
Directeur, Instituts nationaux de la santé du Mexique,
Cuernavaca, Mexique
Ont également contribué à la rédaction
William D. Savedoff et Anne-Marie Smith, Social Insight
212 | Priorités en matière de santé
Table des matières, Priorités en matière
de lutte contre les maladies dans les pays
en développement, 2e édition
1. Investir dans la santé
Dean T. Jamison
2. Efficience économique des interventions : aperçu des principaux
messages
Ramanan Laxminarayan, Jeffrey Chow, et Sonbol A. Shahid-Salles
3. Renforcer les systèmes de santé
Anne Mills, Fawzia Rasheed, et Stephen Tollman
4. Priorités de la recherche mondiale et de la mise au point des
interventions
Barry R. Bloom, Catherine M. Michaud, John R. La Montagne, et Lone
Simonsen
5. Sciences et technologies de la lutte contre les maladies :
hier, aujourd'hui et demain
David Weatherall, Brian Greenwood, Heng Leng Chee, et
Prawase Wasi
6. Priorités de la mise au point des produits
Adel Mahmoud, Patricia M. Danzon, John H. Barton, et Roy D. Mugerwa
7. Approches économiques de la valorisation de la recherche en matière
de santé mondiale
David Meltzer
8. Améliorer la santé des populations : leçons tirées de l'expérience
Carol Ann Medlin, Mushtaque Chowdhury, Dean T. Jamison, et Anthony
R. Measham
213
9. Objectifs de développement pour le Millénaire relatifs à la santé :
que faudra-t-il pour accélérer les progrès ?
Adam Wagstaff, Mariam Claeson, Robert M. Hecht, Pablo Gottret, et Qiu
Fang
10. Disparités entre les sexes dans le domaine de la santé
Mayra Buvinić, André C. Médici, Elisa Fernández, et Ana Cristina Torres
11. Politiques budgétaires pour la promotion de la santé et
la prévention des maladies
Rachel Nugent et Felicia Knaul
12. Financer les systèmes de santé au 21e siècle
George Schieber, Cristian Baeza, Daniel Kress, et Margaret Maier
13. Récentes tendances et innovations dans le domaine de l'aide au
développement en faveur de la santé
Robert Hecht et Raj Shah
14. Considérations déontologiques sur l'affectation des ressources,
la recherche, et la mise au point de nouveaux produits
Dan W. Brock et Daniel Wikler
15. Analyse économique pour l'établissement des priorités
Philip Musgrove et Julia Fox-Rushby
16. Tuberculose
Christopher Dye et Katherine Floyd
17. Infections transmises sexuellement
Sevgi O. Aral et Mead Over, avec Lisa Manhart et King K. Holmes
18. Prévention et traitement du VIH/SIDA
Stefano Bertozzi, Nancy S. Padian, Jeny Wegbreit, Lisa M. DeMaria, Becca
Feldman, Helene Gayle, Julian Gold, Robert Grant, et Michael T. Isbell
19. Maladies diarrhéiques
Gerald T. Keusch, Olivier Fontaine, Alok Bhargava, Cynthia Boschi-Pinto,
Zulfiqar A. Bhutta, Eduardo Gotuzzo, Juan Rivera, Jeffrey Chow, Sonbol
A. Shahid-Salles, et Ramanan Laxminarayan
20. Maladies pouvant être prévenues par un vaccin
Logan Brenzel, Lara J. Wolfson, Julia Fox-Rushby, Mark Miller,
et Neal A. Halsey
214 | Priorités en matière de santé
21. Vaincre le paludisme
Joel G. Breman, Anne Mills, Robert W. Snow, Jo-Ann Mulligan, Christian
Lengeler, Kamini Mendis, Brian Sharp, Chantal Morel, Paola Marchesini,
Nicholas J. White, Richard W. Steketee, et Ogobara K. Doumbo
22. Maladies tropicales faisant l'objet d'éradication : trypanosomiase,
filariose lymphatique, onchocercose et lèpre
J. H. F. Remme, P. Feenstra, P. R. Lever, André C.Médici, C. M. Morel, M.
Noma, K. D. Ramaiah, F. Richards, A. Seketeli, G. Schmunis, W. H. van
Brakel, et A. Vassall
23. Maladies tropicales ne faisant pas l'objet de mesures de lutte
adéquates : dengue, leishmaniose, et trypanosomiase africaine
P. Cattand, P. Desjeux, M. G. Guzmán, J. Jannin, A. Kroeger, A.C. Médici,
P. Musgrove, M. B. Nathan, A. Shaw, et C. J. Schofield
24. Infections helminthiques : infections helminthiques et
bilharziose transmises par le sol
Peter J. Hotez, Donald A. P. Bundy, Kathleen Beegle, Simon Brooker,
Lesley Drake, Nilanthi de Silva, Antonio Montresor, Dirk Engels,
Matthew Jukes, Lester Chitsulo, Jeffrey Chow, Ramanan
Laxminarayan, Catherine Michaud, Jeff Bethony, Rodrigo CorreaOliveira, Xiao Shuhua, Alan Fenwick, et Lorenzo Savioli
25. Infections respiratoires aiguës chez les enfants
Eric A. F. Simoes, Thomas Cherian, Jeffrey Chow, Sonbol A.
Shahid-Salles, Ramanan Laxminarayan, et T. Jacob John
26. Affections maternelles et périnatales
Wendy J. Graham, John Cairns, Sohinee Bhattacharya, Colin H. W.
Bullough, Zahidul Quayyum, et Khama Rogo
27. Survie des nouveau-nés
Joy E. Lawn, Jelka Zupan, Geneviève Begkoyian, et Rudolf Knippenberg
28. Arrêt de croissance, cachexie, et troubles dus à la carence en
micronutriments
Laura E. Caulfield, Stephanie A. Richard, Juan A. Rivera, Philip Musgrove,
et Robert E. Black
29. Interventions contre le cancer dans le cadre des services de santé
dans les pays en développement
Martin L. Brown, Sue J. Goldie, Gerrit Draisma, Joe Harford, et Joseph
Lipscomb
Table des matières, Priorités en matière de lutte contre les maladies dans les pays en développement, 2e édition | 215
30. Diabète : la pandémie et les solutions potentielles
K. M. Venkat Narayan, Ping Zhang, Alka M. Kanaya, Desmond E.
Williams, Michael M. Engelgau, Giuseppina Imperatore, et Ambady
Ramachandran
31. Troubles mentaux
Steven Hyman, Dan Chisholm, Ronald Kessler, Vikram Patel, Harvey
Whiteford
32. Troubles neurologiques
Vijay Chandra, Rajesh Pandav, Ramanan Laxminarayan, Caroline Tanner,
Bala Manyam, Sadanand Rajkumar, Donald Silberberg, Carol Brayne,
Jeffrey Chow, Susan Herman, Fleur Hourihan, Scott Kasner, Luis Morillo,
Adesola Ogunniyi, William Theodore, et Zhen-Xin Zhang
33. Maladies cardiovasculaires
Thomas Gaziano, K. Srinath Reddy, Fred Paccaud, Susan Horton et Vivek
Chaturvedi
34. Affections héréditaires de l'hémoglobine
David Weatherall, Olu Akinyanju, Suthat Fucharoen, Nancy Olivieri, et
Philip Musgrove
35. Maladies respiratoires des adultes
Frank E. Speizer, Susan Horton, Jane Batt, et Arthur S. Slutsky
36. Maladies du rein et du système urinaire
John Dirks, Giuseppe Remuzzi, Susan Horton, Arrigo Schieppati, et S.
Adibul Hasan Rizvi
37. Maladies de la peau
Roderick Hay, Sandra E. Bendeck, Suephy Chen, Roberto Estrada, Anne
Haddix, Tonya McLeod, et Antone Mahé
38. Maladies et affections orales et craniofaciales
Douglas Bratthall, Poul Erik Petersen, Jayanthi Ramanathan Stjernswärd,
et L. Jackson Brown
39. Blessures involontaires
Robyn Norton, Adnan A. Hyder, David Bishai, et Margie Peden
40. Violence interpersonnelle
Mark L. Rosenberg, Alexander Butchart, James Mercy, Vasant
Narasimhan, Hugh Waters, et Maureen S. Marshall
41. Alimentation en eau, assainissement et promotion de l'hygiène
Sandy Cairncross and Vivian Valdmanis
216 | Priorités en matière de santé
42. Pollution intérieure
Nigel Bruce, Eva Rehfuess, Sumi Mehta, Guy Hutton, et Kirk Smith
43. Pollution de l'air et de l'eau : charge et stratégies de combat
Tord Kjellström, Madhumita Lodh, Tony McMichael, Geetha
Ranmuthugala, Rupendra Shrestha, et Sally Kingsland
44. Prévention des maladies chroniques grâce à l'alimentation et au
changement de mode de vie
Walter C. Willett, Jeffrey P. Koplan, Rachel Nugent, Courtenay
Dusenbury, Pekka Puska, et Thomas A. Gaziano
45. Fardeau croissant du risque lié à l'hypertension artérielle, au
cholestérol et au poids corporel
Anthony Rodgers, Carlene M. M. Lawes, Thomas Gaziano, et Theo Vos
46. Tabacomanie
Prabhat Jha, Frank J. Chaloupka, James Moore, Vendhan Gajalakshmi,
Prakash C. Gupta, Richard Peck, Samira Asma, et Witold Zatonski
47. Alcoolisme
Jürgen Rehm, Dan Chisholm, Robin Room, et Alan D. Lopez
48. Abus d'opiacés illicites
Wayne Hall, Chris Doran, Louisa Degenhardt, et Donald Shepard
49. Troubles d'apprentissage et du développement
Maureen S. Durkin, Helen Schneider, Vikram S. Pathania, Karin B.
Nelson, Geoffrey Clive Solarsh, Nicole Bellows, Richard M. Scheffler,
et Karen J. Hofman
50. Perte de vision et d'audition
Joseph Cook, Kevin D. Frick, Rob Baltussen, Serge Resnikoff, Andrew
Smith, Jeffrey Mecaskey, et Peter Kilima
51. Efficience économique des interventions contre les infections
musculo-squelettiques
Luke B. Connelly, Anthony Woolf, et Peter Brooks
52. Maîtrise de la douleur chez les patients souffrant de cancer et
du sida
Kathleen M. Foley, Judith L. Wagner, David E. Joranson, et Hellen
Gelband
Table des matières, Priorités en matière de lutte contre les maladies dans les pays en développement, 2e édition | 217
53. Surveillance de la population : un outil pour cibler et contrôler
les interventions
Peter Nsubuga, Mark E. White, Stephen B. Thacker, Mark Anderson,
Steve B. Blount, Claire Broome, Tom Chiller, Victoria Espitia, Rubina
Imtiaz, Dan Sosin, Donna F. Stroup, Robert V. Tauxe, Maya
Vijayaraghavan, et Murray Trostle
54. Informations pour améliorer la prise de décision en matière
de santé
Sally K. Stansfield, Julia Walsh, Ndola Prata, et Timothy Evans
55. Pharmacorésistance
Ramanan Laxminarayan, Zulfiqar Bhutta, Adrian Duse, Philip Jenkins,
Thomas O'Brien, Iruka N. Okeke, Ariel Pablo-Mendez, et Keith P.
Klugman
56. Programmes de santé et de nutrition en milieu communautaire
J.B. Mason, D. Sanders, P. Musgrove, Soekirman, et R. Galloway
57. Contraception
Ruth Levine, Ana Langer, Nancy Birdsall, Gaverick Matheny, Merrick
Wright, et Angela Bayer
58. Programmes de santé et de nutrition en milieu scolaire
Donald Bundy, Sheldon Shaeffer, Matthew Jukes, Kathleen Beegle, Amaya
Gillespie, Lesley Drake, Seung-hee Frances Lee, Anna-Maria Hoffman,
Jack Jones, Arlene Mitchell, Cream Wright, Delia Barcelona, Balla
Camara, Chuck Golmar, Lorenzo Savioli, et Malick Sembene
59. Programmes de santé des adolescents
Elizabeth Lule, James E. Rosen, Susheela Singh, James C. Knowles,
et Jere R. Behrman
60. Santé au travail
Linda Rosenstock, Mark Cullen, et Marilyn Fingerhut
61. Atténuation des catastrophes naturelles et secours aux sinistrés
Claude de Ville de Goyet, Ricardo Zapata Marti, et Claudio Osorio
62. Maîtrise et éradication
Mark Miller, Scott Barrett, et D. A. Henderson
63. Prise en charge intégrée de l'enfant malade
Cesar G. Victora, Taghreed Adam, Jennifer Bryce, et David B. Evans
218 | Priorités en matière de santé
64. Soins primaires généraux
Stephen Tollman, Jane Doherty, et Jo-Ann Mulligan
65. Hôpitaux de district
Mike English, Claudio F. Lanata, Isaac Ngugi, et Peter C. Smith
66. Hôpitaux de recours
Martin Hensher, Max Price, et Sarah Adomakoh
67. Chirurgie
Haile T. Debas, Richard Gosselin, Colin McCord, et Amardeep Thind
68. Services d'urgence médicale
Olive C. Kobusingye, Adnan A. Hyder, David Bishai, Manjul Joshipura,
Eduardo Romero Hicks, et Charles Mock
69. Médecine complémentaire et parallèle
Haile T. Debas, Ramanan Laxminarayan, et Stephen E. Straus, MD
70. Améliorer la qualité des soins dans les pays en développement
John W. Peabody, Mario M. Taguiwalo, David A. Robalino, et Julio Frenk
71. Agents de santé : bâtir et motiver la main-d'œuvre
Charles Hongoro and Charles Normand
72. Assurer l'approvisionnement en médicaments et en vaccins
appropriés
Susan Foster, Richard Laing, Bjorn Melgaard, et Michel Zaffran
73. Gestion stratégique des services cliniques
Alexander S. Preker, Martin McKee, Andrew Mitchell, et Suwit
Wilbulpolprasert
Table des matières, Priorités en matière de lutte contre les maladies dans les pays en développement, 2e édition | 219
Table des matières, Charge de morbidité
mondiale et facteurs de risque
1. Mesure de la charge de morbidité mondiale et des facteurs de risque,
1990–2001
Alan D. Lopez, Colin D. Mathers, Majid Ezzati, Dean Jamison, et
Christopher J. L. Murray
2. Caractéristiques démographiques et épidémiologiques des
principales régions, 1990–2001
Alan D. Lopez, Stephen Begg, et Ed Bos
3. Charge de morbidité et mortalité par affection : données, méthodes
et résultats pour 2001
Colin D. Mathers, Alan D. Lopez, et Christopher J. L. Murray
4. Quantification comparative de la mortalité et de la charge de
morbidité attribuables à quelques grands facteurs de risque
Majid Ezzati, Stephen Vander Hoorn, Alan D. Lopez, Goodarz Danaei,
Anthony Rodgers, Colin Mathers, et Christopher J. L. Murray
5. Analyses de sensibilité et d’incertitude des estimations de charge de
morbidité et de facteurs de risque
Colin D. Mathers, Joshua A. Salomon, Majid Ezzati, Stephen Begg,
Stephen Vander Hoorn, et Alan D. Lopez
6. Intégrer les décès survenant peu après la naissance aux estimations
de la charge de morbidité mondiale
Dean T. Jamison, Sonbol A. Shahid-Salles, Julian Jamison, Joy E. Lawn, et
Jelka Zupan
Table des matières, Priorités en matière de lutte contre les maladies dans les pays en développement, 2e édition | 221
Photos
Conception de la couverture : Naylor Design
Photo de couverture : Dominic Sansoni, Banque mondiale
Chapitre 1, page 1 : Dominic Sansoni, Banque mondiale
Chapitre 2, page 25 : Curt Carnemark, Banque mondiale
Chapitre 3, page 41 : Dominic Sansoni, Banque mondiale
Chapitre 4, page 61 : Tran Thi Hoa, Banque mondiale
Chapitre 5, page 105 : Ray Witlin, Banque mondiale
Chapitre 6, page 139 : Alan Gignoux, Banque mondiale
Chapitre 7, page 169 : Anatoliy Rakhimbayev, Banque mondiale
Chapitre 8, page 195 : Curt Carnemark, Banque mondiale
Table des matières, Priorités en matière de lutte contre les maladies dans les pays en développement, 2e édition | 223