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Priorités en matière de santé Comité consultatif de rédaction J.R. Aluoch Jacques Baudouy Fred Binka Mayra Buvinić David Challoner Guy de Thé Timothy Evans Richard Horton Sharon Hrynkow Gerald Keusch Kiyoshi Kurokawa Peter Lachmann Mary Ann Lansang Christopher Lovelace Anthony Mbewu Rajiv Misra Perla Santos Ocampo G.B.A. Okelo Sevket Ruacan Pramilla Senanayake Jaime Sepúlveda Chitr Sitthi-amorn Sally Stansfield Misael Uribe Zhengguo Wang Witold Zatonski Ont également contribué à la rédaction William D. Savedoff et Anne-Marie Smith, Social Insight Priorités en matière de santé Rédacteurs Dean T. Jamison Joel G. Breman Anthony R. Measham George Alleyne Mariam Claeson David B. Evans Prabhat Jha Anne Mills Philip Musgrove ©2006 Banque internationale pour la reconstruction et le développement / Banque mondiale 1818 H Street NW Washington, DC 20433 États-Unis d’Amérique Téléphone : 202-473-1000 Site Web : www.worldbank.org Courriel : [email protected] Tous droits réservés 1 2 3 4 09 08 07 06 Le présent ouvrage a été financé en partie par un don de la Fondation Bill & Melinda Gates et a été établi par les services de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale, l’Organisation mondiale de la santé et le Fogarty International Center, qui fait partie des National Institutes of Health (NIH). Les observations, interprétations et conclusions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues du Conseil des administrateurs de la Banque mondiale ni des pays que ceux-ci représentent, ni de l’Organisation mondiale de la santé ou du Fogarty International Center qui fait partie du NIH. La Banque mondiale, l’Organisation mondiale de la santé et le Fogarty International Center, qui fait partie du NIH, ne garantissent pas l’exactitude des données présentées dans la présente publication. Les frontières, les couleurs, les dénominations et toute autre information figurant sur les cartes du présent document n’impliquent de la part de la Banque mondiale, de l’Organisation mondiale de la santé ou du Fogarty International Center, qui fait partie du NIH, aucun jugement quant au statut juridique d’un territoire quelconque et ne signifient nullement que ceuxci reconnaissent ou acceptent ces frontières. Droits et autorisations Le contenu de cette publication fait l’objet d’un dépôt légal. La reproduction et/ou la transmission sans autorisation de tout ou partie de ce texte peuvent constituer une infraction à la législation en vigueur. La Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale encourage la diffusion de ses études et accorde habituellement sans délai l’autorisation d’en reproduire des passages. Pour obtenir l’autorisation de photocopier ou d’imprimer des passages, veuillez en adresser la demande, accompagnée de tous les renseignements nécessaires, au Copyright Clearance Center Inc., 222 Rosewood Drive, Danvers, MA 01923, USA ; téléphone : 978-750-8400 ; télécopie : 978-750-4470; site Web : www.copyright.com. Pour tout autre renseignement sur les droits et licences, y compris les droits subsidiaires, veuillez vous adresser à : Office of the Publisher, The World Bank, 1818 H Street NW, Washington, DC 20433, USA ; télécopie : 202522-2422 ; courriel : [email protected]. ISBN-10: 0-8213-6446-4 ISBN-13: 978-0-8213-6446-8 eISBN: 0-8213-6447-2 DOI: 10.1596/978-0-8213-6446-8 Une demande a été soumise à la Bibliothèque du Congrès des États-unis en vue de cataloguer cette publication. Table des matières Avant-propos vii Remerciements xi Sigles et abréviations xiii 1. Accomplissements, problèmes et priorités Réussites historiques en matière de la santé dans le monde Explication des améliorations de santé Santé et croissance économique Équité Programme d’action Tirer parti du DCP2 Le présent volume 1 3 4 8 9 14 18 20 2. Succès en matière de réalisation des priorités Succès réalisés malgré la faiblesse des systèmes de santé Succès ayant renforcé des systèmes de santé faibles Interventions efficaces visant à bâtir les systèmes de santé Interventions efficaces ayant stimulé les systèmes de santé existants Interventions efficaces au-delà des systèmes de santé Conclusion 25 30 31 33 35 37 40 3. Analyse coût-efficacité Pourquoi recourir à l’analyse coût-efficacité ? Qu’est-ce que l’analyse coût-efficacité ? Quel est le degré de fiabilité de l’analyse coût-efficacité ? Quelles sont les tâches appropriées auxquelles s’applique l’analyse coût-efficacité ? Comment les décideurs peuvent-ils utiliser l’analyse coût-efficacité ? Récapitulatif de l’utilisation judicieuse de l’analyse coût-efficacité 41 41 43 51 52 4. Stratégies efficaces au plan économique pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement Maladies infectieuses et transmissibles Santé maternelle et néonatale 61 55 59 62 89 v 5. Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements Maladies cardiovasculaires, diabète, hypertension artérielle, cholestérol et surpoids Cancer Affections congénitales et troubles du développement Traumatismes involontaires Tabagisme Abus d’alcool Santé mentale Conclusion 105 6. La mise en œuvre des interventions Niveaux de prise en charge Services et ressources communs à tous les niveaux Intégration des services sur le cycle de vie 139 140 151 161 7. Les piliers du système de santé Information, surveillance et recherche Gestion des services de santé Ressources humaines Financement 169 169 179 183 188 8. Des pistes pour agir 195 Bibliographie 199 Les rédacteurs 203 Comité consultatif de rédaction 211 Ont également contribué à la rédaction 212 Table des matières, Priorités en matière de lutte contre les maladies dans les pays en développement, 2e édition 213 Table des matières, Charge de morbidité mondiale et facteurs de risque 221 Photos 223 vi | Priorités en matière de santé 106 113 115 119 124 130 134 138 Avant-propos Le présent ouvrage, Priorités en matière de santé, est publié en complément de Disease Control Priorities in Developing Countries, 2e édition (DCP2), vaste étude qui a succédé à la première édition du même titre (DCP1) avec une mission très élargie. Le DCP1 a eu des répercussions très importantes sur l’élaboration des politiques de santé à travers le monde. Construit à partir de ses principaux concepts et messages, le premier Rapport sur le développement dans le monde publié par la Banque mondiale en 1993 (WDR93) est devenu — et reste encore aujourd’hui — l’ouvrage de référence des responsables de la santé publique aux quatre coins de la planète. En Inde, l’impact du DCP1 a été considérable, et j’ai eu l’immense privilège de pouvoir organiser et superviser les changements induits, à savoir la mise en œuvre d’interventions en santé publique très supérieures en termes de couverture et d’efficacité. Cette petite révolution a été facilitée par un exceptionnel concours de circonstances. L’Inde se trouvait confrontée alors à un déficit colossal de son budget et de sa balance des paiements. Contrainte de solliciter des prêts d’ajustement structurel auprès du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, elle devait consentir de fortes compressions budgétaires. Dans le même temps, la Banque mondiale avait décidé d’attribuer davantage de ressources de l’IDA aux secteurs sociaux, et peu de projets avaient été soumis dans le domaine de la santé et de l’éducation pour bénéficier des financements aux conditions très libérales de l’IDA dans un contexte de grave pénurie de devises. Enfin, l’équipe du bureau de l’Inde à la Banque mondiale a fait preuve d’une bienveillance et d’une coopération extraordinaires. Nous avons été initiés aux grandes idées du DCP1 bien avant la publication de l’ouvrage en 1993, à l’occasion d’un séminaire organisé début 1992 à Delhi au prestigieux Institut des sciences médicales de l’Inde, où Dean Jamison et ses collègues ont exposé les principales conclusions du DCP1 et du WDR93, notamment les concepts d’année de vie corrigée du facteur d’invalidité (AVCI), d’impact sur la morbidité, de transition épidémiologique, et d’analyse coût-efficacité en tant qu’outils utiles pour définir les priorités. Il s’agissait d’une manière totalement nouvelle de définir des priorités de façon objective, à partir de données factuelles et d’analyses économiques. Bien que les méthodologies et les estimations présentées suscitèrent au départ un certain scepticisme bien compréhensible, l’accueil fut globalement très favorable. À la même période, la Banque mondiale recherchait des critères objectifs pour sélectionner des projets intéressants dans le secteur de la santé. L’idée d’utiliser les techniques du DCP1 fit son chemin entre la Banque et le ministère de la Santé, ce qui conduisit à restructurer et accélérer en un temps record tous les grands projets existants de lutte contre les maladies — en particulier contre la lèpre, la cécité, la tuberculose et le paludisme — et à lancer de nouveaux programmes pour faire face à la menace du VIH/SIDA. Simultanément, d’autres projets de renforcement des capacités du système de santé furent entrepris dans plusieurs États. De ce fait, les dépenses de développement du ministère de la Santé (différent du ministère de la Famille) se trouvèrent multipliées par plus de 5, et la composante externe par plus de 25 en à peine plus d’une décennie, entre 1990–1991 et 2001–2002 (India Health Report 2003). Non seulement les ressources financières disponibles vii avaient augmenté au-delà de toutes les espérances, mais la manière dont les projets étaient formulés et appliqués avait été radicalement modifiée. Le Gouvernement indien et la Banque mondiale peuvent être légitimement fiers du succès remporté — et dire merci au DCP1 grâce auquel les moyens supplémentaires ont été affectés à des interventions coût-efficaces, ciblées sur les problèmes de santé les plus lourds sur le plan de la charge de morbidité. Des terrains nouveaux Le DCP2 représente un travail beaucoup plus complet et réellement très ambitieux, qui va bien au-delà de la mise à jour du contenu technique, des statistiques de morbidité et des estimations des rapports coût-efficacité présentés dans le DCP1. Il part sur des terrains totalement nouveaux en abordant des sujets importants mais également très complexes tels que la mise en œuvre des interventions, ou encore la gestion et le financement des services de santé et de la recherche en santé. Le DCP2 stipule clairement que définir des priorités objectives n’est qu’une première étape — l’efficacité économique théorique des interventions sélectionnées ne se matérialisant que si elles sont appliquées correctement à la population ciblée, que les interventions en santé publique produisent rarement des effets de façon isolée, et que, souvent, il faut parvenir non seulement à ce que l’ensemble du système de santé fonctionne bien, mais à ce que tous les secteurs corrélés comme la nutrition, l’eau potable, l’assainissement, l’éducation, etc., contribuent aux résultats. Ainsi, le succès passe par le renforcement des capacités de tout le système, et aussi par l’instauration de liens étroits avec les autres acteurs. Un rassemblement d’experts mondiaux Pour accomplir sa formidable tâche, le DCP2 a réuni un panel des plus grands experts mondiaux dans toutes les disciplines liées à la santé, et représente à ce titre une collection inestimable de savoirs, d’informations techniques et d’expériences internationales les plus récents, avec des analyses spécialisées sur pratiquement tous les sujets en rapport avec la santé. On peut donc s’attendre à ce que le DCP2 fasse largement autorité et devienne un ouvrage de référence pour les professionnels de la santé et les responsables politiques. Pour des choix plus pertinents Le DCP2 peut en outre apporter une immense contribution à l’amélioration de la santé mondiale en encourageant les acteurs concernés, à tous les niveaux, à mieux s’informer et à fonder leurs décisions sur des données factuelles. Cette publication arrive à point nommé pour mon propre pays, l’Inde, où, pour la première fois depuis l’Indépendance, le gouvernement en place manifeste une ferme volonté de faire de la santé une grande priorité et de relever les dépenses publiques de santé afin que, de moins de 1 % du PIB actuellement, elles représentent entre 2 et 3% du PIB. Le DCP2 pourrait donc avoir une portée bien supérieure à la précédente édition du fait que, grâce à lui, non seulement les ressources supplémentaires seront certainement mieux utilisées, mais le système de santé public, très peu performant sur une grande partie du territoire, pourra être redynamisé et modernisé. viii | Priorités en matière de santé Expliquer les mesures de mortalité et de morbidité Le projet DCP a également abouti à la publication d’un livre séparé, Global Burden of Disease and Risk Factors, qui résume les concepts et les estimations de la charge de morbidité ainsi que l’attribution de cette charge à plusieurs grands facteurs de risque. On y explique précisément comment la mortalité et la morbidité sont calculées, en incluant des données telles que la mortalité périnatale, qui n’étaient pas prises en compte auparavant dans ces estimations, et comment ces pertes sont combinées pour établir des mesures globales de la situation sanitaire, avec des estimations sur l’évolution de la mortalité dans le temps. Des aspects essentiels souvent négligés Le DCP2 a le mérite d’insister sur certaines questions essentielles, bien connues mais souvent insuffisamment évoquées dans la littérature internationale sur la santé. Avant toute chose, il rappelle que l’équité doit être un objectif primordial de la politique de santé. Au-delà des considérations morales ou de qualité de vie, il faut bien comprendre en effet que la santé joue un rôle déterminant dans la lutte contre la pauvreté Par ailleurs, comme le souligne le DCP2, « les interventions peuvent accroître les inégalités au lieu de les réduire si le principe d’équité n’est pas pleinement intégré dans les processus de prise de décision et de suivi des résultats ». L’ouvrage attribue à juste titre une bonne part des avancées mondiales en matière de santé au progrès technique dans son sens le plus large, et explique les inégalités criantes qui existent, à l’intérieur des pays comme d’un État à l’autre, à l’application inégale de ce savoir. Le principal enjeu pour la communauté internationale est donc de « veiller à ce que les bénéfices du progrès technique soient partagés rapidement par l’ensemble de la planète … ». On ne pouvait souhaiter d’arguments plus puissants et plus clairs en faveur de l’équité. Une vision nuancée et pragmatique La seconde qualité du DCP2 tient à sa liberté de pensée et à sa démarche extrêmement pragmatique, d’où une absence totale de prosélytisme et une ouverture d’esprit bienvenue. Il admet clairement que, du fait de la diversité des situations socioéconomiques, des cultures et des modes de gouvernance, les problèmes de santé complexes de la planète ne peuvent pas être résolus selon un modèle unique. Il s’efforce donc de rassembler toutes les connaissances et toutes les analyses pertinentes des expériences internationales pour permettre aux responsables politiques de prendre des décisions adaptées à leur situation particulière en toute connaissance de cause. Le DCP2 se caractérise également par le fait que, contrairement à beaucoup d’autres rapports, il adopte une position très nuancée entre la nécessité de mobiliser des ressources et l’importance de bien les utiliser. De même, il fait preuve d’une rare objectivité dans son analyse des responsabilités de la communauté des donateurs et de celles des pays en développement eux-mêmes. Le message est à l’évidence que, si les riches doivent donner beaucoup plus, les pauvres doivent faire le ménage chez eux pour bien employer l’argent dont ils disposent. Si l’on doit s’attendre à ce que l’appui des donateurs reste principalement motivé par leur intérêt bien compris, un saut qualitatif dans l’utilisation de l’aide améliorerait indiscutablement les choses. Avant-propos | ix Des informations très complètes Le DCP2 est un ouvrage volumineux très documenté, comportant 73 chapitres, qui n’est peutêtre pas d’une lecture facile pour un lecteur profane. Même les universitaires et les professionnels de santé peuvent ne pas être intéressés autant par tous les sujets et vouloir le lire sélectivement. Il a été écrit pour un public très large : des universitaires et des professionnels de santé aux responsables de la santé publique et aux gestionnaires de programmes. En réalité, pour en tirer le maximum de profit, il faudrait le diffuser dans les médias, les partis politiques, les parlementaires et l’ensemble des citoyens informés. Combien de fois nous sommes-nous lamentés de voir de nombreuses interventions en santé publique, dans les pays en développement, être négligées et se solder par un échec par manque de volonté politique ? De la même façon, l’immobilisme des pays donateurs face à des causes pourtant très justes de l’aveu de chacun est souvent attribué à l’apathie et l’indifférence manifestées par la population des pays riches devant les problèmes des pauvres. Une présentation succincte du contenu du DCP2 Il est évident que, dans les sociétés démocratiques, tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement, l’opinion publique joue un rôle déterminant et doit être mobilisée de façon systémique. Les messages essentiels doivent donc être transmis aux médias et aux lecteurs profanes sur une grande échelle, de manière à générer une prise de conscience générale et un débat informé sur les grands problèmes de santé mondiaux. Nous avions besoin d’un ouvrage parallèle qui extraie l’essentiel du DCP2 en un document succinct, clair et facile à lire. Priorités en matière de santé répond admirablement à ce besoin. De même que les travaux du DCP1 se sont fait connaître essentiellement à travers le WDR 93, Priorités en matière de santé va permettre de diffuser plus largement le contenu du DCP2. En à peine 200 pages, il présente l’essentiel du DCP2 de façon claire dans un langage très lisible, débarrassé du jargon technique et d’une surcharge de statistiques. Il constitue aussi un premier aperçu de l’ouvrage entier pour les lecteurs qui s’intéresseraient à telle ou telle question traitée, en renvoyant aux chapitres correspondants du DCP2. Il peut être lu avec intérêt par des responsables politiques très pressés, par exemple pendant un trajet en avion. Je souhaite sincèrement que Priorités en matière de santé sera lu très largement dans les pays riches comme dans les pays en développement, et que ses messages susciteront une réflexion active afin que cet admirable travail apporte un maximum de bénéfices. Priorités en matière de santé constitue à mon sens une lecture incontournable pour tous ceux qui s’intéressent à la santé et aux secteurs apparentés. Rajiv Misra ancien ministre de la Santé de l’Inde x | Priorités en matière de santé Remerciements Début 2001, Dean T. Jamison et Prabhat Jha sont convaincus que les progrès réalisés en matière de santé dans le monde appellent une seconde édition de Disease Control Priorities in Developing Countries, et sollicitent le concours d’Anthony R. Measham : le projet DCP est né. Six autres rédacteurs les rejoignent peu après : George Alleyne, Joel G. Breman, Mariam Claeson, David Evans, Anne Mills et Philip Musgrove. Le DCP1 (Disease Control Priorities in Developing Countries, 1ère édition) était basé à la Banque mondiale. Christopher Lovelace était Directeur de l’unité Santé, nutrition et population à la Banque mondiale en 2001 lorsqu’elle devint le premier des trois partenaires centraux du projet DCP. Elle fut bientôt suivie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dirigée par Gro Harlem Bruntland, alors Directeur général, et Christopher Murray, Chef de la Division Bases factuelles et information à l’appui des politiques Gerald Keusch, alors Directeur du Fogarty International Center (FIC) au National Institutes of Health (NIH), offrit généreusement d’accueillir le projet DCP. Ce projet fut lancé début 2002 avec une aide importante de la Fondation Bill & Melinda Gates. Par la suite, J.W. Lee à l’OMS, Jacques Baudouy à la Banque mondiale, et Sharon Hrynkow au FIC/NIH continuèrent de soutenir le projet DCP aussi activement que leurs prédécesseurs. Le projet DCP est une entreprise conjointe du Fogarty International Center (FIC) du National Institutes of Health (NIH), de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de la Banque mondiale, et du Population Reference Bureau. Le Fogarty International Center est la composante internationale du NIH. Il travaille sur les problèmes sanitaires mondiaux à travers des programmes de formation et des travaux de recherche originaux et collaboratifs ; il appuie la mission du NIH par des partenariats internationaux. L’OMS est l’agence spécialisée des Nations Unies chargée de la santé. Son objectif, tel que défini dans sa Constitution, est d’amener tous les peuples au niveau de santé le plus élevé possible. La Constitution de l’OMS définit la santé comme un état de complet bien-être physique, mental et social, et pas seulement l’absence de maladie ou d’infirmité. Le Groupe de la Banque mondiale est l’une des plus importantes sources mondiales d’aide au développement. La Banque, qui accorde chaque année à ses pays clients 18 à 22 milliards de dollars de prêts, a fourni en 2004 1,27 milliard de dollars au secteur santé, nutrition et population. La Banque mondiale travaille aujourd’hui dans plus de 100 pays en développement, apportant à ses États clients des services d’études et de dialogue sur la politique publique, ainsi que des prêts destinés à améliorer la qualité de vie des populations — y compris sur le plan de la santé et de l’instruction — et à lutter contre la pauvreté. Le Population Reference Bureau (PRB) a une mission d’information mondiale sur les questions de santé, population et environnement, et s’efforce de donner aux peuples les moyens nécessaires pour utiliser ces informations afin de promouvoir le bien-être des générations actuelles et futures. Depuis 75 ans, le PRB analyse des données complexes et les résultats d’études pour produire des informations objectives à des intervalles de temps appropriés et dans un format qui xi puisse être compris facilement par les militants, les journalistes et les responsables politiques. Il organise également des séminaires dans le monde entier afin de fournir à des publics stratégiques les outils dont ils ont besoin pour comprendre les problèmes importants et savoir en parler. Enfin, le PRB s’efforce d’amener les responsables politiques à fonder leurs décisions sur des données fiables et non sur des informations anecdotiques ou obsolètes. L’idée de cet ouvrage parallèle à l’intention des responsables politiques et d’autres personnalités influentes a germé à la première réunion du comité consultatif de rédaction du projet DCP, qui s’est tenue en juin 2003 à Cuernavaca (Mexique). Elle a été immédiatement adoptée par le comité exécutif de ce comité, composé de Jaime Sepúlveda, président, Guy de Thé et David Challenor. Priorités en matière de santé a été rédigé par William Savedoff et Amy Smith à partir du contenu de l’ouvrage Disease Control Priorities in Developing Countries, 2e édition. Les rédacteurs, les auteurs et l’équipe du projet DCP sont extrêmement reconnaissants à Bill et Amy d’avoir su rendre en très peu de pages l’essentiel de ce second volume de 1 400 pages. Philip Musgrove, Sonbol Shahid-Salles et Anthony Measham ont relu et corrigé ce volume condensé ; si certaines informations clés n’y apparaissaient pas, ils en seraient responsables. Carlos Rossel, Mary Fisk, Randi Park, Nancy Lammers, Alice Faintich, Andres Meneses et leurs collègues du Bureau des publications de la Banque mondiale ont accompli un travail remarquable à toutes les étapes de la production des ouvrages du projet DCP, y compris le présent livre. Sans leur professionnalisme, leur attention au moindre détail, leur travail acharné, leur soutien indéfectible et leurs conseils, il n’aurait pas été possible de publier ce livre en complément de la seconde édition. La version française a été établie par l'Unité de traduction et d'interprétation de la Banque mondiale (Washington) Enfin, les rédacteurs du projet DCP souhaitent rendre hommage aux 350 et quelques auteurs de la seconde édition pour leurs éminentes contributions à Priorités en matière de santé. Par le biais du présent ouvrage, nous l’espérons, le DCP2 amènera une diminution importante de la mortalité, de la morbidité et de l’invalidité dans le monde entier, en particulier parmi les pauvres dans les pays en développement. xii | Priorités en matière de santé Sigles et abréviations TRA BCG MCV DCP2 AVCI DOTS PIB Hib PCIME MTI ODM TRO ONG SRAS MST OMS thérapie antirétrovirale bacille de Calmette et Guérin maladie cardiovasculaire Disease Control Priorities in Developing Countries, 2e édition année de vie corrigée du facteur d’invalidité stratégie appliquée au niveau international pour lutter contre la propagation de la tuberculose produit intérieur brut Haemophilus influenzae de type B prise en charge intégrée des maladies de l’enfant moustiquaire traitée aux insecticides Objectifs de développement pour le Millénaire thérapie de réhydratation par voie orale organisation non gouvernementale syndrome respiratoire aigu sévère maladie sexuellement transmissible Organisation mondiale de la santé Tous les montants en dollars sont en dollars des États-Unis, sauf indication contraire. xiii Chapitre 1 Accomplissements, problèmes et priorités Le moment est venu de procéder à un examen de l’état de santé des populations du monde. Certes, bon nombre de personnes vivent plus longtemps et en meilleure santé qu’avant, mais tout aussi nombreuses sont celles qui n’ont toujours pas accès aux soins de santé les plus élémentaires, et l’écart entre les niveaux de soins dont bénéficient les riches et les pauvres s’est effectivement accentué en ce qui concerne certains besoins essentiels. Pour ce qui est des maladies infectieuses, même si la communauté médicale maîtrise de façon satisfaisante certaines d’entre elles — elle en a même éradiqué une — de nouvelles affections apparaissent, dont quelques-unes sont causées par des virus mystérieux qui passent d’une espèce à l’autre ou subissent des mutations rapides. Les autres grandes composantes de la morbidité mondiale sont liées au comportement humain et aux choix préjudiciables opérés aux niveaux individuel et collectif. L’ouvrage intitulé Disease Control Priorities in Developing Countries, deuxième édition (DCP2), rédigé par Jamison et al. (2006), se veut un examen à la fois de la situation sanitaire et des soins de santé. Quels progrès la communauté médicale a-t-elle accomplis en termes d’identification et d’allégement de la charge de morbidité mondiale ? Quelle est l’ampleur des réalisations des pays dans le domaine de la mise au point et de la mise en œuvre de soins de santé efficients, efficaces et équitables ? Comment les pays doivent-ils établir et réaliser les priorités en matière de santé ? En 1993, la première édition de Disease Control Priorities in Developing Countries (Jamison et al. 1993) présentait des connaissances sur la distribution de la morbidité dans les pays en développement, des informations actualisées sur nombre de ces maladies et des données sur le rapport coût-efficacité des interventions disponibles pour lutter contre ces dernières. Cet ouvrage a contribué à éclairer et à donner une impulsion aux politiques du secteur de la santé dans les pays du monde entier, 1 en montrant les avantages d’une réorientation des efforts vers les maladies ayant de lourdes charges, et ce grâce à des interventions efficaces. Il a jeté la base conceptuelle de l’examen de la répartition des ressources dans le secteur de la santé, tout en illustrant les liens existant entre la prévention et le traitement, entre les services de santé publique et ceux de soins personnels, et entre le secteur de la santé et les autres secteurs. Les renseignements et les analyses contenus dans cet ouvrage paru en 1993 ont aidé nombre de pays en développement à définir des ensembles de base de soins de santé ; ils ont éclairé la gestion de leurs décisions relatives à la formation, aux fournitures et au matériel ; et ils ont contribué à la mise au point de programmes d’assurance sociale. L’ouvrage a par ailleurs inspiré de nombreuses autres publications pendant les années 90, y compris celle intitulée World Development Report 1993 : Investing in Health (Banque mondiale 1993). Aujourd’hui, 13 ans plus tard, le DCP2 évalue les réalisations subséquentes, les problèmes nouveaux et ceux qui restent à résoudre, ainsi que les nouvelles opportunités d’amélioration de la santé dans le monde en développement. Cette nouvelle publication va plus loin que l’ouvrage précédent à maints égards, notamment les suivants : • il comprend l’analyse d’un nombre plus élevé de maladies et d’affections, couvrant tout l’éventail des maladies infectieuses, des problèmes relatifs à la reproduction, des questions liées à la santé infantile, des maladies non transmissibles et des traumatismes, ainsi que les facteurs de risque et les conséquences de chaque maladie. • par rapport à l’édition précédente, il propose une analyse coût-efficacité plus approfondie et permet plus de comparaisons entre les affections et les régions. • il accorde une attention considérable à la mise en œuvre, en examinant comment fournir, gérer et financer les soins de santé. • il traite de problèmes transsectoriels, tels que les disparités entre les sexes en ce qui concerne l’état de santé, et les dimensions morales de la répartition des ressources. Cette nouvelle publication est par conséquent une évaluation complète et actualisée des connaissances médicales, économiques et sur la gestion qui peuvent être exploitées à l’heure actuelle pour alléger la lourde charge de morbidité mondiale et améliorer la santé. 2 | Priorités en matière de santé RÉUSSITES HISTORIQUES EN MATIÈRE DE SANTÉ DANS LE MONDE Tout bilan doit comprendre une analyse des antécédents pathologiques1. L’examen des améliorations sans précédent apportées à la santé durant le dernier siècle fournit d’importantes perspectives sur la situation actuelle. Jusqu’au 19e siècle, le décès des nourrissons et des enfants était monnaie courante dans le monde entier. La mauvaise alimentation occasionnait des retards de croissance chez la plupart des personnes par rapport aux normes actuelles. Des maladies infectieuses telles que la variole, la rougeole et la tuberculose ont décimé des communautés entières et elles ont diminué et rendu invalides un grand nombre de personnes. L’espérance de vie était faible partout dans le monde. Même chez les femmes anglaises, qui avaient la plus longue durée de vie au monde entre 1600 et 1840, l’espérance de vie fluctuait entre 35 et 45 ans, soit la moitié de l’espérance de vie d’aujourd’hui (figure 1.1). La situation générale a changé rapidement et radicalement depuis le milieu du 19e siècle. La communauté médicale a maîtrisé nombre de « Jusqu’au 19e siècle, le décès des nourrissons et des enfants était monnaie courante dans le monde entier ». Figure 1.1 Limites et convergence de la moyenne nationale de l’espérance de vie à la naissance chez les femmes Espérance de vie moyenne en années 90 90 85 85 Japon 80 80 75 75 Pays nordiques 75% 70 70 50% 65 25% 65 60 60 Nouvelle-Zélande 55 55 50 50 Norvège Population 45 45 mondiale Estimations pour Écart 40 40 l’Angleterre interquartile 35 35 Sierra Leone 30 30 Limite inférieure de viabilité 25 25 20 20 1550 1600 1650 1700 1750 1800 1850 1900 1950 2000 2050 Source: Oeppen 1999. 1 Pour des perspectives historiques sur la santé et les soins de santé, se reporter aux chapitres 1 et 33 du DCP2. Accomplissements, problèmes et priorités | 3 maladies infectieuses, et elle a même éradiqué la variole ; l’amélioration de l’alimentation et de l’état de santé général a réduit le taux de mortalité dans tous les groupes d’âge, tout particulièrement chez les enfants ; et la durée de vie a augmenté considérablement. Après 1840, la tendance à la hausse de la durée de vie s’est poursuivie à un taux étonnamment régulier et uniforme d’augmentation de 2,5 ans par décennie au cours des 160 années suivantes. En 1900, l’espérance de vie la plus élevée dépassait à peine 60 ans ; en 2000, elle était supérieure à 80 ans. Cela étant, bien que les gains de santé et d’espérance de vie n’aient pas été uniformes partout sur la planète et ne se soient pas réalisés au même moment ou dans les mêmes proportions, ils ont été généralisés : • La variole a été éradiquée à l’échelle mondiale en 1977. • La polio n’est plus présente que dans une poignée de pays. • La diphtérie, la coqueluche, la rougeole et le tétanos sont rares ou inexistants dans nombre de régions du monde. • La mortalité infantile, tout en restant élevée dans de nombreuses régions, a baissé presque partout. • L’espérance de vie moyenne s’est accrue — bien qu’avec des retours en arrière — dans le monde entier. Entre 1960 et 2002, l’espérance de vie moyenne a augmenté de 36 à 71 ans en Chine, de 56 à 71 ans en Amérique latine et dans les Caraïbes, de 47 à 69 ans au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, et de 44 à 63 ans en Asie du Sud. L’espérance de vie moyenne a augmenté même en Afrique subsaharienne, passant de 40 à 50 ans en 1990 avant de retomber à 46 ans en 2002, en raison principalement de la progression de l’épidémie du VIH/SIDA (tableau 1.1). Bien que l’espérance de vie des pays à revenu élevé dépasse celle des régions en développement, la convergence entre les taux des deux groupes est remarquable. En 1910, l’on s’attendait par exemple à ce qu’un enfant de sexe masculin vive pendant 49 ans s’il naissait aux États-Unis, et 29 ans s’il venait au monde au Chili. Vers la fin des années 90, en revanche, l’espérance de vie avait atteint 73 ans aux États-Unis, contre 72 ans au Chili. EXPLICATION DES AMÉLIORATIONS DE LA SANTÉ Une série de facteurs expliquent les améliorations remarquables et généralisées enregistrées dans le domaine de la santé au cours du 20e siècle, notamment l’évolution de la démographie, l’accroissement de la productivité, l’urbanisation, l’augmentation des ressources vivrières, les sciences médicales, l’assainissement, et les changements institutionnels. Certaines 4 | Priorités en matière de santé Tableau 1.1 Niveaux et tendances de l’espérance de vie entre 1960 et 2002, par région de la Banque mondiale Espérance de vie (années) Taux de changement par décennie (années) Région 1960 1990 2002 1960–1990 1990–2002 Pays à revenu faible ou intermédiaire 45,2 63 65 6,3 1,7 39 67 70 9,3 2,5 Asie de l’Est et Pacifique (36) (69) (71) (11) (1,7) Europe et Asie centrale (Chine) s/o 69 69 s/o 0,0 Amérique latine et Caraïbes 56 68 71 4,0 2,5 Moyen-Orient et Afrique du Nord 47 64 69 5,7 4,2 Asie du Sud 44 58 63 4,7 4,2 (Inde) (44) (59) (64) (5) (4,6) 40 50 46 3,3 –3,3 Pays à revenu élevé Afrique subsaharienne 69 76 78 2,3 1,7 Monde 57 70 72 4,3 1,7 Source : Banque mondiale 2004. Note : les données représentent l’espérance de vie moyenne des hommes et des femmes. analyses historiques cherchent à trouver un facteur dominant tous les autres et mettent l’accent sur un facteur crucial, tandis que d’autres approches soulignent l’interaction entre plusieurs facteurs. Les efforts déployés pour comprendre les changements sans précédent qui sont intervenus dans le domaine de la santé humaine au 20e siècle ont consisté notamment à étudier les théories relatives à l’histoire et à la nature de la causalité, ainsi que la manière dont elles ont contribué à l’étude de l’épidémiologie. Nombre d’explications différentes sont possibles, mais dans le cadre de l’objectif que nous visons, à savoir tirer les leçons de cette exceptionnelle trajectoire historique, les deux messages clairs ci-après se dégagent : • La croissance du revenu ne saurait en elle-même ni expliquer les améliorations spectaculaires enregistrées dans le domaine de la santé au cours du dernier siècle, ni servir de façon fiable comme stratégie unique pour accomplir des progrès en matière de santé dans l’avenir. • Les progrès techniques, dans le sens le plus large, sont efficaces. Ils ont été et peuvent être à la base d’améliorations substantielles de la santé, même en dépit de la lenteur ou de la stagnation de la croissance du revenu. « Les progrès techniques… ont été... à la base d'améliorations substantielles de la santé, même en dépit de la lenteur ou de la stagnation de la croissance du revenu ». Accomplissements, problèmes et priorités | 5 Bien que le développement économique et la croissance du revenu comptent assurément parmi les facteurs qui contribuent à expliquer les remarquables améliorations de la santé au 20e siècle, il n’existait qu’une faible corrélation entre la baisse de la mortalité en Europe et les périodes de croissance économique au 19e siècle et au début du 20e siècle, et de plus récentes expériences réalisées dans de nombreuses régions, notamment à Cuba, au Sri Lanka et dans l’État de Kerala en Inde, démontrent que des améliorations spectaculaires peuvent survenir dans le domaine de la santé sans que le revenu soit élevé ou en croissance rapide. Le rythme des améliorations qui se produisent dans le domaine de la santé dans un si grand nombre de pays différents, se trouvant à différents niveaux de développement économique différents, et affichant des taux variés de croissance du revenu, montre que d’autres facteurs peuvent et doivent jouer un rôle prépondérant. Un nombre croissant d’études attribuent les remarquables progrès de la santé du siècle dernier non pas tant à l’augmentation des richesses qu’aux progrès techniques. Dans ce contexte, le terme progrès technique renvoie à tout accroissement des connaissances qui mène à des améliorations pratiques. Il s’agit notamment de la mise au point et de l’application de traitements très élaborés, tels que les greffes d’organes et l’angioplastie, mais aussi de traitements simples comme la thérapie de réhydratation par voie orale, laquelle consiste à faire boire à un enfant souffrant de diarrhée des solutions contenant quelques ingrédients simples pour empêcher la mort par déshydratation. Il s’agit en outre de progrès en matière de soins préventifs tels que des vaccins nouveaux, plus efficaces ou plus faciles à administrer combinés avec de simples changements de comportement, comme le fait de maintenir au chaud les nouveau-nés et de veiller à ce que leur cordon ombilical soit propre et non infecté. Il s’agit enfin de méthodes novatrices pour fournir des traitements classiques, tels que le traitement sous observation directe sur une courte période (DOTS), stratégie appliquée à l’échelon international et qui a permis de lutter efficacement contre la propagation de la tuberculose dans nombre de pays. Les progrès techniques prennent également la forme d’innovations institutionnelles et administratives. Celles-ci peuvent consister à organiser et à assurer des fonctions relatives à la santé publique pour la première fois dans un pays ou à le faire de manière novatrice et plus efficace. Elles peuvent consister à identifier et à former de nouveaux cadres du personnel de santé, à élaborer de nouveaux moyens de surveillance pour suivre de près une maladie et ensuite cibler les campagnes de vaccination, ou à prendre des mesures pour améliorer l’accessibilité et la qualité des soins. Dans le domaine de l’économie et des politiques publiques, les progrès techniques prennent la forme de l’amélioration de l’affectation des fonds, 6 | Priorités en matière de santé suite à l’étude de l’efficacité des interventions et des stratégies et à l’évaluation de leur efficience économique. Ils comprennent l’élaboration de nouvelles méthodes de financement des systèmes de santé, telles que la mobilisation des ressources publiques ou la mise en commun des ressources financières existantes, et de nouvelles stratégies pour acquérir les services de santé et payer les prestataires. La création de systèmes de sécurité sociale et de services nationaux de santé est une autre forme de ce genre de progrès techniques qui permettent d’assurer des millions de familles contre les coûts élevés des maladies et traumatismes graves. Le DCP2 illustre les nombreuses manières dont l’action collective menée grâce au financement public a débouché sur des progrès substantiels de la santé pour la société. Des progrès techniques accomplis en dehors du secteur de la santé ont également contribué à l’amélioration de la santé. Notamment, l’augmentation de la productivité agricole a amélioré l’alimentation d’une grande partie de la population mondiale, qui continue de croître. En outre, l’aménagement des infrastructures telles que celles du logement, de l’assainissement, de l’approvisionnement en eau potable et de routes sûres a considérablement contribué à l’amélioration de la santé. Les investissements dans l’éducation, qui aident à accroître le taux d’alphabétisation et, partant, à faciliter la diffusion de l’information sur les modes de vie sains, ont également un impact important sur la santé. Il n’est pas facile de déterminer la frontière entre les innovations institutionnelles et les changements sociaux plus généraux, lesquels ont contribué de façon considérable aux progrès en matière de santé. L’un des plus notables de ces changements a porté sur la condition de la femme, notamment ses droits politiques, son éducation et d’autres formes d’autonomisation. Ces améliorations apportées à la condition de la femme ont contribué à améliorer la santé non seulement des femmes elles-mêmes, mais aussi celle de leur famille et de leur communauté. Lorsque les pays adoptent des innovations techniques comme celles cidessus, la santé des populations s’améliore même en l’absence de richesses sociales ou de croissance économique. Entre 1950 et 1980, des pays à revenu faible ou intermédiaire tels que le Chili, le Costa Rica, Cuba et Sri Lanka ont adopté des approches élémentaires de l’amélioration de la santé publique, notamment l’assainissement, la vaccination systématique et l’augmentation du taux d’accouchement assisté par du personnel qualifié, ce qui a débouché sur une réduction remarquable de la mortalité infantile, juvénile et maternelle. Les pays présentant des profils économiques similaires qui n’ont pas adopté de telles mesures ont pris du retard. Une analyse économétrique portant sur plusieurs pays montre que les pays qui ont accompli de rapides progrès techniques ont réduit la mortalité infantile d’un taux annuel atteignant 5 % par rapport aux pays dont les progrès « La création de systèmes de sécurité sociale et de services nationaux de santé est une autre forme de… progrès techniques… ». «… les pays qui ont accompli de rapides progrès techniques ont réduit la mortalité infantile d’un taux annuel atteignant 5 % par rapport aux pays dont les progrès techniques ont été négligeables ou nuls ». Accomplissements, problèmes et priorités | 7 techniques ont été négligeables ou nuls2. Même des pays pauvres ayant peu d’institutions publiques, ainsi que ceux plongés dans de violents conflits, ont réalisé des progrès substantiels de la santé grâce à des campagnes de vaccination qui ont permis d’éradiquer la variole à l’échelle planétaire, d’éliminer la polio dans la plupart des régions du monde, ou de maîtriser d’autres maladies infectieuses endémiques. En embrassant le progrès technique sous ses innombrables formes, il est possible d’apporter des améliorations à la santé. Les améliorations de la santé réalisées durant le siècle dernier étaient non seulement exceptionnelles mais aussi remarquables par rapport aux tendances de la croissance économique et aux capacités institutionnelles locales. De fait, « la croissance du revenu n’est ni nécessaire ni suffisante pour apporter des améliorations durables à la santé. Les outils actuellement disponibles pour améliorer la santé sont si puissants et si peu coûteux que les conditions de santé peuvent être raisonnablement satisfaisantes même dans les pays à faible revenu » (DCP2, chapitre 1, p.8). SANTÉ ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE «...le rythme de l’accroissement de la longévité, qui a amélioré le bien-être des Américains, a été supérieur ou égal au rythme d’accroissement du revenu réel, qui a sextuplé pendant la première moitié du 20e siècle ». Les chercheurs perdent fréquemment de vue l’importance que les progrès spectaculaires de la santé du 20e siècle revêtent pour le bien-être, en raison des difficultés liées à la quantification de ces améliorations, et aussi parce qu’une autre mesure du bien-être, à savoir la croissance du revenu national, a traditionnellement servi d’indicateur classique des progrès accomplis par un pays. Plusieurs études ont cherché à résoudre ce problème en estimant la valeur, en termes monétaires, de l’accroissement de la longévité. Lorsque la valeur de ces années de vie supplémentaires est ajoutée au revenu national, le montant qui en résulte, connu sous le nom de plein revenu, est une meilleure mesure du bien-être national. Des calculs de ce genre pour les États-Unis ont révélé que le rythme de l’accroissement de la longévité, qui a amélioré le bien-être des Américains, a été supérieur ou égal au rythme d’accroissement du revenu réel, qui a sextuplé pendant la première moitié du 20e siècle. En prêtant attention à la valeur de la longévité accrue, l’on tempère en outre les évaluations des inégalités mondiales, car depuis les années 50, le niveau de l’espérance de vie des pays pauvres se rapproche de celui des pays à revenu élevé. Les chercheurs ont par ailleurs sous-estimé l’importance que revêtent les améliorations apportées à la santé pour le bien-être : l’amélioration de 2 Une étude analysant tout particulièrement la différence entre les rythmes de progrès technique a en outre démontré que l’effet de la santé sur le revenu est considérablement plus important que celui du revenu sur la santé. Pour une analyse plus détaillée des avantages économiques de la santé, se reporter au chapitre 1 du DCP2. 8 | Priorités en matière de santé la santé elle-même contribue à la croissance économique. En fait, bien que la croissance économique ne soit pas indispensable pour la santé, cette dernière peut être cruciale pour la croissance économique. Il ressort de nombre d’études que plus une personne jouit d’une meilleure santé, plus elle est productive. Ces études consistent en des expériences ciblées, telles que les démonstrations prouvant que les ouvriers agricoles sont plus productifs après avoir subi un traitement pour l’anémie. Elles consistent en outre en des recherches historiques montrant par exemple que l’on pourrait attribuer jusqu’à la moitié de la croissance britannique pendant la révolution industrielle à l’amélioration de l’alimentation et, par conséquent, à l’amélioration de la santé et de la productivité des travailleurs. Des études portant sur plusieurs pays ont démontré que 10 à 15 % de la croissance économique enregistrée entre 1960 et 1990 était attribuable à la réduction de la mortalité chez l’adulte, et l’accroissement de l’espérance de vie d’une année supplémentaire était lié à une augmentation soutenue du revenu national de l’ordre de 4 %. «... la moitié de la croissance britannique pendant la révolution industrielle pourrait être attribuée à l'amélioration de l'alimentation... » ÉQUITÉ La perspective historique générale sur la santé est rassurante à maints égards. Les tendances dominantes sont favorables, avec des gains sans précédent, des progrès généralisés, et la convergence des états de santé. Ces tendances favorables masquent toutefois des progrès inégaux, de vastes pans de populations ayant pris du retard et se retrouvant en situation défavorisée. Aucun processus d’établissement de priorités et d’élaboration de stratégies pour améliorer la santé ne peut faire abstraction de ces grandes inégalités généralisées. Comme le relève le DCP2 (chapitre 1, p. 5), « Dans un trop grand nombre de pays l’état de santé reste — inutilement — d’une médiocrité inadmissible. Cette situation est source de peine et de misère, et elle constitue un puissant frein à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté ». Compte tenu des outils et des ressources dont on dispose aujourd’hui, l’état de santé pourrait être satisfaisant partout, mais pour un trop grand nombre de personnes, un état de santé « satisfaisant » n’est pas la norme. Les enfants nés dans les pays à faible revenu ont nettement moins de chance de vivre pendant longtemps et en bonne santé que ceux nés dans les pays à revenu plus élevé. Les femmes vivent en général plus longtemps que les hommes, mais leur vie tend à se caractériser par une santé moins bonne (DCP2, chapitre 10). Dans les sociétés qui refusent aux femmes le droit de succession, la liberté d’expression politique, la capacité juridique ou l’éducation, les femmes « Les femmes vivent en général plus longtemps que les hommes, mais leur vie tend à se caractériser par une santé moins bonne... » Accomplissements, problèmes et priorités | 9 ainsi touchées souffrent d’un plus grand nombre de maladies et de traumatismes et ont moins accès au traitement et aux services. D’autres groupes marginalisés au plan social, qu’ils soient de taille importante — tels que les populations autochtones, les habitants des zones rurales et les travailleurs migrants — ou modeste comme les professionnels du sexe et les enfants vivant dans la rue, ploient sous le même genre de charges de morbidité excessives. L’équité est un important thème présent en filigrane dans tout le DCP23. Chaque chapitre consacré à une maladie particulière indique la distribution de la charge de morbidité et identifie les zones de concentration de ce fardeau, que ce soit dans des régions ou au sein de populations spécifiques. L’examen des interventions évalue l’efficacité de celles-ci pour différentes classes d’âge, de sexe, de culture et de groupe social, et l’analyse des mécanismes de mise en œuvre traite des obstacles entravant l’accès à des soins de santé appropriés et opportuns, étant donné que ces obstacles varient d’un groupe de population à l’autre. Comme le soulignent les auteurs du chapitre sur la prise en charge intégrée des maladies de l’enfant (PCIME), « Le problème de l’amélioration de l’équité n’est pas propre à la PCIME ou à la survie des enfants ; il touche pour ainsi dire toutes les stratégies d’intervention et de prestation. À moins que les considérations liées à l’équité ne soient désormais prises en compte lors de la formulation des politiques et dans le suivi des résultats, les interventions risquent de creuser le fossé des inégalités au lieu de le combler » (DCP2, chapitre 63, p. 1189 ; nous soulignons). Les inégalités en matière de santé, dont la plupart sont bien visibles, peuvent être attestées lorsque les chercheurs subdivisent les analyses selon les groupes pertinents de la société, comme par exemple ceux d’âge, de sexe, de revenu, d’appartenance ethnique ou de région. Les caractéristiques de l’inégalité qui en découlent peuvent s’observer à trois niveaux différents : de grandes disparités en ce qui concerne l’état de santé, des différences au niveau de l’accès aux soins et de l’utilisation des services de santé, et une exposition disproportionnée aux risques pour la santé. Caractéristiques de l’inégalité dans le domaine de l’état de santé Le rassurant tableau brossé par l’augmentation des moyennes mondiales cache d’importantes disparités en matière de santé entre les différentes régions du monde et les différents groupes de populations en terme de revenu, de sexe et d’âge. À titre d’exemple, la probabilité qu’un enfant nais3 Le problème de l’équité est traité dans pratiquement tous les chapitres du DCP2. L’analyse la plus explicite figure au chapitre 3, mais l’on voudra aussi se reporter aux chapitres 9, 10, 59 et 63. 10 | Priorités en matière de santé sant aujourd’hui meure avant l’âge de cinq ans est de 20 % en Éthiopie, contre 1 % en Amérique du Nord ou en Europe de l’Ouest. En 1990–2002, le taux de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans a stagné ou augmenté dans 27 pays. Le risque de décès d’une femme pendant l’accouchement est de moins de 20 pour 100 000 naissances dans les pays à revenu élevé, alors que la moyenne est supérieure à 900 pour 100 000 naissances dans les pays à faible revenu. Les progrès réalisés sur le front de la réduction de la mortalité infantile ont été ralentis, voire inversés dans certains pays, et par conséquent le fossé se creuse. L’excédent de morbidité chez les femmes ne tient pas exclusivement aux maladies liées à la maternité, mais elle est également attribuable à une plus forte incidence des maladies découlant de l’iniquité de la distribution des rôles entre les sexes ; par exemple, en Afrique subsaharienne, les jeunes filles sont de 5 à 16 fois plus susceptibles d’être infectées par le VIH que les jeunes hommes. En Chine, en Inde et dans d’autres régions d’Asie du Sud, la négligence subie par les petites filles, l’avortement des fœtus féminins, la violence et d’autres causes de la morbidité supplémentaire minent la vie des femmes, d’où les estimations accablantes selon lesquelles des millions de femmes disparaissent ainsi des chiffres de population. Dans de nombreuses républiques de l’ancienne Union soviétique, l’espérance de vie des hommes a baissé dans les années 90 en raison de l’augmentation de l’alcoolisme, des bouleversements sociaux et de la détérioration des infrastructures essentielles de santé. La pire calamité des dernières années est de loin celle qui a frappé l’Afrique subsaharienne, où le VIH/SIDA réduit l’espérance de vie moyenne et accroît la mortalité liée aux infections opportunistes, à la tuberculose, au paludisme et à la malnutrition. De grandes disparités dans le domaine de la santé peuvent également s’observer au sein des pays. La Chine occidentale par exemple présente un profil de santé qui accuse du retard sur les régions côtières plus riches du pays, et les populations autochtones des pays d’Amérique latine vivent moins longtemps et en moins bonne santé que les autres segments sociaux. De fait, les chercheurs constatent régulièrement que dans la plupart des pays, les pauvres vivent moins longtemps et en moins bonne santé que les riches. « En 1990–2002, le taux de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans a stagné ou a augmenté dans 27 pays ». « L’excédent de morbidité chez les femmes ne tient pas exclusivement aux maladies liées à la maternité... ». Caractéristiques de l’iniquité dans la mise à disposition des soins de santé L’iniquité se manifeste en outre sous la forme de disparités au niveau des services de santé, comme par exemple: Accomplissements, problèmes et priorités | 11 « Les taux de couverture des interventions efficaces visant à améliorer la survie des enfants sont remarquablement faibles dans la plupart des pays en développement ». «... 65 % des personnes en Inde et 47 % en Afrique subsaharienne ne peuvent simplement pas obtenir [des] médicaments essentiels... ». • les taux de couverture des interventions efficaces visant à améliorer la survie des enfants sont remarquablement faibles dans la plupart des pays en développement. Il est ressorti d’une analyse de 42 pays couvrant 90 % des décès infantiles du monde que seules deux interventions majeures sur neuf atteignaient plus de 50% des enfants. • en 1999, les accoucheurs qualifiés assistaient moins de la moitié des femmes lors de l’accouchement en Afrique subsaharienne. • un tiers de la population mondiale ne bénéficie pas d’un accès efficace aux médicaments ou aux vaccins essentiels modernes. Quelque 65 % des personnes en Inde et 47 % en Afrique subsaharienne ne peuvent simplement pas obtenir les médicaments essentiels dont elles ont besoin. Nombre d’obstacles différents empêchent les populations de bénéficier de soins de santé appropriés. Comme le relève le chapitre du DCP2 traitant des différences entre les sexes (chapitre 10), ces obstacles peuvent être divisés entre ceux qui sont liés aux services, aux clients ou aux institutions, et les femmes tendent à s’y heurter de façon disproportionnée, comme suit : • Les facteurs liés aux services sont notamment les coûts élevés des soins et du transport, l’éloignement des lieux de prestation des services et le temps nécessaire pour s’y rendre, la piètre qualité des soins, le caractère inapproprié des soins, les attitudes négatives du personnel, les différences culturelles et linguistiques. • Les facteurs liés aux clients ont trait aux obstacles sociaux et culturels qui entravent la mobilité des femmes, au caractère plus modeste de la richesse et du revenu des femmes, au plus lourd fardeau de temps assumé pas les femmes en raison des rôles familiaux que leur impose la société, et au fait que les femmes sont peu renseignées sur leurs besoins de santé, sur leurs droits et sur les ressources disponibles. • Les facteurs institutionnels sont entre autres la mainmise des hommes sur le processus de prise de décision, les budgets et les structures de de santé ; la manière dont la maladie est perçue au niveau local ; les normes locales de traitement ; la stigmatisation et la discrimination dans les milieux de santé. Les autres chapitres du DCP2 exposent, avec des détails certes variés, un large éventail d’obstacles qui entravent l’accès aux soins chez les nourrissons, les enfants, les professionnels du sexe et nombre d’autres groupes sociaux défavorisés. 12 | Priorités en matière de santé Caractéristiques de l’iniquité en matière d’exposition aux risques pour la santé Les différences observées au niveau de l’état de santé sont également imputables à l’écart existant entre les degrés d’exposition aux risques pour la santé. Nombre de ces différences sont associées à la pauvreté et sont analysées dans un certain nombre de chapitres du DCP2, notamment ceux traitant de l’eau et de l’assainissement (chapitre 41), des soins néonatals (chapitre 27), de la malnutrition (chapitre 28) et de la pollution intérieure due aux cuisinières (chapitre 42). Nombre de risques sont associés aux tâches dangereuses et exigeant des efforts physiques (chapitre 60). D’autres encore sont liés à des conditions climatiques et géographiques qui sont tout particulièrement favorables au paludisme (chapitre 21), à l’onchocercose (chapitre 50), aux infections helminthiques (chapitre 24) et à une vaste gamme de maladies tropicales (chapitres 22 et 23). « Nombre de risques sont associés aux conditions climatiques et géographiques. . . favorables au paludisme, à l’onchocercose, aux infections helminthiques et… [aux] maladies tropicales ». Équité et progrès techniques D’où proviennent ces iniquités au niveau de l’état de santé, des services de santé et de l’exposition aux risques ? Les facteurs qui y contribuent sont nombreux, allant des accidents climatiques ou géographiques à la négligence, en passant par la répression politique. Pourtant, malgré de longues discussions engagées sur la nature et les origines des inégalités en matière de santé, la plupart des spécialistes s’accordent à reconnaître que ces iniquités découlent largement de l’adoption et de la mise en œuvre inégales des interventions en faveur de la santé qui sont associées aux progrès techniques ; en d’autres termes, ces inégalités proviennent dans une large mesure du fait que des interventions efficaces au plan économique ont été réalisées à certains endroits et pas d’autres, ou alors seulement en faveur de groupes privilégiés. Les populations qui ne bénéficient pas des retombées des progrès techniques accusent le retard, et certains fossés se creusant sans cesse. À titre d’exemple, sur 12 millions de décès d’enfants analysés en 1998, près de 4 millions étaient dus à des maladies contre lesquelles il existe des vaccins efficaces. Des interventions coût-efficaces et relativement peu coûteuses contre nombre de maladies pouvant être prévenues par un vaccin, contre la diarrhée, la pneumonie, la tuberculose et le paludisme, ont permis de réduire grandement la charge de morbidité de ces maladies dans les régions où elles ont été mises en œuvre, jusqu’à 0,3 % seulement de la morbidité totale. En revanche dans les régions où de telles interventions n’ont pas été mises en œuvre, ces maladies comptent pour 11,7 % de la charge de morbidité (tableau 1.2, figure 1.2). «… les inégalités en matière de santé ...découlent largement de l’adoption et de la mise en œuvre inégales des interventions en faveur de la santé qui sont associées aux progrès techniques. . . ». Accomplissements, problèmes et priorités | 13 PROGRAMME D’ACTION « Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, une grande partie de la charge de morbidité est attribuable à des maladies contre lesquelles des interventions efficaces au plan L’amélioration générale de l’état de santé du monde est encore entravée par le trop grand nombre de cas de négligence ou d’échec dans la mise en place de mesures salutaires de santé publique. Que peut-on faire pour réparer les iniquités tout en accroissant et en pérennisant les améliorations de la santé ? Le DCP2 s’attaque à ce défi en s’appuyant sur les dernières données scientifiques et sur l’analyse coût-efficacité. Il identifie les interventions précises et les changements de politique qui sont les plus susceptibles de faciliter les progrès au plan de la santé. Ces mesures consistent à appliquer le savoir sur les interventions efficaces en matière de santé dans un plus grand nombre de milieux, à améliorer les politiques et les instruments qui favorisent une prestation de soins de santé de qualité et réduisent les obstacles à leur accès, à générer des connaissances dans les domaines prioritaires, et à mobiliser des ressources financières et humaines supplémentaires. Appliquer les connaissances pour bien choisir les interventions Le DCP2 dresse un état des connaissances actuelles sur les interventions en matière de santé qui sont efficaces contre un vaste éventail de maladies, de traumatismes et de déficiences dans nombre de contextes différents. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, une grande partie de la charge de morbidité est attribuable à des maladies contre lesquelles des interventions efficaces au plan économique sont déjà connues et faisables. Il est important de choisir la bonne intervention contre une maladie précise et dans un contexte donné. Le DCP2 démontre comment les décideurs pourraient économique sont déjà connues... ». Tableau 1.2 Dépenses de santé par niveau de revenu des pays, secteurs public et privé, 2001 Groupe de pays À faible revenu À revenu intermédiaire À revenu élevé (pays de l’Union monétaire européenne) Monde Dépenses de santé par habitant (USD de 2001) Dépenses de santé du secteur public en % du total 23 4,4 26,3 118 6,0 51,1 2 841 10,8 62,1 1 856 9,3 73,5 500 9,8 59,2 Source : Banque mondiale 2004, tableau 2.14. 14 | Priorités en matière de santé Dépenses de santé en % du PIB utiliser les renseignements sur l’efficacité économique ainsi que les informations sur la prévalence des maladies et sur les affections pouvant être prévenues pour déterminer les interventions à amplifier et celles à remettre en question. L’amplification, par les pays, d’interventions et de services de santé qui sont efficaces au plan économique pourrait avoir un grand impact sur la charge de morbidité. Améliorer les systèmes de santé L’amélioration des systèmes de santé et la réduction des obstacles à l’accès aux soins de santé permettront d’optimiser la mise en œuvre de ces interventions. Le DCP2 accorde une attention considérable au renforcement des systèmes de santé, car les interventions — quel que soit le soin mis à les sélectionner — sont quasiment impossibles à réaliser sans de tels systèmes. Selon le DCP2 (chapitre 3, p. 85), « Les données sur le rapport coût-effica- Figure 1.2 Principales causes de décès chez les personnes de tous les âges, par région de la Banque mondiale Pourcentage du total des décès 70 60 50 40 30 20 10 Maladies cardiovasculaires Tumeurs malignes Traumatismes ar riqu ie e nn e d Af Su du ie su bs ah As As et ie d Pa e l ci ’Es fiq t ue As Eu ie ro Am cen pe ér tra et i l et que e Ca la ra tin ïb e M es o Af yen riq -O ue ri du ent No et rd 0 Infections respiratoires Maladies pulmonaires chroniques VIH/SIDA Source : DCP2 2006, chapitre 33, p. 5. Accomplissements, problèmes et priorités | 15 cité des interventions indiquent dans une large mesure ce qui peut être réalisé avec un système de santé fonctionnant relativement bien. Dans ce sens, on peut considérer qu’elles représentent une efficacité économique potentielle et doivent être complétées par des éléments probants et des conseils sur la manière de renforcer les systèmes de santé en vue de réaliser les interventions de façon efficace, efficiente et équitable » (nous soulignons ceci). On peut renforcer les systèmes, étendre la couverture et assurer une distribution équitable de diverses manières, en particulier l’acroissement des infrastructures de service, la réduction des coûts, l’amélioration de la qualité et l’instauration de la transparence dans l’affectation des ressources. Il est en outre impérieux de solliciter davantage les opinions des populations mal desservies, car comme le signale le DCP2 (chapitre 3, p. 89), « Le renforcement des structures de responsabilité devant les communautés, ainsi que l’instauration de mécanismes pour veiller à ce que les usagers fassent entendre leurs voix dans le cadre du système de santé local et puissent influencer les priorités, sont probablement importants pour encourager la bonne performance ». Déterminer les priorités en matière de recherche « Un domaine prioritaire de recherche est celui de la mise au point d'interventions économiques contre les maladies négligées dont la charge de morbidité est lourde… ». Les effets positifs résultant de la recherche en santé sont très importants, comme le montrent les améliorations de la santé éventuelles que l’on pourrait retirer de l’application des connaissances actuelles. En investissant des ressources dans la recherche aujourd’hui, l’on pourra réaliser de plus importantes améliorations de la santé demain, à condition de bien cibler de telles ressources. Un domaine prioritaire de recherche est celui de la mise au point d’interventions économiques contre les maladies négligées, dont la charge de morbidité est lourde, tout particulièrement chez les populations mal desservies. Un autre domaine essentiel de recherche est celui de l’étude de tous les aspects de la mise à disposition des soins de santé, dans le but de concevoir les moyens les mieux indiqués et les plus efficaces pour faire en sorte que les interventions atteignent les populations qui n’ont pas bénéficié jusqu’ici de leurs retombées. Les secteurs où il existe actuellement des déséquilibres au niveau de l’attention accordée aux maladies et à la fourniture des soins sont notamment les suivants : • mise au point de médicaments. Des 1 233 nouveaux médicaments mis sur le marché entre 1975 et 1999, seuls 13 étaient approuvés tout particulièrement pour les maladies tropicales. • financement de la recherche. Même si le monde en développement supporte 85 % de la charge mondiale d’invalidité et de mortalité prématu- 16 | Priorités en matière de santé rée, l’on consacre moins de 4 % de la recherche mondiale aux maladies transmissibles et aux troubles maternels, néonatals et nutritionnels qui constituent la grande partie de la charge de morbidité dans les pays en développement. • sous-utilisation des services de santé par les femmes. Ce phénomène a été bien mis en évidence de manière générale et dans des cas de maladies précises. Par exemple, bien qu’en Inde les femmes déclarent plus de cas de maladie que les hommes, les registres des hôpitaux montrent que les hommes reçoivent plus de soins. De même, en Thaïlande, les hommes sont six fois plus susceptibles de se faire traiter contre le paludisme, maladie qui frappe les hommes et les femmes de façon similaire (DCP2, chapitre 10). Le DCP2 identifie les secteurs prioritaires de la recherche en épidémiologie, sur les interventions et la mise à disposition des soins de santé. Mobiliser davantage de ressources L’attention accordée par le DCP2 à l’efficacité économique est stimulée par l’objectif de maximiser le rendement de chaque dollar investi, ce qui n’implique toutefois pas que l’on n’ait point besoin de fonds supplémentaires. Un effort global pour améliorer la santé à l’échelle mondiale nécessitera des dépenses considérables. Dans la plupart des pays à faible revenu, les ressources disponibles pour les interventions en matière de santé sont, dans l’ensemble, largement insuffisantes par rapport à l’ampleur de la charge de morbidité et des besoins relatifs à ces interventions. Les pays doivent certes financer autant que possible leurs propres interventions en santé, mais pour les pays à faible revenu, l’aide extérieure est déjà et continuera d’être une importante source de financement. Même si l’aide au développement s’est accrue au cours de la dernière décennie, notamment avec la participation de nouvelles fondations privées et la création de nouvelles initiatives mondiales, certaines promesses n’ont pas été honorées et de nouveaux engagements restent nécessaires. Dans les pays à revenu intermédiaire, il est probable que les ressources financières soient une contrainte moins forte en termes absolus, mais les interventions en matière de santé doivent néanmoins entrer en compétition avec d’autres utilisations possibles des ressources. Lorsque les ressources existantes sont dépensées à mauvais escient ou de façon inefficace, il devient plus difficile de faire campagne pour l’augmentation des financements lors de la prise de décision publique. Le DCP2 peut faciliter ce processus en aidant le secteur de la santé à devenir plus efficace et plus efficient. « Dans la plupart des pays à faible revenu, les ressources disponibles pour les interventions en matière de santé sont, dans l’ensemble, largement insuffisantes... ». Accomplissements, problèmes et priorités | 17 TIRER PARTI DU DCP2 La recherche, la mise en lumière de certains problèmes et l’analyse qu’offre le DCP2 font ressortir les tendances dans les causes principales des maladies et des traumatismes au cours de la dernière décennie, et ils sont d’une grande importance pour les débats sur la manière de faire face à la charge de morbidité et d’alléger celle-ci à l’échelle mondiale. Les intervenants en matière de politiques et les décideurs du système de santé, que ce soit au niveau des ministères de la Santé des pays, des grands programmes régionaux ou de plus petits programmes, trouveront dans le DCP2 des renseignements actualisés sur la morbidité, les interventions efficaces au plan économique, et l’interaction entre prévention et traitement. En combinant ces renseignements avec leurs propres connaissances sur les ressources et besoins locaux, les capacités institutionnelles, ils seront mieux en mesure de définir les priorités et de choisir les meilleures interventions à appliquer dans leur contexte. Les autres acteurs qui interviennent davantage dans la gestion et l’administration des systèmes de santé découvriront dans le DCP2 la meilleure pratique actuelle en matière de prestation des services de santé, des recommandations pour l’innovation, des moyens pour améliorer la qualité, et des stratégies pour surmonter les obstacles du système. Ceux qui s’intéressent principalement au financement des soins de santé, que ce soit les responsables des ministères nationaux des Finances où les acteurs de l’aide internationale, comprendront le rôle de la santé dans la croissance économique et trouveront des éléments probants montrant l’important effet qu’une bonne utilisation des ressources peut avoir sur la santé. Le DCP2 renseignera les chercheurs sur les priorités clés de leurs domaines, tandis que les spécialistes de l’éducation en matière de santé y trouveront un précieux outil didactique. La masse de renseignements et d’analyses couverts dans le DCP2 se divise en trois parties (encadré 1.1). La première partie traite de la perspective, du contexte et de la vue d’ensemble. Elle présente les principaux messages de l’ouvrage et les conséquences pour les mesures à prendre. Le chapitre 1, « Investir dans la santé », fournit des perspectives historiques ; présente des arguments en faveur de l’investissement dans la santé ; et met en exergue quelques-unes des nouvelles constatations du DCP2, telles que la charge étonnamment lourde des maladies cardiovasculaires dans les pays en développement et l’importance des soins donnés pendant les 28 premiers jours de vie d’un enfant dans la réduction de la mortalité infantile. Le chapitre 2, « Efficience économique des interventions », examine l’ensemble des interventions efficaces contre les maladies analysées dans le DCP2, puis il identifie celles des interventions qui offrent le meilleur rapport entre bénéfices et coût. Combinée avec les renseignements sur la pré- 18 | Priorités en matière de santé valence locale des maladies et les capacités du système de santé local, cette analyse permettra au lecteur de décider des interventions qui conviennent le mieux à son propre contexte. Le choix des interventions est certes crucial, mais aucune intervention n’atteindra son objectif sans de bons mécanismes de mise en œuvre. Le chapitre 3, « Renforcer les systèmes de santé » examine par conséquent les données scientifiques sur les systèmes de santé, en identifiant les aspects des meilleures pratiques et en définissant les secteurs clés où il convient de pousser plus loin la recherche et d’améliorer la mise à disposition et la gestion des soins de santé. Le chapitre 4, « Priorités de la recherche mondiale et de la mise au point des interventions », analyse quelques-unes des lacunes actuelles des connaissances et les priorités urgentes pour l’approfondissement des études et la poursuite des progrès. Ces quatre premiers chapitres sommaires sont suivis de 11 chapitres traitant de thèmes généraux, notamment les objectifs de développement pour le Millénaire (ODM), la santé des femmes, les récents succès dans le domaine de la santé publique, les considérations déontologiques de l’affectation des ressources et la méthodologie de l’analyse coût-efficacité, ainsi qu’un éventail de problèmes financiers et économiques. Ces chapitres fournissent davantage de renseignements sur le contexte démographique et économique, et ils présentent des discussions générales qui jettent la base des analyses de tous les chapitres ultérieurs portant sur des maladies, des interventions et des modes de prestation précis. La partie 2 du DCP2 traite de maladies précises, de leurs facteurs de risque et de leurs séquelles, ainsi que du choix des interventions. Elle se subdivise en quatre catégories, dont la première s’intitule « Maladies infectieuses, santé génésique et dénutrition ». Les 13 chapitres de cette catégorie portent sur l’analyse du VIH/SIDA, de la tuberculose, du paludisme, de la diarrhée, des maladies tropicales, et des affections maternelles et néonatales. La deuxième catégorie, « Maladies non transmissibles et traumatismes », comporte 12 chapitres traitant du cancer, du diabète, des troubles psychiatriques, des maladies cardio-vasculaires, des hémoglobinopathies, et des blessures volontaires et involontaires. La troisième catégorie, « Facteurs de risque », comprend huit chapitres portant sur des sujets tels que la pollution de l’air et de l’eau, l’assainissement, l’obésité, le tabagisme et l’alcoolisme. La dernière catégorie, « Conséquences des maladies et des traumatismes », contient quatre chapitres traitant des troubles développementaux et sensoriels, de l’invalidité et de la réadaptation, et de la maîtrise de la douleur. Enfin, la partie 3 du DCP2 s’intéresse aux systèmes de santé. Sa première catégorie est intitulée « Renforcer les services de santé publique », et elle comporte 11 chapitres traitant de sujets tels que le planning familial, les « Le choix des interventions est certes crucial, mais aucune intervention n’atteindra son objectif sans de bons mécanismes de mise en œuvre ». Accomplissements, problèmes et priorités | 19 programmes de santé scolaire, la santé des adolescents et la santé au travail. La deuxième catégorie, « Renforcer les services de santé personnelle », comprend six chapitres portant sur les soins primaires généraux, les hôpitaux de district et de recours, la chirurgie, les soins d’urgence et la médecine parallèle. La dernière catégorie, « Renforcement des capacités et réforme de la gestion », se compose de quatre chapitres analysant la qualité des soins, les ressources humaines, les médicaments essentiels et la gestion des services cliniques. Outre son principal volume, le Projet sur les priorités en matière de lutte contre les maladies a été à l’origine d’un nombre de publications connexes, comme par exemple l’ouvrage intitulé Global Burden of Disease and Risk Factors (Lopez et al. 2006), qui actualise l’étude de la charge de morbidité mondiale réalisée en 1990. Au cours des années suivant la publication de cette première étude, les méthodes de mesure de la charge de morbidité se sont améliorées, de nouvelles données sont devenues disponibles, et les outils d’analyse des ensembles de données existants ont été modifiés et renforcés. Global Burden of Disease and Risk Factors présente ces nouveaux ensembles de données, méthodes et analyses ; réunit les données épidémiologiques sur les décès et l’invalidité pour 2001, classées par âge, sexe, cause et région ; et contient des renseignements sur l’exposition aux facteurs de risque. Le Projet sur les priorités en matière de lutte contre les maladies a en outre permis de procéder à un examen des succès remportés dans le domaine de la santé publique et qui a été publié sous le titre Millions Saved: Proven Successes in Global Health (Levine et al. 2004) ; d’éditer un numéro spécial du American Journal of Tropical Medicine and Hygiene intitulé The Intolerable Burden of Malaria: What's New, What's Needed (Breman, Alilio et Mills 2004) ; de publier la série des documents de travail du Projet, la série des tirés à part (dont la liste complète est accessible à partir du site du Projet sur les priorités en matière de lutte contre les maladies à l’adresse http ://www.fic.nih.gov/dcpp), et le présent volume. LE PRÉSENT VOLUME Priorités en matière de santé est un volume qui fait pendant au DCP2. Il a été rédigé pour faciliter l’accès au contenu substantiel du DCP2, faire la synthèse de certains des principaux thèmes et constatations du DCP2, et pour aider les lecteurs à identifier les chapitres dont la portée et la pertinence sont les plus importantes pour chacun. Grâce à ce volume complémentaire, les décideurs, les acteurs de la santé, les universitaires et le public intéressé peuvent prendre connaissance des principaux messages du 20 | Priorités en matière de santé Encadré 1.1 Table des matières du DCP2 (la liste complète des auteurs figure en appendice) Partie 1 : Résumé et thèmes généraux A. Résumé 1. 2. 3. 4. Investir dans la santé Efficience économique des interventions : aperçu des messages généraux Renforcer les systèmes de santé Priorités de la recherche mondiale et de la mise au point des interventions B. Thèmes généraux 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. Sciences et technologies de la lutte contre les maladies : hier, aujourd'hui et demain Priorités en matière de mise au point de produits Approches économiques de l’évaluation de la recherche mondiale en santé Améliorer la santé des populations : leçons tirées de l’expérience acquise dans le monde Objectifs de développement pour le Millénaire relatifs à la santé : que faudra-t-il pour accélérer le progrès ? Disparités entre les sexes dans le domaine de la santé Politiques financières pour la promotion de la santé et la prévention des maladies Financer les systèmes de santé au 21e siècle Récentes tendances et innovations dans le domaine de l’aide au développement en faveur de la santé Considérations déontologiques sur l’affectation des ressources, la recherche et la mise au point de nouveaux produits Analyse économique pour l’établissement des priorités Partie 2 : Choix des interventions A. Maladies infectieuses, santé génésique et dénutrition 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. 28. Tuberculose Maladies transmises sexuellement Prévention et traitement du VIH/SIDA Maladies diarrhéiques Maladies pouvant être prévenues par un vaccin Vaincre le paludisme Maladies tropicales 1 : trypanosomiase, lèpre, filariose et onchocercose Maladies tropicales 2 : trypanosomiase africaine, dengue et leishmanioses Infections helminthiques Infections respiratoires des enfants Affections maternelles et périnatales Survie des nouveau-nés Arrêt de croissance, cachexie et troubles dus à la carence en micronutriments B. Maladies non transmissibles et traumatismes 29. Interventions contre le cancer dans le cadre des services de santé dans les pays en voie de développement 30. Diabète : la pandémie et les solutions potentielles (suite à la page suivante) Accomplissements, problèmes et priorités | 21 Encadré 1.1 (suite) 31. 32. 33. 34. 35. 36. 37. 38. 39. 40. Troubles mentaux Troubles neurologiques Maladies cardiovasculaires Maladies héréditaires de l’hémoglobine Maladies respiratoires de l’adulte Maladies du rein et du système urinaire Maladies de la peau Maladies et affections orales et craniofaciales Blessures involontaires Violence interpersonnelle C. Facteurs de risque 41. 42. 43. 44. 45. 46. 47. 48. Alimentation en eau, assainissement et promotion de l’hygiène Pollution intérieure Pollution de l’air et de l’eau : fardeau et stratégies de combat Prévention des maladies chroniques grâce à l’alimentation et au changement de mode de vie Le fardeau croissant du risque lié à l’hypertension artérielle, au cholestérol et au surpoids Tabacomanie Alcoolisme Abus d’opiacés illicites D. Conséquences des maladies et des traumatismes 49. 50. 51. 52. Troubles de l’apprentissage et du développement Perte de vision et d’audition Coût-efficacité des interventions contre les affections musculo-squelettiques Maîtrise de la douleur chez les patients souffrant de cancer et du sida Partie 3 : Renforcer les systèmes de santé A. Renforcer les services de santé publique 53. 54. 55. 56. 57. 58. 59. 60. 61. 62. 63. Surveillance et réponse Informations pour améliorer la prise de décision en matière de santé Pharmacorésistance Santé communautaire et programmes de nutrition Contraception Programmes de santé et de nutrition en milieu scolaire Santé des adolescents Santé du travail Atténuation de l’impact des catastrophes naturelles et secours aux sinistrés Maîtrise et éradication Prise en charge intégrée de l’enfant malade B. Renforcer les services de santé personnelle 64. Soins primaires généraux 65. L’hôpital de district (suite à la page suivante) 22 | Priorités en matière de santé Encadré 1.1 (suite) 66. 67. 68. 69. Les hôpitaux de recours Chirurgie Services d’urgence médicale Médecine complémentaire et parallèle C. Renforcement des capacités et réforme de la gestion 70. 71. 72. 73. Améliorer la qualité des soins dans les pays en développement Travailleurs : bâtir et motiver la main-d’œuvre Assurer l’approvisionnement en médicaments et en vaccins appropriés Gestion stratégique des services cliniques «. . . malgré la lourde DCP2, comprendre ses principales méthodes d’analyse, apprécier la portée des maladies et des questions couvertes, et être informés des chapitres présentant un intérêt immédiat. Le volume complémentaire facilitera l’accès à l’énorme masse de renseignements et d’analyses contenus dans le DCP2, ainsi que les discussions sur la lutte contre les maladies entre collègues, les parties prenantes et l’ensemble de la communauté. Le chapitre suivant démontre que le succès est non seulement possible, mais qu’il a été réalisé partout dans le monde en développement. Il présente une série de cas de succès dans le domaine de la santé publique qui ont été répertoriés dans le cadre du Projet sur les priorités en matière de lutte contre les maladies. Le chapitre 2 démontre que malgré la lourde charge de morbidité des pays en développement, le succès est possible et a été réalisé même en dépit de formidables obstacles, et également qu’il n’existe aucune recette unique pour réussir. Le chapitre 3 décrit la méthodologie d’analyse coût-efficacité suivie dans le DCP2 et explique son exploitation, son interprétation et ses limites. Les chapitres 4 et 5 font le point de la situation concernant quelques maladies, en soulignant certaines des découvertes importantes et stratégies judicieuses résultant de l’examen global de la charge de morbidité mondiale réalisé dans le cadre du DCP2, ainsi que l’éventail des interventions en matière de santé qui sont disponibles actuellement. Le chapitre 4 analyse les maladies telles que la diarrhée, les affections maternelles, le VIH/SIDA et le paludisme, auxquelles est attribuable la grande partie de l’écart au niveau de l’état de santé entre les populations des pays en développement et celles du monde industrialisé. En revanche, le chapitre 5 traite des maladies dont la charge est partagée dans le monde et qui posent des défis probablement similaires pour l’amélioration de la santé, comme les maladies cardiovasculaires, le diabète, la tabacomanie et les troubles neurologiques. charge de morbidité des pays en développement, le succès est possible et a été réalisé même en dépit de formidables obstacles. . . ». «. . . [certaines maladies posent] des défis probablement similaires pour l’amélioration de la santé, comme les maladies cardiovasculaires, le diabète, la tabacomanie et les troubles neurologiques ». Accomplissements, problèmes et priorités | 23 Les chapitres 6 et 7 abordent les problèmes liés à la mise en œuvre des interventions et à la mise à disposition des soins. Le chapitre 6 porte tout particulièrement sur les constatations du DCP2 relatives aux différents niveaux des services de santé et à la manière dont ils sont liés les uns aux autres ; sur les fonctions propres aux services de santé, telles que le matériel chirurgical et les médicaments, qui sont importantes dans l’ensemble du système de soins de santé ; et sur les moyens par lesquels les services de santé peut être intégrés sur la base des besoins de sous-groupes particuliers, tels que les enfants d’âge scolaire et les adolescents. Le chapitre 7 procède ensuite à un examen plus approfondi des quatre dimensions du système de santé qui sont essentielles pour rendre celui-ci efficace : génération et utilisation des informations, gestion des services afin d’en assurer la bonne qualité, formation et déploiement d’un personnel soignant qualifié, mobilisation et affectation des ressources financières. Le chapitre 8 exhorte la communauté mondiale à adopter les stratégies et les priorités identifiées dans le DCP2, afin que puisse se poursuivre la réalisation de progrès en matière de santé pour tous. 24 | Priorités en matière de santé Chapitre 2 Succès en matière de réalisation des priorités Au niveau le plus général, les priorités en matière de santé sont claires : identifier les interventions efficaces au plan économique contre les maladies qui imposent les plus lourdes charges de morbidité et mortalité — à l’échelle mondiale, dans les régions ou au sein des populations faisant face aux plus grands besoins ou inégalités — et déterminer comment réaliser ces interventions de manière efficace, efficiente et équitable. La science et la médecine ont montré que nombre d’interventions peuvent être efficaces. La combinaison de ces connaissances avec des analyses économiques permet d’identifier les interventions susceptibles d'entraîner les plus grandes améliorations de la santé avec un niveau donné de ressources. La réalisation effective de tels gains passe par la mise en œuvre de certaines interventions, un défi que les pays dotés de systèmes de santé efficaces sont en mesure de mieux relever, mais que les pays n’ayant pas de systèmes de santé efficaces peuvent aussi réaliser en améliorant leurs systèmes existants ou en en créant là où il en manque. Par conséquent, si les priorités en matière de santé sont relativement faciles à définir, leur réalisation est nettement plus difficile, mais elle est néanmoins possible. En effet, un certain nombre de réussites dans le domaine de la santé publique ont été récemment obtenues, et permettent aux analystes de tirer les leçons qui permettront de poursuivre le progrès. Le What Works Working Group, réuni par le Global Health Policy Research Network du Center for Global Development, a recueilli auprès des auteurs du DCP2 des propositions d’interventions réussies en matière de santé publique (Levine et al. 2004). Le groupe de travail a examiné ces propositions et retenu 17 cas remplissant cinq critères explicites : • les interventions ont été mises en œuvre à une échelle importante : nationale, régionale ou mondiale. • elles s’attaquaient à un problème d’une grande importance pour la santé publique, telle que mesurée par le nombre d’années de vie corrigées du facteur d'invalidité (AVCI). 25 • elles se sont étendues sur au moins cinq années consécutives. • elles se sont avérées efficaces au plan économique, coûtant moins de 100 dollars environ par AVCI ajoutée. • elles ont réuni des éléments probants qui montrent qu’elles ont eu un effet clair et mesurable sur la santé, et non pas simplement des données relatives aux taux de couverture ou aux indicateurs liés au processus. Les faits sous-tendant ces 17 cas ont ensuite été rassemblés et publiés dans Millions Saved: Proven Successes in Global Health (Levine et al. 2004). Le chapitre 8 du DCP2 présente un récapitulatif de ces cas et fournit des informations supplémentaires sur les succès enregistrés dans le domaine de la santé publique, notamment certains des facteurs qui ont contribué à ces réussites (encadré 2.1). Les 17 cas retenus à l’issue du processus de sélection ne sont ni les seules réussites en matière de santé publique, ni nécessairement représentatifs des succès enregistrés dans le secteur de la santé publique au cours des dernières décennies1, mais ils constituent ensemble une mine d’or pour ceux qui interviennent dans le domaine de la santé publique. Tous ces cas ont été analysés minutieusement en vue de tirer des leçons utiles pour la conduite des activités, le financement, la collaboration, les stratégies, le rôle du secteur public, les obstacles et bien d’autres aspects encore. Un important message relatif à l’élaboration des politiques qui se dégage de l’ensemble des 17 cas est que le succès peut se présenter sous de nombreuses formes. Des pays ont remporté du succès dans un contexte où le cadre institutionnel et les politiques étaient des plus difficiles ; contre de nombreux types différents de maladies, tant infectieuses que non transmissibles ; et avec de nombreuses méthodes différentes d’intervention, notamment celles basées sur la mise à disposition de produits de santé (les vaccins par exemple), sur la prestation des services (tels que les soins prénatals ou la chirurgie de base), sur la promotion du changement des comportements (par exemple, l’utilisation des préservatifs, le filtrage de l’eau ou l’adhérence aux règles d’hygiène), ou sur la réduction des risques environnementaux (la pulvérisation de larvicides ou la construction de latrines par exemple). Certains éléments clés reviennent constamment, notamment l’initiative politique, l’innovation technologique, le consensus des spécialistes autour de l’approche, l’utilisation efficace des informations et la disponibilité de ressources financières publiques suffisantes, tandis que certains types de 1 En réalité, les auteurs du DCP2 avaient proposé 26 autres interventions comme étant des exemples clairs de réussite dans le domaine de la santé publique, mais elles ont dû être éliminées en raison du manque d’éléments probants formels montrant leurs effets sur la santé. Par conséquent, l’absence d’un plus grand nombre de cas dans l’ouvrage de Levine et al. (2004) peut être attribuée davantage aux lacunes inhérentes aux pratiques d’évaluation actuelles qu’à un quelconque manque de réalisations dans le domaine de la santé publique. 26 | Priorités en matière de santé Encadré 2.1 Programmes à succès dans le monde entier En plus des six cas retenus à des fins d’examen dans l’ouvrage, le DCP2 (chapitre 8) présente d’autres exemples de succès en matière de santé publique, comme suit : • Amélioration de la santé des enfants et des adultes. En 1997, le Gouvernement mexicain a lancé un nouveau programme d’assistance sociale conçu pour aider les familles pauvres à sortir de la pauvreté en leur versant des fonds en espèces, en échange de leur participation à des programmes de nutrition et de supplémentation, de l’utilisation des services de santé de base et préventifs, et de l’assiduité scolaire de leurs enfants. Après cinq ans, la probabilité de tomber malade était plus faible de 12 % chez les enfants des familles participantes que ceux des familles non participantes, et leur état nutritionnel s’était amélioré. On notait également une amélioration des indicateurs de santé chez les adultes. • Lutte contre la trypanosomiase. En 1991, sept pays — l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, le Paraguay, l’Uruguay et, plus tard, le Pérou — ont uni leurs efforts, dans le cadre de l’Initiative des pays du Cône Sud de l’Organisation panaméricaine de la santé, pour lutter contre la trypanosomiase grâce à une combinaison d’activités de surveillance, de pulvérisation d’insecticides de maison en maison, et d’autres méthodes de lutte contre le vecteur de la maladie. En 2000, l’incidence de la maladie avait diminué de 94 %, et en 2001, la transmission de la maladie avait été enrayée au Chili, en Uruguay et dans de vastes régions du Brésil et du Paraguay. • Traitement contre la diarrhée. En Égypte, le Gouvernement a lancé au début des années 80 un programme national destiné à encourager les mères à utiliser les sels de réhydratation orale fabriqués sur place, en recourant à une stratégie en quatre volets incluant : l’adaptation de la conception et des labels des produits pour tenir compte des préférences et des coutumes locales ; le renforcement des circuits de production et de distribution publics et privés ; la formation des agents de santé ; le lancement d’un programme de commercialisation sociale et d’une campagne dans les mass médias. Entre 1982 et 1987, la mortalité infantile et juvénile a baissé de 36 % et de 43 % respectivement. La mortalité attribuée à la diarrhée a reculé de 82 % chez les nourrissons et 62 % chez les enfants. • Lutte contre la dracunculose. Vingt pays d’Asie et d’Afrique subsaharienne ont lancé une campagne mondiale pour éradiquer le ver de Guinée au milieu des années 80. Animée par le Carter Center, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis, et l’Organisation mondiale de la santé, cette campagne encourageait l’amélioration de la salubrité de l’eau grâce au forage de puits profonds, au contrôle de l’environnement, et à l’utilisation de filtres de tissu pour l’eau potable ; des programmes d’éducation sanitaire ; et la prise en charge, le confinement et la surveillance des cas. En 1998, entre 9 millions et 13 millions de cas de dracunculose avaient été prévenus, et la prévalence mondiale de cette maladie avait baissé de 99 %. • Planning familial. Depuis les années 70, le Bangladesh promeut le planning familial grâce à un programme d’information de porte-à-porte réalisé par des jeunes femmes « Entre 1982 et 1987, la mortalité infantile et juvénile a baissé de 36 % et 43 % respectivement. La mortalité attribuée à la diarrhée a reculé de 82 % chez les nourrissons et de 62 % chez les enfants ». « En 1998, entre 9 millions et 13 millions de cas de dracunculose avaient été prévenus, et la prévalence mondiale de cette maladie avait baissé de 99 % ». (Suite à la page suivante) Succès en matière de réalisation des priorités | 27 « . . . le nombre de cas Encadré 2.1 (suite) de rougeole déclarés chaque année . . .a baissé de 60 000 en 1996 à 117 en 2000 ». • • « Entre 1990 et 1998, la Pologne a enregistré une • baisse de 30 % du taux de cancer pulmonaire chez • les hommes âgés de 20 à 44 ans, une réduction de près de 7 % du taux des maladies cardiovasculaires, et une diminution du nombre de bébés ayant un poids insuffisant à la naissance ». • mariées qui fournissent des renseignements sur la limitation de la taille de la famille ou l’espacement des grossesses et les produits pertinents. Le programme d’information s’accompagne d’une vaste campagne médiatique. Le taux d’utilisation des contraceptifs chez les femmes mariées du Bangladesh est d’environ 50 % aujourd’hui contre 8 % seulement au milieu des années 70, et au cours de la même période le nombre d’enfants par famille est passé de 7 à 3,3. Prévention du VIH/SIDA. La Thaïlande a lancé en 1991 le Programme d’utilisation du préservatif à 100 % pour faire face à l’incidence croissante du VIH/SIDA. Ce programme fournissait gratuitement des boîtes de préservatifs aux maisons closes, exigeait l’utilisation obligatoire de préservatifs chez les professionnels du sexe, et menaçait les maisons closes de sanction et de fermeture en cas de non-respect de ces directives. L’utilisation des préservatifs dans les maisons closes a augmenté, passant de 14 % en 1989 à plus de 90 % en 1992. Le nombre de nouveaux cas d’infection par les maladies transmissibles a baissé de 200 000 en 1989 à 15 000 en 2001, et le taux de nouvelles infections par le VIH a été réduit de cinq fois entre 1991 et 1993–1995. Élimination de la rougeole. En 1996, les sept pays d’Afrique australe ont adopté une stratégie coordonnée de vaccination, appuyée par l’amélioration de la surveillance et le renforcement des capacités des laboratoires, pour éliminer la rougeole en l’ajoutant à la liste des vaccinations obligatoires pour tous les enfants de neuf mois, et en organisant des campagnes nationales de rattrapage et rappels pour les enfants âgés de neuf mois à 14 ans. Le nombre de cas de rougeole déclarés chaque année a baissé de 60 000 en 1996 à 117 en 2000. Le nombre de décès attribués à la rougeole est passé de 166 à zéro au cours de la même période. Fluoration du sel. En Jamaïque, un accord officiel entre le ministère de la Santé et l’unique producteur de sel du pays a permis d’instaurer la fluoration du sel en 1987 pour prévenir les caries. En 1995, la prévalence de la carie chez les enfants âgés de six à 12 ans avait baissé de plus de 80 %. Iodisation du sel. La Chine a lancé en 1993 un Programme national d’élimination des troubles dus à la carence en iode. Le gouvernement exige des producteurs qu’ils iodisent le sel, et il a renforcé ses capacités de suivi et d’application de ces directives pour s’assurer que celles-ci sont respectées. Les taux globaux de goitre chez les enfants âgés de huit à 10 ans sont passés de 20,4 % en 1995 à 8,8 % en 1999. Lutte contre le tabagisme. La Pologne a adopté en 1995 une loi révolutionnaire imposant des étiquettes de mise en garde sévère sur les paquets de cigarettes, interdisant de fumer dans les milieux de travail clos, et prohibant la vente de cigarettes aux mineurs. L’Afrique du Sud a adopté une loi similaire en 1999 pour renforcer une taxe de 50 % imposée antérieurement sur le prix des cigarettes. Entre 1990 et 1998, la Pologne a enregistré une baisse de 30 % du taux de cancer pulmonaire chez les hommes âgés de 20 à 44 ans, une réduction de près de 7 % du taux des maladies cardiovasculaires, et une diminution du nombre de bébés ayant un poids insuffisant à la naissance. Dans les années 90, l’Afrique du Sud a enregistré une baisse de 30 % de la consommation des cigarettes, surtout chez les jeunes et les pauvres. (Suite à la page suivante) 28 | Priorités en matière de santé Encadré 2.1 (suite) • Lutte contre la tuberculose. En 1991, la Chine a lancé un programme décennal dans 13 de ses 31 provinces continentales pour mettre en œuvre la stratégie du traitement sous observation directe dans la lutte contre la tuberculose. Le Pérou, jusque-là faisant partie des 23 pays qui enregistrent ensemble 80 % des nouveaux cas mondiaux de tuberculose chaque année, a engagé une initiative similaire au cours de la même année. En l’espace de deux ans après le début du programme, la Chine avait affiché un taux de guérison de 95 % pour les nouveaux cas et de 90 % chez les patients dont le traitement avait antérieurement échoué. Entre 1999 et 2000, le nombre de tuberculeux de ces provinces avait baissé de plus de 37 %. Au Pérou, le programme de traitement sous observation directe a permis de réaliser un taux de détection des cas de 70 % et un taux de guérison de 85 %. Par conséquent, l’incidence de la maladie a baissé de 6 % par an. Source : Adapté du chapitre 8 du DCP2. défis peuvent être plus faciles à relever que d’autres, mais aucune composante n’est à elle seule suffisante et aucune combinaison ne peut à elle seule à assurer le succès. Au contraire, les faits relatifs à ces 17 cas démontrent que les succès sont variés et possibles. Le large éventail d’approches adoptées pour améliorer la santé, telles que présentées dans le DCP2, mettent davantage en évidence cette réalité. Le DCP2 ne propose pas une recette unique pour améliorer la santé, mais il évalue les nombreuses interventions et les stratégies de mise en œuvre qui ont porté leurs fruits dans différentes régions. La présente section ne met en évidence que quelques-uns de ces cas de réussite dans le domaine de la santé publique, choisis pour illustrer certains des importants messages du DCP2 sur le lien existant entre le choix d’interventions coût-efficaces et leur réalisation efficiente. Plus précisément, ces cas • ont réussi malgré des systèmes de santé faibles, voire inexistants (éradication de la variole) • ont été exécutés de manière à bâtir ou à renforcer les systèmes de santé (lutte contre l’onchocercose [cécité des rivières] et la polio) • visaient directement à bâtir un système de santé (amélioration de la santé maternelle) • ont consolidé les systèmes de santé existants (vaccination contre l’haemophilus influenzae de type B [Hib]) • sont allés au-delà des systèmes de santé (lutte contre le trachome). Succès en matière de réalisation des priorités | 29 « Des pays ont… réalisé de grands succès dans le domaine de la santé publique même dans des conditions de pauvreté extrême, de faiblesse ou d’absence d’infrastructures de santé, et de troubles civils ou de guerre ». «. . . la variole, qui est connue depuis au moins 1160 avant J.C., était la première maladie jamais éradiquée de l’histoire ». 30 | Priorités en matière de santé SUCCÈS RÉALISÉS MALGRÉ LA FAIBLESSE DES SYSTÈMES DE SANTÉ Des pays ont mis en œuvre des interventions économiques et réalisé de grands succès dans le domaine de la santé publique même dans des conditions de pauvreté extrême, de faiblesse ou d’absence d’infrastructures de santé, et de troubles civils ou de guerre. C’est le cas par exemple de l’éradication de la variole à l’échelle mondiale. En 1980, l’Assemblée mondiale de la santé avait déclaré que la variole, qui est connue depuis au moins 1160 avant J.C., était la première maladie jamais éradiquée de l’histoire. Cette éradication avait été réalisée grâce à une campagne mondiale atteignant même les zones rurales les plus reculées des pays les plus démunis de la planète, les pays déchirés par la guerre et les pays dont les systèmes de santé étaient à peine fonctionnels. Certaines caractéristiques distinctives de la variole avaient orienté la stratégie et influencé le succès de son éradication. La maladie se transmettait directement de personne à personne sans autre hôte ou vecteur, et il était relativement facile de l’identifier. Une fois qu’un individu contractait la variole, il devenait infectieux au bout de 10 à 14 jours, mais ce délai arrivait lorsque le patient était déjà en général alité, ce qui réduisait ses contacts avec les autres. Ceux qui se réchappaient de cette maladie ou étaient adéquatement vaccinés étaient immunisés à vie. Par conséquent, les caractéristiques de la maladie elle-même avaient facilité son éradication. Les nouvelles découvertes technologiques essentielles pour lutter contre la maladie comprenaient non seulement le vaccin antivariolique proprement dit, mais aussi l’aiguille bifurquée, qui a réduit les coûts et facilité la vaccination des populations. Un encadrement et un financement soutenus ont par ailleurs été cruciaux pour la campagne d’éradication, mais au départ ils n’étaient pas facilement disponibles. Proposée pour la première fois en 1958, la campagne pour éradiquer la variole ne commença réellement qu’en 1967, en raison de changements fortuits de dirigeants et de personnel à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de la décision prise aux États-Unis de consacrer un financement substantiel à la campagne. Un autre important point tournant fut le passage d’une stratégie de vaccination généralisée de populations entières à une stratégie de surveillance et de confinement. Cette stratégie dite de « vaccination en anneaux » consistait en une surveillance épidémiologique très serrée, en un confinement sélectif, et en la vaccination de patients et de communautés en réponse à des flambées précises. Cette stratégie fut cruciale pour éliminer les derniers réservoirs restants de variole dans cinq pays —Bangladesh, Éthiopie, Inde, Népal et Pakistan — même lorsqu’un ou plusieurs de ces pays étaient en crise, souffraient de la guerre ou de troubles civils, voire faisaient face à des afflux massifs de réfugiés ou à une pauvreté extrême. La campagne antivariolique avait mis au point une stratégie d’intervention indépendante de l’existence ou de l’inexistence de systèmes ou d’infrastructures de santé dans un pays, et elle avait atteint son objectif. Une maladie qui, au début de la campagne, représentait des millions de cas, était à l’origine de 1,5 million à 2 millions de décès par an, et rendait nombre de survivants aveugles ou avec de profondes séquelles, avait cessé d’exister en l’espace de trois décennies seulement. SUCCÈS AYANT RENFORCÉ DES SYSTÈMES DE SANTÉ FAIBLES Des pays ont réalisé avec succès d’autres interventions en matière de santé publique alors que les systèmes de santé étaient faibles, et ils les ont mises en œuvre de sorte à renforcer ces systèmes. La lutte contre l’onchocercose en Afrique subsaharienne et l’élimination de la polio en Amérique latine et dans les Caraïbes fournissent deux illustrations de ce processus. Environ 18 millions de personnes vivent dans des régions où l’onchocercose est endémique, dont 99 % en Afrique subsaharienne (DCP2, chapitre 22). Cette maladie est causée par un ver microscopique qui infecte les êtres humains par le biais de la piqûre d’une mouche noire qui se reproduit dans les cours d’eau à courant rapide d’Afrique subsaharienne. L’organisme de la victime finit par être infesté par les vers, ce qui provoque une gamme de symptômes débilitants, dont la cécité. Dans les zones endémiques, plus du tiers de la population adulte peut être aveugle, et le taux d’infection de la population approche souvent les 90 %. En raison de la peur de cette maladie, les populations abandonnent de vastes zones fertiles près des rivières. Les initiatives de lutte contre l’onchocercose, engagées en 1974, ont consisté en des pulvérisations aériennes hebdomadaires des zones d’habitat du vecteur, pour tuer la mouche noire qui propage la maladie, ainsi que la distribution d’un nouveau médicament, l’ivermectine, qui agit contre les vers dans l’organisme humain. L’impact a été immense. Ces initiatives avaient pour principales caractéristiques la collaboration d’un grand nombre d’organisations et d’organismes, le partenariat publicprivé avec le fabricant de l’ivermectine, et le financement à long terme. Les succès initiaux ont entraîné des engagements ultérieurs plus importants, de sorte que de 1974 à 2002, les initiatives de lutte contre la maladie avaient permis d’arrêter la transmission dans 11 pays d’Afrique de l’Ouest, de prévenir 600 000 cas de cécité, de protéger 18 millions de fœtus contre le risque de l’onchocercose, et d’assainir environ 25 millions d’hectares de terres en vue de l’habitat humain et de la culture. Les initiatives de lutte contre la maladie ont rendu possible ces réalisations, malgré Succès en matière de réalisation des priorités | 31 «… de 1974 à 2002, les initiatives de lutte contre la maladie… avaient permis de prévenir 600 000 cas de cécité, de protéger 18 millions de fœtus contre le risque de l’onchocercose, et d’assainir environ 25 millions d’hectares … en vue de l'habitat humain et de la culture. . . ». « Pas plus tard qu’en 1988, 125 pays étaient endémiques pour la polio. En fin 2003. . . , six pays seulement déclaraient des cas de polio. . . ». 32 | Priorités en matière de santé la situation d’extrême pauvreté des pays concernés, la dispersion des populations dans des villages reculés, la médiocrité des systèmes nationaux de santé, la pénurie d’agents de santé, le besoin impérieux de maintenir les activités (notamment la pulvérisation hebdomadaire ininterrompue du larvicide) en dépit des conflits civils et régionaux, ainsi que des coups d’État. Les programmes de suivi ont mis l’accent sur la durabilité à long terme, car l’élimination de tous les vers exige un traitement médicamenteux annuel sur 15 à 20 ans, et à cette fin un système de traitement piloté par la communauté a été mis en place. Il s’agit d’un cadre dans lequel des milliers de communautés organisent et gèrent à l’échelon local le traitement à l’ivermectine. Dans certaines régions, les coordinateurs du programme de distribution de l’ivermectine étaient les seuls agents de santé à se rendre dans chaque village. Il a d’ailleurs été suggéré que même si le cadre de traitement réalisé par la communauté avait été conçu au départ pour lutter contre l’onchocercose, il pouvait devenir l’épine dorsale des systèmes de santé en servant à distribuer la vitamine A, l’azithromycine (pour soigner le trachome), l’albendazole (traitement contre la filariose lymphatique) et même les vaccins et les médicaments contre le VIH/SIDA. Par conséquent, « l’impact du système efficace de ComDT [traitement géré par la communauté] va au-delà du traitement et de la prévention de l’onchocercose. Le système offre un précieux point d’entrée pour les cinq interventions en matière de santé réalisées par la communauté dans les régions négligées ayant un accès limité ou inexistant aux services de santé traditionnels, et un véhicule pour renforcer l’ensemble du système de santé dans les pays en développement » (Levine et al. 2004, p. 62). L’élimination de la polio en Amérique latine et dans les Caraïbes présente certains parallèles. Pas plus tard qu’en 1988, 125 pays étaient endémiques pour la polio (DCP2, chapitres 20 et 62). En fin 2003, grâce à une campagne de vaccination et de surveillance massive et bien ciblée, six pays seulement déclaraient des cas de polio, dont aucun pays d’Amérique latine et des Caraïbes. L’élimination de la polio est confrontée à des problèmes particuliers en raison de la nature de cette maladie. Le virus causal est très contagieux et, bien qu’il se transmette en général par contact oro-fécal, il peut survivre pendant une période atteignant deux mois hors de l’organisme, résidant dans les mares, l’eau potable, les aliments et les vêtements. La transmission peut passer inaperçue parce que 90 % ou plus des porteurs ne présentent aucun symptôme. Lorsque les symptômes se manifestent, ils ne sont pas toujours reconnaissables comme étant ceux de la polio. En réalité, pour chaque cas clair et confirmé de paralysie due à la polio, on estime que 2 000 à 3 000 porteurs contagieux supplémentaires existent dans la communauté, chez qui le seul signe d’infection peut être la fièvre (Levine et al. 2004, p. 40). L’élimination d’une telle maladie est difficile même dans des contextes où les systèmes de santé sont solides. Avec l’inclusion du vaccin antipolio oral dans le Programme élargi de vaccination à partir de 1977, les efforts initiaux déployés en Amérique latine ont connu un succès impressionnant. En 1981, l’incidence de la polio dans la région avait été réduite de moitié et le nombre de pays déclarant des cas de polio avait baissé de 19 à 11. En 1984, la couverture vaccinale atteignait 80 %. Cette amélioration a encouragé l’Organisation panaméricaine de la santé à lancer une campagne intensive pour éliminer la polio de la région. Lancée en 1985, cette campagne avait une caractéristique frappante, à savoir la coordination entre les organisations internationales et régionales d’une part, et les organisations nationales publiques et privées d’autre part. Cette coalition sans précédent poursuivait une stratégie visant à renforcer la surveillance de sorte que les agents de santé puissent identifier les épidémies, y faire face rapidement et les contenir. La campagne soutenait en outre la couverture vaccinale contre la polio, ce qui permettait même aux pays ayant des infrastructures de santé moins solides et des programmes de vaccination moins forts d’obtenir des résultats impressionnants. Pour ce faire, le programme recourait à des moyens tels que les journées nationales de vaccination, organisées deux fois par an et pendant lesquelles les enfants de moins de cinq ans étaient vaccinés, qu’ils aient déjà subi une vaccination ou non. La campagne antipolio a laissé un héritage durable pour les systèmes de santé d’Amérique latine et des Caraïbes en s’attaquant à la polio de telle manière qu’elle est devenue « un tremplin pour le renforcement de l’ensemble du Programme élargi de vaccination..., l’amélioration des infrastructures de santé dans toute la région, et la mise en place d’un indispensable système de surveillance pour évaluer l’impact des interventions sur la polio et d’autres maladies » (Levine et al. 2004, p. 41). Outre l’aménagement des infrastructures et le renforcement des capacités de lutte contre la maladie, la campagne antipolio a par ailleurs renforcé la capacité de planification nationale de la santé, dans la mesure où les pays adaptent désormais les plans d’action annuels de la campagne polio à d’autres initiatives, notamment l’amélioration et l’extension des services de santé maternelle et infantile. « La campagne antipolio a laissé un héritage durable pour les systèmes de santé d’Amérique latine et des Caraïbes. . . ». INTERVENTIONS EFFICACES VISANT À BÂTIR LES SYSTÈMES DE SANTÉ La vaccination peut enrayer certaines maladies et la pulvérisation de larvicides exterminer certains vecteurs, mais de telles approches n’ont aucune Succès en matière de réalisation des priorités | 33 «. . . si une femme est en mauvaise santé, en raison de .. . la malnutrition, du paludisme, d’une immunodéficience, de la tuberculose ou d’une cardiopathie, elle peut courir de graves risques pendant la grossesse et l’accouchement ». «… dans les années 50, le taux de mortalité maternelle du Sri Lanka était de 500 à 600 pour 100 000 naissances vivantes. En 2003 il avait chuté à 60… ». 34 | Priorités en matière de santé influence sur les soins prénatals et l’accouchement. Dans ces derniers cas, il est impérieux de mettre en place un système de santé solide et fonctionnel si l’on tient à obtenir de bons résultats. L’expérience du Sri Lanka montre comment on peut y parvenir. La grossesse et l’accouchement sont des événements naturels et ils n’exigent en général que peu ou pas d’intervention médicale auprès de la mère ou du bébé (DCP2, chapitre 26). Cela étant, si une femme est en mauvaise santé, en raison par exemple de la malnutrition, du paludisme, d’une immunodéficience, de la tuberculose ou d’une cardiopathie, elle peut courir de graves risques pendant la grossesse et l’accouchement. La réduction de la mortalité maternelle et infantile passe par l’adoption de mesures préventives, telles qu’une bonne nutrition et le dépistage des risques possibles. Elle nécessite par ailleurs un environnement hygiénique pour l’accouchement, et des soins rapides et efficaces en prévision des situations d’urgence telles que les obstacles à la naissance ou les hémorragies. Les avortements non médicalisés sont un autre important facteur de risque pour la santé des femmes. Lorsque les systèmes de santé sont faibles et qu’en conséquence les populations n’ont pas accès à des soins appropriés, une proportion beaucoup plus importante de grossesses entraîne des complications, la maladie, l’invalidité permanente ou le décès de la mère, voire de l’enfant. Millions Saved relève que « les interventions visant à détecter les problèmes de santé liés à la grossesse avant qu’ils ne menacent la vie de la patiente, et à gérer les principales complications lorsqu’elles se produisent, sont bien connues et nécessitent relativement peu de recours à la technologie de pointe. Ce qui est nécessaire, toutefois, c’est un système de santé organisé et accessible — physiquement, financièrement et culturellement — permettant de faire en sorte que les femmes accouchent dans des conditions hygiéniques, que celles courant un risque particulièrement élevé de complications soient identifiées à temps, et qu’une aide soit disponible pour faire face aux situations d’urgence lorsqu’elles se présentent » (Levine et al. 2004, p. 48). Voici ce que le Sri Lanka a réalisé en dépit de sa situation de pauvreté. Selon les estimations, dans les années 50 le taux de mortalité maternelle du Sri Lanka était de 500 à 600 pour 100 000 naissances vivantes. En 2003, il avait chuté à 60, et des professionnels qualifiés étaient présents lors de 97 % des naissances. Il s’agissait là des résultats d’efforts sérieux et soutenus du gouvernement pour étendre de manière équitable les services de santé, notamment les soins essentiels de santé maternelle. Le Sri Lanka a poursuivi de maintes manières différentes son objectif de bâtir un système de soin accessible à tous : il a à dessein implanté les établissements de santé dans les zones rurales, rendu les soins gratuits pour tous, créé des réseaux de transport, et renforcé les systèmes d’aiguillage des patients. En développant les ressources humaines, il a accordé une attention particulière à la profession des sages-femmes. D’autres attributs essentiels du système du Sri Lanka étaient la bonne exploitation des renseignements pour effectuer le suivi et la planification, l’amélioration de la qualité des soins, et le ciblage des populations mal desservies. La stratégie progressive adoptée par le pays pour élargir l’accès à des services cliniques précis, encourager l’utilisation de ces services, et en améliorer systématiquement la qualité, a été facilitée par son excellent système d’enregistrement des actes d’état civil, et renforcée par un bon système d’éducation, remarquable pour son égalité entre sexes (89 % des Sri lankaises sont alphabétisées, par rapport à une moyenne de 43 % en Asie du Sud). Qui plus est, la détermination du pays à fournir des services sociaux à tous a été constante dans le temps et remonte à la période d’avant l’indépendance en 1948. Le Sri Lanka a été et demeure un pays pauvre. Il a réalisé sa performance exemplaire dans le domaine de la santé maternelle non seulement sans innovation technologique majeure, mais aussi avec des dépenses limitées. De fait, toutes ces réalisations ont été accomplies avec un budget spartiate. Le montant absolu des dépenses nationales au titre de la santé maternelle était quasiment le même dans les années 90 que dans les années 50 ; mais en raison de la croissance du revenu pendant cet intervalle, la part du produit intérieur brut (PIB) a baissé de 0,28 à 0,16 %. En outre, les financements étaient essentiellement d’origine interne, provenant des recettes publiques. D’après Millions Saved, « d’autres peuvent s’inspirer des réalisations du pays : à la fin des années 50, lorsque le pays déployait ses premiers efforts pour s’attaquer au problème des décès maternels, le PNB [produit national brut] du Sri Lanka équivalait, en dollars constants, au revenu national actuel du Bangladesh, de l’Ouganda ou du Mali, et il était de loin inférieur à celui du Pakistan, de l’Égypte ou des Philippines. En termes relatifs, le Sri Lanka a dépensé nettement moins en santé — et a réalisé beaucoup plus — que chacun de ces pays » (Levine et al. 2004, p. 54). Le succès du Sri Lanka est lié tout particulièrement à la santé maternelle, mais il n’aurait pas pu être réalisé si le pays n’avait pas bâti un système général de santé solide et équitable. « Le succès du Sri Lanka est lié tout particulièrement à la santé maternelle, mais il n’aurait pas pu être réalisé si le pays n’avait pas bâti un système général de santé solide INTERVENTIONS EFFICACES AYANT STIMULÉ LES SYSTÈMES DE SANTÉ EXISTANTS et équitable ». Même si certains pays ont des systèmes de santé solides et qui fonctionnent, des besoins précis d’initiatives nouvelles peuvent se faire sentir, peutêtre en raison d’une nouvelle maladie, d’une grave inégalité de santé, d’un problème chronique ou d’un besoin généralisé d’amélioration. Les soluSuccès en matière de réalisation des priorités | 35 «. . . il était possible… de fournir une combinaison du vaccin diphtérie-tétanos-coqueluche avec le vaccin contre le Hib, dans le cadre du système chilien existant …». 36 | Priorités en matière de santé tions peuvent provenir de l’intérieur du système de santé, surtout si ce dernier est ouvert aux idées, s’il effectue des recherches, et s’il cherche des moyens pour améliorer sa performance et la santé de la population. La vaccination contre l’hæmophilus influenzæ de type B (Hib) au Chili illustre ce genre de cas (DCP2, chapitre 20). Le Hib meningitis est une forme particulièrement mortelle de Hib, qui tue 20 à 40 % des enfants infectés et un nombre plus limité d’adultes qui le contractent, et qui cause chez la moitié de ses survivants des déficiences durables telles que la surdité et des retards mentaux. À l’échelle mondiale, le Hib est la principale cause de méningite bactérienne chez les enfants de moins de cinq ans et la deuxième cause de décès liés à la pneumonie bactérienne dans ce groupe d’âge. Environ 450 000 enfants meurent de Hib chaque année. Il existe un vaccin conjugué très efficace et relativement coûteux contre le Hib depuis la fin des années 80. Le Chili est un pays à revenu intermédiaire ayant une infrastructure de santé moderne et des services d’immunisation efficaces grâce auxquels 95 % des nourrissons subissent des vaccinations systématiques. À la fin des années 80, les chercheurs du ministère de la Santé ont entrepris les premières estimations de l’incidence du Hib dans la région de Santiago. Jusque-là, il n’existait aucun renseignement sur l’ampleur de cette maladie au Chili. Les chercheurs ont analysé les dossiers des cliniques et des laboratoires ; ils ont comparé ces données aux données de population du recensement ; et ils ont évalué la qualité des données, notamment la probabilité qu’elles sous-estiment l’ampleur véritable de la maladie. Ils ont conclu que le Hib était une maladie très répandue et que le taux de décès par cette maladie était élevé au Chili. Les vaccins contre le Hib étaient certes disponibles, mais ils étaient coûteux, et malgré les preuves substantielles de leur efficacité clinique (leur effet de protection biologique), il existait moins d’éléments probants montrant leur efficacité en grande population (impact sur un grand groupe de population de nourrissons recevant le vaccin dans les conditions normales d’un service d’immunisation systématique). Le ministère de la Santé a conçu et réalisé une étude sur la vaccination Hib « avec intention de traiter », expérimentant une combinaison de vaccins contre le Hib avec le vaccin habituel diphtérie-tétanos-coqueluche administré en routine dans 36 centres de santé de la région de Santiago, et les résultats ont été comparés à ceux obtenus dans 35 centres qui n’offraient pas le vaccin contre le Hib. Les résultats de ce programme pilote étaient spectaculaires. L’étude démontrait non seulement l’efficacité du vaccin contre le Hib, mais aussi qu’il était possible, pour les centres de santé, de fournir une combinaison du vaccin diphtérie-tétanos-coqueluche avec le vaccin contre Hib, dans le cadre du système chilien existant. En conséquence, en juillet 1996 le ministère de la Santé a intégré le vaccin dans le programme d’immunisation sys- tématique des bébés à l’échelon national. L’incidence du Hib meningitis au Chili a baissé de 91 %, contre 80 % pour celle de la pneumonie et des autres formes de Hib. Le coût du vaccin était certes élevé au départ, mais le Gouvernement chilien l’a financé en entier à partir des fonds publics et des taxes. Le prix du vaccin a depuis diminué, passant d’environ 15 dollars par dose en 1996 à 3 dollars à peu près en 2003. En 1998, les chercheurs ont conclu que le pays épargnait 78 dollars pour chaque cas de Hib évité, ce qui fournissait davantage d’éléments probants pour continuer le programme de vaccination, lequel s’est poursuivi. Les raisons expliquant le succès du Chili sont les atouts existants en matière de recherche dans ce pays, et l’aptitude de ce dernier à donner suite aux résultats. L’existence d’un système de soin déjà en place et d’un programme d’immunisation systématique touchant 95 % des nourrissons était également essentielle. En d’autres termes, le système chilien de vaccination contre le Hib a porté ses fruits parce qu’il s’agissait d’une intervention qui est parvenue à tirer pleinement parti des atouts d’un système de santé déjà satisfaisant. « L’incidence du Hib meningitis au Chili a baissé de 91 %, contre 80 % pour celle de la pneumonie et des autres formes de Hib ». INTERVENTIONS EFFICACES AU-DELÀ DES SYSTÈMES DE SANTÉ Les exemples précédents montrent que les interventions en matière de santé peuvent réussir dans des situations de pauvreté extrême, voire pendant un violent conflit. En outre, une analyse de l’histoire des gains sans précédent enregistrés dans le domaine de la santé au 20e siècle révèle que les améliorations apportées à la santé ne sont pas fonction du développement économique. Comme on l’a mentionné au chapitre 1, le progrès technique — symbolisé par les connaissances scientifiques, les analyses coûtefficacité et l’expertise en matière de gestion — peut définir et fournir des interventions efficaces au plan économique dans presque toutes les situations. Néanmoins, comme le montre la lutte contre le trachome au Maroc, les synergies potentielles entre les interventions en santé et l’amélioration des conditions sociales générales sont importantes (DCP2, chapitres 50 et 67). Le trachome est une maladie de la pauvreté. Il s’agit d’une infection bactérienne très contagieuse, et des infections à répétition mènent à l’apparition d’une taie (tache de la cornée) et, plus tard, à la cécité, en général à l’âge de 40 à 50 ans. Cette maladie se transmet par contact direct avec les sécrétions oculaires et nasales des personnes atteintes, par contact avec les serviettes et les vêtements contaminés, et par les mouches. La transmission Succès en matière de réalisation des priorités | 37 «. . . le trachome a disparu d’Europe et d’Amérique du Nord, mais il continue de sévir dans le monde en développement… ». « Au début des années 90, . . . plus de 5 % de la population marocaine présentait des signes de trachome. . . ». de la maladie est rapide et intense dans les conditions de surpeuplement, d’absence d’hygiène, et de pauvreté. Avec le développement économique et l’amélioration de l’hygiène, le trachome a disparu d’Europe et d’Amérique du Nord, mais il continue de sévir dans le monde en développement, touchant en particulier des millions de personnes qui vivent dans des régions chaudes et sèches où l’accès à l’eau potable, aux services d’assainissement et aux soins de santé est limité. Les enfants en sont les premières victimes. Dans les zones endémiques, les taux de prévalence chez les enfants âgés de deux à cinq ans atteignent 90 %. Cette maladie touche aussi de façon disproportionnée les femmes, lesquelles sont deux à trois fois plus infectées que les hommes, en raison de leur contact étroit avec les enfants. La plus forte prévalence de la cécité due au trachome est supportée par les populations d’Afrique subsaharienne. Le trachome est lié à la pauvreté à la fois comme symptôme et cause, car la cécité due au trachome touche les individus pendant leurs années les plus productives au plan économique. Au départ, le Maroc a traité le trachome comme s’il s’agissait essentiellement d’un problème médical. Dans les années 70 et 80, l’on administrait deux fois par an aux écoliers des provinces les plus touchées un traitement sous forme de pommade pour les yeux à base de tétracycline, mais cela n’a en rien amélioré le niveau de vie des pauvres du milieu rural. Ainsi, si le trachome avait pratiquement disparu des zones urbaines en développement, il sévissait dans les régions rurales plus pauvres. Au début des années 90, une enquête nationale a révélé que plus de 5 % de la population marocaine présentait des signes de trachome et que la quasi-totalité des cas étaient concentrés dans cinq provinces rurales pauvres. En 1991, le Maroc a créé le Programme national de lutte contre la cécité. Ce partenariat élargi réunissait les cinq divisions du gouvernement responsables de la santé, de l’éducation, de l’emploi, de l’équipement et de l’eau ; des organisations internationales ; des organismes bilatéraux et multilatéraux ; et des organisations non gouvernementales (ONG) nationales. Entre 1997 et 1999, l’État a intégré la stratégie communautaire dite SAFE (pour les initiales anglaises de « chirurgie » (surgery), « antibiotiques » (antibiotics), « nettoyage du visage » (face cleaning) et « modification de l’environnement » (environmental change) au Programme national de lutte contre la cécité. Les composantes de cette stratégie étaient les suivantes : • Chirurgie : une opération simple, rapide et peu coûteuse pour préserver la vision des patients, avec un taux de succès de 80 %. Au Maroc, les unités de chirurgie mobiles comprenant des médecins et des infirmiers spécialisés réalisaient les opérations chirurgicales. 38 | Priorités en matière de santé • Antibiotiques : administration de l’azithromycine en dose unique pour traiter les infections actives et réduire les infections au sein de la communauté. L’État a élaboré de nombreuses stratégies de distribution des médicaments reçus en don, reposant sur la reconnaissance du fait que le trachome est une maladie communautaire et que la réinfection est susceptible de se produire si le traitement se limite aux cas isolés. • Nettoyage du visage : le nettoyage régulier du visage peut permettre de briser le cycle de la réinfection et de prévenir la propagation des bactéries. Les campagnes d’information, de sensibilisation et de communication se sont révélées efficaces pour modifier le comportement des populations. • Modification de l’environnement : l’amélioration des conditions de vie et d’hygiène communautaire est indispensable pour réduire la propagation du trachome. L’État a coordonné la construction de latrines dans 32 villages et l’approvisionnement en eau potable de 74 villages. Quelque 350 associations villageoises locales ont également entrepris de construire des latrines, de forer des puits et d’entreposer de façon sécuritaire les déjections animales de sorte qu’elles puissent servir d’engrais sans favoriser la propagation des mouches. L’accès à l’eau potable s’est amélioré, passant de 13 % de toutes les communautés rurales en 1992 à 60 % en 2000. Reconnaissant que la réduction de la pauvreté et l’amélioration de l’alphabétisme chez les femmes sont essentielles dans la lutte contre le trachome, l’État a entrepris des interventions pour améliorer l’alphabétisme chez les femmes et a mis en œuvre des programmes économiques pour accroître le revenu des femmes. L’adoption de la stratégie SAFE s’explique par la reconnaissance, de la part du Maroc, comme l’a souligné le responsable du Programme national de lutte contre la cécité, du fait que « Le trachome au niveau de ces régions n’est pas strictement un problème médical ; il est essentiellement le reflet d’un problème socioéconomique… Les véritables ennemis sont l’existence de communautés rurales défavorisées, l’analphabétisme, le surpeuplement des familles, le manque d’eau, l’accumulation des déchets d’origine animale, et la prolifération des mouches domestiques. En somme, l’ennemi à combattre n’est pas la chlamydia mais la pauvreté » (cité dans Levine et al. 2004, p. 86). Avec un programme de santé qui va expressément au-delà du système de santé pour intégrer et encourager de plus larges aspects du développement économique, le Maroc a enregistré une réduction de 75 % de la prévalence du trachome depuis 1999 et il a éradiqué cette maladie de certaines provinces, soit le progrès le plus rapide jamais enregistré dans un pays en matière de lutte contre le trachome. «. . . l’amélioration des conditions de vie et d’hygiène communautaire est indispensable pour réduire la propagation du trachome ». «. . . Le Maroc a enregistré une réduction de 75 % du taux de prévalence du trachome depuis 1999 et il a éradiqué cette maladie de certaines provinces… ». Succès en matière de réalisation des priorités | 39 CONCLUSION «. . . lorsque les interventions publiques permettent de prévenir des épidémies et des maladies, elles ne constituent pas des succès visibles… ». 40 | Priorités en matière de santé L’analyse succincte effectuée dans le présent chapitre n’a porté que sur quelques aspects d’une poignée d’interventions en santé publique qui ont porté leurs fruits, telles qu’examinées dans le DCP2. On peut tirer beaucoup plus d’enseignements de ces cas, mais leur plus grande valeur est peut-être qu’ils dissipent le cynisme manifesté devant ce qui apparaît parfois comme des problèmes insurmontables. Paradoxalement, lorsque les interventions publiques permettent de prévenir des épidémies et des maladies, elles ne constituent pas des succès visibles : seuls les cas d’échec sont médiatisés. En rendant compte de la manière dont la vie de millions de personnes a été sauvée grâce à une action concertée, le DCP2 et Millions Saved offrent l’occasion de reconnaître et de célébrer les cas de réussite et d’en tirer des leçons ; d’apprécier leur variété ; et d’afficher un degré d’optimisme éclairé, lequel est peut-être un autre ingrédient essentiel du succès. Chapitre 3 Analyse coût-efficacité La santé s’est certes améliorée de façon spectaculaire au cours du dernier siècle, mais de graves inégalités persistent dans ce domaine. Pour poursuivre les progrès en matière de santé, relever les nouveaux défis et corriger les inégalités, il convient de déployer efficacement les ressources. L’on doit, pour ce faire, disposer de connaissances sur les interventions qui sont concrètement efficaces, d’informations sur les coûts associés, et d’expérience sur leur mise en œuvre et leur mise à disposition (DCP2, chapitres 14 et 15). POURQUOI RECOURIR À L’ANALYSE COÛT-EFFICACITÉ ? L’édition de Disease Control Priorities in Developing Countries (Jamison et al. 1993) parue en 1993 figure parmi les premiers efforts pour guider les choix relatifs aux politiques de santé publique dans les pays en développement, en combinant systématiquement les renseignements sur les interventions efficaces avec les informations sur leurs coûts. Cette démarche était motivée, en partie, par le sentiment que les pays en développement laissaient passer de nombreuses occasions d’améliorer la santé et qu’une meilleure affectation des ressources limitées pouvait permettre de réaliser de meilleurs résultats en matière de santé. L’ouvrage présentait l’analyse coût-efficacité comme un important outil pour identifier ces possibilités inexploitées et pour réorienter les ressources vers de meilleurs usages. L’analyse coût-efficacité permet d’identifier les possibilités inexploitées en mettant en relief des interventions qui, bien que relativement peu coûteuses, ont le potentiel d’alléger considérablement la charge de morbidité. À titre d’exemple, chaque année plus d’un million de jeunes enfants meurent de déshydratation suite à une diarrhée. Si la thérapie de réhydratation par voie orale (TRO) ne diminue pas l’incidence de la diarrhée, elle réduit cependant de façon spectaculaire sa gravité et le taux de mortalité associé. 41 «… aux États-Unis, le nombre d’années de vie sauvées pourrait doubler si les ressources étaient réaffectées à des interventions plus efficaces au plan économique… ». «… les interventions… coûteuses par rapport à l'amélioration de la santé qu’elles procurent… sont… la chirurgie pour soigner les accidents vasculaires cérébraux, et les interventions communautaires contre la schizophrénie et la psychose maniacodépressive ». 42 | Priorités en matière de santé Le fait de prouver scientifiquement que la TRO peut sauver des vies était une importante étape dans l’identification de cette thérapie comme une possibilité inexploitée d’améliorer la santé. En démontrant qu’il ne pourrait coûter que de 2 à 4 dollars par année de vie sauvée, l’on a justifié pourquoi la politique de santé publique devait promouvoir ce traitement, et en réponse nombre de pays ont encouragé le recours à la TRO, ce qui a permis de sauver des millions de vies (DCP2, chapitres 8 et 19). L’analyse coût-efficacité aide à identifier les moyens pour réorienter les ressources de manière à accomplir davantage. Elle démontre l’utilité de la réorientation des ressources non seulement des interventions inefficaces vers des interventions efficaces, mais aussi des interventions moins avantageuses au plan économique vers des interventions plus avantageuses. À titre d’exemple, une étude réalisée par le National Center for Policy Analysis de l’Université Harvard s’est intéressée tout particulièrement à 185 interventions salutaires réalisées chaque année aux États-Unis, lesquelles coûtent 21,4 milliards de dollars et permettent de sauver 592 000 années de vie. L’étude a examiné les différents modes d’allocation de ces fonds et a constaté que le nombre d’années de vie sauvées pourrait doubler si les ressources étaient réaffectées à des interventions plus efficaces au plan économique (DCP2, chapitre 2, encadré 3). Le DCP2 abonde dans le même sens. Il identifie des dizaines d’interventions contre un large éventail de maladies et de facteurs de risque qui sont coûteuses par rapport à l'amélioration de la santé qu’elles procurent. Il s’agit notamment d’interventions en milieu hospitalier, telles que la chirurgie pour soigner les accidents vasculaires cérébraux récurrents, et les interventions communautaires contre la schizophrénie et la psychose maniacodépressive. D’autres interventions qui ne sont pas particulièrement efficaces au plan économique sont le traitement des infections de tuberculose latente à l’isoniazide et les règlements visant à réduire la consommation abusive d’alcool. Si un pays réorientait les fonds et les efforts des interventions de ce genre vers celles qui sont relativement plus efficaces au plan économique, un nombre considérablement plus élevé de personnes pourraient vivre plus longtemps et en meilleure santé. S’il n’est ni possible ni approprié de réaffecter ailleurs les fonds consacrés à ces interventions moins efficaces, l’on peut probablement orienter les augmentations futures de dépenses vers des activités qui rapporteront davantage en terme de santé. Les études coût-efficacité se sont multipliées depuis 1993, et leurs méthodes sont devenues plus largement répandues. Le DCP2 a tiré parti de ce volume croissant de publications et a visé à effectuer des comparaisons cohérentes entre les maladies et les interventions. À titre d’exemple, dans la mesure du possible, les analyses coût-efficacité du DCP2 ont utilisé les mêmes bases de prix, les mêmes indicateurs de santé et les mêmes défini- tions des coûts inclus (encadré 3.1). Le présent chapitre donne un aperçu des concepts et des méthodes fondamentaux de l’analyse coût-efficacité examine quelques-unes de ses limites, et explique de quelle manière elle a été et peut être utilisée. Ce chapitre se penche par ailleurs sur certains autres facteurs contextuels qui doivent compléter l’analyse coût-efficacité dans le processus de prise de décision, si les autorités tiennent à tirer le meilleur parti des conclusions émises dans le DCP2. QU’EST-CE QUE L’ANALYSE COÛT-EFFICACITÉ ? L’analyse coût-efficacité est une méthode pour évaluer les gains de santé par rapport au coût des différentes interventions en matière de santé. Il ne s’agit pas du seul critère pour décider de la manière d’allouer les ressources, mais elle constitue un critère important, car elle lie directement les implications financières et scientifiques des différentes interventions. L’opération de calcul de base consiste à diviser le coût d’une intervention en unité monétaire par le gain de santé prévu, mesuré en unités naturelles, telles que le nombre de vies sauvées. Par exemple, l’utilisation d’un personnel paramédical bénévole et de non-spécialistes qualifiés comme premiers intervenants en cas d’accident coûte environ 128 dollars par vie sauvée en Asie du Sud et 283 dollars au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, tandis que l’utilisation d’une ambulance communautaire coûte à peu près 1 100 dollars et 3 500 dollars par vie sauvée dans les deux régions, respectivement. En mesurant le coût-efficacité en termes de vies sauvées, toutes les vies sont traitées de manière égale, peu importe que la personne concernée soit un enfant qui pourrait vivre 80 autres années ou un individu d’âge moyen pouvant s’attendre à vivre pendant seulement 40 ans encore. Certaines études calculent l’efficience économique en utilisant les années de vie perdues comme unité naturelle pour mesurer les effets des interventions (encadré 3.2). Cette mesure traite de façon égale chaque année supplémentaire de vie gagnée grâce à une intervention. Elle fait la somme du nombre d’années de vie qui seraient sauvées grâce à une intervention. Par conséquent, une intervention qui sauve la vie d’un nourrisson (par exemple la prévention de la déshydratation due à la diarrhée) pèserait davantage qu’une autre visant à sauver la vie d’une personne plus âgée (prévention de la récidive d’un accident vasculaire cérébral par exemple). L’avenir étant incertain, la pratique courante (mais non universelle) veut que l’on ne tienne pas compte des gains de santé et des coûts des années éloignées. Le DCP2 utilise un taux d’escompte de 3 % par an, ce qui a pour effet d’attribuer à 80 ans d’espérance de vie à la naissance une valeur de 30 années escomptées. Avec cet escompte, le fait de sauver la vie d’un nourrisson se traduit toujours par l’ajout de plus d’années que lorsqu’on «… l’utilisation d’un personnel paramédical bénévole et de non-spécialistes qualifiés comme premiers intervenants en cas d’accident coûte environ 128 dollars par vie sauvée en Asie du Sud et 283 dollars au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, tandis que l’utilisation d’une ambulance communautaire coûte à peu près 1 100 dollars et 3 500 dollars respectivement par vie sauvée … ». Analyse coût-efficacité | 43 sauve la vie d’une personne d’âge moyen, mais la différence est considérablement réduite. Selon la méthode de l’escompte, les interventions qui occasionnent des coûts aujourd’hui mais ne rapportent des gains que des Encadré 3.1 Une base cohérente pour le calcul de l'efficience économique dans le DCP2 Unités des rapports coût-efficacité Les rédacteurs du DCP2 ont demandé à l’auteur de chaque chapitre d’adopter une méthode commune d’analyse coût-efficacité et d’utiliser des paramètres cohérents. Il a été demandé aux auteurs de calculer l’efficience économique en termes de dollars par AVCI (année de vie corrigée du facteur d'invalidité), les AVCI étant obtenues en utilisant les pondérations d’invalidité fournies par l’OMS et un taux d’escompte de 3 %. Aucune différenciation par âge Contrairement à certaines autres études, les rédacteurs du DCP2 ont choisi de ne pas appliquer différentes pondérations selon l’âge. En conséquence, par exemple, l’effet de la préservation de la vie d’un nourrisson est supérieur à celui de la préservation de la vie d’une personne plus âgée, en raison de la différence au niveau des années de vie prévues, mais non parce que l’on accorde une valeur supérieure ou inférieure à une année de vie sauvée à un âge plutôt qu’à un autre. Base de calcul des années de vie Le calcul des années de vie prévues était basé sur une moyenne régionale de l’espérance de vie à chaque âge. Cela a pour effet de réduire le rapport coût-efficacité des interventions dans les régions où l’espérance de vie est plus faible ; toutefois, au sein de chaque région, cela permet de faire plus de comparaisons réalistes entre les interventions qui touchent les enfants et celles qui touchent les adultes. Unités monétaires Les principales façons possibles de mesurer les coûts sont de convertir toutes les monnaies en une monnaie à grande circulation comme le dollar des États-Unis, en utilisant les taux de change du marché, ou de les convertir en dollars internationaux en se servant d’un facteur de conversion basé sur la parité des pouvoirs d’achat. Le principal avantage de l’utilisation des dollars internationaux est que ceux-ci s’ajustent pour tenir compte de la différence réelle entre les pouvoirs d’achat d’une monnaie par rapport à une autre. Cependant, le DCP2 a opté pour le dollar américain parce qu’il permet d’assurer une plus grande cohérence avec les autres estimations de coûts auxquelles les décideurs sont habitués, et parce que les indices disponibles de parité des pouvoirs d’achat sont basés sur l’agrégation de tout l’éventail des prix, et peuvent par conséquent induire en erreur si l’on s’en sert pour analyser un secteur particulier ayant sa propre répartition de biens échangeables et non échangeables. Les dollars internationaux sont plus difficiles à comprendre et ne correspondent pas à la faisabilité financière reflétée par les budgets. (Suite à la page suivante) 44 | Priorités en matière de santé Encadré 3.1 (suite) Coûts Le DCP2 tient compte des coûts de production d’une intervention, mais pas de ceux de la consommation de cette dernière par les patients et la famille. Les coûts indirects sont souvent non monétaires — surtout les coûts en temps pour les patients — et ils sont difficiles à estimer de façon cohérente. Lorsque de tels coûts sont élevés, ils donnent l’impression que les interventions ne sont pas efficaces au plan économique, mais le problème peut résider dans la localisation géographique des établissements, leur niveau de dotation en personnel et la manière dont ils sont gérés, plutôt que dans les interventions mises en œuvre. Source : Adapté du chapitre 15 du DCP2. Encadré 3.2 Quelques termes techniques utilisés dans le DCP2 Rapport coût-efficacité : le coût d’une intervention divisé par le changement de l’état de santé qui en résulte. Le choix des unités monétaires pour mesurer les coûts et celui des unités de santé pour mesurer l’impact peuvent varier. Dans la mesure du possible, le DCP2 donne le ratio en dollars par AVCI. Coût-efficacité moyen : le coût total lié à la résolution d’un problème de santé précis en utilisant une intervention donnée divisée par le total des améliorations de la santé. Coût- efficacité marginal : le coût supplémentaire de l’extension d’une intervention précise divisé par ll'amélioration de la santé supplémentaire qui en découlerait. AVCI : unité de mesure du niveau santé perdue en raison d’une maladie ou d’une blessure donnée. Elle est calculée comme la valeur présente des années futures de vie sans invalidité qui sont perdues à cause de décès prématurés ou de cas d’invalidité se produisant au cours d’une année donnée. Taux d’escompte : taux utilisé pour convertir les pertes et les gains futurs en valeurs présentes équivalentes. À titre d’exemple, à un taux d’escompte de 3 %, un coût de 1 dollar l’an prochain serait l’équivalent de 0,97 dollar aujourd’hui et un coût de 1 dollar dans 10 ans serait l’équivalent de 0,74 dollar aujourd’hui. Intervention : activité utilisant des ressources humaines, physiques et financières conduite dans le but d’améliorer la santé en réduisant le risque, la durée ou la gravité d’un problème de santé (Jamison 2002, tableau 2). Année de vie gagnée pondérée par sa qualité : unité de mesure des gains de santé d’une intervention, calculée comme le nombre d’années de vie gagnées et pondérée pas leur qualité. Années de vie perdues : mesure de l’impact d’un événement de santé défavorable, calculé généralement en soustrayant l’âge auquel survient le décès de l’espérance de vie à cet âge. Analyse coût-efficacité | 45 «… une analyse coût- efficacité qui mesure l'amélioration de la santé par le nombre de décès évités accorderait peu de valeur à la prévention de l’onchocercose, mais en mesurant l'amélioration de la santé en AVCI, l’on accorde une plus grande valeur à la préservation de la vision des populations. . . ». 46 | Priorités en matière de santé années plus tard semblent être moins efficaces au plan économique que lorsque des gains sont réalisés sur-le-champ, mais les interventions dont les coûts et les améliorations de la santé suivent la même chronologie sont toutes touchées de manière égale et leur rapport coût-efficacité relatif ne change pas. Néanmoins, les interventions en matière de santé n’ont pas pour seul objectif de sauver ou prolonger les vies. Les chercheurs ont proposé d’autres mesures pour établir des différences entre une année de vie en parfaite santé et une autre avec une certaine détérioration de la santé. L’une des mesures utilisées plus couramment et tenant compte de ce problème est l’année de vie corrigée du facteur d’invalidité (AVCI). Une AVCI mesure non seulement les années de vie supplémentaires gagnées grâce à une intervention, mais aussi l’amélioration de la santé qui en résulte. Elle attribue une valeur de 1 à chaque année vécue en parfaite santé. À toute détérioration de la santé ou toute invalidité, elle attribue un coefficient d’invalidité qui décrit l’ampleur de la détérioration, le coefficient étant plus grand si la détérioration est grave et plus petit si la détérioration est modeste. La valeur d’une année vécue avec une invalidité est alors de 1 moins le coefficient d’invalidité, qui mesure le degré restant de santé. Les chercheurs ont attribué des coefficients d’invalidité à diverses maladies chroniques, à la douleur, à l’incapacité et à la perte de fonctions corporelles en utilisant une variété de méthodes, dont les enquêtes internationales dans lesquelles il est demandé aux répondants de comparer la qualité de la vie dans différents états de santé. Le DCP2 s’est appuyé sur les coefficients d’invalidité calculés dans les études de l’OMS portant sur la charge de morbidité, en s’en servant parfois pour estimer l’invalidité liée à des états sur lesquels l’OMS ne s’était pas explicitement penchée. Les AVCI sont utiles pour les décideurs car elles constituent une mesure plus complète de la santé de la population et non un simple décompte des décès, et parce qu’elles permettent de comparer un large éventail d’interventions en matière de santé. Certaines interventions en santé visent directement à réduire la mortalité, mais nombre d’entre elles ont pour objectif d’atténuer la gravité des maladies et d’améliorer la qualité de la vie. Avec les AVCI, ces différentes interventions peuvent être comparées en fonction d’un standard commun. À titre d’exemple, une analyse coût-efficacité qui mesure l'amélioration de la santé par le nombre des décès évités accorderait peu de valeur à la prévention de l’onchocercose, mais en mesurant l'amélioration de la santé en AVCI, l’on accorde une plus grande valeur à la préservation de la vision des populations parce que le poids de l’invalidité due à la cécité est grand. L’un des avantages de l’utilisation des rapports coût-efficacité est qu’ils permettent d’éviter certains dilemmes moraux et les difficultés d’analyse qui se présentent lorsqu’on cherche à effectuer des analyses coûts-béné- fices. L’application de cette méthode non conventionnelle d’analyse coûtsbénéfices nécessite l’attribution d’une valeur monétaire à chaque année de vie. En renonçant à cette étape, l’analyse coût-efficacité attire l’attention exclusivement sur les gains de santé, lesquels n’ont pas de valeur monétaire. Lorsqu’une intervention débouche sur des gains de santé, la valeur de ces gains doit être soustraite des coûts de l’intervention lorsque ceux-ci sont comparés aux résultats en matière de santé. Nombre d’interventions dans le domaine de la santé produisent des gains au-delà de l’amélioration immédiate de l’état de santé. Par exemple, des parents jouissant d’une meilleure santé seront en mesure de mieux s’occuper de leurs enfants, des employés mieux portants seront plus productifs au travail, et des familles en meilleure santé peuvent éviter de tomber dans la pauvreté. Certaines interventions en matière de santé peuvent créer des cercles vicieux. À titre d’exemple, le fait de prévenir le décès d’un parent peut signifier qu’une famille dispose de plus de revenu pour nourrir et élever ses enfants. D’autres interventions dans le domaine de la santé rapportent des bénéfices annexes, dont la valeur est établie de façon indépendante. Par exemple, le rapport coût-efficacité des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement est faible en ce qui concerne la réduction des maladies gastro-intestinales, mais en eux-mêmes les services de distribution d’eau courante et d’assainissement sont ressentis comme une commodité et une amélioration de l’environnement. Les valeurs que les populations accordent aux avantages non liés à la santé sont passablement élevées, comme le montre leur disponibilité à s’acquitter des frais de tels services, mais le rapport coût-efficacité ne mesure pas les gains supplémentaires non liés à la santé. Par conséquent, la comparaison des interventions selon les critères d'efficience économique doit s’effectuer en comprenant clairement qu’on ne compare les interventions que du point de vue de leur efficacité en matière d’amélioration de la santé, et si l’analyse doit porter sur les bénéfices non liés à la santé, il faut alors prendre en compte ces derniers pour toutes les interventions examinées. L’analyse coût-efficacité nécessite également des unités comparables pour mesurer les coûts. Pour les études nationales, les unités de coût en monnaie locale ont une signification claire. En l’absence de prix unitaires des intrants associés aux interventions, pour la comparaison entre les pays, l’on a fourni aux auteurs du DCP2 les coûts pour chaque région de la Banque mondiale dans une monnaie de grande circulation, en général le dollar des États-Unis. La principale question est de savoir s’il faut utiliser les taux de change du marché pour convertir les coûts en monnaie locale et les comparer à la valeur des intrants importés et importables exprimés en dollars, ou si l’on doit utiliser un facteur de conversion différent basé sur les études du pouvoir d’achat relatif de la monnaie locale. Les taux de change du marché étant plus faciles à comprendre et correspondant mieux aux Analyse coût-efficacité | 47 contraintes financières réelles, le DCP2 s’en est servi pour les conversions de ce genre. Les estimations des coûts sont influencées par les prix et ces derniers peuvent varier considérablement d’un pays à l’autre et même au sein du même pays. Les auteurs du DCP2 n’ont pas pu recueillir les prix unitaires des intrants pour les interventions réalisées dans chaque pays, aussi leur at-on plutôt fourni les prix unitaires moyens de chacune des six régions en développement : Asie de l’Est et Pacifique, Europe et Asie centrale, Amérique latine et Caraïbes, Moyen-Orient et Afrique du Nord, Asie du Sud, Afrique subsaharienne (cependant, dans les analyses publiées antérieurement l’on utilisait parfois les groupements régionaux de l’OMS). Dans les analyses les plus complètes, les auteurs ont multiplié ces prix unitaires régionaux par les quantités estimées des biens nécessaires à chaque intervention, le résultat étant ensuite divisé par l’effet estimé sur la santé pour obtenir les rapports coût-efficacité. Lorsque les auteurs ne pouvaient pas trouver de renseignements désagrégés sur les biens nécessaires à chaque intervention mais que certaines mesures d'efficience économique étaient disponibles, ils ont procédé à des extrapolations. Dans certains cas, les ratios des biens nécessaires à une intervention étaient disponibles pour une région et les auteurs les ont extrapolés à d’autres régions (se reporter par exemple au chapitre 30 du DCP2). Pour effectuer une analyse coût-efficacité, les chercheurs devaient également donner des détails précis sur les interventions dans le domaine de la santé. Une intervention en matière de santé est une activité visant expressément à améliorer la santé d’une personne en réduisant le risque, la durée ou la gravité d’un problème de santé. De telles interventions peuvent être définies sur la base d’événements défavorables de santé, comme le fait d’être victime d’un accident, de contracter une infection, ou de souffrir d’une tumeur maligne. La prévention primaire cherche à éviter un événement défavorable de santé, tandis que la prévention secondaire cherche à empêcher qu’un événement défavorable de santé ne se produise ou ne provoque un problème connexe une fois qu’il s’est produit. Après un événement défavorable de santé, les interventions devraient également se répartir en plusieurs catégories de prise en charge, notamment les traitements, les soins de courte durée, les soins de longue durée, la réadaptation et les soins palliatifs (encadré 3.3). La caractérisation complète d’une intervention passe aussi par la définition du niveau de soins auquel elle est réalisée ; le matériel et les processus précis qui sont utilisés ; et les types d’agents de santé et tous les autres services connexes qui sont nécessaires, tels que les tests de laboratoire. Plus l’analyse est détaillée et précise, plus il est facile pour les chercheurs de déterminer si elle est similaire ou différente de la manière dont l’intervention en question est caractérisée dans d’autres contextes. À titre d’exemple, une intervention en matière de santé peut être réalisée par un établisse48 | Priorités en matière de santé ment moins spécialisé ou nécessiter plus de visites dans un pays que dans un autre. La gamme des coûts considérés influera également sur l’analyse coûtefficacité de l’intervention. Les chercheurs peuvent opter pour une définition étroite des coûts et se concentrer exclusivement sur les frais variables directs de prestation d’un service ; en d’autres termes, ils peuvent tenir compte uniquement des coûts de matériel et de personnel supplémentaires qui sont nécessaires, et exclure les coûts liés à l’utilisation des infrastructures existantes ou des capacités déjà installées. Dans d’autres cas, les chercheurs peuvent utiliser des définitions de coûts plus larges en affectant une certaine part des frais fixes des installations et d’administration aux coûts du service. L’on a demandé aux auteurs du DCP2 de suivre cette dernière approche. Dans certaines études, les chercheurs tiennent compte d’autres coûts, tels que la valeur du temps consacré par les patients et les membres de leurs familles à l’obtention d’un service, ou les frais de transport pour se rendre dans les établissements de santé. Lorsqu’un plus grand nombre de coûts sont pris en considération, le coût par unité de gain de santé est plus élevé et l’intervention semble moins efficace au plan économique. Si les interventions qui sont comparées présentent des caractéristiques similaires, comme par exemple le fait d’être toutes réalisées par un établissement du même genre, l’inclusion de ces autres coûts ne modifie pas le classement des interventions, mais la comparaison d’interventions plus dissemblables Encadré 3.3 Catégories d’intervention et illustrations La figure montre comment les interventions sont liées à un événement de santé. Les définitions de ces catégories sont fournies ci-après. Avant Prévention primaire de la manifestation d'un facteur de risque de la transformation d'un facteur de risque existant en un événement défavorable de santé Événement Après Prévention secondaire d’un autre événement du même genre (un deuxième accident vasculaire cérébral par exemple) d’un événement connexe d’un genre différent (par exemple, crise cardiaque suite à un accident vasculaire cérébral) Prise en charge du cas Traitement Soins de courte durée Soins longue durée Réadaptation Soins palliatifs (Suite à la page suivante) Analyse coût-efficacité | 49 Encadré 3.3 (suite) Les interventions axées sur les populations visent toutes à la prévention primaire (telle que définie ci-après), sont orientés vers l’ensemble de la population ou de grands sousgroupes, et se répartissent en trois catégories : • Promotion d’un changement de comportement personnel (régime alimentaire, exercice, tabagisme, activité sexuelle) • Élimination des risques liés à l’environnement (pollution de l’air et de l’eau, vecteurs de maladies) • Interventions médicales (vaccination, chimioprophylaxie de masse, dépistage à grande échelle, et aiguillage des patients) Les interventions individuelles sont orientées vers les particuliers et peuvent viser les objectifs suivants : • Prévention primaire — pour abaisser le niveau d’un ou de plusieurs facteurs de risque, pour réduire la probabilité de la première manifestation d’une maladie (médicaments contre l’hypertension pour empêcher un accident vasculaire cérébral, ou contre la crise cardiaque), ou pour réduire la probabilité de déclenchement d’une maladie lorsque le facteur de risque est déjà présent (prophylaxie pour la drépanocytose). • Prévention secondaire après la manifestation de la maladie — pour prévenir un autre événement du même genre (médicaments pour réduire la probabilité d’un deuxième événement coronarien) ou pour atténuer le risque d’un événement différent mais connexe (médicaments pour réduire la probabilité d’une première crise cardiaque après un accident vasculaire cérébral). • Traitements — pour éliminer la cause d’une affection et remettre la fonction à son état antérieur (chirurgie pour appendicite). • Prise en charge de courte durée — assurer une intervention à court terme pour atténuer la gravité d’événements aigus ou le niveau de facteurs de risque établis, réduire au minimum les effets à long terme (médicaments thrombolytiques à la suite d’une crise cardiaque, angioplastie pour réduire la sténose des artères coronaires). • Prise en charge de longue durée — assurer une intervention continue pour atténuer la gravité d’états chroniques ou empêcher la détérioration (médicaments contre la dépression unipolaire, insuline contre le diabète). La prise en charge de longue durée peut comprendre certaines activités de prévention secondaire. • Réadaptation — assurer la réadaptation totale ou partielle d’une fonction physique, psychologique ou sociale qui a été endommagée par une maladie ou prédisposition antérieure (thérapie à la suite d’un traumatisme musculo-squelettique, ou consultations pour des problèmes psychologiques). • Soins palliatifs — atténuer la douleur et la souffrance liées à un état pour lequel il n’existe actuellement aucun traitement ou aucune réadaptation (analgésiques contre les céphalées, opiacés contre le cancer en stade terminal). Source : DCP2, chapitre 15, encadré 15.1 50 | Priorités en matière de santé pourrait produire des résultats différents, alors que les ratios sont par ailleurs proches. Pour des raisons de cohérence, les chapitres du DCP2 n’utilisent que les coûts directs, les estimations de ces autres coûts étant à la fois difficiles et rarement homogènes d’une étude à l’autre. Il se pose en outre un problème d’ordre éthique si la valeur du temps des populations pauvres est établie uniquement sur la base de leurs faibles salaires ou revenus. QUEL EST LE DEGRÉ DE FIABILITÉ DE L’ANALYSE COÛT-EFFICACITÉ ? Bien que le calcul de base du rapport coût-efficacité paraisse simple, les choix relatifs aux unités de mesure, les définitions des interventions, l’ampleur des coûts, et les prix à prendre en compte influenceront non seulement les résultats numériques mais aussi l’interprétation du rapport coûtefficacité. Dans nombre de cas, les différences sont si grandes qu’il est inutile d’affiner les analyses sous-jacentes. Par exemple, aucun affinement ne fera qu’un pontage aortocoronarien par greffe (plus de 25 000 dollars par AVCI gagnée) présente un meilleur rapport coût-efficacité que l’utilisation de nouveaux médicaments contre le paludisme lorsqu’il y a résistance aux médicaments antérieurs (8 à 20 dollars par AVCI gagnée) ou l’imposition de taxes sur les produits du tabac (3 à 50 dollars par AVCI gagnée) (tableau 3.1). Pour cette raison, les lecteurs du DCP2 sont encouragés à prêter attention aux différents ordres de grandeur, en établissant une distinction entre les interventions qui sont très efficaces du point de vue coût ou moyennement efficaces, et les interventions qui ne le sont pas. Lorsque les rapports coût-efficacité se trouvent dans une fourchette similaire, il devient plus difficile de prendre des décisions en matière de politique. Dans de telles situations, il peut être impérieux de procéder à un examen plus minutieux des rapports coût-efficacité pour bien s’assurer que les mesures sont proches. Il s’agit de vérifier si les unités de mesure, la définition des interventions et l’ampleur des coûts pris en compte sont similaires. Il convient en outre de noter que les éléments de preuve disponibles pour évaluer le rapport coût-efficacité varient, compte tenu surtout du vaste éventail des interventions examinées. Le DCP2 relève que les meilleurs éléments de preuve proviennent des études randomisées ou des méta-analyses systématiques ; à défaut et les meilleurs éléments de preuve viennent des études non-randomisées qui ont pu néanmoins utiliser des méthodes statistiques rigoureuses. Les éléments de preuve les plus faibles proviennent des études de cas limitées ou d’opinions d’experts. « Il se pose en outre un problème d’ordre éthique si la valeur du temps des populations pauvres est établie uniquement sur la base de leurs faibles salaires ou revenus ». Analyse coût-efficacité | 51 Cependant, un manque d’éléments de preuve ne signifie pas qu’une intervention n’est pas efficace du point de vue économique. Cela signifie tout simplement que les chercheurs ne savent pas dans quelle mesure l’intervention est efficace du point de vue coût. Cela ne veut pas dire non plus que les lecteurs doivent faire abstraction des chiffres relatifs à l'efficience économique. Au contraire, il importe que les lecteurs se montrent circonspects, qu’ils ne se fient pas outre mesure aux estimations ponctuelles, et qu’ils prêtent attention aux ordres de grandeur et à la qualité des éléments de preuve. QUELLES SONT LES TÂCHES APPROPRIÉES AUXQUELLES S’APPLIQUE L’ANALYSE COÛT-EFFICACITÉ ? « L’analyse coûtefficacité. . . fournit… des informations sur les coûts d’amélioration de la santé au moyen d’une intervention précise». L’analyse coût-efficacité n’est pas utile pour certaines prises de décision. Elle fournit essentiellement des informations sur les coûts d’amélioration de la santé au moyen d’une intervention précise. Comme dans le cas des décisions d’investissement, le prix d’un produit est un facteur certes important, mais non exclusif. À titre d’exemple, le coût de la construction d’une école — comme celle d’une clinique — varie en fonction de la taille de l’établissement, de son emplacement et des matériaux utilisés. Ces choix influent sur le coût de l’éducation par élève, qui peut influencer le nombre d’enfants pouvant fréquenter l’école, et peut-être la qualité de l’enseignement qui leur est dispensé. Cela étant, en l’absence de renseignements sur les prix, les décideurs ne peuvent voir les arbitrages à faire dans la prise en compte des autres préoccupations. Dans ces conditions, la question est de savoir comment les décideurs, les administrateurs des programmes de santé, les chercheurs et autres peuvent tirer le meilleur parti de l’analyse coût-efficacité. Avec cette dernière, trois types de comparaison deviennent très faciles : • comparaison de différentes interventions contre la même maladie • comparaison de différentes interventions ciblant des groupes précis de population • comparaison de différentes interventions contre différentes maladies. L’utilisation du ratio coût-efficacité est des plus simples lorsqu’on compare des interventions qui ciblent la même maladie ou le même facteur de risque et ne sont différentes que du point de vue de leur mode de mise en œuvre. Dans ce cas, les interventions moins coûteuses rapportent en général de plus grandes améliorations de la santé. À titre d’exemple, le fait de remédier à une carence en vitamine A en distribuant des capsules produit 52 | Priorités en matière de santé Tableau 3.1 Gains de santé potentiels avec USD 1 million Service ou Intervention Coût par AVCI (USD) AVCI gagnées par USD million dépensé Réduction de la mortalité chez les enfants de moins de cinq ans 1. Amélioration des soins offerts aux enfants de moins de 28 jours (notamment la réanimation des nouveau-nés) 2.1 Extension de la couverture vaccinale au moyen de vaccins pédiatriques habituels 2.2 Ajout des vaccins contre d’autres maladies au programme d’immunisation systématique des enfants (surtout contre l’haemophilus influenza et l’hépatite B) 3. Adoption du recours à l’association de médicaments (les ACT) contre le paludisme en cas de résistance aux médicaments actuels qui sont peu coûteux et très efficaces (Afrique subsaharienne) 10–400 2 500–100 000 2–20 50 000–500 000 40–250 4 000–24 000 8–20 50 000–125 000 Prévention et traitement du VIH/SIDA 4. Prévention de la transmission de la mère à l’enfant (TAR–névirapine — prophylaxie de la mère ; substituts du lait maternel) 50–200 5 000–20 000 5. Traitement des ITS pour interrompre la transmission du VIH 10–100 10 000–100 000 350–500 2 000–3 000 6.1 TAR qui fait l’objet d’une forte adhésion de la part d’un grand pourcentage de patients 6.2 TAR qui fait l’objet d’une forte adhésion de la part d’un petit pourcentage de patients En raison du caractère très limité des gains réalisés par le patient et de potentiels changements défavorables de comportement chez les populations, il est probable que plus de vies soient perdues que sauvées Prévention et traitement des maladies non transmissibles 7. Imposition de taxes sur les produits du tabac 8.1 Traitement de l’infarctus aigu du myocarde ou des crises cardiaques au moyen d’un ensemble de médicaments peu coûteux 8.2 Traitement de l’infarctus aigu du myocarde au moyen de médicaments peu coûteux et de la streptokinase (ici les coûts et les AVCI s’ajoutent aux résultats qu’on aurait obtenus en utilisant uniquement des médicaments peu coûteux) 9. Traitement à vie des patients ayant souffert de crise cardiaque et d’accident vasculaire cérébral au moyen de « poly-comprimé » combinant 4 à 5 médicaments préventifs sans brevet 10.1 Pontage aortocoronarien par greffe ou pontage dans des cas à haut risque identifiables, tels que la maladie de l’artère coronaire gauche principale (s’ajoute à 9) 10.2 Pontage relatif à une maladie moins grave de l’artère coronaire (s’ajoute à 9) 3–50 10–25 20 000–330 000 40 000–100 000 600–750 1 300–1 600 700–1 000 1 000–1 400 >25 000 <40 très élevé Négligeables (Suite à la page suivante) Analyse coût-efficacité | 53 Table 3.1 (suite) Service ou Intervention Coût par AVCI (USD) AVCI gagnées par USD million dépensé Autre 11. Détection et traitement du cancer du col de l’utérus 15–50 20 000–60 000 12. Ouverture d’un pavillon service de chirurgie de base au niveau de l’hôpital de district s’occupant tout particulièrement des cas de traumatisme, de grossesse à haut risque et d’autres états généralement soignés au moyen de la chirurgie 70–250 4 000–15 000 Sources : DCP2, chapitre 1, tableau 1.3. Note : Les AVCI gagnées par USD 1 million dépensé au titre d’une intervention varient considérablement d’un pays à l’autre et en fonction d’un grand nombre d’autres facteurs. Le tableau ci-dessus ne vise qu’à donner une idée très sommaire des gains de santé que les différentes interventions peuvent permettre de réaliser, et à montrer qu’il existe une grande variation au niveau des gains que les différentes interventions (ou la même intervention appliquée de différentes manières) peuvent rapporter avec le même montant. ACT ~ polythérapie à base d’artémisinine ITS ~ infection transmise sexuellement TAR ~ thérapie antirétroviral « … le fait de remédier à une carence en vitamine A en distribuant des capsules produit sur la santé un impact similaire à celui de l’enrichissement du sucre pour combler la même carence ; cependant, le coût par AVCI gagnée est d’environ 6 à 12 dollars pour la distribution des capsules, contre 33 à 35 dollars pour l’enrichissement du sucre ». 54 | Priorités en matière de santé sur la santé un impact similaire à celui de l’enrichissement du sucre pour combler la même carence ; cependant, le coût par AVCI gagnée est d’environ 6 à 12 dollars pour la distribution des capsules, contre approximativement 33 à 35 dollars pour l’enrichissement du sucre. Autrement dit, pour le même coût, la distribution des capsules pourrait permettre d’atteindre trois à cinq fois plus de personnes que l’utilisation du sucre enrichi (DCP2, chapitre 28). Cela montre clairement qu’il est possible de réaliser plus de gains de santé en consacrant les ressources à la distribution des capsules. Toutefois, même dans cet exemple simple, il conviendrait que les décideurs tiennent compte d’autres facteurs, et tout particulièrement du fait que différentes interventions peuvent permettre d’atteindre des populations différentes. L’analyse coût-efficacité traite de la même manière toutes les améliorations de la santé, tandis qu’en matière de politique publique, les questions de distribution sont également importantes. Par exemple, il se pourrait que la distribution des capsules n’atteigne que les personnes qui se rendent aux centres de santé, et que le sucre enrichi ne parvienne qu’aux personnes qui achètent du sucre. Selon les caractéristiques et les comportements de la population accusant une carence en vitamine A, l’enrichissement du sucre pourrait, en pratique, s’avérer à la fois plus efficace et plus équitable. L’enrichissement du sucre serait toujours plus coûteux par AVCI, aussi les décideurs devront-ils comparer le coût supplémentaire lié à la réalisation de résultats plus équitables par rapport à celui d’autres utilisations des mêmes ressources économiques. L’analyse coût-efficacité est par ailleurs utile pour comparer les interventions ciblant des maladies ou des facteurs de risque différents. Les rares ressources permettent d’apporter plus d’améliorations dans le domaine de la santé lorsqu’elles sont consacrées aux interventions plus efficaces au plan économique. Si l’analyse coût-efficacité utilise le nombre des décès évités lors de la mesure des gains de santé, l’affectation des ressources à des interventions plus efficaces au plan économique permettra d’éviter le plus de décès. À titre d’exemple, le fait de dépenser 1 million de dollars pour élargir le plan de vaccination traditionnel afin d’intégrer un programme de rattrapage pour la vaccination contre la rougeole permettrait d’éviter entre 800 et 66 000 décès, en fonction de la prévalence de la rougeole. En revanche, en consacrant le même montant à l’élargissement du programme pour y intégrer le vaccin contre le Hib, l’on éviterait entre 10 et 800 décès, contre 300 à 900 décès avec l’intégration du vaccin contre la fièvre jaune. Si au contraire l’analyse utilise les AVCI comme mesure du progrès de la santé, dans ce cas l’affectation des ressources aux interventions les plus efficaces au plan économique permettra d’obtenir un maximum d’années de vie en bonne santé. À titre illustratif, l’investissement de 1 million de dollars dans la distribution de la névirapine et de substituts du lait maternel pour empêcher que les mères séropositives ne transmettent le VIH à leurs enfants rapporterait un gain de 5 000 à 20 000 AVCI, tandis que le même montant consacré à l’extension de la couverture vaccinale au moyen de vaccins pédiatriques réguliers produirait un gain d’entre 50 000 et 500 000 AVCI. Il s’ensuit que les décisions en matière de politiques publiques relatives à la santé ne devaient pas reposer uniquement sur l’efficience économique ; cette dernière doit être complétée par des renseignements sur les conséquences distributionnelles. Pour les autorités, ces deux types de renseignements déterminent les arbitrages inhérents à l’affectation des fonds à différentes interventions. « … le fait de dépenser 1 million de dollars. . . afin d’intégrer un programme de rattrapage pour la vaccination contre la rougeole permettrait d’éviter entre 800 et 66 000 décès. . . ». COMMENT LES DÉCIDEURS PEUVENT-ILS UTILISER L’ANALYSE COÛT-EFFICACITÉ ? Pour que l’analyse coût-efficacité fournisse de bons éléments d’orientation en matière de politique, il convient de la compléter par des renseignements essentiels sur le contexte plus général, en ce qui concerne tout particulièrement la charge de morbidité , la couverture existante des interventions dans le domaine de la santé, et la capacité globale du système de santé. Un facteur contextuel essentiel dans l’utilisation des informations relatives au rapport coût-efficacité de toute intervention est la charge de morbidité ou mortalité imposée par une maladie. Certaines interventions peuvent être plus efficaces du point de vue du coût, tout en ne touchant qu’un petit nombre de personnes ou en n’apportant que de légères améliorations à la santé (figure 3.1). À titre d’exemple, le traitement contre la leishmanioAnalyse coût-efficacité | 55 « . . . la charge de morbidité évitable est un renseignement essentiel dont doivent disposer les décideurs au moment de choisir entre des interventions ayant la même efficience économique ». 56 | Priorités en matière de santé se est relativement efficace au plan économique, mais il n’est administré que dans un nombre de cas comparativement réduit. En revanche, les antipaludiques et les moustiquaires traitées aux insecticides sont des mesures efficaces au plan économique qui, dans certains pays, permettraient d’éviter une lourde charge de morbidité. Dans la mesure du possible, les pays financeraient toutes les mesures susceptibles d’améliorer la santé, mais chaque pays étant confronté à des contraintes budgétaires ou de capacité de prestation des services, la charge de morbidité évitable est une information essentielle dont doivent disposer les décideurs au moment de choisir entre des interventions ayant la même efficience économique. Les interventions en matière santé qui sont de nature préventive sont en général plus efficaces au plan économique dans les situations où la charge de morbidité relative à la maladie ou au facteur de risque ciblé est élevée et donc, où l’intervention permettra d’éviter davantage de cas. Pourtant, la prévalence actuelle n’est pas toujours un bon facteur prédictif du rapport coût-efficacité d’une intervention, tout particulièrement dans les situations où le faible taux de prévalence est dû à l’efficacité des programmes de santé publique. À titre d’exemple, la prévalence de la diphtérie, du tétanos, de la coqueluche et de la rougeole est en général faible dans les pays ayant d’efficaces programmes de vaccination, mais le rapport coût-efficacité du programme de vaccination qui est nécessaire pour éviter la recrudescence de ces maladies demeure passablement élevée. Par ailleurs, la prévalence a un grand impact sur le rapport coût-efficacité du dépistage des maladies et, de manière indirecte, sur celle d’un régime thérapeutique contre une certaine affection. Par exemple, le dépistage et le traitement de l’hélicobacter, facteur de risque bactérien du cancer de l’estomac, ne sont pas efficaces au plan économique aux États-Unis, mais ils le sont en Colombie, car la prévalence du cancer gastrique y est plus élevée et bon nombre des coûts de traitement sont plus faibles (DCP2, chapitre 29). L’efficience économique du dépistage des cancers et de nombreuses autres maladies est fonction des coûts liés à la détection des cas, du nombre de personnes qui ne suivent pas de traitement après le dépistage, et des coûts directs du traitement. Bien entendu, si aucun traitement n’est disponible, le dépistage ne sert à rien. La réalisation de tests d’anémie chez les malades du sida est efficace au plan économique en ce qui concerne les patients traités à la zidovudine, non seulement parce que le dépistage est relativement peu coûteux (moins de 0,02 dollar par test d’anémie), mais aussi parce que l’anémie se manifeste chez 10 % de ces patients. Lorsque les coûts sont plus élevés ou quand la probabilité de développer les affections en question est faible, le dépistage n’est peut-être pas efficace au plan économique. Le rapport coût-efficacité est en outre influencé par les probabilités de transmission. À titre illustratif, le dépistage sanguin universel du VIH est certes coûteux, mais il est aussi efficace au plan économique, même dans Figure 3.1 Efficacité des interventions Élevé Possibilités inexploitées Interventions efficaces au plan économique largement utilisées Faible Coût-efficacité Interventions dont il est inefficace d’accroître l’ampleur Interventions dont l’ampleur doit être réduite Faible Élevé Couverture courante Source : DCP2, chapitre 2, p. 34. les pays affichant une faible prévalence du VIH/SIDA, la probabilité d’infection à la suite d’une transfusion de sang contaminé étant si élevée — près de 100 %. Pour plusieurs raisons, un calendrier prévisionnel approprié est également impérieux dans l’évaluation de la valeur d’une charge de morbidité et de la valeur d’une intervention. L’une des raisons en est que les gains produits par l’intervention peuvent se matérialiser seulement à long terme, de sorte que l’intervention semble efficace à long terme mais pas à court terme. Le taux d’escompte revêt une grande importance dans cette comparaison, car il accorde moins de valeur aux résultats éloignés dans le temps. Une autre raison en est qu’il peut s’avérer utile de répéter l’intervention pendant plusieurs années pour pouvoir réaliser les gains de santé potentiels. Tel est le cas avec la TRO, qu’il faut parfois administrer maintes fois au cours de plusieurs années pour prévenir les décès liés à la diarrhée chez les jeunes enfants, et avec la prophylaxie à la pénicilline pour prévenir les décès dus à l’infection chez les enfants souffrant de drépanocytose (DCP2, chapitres 19 et 34). Enfin, une intervention peut comporter d’importants frais de lancement à amortir sur une certaine période. Le DCP2 utilise une période type de 10 ans dans de tels cas. La couverture des interventions existantes constitue un autre facteur contextuel qui est crucial dans l’utilisation de l’analyse coût-efficacité. Lorsque les autorités décident du mode d’affectation des ressources, elles peuvent comparer les interventions qui sont relativement plus ou moins efficaces au plan économique, étant donné les services de santé actuels. À titre d’exemple, certaines interventions peuvent être très efficaces, mais avoir une faible couverture. De telles interventions représentent des possibilités inexploitées auxquelles les décideurs doivent accorder une plus « … le dépistage sanguin universel du VIH est certes coûteux, mais il est aussi efficace au plan économique, même dans les pays affichant une faible prévalence du VIH/SIDA… ». Analyse coût-efficacité | 57 grande attention. À moins qu’il n’existe d’autres facteurs défavorables, il s’agit probablement d’interventions susceptibles d’avoir un grand impact sur la santé à un coût relativement faible. Le DCP2 présente en général les rapports coût-efficacité comme s’ils étaient indépendants du niveau et de l’ampleur des interventions, alors que le rapport coût-efficacité marginal varie aussi en fonction du niveau de la couverture des services. Les frais engagés pour atteindre le premier 1 % de la population peuvent être assez élevés lorsque les coûts fixes liés à l’achat du matériel, à la formation du personnel et à la mise en place des systèmes de gestion sont pris en compte, et ils peuvent rapporter relativement moins d'améliorations de la santé. À mesure que s’étend la couverture, toutefois, le coût moyen peut diminuer et l’on peut assister à davantage d’améliorations dans le domaine de la santé, ce qui entraîne une amélioration considérable du rapport coût-efficacité de l’intervention visant à atteindre un groupe supplémentaire, comme par exemple le fait de passer d’une couverture de 50 % à 51 %. Dès que le taux de couverture est élevé, il peut s’avérer encore une fois assez dispendieux d’atteindre le reste de la population — souvent constituée de groupes marginalisés —, et cela sans un progrès de la santé correspondant au coût élevé, ce qui réduit davantage l’efficience économique. Soit par exemple l’expérience de l’éradication de la variole. À un certain stade de la campagne, de vastes régions du monde étaient indemnes de variole et l’éradication dépendait de l’identification de la poignée des dernières poches du virus et d’une intervention massive et rapide pour mettre en quarantaine les personnes infectées et vacciner tout le monde dans ces régions. Aujourd’hui, la campagne contre la polio est confrontée à un problème similaire : il est beaucoup plus coûteux d’atteindre et de vacciner quelques enfants dans les régions rurales de l’Inde et du Soudan que de traiter un plus grand nombre de personnes dans les zones urbaines, mais l’élimination de la maladie peut justifier ces coûts élevés. Un processus similaire entre en jeu avec la mise à disposition des soins de santé de base, dans la mesure où une telle intervention est en général moins coûteuse par personne dans les régions densément peuplées que celles où la population est plus éparse. En plus de la prévalence de la maladie et de la couverture existante, les décideurs doivent tenir compte d’autres facteurs locaux. Le DCP2 fournit des estimations basées sur les moyennes régionales des prix unitaires1, mais les prix locaux et la disponibilité des biens nécessaires à une intervention peuvent varier de façon considérable par rapport aux moyennes régionales. En conséquence, il importe par exemple de déterminer d’abord si les prix d’un pays donné sont proches ou nettement éloignés de la moyenne régio1 Lorsque les données sur les prix n’existaient que dans quelques pays de la région, les auteurs du DCP2 ont essayé de choisir le prix le plus susceptible d’être représentatif pour la région en question, même s’il ne s’agissait pas d’une moyenne calculée. 58 | Priorités en matière de santé nale, puis si les prix des principaux paramètres ou biens ont changé depuis l’analyse initiale. L’un des changements les plus radicaux depuis la parution de la première édition de Disease Control Priorities in Developing Countries (Jamison et al. 1993) a été la chute des prix de médicaments antirétroviraux. Il s’ensuit que la thérapie antirétrovirale (TAR) est considérablement plus efficace au plan économique aujourd’hui qu’il y a une décennie. Des baisses supplémentaires des coûts des tests de diagnostic et d’autres formes de prestations peuvent améliorer encore davantage le rapport coût-efficacité de la TAR dans un avenir proche. Enfin, le rapport coût-efficacité de la plupart des interventions en matière de santé est également fonction de l’efficacité du fonctionnement du système de santé (DCP2, chapitre 3). Dans leurs calculs des rapports coût-efficacité, la majorité des auteurs des chapitres du DCP2 tiennent pour acquis qu’un système de santé fonctionnel est disponible pour mettre en œuvre l’intervention ; toutefois, il s’agit là d’une hypothèse dont la validité varie considérablement d’un pays à l’autre. Si le système de santé d’un pays est particulièrement faible, les interventions qui font grandement appel aux professionnels médicaux, à des traitements complexes ou à des systèmes d’information avancés ne seront en pratique pas aussi efficaces au plan économique que dans des pays disposant de systèmes de santé plus solides. L’expérience de l’adoption de la prise en charge intégrée des maladies de l’enfant (PCIME) (DCP2, chapitre 63) montre dans quelle mesure un système de santé qui fonctionne peut influer sur le rapport coût-efficacité des interventions en matière de santé. Il ressort des expériences de plusieurs districts du Brésil et de la Tanzanie que l’ensemble des interventions de PCIME peuvent permettre non seulement d’améliorer les résultats en matière de santé chez les enfants, mais aussi de réaliser des économies en réduisant les soins contre-indiqués et l’utilisation excessive de médicaments. Cependant, dans la plupart des pays à revenu faible ou intermédiaire, l’ensemble des interventions de PCIME se sont heurtées à des difficultés de mise en œuvre et n’ont pas pu réaliser leur promesse de rapport coût-efficacité , en raison du fort taux de roulement et d’attrition du personnel qualifié, ainsi que de l’insuffisance du matériel et des fonds. RÉCAPITULATIF DE L’UTILISATION JUDICIEUSE DE L’ANALYSE COÛT-EFFICACITÉ Utiliser efficacement les ressources revient à consacrer les fonds aux interventions influant sur la santé, ce qui nécessite certes des connaissances scientifiques sur les facteurs de risque, les maladies, la biochimie, le comportement social, etc., mais ce savoir scientifique ne permet pas à lui seul de déterminer les interventions qui auront le plus d’impact. Afin de déterAnalyse coût-efficacité | 59 miner la meilleure manière d’affecter les fonds publics, les décideurs ont besoin de renseignements sur les coûts relatifs pour établir la combinaison d’interventions pouvant apporter le plus d’améliorations à la santé. L’analyse coût-efficacité est un outil permettant aux décideurs de mesurer les différents coûts et les résultats en matière de santé lorsqu’ils doivent prendre des décisions relatives à l’affectation des ressources. Pour ce faire, l’analyse donne aux décideurs le « prix » de la réalisation des améliorations dans le domaine de la santé au moyen de différents types d’interventions et, partant, elle les aide à prendre des décisions qui leur permettent de tirer le meilleur parti de leurs ressources financières. En fin de compte, le fait de savoir quelles interventions sont efficaces et à quel coût doit être tempéré par la connaissance des institutions et la maîtrise de la mise en œuvre. Seule la combinaison des connaissances scientifiques et pratiques peut permettre aux décideurs d’identifier les interventions qui auront le plus grand impact en pratique. Par conséquent, les analyses coût-efficacité présentées dans le DCP2 et dans le présent ouvrage apportent une importante contribution aux débats plus larges sur les décisions en matière de politiques publiques relatives à la santé. Le DCP2 réunit les meilleurs éléments probants qui existent sur l’efficience économique des différentes interventions. Pour utiliser judicieusement ces chiffres, les lecteurs doivent : • considérer les rapports coût-efficacité indiqués pour leur région comme une première approximation, et classer les interventions selon des catégories qui sont larges ; • établir si les ratios calculés seraient considérablement différents dans leur pays en raison des prix, des données démographiques, de l’épidémiologie, ou si la couverture des services serait sensiblement différente de la moyenne régionale ; • déterminer si les interventions efficaces au plan économique s’attaqueraient aux principales sources de la charge de morbidité dans leur pays ; • établir si les interventions efficaces au plan économique seraient faisables compte tenu des institutions existantes et des expériences en matière de mise en œuvre dans leur pays ; • évaluer les interventions efficaces au plan économique du point de vue de la manière dont elles distribueraient les améliorations en matière de santé, et déterminer si cela serait équitable dans leur pays. Au terme d’un tel examen des éléments de preuve réunis à l’échelle internationale, les pays seront en mesure d’améliorer la santé de leurs populations car ils pourront évaluer explicitement les coûts et les conséquences des différentes options. 60 | Priorités en matière de santé Chapitre 4 Stratégies efficaces au plan économique pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement Bon nombre des maladies et des affections qui représentent une grande partie de l'excédent de morbidité dans les pays à revenu faible ou intermédiaire sont nettement moins répandues dans les pays à revenu élevé. Les excédents sont principalement liés aux maladies infectieuses, à la santé génésique et aux maladies de l’enfant. Huit maladies et affections sont à elles seules à l’origine de 29 % de tous les décès enregistrés dans les pays à revenu faible ou intermédiaire : tuberculose, VIH/SIDA, maladies diarrhéiques, maladies de l’enfant pouvant être prévenues par un vaccin, paludisme, infections respiratoires, affections maternelles et décès néonatals. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, environ 17,6 millions de personnes meurent chaque année de maladies transmissibles et d’affections maternelles et néonatales. A la fois la fréquence de telles maladies et affections et les taux de décès connexes sont nettement plus faibles dans les pays à revenu élevé. Cette situation tient en partie au fait que ces pays sont plus riches, que les conditions de vie générales y sont meilleures, que les facteurs climatiques et environnementaux y sont différents, mais aussi qu’on y recourt à des interventions en matière de santé efficaces du point de vue coût. Nombre de ces maladies auxquelles sont imputables les plus grandes différences, au niveau l’état de santé, entre les pays à revenu faible ou intermédiaire et les pays à revenu élevé, sont par ailleurs des maladies pour lesquelles il existe des stratégies efficaces au plan économique connues, disponibles et qu’il est possible de mettre en place. Si les pays à revenu faible ou intermédiaire enregistraient les mêmes taux de décès dus à ces maladies que les pays à revenu élevé, le nombre des décès y baisserait de 17,6 millions à 3 millions par an. La différence, soit quelque 14 millions de décès, représente une mesure de l'excédent de morbidité sous lequel ploient les pays à revenu faible ou inter61 « Les maladies infectieuses sont à l’origine de moins de médiaire. L’application de mesures efficaces au plan économique connues contre ces maladies pourrait réduire considérablement de nombreux décès inutiles. Un nombre de mesures efficaces du point de vue du coût pour s’attaquer aux maladies transmissibles et aux affections maternelles et néonatales étaient déjà connues au moment de la publication de la première édition de Disease Control Priorities in Developing Countries (Jamison et al. 1993). Il avait été prouvé que la TRO était efficace au plan économique pour réduire les décès liés à la diarrhée chez les enfants. Les soins prénataux et les accouchements en présence d’un personnel qualifié, la vaccination contre le tétanos et les soins hygiéniques du cordon ombilical des nouveau-nés, l’immunisation contre les maladies infantiles, la stratégie DOTS (traitement de brève durée sous observation directe) pour enrayer la tuberculose étaient également des mesures efficaces connues pour s’attaquer à cet excédent de morbidité. Le DCP2 présente certes des informations confirmant nombre de ces constatations antérieures, mais il passe aussi en revue les nouveaux éléments de preuve concernant par exemple l’apparition de souches pharmacorésistantes de paludisme, de tuberculose et de VIH, et la grande concentration de décès d’enfants qui se produisent pendant les 28 premiers jours de vie. Le présent chapitre ne peut examiner que quelques-unes des maladies couvertes dans le DCP2 et qui sont à l’origine de l'excédent de morbidité que supportent les pays à revenu faible ou intermédiaire. (Pour une liste complète des maladies transmissibles et des affections maternelles et néonatales couvertes dans le DCP2, se reporter à l’encadré 1.1 du chapitre 1 et à l’appendice). Par ailleurs, la présentation ci-après ne peut mettre en exergue que quelques-unes des constatations relatives à chacune des maladies examinées. Pour une description plus étoffée et plus exhaustive, se référer aux chapitres connexes du DCP2 auxquels des renvois sont faits dans le présent chapitre. 2 % des décès dans les pays à revenu élevé, mais de. . . 21 % des décès dans les pays à revenu faible ou intermédiaire ». 62 | Priorités en matière de santé MALADIES INFECTIEUSES ET TRANSMISSIBLES Les maladies infectieuses sont à l’origine de moins de 2 % des décès dans les pays à revenu élevé, mais elles sont la cause de 21 % des décès dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Les maladies infectieuses mettent à jour une différence flagrante au niveau de l’état de santé entre pays riches et pays pauvres, et qui est attribuable précisément à l’existence d’interventions efficaces au plan économique pour prévenir et traiter un si grand nombre d’entre elles. Les maladies infectieuses posent un éventail de problèmes. Certaines se transmettent soit directement d’une personne à une autre, soit par contact avec les insectes ou d’autres animaux. Le système immunitaire de l’organisme humain résiste facilement à certaines d’entre elles, tandis que d’autres, notamment les maladies auto-immunitaires, attaquent et affaiblissent le système immunitaire lui-même. Certaines présentent des symptômes visibles et manifestes dans un court délai, alors que d’autres restent à l’état latent pendant des années avant de devenir évolutives. Les maladies infectieuses varient par ailleurs selon leur virulence, leur transmissibilité et leur durée ; de plus, certains agents infectieux deviennent plus rapidement résistants aux traitements que d’autres. Trois maladies transmissibles, à savoir le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme, sont à l’origine d’environ 10 % des décès dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Un examen de ces trois maladies seulement laisse entrevoir l’immense variété des maladies infectieuses et démontre pourquoi les stratégies pour s’y attaquer doivent être si différentes. Le VIH/SIDA se transmet principalement par contact sexuel, la tuberculose par inhalation de gouttelettes infectieuses dans l’air, et le paludisme exclusivement par piqûre d’insecte. Le VIH/SIDA s’attaque au système immunitaire de l’organisme, tandis que la tuberculose attaque principalement les poumons, le paludisme affectant quant à lui le système sanguin et pouvant attaquer le cerveau, le foie et d’autres organes. Le VIH/SIDA non traité est presque invariablement mortel, tout comme la tuberculose et le paludisme peuvent être mortels. En outre, 10 % des décès enregistrés dans les pays à revenu faible ou intermédiaire sont attribués à d’autres maladies causées par des agents infectieux ou transmissibles. Pour nombre de ces maladies, telles que la coqueluche, le tétanos et la diphtérie, il existe des vaccins et obtenir une couverture universelle est faisable. Néanmoins, des millions d’enfants ne sont pas vaccinés et risquent par conséquent de tomber malades ou de mourir. Les infections occasionnent par ailleurs des maladies diarrhéiques pouvant entraîner des décès inutiles lorsque les enfants sont mal soignés et meurent de déshydratation. «… le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme VIH/SIDA sont à l’origine d’environ Le VIH s’est propagé dans le monde entier en un bref laps de temps, mais il s’est concentré de manière disproportionnée dans les pays à faible revenu1. En 2004, quelque 2,9 millions de décès attribués au sida 10 % des décès dans les pays à revenu faible ou intermédiaire ». 1 Cette partie est basée sur les chapitres 17 et 18 du DCP2. Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 63 « En 2004, quelque 2,9 millions de décès attribués au sida se sont produits dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, contre environ 22 000 dans les pays à revenu élevé ». 64 | Priorités en matière de santé se sont produits dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, contre environ 22 000 dans les pays à revenu élevé. L’Afrique subsaharienne est la région la plus touchée par l’épidémie. Bien qu’elle n’abrite que 10 % de la population mondiale, on y dénombre 66 % de tous les cas de VIH et plus de 75 % des décès liés au sida. Les pays d’Asie et du Pacifique n’ont pas des taux de prévalence élevés comme ceux d’Afrique subsaharienne, mais leurs populations sont de taille importante et la prévalence y augmente. En 2004, cette région a enregistré à peu près 505 000 décès liés au sida, soit approximativement 17 % de tous les cas de décès liés au sida. Lorsque cette maladie a été identifiée pour la première fois au début des années 80, la plupart des personnes vivant avec le VIH/SIDA étaient des hommes. La proportion des femmes touchées par l’épidémie a régulièrement augmenté : en 2004, les femmes et les jeunes filles représentaient près de 50 % de toutes les personnes vivant avec le VIH/SIDA, et elles constituaient 57 % des personnes infectées en Afrique subsaharienne. La transmission du VIH se fait essentiellement par voie sexuelle, laquelle est à l’origine d’environ 80 % des infections. Le VIH se transmet également par exposition à du sang contaminé, ainsi que de la mère à l’enfant pendant l’accouchement ou l’allaitement. Les efforts pour enrayer l’épidémie sont basés sur des stratégies préventives. Dans le cas de la transmission sexuelle et de l’exposition à du sang contaminé, les mesures de ce genre consistent notamment à sensibiliser les populations au mode de transmission, à encourager l’utilisation des préservatifs et la réduction des contacts sexuels avec de multiples partenaires, à soumettre au test de dépistage le sang destiné à la transfusion, à créer des programmes d’échange d’aiguilles à l’intention des consommateurs de drogues injectables, et à promouvoir l’accès universel à des aiguilles stérilisées dans les lieux de soins. Les médicaments antirétroviraux peuvent être utilisés à des fins de prévention de la transmission de la mère à l’enfant (PTME) pendant l’accouchement ; on peut également réduire la transmission périnatale en limitant la durée de l’allaitement maternel et en évitant l’allaitement mixte. Les stratégies de lutte contre l’épidémie doivent en outre prévoir des régimes de traitement utilisant la thérapie antirétrovirale (TAR), laquelle peut prolonger la vie et améliorer la qualité de la vie des personnes vivant avec le sida. En dépit de ces initiatives, les efforts consentis à l’échelle mondiale se sont avérés insuffisants pour juguler la propagation de la pandémie ou pour prolonger la vie de la majorité des personnes infectées. Le niveau de succès souhaité n’a pas encore été atteint pour plusieurs rai- sons. La plupart des personnes qui pourraient tirer parti des stratégies de lutte existantes (notamment le traitement) n’y ont pas accès. Des chercheurs ont modelisé l’épidémie et ont établi que les interventions existantes pourraient permettre de prévenir 63 % de tous les cas d’infection qui, selon les prévisions, se produiront entre 2002 et 2010. Toutefois, pour le moment, moins d’une personne à risque élevé d’infection sur cinq a accès aux services de prévention les plus élémentaires, notamment les préservatifs, l’éducation au sujet du sida, la PTME, le conseil bénévole et le dépistage, et les programmes de lutte contre l’ostracisme et la discrimination. En outre, les soins donnés aux personnes séropositives ont de tout temps été limités dans les pays en développement, et la couverture au moyen de la TAR n’a pas été étendue à la plupart des habitants des pays disposant de peu de ressources (les exceptions notables sont celles de l’Argentine, du Brésil et du Mexique). En bref, les programmes nationaux ont manqué de moyens pour adopter une approche globale de lutte contre le VIH/SIDA. Un autre formidable obstacle entravant la mise au point de stratégies judicieuses de lutte contre le VIH/SIDA est le manque de données sur la meilleure manière de mettre en œuvre les ensembles d’interventions existantes à une échelle appropriée pour protéger les droits des populations touchées par l’épidémie. Au cours de la dernière décennie, les gouvernements et les ONG ont acquis une expérience limitée mais précieuse des stratégies de prévention et de traitement dans un large éventail de milieux, ce qui rend possible l’identification et la diffusion des principes généraux de succès. L’épidémie a toutefois continué de se propager, mais beaucoup moins rapidement dans les pays — notamment le Brésil, le Mexique, le Sénégal, la Thaïlande et l’Ouganda — où, dans les politiques nationales, l’on a pris au sérieux l’épidémie du sida et mis en œuvre des programmes nationaux de lutte contre cette maladie (voir encadrés 4.1 et 4.2). Ces programmes qui ont porté leurs fruits présentaient plusieurs caractéristiques communes, dont un degré élevé d’initiative politique, un engagement actif de la société civile et des dirigeants religieux, des programmes axés sur la population et conçus pour modifier les normes sociales, la promotion de l’utilisation des préservatifs, la surveillance des infections transmises sexuellement (ITS) et la lutte contre ces dernières, des programmes de lutte contre l’ostracisme et la discrimination, et des interventions ciblant les principales populations « passerelles ». Le plus grand obstacle bridant l’efficacité de la lutte mondiale contre le VIH/SIDA est, cependant, peut-être celui du manque de données scientifiques fiables pour guider le choix des interventions en matière de prévention et de traitement ciblant des régions ou des populations pré- «… les interventions existantes pourraient permettre de prévenir 63 % de tous les cas d’infection qui, selon les prévisions, se produiront entre 2002 et 2010 ». « L’épidémie a… continué de se propager, mais beaucoup moins rapidement dans les pays… où, dans les politiques nationales, l’on a pris au sérieux l’épidémie du sida … ». Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 65 cises. De la même manière que les décideurs à l’échelle mondiale reconnaissent de plus en plus la nécessité d’évaluer de façon rigoureuse les programmes de développement afin d’en assurer le succès et d’éliminer les gaspillages, les évaluations scientifiques fiables des programmes de lutte contre le sida s’avèrent d’une nécessité primordiale, pour des raisons similaires. En raison du manque de données relatives à l’efficacité et au coût des interventions qui sont nécessaires pour guider une prise de décision éclairée, l’affectation courante des ressources de prévention du VIH/SIDA est rarement basée sur des éléments probants. Néanmoins, malgré la pénurie des données sur l’efficacité et les coûts des diverses stratégies de lutte, l’action s’impose. Des directives ont été élaborées pour guider la sélection de stratégies appropriées de prévention et de traitement basées sur le profil épidémiologique d’un pays (caractérisation d’épidémies spécifiques, à la lumière de la prévalence de l’infection au sein de populations clés précises, telles que les professionnels du sexe, les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes ou les consommateurs de drogues intraveineuses, et au sein de la population générale) et le contexte politique, culturel et économique propre au pays en question. Encadré 4.1 L’épidémie du VIH/SIDA en Ouganda À l’instar de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, l’Ouganda a connu une croissance rapide de l’incidence du VIH et une généralisation de l’épidémie à la fin des années 80 et au début des années 90. En 1991, la prévalence globale du VIH était de 21 % (LowBeer et Stoneburner 2003) ; cependant, la trajectoire de l’épidémie en Ouganda s’est distinguée remarquablement de celle des pays voisins. En 2001, la prévalence globale du VIH avait baissé à 5 %, avec des réductions spectaculaires de l’incidence au sein des populations clés, telles que les soldats, les femmes enceintes et les jeunes femmes (USAID 2002). Les composantes cruciales du programme ougandais de prévention du VIH étaient les suivantes : • solide appui politique, surtout de la part du président Yoweri Museveni • interventions en faveur de l’autonomisation des femmes et des filles • concentration intense sur les jeunes • efforts pour lutter activement contre la stigmatisation et la discrimination • accent sur une communication ouverte au sujet du VIH/SIDA • mise à contribution des dirigeants religieux et des organismes confessionnels • établissement des premières interventions confidentielles en matière de conseil bénévole et de dépistage • accent sur la lutte contre les ITS et la prévention de celles-ci. Source : DCP2, chapitre 18, encadré 18.5. 66 | Priorités en matière de santé Encadré 4.2 Programme « Utilisation à 100 % des préservatifs » en Thaïlande La prévalence du VIH en Thaïlande, stimulée principalement par des taux élevés d’activités sexuelles professionnelles et de faibles taux d’utilisation des préservatifs, a commencé à s’accroître rapidement à la fin des années 80. À partir de 1989, le Gouvernement thaïlandais a lancé une campagne nationale d’éducation et de distribution de préservatifs ciblant les professionnels du sexe et leurs clients, afin d’assurer une utilisation à 100 % des préservatifs lors de tous les rapports sexuels professionnels. Les éléments qui auraient contribué au succès du programme sont les suivants : • imposition, par le gouvernement, de l’utilisation à 100 % des préservatifs dans les établissements de commerce du sexe • campagne publicitaire massive de promotion des préservatifs • éducation dans les lieux d’activités sexuelles professionnelles • distribution de préservatifs par l’État • dépistage et traitement des ITS • surveillance des infections et repérage de leur source • solide engagement politique et financier • participation active des administrations provinciales et locales. Malgré ce succès sans précédent, les données scientifiques donnent à croire que l’application du Programme « Utilisation à 100 % des préservatifs » n’est plus aussi rigoureuse aujourd’hui qu’au début de sa mise en œuvre. Il ressort d’une étude menée récemment à Bangkok que 89 % des professionnels du sexe utilisent les préservatifs, soit une baisse par rapport au taux de 2000 qui s’élevait à 96 % (PNUD 2004). Source : DCP2, chapitre 18, encadré 18.4. Ces catégories sont énumérées au tableau 4.1 intitulé « Profils épidémiques » (la catégorie d’épidémie généralisée étant à son tour subdivisée en catégories « à faible niveau » et « à niveau élevé »). Ces catégories peuvent servir à mettre au point des directives en matière de prévention. Dans les pays où la prévalence de l’infection à VIH est faible, il demeure impérieux d’intervenir de façon rapide et efficace. La collecte des données est essentielle pour évaluer les progrès de l’épidémie et guider les politiques publiques. L’établissement du profil des populations clés pour comprendre les comportements liés à l’infection et le suivi du taux d’infection peuvent fournir de précieux renseignements permettant d’adopter des mesures appropriées et opportunes. Des connaissances élémentaires sur le mode de transmission du VIH et sur la manière de se procurer et d’utiliser les préservatifs doivent être difStratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 67 « … [là] où la prévalence de l’infection à VIH est faible, il demeure impérieux d’intervenir de façon rapide et efficace ». fusées dans le cadre de campagnes restreintes dans les mass médias et les programmes scolaires. Dans de telles activités d’information, d’éducation et de communication (IEC), il convient de tenir compte des attitudes dominantes vis-à-vis de l’activité sexuelle, car elles déterminent la manière dont les populations perçoivent le matériel éducatif. Dans les politiques de santé publiques, l’on doit par ailleurs veiller à ce que les préservatifs soient facilement disponibles dans les circuits existants, tels que les pharmacies, les cliniques et les magasins d’alimentation. En outre, les établissements de santé doivent soumettre au test de dépistage tous les produits sanguins destinés à la transfusion, et utiliser des aiguilles stérilisées pour toutes les injections, car le taux de transmission du virus par ces voies est élevé. Par ailleurs, étant donné que l’infection se propage si rapidement chez les consommateurs de drogues intraveineuses, il importe de mettre en place des programmes de prévention ciblant cette population clé, y compris dans les milieux où l’infection est relativement peu connue. Dans les pays où l’épidémie est concentrée, des mesures supplémentaires s’imposent. Les programmes visant à prévenir la transmission au sein des populations clés dont les risques de contracter ou de transmettre l’infection sont tout particulièrement élevés revêtent une importance particulière, notamment le conseil bénévole et le dépistage à l’intention des particuliers, et les programmes basés sur l’action des « pairs » et portant sur l’éducation des personnes à risque, la promotion de comportements sûrs et la distribution des préservatifs. Il convient de promouvoir le dépistage et le traitement des ITS, et d’offrir aux femmes enceintes qui présentent un profil à haut risque des Tableau 4.1 Profils épidémiques Plus forte prévalence au sein de la population clé (professionnels du sexe, consommateurs de drogues injectables, hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes) Prévalence au sein de la population générale Régions de l’OMS Niveau faible ⬍ 5% ⬍ 1% Moyen-Orient et Afrique du Nord Concentrée ⬎ 5% ⬍ 1% Asie de l’Est et Pacifique, Europe et Asie centrale, Amérique latines et Caraïbes, Asie de l’Est Généralisée à faible niveau ⱖ 5% 1–10% Afrique subsaharienne Généralisée à niveau élevé ⱖ 5% ⱖ 10% Afrique subsaharienne Source : ONUSIDA, 1997. 68 | Priorités en matière de santé services de dépistage et de traitement du VIH, à la fois à leur propre profit et pour réduire la probabilité de la transmission de la mère à l’enfant. Dans le cas d’une épidémie généralisée à faible prévalence, comme en Tanzanie, il convient de maintenir ou même de renforcer la priorité accordée aux interventions ciblées, mais les interventions visant de plus grands groupes de populations doivent également être mises en œuvre avec vigueur. Ces priorités en matière de prévention doivent porter sur la surveillance des ITS, des comportements à risque et des infections à VIH dans l’ensemble de la population, avec un accent particulier sur les jeunes gens ; l’extension des campagnes d’IEC dans les mass médias audelà de l’éducation de base ; la promotion, au-delà des populations clés, de l’administration systématique de tests volontaires et confidentiels de VIH, ainsi que du dépistage et du traitement des ITS ; la vente de préservatifs subventionnés et leur commercialisation sociale, ainsi que le renforcement de leur distribution pour en assurer un accès universel ; la mise à disposition de services de dépistage du VIH à toutes les femmes enceintes ; et l’élargissement des approches axées sur les pairs et des campagnes ciblées d’IEC pour couvrir toutes les populations présentant des taux plus élevés d’ITS et de comportement à risque. Une épidémie généralisée à niveau élevé, telle qu’observée au Botswana et au Zimbabwe, constitue une situation d’urgence nationale qui appelle une intervention publique la plus vigoureuse possible. Il convient de promouvoir à l’échelle universelle l’administration courante de tests du VIH et le dépistage systématique des ITS. L’on doit élaborer des stratégies novatrices de masse pour mettre l’information, les services de dépistage et les préservatifs à la disposition d’un grand nombre de personnes — par exemple dans le milieu du travail, dans les lieux de passage, lors des rassemblements politiques, dans les écoles et les universités, dans les camps militaires, et par le biais des brigades de jeunes, des syndicats de travailleurs, et des mouvements d’agriculteurs. Il est impératif de distribuer gratuitement des préservatifs dans tous les lieux possibles. Il faut promouvoir le conseil bénévole et le dépistage auprès de tous les couples qui entretiennent des rapports sexuels. La pauvreté, l’éducation et le statut social de la femme, qui sont d’importants facteurs dans toutes les épidémies, doivent être au centre des préoccupations. Des mesures prioritaires doivent être adoptées pour modifier les normes relatives à chacun des sexes et réduire les restrictions économiques, sociales et juridiques auxquelles sont soumises les jeunes filles et les femmes. Outre ces stratégies préventives, des stratégies appropriées de soin et de traitement sont nécessaires. Les chercheurs ont mis au point de nou- «… une épidémie généralisée à niveau élevé… constitue une situation d’urgence nationale qui appelle une intervention publique la plus vigoureuse possible ». Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 69 « Il est également possible d’améliorer et de prolonger la vie des personnes infectées par le VIH/SIDA grâce à un appui psychosocial, au traitement des infections opportunistes, à la TAR, et aux soins palliatifs… ». velles thérapies pour soigner le VIH/SIDA, dont certaines sont plus faciles à administrer et moins toxiques que leurs prédécesseurs. Le traitement devient aussi une réalité pour nombre d’habitants de pays disposant de peu de ressources, car les prix des médicaments antirétroviraux ont baissé en raison des négociations internationales avec les compagnies pharmaceutiques et des pressions politiques exercées sur ces dernières, ainsi que de la fabrication de médicaments génériques, et des changements apportés à la politique commerciale internationale afin de permettre la concession de brevets obligatoires pour l’utilisation des produits pharmaceutiques dans les situations d’urgence et de faciliter l’importation de produits génériques. À mesure que la TAR devient disponible à plus grande échelle, la résistance du VIH à un nombre de régimes de médicaments antirétroviraux se manifeste, ce qui oblige fréquemment les patients à passer des médicaments donnés en première intention de traiter à ceux de deuxième intention, dont les prix sont plus élevés et les effets secondaires plus graves. Il est également possible d’améliorer et de prolonger la vie des personnes infectées par le VIH/SIDA grâce à un appui psychosocial, au traitement des infections opportunistes, à la TAR, et aux soins palliatifs, lesquels sont donnés non seulement au dernier stade de la vie et pour la maîtrise de la douleur, mais aussi pour résoudre les problèmes psychologiques, sociaux et spirituels des patients et de leurs familles. Les soins aux personnes en fin de vie peuvent être délivrés dans de nombreux milieux, des hôpitaux aux domiciles des patients et aux hospices. Nombre de mesures peu coûteuses pour traiter la douleur2, la diarrhée, la nausée et les affections de la peau3 des personnes infectées sont disponibles et elles peuvent améliorer la qualité de vie des patients. Les suppléments de micronutriments, qui ne coûtent que 15 dollars par an, peuvent augmenter le poids corporel, réduire la charge virale du VIH, accroître le nombre de CD4, et réduire les infections opportunistes chez les personnes séropositives. Malgré le large éventail et le faible coût des interventions pour soigner les symptômes chez les personnes vivant avec le VIH/SIDA, le besoin de soins palliatifs à donner à de telles personnes est loin d’être comblé. Les campagnes massives d’éducation peuvent réduire la stigmatisation associée à l’infection à VIH et permettre aux patients de rester actifs au sein de leur communauté. Le soutien psychologique direct peut également avoir des effets importants. Il ressort des études menées en Afrique du Sud et en Thaïlande que l’accès aux services de santé mentale et au 2 3 70 | Priorités en matière de santé Voir DCP2, chapitre 52. Voir DCP2, chapitre 37. conseil contribue considérablement à la qualité de la vie des patients et est même associé, dans certains cas, à une réduction de la mortalité. Le diagnostic, le traitement, et la prise en charge des infections opportunistes potentiellement mortelles restent l’un des plus importants aspects des soins aux patients atteints du VIH. Lorsque le VIH commence à affaiblir le système immunitaire des patients, ce qui tend à se produire cinq à sept ans après l’infection, les bactéries, les champignons, les virus et même les cancers qui auraient autrement été contenus deviennent actifs et nuisibles. Certaines infections telles que la pneumonie, la tuberculose4 et la candidose orale et œsophagienne sont relativement faciles à diagnostiquer et leur traitement est efficace au plan économique, tandis que d’autres, comme le cytomégalovirus et le complexe Mycobacterium avium sont difficiles à diagnostiquer et leur traitement est coûteux. Dans ce dernier cas, la TAR, qui réduit la charge virale du VIH et, partant, améliore le système immunitaire, peut présenter un meilleur rapport coût-efficacité que le traitement de l’infection elle-même. La prévention de certaines infections opportunistes est efficace du point de vue du coût, et une simple prophylaxie, telle que le co-trimoxazole qui prévient la pneumonie Pneumocystis jiroveci, a des effets positifs sur la survie. Cela étant, la prophylaxie des infections opportunistes est sous-utilisée dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, et malheureusement ses avantages sont de courte durée car elle n’arrête pas la dégradation inexorable du système immunitaire chez les personnes infectées. La seule manière d’arrêter la progression de la maladie chez ces personnes est d’interrompre la réplication virale au moyen de la TAR. Les perspectives de traitement des personnes séropositives au moyen de médicaments antirétroviraux dans les pays à revenu faible ou intermédiaire se sont améliorées, mais la TAR continue d’être coûteuse et de présenter un problème complexe. Dans certains pays en développement le coût de la TAR a diminué, passant de 15 000 dollars par patient par an à moins de 150 dollars par an. Avec ce prix moins élevé, la TAR est désormais à la portée de nombreux pays à revenu intermédiaire, mais elle reste un lourd fardeau pour les pays à faible revenu, où les dépenses annuelles au titre de la santé publique s’élèvent souvent à moins de 20 dollars par habitant par an. L’OMS et le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA estiment que seulement 7 % environ des près de 6 millions de personnes ayant besoin de traitement seront soignés, et que le nombre de patients nécessitant la TAR augmente de 8 000 chaque jour. 4 Voir DCP2, chapitre 16. Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 71 « Il convient d’approfondir nettement la recherche sur l’efficience économique des interventions contre le VIH/SIDA . . . ». 72 | Priorités en matière de santé Le DCP2 (chapitre 18) décrit les divers régimes disponibles pour le traitement de première intention du VIH/SIDA lorsqu’il n’y a pas pharmacorésistance, et pour les thérapies de deuxième ou troisième intention de traiter en cas de pharmacorésistance. Dans les pays en développement, les médicaments préférés de première intention sont dictés par l’efficacité différentielle d’un nombre de combinaisons, ainsi que par des considérations liées au prix et au brevet. La quasi-totalité des TAR hautement actives comportent certains effets secondaires, allant de celles qui sont assez simples à traiter (par exemple l’anémie, soignée avec un apport de fer) à celles qui sont plus complexes (la lipodystrophie et la maladie cardiovasculaire). Pour tirer pleinement parti de la TAR, l’adhésion au traitement doit être carrément parfaite (supérieure à 90 %) ; dans les cas d’adhésion non-optimale, la résistance peut se produire dans un délai de deux semaines seulement. Les expériences avec la TAR en Haïti et en Ouganda ont montré que dans les pays à faible revenu, les programmes appliquant le traitement sous observation directe peuvent réaliser des taux d’adhésion au régime médicamenteux qui sont élevés, voire parfois supérieurs à ceux des pays riches. Néanmoins, l’on ne peut tenir pour acquis un fort taux d’adhésion, car des études menées en Inde, au Mexique et au Sénégal y ont révélé de faibles niveaux d’adhésion, d’où le besoin d’approfondir la recherche sur l’efficacité des interventions pour accroître l’adhésion. Pour s’attaquer à l’épidémie du VIH, il convient d’apprécier les innombrables liens qui existent entre la technologie, l’économie, la politique et le comportement. Lorsque les dirigeants politiques et les célébrités apportent leur soutien aux campagnes publiques de sensibilisation et de normalisation des débats publics sur le VIH, les approches techniques et comportementales sont accueillies favorablement à une plus grande échelle. Quand les innovations techniques rendent le dépistage plus fiable, moins cher et plus facile, le conseil bénévole et le dépistage peuvent être mieux ciblés et plus efficaces. Lorsque la concurrence des produits génériques réduit le coût des médicaments, et quand l’aide internationale est disponible pour les acheter, et lorsque les programmes sociaux encouragent l’adhésion aux régimes médicamenteux, le rapport coût-efficacité de la TAR augmente, et la TAR devient financièrement faisable. Il convient d’approfondir nettement la recherche sur le rapport coût-efficacité des interventions contre le VIH/SIDA, et les chiffres figurant au chapitre 18 du DCP2 doivent être interprétés sans perdre de vue que leurs coûts changent rapidement. Le chapitre 2 du DCP2 signale que le diagnostic et le traitement des ITS coûtent environ 57 dollars par AVCI gagnée, contre 84 dollars pour les programmes de dépistage des transfusions sanguines et des aiguilles. Le traitement des infections opportunistes coûte environ 150 dollars par AVCI, tandis que la prévention et le traitement de la coinfection à la tuberculose coûtent approximativement 120 dollars par AVCI gagnée. Le rapport coût-efficacité de la TAR est difficile à estimer, car elle est fonction du prix des médicaments, de la prévalence des souches pharmacorésistantes, des coûts du diagnostic et de l’efficacité du système de santé dans la fourniture appropriée des médicaments. La TAR n’est certes pas susceptible de présenter un rapport coût-efficacité comparable à celui de ces autres interventions, mais le traitement est une importante composante de la stratégie nationale globale pour enrayer et lutter contre le VIH, et ne peut pas être ignoré. La réponse à la question de savoir si l’on peut amplifier efficacement la TAR dans les pays à faible revenu durement frappés constitue une épreuve majeure pour les pays touchés eux-mêmes et pour la communauté internationale. Les plus grands défis de la recherche sur les soins et le traitement adéquats pour les pays en développement ne portent pas sur la mise au point de nouveaux médicaments, mais plutôt sur la manière d’adapter les stratégies de soin et de traitement à des milieux à faible revenu, à technologie rudimentaire et à faible capacité en matière de ressources humaines, de sorte à maximiser l’adhésion aux interventions ; de réduire au minimum la toxicité, le suivi et le coût ; et d’optimiser la prolongation d’une vie de qualité élevée grâce à la TAR, — tout cela sans endommager les infrastructures de soins de santé existantes qui sont souvent fragiles. La synergie entre la prévention et le traitement doit être prise en considération dans les efforts d’affectation de ressources limitées. Bien que la prévention du VIH/SIDA soit souvent plus efficace au plan économique que son traitement, les décisions relatives à l’affectation des fonds publics sont rendues complexes par les interactions entre prévention et traitement. En mettant à disposition le traitement, on peut atténuer dans une certaine mesure la stigmatisation et la peur associées au sida et faire qu’il soit plus facile de joindre et de conseiller les personnes qui sont actuellement infectées, de sorte à prévenir la transmission future. Le traitement peut par ailleurs réduire la transmissibilité. Cependant, des préoccupations sont émises quant au fait que la mise à disposition du traitement risque de réduire les inhibitions et de mener à un accroissement des comportements à risque (tel que noté aux États-Unis, au Canada et en Europe). La mauvaise adhésion au traitement peut également favoriser la pharmacorésistance, tandis que l’accroissement de l’espérance de vie sous traitement pourrait déboucher « Bien que la prévention du VIH/SIDA soit souvent plus efficace au plan économique que son traitement, les décisions relatives à l’affectation des fonds publics sont rendues complexes par les interactions entre prévention et traitement ». Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 73 sur l’exposition d’un plus grand nombre de partenaires. L’effet net de l’interaction entre la prévention et le traitement sera probablement différent d’un pays à l’autre, et il est impératif de réaliser des études et un suivi plus poussés des interactions. La lutte contre le VIH/SIDA exige des stratégies et des politiques publiques qui s’intéressent à la question de la prévention et du traitement avec des ressources limitées. L’on en a beaucoup appris sur la maladie elle-même, les interventions et les stratégies précises, l’interaction entre la prévention et le traitement, et les plus grands liens contextuels. Le DCP2 présente l’ensemble des expériences et les évaluations réalisées jusqu’à ce jour et qui permettent aux décideurs de choisir des stratégies appropriées. Tuberculose La tuberculose reste la deuxième plus grande cause des décès liés à un agent infectieux dans le monde, même si les médicaments pour soigner cette maladie existent depuis 50 ans5. Le programme international de santé publique accorde une attention prioritaire à la tuberculose en raison de cette énorme charge de mortalité, compte tenu de l’augmentation des cas de tuberculose associés à l’infection à VIH et à la pharmacorésistance, et parce que la stratégie de lutte contre la tuberculose recommandée à l’échelon international et connue sous le nom de DOTS (traitement de brève durée sous observation directe) s’est imposée comme la plus efficace au plan économique de toutes les interventions en matière de santé. La recrudescence de la tuberculose dans les pays à revenu élevé dans les années 80 avait surpris les responsables de la santé publique, mais des interventions publiques efficaces ont arrêté sa propagation et réduit son incidence en Europe occidentale et centrale, en Amérique latine et dans les Caraïbes, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. La tuberculose a cependant continué de se propager et de tuer, partout où les conditions sociales se sont détériorées, où les mesures de santé publique sont peu rigoureuses, et où le VIH/SIDA est répandu. Par conséquent, l’incidence de la tuberculose augmente en Europe orientale — principalement dans les anciennes républiques soviétiques — depuis les perturbations politiques de la fin des années 80, et en Afrique subsaharienne depuis le milieu des années 80. En 2003, le nombre de nouveaux cas de tuberculose enregistrés chaque année à l’échelon mondial s’élevait à environ 8,8 millions. Le plus fort taux d’incidence, soit 345 cas pour 100 000 personnes par an, s’enregistre en Afrique sub5 74 | Priorités en matière de santé Cette partie est basée sur le chapitre 16 du DCP2. saharienne, mais la moitié des cas de tuberculose du monde surviennent dans les pays les plus peuplés d’Asie, à savoir le Bangladesh, la Chine, l’Inde, l’Indonésie et le Pakistan. Selon les épidémiologistes, les tendances à la hausse peuvent être renversées si 70 % des cas sont détectés et si 85 % des cas détectés sont soignés. Cet objectif doit être atteint si l’on tient à réaliser l’ODM adopté à l’échelon international de réduire de moitié les taux de prévalence et de mortalité à l’horizon 20156. Les interventions visant à enrayer la tuberculose portent notamment sur la prévention de l’infection au moyen de la vaccination, le traitement des infections latentes, et le traitement de la maladie évolutive. Dans le monde entier, environ 80 % des nourrissons reçoivent actuellement un vaccin vivant atténué, le bacille Calmette-Guérin (BCG). Bien que ce vaccin protège les enfants contre la méningite et la tuberculose miliaire, il est peu efficace contre la tuberculose pulmonaire chez les adultes. La vaccination reste efficace au plan économique dans les régions où l’incidence est élevée, mais elle est souvent abandonnée dans les pays à faible incidence, parce que le risque d’infection est faible et la réaction immunitaire rend moins efficace le test cutané à la tuberculine à des fins de surveillance épidémiologique. Le dépistage et le traitement des cas évolutifs est actuellement la principale mesure de lutte contre la tuberculose, et la plus efficace. La clé de voûte de cette approche est la stratégie DOTS. Cette dernière fait appel à un test diagnostic utilisant un échantillon de crachat positif, un traitement à court terme avec prise en charge efficace du patient, un approvisionnement régulier en médicaments, et un suivi systématique afin d’évaluer les résultats obtenus par chaque patient. La prise en charge effective du patient comprend la supervision régulière par un agent de santé ou un bénévole de la communauté pour veiller à ce que le patient prenne effectivement ses médicaments. L’engagement de frais supplémentaires pour suivre les patients et faire en sorte qu’ils adhèrent au régime médicamenteux même après la disparition des symptômes s’est avéré efficace au plan économique, en raison de son impact sur les taux de guérison, ce qui a eu pour conséquence de ralentir l’épidémie et de limiter l’apparition de la pharmacorésistance. Dans toutes les régions, à l’exception de l’Europe et de l’Asie centrale, le DOTS coûte entre 5 et 50 dollars par AVCI gagnée. Dans certaines conditions, le DOTS peut permettre de réaliser des économies ainsi que 6 En 2000, les membres du groupe des huit pays les plus industrialisés se sont réunis à Okinawa, au Japon, et ils ont établi officieusement les cibles pour la réduction des cas de tuberculose et des décès dus à celle-ci à l’horizon 2010. Les ODM des Nations Unies fixent des objectifs pour réduire de moitié le nombre de cas et de décès d’ici à 2015 par rapport à leur niveau de 1990, et l’OMS suit les progrès en direction de ces objectifs. Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 75 de prévenir les nouveaux cas et les décès. Le traitement des personnes qui ont des souches polypharmacorésistantes ou qui sont aussi infectées par le VIH/SIDA est moins efficace au plan économique, car les frais de traitement sont plus élevés tandis que l’efficacité et les avantages attendus sont plus faibles. Néanmoins, le traitement des patients ayant une tuberculose polypharmacorésistante coûte relativement peu par rapport aux gains potentiels d’années de vie en bonne santé, soit en général moins de 400 dollars par AVCI gagnée. Le traitement des personnes ayant des infections latentes, c’est-à-dire des patients infectés à la tuberculose mais ne présentant aucun symptôme, est la solution la moins efficace au plan économique, avec un coût de 5 500 à 26 000 dollars par AVCI gagnée, lorsque la tuberculose est endémique (taux de prévalence relativement stable) et que la prévalence du VIH est faible. Toutefois, pendant une épidémie de tuberculose chez des personnes séropositives, la mise à disposition d’un traitement contre l’infection latente aux personnes chez qui la maladie n’est pas encore évolutive pourrait coûter moins de 100 dollars par AVCI gagnée dans les pays à faible revenu. La vaccination BCG est également efficace au plan économique, avec un coût de 40 à 170 dollars par AVCI gagnée. La recherche pourrait fournir un meilleur éventail d’interventions dans l’avenir, que ce soit en améliorant l’approche du DOTS ; en resserrant le lien entre les prestataires privés — que les patients souffrant de tuberculose dans la plupart des milieux sont les premiers à consulter — et le secteur public ; en améliorant la compréhension des facteurs de risque ; en raffinant le diagnostic ; ou en recherchant activement les cas. La mise au point d’un vaccin peu coûteux qui serait plus efficace que le BCG en matière de protection des adultes contre la tuberculose pulmonaire révolutionnerait la lutte contre la tuberculose ; la priorité passerait alors du traitement à la prévention. En attendant, le DOTS ou les autres régimes thérapeutiques joueront un rôle central. Le succès de la lutte contre la tuberculose est étroitement lié à la capacité des systèmes de santé locaux de maintenir un système efficace pour détecter les cas, entamer le traitement et en assurer l’adhésion. Le coût n’est pas insurmontable au niveau mondial. En 2005, les pays à lourde charge de morbidité, qui représentent environ 80 % des cas mondiaux, n’ont dépensé que 1,2 milliard de dollars, dont à peu près 200 millions provenaient des bailleurs de fonds internationaux. Le maintien de l’aide financière internationale est indispensable pour faire en sorte que l’on puisse poursuivre la lutte contre la tuberculose dans les pays les plus démunis du monde, où le problème lié à cette lutte cadre bien avec le défi de la mise au point et de l’exécution de programmes efficaces de santé publique. 76 | Priorités en matière de santé Paludisme Le paludisme est la cause directe de 2 % de tous les décès dans le monde chaque année (soit environ 1,2 million de décès) et de près 3 % des AVCI à l’échelle planétaire7. En Afrique subsaharienne, le paludisme est à l’origine d’une grande partie de la charge de morbidité, causant à peu près 9 % de tous les décès et 10 % de toutes les AVCI. La part de la charge de morbidité supportée par les autres régions est beaucoup plus faible, soit approximativement 1 %, mais il n’en reste pas moins qu’un nombre considérable de cas de décès et d’invalidité sont dus au paludisme. Plus de 3 milliards de personnes vivent dans des régions où le paludisme est présent. Nombre de pays non africains ont réussi à enrayer cette maladie en recourant à une combinaison de mesures préventives et de stratégies de traitement. Pour les pays les plus frappés par le paludisme, la mise en œuvre de tels programmes a été entravée par l’apparition et la propagation de souches pharmacorésistantes du parasite et des vecteurs, ainsi que par la faiblesse des infrastructures de santé publique. Quatre espèces de parasites du paludisme infectent les êtres humains. Le Plasmodium vivax et le Plasmodium falciparum sont les plus répandus, ce dernier étant le plus dangereux. La quasi-totalité des décès sont dus au Plasmodium falciparum, lequel sévit en Haïti, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et en Afrique. Le Plasmodium vivax est plus répandu en Amérique centrale et en Asie du Sud. Le vecteur du parasite est un moustique, dont l’aptitude à reproduire et à propager le parasite est grandement influencée par le climat. L’infection a lieu lorsqu’une personne est piquée par un moustique porteur du parasite. Le taux d’incidence est par conséquent fonction du nombre de piqûres infectantes par personne, ou du taux d’inoculation entomologique. Cela varie de moins de 1 piqûre par personne par an en Amérique latine et en Asie du Sud à plus de 300 dans certaines régions d’Afrique tropicale (figure 4.1). Lorsqu’il est bien traité, le paludisme non compliqué a un taux de mortalité de 0,1 % seulement. Si la maladie n’est pas soignée et qu’elle touche les organes vitaux, le taux de mortalité augmente fortement. Un coma peut survenir, auquel cas la probabilité de décès est d’environ 20 % chez les adultes et de 15 % chez les enfants. Le neuropaludisme peut entraîner des convulsions, des lésions neurologiques, et la mort. Les infections palustres entraînent aussi l’anémie qui peut être bénigne, modérée ou aiguë. 7 Cette partie est basée sur le chapitre 21 du DCP2. Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 77 En outre, le paludisme a un impact considérable sur d’autres pathologies. Les femmes qui contractent le paludisme pendant la grossesse sont plus susceptibles de devenir anémiques et d’accoucher d’enfants présentant une insuffisance pondérale à la naissance et courant un plus grand risque de maladie, d’invalidité ou même de décès. Environ 3,7 % des décès maternels, ou 5 300 décès par an, sont dus à des affections liées au paludisme. Selon les estimations, entre 190 000 et 934 000 enfants meurent chaque année des suites d’anémie consécutive au paludisme. Le paludisme entraîne diverses autres conséquences chez le patient. D’après une étude réalisée en Afrique, environ 13 à 15 % des cas d’absentéisme scolaire étaient liés au paludisme chez les enfants (Holding et Kitsao-Wekulo 2004). Des études réalisées en Gambie et au Kenya ont montré que les enfants protégés par des moustiquaires traitées aux insecticides (MTI) grandissaient plus rapidement que les enfants non protégés. L’utilisation des médicaments et la lutte contre le moustique vecteur sont les principales stratégies et interventions mises en œuvre pour lutter contre le paludisme. D’autres stratégies et interventions visent à tuer les moustiques, à prévenir les piqûres, à bloquer l’évolution de la maladie, ou à traiter la maladie elle-même. Les méthodes environnementales utilisées pour tuer les moustiques qui sont les vecteurs du paludisme sont notamment l’élimination des sites de reproduction et la pulvérisation des insecticides. D’autres efforts pour tuer les moustiques ou prévenir les piqûres sont la pulvérisation à effet rémanent dans le lieux fermés et l’utilisation de MTI. Un éventail de médicaments sont efficaces du point de vue prophylactique et sont pris par les voyageurs se rendant dans les régions où sévit le paludisme, ainsi que par les femmes enceintes. La découverte de médicaments qui traitent la maladie est devenue un plus grand impératif en raison de l’apparition de souches pharmacorésistantes du paludisme à l’échelle mondiale. L’efficacité et la faisabilité de certaines interventions varient considérablement selon que la transmission change au cours du temps (faible, irrégulière ou focale) ou reste stable (fréquente, intense et présente toute l’année). Lorsque la transmission du paludisme change au cours du temps, il n’y a pas d’immunité protectrice. Quand la transmission du paludisme reste stable, les personnes qui ont été infectées acquièrent une certaine immunité, et à l’âge adulte, les infections palustres sont en général asymptomatiques. Dans les régions où la transmission change au cours du temps, des programmes ciblés qui éliminent les sites de reproduction grâce à l’utilisation judicieuse d’insecticides ou à la modification des pratiques en 78 | Priorités en matière de santé Figure 4.1 Écologie et fardeau du paludisme : manifestations cliniques Maladie fébrile aiguë Maladie grave Hypoglycémie Anémie Détresse respiratoire Neuropaludisme Séquelles durables Décès Moustique infecté Personne infectée Effets chroniques Anémiques Neurologiques Cognitifs Développementaux Troubles de la croissance et du développement Malnutrition Insuffisance pondérale à la naissance Foetus Avortement, mortinaissance Mortalité infantile et intra-utérine Grossesse Maladie aiguë Séquelles durables Mère Anémie Source : DCP2, Breman, Alilio et Mills, 2004. matière de construction peuvent être faisables et efficaces, tandis que dans les zones où la transmission reste stable, l’identification et l’élimination de tous les sites de reproduction potentielle sont en général infaisables. Dans les zones à transmission instable, la prophylaxie pour les femmes enceintes ou une thérapie préventive intermittente ne sont des plus efficaces que pendant des épidémies temporaires localisées. Dans les régions à transmission stable, toutefois, une utilisation plus générale de la thérapie préventive intermittente peut s’avérer très efficace. Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 79 Dans nombre de régions, l’on a réussi à utiliser les MTI pour réduire la transmission. Les MTI ont été liées à une réduction de la mortalité infantile de l’ordre de 18 % et à une diminution des épisodes de paludisme d’un taux atteignant 50 % dans différentes régions d’Afrique. L’impact des MTI est fonction non seulement de l’efficacité technique des moustiquaires ainsi que de la durée et de l’efficacité de l’insecticide utilisé, mais aussi de l’acceptation sociale et culturelle de leur utilisation, et de leur prix abordable. La Chine, la Tanzanie et le Viet Nam ont réussi à promouvoir l’utilisation des MTI et à juguler considérablement le paludisme dans de nombreuses régions. Les stratégies adoptées pour encourager l’utilisation des MTI ont été entre autres la commercialisation sociale au Kenya et au Malawi ; l’aide au développement du secteur commercial au Mali, au Sénégal et en Tanzanie; la distribution gratuite généralisée au Togo ; et la distribution, aux femmes enceintes en Tanzanie, de coupons pour des MTI fortement subventionnées. Les programmes de traitement ont de tout temps reposé sur des médicaments relativement peu coûteux, surtout la chloroquine. La clé du succès réside dans la détection et le traitement opportuns. En Afrique du Sud, où 83 % de la population vit à moins de 10 km d’une clinique, les professionnels de santé jouent un rôle central. Dans des pays comme le Burkina Faso, l’Éthiopie et l’Ouganda, où les cliniques sont beaucoup moins accessibles, afin de réduire la mortalité et la morbidité au moyen du traitement, l’on a dû former les mères et les agents de santé communautaire à la prestation de soins sur la base de diagnostics présomptifs. Dans nombre de régions, les souches du parasite qui sont résistantes à la chloroquine et à la sulfadoxine-pyriméthamine sont désormais monnaie courante. Fort heureusement, les chercheurs ont mis au point toute une nouvelle série de médicaments, notamment la polythérapie à base d’artémisinine (ACT), qui coûte plus cher que les médicaments de première intention de traiter traditionnels, mais sont efficaces au plan économique dans les régions où les souches pharmacorésistantes sont très répandues. L’éducation et le conseil en matière de santé sont également importants dans la lutte contre le paludisme. Ils améliorent l’opportunité du traitement en aidant les populations à identifier la maladie et à rechercher les soins appropriés. Ils permettent en outre une utilisation améliorée et plus régulière des MTI, et d’encourager les usagers à traiter à nouveau les moustiquaires aux insecticides au besoin. Ils améliorent davantage l’adhésion aux traitements, ce qui réduit la transmission du parasite et l’apparition de la pharmacorésistance. 80 | Priorités en matière de santé La plupart des interventions antipaludiques disponibles sont assez efficaces au plan économique. Presque toutes coûtent moins de 150 dollars par AVCI gagnée et nombre d’entre elles peuvent être mises en œuvre à un coût inférieur à 10 dollars par AVCI. Le DCP2 estime que les MTI coûtent entre 11 et 17 dollars par AVCI gagnée, selon le type d’insecticide et la fréquence des traitements successifs nécessaires ; la pulvérisation à effet rémanent à l’intérieur coûte entre 5 et 18 dollars par AVCI ; et le traitement préventif intermittent des femmes enceintes coûte de 13 à 35 dollars par AVCI gagnée. Parmi les traitements médicamenteux, la chloroquine reste la thérapie la plus coût-efficace tant que la pharmacorésistance à la chloroquine est de moins de 35 % environ. Lorsque la prévalence de la résistance s’accroît au-delà de ce taux, l’ACT est plus efficace au plan économique. La sulfadoxine-pyriméthamine peut être plus efficace que la chloroquine et l’ACT, mais la résistance à la sulfadoxinepyriméthamine semble apparaître relativement vite, et l’ACT est plus efficace que la sulfadoxinepyriméthamine lorsque la résistance à la sulfadoxinepyriméthamine est supérieure à 12 % environ. Bien que les interventions antipaludiques soient efficaces au plan économique, leur faisabilité est fonction de la disponibilité des ressources financières et des infrastructures de santé, ainsi que des conditions épidémiologiques locales. Le coût total d’un programme visant à promouvoir l’utilisation des MTI pour les enfants s’élève à environ 2,80 dollars par habitant par an, et un programme de pulvérisation à effet rémanent à l’intérieur coûterait approximativement 4 dollars par habitant par an. Même si ces coûts peuvent sembler faibles à maints égards, ils sont prohibitifs pour les pays où le paludisme est endémique, car l’ensemble des budgets publics couvrant toutes les dépenses de santé dans de tels pays varient de 2 à 10 dollars par habitant par an. Une aide extérieure substantielle est nécessaire pour surmonter les contraintes financières liées à ces programmes efficaces au plan économique. La recherche d’un vaccin antipaludique est en cours depuis longtemps et il convient de l’encourager davantage, mais il faudra de nombreuses années encore pour mettre au point un tel vaccin. En attendant, il est aussi nécessaire d’orienter la recherche vers l’amélioration des soins aux malades, notamment une prise en charge à domicile plus facile et moins coûteuse, ainsi qu’une évaluation des systèmes de prestation non conventionnels ; la prévention, comme par exemple le traitement intermittent et l’utilisation accrue des MTI ; les progrès technologiques, telles que les insecticides et les molécules effectrices antiparasitaires utilisant la génomique ; et l’évaluation sur le terrain des méthodes transgéniques d’interruption de la transmission du paludisme. Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 81 De telles recherches sur les nouvelles formes d’intervention, combinées avec la mise en œuvre des stratégies efficaces connues de prévention et de traitement, permettront d’enrayer avec succès cette maladie. La plus lourde charge de morbidité liée au paludisme étant concentrée dans les pays caractérisés à la fois par de forts taux de transmission, des ressources limitées et des systèmes de santé faibles, la lutte antipaludique nécessite aussi sans aucun doute un accroissement de l’aide internationale. Maladies pouvant être prévenues par un vaccin Les maladies contre lesquelles des vaccins relativement très efficaces et peu coûteux sont disponibles représentent une importante proportion de la charge de morbidité dans les pays en développement8. Le DCP2 (chapitre 20) traite de la tuberculose, de la diphtérie, du tétanos, de la coqueluche, de la polio, de la rougeole, de la rubéole, du Hib, de l’hépatite B, de la fièvre jaune, de la méningococcie et de l’encéphalite japonaise. Les vaccins sont également disponibles ou en cours de mise au point contre les causes de la maladie diarrhéique, à savoir le rotavirus et le choléra (DCP2, chapitre 19). Les maladies pouvant être prévenues par un vaccin sont assez variées. Certaines de ces maladies sont bactériennes et d’autres virales ; quelquesunes surviennent principalement chez les êtres humains, tandis que d’autres touchent aussi d’autres espèces; certaines ont des taux de létalité élevés, alors que d’autres sont débilitantes ; quelques-unes sont concentrées dans des régions précises, tandis que d’autres sont répandues géographiquement; et certaines se transmettent par contact respiratoire, alors que d’autres sont transmises par piqûre d’insecte ou par contact avec du sang contaminé ou des matières fécales infectées. Malgré cette variabilité, les maladies pouvant être prévenues par un vaccin partagent deux importantes caractéristiques : on peut être infecté sans pour autant manifester de symptôme (à l’exception du tétanos) et l’immunité induite par le vaccin dure en général toute la vie (à l’exception de la coqueluche). Les pays qui vaccinent une grande partie de leurs populations contre ces maladies ont éliminé la plupart des cas de mortalité et de morbidité liées à celles-ci. Les régions ayant une couverture vaccinale plus faible continuent à enregistrer des milliers de décès qui seraient relativement faciles à éviter. En 2001, sept maladies pouvant être prévenues par un vaccin — rougeole, hépatite B, Hib, coqueluche, tétanos, fièvre jaune et diphtérie — ont causé plus de 2,3 millions de décès, essentiellement en 8 82 | Priorités en matière de santé Cette partie est basée sur les chapitres 16, 19, 20, 25 et 27 du DCP2. Afrique et en Asie. Quelque 80 % de tous les décès liés à la fièvre jaune surviennent en Afrique, tout comme 59 % des décès dus à la rougeole, 58 % des décès liés à la coqueluche, et 41 % des décès attribuables au tétanos. La région Asie de l’Est et Pacifique fait face à la plus lourde mortalité due à l’hépatite B et ses affections connexes, et on y enregistre 62 % des décès de ce type dans le monde. L’Asie du Sud affiche également un fort taux de mortalité liée à ces maladies, tout particulièrement le tétanos et la rougeole. Au cours des dernières décennies, l’on a cherché à étendre la couverture vaccinale contre ces maladies dans le cadre d’un nombre d’initiatives mondiales. Depuis 1974, le Programme élargi de vaccination (PEV) de l’OMS encadre et appuie l’extension de la couverture vaccinale en normalisant les programmes de vaccination, en promouvant des technologies d’injection sûres, en améliorant le stockage et la disponibilité des vaccins, et en protégeant l’efficacité des vaccins grâce à la gestion de la chaîne de froid. Sa stratégie « Atteindre chaque district» vise à faire en sorte que 80 % des enfants de chaque pays reçoivent trois doses de vaccin diphtérie-coqueluche-tétanos. En 2000, les organismes internationaux, les bailleurs de fonds bilatéraux, les fondations privées, les ONG et les compagnies pharmaceutiques ont travaillé ensemble pour lancer l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI). Depuis lors, la GAVI a recueilli plus de 1,3 milliard de dollars pour renforcer les systèmes de vaccination ; faire connaître les vaccins nouveaux ou sous-utilisés, tels que ceux contre le Hib, l’hépatite B et la fièvre jaune ; et appuyer des pratiques d’injection sûres. En outre, de grands efforts de recherche visent à mettre au point de nouveaux vaccins et de nouvelles méthodes pour les délivrer. Une fois qu’un vaccin est disponible, le plus important aspect de la conception des programmes de vaccination est l’organisation de la logistique pour immuniser les populations. Dans la plupart des pays en voie de développement, les enfants sont amenés à des établissements de santé fixes pour se faire vacciner par injection ou par voie orale. Un important nombre de vaccins sont en outre fournis par le biais des services de proximité, c’est-à-dire des stratégies mobiles dans le cadre desquelles les agents de santé se déplacent dans les foyers et les villages. Les campagnes de vaccination concentrées sur des agents pathogènes précis constituent une autre approche. Les plus célèbres campagnes de vaccination ont porté sur la variole, laquelle fut déclarée complètement éradiquée en 1980, et la polio, qui ne se trouve plus que dans une poignée de pays (DCP2, chapitre 8). La vaccination est en général très efficace au plan économique. Dans le meilleur des cas, les vaccins sont relativement peu coûteux et Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 83 une seule dose confère l’immunité à vie. Chaque fois qu’une telle intervention est disponible contre une infection répandue et potentiellement létale, il est fort probable qu’elle soit efficace au plan économique. La combinaison des stratégies de mise à disposition des vaccins, le prix de l’intervention (le vaccin proprement dit plus la main-d’œuvre, le transport, et l’entreposage au froid) et l’ampleur globale du programme, sont autant de facteurs qui influent sur les coûts. Les charges récurrentes représentent quelque 80 % des coûts pour délivrer les vaccins par le canal des établissements de santé fixes et 92 % des coûts des campagnes de vaccination. Le coût par enfant complètement immunisé au moyen des six vaccins initiaux du PEV — tuberculose, diphtérie, coqueluche, tétanos, polio et rougeole — est d’environ 20 dollars. Les chercheurs estiment que le coût marginal lié au remplacement du vaccin oral contre la polio par le vaccin antipoliomyélitique injectable, ainsi qu’à l’ajout aux programmes existants de nouveaux antigènes contre l’hépatite B, la fièvre jaune, le Hib, la rougeole, la rubéole, l’encéphalite japonaise et la méningococcie se situe entre 1 et 16 dollars par personne. Le rapport coût-efficacité est influencé non seulement par les différences au niveau des prix et des stratégies, mais aussi par les niveaux existants de la couverture vaccinale. Le coût par décès évité grâce à une immunisation réussie des enfants contre les six maladies du PEV s’élève à 205 dollars en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne, et à 3 540 dollars en Europe et en Asie centrale, la différence étant en grande partie attribuable aux taux de couverture relativement élevés dans cette dernière région. Néanmoins, même au coût de 3 450 dollars par décès évité, la vaccination reste très efficace au plan économique en Europe et en Asie centrale et elle soutient favorablement la comparaison avec nombre d’autres usages des fonds publics. Il est impératif de surmonter les contraintes financières et logistiques auxquelles sont confrontés les pays à faible revenu si l’on tient à poursuivre les progrès dans le domaine de la lutte contre les maladies pouvant être prévenues par un vaccin. Bien que les programmes de vaccination soient relativement peu coûteux, le manque de ressources financières dans nombre de pays à faible revenu est tel que quand bien même les programmes coûtent peu ils absorbent une part substantielle des financements disponibles. En moyenne, 6 % des dépenses publiques au titre de la santé sont consacrées aux programmes de vaccination dans les pays en développement. Cela étant, parmi les pays du monde ayant les plus faibles revenus, l’extension de la couverture au moyen des antigènes traditionnels, l’introduction de nouveaux vaccins et l’amélioration de la qualité et de la sécurité des vaccins pourraient 84 | Priorités en matière de santé engloutir jusqu’à 20 % du budget de santé d’un gouvernement en l’absence d’une importante aide étrangère. Le fardeau financier peut être allégé grâce à la recherche et à la mise au point de vaccins qui nécessitent moins de doses et sont moins chers à produire, plus faciles à transporter et à entreposer, et d’une administration plus sûre. L’élaboration de nouvelles stratégies de prestation pourrait également avoir un important effet sur l’élargissement de la couverture vaccinale dans les pays à faible revenu. Maladies diarrhéiques La diarrhée est l’une des cinq grandes affections mortelles évitables qui sévissent chez les enfants de moins de cinq ans dans les pays en développement9. Elle est des plus dangereuses pour les jeunes, causant environ 90 % des décès dus à la diarrhée chez les petits enfants. Cependant, même si les enfants des pays en développement continuent de connaître en moyenne 3,2 épisodes de diarrhée chaque année, le nombre des décès semble avoir considérablement diminué, passant d’entre 4 millions et 6 millions approximativement en 1979 à une moyenne de 2,6 millions par an dans les années 90, l’essentiel de l’amélioration étant attribuable à des interventions efficaces en matière de santé publique (se reporter par exemple à l’analyse de l’utilisation de la TRO en République arabe d’Égypte au chapitre 8 du DCP2). Des dizaines de virus, de bactéries, de protozoaires et d’helminthes sont à l’origine de la diarrhée. Certains de ces agents se développent exclusivement chez des hôtes humains, tandis que d’autres infectent aussi les animaux. Ils se transmettent en général par voie oro-fécale, souvent par ingestion d’eau contaminée ou d’aliments non lavés. L’infection par de tels agents cause des accès diarrhéiques aigus, porte atteinte au système immunitaire de l’organisme et affaiblit l’aptitude de celui-ci à extraire les nutriments des aliments, et peut entraîner une déshydratation grave et rapide. Des diarrhées aqueuses aiguës, causées principalement par le rotavirus, l’Escherichia coli entérotoxigénique et le vibrio cholerae, provoquent une déshydratation rapide et peuvent mener à la mort. La diarrhée chronique est associée à la malnutrition, et bien qu’elle soit à l’origine d’une part relativement modeste des cas de diarrhée, elle est trois fois plus susceptible de causer la mort que la diarrhée aqueuse. La diarrhée sanglante est souvent associée à des atteintes intestinales et à la détérioration nutritionnelle, ainsi qu’à certains cas de déshydratation et de fièvre. 9 «… même si les enfants des pays en développement continuent de connaître en moyenne 3,2 épisodes de diarrhée chaque année, le nombre des décès semble avoir considérablement diminué, passant d’entre 4 millions et 6 millions approximativement en 1979 à une moyenne de 2,6 millions par an dans les années 90… . ». La présente section s’inspire des chapitres 19 et 41 du DCP2. Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 85 « Quelque 800 000 vies pourraient être sauvées chaque année en veillant à une préparation et à une conservation plus hygiénique des aliments, en promouvant l’éducation, en assurant une bonne alimentation de l’enfant et en faisant en sorte que son poids augmente de façon adéquate ». 86 | Priorités en matière de santé Les stratégies pour alléger la charge de la diarrhée ont peu changé depuis la première édition de Disease Control Priorities in Developing Countries (Jamison et al. 1993), hormis quelques progrès dans le domaine des technologies de vaccination. Des pratiques d’allaitement améliorées et plus hygiéniques, la vaccination, l’amélioration des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement, et une meilleure prise en charge des cas sont les principales interventions disponibles pour prévenir et traiter la maladie diarrhéique. L’adoption de pratiques d’allaitement améliorées et plus hygiéniques commence par des programmes qui encouragent le recours exclusif à l’allaitement maternel pendant les six premiers mois de vie de l’enfant. Ce faisant, l’on réduit le risque qu’un enfant en bas âge ingère de l’eau ou des aliments contaminés, et le système immunitaire de l’enfant est renforcé grâce à l’ingestion de nutriments bénéfiques contenus dans le lait maternel. De tels programmes comprennent des politiques d’hospitalisation qui encouragent l’allaitement maternel, le conseil et l’éducation par les pairs et les agents de santé, des campagnes de sensibilisation au moyen des mass médias et de la communauté, et des groupes d’appui aux mères10. Une fois que l’enfant atteint l’âge de six mois, de meilleures pratiques d’allaitement peuvent également être encouragées et s’avérer efficaces. Quelque 800 000 vies pourraient être sauvées chaque année en veillant à une préparation et à une conservation plus hygiénique des aliments, en promouvant l’éducation, en assurant une bonne alimentation de l’enfant et en faisant en sorte que son poids augmente de façon adéquate. Les chercheurs ont en outre montré que l’apport en vitamine A et en zinc peut avoir des effets bénéfiques sur la diarrhée : tous les deux sont associés à la réduction de la fréquence des diarrhées aiguës, et l’apport en zinc réduit par ailleurs l’incidence de la diarrhée. La vaccination contre le rotavirus pourrait prévenir quelque 440 000 décès par an liés à cette infection courante. La mise au point d’un vaccin sûr et efficace contre le choléra s’est également révélée difficile, et cette maladie peut en général être enrayée grâce à des programmes efficaces de santé publique. Seul le Viet Nam administre systématiquement le vaccin anticholérique. Les autres pays ont décidé que la TRO est si bon marché et si efficace pour prévenir les décès, qu’il n’y a aucun inté10 La seule réserve importante émise au sujet de cette approche a trait au problème de la transmission du VIH de la mère à l’enfant. La meilleure pratique dans de tels cas serait un allaitement de substitution sûr pour l’enfant dont la mère est séropositive. Cependant, lorsque l’état sérologique de la mère relativement au VIH est inconnu dans les pays à forte prévalence du VIH, il importe de prendre une décision qui met en balance les risques de transmission du VIH et les avantages probables d’un allaitement maternel exclusif (DCP2, chapitre 19). rêt à encourir les frais et les risques liés à la vaccination. La rougeole porte atteinte au système immunitaire et peut par conséquent entraîner une diarrhée aiguë. En réduisant la fréquence de la rougeole, les vaccins pourraient permettre d’abaisser de 6 à 26 % le taux des décès dus à la diarrhée chez les enfants de moins de cinq ans. Une autre manière de juguler la diarrhée est d’assurer l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement, car selon les estimations, l’eau contaminée est à l’origine de 90 % des cas de diarrhée chez les enfants. Néanmoins, le DCP2 (chapitre 41, p. 778) relève que « l’hygiène domestique — surtout celle des aliments et des mains — est le principal facteur déterminant du taux de diarrhée, et non la qualité de l’eau de boisson ». Plutôt que la qualité, ce sont bien le volume, la régularité et la commodité des services d’approvisionnement en eau qui réduisent l’incidence de la diarrhée en encourageant un comportement plus hygiénique en ce qui concerne les soins personnels et la préparation des aliments. Les infrastructures d’investissement dans le domaine de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement peuvent s’avérer coûteuses par rapport aux autres mesures préventives et au traitement des cas. Néanmoins, les services d’eau procurent de nombreux avantages en matière de santé, au-delà de la réduction des cas de diarrhée. Lorsque le service d’approvisionnement en eau est combiné avec une meilleure hygiène personnelle, il interrompt la transmission entre personnes des infections cutanées et oculaires telles que le trachome ; il réduit l’incidence des maladies d’origine aquatique telles que la bilharziose et la dracunculose ; et il réduit l’exposition aux vecteurs entomologiques liés à l’eau qui causent le dengue, le paludisme et la trypanosomiase. Le plus important avantage généralement lié aux services d’approvisionnement en eau et d’assainissement est la plus grande commodité qu’ils procurent, en dehors des effets sur la santé. Les économies de temps et de main-d’œuvre peuvent être importantes, étant donné que les femmes et les enfants tout particulièrement consacrent chaque jour en moyenne plus d’une heure dans les régions rurales d’Afrique de l’Est et plus de deux heures dans plusieurs pays d’Asie à la recherche et au transport de l’eau. Il ressort par ailleurs des enquêtes que les populations des pays en développement apprécient l’amélioration de l’assainissement moins pour des raisons sanitaires que pour des raisons de confort, de prestige et de sécurité. Dans les débats sur les politiques de santé publique, les avantages en matière de santé que procurent l’eau et l’assainissement peuvent être considérés, dans le meilleur des cas, comme un avantage supplémentaire que rapportent les investissements dans le domaine de l’approvi- «… les femmes et les enfants. . . consacrent chaque jour en moyenne plus d’une heure dans les régions rurales d’Afrique de l’Est et plus de deux heures dans plusieurs pays d’Asie à la recherche et au transport de l’eau ». Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 87 «…[là] où les services d’approvisionnement en eau et d’assainissement de base ne sont pas disponibles, où les conditions d’hygiène laissent à désirer, et où l’utilisation de la TRO n’est pas répandue, les interventions en matière de santé publique qui visent à prévenir les diarrhées sont très efficaces au plan économique ». 88 | Priorités en matière de santé sionnement en eau et de l’assainissement, lesquels se justifient par d’autres raisons. La politique en matière de santé publique a encore un rôle à jouer dans la réglementation de la qualité de l’eau, mais les autorités responsables de la santé publique peuvent avoir de bonnes raisons d’étendre leur pouvoir de réglementation à l’examen du volume et de la régularité des services d’approvisionnement en eau, compte tenu de la grande influence de ces services sur les comportements hygiéniques qui permettent de réduire l’incidence de la maladie. Lorsque la prévention de la diarrhée se solde par un échec, il existe des techniques simples et peu coûteuses pour la prise en charge de la plupart des cas. La TRO, qui consiste à administrer par voie orale des liquides contenant des sels et des sucres simples, est peu coûteuse, peut être administrée par des parents ayant suivi une formation limitée, et est très efficace pour atténuer la gravité de nombreuses maladies diarrhéiques et pour permettre d’éviter la mort. Après son lancement dans les années 80, nombres de pays ont rapidement étendu l’utilisation de la TRO, de sorte que celle-ci atteint 33 % des enfants souffrant de diarrhée aux Philippines, 35 % au Brésil, 50 % en Égypte et 81 % au Mexique. L’apport en zinc pour les enfants souffrant de diarrhées a également contribué à réduire la gravité de ces dernières. Pour la diarrhée sanglante, le traitement aux médicaments antimicrobiens est indiqué, mais comme dans le cas d’un si grand nombre d’autres maladies, la pharmacorésistance aux antimicrobiens de première intention se répand et rend ces médicaments moins efficaces. Dans les régions où les services d’approvisionnement en eau et d’assainissement de base ne sont pas disponibles, où les conditions d’hygiène laissent à désirer, et où l’utilisation de la TRO n’est pas répandue, les interventions en matière de santé publique qui visent à prévenir les diarrhées sont très efficaces au plan économique. La promotion de l’allaitement maternel exclusif, de la vaccination contre la rougeole, de la TRO et de l’hygiène coûte moins de 5 dollars par AVCI gagnée ; la promotion de meilleurs services d’assainissement grâce aux politiques publiques coûte environ 11 dollars par AVCI gagnée ; l’investissement dans les pompes à eau manuelles et leur entretien coûte à peu près 94 dollars par AVCI gagnée ; le raccordement des habitations au réseau de distribution d’eau potable coûte approximativement 223 dollars par AVCI gagnée ; et la construction et la promotion d’installations d’assainissement de base coûtent plus de 270 dollars par AVCI gagnée (DCP2, chapitre 41). Les facteurs qui favorisent la transmission et l’évolution des diarrhées sont présents au sein des populations vivant dans la pauvreté. Les populations pauvres sont davantage susceptibles d’être mal nourries, de manquer d’eau potable et de moyens hygiéniques pour éliminer les eaux usées sanitaires, de cohabiter avec des animaux qui abritent et transmettent des pathogènes pour l’homme, et de ne pas avoir accès à des moyens appropriés de conservation d’aliments tels que la réfrigération. Il est néanmoins possible d’accomplir des progrès dans la lutte contre la diarrhée en dépit de la pauvreté. Des programmes efficaces peuvent encourager des comportements sains tels que l’allaitement maternel exclusif et l’hygiène personnelle ; améliorer les conditions de l’environnement grâce à la mise à disposition de services d’approvisionnement en eau et d’assainissement ; et former les soignants non professionnels pour reconnaître les symptômes, tout particulièrement ceux des formes de diarrhée les plus dangereuses, et pour administrer des traitements relativement simples. «Il est. . . possible d’accomplir des progrès dans la lutte contre la diarrhée en dépit de la pauvreté ». SANTÉ MATERNELLE ET NÉONATALE Avec les maladies infectieuses, les affections maternelles et néonatales sont à l’origine d’une importante partie de l’écart des niveaux de santé entre pays riches et pays pauvres ; à titre d’exemple, plus de 99 % des décès maternels sont enregistrés dans le monde en développement. Cette différence représente la plus importante disparité au niveau des statistiques de santé publique entre pays à faible revenu et pays à revenu élevé. Dans l’ensemble, le risque à vie moyen de décès maternel est de 1 sur 4 000 dans les pays à revenu élevé, 1 sur 61 dans les pays à revenu intermédiaire, et 1 sur 17 dans les pays à faible revenu. Les taux de décès pendant la période néonatale (de la naissance au e 28 jour de vie) révèlent également d’énormes différences entre pays riches et pauvres. Seulement 1 % de tous les décès néonatals surviennent dans les pays à revenu élevé, où le taux de mortalité néonatale est en moyenne de 4 pour 1 000 naissances vivantes. Dans les pays à faible revenu, cette moyenne est d’environ 33 pour 1 000 naissances vivantes. La majorité des décès néonatals sont enregistrés en Asie du Sud en raison de la taille importante de la population de cette région ; cela étant, 20 des pays affichant les plus forts taux de mortalité néonatale se trouvent en Afrique subsaharienne. Les taux les plus élevés sont enregistrés dans les pays où la pauvreté a été exacerbée par les guerres civiles et l’instabilité politique, comme en Éthiopie, au Libéria et en Sierra Leone. Dans ces pays, les taux de mortalité néonatale dépassent 50 pour 1 000 naissances vivantes. Les accords internationaux ont reconnu l’importance de la réduction de la mortalité maternelle et infantile dans les pays à revenu «… plus de 99 % des décès maternels sont enregistrés dans le monde en développement. Cette différence représente la plus importante disparité au niveau des statistiques de santé entre pays à faible revenu et pays à revenu élevé ». Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 89 «… les décès néonatals représentent 40 % de tous les décès d’enfants de moins de cinq ans. . . ». «… l’on enregistre… 210 millions de grossesses chaque année, dont 60 millions faible ou intermédiaire. De fait, deux des huit ODM visent à résoudre ces problèmes : le quatrième objectif est de réduire des deux tiers la mortalité chez les enfants de moins de cinq ans, et le cinquième objectif a trait à la réduction des trois quarts du ratio de mortalité maternelle, à l’horizon 2015 dans les deux cas. Le DCP2 souligne que les décès néonatals représentent 40 % de tous les décès d’enfants de moins de cinq ans, que 75 % des décès néonatals surviennent pendant la première semaine de vie, et que 50 % des décès maternels se produisent au cours de la première semaine suivant l’accouchement. Les taux de mortalité maternelle et infantile d’un pays donné peuvent en dire plus long sur l’état de son système de santé que tout autre chiffre. La réduction des taux de mortalité maternelle et infantile exige un système de prestation des soins de santé intégré et fonctionnant convenablement qui permet de fournir directement aux communautés des services d’éducation et de conseil, qui aide les populations à éviter les grossesses non désirées, qui encourage la bonne alimentation, qui procède à la détection des risques, qui facilite les accouchements dans de bonnes conditions de santé, et qui réagit efficacement dans les situations d’urgence obstétrique. Il est cependant peu probable que le système de santé à lui seul apporte ou soutienne des améliorations dans le domaine de la santé dans nombre de pays sans des changements sociaux concomitants destinés à accroître de la scolarisation des jeunes filles ; à réduire la discrimination sur le sexe dans les domaines de l’emploi et de la rémunération ; et à corriger les déséquilibres au niveau du pouvoir de négociation au sein du ménage qui influent sur l’accès des femmes à l’alimentation, sur leur charge de travail ménager, et sur leur sécurité physique. Néanmoins, le DCP2 s’intéresse principalement aux interventions propres au secteur de la santé, et il montre qu’il existe nombre d’interventions efficaces au plan économique permettant de prévenir les grossesses non désirées, de rendre la grossesse et l’accouchement plus sûrs, et d’améliorer la santé néonatale. se terminent par un avortement, voire par le décès de la mère ou du bébé ». Planning familial À l’échelle mondiale, l’on enregistre environ 210 millions de grossesses chaque année, dont 60 millions se terminent par un avortement, voire par le décès de la mère ou du bébé11. Vingt-cinq pour cent de toutes les 11 90 | Priorités en matière de santé Cette partie est basée sur le chapitre 57 du DCP2. grossesses, soit approximativement 52,5 millions de cas, s’achèvent par un avortement. Plus de 500 000 cas de décès maternels et 4 millions de cas de décès néonatals surviennent chaque année, mais la mortalité ne constitue qu’un des dénouements négatifs possibles. Chaque année, plus de 54 millions de femmes souffrent en outre de maladies ou de complications pendant la grossesse et l’accouchement. En effet, les affections liées à la maternité représentent entre 12 et 30 % de la charge de morbidité chez les femmes âgées de 15 à 44 ans dans les pays en développement. Les conditions de santé génésique sont une source majeure de différence au niveau de la charge de morbidité entre les hommes et les femmes, ces dernières vivant en général plus longtemps mais en moins bonne santé. Bien que la grossesse et l’accouchement fassent naturellement partie d’une vie saine, ils comportent des risques. Les femmes souffrant d’hypertension, de cardiopathie, de paludisme, d’anémie, de tuberculose, d’hépatite, d’ITS ou de VIH/SIDA courent d’importants risques pendant la grossesse. Il est tout particulièrement important de fournir à ces femmes des services appropriés de dépistage, de conseil et de contraception. Les grossesses non désirées ont aussi des conséquences négatives. Les données sont fragmentaires et les variations régionales sont grandes, mais selon les estimations, les programmes de planning familial pourraient permettre de prévenir entre 20 et 40 % de tous les décès d’enfants en empêchant l’accouchement chez les adolescentes et les femmes plus âgées et en permettant d’aménager des intervalles de trois à cinq ans entre les grossesses. Le planning familial peut réduire les grossesses non désirées et aider les couples à avoir une famille de la taille désirée. L’accès à un moyen de contraception efficace est essentiel. Le besoin non satisfait de contraception est défini comme le nombre de femmes qui souhaitent éviter la grossesse mais n’utilisent aucun moyen contraceptif. Le taux le plus élevé de besoin non satisfait de contraception est enregistré en Afrique subsaharienne, où environ 19, 4 % des femmes souhaiteraient éviter de tomber enceintes mais n’utilisent aucun moyen contraceptif. Les principaux obstacles entravant la satisfaction du besoin de contraception sont notamment le manque de connaissances, les problèmes de santé et la désapprobation sociale. Avec quelques variations d’un pays et d’un contexte à l’autre, ces facteurs sont plus importants que la mise à disposition ou le coût des contraceptifs. Dans les pays où la demande de la contraception est largement satisfaite, tels que le Brésil, la Colombie et le Viet Nam, les taux de fécondité sont plus faibles, tout comme ceux de mortalité maternelle. «… les programmes de planning familial pourraient permettre de prévenir entre 20 et 40 % de tous les décès d’enfants… ». Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 91 « Chaque année, les avortements non médicalisés causent quelque 80 000 décès, ce qui représente environ 13 % de la charge de morbidité chez les femmes en âge de procréer ». 92 | Priorités en matière de santé En revanche, en Afrique subsaharienne, la proportion des femmes dont les demandes sont insatisfaites dépasse parfois celle des femmes qui utilisent des moyens contraceptifs. Lorsque les femmes ont des grossesses non désirées, nombre d’entre elles cherchent à avorter, peu importe que cela soit légal ou socialement acceptable. En 1995, environ 35,5 millions d’avortements ont été pratiqués dans les pays en développement. La plupart des avortements légaux sont pratiqués en Chine et dans d’autres pays d’Asie, mais en raison de la taille de la population et des forts taux de fécondité, l’essentiel des avortements illégaux se déroulent également en Asie. Dans les pays où l’avortement est illégal, il comporte beaucoup plus de risques. Chaque année, les avortements non médicalisés causent quelque 80 000 décès, ce qui représente environ 13 % de la charge de morbidité chez les femmes en âge de procréer. Les taux de mortalité liée aux avortements non médicalisés varient de 100 à 600 pour 100 000 opérations, par rapport à un taux de mortalité due aux avortements sûrs de 0,6 décès seulement pour 100 000 opérations. Nombre de femmes qui survivent à l’avortement non médicalisé s’en sortent avec des incapacités. Chez les personnes qui veulent éviter la grossesse, l’adoption d’un moyen contraceptif peut être permanente, à long terme ou temporaire. Les méthodes permanentes font appel à la stérilisation de la femme ou de l’homme. Il s’agit de la méthode anticonceptionnelle la plus courante et la plus efficace : la stérilisation de 187 millions de femmes de par le monde représente 34 % de toutes les pratiques contraceptives. La stérilisation masculine au moyen de la vasectomie est une procédure plus simple et plus sûre que la stérilisation féminine, mais elle est moins pratiquée. Néanmoins, la stérilisation de quelque 40 à 50 millions d’hommes à l’échelle mondiale représente 8 % de toutes les pratiques contraceptives. Les dispositifs intra-utérins constituent la deuxième méthode la plus courante de contraception, utilisée par 150 millions de femmes dans le monde entier. Ces dispositifs sont des méthodes contraceptives à long terme, car ils sont installés dans l’utérus et empêchent la grossesse jusqu’à leur retrait. Parmi les méthodes temporaires on peut citer la pilule, les implants cutanés et les produits injectables qui modifient le cycle hormonal de la femme pour empêcher la conception. Ces méthodes sont certes sûres et efficaces, mais elles peuvent aussi causer des hémorragies irrégulières, ce qui constitue un problème pour les femmes dans les sociétés où certaines activités des femmes sont interdites ou restreintes pendant la période des règles. L’OMS estime que 10 à 30 % des femmes abandonnent ces méthodes contraceptives pour cette raison. Les autres méthodes temporaires sont notamment les barrières, dont la plus courante est le préservatif. Par rapport aux autres formes de contraception, le préservatif est unique en son genre parce qu’il fournit une protection contre les ITS. Les préservatifs masculins représentent environ 4 % des méthodes contraceptives utilisées par les couples en âge de procréer. Les stratégies pour combler la demande de services de contraception sont entre autres l’éducation et l’information, les subventions, la distribution gratuite et les mesures visant à faciliter ou à encourager la stérilisation (encadré 4.3). La commercialisation sociale renvoie à une diversité de stratégies qui adoptent des techniques traditionnelles de commercialisation pour promouvoir des comportements, des produits et des services qui sont bénéfiques pour la société. En général, de tels programmes promeuvent des produits comme les préservatifs par le biais des mass médias. Ils adaptent également la présentation des produits et en font la promotion de façon efficace dans une culture et un contexte précis. Parfois les gouvernements collaborent avec les fabricants commerciaux pour commercialiser des marques existantes. Les programmes de commercialisation sociale ont permis d’accroître la vente et l’utilisation des contraceptifs dans nombre de pays. Le coût des programmes de planning familial se situe entre 5 000 et 35 000 dollars par décès maternel évité, entre 1 300 et 5 000 par décès infantile évité, et l’ajout des autres impacts sur la santé au nombre de décès évités, entre 30 et 60 dollars par AVCI. Les interventions semblent plus efficaces au plan économique en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne qu’en Asie de l’Est et dans le Pacifique. Dans ces régions, le niveau d’efficacité économique varie également, parfois du simple au double, en raison des différences entre les taux de fécondité, des risques de mortalité et des taux existants de prévalence des contraceptifs. De manière générale, les données scientifiques sont solides pour permettre de conclure que le planning familial est efficace au plan économique, mais elles ne le sont pas assez pour déterminer quels programmes sont les plus efficaces au plan économique. Le coût de la contraception n’est pas d’ordinaire un obstacle majeur à son acceptation. Au contraire, les mœurs sociales et les problèmes de santé constituent de plus grands obstacles. La proximité des services et leur disponibilité sont également pertinentes. Pour être efficaces, les programmes doivent cerner les obstacles locaux au planning familial, et concevoir ensuite une réponse appropriée. « Le coût des programmes de planning familial se situe entre 5 000 et 35 000 dollars par décès maternel évité, entre 1 300 et 5 000 dollars par décès infantile évité, et… entre 30 et 60 dollars par AVCI ». Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 93 Encadré 4.3 Le remarquable succès du Bangladesh Au milieu des années 70, la Bangladaise moyenne avait plus de six enfants, ce qui, combiné avec la malnutrition et le manque d’accès à des services de santé de qualité, compromettait la santé tant de la mère que de ses enfants. Au-delà de l’impact de cette situation sur la santé, le taux élevé de fécondité et la croissance rapide de la population constituaient des obstacles majeurs au développement économique et au progrès social du pays. Le programme de planning familial du Bangladesh, lancé dans le but d’atteindre des objectifs démographiques, comportait quatre éléments. Le premier élément était le déploiement de jeunes femmes mariées qui étaient recrutées comme agents de terrain et formées pour effectuer des visites à domicile auprès des femmes, auxquelles elles fournissaient des services de contraception et des renseignements. Le nombre de ces agents de terrain, connues sous le nom d’assistantes de bien-être familial, a finalement atteint 25 000 dans le secteur public, en plus de 12 000 dans les ONG. Le programme avait également recruté 4 500 hommes comme agents de terrain. Chacune des assistantes de bien-être familial devait couvrir de trois à cinq villages ou s’occuper de 850 femmes du milieu rural, en se rendant dans chaque ménage une fois tous les deux mois (Hossain et Phillips 1996). L’ampleur du programme était impressionnante : les assistantes de bien-être familial avaient contacté presque toutes les Bangladaises au moins une fois et elles atteignaient plus du tiers de celles-ci tous les six mois. Les assistantes de bien-être familial étaient des visiteuses bien reconnues dans les villages et elles constituaient le principal lien entre le programme gouvernemental et les femmes du milieu rural. Le deuxième élément du programme était la mise à disposition d’un éventail aussi large que possible de méthodes pour satisfaire une diversité de besoins en matière de reproduction. L’approche dite de la cafétéria proposait des méthodes temporaires ainsi que des services de stérilisation à l’intention des personnes ayant deux enfants vivants et dont le plus jeune est âgé d’au moins deux ans (Rob et Cernada 1992). Un système de distribution bien géré ravitaillait les agents de terrain en produits de planning familial pour appuyer leurs activités. Le troisième élément du programme était les cliniques de planning familial ouvertes dans les zones rurales et vers lesquelles les agents de terrain pouvaient aiguiller les clientes qui désiraient utiliser des méthodes permanentes ou à long terme telles que la stérilisation. En fin de compte, environ 4 000 établissements publics et 200 cliniques appartenant à des ONG ont été créés. Le quatrième élément était les activités d’information, d’éducation et de communication destinées à changer les normes relatives à la taille de la famille et à fournir des renseignements sur les options de contraception. Une utilisation avant-gardiste des mass médias s’est avérée tout particulièrement efficace. Grâce au programme, la quasi-totalité des Bangladaises étaient au courant des méthodes modernes de planning familial. L’utilisation de contraceptifs par les femmes mariées s’est accrue, passant de 8 % au milieu des années 70 à environ 50 % en 2000, et la fertilité a baissé plus de 6,0 enfants par femme en 1975 à approximativement 3,3 en 2000. Même si les progrès socioéconomiques ont joué un rôle majeur dans l’accroissement de la demande de la contraception, les chercheurs ont montré que la mise à disposition de services et d’informations a eu un effet indépendant sur les attitudes et les comportements. (suite à la page suivante) 94 | Priorités en matière de santé Encadré 4.3 (suite) Selon les estimations, ce programme coûte à peu près 100 millions à 150 millions de dollars par an, environ la moitié aux deux tiers du financement provenant de bailleurs de fonds extérieurs. Le rapport coût efficacité a été estimé à environ 13 à 18 dollars par naissance évitée, mesure standard des programmes de planning familial. Malgré ces succès, le programme bangladais de planning familial est loin d’être parfait. Depuis 1995 à peu près, la baisse du taux de fécondité a fortement ralenti. Nombre d’observateurs ont souligné les occasions à exploiter pour accroître l’efficacité du programme, répondre de façon plus efficace aux besoins des femmes, et établir un meilleur lien entre le planning familial et la santé. Néanmoins, le Bangladesh a réalisé ce que peu d’autres pays ayant le même niveau de développement socioéconomique ont été capables d’accomplir : il a complété les efforts pour changer les attitudes au sujet de la taille de la famille en fournissant des services de planning familial afin d’abaisser de manière durable et spectaculaire le taux de fécondité. Même si le programme visait au départ à atteindre des objectifs démographiques, l’État a pu créer un programme comblant les besoins des couples plutôt que de recourir à des mesures coercitives. Source : Auteurs. Affections maternelles Le planning familial allège la charge de morbidité liée à la grossesse en permettant d’éviter les grossesses non désirées12. Pour les femmes qui sont enceintes, diverses affections maternelles (entendues comme les troubles qui surviennent dans la période allant de la conception à 42 jours après l’accouchement) peuvent entraîner la mort ou l’invalidité, même si la grossesse et l’accouchement ne sont pas par nature pathologiques. L’objectif visé par les programmes de maternité sûre est de fournir des soins pendant la grossesse et l’accouchement normaux et sains, tout en maintenant un état de préparation pour faire face aux problèmes de santé potentiels. Des 210 millions de cas de grossesse enregistrés à l’échelle mondiale chaque année, quelque 500 000 se terminent par le décès de la mère, et chaque année plus de 54 millions de femmes souffrent de maladies ou de complications liées à la grossesse et à l’accouchement. Treize pays — Afghanistan, Angola, Bangladesh, Chine, République démocratique du Congo, Éthiopie, Inde, Indonésie, Kenya, Nigéria, Pakistan, Tanzanie et Ouganda — enregistrent 70 % de tous les cas de décès maternels, en raison des effets variables de la taille de la population, de la faiblesse du revenu et de la médiocrité des soins de santé. 12 Cette partie est basée sur le chapitre 26 du DCP2. Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 95 «… la moyenne régionale des accouchements assistés par du personnel qualifié en Afrique subsaharienne n’a augmenté que de 0,2 % par an au cours de la L’Asie du Sud et l’Afrique subsaharienne supportent 74 % de la charge mondiale des affections maternelles. Les complications que connaissent les mères sont en outre directement liées à nombre de cas de naissances mort-nées et de décès néonatals chaque année, et plusieurs études ont montré qu’un bébé dont la mère décède a peu de chance de survivre. Cinq affections seulement sont à l’origine des trois quarts des décès maternels : hémorragie, septicité, trouble hypertensif, arrêt de progression du travail, et avortement non médicalisé. Nombre de ces affections peuvent être efficacement atténuées grâce au dépistage prénatal et à l’assistance médicale lors de l’accouchement, et les différences d’accès à de tels soins expliquent une grande partie des disparités régionales. À titre d’exemple, le taux des femmes qui accouchent en présence d’un personnel médical qualifié est de moins de 30 % dans les pays les plus pauvres, contre plus de 98 % dans les pays les plus riches du monde. Pourtant, les progrès sur ce front sont d’une lenteur frustrante : la moyenne régionale des accouchements assistés par du personnel qualifié en Afrique subsaharienne n’a augmenté que de 0,2 % par an au cours de la dernière décennie (figure 4.2). Étant donné la nature de la grossesse et de l’accouchement, aucune intervention ou approche ne peut à elle seule permettre d’alléger pleinement la charge de morbidité connexe. La seule analyse pertinente consiste à comparer les combinaisons possibles qui diffèrent par leur contenu et par leur moyen de distribution. Par exemple, une stratégie globale de maternité sûre pourrait prévoir l’éventail d’interventions ci-après : dernière décennie ». • campagnes d’éducation et services de santé génésique à l’intention des adolescents ; • campagnes d’éducation auprès de la communauté sur la maternité sûre et les soins aux nouveau-nés ; • soins et conseils prénatals, en ce qui concerne notamment les suppléments nutritionnels, le contrôle de la tension artérielle, le dépistage des ITS, le traitement de la syphilis, les conseils en matière d’allaitement maternel, la vaccination au toxoïde tétanique, et le traitement de l’infection des voies urinaires • accouchement assisté par du personnel qualifié • soins pour les complications et les situations d’urgence obstétriques • soins postnatals. Outre le fait d’éviter des grossesses non désirées, les mesures visant à prévenir les problèmes liés à la maternité doivent permettre d’assurer la bonne santé générale, tout particulièrement une nutrition adéquate. Il convient de prévenir les complications ou de les traiter si elles se pro96 | Priorités en matière de santé Figure 4.2 Niveaux de couverture des soins prénatals, 1990 et 2000 Pourcentage des naissances vivantes bénéficiant de soins prénatals 100 1990 88 2000 77 80 68 59 60 71 57 52 45 40 20 0 Asie (hormis la Chine) Amérique latine et Caraïbes Moyen-Orient et Afrique du Nord Afrique subsaharienne Source : adaptation de l’OMS 2003. duisent. Les interventions peuvent être individuelles ou à l’échelle de la population ; elles peuvent s’effectuer pendant la grossesse, le travail et la délivrance, ou durant la période postnatale ; et elles peuvent varier selon le niveau de soins, c’est-à-dire suivant que ceux-ci sont fournis à domicile, dans un établissement de santé primaire ou dans un hôpital. Les interventions axées sur la population s’attaquent à deux grands facteurs de risque, à savoir le manque de moyens contraceptifs et la dénutrition chez la mère. La dénutrition se manifeste de deux manières : l’insuffisance pondérale et/ou l’arrêt de croissance prématuré, ainsi que la carence en micronutriments, principalement le fer et la vitamine A. La dénutrition étant souvent chronique, à long terme et intergénérationnelle, l’on ne sait pas bien quand et comment les interventions seront le plus efficace. Les efforts peuvent se concentrer sur les femmes lorsqu’elles sont jeunes, durant la grossesse ou tant qu’elles sont en âge de procréer. Les interventions personnelles couvrent un large éventail de services qui partagent certaines caractéristiques importantes : elles doivent s’intégrer dans un ensemble. Cet ensemble s’étend dans le temps, c’est-à-dire de la conception à la période postnatale ; dans l’espace, englobant le domicile, les services de santé primaire et l’aiguillage vers les soins complexes au besoin ; et aux divers soignants non professionnels, couvrant éventuellement les agents de terrain, les agents de santé publique, les sagesStratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 97 «… quatre visites prénatales chez un prestataire de soins de santé peuvent être efficaces au plan économique. La formation de tels prestataires doit couvrir la manière de reconnaître les signes de danger et de prendre des dispositions en vue d’un transfert rapide vers un établissement approprié en cas d’urgence… ». femmes, les aides-soignantes, les médecins et les chirurgiens. Les études ont montré que quatre visites prénatales chez un prestataire de soins de santé peuvent être efficaces au plan économique. La formation de tels prestataires doit couvrir la manière de reconnaître les signes de danger et de prendre des dispositions en vue d’un transfert rapide vers un établissement approprié en cas d’urgence, et elle devrait en outre insister sur le recours à un accoucheur qualifié lors de l’accouchement. Les autres éléments essentiels des soins prénatals sont la prévention et le traitement du paludisme et de l’anémie, le dépistage et le traitement de la syphilis, et la vaccination contre le tétanos. L’apport nutritionnel est souvent inclus, mais son efficacité et son rapport coûtefficacité n’ont pas été établis de manière concluante. Les femmes et les nourrissons courent les plus grands risques d’invalidité et de mort pendant et immédiatement après l’accouchement. Durant cette période, la présence d’un personnel qualifié et la possibilité d’un aiguillage vers un niveau de soin plus complexe peuvent s’avérer cruciales. La définition précise de ce que l’on entend par « présence d’un personnel qualifié » est sujette à débat, mais les ODM proposent la proportion des accouchements en présence d’un professionnel de santé (médecin, infirmier ou sage-femme qualifiée) comme indicateur substitutif. Le taux des naissances en présence d’un personnel qualifié varie considérablement d’une région en développement à l’autre et d’un groupe socioéconomique à l’autre dans le même pays, allant de 48 % en Afrique subsaharienne à 59 % en Asie du Sud et à 82 % en Amérique latine et dans les Caraïbes. Le DCP2 évalue plusieurs différentes propositions de combinaisons de soins qui amélioreraient la couverture et/ou la qualité des soins maternels courants. Les trois combinaisons les plus efficaces au plan économique et qui prévoient toutes la supplémentation nutritionnelle, ont des coûts variant de 77 à 104 dollars par AVCI gagnée en Afrique subsaharienne et à 150 dollars par AVCI gagnée en Asie du Sud. Les coûts directs sont certes plus élevés en Afrique subsaharienne, mais ils sont compensés par la meilleure efficacité, en raison de la plus forte prévalence des affections maternelles (encadré 4.4). Affections néonatales Le risque de décès est le plus élevé au cours des 28 premiers jours de vie (mortalité néonatale)13. Environ 1 million de nourrissons meurent pendant leur première journée de vie, 2 millions d’autres meurent au 13 98 | Priorités en matière de santé Cette partie est basée sur le chapitre 27 du DCP2. Encadré 4.4 Étude de cas de mise en œuvre : Indonésie Un effort intense déployé par le Gouvernement indonésien pour augmenter le nombre des accouchements en présence de prestataires de soins de santé qualifiés avait été lancé en 1993 avec l’instauration d’un programme de formation en sciences infirmières de trois ans, suivi d’une préparation d’un an à la profession de sage-femme. À partir de1996, ce programme avait été complété par un module supplémentaire d’interventions dans le domaine de la formation, comprenant notamment une formation en cours d’emploi ; un système de supervision avec examen par les pairs et formation permanente ; un système de contrôle maternel et périnatal ; et une stratégie d’information, d’éducation et de communication visant la communauté. À partir de 1996, l’on avait recueilli des données dans trois districts du sud du Kalimantan, avant et après le module supplémentaire de formation, ce qui avait permis d’en mesurer la valeur ajoutée. Avant la formation supplémentaire, 90 % des naissances se déroulaient au foyer et un accoucheur qualifié n’était présent que dans 37 % des cas. En 1998–1999, l’on dénombrait 510 sages-femmes affectées dans les districts et le taux des naissances en présence d’un personnel qualifié avait augmenté, passant à 59 %. Grâce au module de formation, les sages-femmes gagnaient en assurance et acquéraient des compétences en prise en charge des complications obstétriques, mais malgré cela, la proportion des femmes hospitalisées pour une césarienne a baissé de 1,7 % à 1,4 %. La proportion des femmes hospitalisées à la suite de complications requérant une intervention nécessaire à la survie a également baissé de 1,1 % à 0,7 % (Ronsmans et al. 2001). Un nombre considérablement plus élevé de sages-femmes qui avaient participé aux programmes de formation maîtrisaient cinq compétences clés, contrairement à celles qui n’y avaient pas pris part. Walker et al. (2002) ont réalisé une analyse économique des programmes de formation — en faisant la distinction entre les programmes destinés aux sages-femmes appelées à travailler dans les établissements de santé et ceux à l’intention des sagesfemmes des villages — qui prévoyaient des stages en résidence dans les hôpitaux de district. Les auteurs ont évalué l’efficience économique marginale de ces programmes du point de vue du prestataire de soins de santé. Ils ont estimé que le premier programme pouvait être amplifié pour accroître le nombre des sages-femmes compétentes travaillant dans les établissements de santé et les villages du sud du Kalimantan de l’ordre de 1 % aux coûts différentiels de 765 et 1 176 dollars respectivement. La reproduction dans les autres régions coûterait entre 50 et 60 % de plus. « Environ 1 million de nourrissons meurent pendant leur première journée de vie, 2 millions d’autres meurent au Source : Auteurs. cours de la semaine cours de la semaine subséquente, et 1 million d’autres encore meurent avant d’atteindre l’âge d’un mois. Ces chiffres ne s’améliorent guère. En 1980, le taux de mortalité infantile (décès survenant entre l’âge d’un jour et d’un an, y compris la période post-néonatale) des pays à revenu faible ou intermédiaire s’élevait approximativement à 88 pour 1 000 naissances vivantes (figure 4.3). De ces décès, 28 se produisaient au début de la période néonatale, soit la première semaine de vie. En 2000, le taux de mortalité infantile avait baissé à 62 pour 1 000 naissances subséquente, et 1 million d’autres encore meurent avant d’atteindre l’âge d’un mois ». Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 99 Figure 4.3 Tendances de la mortalité infantile dans le temps Taux de mortalité néonatale pour 1 000 naissances vivantes 100 Période postnéonatale Fin de la période néonatale 80 Début de la période néonatale 44 60 35 « L’ODM relatif à la réduction des deux tiers de 29 40 ans d’ici à 2015 ne peut être atteint si l’on ne s’attaque pas au problème de la mortalité durant les 28 premiers jours de vie ». « Jusqu’à 40 % des décès néonatals pourraient être évités en recourant à des solutions appliquées à domicile ou au sein de la communauté ». 100 | Priorités en matière de santé 12 8 24 25 20 28 la mortalité chez les enfants de moins de cinq 16 5 2 9 0 1980 1995 2000 Pays à revenu faible ou intermédiaire 6 1980 1995 1 1 4 1 1 2000 Pays à revenu élevé Source : DCP2, chapitre 27, p. 3. vivantes ; cependant, tous les progrès pour ainsi dire ont été enregistrés à la fin de la période néonatale ou dans la période postnatale. Le taux des décès enregistrés au début de la période néonatale a à peine diminué, ne baissant qu’à 25 pour 1 000 naissances vivantes en 2000. L’ODM relatif à la réduction des deux tiers du taux de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans d’ici à 2015 ne peut être atteint si l’on ne s’attaque pas au problème de la mortalité durant les 28 premiers jours de vie. Les interventions appropriées ne sont pas très complexes. Jusqu’à 40 % des décès néonatals pourraient être évités en recourant à des solutions appliquées à domicile et au sein de la communauté. Parfois, certaines de ces solutions consistent tout simplement à maintenir le nourrisson au chaud, à lui donner régulièrement du lait maternel, et à le protéger contre l’infection grâce à une bonne hygiène et/ou à un traitement opportun au moyen d’antibiotiques (encadré 4.5). Dans nombre de cas, les soins appropriés sont disponibles, mais il existe des écarts au niveau de la qualité ou de la continuité des soins. La différence entre l’obtention des soins et le fait de bénéficier de soins adéquats peut être synonyme de différence entre la vie et la mort (encadrés 4.6 et 4.7). Les retards dans l’accès aux soins sont également un important facteur contribuant aux décès maternels et néonatals. De tels retards se produisent pour de nombreuses raisons différentes, comme par exemple la non-reconnaissance du besoin d’une intervention clinique, les normes culturelles qui entravent le recours aux services médicaux, le caractère limité de l’accès aux établissements de santé en raison de contraintes physiques ou financières, et les retards dans la réception des soins une fois que le patient est rendu dans un établissement. Les stratégies d’amélioration de la survie néonatale qui s’intéressent uniquement à la mise à disposition des soins de santé au sein des établissements ne porteront par conséquent leurs fruits que si elles sont intégrées à des efforts visant à améliorer les pratiques des familles et à encourager les populations à faire usage des services de santé. Pour ce faire, il importe dans nombre de cas d’accorder une attention adéquate à l’élimination des obstacles culturels aux soins — en assurant par exemple la formation d’accoucheuses lorsqu’il est culturellement inapproprié que l’accouchement se déroule en présence d’accoucheurs, ou en permettant à la nouvelle mère et à son bébé de quitter le foyer pendant la première semaine de vie s’il se présente une situation d’urgen- Encadré 4.5 Stratégies à succès pour la survie néonatale En Asie du Sud et en Afrique subsaharienne, la baisse du nombre des décès à la fin de la période néonatale était influencée par la réduction de moitié des décès néonatals dus au tétanos enregistrée au cours des années 90, suite à l’accroissement de la protection au toxoïde tétanique et à des pratiques d’accouchement hygiéniques. En 2000, les deux tiers des pays à revenu faible ou intermédiaire avaient éliminé le tétanos néonatal et 22 autres pays étaient sur le point d’atteindre cet objectif. Source : Adapté du chapitre 27 du DCP2. Encadré 4.6 Institutionnalisation d’un programme de réanimation néonatale dans une province chinoise Une étude réalisée en milieu hospitalier en Chine fait état d’une surveillance de référence de 1 722 nouveau-nés suivie d’une évaluation prospective de deux ans de 4 751 nouveaunés, parallèlement à l’instauration de directives standardisées de réanimation. La réanimation traditionnelle telle que pratiquée jusque-là consistait à infuser des stimulants centraux avec de la vitamine C et 50 % de glucose ; à badigeonner d’alcool le bébé ; et à appuyer sur le philtrum. Les professionnels de la santé ont reconnu que l’asphyxie était la principale cause de décès néonatal et la deuxième plus importante cause de décès infantiles à l’échelon national. Ils ont également reconnu que les objectifs en matière de survie des enfants ne pouvaient être atteints tant que le problème de l’asphyxie n’était pas résolu. Ils ont élaboré et mis en œuvre un programme de réanimation néonatale reposant sur des éléments probants et permettant de former le personnel à l’utilisation des nouvelles directives. Le taux de mortalité du début de la période néonatale a baissé considérablement, soit de l’ordre de 66 %, pour se fixer à 3,4 pour 1 000. Source : Adapté du chapitre 27 du DCP2. Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 101 Encadré 4.7 La réduction des décès des nouveau-nés est possible dans les pays à faible revenu Le Sri Lanka a enregistré un taux de mortalité néonatale de 11 pour 1 000 naissances vivantes en 2000 malgré un faible PNB par habitant de 800 dollars et des dépenses de santé de moins de 1,50 dollar par habitant dans le secteur de la santé maternelle néonatale. En 1959, la mortalité maternelle et néonatale était élevée, avec un taux de mortalité néonatale de 50 pour 1 000 naissances vivantes, et le PNB par habitant était de 290 dollars. En 1980, la mortalité maternelle et infantile était réduite de moitié, grâce à l’accroissement du nombre d’accouchements en présence d’un personnel qualifié et parce que les services de soins prénatals, lors de l’accouchement, postnatals et aux nouveaunés étaient fournis à proximité des communautés et gratuitement. La période 1980–2000 a vu une réduction supplémentaire de 50 % du taux de mortalité néonatale sans aucun recours aux soins intensifs, en dehors de ceux fournis dans une unité dans la capitale. La Malaisie a elle aussi suivi une politique d’amplification rapide de la couverture des services d’accouchement en présence d’un personnel qualifié. Elle a formé de grands nombres de sages-femmes et encouragé la collaboration avec les accoucheurs traditionnels pour promouvoir un passage graduel aux soins fournis par un personnel qualifié sur plusieurs décennies. Le taux de mortalité néonatale s’élève aujourd’hui à 6 pour 1 000 naissances vivantes, et 95 % des femmes accouchent en présence d’un accoucheur qualifié. Source : Adapté du chapitre 27 du DCP2. «… plusieurs modules de services portant sur les soins aux nouveau-nés pendant les 28 premiers jours de vie... sont applicables de façon universelle et sont faisables même en l’absence de professionnels de santé qualifiés ». 102 | Priorités en matière de santé ce — et des contraintes financières, notamment les frais de service et de transport. Le DCP2 examine plusieurs modules de services portant sur les soins aux nouveau-nés pendant les 28 premiers jours de vie. Quelquesunes de ces interventions sont applicables de façon universelle et sont faisables même en l’absence de professionnels de santé qualifiés. D’autres nécessitent des soins fournis par un professionnel qualifié, elles sont plus complexes ou elles utilisent du matériel médical essentiel. Les ensembles d’interventions qui ont un grand impact et qui sont faisables dans la plupart des contextes peuvent être divisés en cinq groupes : soins au nouveau-né fournis par la famille, soins essentiels au nouveau-né, réanimation du nouveau-né, soins aux enfants présentant une insuffisance pondérale à la naissance, et soins d’urgence. Les deux premiers groupes mettent l’accent sur le maintien de l’enfant au chaud, l’allaitement maternel et l’utilisation de pratiques hygiéniques (notamment le fait de soigner convenablement le cordon ombilical et de se laver les mains). Les trois derniers groupes nécessitent une certaine formation, même si la réanimation peut souvent s’effectuer avec un matériel simple coûtant moins de 5 dollars. Il n’est pas judicieux de créer un programme distinct de soins aux nouveau-nés. Au contraire, la meilleure manière d’améliorer les soins aux nouveau-nés est de combler la lacune de ce qui devrait être un spectre de soins comprenant des services prénatals, l’accouchement assisté par du personnel qualifié, et un soutien de suivi pendant le premier mois de vie. Le fait d’ajouter les interventions ciblant les nouveaunés aux services existants (DCP2, chapitre 63) ou de les mettre en œuvre parallèlement aux services de base lorsque ces derniers sont inexistants serait plus efficace au plan économique que de lancer isolément des interventions néonatales. Les interventions visant à améliorer la santé néonatale et les taux de mortalité sont souvent simples, mais elles nécessitent un réseau de services de santé qui fonctionne et peut assurer la continuité des soins pendant les périodes prénatale, d’accouchement et postnatale. Le plus grand défi est d’étendre ces services aux régions urbaines et rurales marginalisées. Dans un premier temps, de simples approches peuvent être appliquées même dans les milieux les plus pauvres pour améliorer les pratiques familiales, en ce qui concerne tout particulièrement la propreté, le maintien au chaud et l’allaitement au lait maternel de l’enfant. Lorsque les services de santé de base sont disponibles, il est possible de mettre en place du matériel et un programme de formation pour des interventions bien éprouvées, mais pour résoudre pleinement le problème de la survie néonatale, il convient de combler les lacunes de la continuité des soins et de renforcer le réseau des services de soins de santé et d’information. Pour ce faire, il importe de veiller à ce que les sages-femmes professionnelles soient présentes lors des accouchements et dispensent les soins de suivi, que les familles apprennent à reconnaître le moment où les soins de santé sont nécessaires, et que les soins de santé soient facilement accessibles. Le DCP2 relève que des dépenses modestes peuvent avoir un effet important sur la survie néonatale. À titre d’exemple, en Afrique subsaharienne, la mise à disposition de services de santé maternelle et infantile de base qui réduiraient la mortalité néonatale d’un taux allant de 6 % à 41 %, selon la couverture préexistante des services primaires et du taux de référence de mortalité néonatale, coûterait entre 2 et 10 dollars par habitant. Des dépenses supplémentaires de 0,21 à 0,95 dollar par habitant pourraient réduire les décès néonatals d’un taux atteignant 71 %. Selon les estimations, les coûts précis de l’ajout d’un programme de formation en réanimation néonatale, de matériel, de cours de recyclage et de la supervision s’élèvent à moins de 0,02 dollars par habitant, pour une réduction prévue de la mortalité néonatale d’environ 5 % en Afrique et en Asie du Sud. Si certains pays pauvres en ressources ont démontré du succès, il «… la meilleure manière d’améliorer les soins aux nouveau-nés est de combler la lacune de ce qui devrait être un spectre de soins comprenant des services prénatals, l’accouchement assisté par du personnel qualifié, et un soutien de suivi pendant le premier mois de vie ». «… la mise à disposition de services de santé maternelle et infantile de base qui réduiraient la mortalité néonatale d’un taux allant de 6 % à 41 %... coûterait entre 2 et 10 dollars par habitant ». Stratégies coût-efficaces pour alléger l’excédent de morbidité dans les pays en développement | 103 « Il faudrait doubler les dépenses en Inde et les tripler en Afrique pour fournir un module de soins de santé maternelle et infantile de base dans le cadre des interventions spéciales liées à la survie néonatale ». 104 | Priorités en matière de santé faut du temps pour mettre en place un système fonctionnel, surtout en ce qui concerne les soins cliniques. Bien que les coûts paraissent modestes par rapport aux dépenses effectuées dans les pays à revenu élevé, ils sont considérables comparativement aux dépenses consacrées aux soins de santé dans les pays à faible revenu. Il faudrait doubler les dépenses en Inde et les tripler en Afrique pour fournir un module de soins de santé maternelle et infantile de base dans le cadre des interventions spéciales liées à la survie néonatale. Le financement international est par conséquent nécessaire pour réduire la charge de morbidité liée aux affections néonatales dans les pays à faible revenu. Chapitre 5 Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements Si les maladies transmissibles et la santé maternelle et infantile constituent depuis longtemps une préoccupation majeure pour les spécialistes de la santé publique dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, elles ont été rejointes depuis peu par des maladies non transmissibles telles que les maladies cardiovasculaires (MVC), le diabète et différentes formes de cancers, ainsi que par les traumatismes volontaires et involontaires. On s’est en effet rendu compte que la charge de morbidité due aux maladies non transmissibles dans ces pays non seulement augmentait à un rythme rapide, mais atteignait déjà un niveau incroyablement élevé. De fait, en 2001, les MCV étaient devenues la première cause de mortalité dans le monde, tant dans les pays développés que dans les pays en développement. Les maladies non transmissibles figurent aujourd’hui parmi les principales sources de morbidité et de mortalité à travers le monde. Certaines maladies non transmissibles affectent de la même façon les pays à revenu faible ou intermédiaire et ceux à revenu élevé. Ainsi, dans toutes les régions du monde, au moins 80 % de la charge de morbidité imputable aux MCV est associée à des cardiopathies ischémiques, des insuffisances cardiaques congestives et des accidents vasculaires cérébraux. Ces troubles ont beaucoup de facteurs de risque en commun — l’obésité, l’hypertension artérielle, l’inactivité physique, et un apport en sel élevé — et sont donc sensibles aux mêmes interventions. D’autres maladies non transmissibles ne présentent pas le même profil dans les pays développés et dans ceux en développement. C’est le cas du cancer, pour lequel les variations géographiques sont très importantes. Les types de cancer qui prédominent dans les pays à revenu élevé — les cancers du poumon, du sein, de la prostate et le cancer colorectal — sont associés à des facteurs tels que l’antériorité de l’épidémie de tabagisme et de l’exposition à des substances cancérigènes, le régime alimentaire et le mode de vie. En revanche, les cancers prédominants dans les pays à revenu faible ou intermédiaire — les cancers du col de l’utérus, du foie et de l’estomac 105 « Le recul de la mortalité due aux maladies transmissibles ne doit pas nécessairement être compensé par une augmentation équivalente des décès imputables aux maladies non transmissibles. » — sont associés à des infections chroniques par le papillomavirus humain, l’hépatite B et Helicobacter pylori. La charge de morbidité due au cancer est très élevée et en augmentation dans le monde entier, mais son épidémiologie, et par conséquent les interventions pertinentes, sont très différentes entre les pays à revenu faible ou intermédiaire et les pays à revenu élevé. Le poids des maladies non transmissibles augmente, mais la pression qu’elles vont exercer sur les systèmes de santé n’a pas encore atteint son maximum dans beaucoup de pays à revenu faible ou intermédiaire. L’ironie de la chose est que, pour une part, cette charge nouvelle viendra des progrès réalisés en matière de prévention et de traitement des maladies transmissibles, et de mortalité juvénile, progrès qui vont permettre à des individus d’atteindre l’âge adulte et d’être ainsi exposés à des maladies non transmissibles. Il est possible de diminuer la charge de morbidité due aux maladies non transmissibles et aux traumatismes. En adoptant des politiques publiques qui encouragent une alimentation saine et découragent la consommation de tabac, par exemple, les pays à revenu faible ou intermédiaire peuvent échapper aux profils de risques, que les pays plus riches ont acquis au cours de leur processus de développement. Des mesures de sécurité routière appropriées permettraient aussi aux pays à revenu faible ou intermédiaire d’alléger sensiblement le fardeau imposé par les accidents de la route, qui progresse en même temps que le trafic motorisé. Le recul de la mortalité due aux maladies transmissibles ne doit pas nécessairement être compensé par une augmentation équivalente des décès imputables aux maladies non transmissibles. MALADIES CARDIOVASCULAIRES, DIABÈTE, HYPERTENSION ARTÉRIELLE, CHOLESTÉROL ET SURPOIDS Dans toutes les régions du monde, on constate une augmentation de la charge de morbidité due aux MCV, au diabète et aux troubles associés que sont l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie et le surpoids1. Autrefois considérées comme des maladies des pays industrialisés ou des milieux aisés dans les pays en développement, elles sont à présent reconnues en tant que problèmes planétaires. Les MCV sont devenues en 2001 la première cause de mortalité mondiale. Elles représentent actuellement 28 % des décès dans le monde et 80 % de la charge de morbidité dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. L’essentiel de cette charge est localisée en Asie et en Europe orienta1 106 | Priorités en matière de santé Cette partie est basée sur les chapitres 30, 33, 44 et 45 du DCP2. le en raison du nombre d’habitants de ces régions et de l’incidence élevée des maladies coronariennes en Europe orientale et en Asie centrale. Le diabète est aussi en progression à travers le monde, avec un taux de prévalence de 5,1 % en 2003. La prévalence du diabète atteint son plus haut niveau dans les pays à revenu élevé avec 7,8 % tandis que, dans les pays en développement, elle va de 2,4 % en Afrique subsaharienne à 7,6 % en Europe orientale et en Asie centrale. Bien que le taux de prévalence du diabète soit supérieur dans les pays à revenu élevé, la part des régions en développement dans la charge de morbidité liée à cette affection dépasse les 70 % du fait qu’elles sont plus peuplées2. Une autre manière d’analyser la charge des MCV, du diabète et des troubles associés consiste à les classer par facteurs de risque. D’après les estimations du Rapport sur la santé dans le monde 2002 (OMS 2002), 7,1 millions de décès dans le monde pourraient être attribués à l’hypertension artérielle, 4,4 millions à l’hypercholestérolémie et 2,6 millions au surpoids. Le surpoids est un problème qui s’aggrave dans pratiquement tous les pays, même les plus pauvres, à un rythme tel que, dans les pays à revenu intermédiaire, la charge de morbidité associée au fait d’avoir un indice de masse corporelle supérieur à 25 est maintenant égale ou plus élevée que celle due à la malnutrition. Ces maladies ne sont pas des conséquences inéluctables de la vie moderne. Il est possible de diminuer la charge de morbidité correspondante en introduisant dans les modes de vie des modifications mineures parfaitement compatibles avec la vie au XXIe siècle. Néanmoins, les habitudes tabagiques, l’activité physique et le régime alimentaire ne sont pas forcément faciles à faire évoluer, et les changements nécessaires devront être accompagnés et encouragés par des investissements dans l’éducation, des modifications de la politique alimentaire, et parfois même des transformations des infrastructures urbaines. Si les modifications des comportements à obtenir sont partout les mêmes, la manière d’y parvenir sera bien évidemment différente selon les pays et les régions et devra prendre en compte les caractéristiques culturelles, sociales et économiques locales. « Bien que le taux de prévalence du diabète soit supérieur dans les pays à revenu élevé, la part des régions en développement dans la charge de morbidité liée à cette affection dépasse les 70 % du fait qu’elles sont plus peuplées. » « …dans les pays à revenu intermédiaire, la charge de morbidité associée au fait d’avoir un indice de masse corporelle supérieur à 25 est maintenant égale Interventions sur le mode de vie ou plus élevée que celle Pour réduire les principaux facteurs de risque associés aux MCV et au diabète — l’obésité, l’inactivité physique et une mauvaise alimentation — il due à la malnutrition. » 2 Les statistiques sur le diabète englobent les diabètes de type 1 (maladie auto-immune qui provoque la destruction des cellules pancréatiques, entraînant un déficit absolu en insuline) et de type 2 (caractérisé par une résistance à l'insuline, qui fait que les tissus cibles n'utilisent pas l'insuline correctement, et par une secrétion insuffisante d'insuline par le pancréas), et le diabète gestationnel. Le diabète de type 2, qui a quelques uns des facteurs de risque des MCV, représente actuellement 85 à 95 % de l'ensemble des cas de diabète diagnostiqués. Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 107 « Parce que rouler en voiture coûte deux fois plus cher en Europe qu’aux ÉtatsUnis, les Européens se déplacent davantage à pied et en vélo, et utilisent leurs voitures environ 50 % moins que les Américains. » 108 | Priorités en matière de santé est nécessaire d’intervenir pour modifier les modes de vie malsains. Les chances d’y parvenir sont plus grandes avec un ensemble coordonné d’interventions encourageant les individus à éviter les excès de poids, à faire de l’exercice tous les jours et à avoir une alimentation saine, c’est-à-dire remplacer les acides gras saturés et trans-saturés par des acides gras insaturés, augmenter la consommation de fruits, de légumes et de céréales complètes, et limiter l’apport en sel et les calories en excès de toute provenance, en particulier celles des boissons sucrées. L’éducation de la population joue ici un rôle essentiel, et les résultats sont meilleurs lorsqu’on agit par différentes voies et dans différents lieux, comme les établissements scolaires, les lieux de travail, les mass médias et les centres de santé. Les messages éducatifs ont également davantage d’impact quand ils sont renforcés par des actions. Les établissements scolaires doivent par exemple organiser des cours sur la nutrition, mais aussi proposer des repas équilibrés ; sur les lieux de travail, il faut sensibiliser les employés aux bienfaits de l’activité physique, mais également faciliter l’utilisation de modes de transport non motorisés. L’aménagement urbain et la politique des transports entrent aussi en ligne de compte lorsqu’on cherche à modifier les modes de vie. La population peut être encouragée à faire plus d’exercice en utilisant des transports publics et non motorisés, et plus spécialement en se déplaçant à pied ou à bicyclette. Bien qu’elles ne soient généralement pas considérées comme un instrument permettant d’améliorer la santé, les politiques nationales des transports peuvent influer notablement sur l’utilisation des automobiles et sur la dépendance de leurs usagers. Des taxes sur l’essence réduites, des aires de stationnement gratuites et des chaussées larges favorisent l’utilisation des automobiles (aux États-Unis par exemple), tandis que des rues étroites, des parkings peu nombreux et le prix élevé de l’essence le découragent (c’est le cas en Europe occidentale). Parce que rouler en voiture coûte deux fois plus cher en Europe qu’aux États-Unis, les Européens se déplacent davantage à pied et en vélo, et utilisent leurs voitures environ 50 % moins que les Américains. Les politiques publiques suivent les mêmes tendances dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Singapour a été l’un des premiers États à décourager l’utilisation individuelle des automobiles et à encourager la population à utiliser les transports en commun ou se déplacer à pied ou en vélo. À l’inverse, la Chine a clairement encouragé les familles à acheter des voitures en abaissant les taxes, en simplifiant les procédures d’immatriculation et en autorisant les financements étrangers. La politique alimentaire représente un autre levier important pour faire évoluer le mode de vie. On peut agir par exemple sur la production agroalimentaire en enrichissant les aliments en micronutriments et en limitant la publicité pour les aliments néfastes pour la santé. L’un des moyens les plus efficaces pour améliorer l’alimentation consiste à soumettre l’industrie agroalimentaire à des réglementations ou à des incitations afin qu’elle remplace les ingrédients ou les produits malsains par d’autres, meilleurs pour la santé. Par exemple, modifier les types de matières grasses peut être pratiquement imperceptible pour les consommateurs, et relativement peu coûteux. Un grand nombre de fabricants européens ont beaucoup diminué la quantité d’acides gras trans-saturés de leurs aliments en modifiant leurs méthodes de production. Ainsi, les Pays-Bas ont diminué la proportion d’acides gras trans-saturés contenus dans les produits alimentaires : en 10 ans, elle est passée de 6 % du contenu énergétique à environ 1 %. À Maurice, les politiques publiques ont remplacé les huiles de palme couramment utilisées pour la cuisine par de l’huile de soja, ce qui a diminué l’apport en acides gras et abaissé les niveaux de cholestérol. D’autres modifications faciles à mettre en œuvre dans les processus de transformation alimentaire concernent la réduction de l’apport en sel et l’enrichissement des aliments par des micronutriments tels que la vitamine A, la vitamine B12, l’iode, le fer et l’acide folique. Les expériences passées permettent de tirer certains enseignements sur les interventions utilisables pour modifier le mode de vie des populations : « … les Pays-Bas ont diminué la proportion d’acides gras transsaturés contenus dans les produits alimentaires : en 10 ans, elle est passée de 6 % du contenu énergétique à environ 1 %. » • ces interventions doivent s’étendre sur plusieurs années ; • leur organisation doit être confiée à des organismes crédibles ; • il est important qu’une collaboration s’établisse entre le secteur de la santé, les autres agences gouvernementales, les établissements scolaires, les lieux de travail et le secteur associatif ; • la coopération de l’industrie agroalimentaire est indispensable pour garantir que les consommateurs puissent acheter de la nourriture plus saine à des prix raisonnables et avec un étiquetage qui présente des informations pertinentes d’une façon claire, fiable et norma-lisée. Plusieurs faits indiquent que la plupart des maladies coronariennes, des accidents vasculaires cérébraux, des diabètes et de certains cancers peuvent être prévenus ou retardés par des modifications réalistes du régime alimentaire et du mode de vie. L’un de ces faits se fonde sur le recul des maladies coronariennes dans les pays ayant mis en place des programmes de prévention. L’exemple de la Finlande est particulièrement spectaculaire. Dans ce pays qui présentait les taux de MCV les plus élevés au monde, un programme d’action complet ciblé sur l’amélioration de l’alimentation et de l’hygiène de vie a permis de réduire le taux de mortalité de quelque 75 % entre 1972 et 1992 (encadré 5.1). Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 109 « En adoptant des lois qui obligent les industriels à réduire la quantité de sel présente dans les aliments transformés, tout en sensibilisant le public par une campagne d’information, on peut réduire l’hypertension artérielle pour un coût de 6 dollars par personne et par an. » Le DCP2 évalue le rapport coût-efficacité de plusieurs de ces interventions. Le remplacement des acides gras saturés par des acides gras monoinsaturés dans les produits transformés, accompagné d’une campagne d’information locale, peut réduire les cas de maladies coronariennes de 4 %. Le coût total de ces changements serait compris entre 1,80 et 4,50 dollars par personne et par an selon les régions. Le rapport coût-efficacité marginal s’établirait entre 1 865 dollars par AVCI gagnée en Asie du Sud, et 4 012 dollars par AVCI gagnée au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. En remplaçant les 2 % d’énergie fournis par les acides gras trans-saturés par des acides gras polyinsaturés, on réduirait les MCV de 7 à 40 % et l’on diminuerait également le nombre de diabètes de type 2. L’effet serait variable selon les régions. La consommation d’acides gras trans-saturés est déjà faible en Chine, c’est pourquoi les remplacer par des polyinsaturés n’abaisserait pas autant l’incidence de ces maladies qu’en Asie du Sud, où les graisses de cuisson employées habituellement ont une teneur en acides gras trans-saturés extrêmement élevée. Les matières grasses partiellement hydrogénées pourraient être éliminées ou sensiblement réduites par une démarche volontaire des industriels, comme aux Pays-Bas, ou par la réglementation, comme au Danemark. Cette intervention ne nécessite pas d’action de sensibilisation des consommateurs, et son coût ne dépasse pas 0,5 dollar par personne et par an. Le rapport coût-efficacité de cette intervention est compris entre 25 et 73 dollars par AVCI gagnée selon la région. Elle se solde par une économie dans toutes les régions. En adoptant des lois qui obligent les industriels à réduire la quantité de sel présente dans les aliments transformés, tout en sensibilisant le public par une campagne d’information, on peut réduire l’hypertension artérielle pour un coût de 6 dollars par personne et par an. Cette intervention coûterait 1 325 dollars par AVCI gagnée en Asie du Sud, et 3 056 dollars par AVCI gagnée au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Interventions médicales Lorsque les interventions sur le mode de vie ne suffisent pas à prévenir les MCV ou le diabète, la médecine doit prendre le relais. Beaucoup d’interventions médicales sont complexes et coûteuses, par exemple greffer de nouvelles artères autour du cœur ou dilater un vaisseau obstrué par angioplastie, mais il existe aussi des traitements relativement bon marché pour soigner les MCV chroniques. Pour les sujets ayant eu des infarctus, des médicaments comme les bêtabloquants et l’aspirine peuvent réduire la probabilité d’une récidive. Le principal moyen permettant de prévenir les décès dus au diabète de type 1 consiste à injecter de l’insuline afin de maintenir dans le sang des niveaux de glucose adéquats. Pour le diabète de 110 | Priorités en matière de santé Encadré 5.1 Des actions de proximité contre les MCV en Finlande En 1972, la Finlande occupait le premier rang mondial pour la mortalité due aux MCV. Les planificateurs ont analysé les éléments des politiques publiques et les facteurs environnementaux qui favorisaient les MCV et se sont efforcés d’introduire les changements nécessaires, par exemple en améliorant la disponibilité des produits laitiers allégés en matières grasses, en votant des lois anti-tabac et en servant des repas plus équilibrés dans les restaurants scolaires. Ils ont utilisé les médias, les établissements scolaires, les lieux de travail et des porte-paroles du monde du sport, de l’éducation et de l’agriculture pour sensibiliser les habitants. Au bout de cinq ans, des progrès significatifs avaient été constatés sur le plan du tabagisme, du cholestérol et de la tension artérielle. En 1992, les taux de mortalité due aux MCV avaient chuté de 57 % chez les hommes de 35 à 64 ans. Devant le succès du programme, il a été étendu à d’autres maladies liées au mode de vie et a servi de modèle pour les planificateurs de la santé publique dans tout le pays et ailleurs. En vingt ans, il a permis d’obtenir d’importantes réductions des facteurs de risque, de la morbidité et de la mortalité liés aux MCV. Des chiffres récents montrent une diminution de 75 % de la mortalité due aux MCV (Puska et al. 1998). Source : DCP2, chapitre 44, p. 837 type 2, le traitement nécessite de modifier le régime alimentaire et l’activité physique, ce qui est aussi valable pour le diabète de type 1, et d’administrer par voie orale des agents abaissant le taux de glycémie, l’insuline n’étant indispensable que dans les cas sévères. La tension artérielle et la lipidémie peuvent aussi être régulées par voie médicamenteuse. Parmi les autres interventions efficaces sur le diabète, on peut citer le dépistage précoce, suivi par le traitement des rétinopathies, des microalbuminuries et des lésions du pied. Les taux de glycémie des diabétiques de type 1 comme de type 2 sont actuellement mal régulés dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Une étude de 1997 réalisée par la Fédération internationale du diabète a montré qu’aucun pays d’Afrique ne bénéficiait d’un accès universel à l’insuline pour les patients qui en ont besoin. En République démocratique du Congo, les diabétiques de type 1 arrivaient à se procurer de l’insuline moins de 25 % du temps, ce qui entraînait une mortalité élevée. Même dans les pays à revenu intermédiaire comme El Salvador et le Pérou, les diabétiques ayant besoin d’insuline pour réguler leur glycémie ne parvenaient à s’en procurer que 26 à 49 % du temps. La plupart des données que l’on possède sur le rapport coût-efficacité des traitements médicaux pour les MCV et le diabète proviennent des pays à revenu élevé. Les interventions médicales ciblées sur les MCV qui ont des « Même dans les pays à revenu intermédiaire …, les diabétiques ayant besoin d’insuline pour réguler leur glycémie ne parvenaient à s’en procurer que 26 à 49 % du temps. » Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 111 chances d’être efficaces par rapport aux coûts dans les pays à revenu faible ou intermédiaire sont les suivantes : « Les chercheurs en médecine placent beaucoup d’espoir dans la mise au point d’une « polypilule » pour prévenir les MCV. » « …pour le diabète,… les interventions qui se révèlent être faisables et d’un bon rapport coût- efficacité sont la régulation de la glycémie, la régulation de la tension artérielle et la prise en charge du pied diabétique. » 112 | Priorités en matière de santé • les agents anticoagulants comme l’aspirine ou l’héparine pour prévenir les thrombo-embolies veineuses ; • les injections de benzathine pénicilline en prévention secondaire, généralement pendant cinq ans, pour les sujets ayant été atteint de rhumatisme articulaire aigu ; • les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine pour les insuffisances cardiaques congestives ; • les anticoagulants pour les sténoses mitrales et les fibrillations auriculaires ; • différents médicaments, notamment des bêtabloquants et des statines génériques, pour la prise en charge de longue durée du post-infarctus du myocarde. Équiper de défibrillateurs les véhicules de secours d’urgence est d’un très bon rapport coût-efficacité dans les pays à revenu élevé mais n’est sans doute pas efficace au plan économique dans la plupart des pays moins riches. En revanche, en équiper les hôpitaux peut l’être davantage. Les chercheurs en médecine placent beaucoup d’espoir dans la mise au point d’une « polypilule » pour prévenir les MCV. Cette polypilule hypothétique associerait plusieurs médicaments : de l’aspirine générique, un bêtabloquant, un diurétique thiazide, un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, et une statine. Administrée à une population ayant 35 % de risques d’être atteinte d’une MCV, elle aurait un rapport coût-efficacité marginal compris entre 721 dollars par AVCI gagnée au MoyenOrient et en Afrique du Nord, et 1 065 dollars par AVCI gagnée dans la région Asie de l’Est et Pacifique. Le rapport coût-efficacité est bien évidemment inférieur dans les populations où la prévalence des MCV est moins élevée. Le rapport coût-efficacité des interventions médicales pour le diabète est extrêmement variable. Certaines permettent de réaliser des économies ; d’autres coûtent plus de 73 000 dollars par année de vie gagnée pondérée par sa qualité. Les évaluations du rapport coût-efficacité de ces interventions qui sont données dans le DCP2 tiennent expressément compte des différences qui existent dans leur mise en œuvre, notamment la difficulté de couvrir les populations ciblées, la complexité technique des interventions, l’intensité relative de capital et l’acceptabilité culturelle. Après intégration de ces critères, les interventions qui se révèlent être faisables et d’un bon rapport coût-efficacité sont la régulation de la glycémie, la régulation de la tension artérielle et la prise en charge du pied diabétique. Réguler la glycémie coûte moins cher que gérer les complications qui surviennent en l’absence de régulation. Permettre aux diabétiques de type 1 de se procurer toute l’insuline dont ils ont besoin est une mesure importante et efficace par rapport aux coûts. La régulation de la tension artérielle chez les sujets atteints d’hypertension présente également un bon rapport coût-efficacité et fait faire des économies. Parce qu’un grand nombre de médicaments hypotenseurs sont des médicaments génériques, leur coût est relativement bas dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. En outre, dans ces pays, beaucoup de diabétiques ne bénéficient pas non plus d’une bonne régulation de leur tension artérielle. Ces médicaments offrent donc un excellent rapport coût-efficacité. On voit ainsi que le rapport coût-efficacité des interventions médicales varie considérablement selon les contextes, en fonction de l’existence de personnels qualifiés, du prix des médicaments et de la prévalence des risques. En revanche, les interventions sur le mode de vie font souvent faire des économies parce qu’elles permettent de prévenir des affections dont le traitement est parfois coûteux. de prévention et de CANCER Autre maladie non transmissible longtemps considérée comme un problème de pays riches, le cancer frappe aujourd’hui lourdement toutes les régions du globe3. En 2001, le cancer a provoqué plus de 7 millions de décès dans le monde, dont 5 millions dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. Cette année-là, il a entraîné la perte de 100 millions d’AVCI, dont près de 75 millions perdues dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. À moins que des actions de prévention et de dépistage énergiques ne permettent d’infléchir la tendance, l’incidence du cancer, estimée en 2000 à 10 millions de nouveaux cas par an, passerait d’ici 2020 à 15 millions par an, dont 9 millions dans les pays en développement. Bien que le problème du cancer soit présent partout, il ne se pose pas de la même manière dans toutes les régions. Dans les pays en développement, une part importante des cancers est associée à des infections chroniques (jusqu’à 25 %). Le cancer du foie est mis en relation avec l’hépatite B, le cancer du col de l’utérus avec certains types de papillomavirus humains, et le cancer de l’estomac avec une infection à Helicobacter pylori. L’incidence de ces cancers est également liée à l’absence d’infrastructures de santé publique bien développées permettant de lutter contre les agents infectieux provoquant des cancers. 3 « À moins que des actions dépistage énergiques ne permettent d’infléchir la tendance, l’incidence du cancer, estimée en 2000 à 10 millions de nouveaux cas par an, passerait d’ici 2020 à 15 millions par an… » Cette partie est basée sur le chapitre 29 du DCP2. Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 113 En 2000, sept types de cancers représentaient environ 60 % de l’ensemble des nouveaux cas de cancers diagnostiqués et des décès dus aux cancers dans les pays en développement : les cancers du col de l’utérus, du foie, de l’estomac, de l’œsophage, du poumon, du colon-rectum et du sein. Les quatre premiers présentent des taux d’incidence et de mortalité élevés dans les pays en développement. Les trois derniers ont une incidence plus faible mais en hausse du fait des transitions démographiques et industrielles. Les régions en développement montrent également de très grandes variations sur le plan de la charge de mortalité due aux cancers. Les décès imputables au cancer du foie sont relativement nombreux en Asie de l’Est et en Afrique en raison de la forte prévalence de l’hépatite B chronique et des problèmes de stockage et de conservation de la nourriture dans ces régions. La mortalité due au cancer colorectal et au cancer du sein est relativement élevée en Europe orientale car les populations de ces régions ont adopté une alimentation trop grasse, moins saine, et des modes de vie plus sédentaires. Les décès dus au cancer de la bouche sont particulièrement nombreux en Asie du Sud où chiquer de la noix de bétel est une pratique courante. Ces différents types de cancer appellent des stratégies d’intervention différentes. Les interventions ciblées sur les cancers se classent en plusieurs catégories. La prévention primaire élimine l’exposition aux agents étiologiques du cancer ; la prévention secondaire consiste à dépister et traiter des lésions précancéreuses ; le traitement fait intervenir la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie ; enfin, les soins palliatifs visent à améliorer le confort physique et psychologique des patients depuis le diagnostic jusqu’au décès. Les interventions de prévention primaire qui s’appliquent aux types de cancer les plus préoccupants dans les pays en développement comprennent la vaccination et le traitement contre les agents infectieux, les interventions ciblées sur le régime alimentaire, la lutte contre le tabagisme, la réduction de la consommation excessive d’alcool, et la chimioprophylaxie. Les études évaluant le rapport coût-efficacité de ces interventions sont relativement rares et concentrées dans les pays à revenu élevé. Ainsi, des études réalisées au Royaume-Uni et aux États-Unis montrent que le dépistage et le traitement des infections à helicobacter en vue de réduire le risque de cancer de l’estomac coûtent entre 25 000 et 50 000 dollars par année de vie sauvée, mais selon une autre étude, le rapport coût-efficacité de cette intervention serait très supérieur en Colombie, où le coût des soins de santé est moindre et où la prévalence du cancer de l’estomac est plus élevée. La prévention secondaire consiste à organiser des programmes de dépistage pour détecter et traiter les précurseurs du cancer, ce qui peut prévenir ou réduire l’incidence des cancers très invasifs, par exemple le cancer du col de l’utérus et le cancer colorectal. Un dépistage efficace peut également détecter des cancers invasifs, comme le cancer du sein et du poumon, 114 | Priorités en matière de santé à un stade plus précoce qu’il ne serait possible sans cela, et donc améliorer les chances de succès des traitements. Le rapport coût-efficacité de la prévention secondaire dépend de nombreux facteurs, notamment du coût des tests de diagnostic, de la prévalence de la maladie et de la disponibilité de traitements efficaces. Le traitement du cancer comprend l’élimination chirurgicale des tumeurs, la chimiothérapie et la radiothérapie. Pour les cancers du col de l’utérus, du sein, de la bouche et du côlon-rectum, le rapport coût-efficacité du traitement est compris entre 1 300 et 6 200 dollars par année de vie sauvée. Pour les cancers plus difficiles à traiter, comme ceux du foie, du poumon, de l’estomac et de l’œsophage, il est beaucoup moins bon : de 53 000 à 163 000 dollars par année de vie sauvée. L’existence de méthodes de prévention et de traitement du cancer offrant un rapport coût-efficacité satisfaisant dans les pays à revenu faible ou intermédiaire varie beaucoup selon le type de cancer, avec un impact important sur l'égalité des résultats obtenus. Dans le cas des cancers pour lesquels il n’existe pas de moyens de dépistage et de traitement efficaces, à savoir le cancer de l’œsophage, du foie, du poumon et du pancréas, les taux de survie sont du même ordre dans les pays riches et pauvres. Concernant les cancers pour lesquels on dispose de moyens thérapeutiques avérés, c’est-à-dire le cancer du gros intestin, du sein, de l’ovaire et du col de l’utérus, on constate un écart important entre les meilleurs taux de survie des pays à revenu élevé et les moins bons taux de survie des pays à revenu faible ou intermédiaire. Un troisième groupe de cancers exige des traitements complexes et multimodaux. Il s’agit du cancer des testicules, de la leucémie et du lymphome. La prise en charge de ces cancers pose des problèmes particulièrement ardus dans les environnements ne disposant pas de personnel médical spécialisé ni de bonnes infrastructures de santé. « Pour les cancers du col de l’utérus, du sein, de la bouche et du côlon-rectum, le rapport coût-efficacité du traitement est compris entre 1 300 et 6 200 dollars par année de vie sauvée. Pour les cancers … du foie, du poumon, de l’estomac et de l’œsophage, il est beaucoup moins bon… » AFFECTIONS CONGÉNITALES ET TROUBLES DU DÉVELOPPEMENT Une autre catégorie de maladies non transmissibles contribuant à la charge de morbidité comprend les affections congénitales et les troubles du développement4. Plus les pays à revenu faible ou intermédiaire progresseront dans la lutte contre les grandes maladies infantiles, plus ils risquent de voir augmenter le nombre d’affections congénitales et de troubles du développement diagnostiqués. En Afrique, 2 % des nouveau-nés sont atteints de drépanocytose, l’une des maladies héréditaires, ou hémoglobinopathies, qui affectent le fonc4 « En Afrique, 2 % des nouveau-nés sont atteints de drépanocytose… » Cette partie est basée sur le chapitre 34 du DCP2. Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 115 « … 7 % de la population du globe sont porteurs de gènes responsables d’hémoglobinopathies, et entre 300 000 et 500 000 enfants naissent chaque année avec des formes graves de ces affections. L’arriération mentale légère due à l’ingestion de plomb compte pour 1 % dans la charge de morbidité mondiale… » 116 | Priorités en matière de santé tionnement normal de l’hémoglobine dans les globules rouges (figure 5.1). On les rencontre peu chez les adolescents et les adultes en raison de la mortalité élevée chez les enfants. Au fur et à mesure que les pays feront reculer le paludisme et amélioreront le diagnostic et le traitement des infections aux antibiotiques, un plus grand nombre d’enfants touchés par cette maladie atteindront l’âge adulte. La prévalence des troubles de l’apprentissage et du développement (handicaps fonctionnels provoqués par une atteinte du système nerveux) s’élève à au moins 10 à 20 % dans les pays à revenu élevé. Les enfants atteints de ces handicaps ont plus de chances de survivre et d’être repérés par le système de santé lorsque le pays est capable de maîtriser les maladies infectieuses courantes et que la couverture du système de santé est plus complète. L’origine des affections congénitales et des troubles du développement est très variable. Dans un grand nombre de cas, elle est strictement génétique : la drépanocytose touche un enfant sur quatre dans les familles où les parents sont porteurs du gène récessif de la maladie, et la trisomie 21 est provoquée par la présence d’un troisième chromosome. D’autres troubles surviennent lorsque le développement du fœtus est perturbé, comme dans le cas du syndrome de l’alcoolisation fœtale, de la carence en iode et de la rubéole congénitale. Une troisième classe de troubles provient de l’exposition à des facteurs environnementaux néfastes, par exemple les lésions neurologiques provoquées par le neuropaludisme, la méningite bactérienne ou l’empoisonnement au plomb. Ces troubles représentent une part importante de la charge de morbidité mondiale. Quelque 7 % de la population du globe sont porteurs de gènes responsables d’hémoglobinopathies, et entre 300 000 et 500 000 enfants naissent chaque année avec des formes graves de ces affections. L’arriération mentale légère due à l’ingestion de plomb compte pour 1 % dans la charge de morbidité mondiale, soit environ 9,8 millions d’AVCI, et l’intoxication par le plomb n’est qu’une cause d’arriération mentale parmi beaucoup d’autres. Les conséquences de ces troubles sont extrêmement variables et dépendent à la fois de la gravité de l’affection et du contexte. Là où le système de santé est capable d’assurer un diagnostic correct et une prophylaxie par pénicilline, un grand nombre d’enfants peuvent vivre normalement avec la drépanocytose. Les troubles de l’hyperactivité et la dyslexie sont problématiques dans les environnements scolaires qui n’ont pas les moyens d’y faire face. La stigmatisation peut empêcher des individus de participer à des activités sociales même lorsque leurs handicaps structurels ne sont pas rédhibitoires. Quand la politique publique encourage la construction de rampes pour les fauteuils roulants ou l’écriture en Braille, les handicaps fonctionnels sont moins gênants. Figure 5.1 Répartition mondiale des hémoglobinopathies Hb E Hb S Source : DCP2, chapitre 34, p. 665. Note : variantes de l’hémoglobine à structure anormale : Hb E (inoffensive sauf interaction avec une thalassémie α ou β) et Hb S (provoquant une drépanocytose sous la forme homozygote) Hb = hémoglobine Certaines interventions en matière de santé visent à prévenir les affections congénitales et les troubles du comportement. Il s’agit notamment de proposer des services de dépistage génétique et de conseil aux couples lorsque des troubles congénitaux graves sont détectés, de vacciner contre le Hib et la méningite pour éviter les lésions neurologiques, de mener des actions de sensibilisation pour que les femmes enceintes cessent de boire de l’alcool afin de prévenir le syndrome de l’alcoolisation fœtale, d’éliminer l’exposition aux toxiques tels que le plomb qui provoquent des arriérations mentales, et de remédier aux carences nutritionnelles des femmes enceintes. Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 117 D’autres interventions sont possibles pour empêcher les troubles de progresser jusqu’au stade du handicap : • le dépistage des troubles du métabolisme permet d’identifier les sujets qui développeront des lésions neurologiques après avoir ingéré certains aliments. Les enfants exposés à ces troubles et leurs parents peuvent bénéficier de conseils pour adapter en conséquence le régime alimentaire des enfants identifiés ; • le dépistage de la drépanocytose peut être suivi d’une prophylaxie par pénicilline pour réduire les risques de décès et de morbidité liés aux infections ; • le dépistage et le traitement de l’hypothyroïdie congénitale peut éviter des altérations du développement responsables de graves incapacités cognitives ; • le traitement rapide du neuropaludisme peut prévenir des atteintes neurologiques sur le long terme. « …un grand nombre d’interventions ciblées sur les affections congénitales et les troubles du développement présentent un bon rapport coûtefficacité. » 118 | Priorités en matière de santé Lorsque les troubles ne peuvent pas être prévenus, des traitements permettent dans certains cas d’atténuer leurs effets sur la santé d’un individu. Les personnes atteintes d’affections provoquées par des thalassémies graves, qui sont des maladies génétiques caractérisées par un défaut de synthèse de l’hémoglobine dans le sang, peuvent avoir besoin de transfusions de globules rouges lavés, ayant subi un dépistage approprié des maladies transmises par le sang. Les sujets atteints de drépanocytose peuvent être hospitalisés et recevoir des analgésiques pendant les crises de douleur osseuse. Enfin, l’enrichissement nutritionnel, la chirurgie, la réadaptation ou l’éducation spécialisée peuvent permettre d’atténuer la gravité des handicaps. Enfin, lorsque les troubles ne peuvent pas être prévenus ni traités, il est parfois possible d’atténuer les conséquences du handicap sur la qualité de vie des personnes. De nombreuses interventions portent sur des affections secondaires. Ainsi, les trisomiques risquent d’avoir besoin d’être traités pour des problèmes d’audition et de vision, d’anomalies cardiaques congénitales, et de retard mental. D’autres interventions visent à réduire les obstacles environnementaux qui entravent la participation des individus à la vie familiale et sociale, par exemple en améliorant leur mobilité physique par des investissements dans les infrastructures publiques (accès des fauteuils roulants aux transports, aux bâtiments et aux toilettes), en créant des réseaux de soutien social, en luttant contre le rejet social et en éduquant le public pour mieux intégrer les personnes handicapées. Le DCP2 fait le constat qu’un grand nombre d’interventions ciblées sur les affections congénitales et les troubles du développement présentent un bon rapport coût-efficacité. Le chapitre 34 cite la prophylaxie par pénicilline pour les nouveau-nés atteints de drépanocytose, qui coûte entre 7 000 et 12 000 dollars par décès évité et entre 250 et 600 dollars par AVCI gagnée. Le rapport note également que le dépistage de la drépanocytose chez les personnes d’origine africaine coûte environ 6 700 dollars par décès évité, mais que le dépistage systématique dans les autres populations où la prévalence est faible n’est pas efficace sur le plan économique. Le chapitre 49 montre que l’enrichissement des céréales en acide folique pour prévenir les anomalies congénitales offre un bon rapport coût-efficacité puisqu’il coûte en moyenne 36 dollars par AVCI gagnée en Amérique latine et dans les Caraïbes, 40 dollars par AVCI gagnée en Afrique subsaharienne, 58 dollars par AVCI gagnée en Asie du Sud, et 160 dollars par AVCI gagnée dans la région Asie de l’Est et Pacifique. Le dépistage prénatal et l’interruption thérapeutique de grossesse pour prévenir la trisomie 21, le spina bifida et d’autres maladies congénitales souvent mortelles peuvent avoir un très bon rapport coût-efficacité mais soulèvent des questions éthiques, sociales et culturelles auxquelles il convient de répondre d’une manière qui respecte la gravité de ces décisions et garantisse la protection des droits de l’homme. Les données du DCP2 démontrent les relations étroites existant entre certaines maladies et des affections congénitales ou des troubles du comportement. La vaccination contre la rubéole diminue la probabilité des malformations congénitales chez les nouveau-nés, et le renforcement de la lutte contre le paludisme réduirait la prévalence des troubles neurologiques causés par le neuropaludisme. Améliorer l’alimentation des femmes enceintes, en veillant plus particulièrement aux apports en micronutriments tels que la vitamine A, l’acide folique et l’iode, non seulement aurait des effets bénéfiques sur la santé des femmes et diminuerait le risque de mortalité maternelle, mais abaisserait les risques qu’elles mettent au monde des enfants atteints d’affections congénitales. « Améliorer l’alimentation des femmes enceintes … non seulement aurait des effets bénéfiques sur la santé des femmes et diminuerait le risque de mortalité maternelle, mais abaisserait les risques qu’elles mettent au monde des enfants atteints d’affections congénitales. » « Sur l’ensemble de la planète, les blessures TRAUMATISMES INVOLONTAIRES involontaires ont causé en Les traumatismes involontaires, notamment ceux causés par les accidents de la route, constituent une autre composante de la charge de morbidité des maladies non transmissibles5. Sur l’ensemble de la planète, les traumatismes involontaires ont causé en 2001 3,5 millions de décès, dont plus de 90 % sont survenus dans les pays à revenu faible ou intermédiaire et ont représenté dans ces pays environ 7 % du total des décès. Les traumatismes 2001 3,5 millions de décès, dont plus de 90 % sont survenus dans les pays à revenu faible ou intermédiaire… » 5 Cette partie est basée sur le chapitre 39 du DCP2. Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 119 « Le … Brésil … a diminué de 25 % le nombre de personnes tuées dans des accidents de la route entre 1997 et 1998. » 120 | Priorités en matière de santé causés par les accidents de la route ont compté pour environ 34 % dans la mortalité par traumatismes involontaires. Bien que la part des hommes dans le total des décès par traumatismes involontaires soit de 66 %, elle atteint 73 % pour les accidents de la route et de la circulation. Les traumatismes occasionnés par les accidents de la route progressent avec la hausse du volume des déplacements et de l’utilisation de véhicules motorisés, en particulier des deux-roues. Ils sont également plus nombreux lorsque la vitesse augmente, et là où les routes existantes ne permettent pas d’absorber la croissance du volume et de la vitesse du trafic. Des accidents surviennent aussi quand les piétons doivent partager la chaussée avec des véhicules motorisés et non motorisés. Les traumatismes résultant d’accidents de la route ont tendance à augmenter avec l’industrialisation et l’essor économique des pays. Dans un deuxième temps, lorsque le niveau de vie est plus élevé et que les institutions publiques sont bien établies, les États investissent dans la sécurité, mais si l’on attend que le revenu soit en hausse pour prendre des mesures de prévention, des millions de vies seront perdues inutilement. En ayant en tête ce schéma historique d’augmentation des accidents de la route, les pays à revenu faible ou intermédiaire devraient mieux comprendre la nécessité d’intégrer davantage la sécurité dans la construction des routes et des autoroutes, et de promouvoir une conduite prudente. Un grand nombre d’interventions efficaces existent pour réduire le risque de traumatismes liés aux accidents de la route. La première catégorie vise à limiter l’exposition au risque. Il s’agit par exemple d’utiliser des modes de transport moins dangereux et de minimiser les scénarios à haut risque, notamment en relevant l’âge minimum pour conduire une motocyclette. Une deuxième catégorie d’interventions porte sur la construction de routes plus sûres. On peut ainsi installer des ralentisseurs, séparer la chaussée des voies utilisées par les piétons et les bicyclettes, construire des barrières de séparation centrales, aménager des passages piétons et améliorer l’éclairage des rues. Une troisième catégorie d’interventions a pour objectif d’encourager les usagers à adopter des comportements moins dangereux. Cela signifie notamment faire voter et appliquer des lois relatives aux limitations de vitesse, à l’alcoolémie, aux horaires de circulation pour les véhicules commerciaux, à l’installation et à l’usage de ceintures de sécurité, et à l’utilisation de casques pour rouler à vélo ou à motocyclette, et également sensibiliser les piétons. Le DCP2 évalue le rapport coût-efficacité de plusieurs interventions visant à réduire le nombre d’accidents de la circulation, notamment l’augmentation des sanctions en cas d’infraction au code de la route et le renforcement de leur application, l’installation de ralentisseurs, et le port du casque obligatoire et effectivement sanctionné pour les cyclistes et les motocyclistes. Le cas du Brésil atteste de l’efficacité des lois renforçant la sécurité routière. Une combinaison de trois interventions — des modifications législatives pour augmenter les sanctions, la diffusion de messages dans les médias informant le public de ces changements, et la multiplication des contrôles — a diminué de 25 % le nombre de personnes tuées dans des accidents de la route entre 1997 et 1998. Bien que l’éducation à la sécurité routière puisse produire des effets à elle seule, des études réalisées en Malaisie et en Thaïlande ont montré que les actions de sensibilisation ont un impact bien supérieur lorsqu’elles sont associées à un renforcement de la législation et des contrôles, car les interventions se renforcent mutuellement. Les ralentisseurs installés aux intersections dangereuses ou à l’approche des passages piétons offrent un moyen simple de réduire la vitesse des véhicules et le risque d’accidents. Il importe de surveiller la circulation et de collecter des données avant de choisir un emplacement car les ralentisseurs, pour être efficaces, doivent être mis en place aux endroits les plus dangereux. Le Ghana, qui en a installé aux endroits dangereux, y a vu le nombre de tués chuter de plus de 50 %. Les casques de vélo donnent d’excellents résultats pour prévenir les traumatismes touchant la tête, et les casques de motocyclette un peu moins. En Chine, les accidents de bicyclette causent chaque année 22 décès par million d’habitants, contre 16 pour les accidents de motocyclette. Des études de cas indiquent que les casques de vélo peuvent réduire les traumatismes de 85 %. En modélisant le rapport coût-efficacité de ces interventions, le DCP2 constate que toutes coûtent moins de 1 000 dollars par AVCI gagnée. Pour la législation sur la sécurité routière et le renforcement des contrôles, le rapport coût-efficacité va de 14 dollars par AVCI gagnée en Asie du Sud à 584 dollars par AVCI gagnée en Europe orientale et en Asie centrale. Installer des ralentisseurs aux 10 % d’intersections où se produisent le plus de décès dans une ville de 1 million d’habitants ne coûterait que 2 dollars par AVCI gagnée en Amérique latine et dans les Caraïbes, et 9 dollars par AVCI gagnée dans la région Asie de l’Est et Pacifique. Développer le port du casque de vélo en Chine coûterait 107 dollars par AVCI gagnée, alors qu’augmenter celui du casque de moto coûterait 467 dollars par AVCI gagnée (tableau 5.1). Ainsi, les interventions destinées à réduire le risque de traumatismes dus aux accidents de la circulation sont relativement simples et d’un bon rapport coût-efficacité. Pourtant, les pays investissent peu dans ce type d’interventions. En 1998, l’Ouganda n’a consacré que 0,09 dollar par habitant, et le Pakistan 0,07 dollar par habitant, à la sécurité routière, soit moins de 1 % des dépenses publiques de santé dans ces deux pays. L’analyse des mesures prises en matière de sécurité routière montre que les investisse- « …les actions de sensibilisation ont un impact bien supérieur lorsqu’elles sont associées à un renforcement de la législation et des contrôles, car les interventions se renforcent mutuellement. » « Installer des ralentisseurs aux 10 % d’intersections où se produisent le plus de décès dans une ville de 1 million d’habitants ne coûterait que 2 dollars par AVCI gagnée en Amérique latine et dans les Caraïbes, et 9 dollars par AVCI gagnée dans la région Asie de l’Est et Pacifique. » Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 121 ments dans la sécurité routière étaient également insuffisants au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Kenya, en Tanzanie et au Zimbabwe. La mise en œuvre de mesures de sécurité routière ne nécessite aucun savoir nouveau : les facteurs de risque sont bien connus. Pourtant, elle se solde souvent par un échec pour des raisons de conflits entre départements ministériels, d’inefficacité des fonctionnaires et de corruption. Ces interventions, bien qu’ayant un coût non négligeable, sont efficaces sur le plan économique. Tableau 5.1 Principales constatations sur les interventions permettant de prévenir les traumatismes involontaires avec un bon rapport coût-efficacité dans les pays à revenu faible ou intermédiaire Traumatisme Interventions prometteuses Traumatismes causés par des accidents de la route Réduire le trafic de véhicules à moteur : taxes sur les carburants, modification des politiques d'aménagement foncier, évaluation de l'impact des transports et des plans d'occupation des sols sur la sécurité, construction de routes plus courtes et moins dangereuses, mesures de réduction des déplacements Interventions dont l’efficacité est avérée dans les pays à revenu faible ou intermédiaire (références) Relever de 16 à 18 ans l'âge légal pour conduire une motocyclette (Norghani et al. 1998) Utiliser davantage les modes de transport moins dangereux Minimiser l'exposition aux scénarios à haut risque : limiter l'accès à différentes parties du réseau routier, donner la priorité aux véhicules transportant un plus grand nombre de passagers ou aux usagers de la route vulnérables, limiter la vitesse et la puissance des moteurs de deuxroues, relever l'âge légal pour conduire une motocyclette, utiliser des systèmes de permis de conduire progressif Améliorer la sécurité des routes Prendre en compte la sécurité dans la planification des réseaux routiers et la conception des routes, réaménager les sites particulièrement dangereux : ralentir le trafic, protéger les usagers vulnérables, prévoir des voies de dépassement, des glissières centrales et l'éclairage des rues Modérer le trafic, par exemple avec des ralentisseurs Installer des dispositifs de contrôle radar Améliorer la sécurité des véhicules Améliorer la visibilité des véhicules, notamment rendre obligatoire l'allumage automatique des feux de jour Intégrer dans les véhicules des dispositifs de protection en cas de collision, notamment les ceintures de sécurité Ralentisseurs pour diminuer le nombre de piétons blessés (Afukaar, Antwi, et Ofusu-Amah 2003) Allumage des feux de jour sur les motocyclettes (Radin Umar, Mackay, et Hills 1996; Yuan 2000) Rendre obligatoires l'immatriculation et l'inspection des véhicules Augmenter les amendes et les suspensions de permis (Poli de Figueiredo et al. 2001) Améliorer la sécurité des conducteurs Loi rendant le port du casque obligatoire pour les motards et renforcement des contrôles (Ichikawa, Chadbunchachai, et Marui Voter des lois et renforcer l'application de la réglementation sur les limites de vitesse, les seuils d'alcoolémie, les horaires de circulation (suite à la page suivante) 122 | Priorités en matière de santé Tableau 5.1 (suite) Interventions prometteuses Interventions dont l’efficacité est avérée dans les pays à revenu faible ou intermédiaire (références) des camions, l'utilisation de la ceinture de sécurité, l'utilisation du casque pour les cyclistes et les motards 2003 ; Supramaniam, Belle, et Sung 1984). Empoisonnements Améliorer les emballages, notamment l'emplacement et la nature des flacons Distribution gratuite de contenants à l'épreuve des enfants (Krug et al. 1994) Traumatisme Utiliser des contenants à l'épreuve des enfants Étiquettes d'avertissement Information sur les premiers secours Centres anti-poison Personnes âgées Chutes Renforcement des muscles et réapprentissage de l'équilibre, selon un protocole individuel Pratique du Tai chi en groupe Évaluation des dangers domestiques et aménagements pour les sujets à haut risque Dépistage pluridisciplinaire et multifactoriel pour les facteurs de risque liés à la santé et à l'environnement Brûlures Jeunes enfants Programmes de proximité à plusieurs composantes, du type « Children Can't Fly » Traumatismes causés par le feu Mettre en place des programmes d'installation d'alarme incendie Séparer les espaces de cuisine des espaces de vie Placer les surfaces de cuisson à une certaine hauteur Réduire l'entreposage de substances inflammables chez les ménages Mieux surveiller les enfants Introduire, contrôler et faire appliquer des normes et codes pour les vêtements résistants au feu Noyades Traumatismes causés par de l'eau bouillante Séparer les espaces de cuisine des espaces de jeu Améliorer la conception des récipients de cuisson Traumatismes causés par le feu ou par de l'eau bouillante Sensibiliser aux risques de brûlures Informer sur les premiers secours Limiter l'exposition aux plans d'eau proches des habitations, par exemple en installant des barrières Mettre en place des programmes d'apprentissage de la natation Informer sur les risques de noyade (suite à la page suivante) Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 123 Tableau 5.1 (suite) Traumatisme Interventions prometteuses Interventions dont l’efficacité est avérée dans les pays à revenu faible ou intermédiaire (références) Améliorer la surveillance et installer des barrières de sécurité sur les lieux de loisirs Équiper les bateaux de gilets de sauvetage et veiller à ce qu'ils soient utilisés Réglementer le nombre de passagers des navires et faire appliquer la réglementation Avoir des équipes de sauvetage en mer entraînées et opérationnelles Source: DCP2, chapitre 39, tableau 39.3 « À l’échelle de la planète, le tabac cause un décès sur 5 chez les hommes et 1 sur 20 chez les femmes après 30 ans. » « …entre la moitié et les deux tiers des fumeurs de longue durée meurent de maladies causés par leur toxicomanie. » TABAGISME Si bon nombre d’affections — le VIH/SIDA, la tuberculose, le cancer — vont chercher leurs victimes, certains comportements semblent à l’inverse appeler la maladie6. La toxicomanie entre dans cette seconde catégorie. À l’échelle de la planète, le tabac cause un décès sur 5 chez les hommes et 1 sur 20 chez les femmes après 30 ans. En 2000, 4,8 millions de décès prématurés pouvaient être attribués à des maladies provoquées par le tabac, notamment les MCV, le cancer du poumon et le syndrome obstructif bronchique. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, le tabagisme est également associé à des affections respiratoires comme l’asthme et la tuberculose. En Chine, le tabagisme s’est avéré responsable de 12 % des décès masculins dus à la tuberculose. En Inde, on a enregistré quatre fois plus de cas de tuberculose chez les fumeurs que chez les non-fumeurs, ce qui tend à montrer que le tabagisme constitue un facteur contributif dans environ la moitié des décès masculins dus à la tuberculose. Le risque de décès imputable au tabagisme est élevé : entre la moitié et les deux tiers des fumeurs de longue durée meurent de maladies causées par leur toxicomanie. Les fumeurs font également courir des risques aux autres, le tabagisme passif constituant un facteur de risque important chez les enfants pour l’asthme, les pharyngites et les affections respiratoires. Le nombre de fumeurs est estimé actuellement à 1,1 milliard de personnes, dont les quatre cinquièmes vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. La prévalence du tabagisme est la plus élevée en Europe orientale et en Asie centrale, où 35 % des adultes fument. Néanmoins, c’est dans la région Asie de l’Est et Pacifique que le pourcentage de décès liés au 6 124 | Priorités en matière de santé Cette partie est basée sur les chapitres 44 et 46 du DCP2. tabac est le plus important (environ 40 %). Les hommes fument davantage que les femmes, bien que l’écart soit plus faible dans les pays à revenu élevé. Les tendances mondiales du tabagisme sont inquiétantes. Si le pourcentage de jeunes qui commencent à fumer continue de suivre le schéma actuel — environ la moitié des hommes et une femme sur dix — le nombre de fumeurs de longue durée progressera de 30 millions chaque année. D’ici 2030, les décès prématurés liés au tabac passeront ainsi à 10 millions par an (figure 5.2). Ces décès pourraient pourtant être évités, comme on a pu le voir dans les pays où arrêter de fumer est devenu courant. La lutte contre le tabagisme a commencé sérieusement au Royaume-Uni et aux États-Unis dans les années 60. Sur la durée, elle a découragé de nombreux jeunes de fumer et aidé des millions de fumeurs à arrêter. Les actions menées ont entraîné une diminution rapide des taux de cancer du poumon au Royaume-Uni et aux États-Unis. Au Royaume-Uni, où la principale augmentation du tabagisme avait débuté avant la Seconde Guerre mondiale, l’incidence du cancer du poumon chez les hommes âgés de 35 à 44 ans est passée de 18 cas pour 100 000 habitants en 1950, à 4 cas pour 100 000 habitants en 2000 (figure 5.3a). En France par contre, où le tabagisme s’était installé beaucoup plus tard, les efforts entrepris pour inciter les fumeurs à arrêter « Au Royaume-Uni, … l’incidence du cancer du poumon chez les hommes âgés de 35 à 44 ans est passée de 18 cas pour 100 000 habitants en 1950, à 4 cas pour 100 000 habitants en 2000. » Figure 5.2 Augmentation prévisible des décès liés au tabac de fumeurs n’ayant pas arrêté de fumer Mortalité par cancer du poumon (%) Fumeurs n’ayant pas arrêté de fumer 15 10 Fumeurs ayant arrêté à 50 ans 5 Fumeurs ayant arrêté à 30 ans Personnes n’ayant jamais fumé] 0 45 55 65 75 Age (années) Source : DCP2, chapitre 46, p. 5. Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 125 Figure 5.3 Décès attribués au tabagisme a. Royaume-Uni b. France Taux de mortalité /100 000 hommes, âge standardisé a Taux de mortalité /100 000 hommes, âge standardisé a 18 18 16 16 Hommes 14 14 12 12 10 10 8 8 6 6 4 Hommes 4 Femmes 2 0 1950 Femmes 2 1960 1970 1980 1990 2000 0 1950 1960 1970 1980 1990 2000 Source : DCP2, chapitre 46, p. 4. a. Moyenne des taux annuels par groupes d'âge de 5 ans. n’ont pas eu d’impact avant les années 90, et l’incidence du cancer du poumon chez les hommes en France a continué d’augmenter (figure 5.3b). La substance contenue dans le tabac qui crée une dépendance est la nicotine, une drogue psycho-active. L’inhalation est le moyen le plus efficace de transporter la nicotine jusqu’aux récepteurs du cerveau. La nicotine crée des sensations positives lorsqu’elle est administrée, et entraîne des sensations désagréables lorsque le corps cesse d’en recevoir. À cet égard, il a les mêmes effets que d’autres drogues générant une très forte dépendance, comme l’héroïne et la cocaïne. Les influences comportementales renforcent l’accoutumance biochimique du tabac. Contrairement aux drogues illégales qui entraînent un risque d’emprisonnement et de désapprobation sociale, le tabac a été favorisé par les usages sociaux et des intérêts commerciaux en toute légalité. L’industrie du tabac et les pouvoirs publics ont encouragé le tabagisme par le biais de la publicité et d’autres formes de promotion. Le marketing de masse offre également aux fumeurs de multiples occasions d’acheter et de consommer du tabac, ainsi que de fréquents exemples les incitant à le faire, ce qui ne les aide pas à arrêter. La prévention est le meilleur moyen de lutter contre les maladies causées par le tabac. Tout ce qui réduit le tabagisme, que ce soit en abaissant le nombre de nouveaux fumeurs, en augmentant celui des fumeurs qui 126 | Priorités en matière de santé arrêtent, en limitant le nombre d’ex-fumeurs qui reprennent, ou en diminuant la consommation de tabac des fumeurs, permettra à terme de réduire la charge de morbidité due aux maladies liées au tabac, comme les MCV, le cancer et la tuberculose. Du fait de sa nature toxicomanogène, le tabac entraîne une accoutumance dont il n’est pas facile de se défaire. Il ne suffit pas de sensibiliser les consommateurs au fait que le tabac crée une dépendance et provoque des problèmes de santé : en règle générale, les gens ne se soucient pas assez des risques qu’ils prennent pour leur santé future, et les jeunes sont davantage susceptibles d’adopter des comportements à risque. Une personne qui a commencé à fumer a du mal à arrêter. Les interventions qui se sont révélées efficaces pour réduire le tabagisme comprennent l’augmentation des taxes sur le tabac, la diffusion d’informations sur les risques du tabac pour la santé, l’instauration d’interdictions de fumer dans les lieux publics et sur les lieux de travail, l’interdiction de la publicité, et l’amélioration de l’accès aux thérapies antitabac. Presque tous les États prélèvent des taxes sur le tabac pour augmenter les recettes publiques, mais depuis que l’on connaît mieux les dangers du tabagisme, ils se servent de plus en plus des taxes sur le tabac pour rendre la consommation plus chère et décourager ainsi l’usage du tabac. Certains pays utilisent même les recettes des taxes sur le tabac pour financer des programmes de santé visant à réduire l’exposition au tabac. L’impact sur la consommation des taxes sur le tabac est plus important dans les groupes de population à faible revenu, chez les jeunes et chez les personnes moins instruites. Il est également plus élevé à long terme qu’à brève échéance, parce que les consommateurs en état de dépendance mettent du temps à modifier leurs habitudes. Le prix élevé du tabac semble particulièrement efficace pour empêcher les jeunes fumeurs de passer du stade de l’expérience à celui de la consommation régulière. Les études ont estimé que l’effet d’une augmentation des prix du tabac pouvait être deux fois plus important dans les pays à revenu faible ou intermédiaire que dans les pays à revenu élevé, ce qui signifie qu’en relevant sensiblement les taxes sur le tabac dans les premiers, on arriverait à réduire la consommation de tabac. Les taxes représentent plus des deux tiers du prix de détail dans les pays les plus riches, mais moins de la moitié dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. En plus d’augmenter le prix du tabac, beaucoup de pays sont parvenus à décourager le tabagisme en restreignant l’usage du tabac dans les lieux publics. Ces mesures sont justifiées par la nécessité de protéger les nonfumeurs des effets nocifs de l’inhalation passive du tabac, mais elles créent aussi un obstacle pour les fumeurs, qui les oblige à modifier leurs habitudes et à rechercher des espaces réservés aux fumeurs. Cela peut contribuer à élever des barrières contre le tabac et également stigmatiser le fait « …les États … se servent de plus en plus des taxes sur le tabac pour rendre la consommation plus chère et décourager ainsi l’usage du tabac. » Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 127 « …le fait d’arrêter de fumer augmente les chances de survie quel que soit le nombre d’années pendant lequel la personne a fumé. » « Une hausse de 70 % du prix du tabac pourrait éviter 10 à 26 % des décès liés au tabac dans le monde. » 128 | Priorités en matière de santé de fumer, induisant de ce fait des changements dans les normes sociales. Pour produire des effets, ces réglementations doivent être effectivement appliquées et sanctionnées, en particulier au moment où elles sont introduites. Les interventions qui affectent les attitudes et les connaissances du public sur les dangers du tabagisme peuvent aussi être extrêmement utiles. Dans le monde entier, peu de produits font l’objet d’autant de publicité et de promotion que les cigarettes. Il est possible de contrer ces actions par des campagnes d’information et de sensibilisation en rendant publics des rapports sur les dangers du tabagisme, en imposant des étiquettes d’avertissement sur les emballages, et en diffusant des messages anti-tabac dans les médias. L’interdiction totale de la publicité et de la promotion du tabac peut réduire le tabagisme et renforcer l’impact des campagnes de sensibilisation du public. Si les dangers du tabagisme sont aujourd’hui largement connus dans la plupart des pays à revenu élevé, les risques de mortalité et de maladie associés au tabagisme ne sont pas encore bien perçus partout dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Les principaux messages à transmettre sont que le tabac tue entre la moitié et les deux tiers de l’ensemble des fumeurs, que, en moyenne, les fumeurs perdent 20 à 25 années de vie et meurent entre 35 et 69 ans, et que le fait d’arrêter de fumer augmente les chances de survie quel que soit le nombre d’années pendant lequel la personne a fumé. Les médicaments récemment mis au point pour contrer les effets de la nicotine améliorent les chances de succès des fumeurs souhaitant s’arrêter. Il est toutefois regrettable que les produits du tabac soient souvent moins chers et plus faciles à se procurer que les traitements de substitution de la nicotine. Pour aider les fumeurs à s’arrêter, les pouvoirs publics doivent diminuer le coût des traitements de substitution de la nicotine et améliorer leur disponibilité. Ces traitements sont plus efficaces lorsqu’ils sont combinés à des services de conseils et un soutien des pairs. Il est particulièrement important d’encourager les fumeurs à arrêter parce que la plus grande part des décès liés au tabac qui surviendront entre maintenant et 2050 toucheront les personnes qui fument aujourd’hui, tandis que l’impact des politiques ciblées sur la prévention du tabagisme chez les jeunes ne se fera vraiment sentir qu’après 2050. Les interventions visant à diminuer l’offre de tabac ne semblent pas donner de très bons résultats. Certains de ces programmes, par exemple l’interdiction de la vente de produits du tabac aux jeunes, sont difficiles et chers à faire appliquer. Les restrictions sur l’importation des produits du tabac peuvent relever les prix intérieurs, mais violent aussi les accords commerciaux internationaux. Les programmes destinés à encourager les agriculteurs à arrêter de cultiver du tabac ne sont pas efficaces parce que d’autres agriculteurs peuvent augmenter leur production pour combler le vide. C’est pourquoi les pays à revenu faible ou intermédiaire auraient intérêt à concentrer leurs efforts sur la diminution de la demande. Heureusement, la plupart des interventions portant sur la demande ont un bon rapport coût-efficacité, et font même faire des économies. À cet égard, augmenter les taxes sur le tabac est la solution la plus efficace pour réduire le tabagisme. Une hausse de 70 % du prix du tabac pourrait éviter 10 à 26 % des décès liés au tabac dans le monde. L’effet serait particulièrement marqué dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, chez les jeunes, et parmi la population masculine. Avec une augmentation des prix de seulement 33 %, on obtiendrait un rapport coût-efficacité de 3 à 42 dollars par AVCI gagnée dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, et de 85 à 1 773 dollars par AVCI gagnée dans les pays à revenu élevé. En Pologne et en Afrique du Sud, les pouvoirs publics sont allés beaucoup plus loin en doublant pratiquement les prix en peu de temps, ce qui a donné d’excellents résultats (DCP2, chapitre 8 ; Levine et al. 2004). La hausse des prix est la mesure la plus efficace par rapport aux coûts pour faire baisser la consommation de tabac, mais elle est pourtant largement sous-utilisée. De fait, si l’on tient compte de l’évolution du pouvoir d’achat, le prix des produits du tabac a en réalité diminué dans la plupart des pays en développement entre 1990 et 2000. Améliorer l’accès aux traitements de substitution de la nicotine pour aider les fumeurs qui veulent arrêter de fumer est une mesure qui coûte plus cher, entre 75 et 1 250 par AVCI gagnée, mais qui reste d’un assez bon rapport coût-efficacité, en particulier là où le coût direct des traitements est faible. D’autres interventions, ne portant pas sur les prix, pourraient être mises en œuvre pour un coût compris entre 233 et 2 916 dollars par AVCI gagnée. Leur efficacité économique est extrêmement sensible au contexte. Dans les pays où le public assimile bien les messages sur la santé publique, les coûts peuvent être faibles. Les décès liés au tabac constituent la cause de mortalité en plus forte progression dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, à égalité avec l’épidémie de VIH/SIDA. Les pays n’ont aucune excuse à rester inactifs puisqu’ils ont à leur disposition des mesures efficaces sur le plan économique pour lutter contre le tabagisme. Si l’on veut empêcher une hausse rapide des décès liés au tabac, il importe d’engager des actions énergiques et pertinentes à l’encontre des groupes qui commercialisent les produits du tabac et font pression contre les réformes. Les obstacles qui s’y opposent sont purement d’ordre politique. « …si l’on tient compte de l’évolution du pouvoir d’achat, le prix des produits du tabac a en réalité diminué dans la plupart des pays en développement entre 1990 et 2000. » « Les décès liés au tabac constituent la cause de mortalité en plus forte progression dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, à égalité avec l’épidémie de VIH/SIDA. » Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 129 ABUS D’ALCOOL « Les maladies liées à l’alcool représentent La consommation dangereuse d’alcool7 constitue un grave problème de santé publique8. Elle altère directement la santé des personnes qui boivent de façon excessive, et contribue à générer des comportements dangereux pouvant provoquer des traumatismes et des infirmités chez les buveurs et chez des tierces personnes. La consommation d’alcool a des conséquences sociales et sanitaires à long terme à travers trois mécanismes différents : l’intoxication, la dépendance et les effets biologiques directs (figure 5.4). Les maladies liées à l’alcool représentent environ 4 % des AVCI chaque année en moyenne mondiale, avec des variations : de 0,5 % au MoyenOrient et en Afrique du Nord, où la consommation d’alcool est faible, à 1,5-2 % en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne, 4,3 % dans la région Asie de l’Est et Pacifique, 8,8 % dans la région Amérique latine et Caraïbes, et jusqu’à 10,7 % en Europe orientale et Asie centrale. Environ environ 4 % des AVCI chaque année en moyenne mondiale… : de 0,5 % au MoyenOrient et en Afrique du Nord,… jusqu’à 10,7 % en Europe orientale et en Asie centrale. » Figure 5.4 Modèle de la consommation d’alcool, des résultats intermédiaires et des conséquences à long terme Schémas de consommation d’alcool Effets biochimiques toxiques et bénéfiques Maladie chronique Volume moyen Intoxication Dépendance Accidents et traumatismes (maladie aigüe) Problèmes sociaux et psychologiques aigus Problèmes sociaux et psychologiques aigus Source : DCP2, chapitre 47, figure 47.1 7 La consommation dangereuse d'alcool est définie différemment pour les hommes et les femmes. Pour les hommes, elle correspond à la consommation moyenne de plus de 40 grammes d'alcool pur par jour. Pour les femmes, le chiffre est de plus de 20 grammes par jour. Cet écart est dû à des différences biologiques dans le métabolisme de l'alcool. 8 Cette partie est basée sur le chapitre 47 du DCP2. 130 | Priorités en matière de santé 75 % de cette charge de morbidité se manifeste par des maladies chroniques telles que la dépendance à l’alcool, les maladies vasculaires, la cirrhose du foie et le cancer, tandis que les 25 % restants correspondent aux traumatismes volontaires et involontaires (en particulier les accidents de la circulation). Le problème de l’alcool se pose de façon particulièrement aiguë en Europe et en Asie centrale, où il touche pas moins d’un homme sur cinq et une femme sur dix dans la tranche d’âge des 15–29 ans. Bien que la consommation dangereuse d’alcool dans cette région soit seulement un peu plus prévalente que dans les pays à revenu élevé, elle représente le double de la charge de morbidité parce qu’une plus grande part de cette consommation se situe dans la fourchette supérieure, associée à un danger et à un volume plus élevé. Des interventions sont possibles pour prévenir la consommation dangereuse d’alcool ou atténuer ses effets. Certaines d’entre elles portent sur l’ensemble de la population, par exemple les mesures législatives et les taxes, le renforcement de l’application des lois et les campagnes dans les mass médias. D’autres sont ciblées spécifiquement sur les buveurs à haut risque afin d’encourager des changements de comportement. Comme dans le cas du tabac, la politique publique peut avoir un impact important sur l’abus d’alcool. Les taxes sur l’alcool augmentent son prix et réduisent ainsi la consommation. D’après les estimations, une hausse de 10 % du prix de l’alcool diminue la consommation d’environ 3 % pour la bière, 10 % pour le vin et 15 % pour les spiritueux. Il est possible de rendre l’accès à l’alcool plus difficile en limitant les ventes à un nombre restreint limité de détaillants agréés ou en limitant les heures auxquelles la vente d’alcool est autorisée. Des lois sévères sur l’alcool au volant découragent aussi la consommation excessive, évitent des accidents de la circulation et peuvent réduire de 7 % le nombre de tués sur la route. Lorsque le respect de la législation est contrôlé par des tests d’alcoolémie aléatoires, le nombre de tués et de blessés dans les accidents de la route peut baisser de 15 % supplémentaires. Pour que ce type de mesures de politique publique soit efficace, il faut faire appliquer la réglementation et la législation, soit par un renforcement des contrôles policiers pour réduire la contrebande et l’évasion fiscale, soit par la mise en place d’alcootests aléatoires pour décourager la conduite en état d’ivresse (encadré 5.2). Lorsqu’elles sont effectivement appliquées, les interdictions ou les restrictions sur la publicité des produits alcoolisés suppriment des incitations à la consommation d’alcool ; toutefois, les fabricants remplacent souvent la publicité par d’autres méthodes de marketing, par exemple le parrainage de manifestations sportives. De ce fait, la réduction de la consommation dangereuse d’alcool que l’on peut attendre des mesures sur la publicité ne dépasse pas 1 à 3 %. « …une hausse de 10 % du prix de l’alcool diminue la consommation d’environ 3 % pour la bière, 10 % pour le vin et 15 % pour les spiritueux. » « Des lois sévères sur l’alcool au volant … peuvent réduire de 7 % le nombre de tués sur la route. » Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 131 Encadré 5.2 Impact de la réduction des taxes sur la charge de morbidité correspondante à Maurice État insulaire de l’océan Indien, Maurice a une population d’environ 1 million d’habitants. Le secteur du tourisme y occupe la troisième place en termes d’apports de devises fortes. En juin 1994, le gouvernement a abaissé radicalement les droits de douane sur les boissons alcoolisées importées : de 200 % pour les vins et 600 % pour le whisky et les autres spiritueux, ils sont passés à 80 % (Abdool 1998). Les pouvoirs publics ont agi sous la pression de l’industrie hôtelière, qui prétendait que les clients n’achetaient pas assez d’alcool à cause des prix élevés (Lee 2001). Les autres raisons invoquées étaient de réduire les importations illicites et de fabriquer des boissons alcoolisées de meilleure qualité, plus raffinées, pour la population locale. Malgré le peu de données étayant cette opinion, certains ont fait valoir qu’un alcool de meilleure qualité causerait moins de problèmes de santé. Au lieu de l’impact attendu sur les touristes, la diminution des taxes a eu essentiellement les effets suivants sur les Mauriciens : • les arrestations pour conduite avec un taux d’alcoolémie dans le sang supérieur au taux autorisé, effectuées principalement en rapport avec des accidents de la circulation, ont augmenté de 23 % entre 1993 et 1997 ; • les admissions de cas d’alcoolisme à l’hôpital psychiatrique de l’île ont explosé en 1994. Le taux de 1995 était plus du double de celui de 1993, et il a encore légèrement augmenté en 1996 et 1997. Les spécialistes mauriciens s’accordent à dire que les patients alcooliques composent une proportion croissante des admissions en médecine générale et représentent aujourd’hui entre 40 et 50 % de l’occupation des lits (Abdool 1998) ; • les taux de mortalité ajustés selon l’âge pour 100 000 habitants dus aux hépatites chroniques et à la cirrhose du foie sont passés de 32,8 % chez les hommes et 4 % chez les femmes en 1993, à 42,7 % chez les hommes et 5,3 % chez les femmes en 1996 (OMS 1999, 2000). Bien qu’il existe peu de statistiques, la réduction des taxes sur les importations d’alcool a manifestement eu un effet négatif important sur la santé des Mauriciens. C’est pourquoi les mesures de lutte prises en 1997 par le gouvernement — nouveaux permis pour les établissements agréés, augmentation des droits spécifiques sur l’alcool et limitation des heures d’ouverture des bars — n’ont rien d’étonnant. Les taxes sur l’alcool ont été un peu augmentées dans le budget 1999–2000 (ministère des Affaires étrangères des États-Unis 1999). Pourtant, une analyse effectuée par des agents de la Banque mondiale sans tenir compte des effets sur la santé a recommandé de nouvelles réductions des droits de douane les plus élevés, au motif que le barème des taxes sur l’alcool et le tabac à Maurice était défavorable au commerce (Hinkle et Herrou-Aragon 2001). Source : Adapté du chapitre 47 du DCP2, p. 900. Beaucoup de pays lancent des campagnes médiatiques et des actions en milieu scolaire sur les risques de la consommation d’alcool. Les études montrent que ces interventions améliorent effectivement les connaissances 132 | Priorités en matière de santé sur l’alcool et ses risques pour la santé, mais qu’elles n’induisent pas de baisse durable de la consommation d’alcool ou de réduction des effets néfastes dus à l’alcool. Les interventions de courte durée visant à réduire la consommation dangereuse d’alcool au niveau individuel par des réunions d’information et des conseils psychosociaux dans les structures de soins primaires permettent de diminuer de 13 à 34 % la consommation d’alcool chez les buveurs à haut risque, mais les résultats peuvent être sensiblement inférieurs en cas d’observance et de couverture faibles. Dans les trois régions où la consommation dangereuse d’alcool concerne plus de 5 % de la population — Europe et Asie centrale, Amérique latine et Caraïbes, et Afrique subsaharienne — les interventions les plus efficaces sont la taxation et les interventions de courte durée, qui font gagner plus de 500 AVCI par million d’habitants et par an. Les autres stratégies, c’est-à-dire les contrôles aléatoires d’alcoolémie, la limitation des horaires de vente pendant le week-end, et l’interdiction totale de la publicité, font gagner entre 200 et 400 AVCI par million d’habitants et par an. Dans les deux autres régions où les taux de consommation dangereuse d’alcool sont les plus faibles, la taxation a un impact très inférieur sur la charge de morbidité : 10 à 100 AVCI gagnées par million d’habitants et par an. En Asie du Sud, les lois sur l’alcool au volant s’avèrent les plus efficaces compte tenu de la plus forte prévalence des traumatismes causés par les accidents de la circulation et du niveau moindre de la consommation dangereuse d’alcool dans cette région. Le rapport coût-efficacité des interventions varie aussi beaucoup entre les régions. Ainsi, la taxation, les restrictions sur la vente au détail et l’interdiction de la publicité sont les interventions qui présentent le meilleur rapport coût-efficacité dans les trois régions ayant la plus forte prévalence de la consommation dangereuse d’alcool, mais elles obtiennent l’un des moins bons scores dans les deux autres régions en développement. En Europe et en Asie centrale, en Amérique latine et dans les Caraïbes, et en Afrique subsaharienne, l’augmentation de 25 % des taxes spécifiques coûte entre 100 et 200 dollars par AVCI gagnée, la réduction des heures d’ouverture des magasins de détail coûte entre 152 et 340 dollars par AVCI gagnée, et l’interdiction de la publicité coûte entre 134 et 380 dollars par AVCI gagnée. Les contrôles aléatoires d’alcoolémie coûtent beaucoup plus chers : de 973 dollars par AVCI gagnée en Afrique subsaharienne à 1 856 dollars par AVCI gagnée en Europe et en Asie centrale. En Asie du Sud au contraire, l’ordre est inversé : l’augmentation de 25 % des taxes sur les boissons alcoolisées coûte 3 654 dollars par AVCI gagnée, alors que les alcootests aléatoires coûtent 531 dollars par AVCI gagnée. En général, les pays à forte prévalence de consommation dangereuse d’alcool ont intérêt à commencer par la taxation parce que c’est l’interven- « …[là] où la consommation dangereuse d’alcool concerne plus de 5 % de la population … les interventions les plus efficaces sont la taxation et les interventions de courte durée… » Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 133 « La consommation dangereuse d’alcool, avec la consommation de tabac,… apportent la preuve que … les mesures de politique publique peuvent être tion qui donne le plus de résultats avec le moins de moyens dans ce contexte. Là où la consommation dangereuse d’alcool représente un problème de santé publique moins lourd, les stratégies consistant à limiter l’offre ou la promotion des boissons alcoolisées s’avèrent prometteuses et d’un assez bon rapport coût-efficacité. La consommation dangereuse d’alcool, avec la consommation de tabac, représentent une part importante et en hausse de la charge de morbidité dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Elles apportent la preuve que, pour certains facteurs de risque et certaines affections, les mesures de politique publique peuvent être d’un bien meilleur rapport coût-efficacité que le traitement médical individualisé. Elles montrent également que de bonnes politiques de santé peuvent être aussi de bonnes politiques fiscales. L’intérêt de ce type d’interventions multisectorielles est un thème récurrent dans les chapitres du DCP2 traitant des toxicomanies, et qui revient dans l’analyse des interventions possibles pour réduire les MCV, le diabète et les traumatismes dus aux accidents de la route. d’un bien meilleur rapport coût-efficacité que le traitement médical individualisé. » « Environ 13 % du total des AVCI sont dus à des troubles neurologiques et psychiatriques. » SANTÉ MENTALE Au-delà des statistiques de mortalité, la première édition de Disease Control Priorities in Developing Countries (Jamison et al. 1993) s’intéressait au poids du handicap dans les pays en développement, révélant que la santé mentale représentait une part importante de la charge de morbidité dans ces pays9. La dépression, la schizophrénie, la psychose maniacodépressive, les troubles anxieux, les démences et l’épilepsie sont des troubles qui n’apparaissent pas comme des causes importantes de mortalité, mais ils diminuent gravement la qualité de vie des individus et de leurs familles. Les estimations données dans le DCP2 confirment que la santé mentale contribue notablement à la charge de morbidité mondiale. Le DCP2 présente également les connaissances actuelles en matière d’efficacité économique des interventions, tout en soulignant la nécessité de procéder à des études complémentaires pour trouver de meilleurs moyens de réduire les problèmes de santé mentale. Environ 13 % du total des AVCI sont dus à des troubles neurologiques et psychiatriques. La maladie d’Alzheimer et les autres démences représentent 17,1 millions d’AVCI et sont deux fois plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes, tandis que l’épilepsie représente 6,2 millions d’AVCI supplémentaires et la maladie de Parkinson 2,3 autres millions d’AVCI. La dépression est le trouble psychiatrique le plus courant avec 51,9 millions d’AVCI, soit 3,4 % de la charge de morbidité mondiale. Elle se place au 9 134 | Priorités en matière de santé Cette partie est basée sur les chapitres 31 et 32 du DCP2. quatrième rang de toutes les causes d’AVCI et constitue le principal trouble non mortel à l’échelle de la planète. Elle est également plus fréquente chez les femmes que chez les hommes. La schizophrénie, la psychose maniacodépressive et la panique ajoutent respectivement 11,6 millions d’AVCI, 9,7 millions d’AVCI et 4,5 millions d’AVCI. Les troubles mentaux sont courants dans les pays en développement, mais ils sont moins souvent reconnus, diagnostiqués et traités que dans les pays développés. Les interventions disponibles pour prévenir et traiter les problèmes de santé mentale dans les pays en développement sont relativement limitées. Un grand nombre d’affections neurologiques comme la maladie d’Alzheimer ou la maladie de Parkinson ne peuvent pas être guéries, et l’on ne sait pas non plus les prévenir. La principale exception est l’accident vasculaire cérébral, pour lequel nous avons évoqué plus haut des mesures préventives. En ce qui concerne les autres problèmes de santé mentale, des progrès importants ont été accomplis aussi bien dans le domaine des traitements pharmacologiques que dans celui des thérapies psychosociales, mais beaucoup d’interventions restent ciblées sur l’atténuation des symptômes ou l’allégement de la charge qui pèse sur les familles s’occupant de membres atteints de troubles mentaux. Même si certains traitements pharmacologiques existent pour la maladie d’Alzheimer et d’autres types de démence, la plupart des interventions relatives à cette maladie visent à diminuer le stress et la dépression chez les personnes qui s’occupent des patients. Par exemple, apprendre à ces personnes les régimes alimentaires appropriés ou à instaurer des horaires routiniers pour vider la vessie et les intestins, peut soulager le stress que représente la prise en charge d’un patient atteint de la maladie d’Alzheimer. Pour la maladie de Parkinson, les traitements ont pour objectif de réduire les symptômes au moyen de médicaments, de thérapie physique et des médecines traditionnelles. Pour la schizophrénie, la dépression, la psychose maniacodépressive et les crises de panique, il existe différents traitements pharmacologiques, notamment les stabilisateurs d’humeur anciens comme le lithium, les antipsychotiques comme l’halopéridol, et les antidépresseurs, par exemple les antidépresseurs tricycliques qui sont également employés pour soigner les troubles anxieux. Les traitements psychosociaux se sont aussi révélés efficaces ; il s’agit essentiellement des thérapies cognitives-comportementales. Bien qu’il soit nécessaire de développer la palette d’interventions ciblées sur les problèmes mentaux, la qualité de vie d’un grand nombre d’habitants des pays à revenu faible ou intermédiaire pourrait être grandement améliorée par des interventions qui ont déjà fait la preuve de leur bon rapport coût-efficacité. Pour l’épilepsie, l’administration de phénobarbitol aide à éviter les crises pour un coût de 89 dollars par AVCI gagnée. Pour la maladie de Parkinson, deux interventions offrent un rapport coût-efficaci- « La dépression est le trouble psychiatrique le plus courant …. Elle se place au quatrième rang de toutes les causes d’AVCI et constitue le principal trouble non mortel à l’échelle de la planète. » « Pour la schizophrénie, la dépression, la psychose maniacodépressive et les crises de panique, il existe différents traitements pharmacologiques… » Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 135 « Le traitement à l’aspirine des attaques cérébrales dues à une occlusion vasculaire ne coûte que 150 dollars par AVCI gagnée. » « En ce qui concerne les troubles psychiatriques, l’intervention qui offre le meilleur rapport coûtefficacité consiste à associer un traitement pharmacologique et une thérapie psychosociale. » 136 | Priorités en matière de santé té raisonnable : L-dopa et carbidopa pour un coût de 1 500 dollars par AVCI gagnée et la médecine ayurvédique pour un coût de 750 dollars par AVCI gagnée. Le traitement à l’aspirine des attaques cérébrales dues à une occlusion vasculaire ne coûte que 150 dollars par AVCI gagnée. Les interventions destinées à prévenir de nouvelles attaques ont un bon rapport coût-efficacité en partie parce qu’elles sont faciles à cibler sur une population connue pour être exposée à des risques supérieurs ; elles coûtent 70 dollars par AVCI gagnée pour le traitement à l’aspirine, 932 dollars par AVCI gagnée pour l’association dipyridamole-aspirine, et 1 458 dollars par AVCI gagnée pour l’endartérectomie carotidienne. Le rapport coût-efficacité de ces traitements peut être très variable d’une région à l’autre du fait des écarts qui existent dans les coûts de la main d’œuvre, du transport et de la prestation des services. Il est meilleur avec l’aspirine en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne pour les attaques cérébrales, alors que c’est l’association aspirine-dipyridamole qui arrive en tête dans les autres régions en développement. En ce qui concerne les troubles psychiatriques, l’intervention qui offre le meilleur rapport coût-efficacité consiste à associer un traitement pharmacologique et une thérapie psychosociale (tableau 5.2). Dans cette catégorie, la solution la plus intéressante pour traiter la schizophrénie est l’administration d’halopéridol ou d’un autre antipsychotique ancien, avec une psychothérapie familiale, pour un coût compris entre 5 000 et 8 000 dollars par AVCI gagnée au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne, et compris entre 10 000 et 17 000 dollars par AVCI gagnée dans les autres régions. Traiter la dépression par l’association de nouveaux antidépresseurs (fluoxétine, etc.) et d’une psychothérapie de groupe coûte entre 2 000 et 3 000 dollars par AVCI gagnée dans toutes les régions. Prévenir les crises de panique en donnant des nouveaux antidépresseurs comme la fluoxétine coûte entre 1 000 et 1 500 dollars par AVCI gagnée. Pour alléger la charge de morbidité imputable aux maladies mentales dans les pays en développement, il faut fournir aux personnes atteintes de troubles neurologiques et psychiatriques les traitements qui existent mais dont elles ne bénéficient pas actuellement. Le DCP2 identifie les interventions d’un bon rapport coût-efficacité dont on dispose, mais le problème est aussi d’améliorer le fonctionnement général des systèmes de santé. L’efficacité économique passe par les soins ambulatoires, mais elle dépend beaucoup de la capacité des professionnels de santé travaillant dans les structures primaires à reconnaître les symptômes et diriger les patients vers les établissements appropriés. Elle exige aussi une meilleure gestion des stocks de médicaments pour garantir la disponibilité et la validité des médicaments, et la fourniture de conseils aux patients et à leurs familles pour les encourager à respecter le traitement prescrit. Des recherches doi- Tableau 5.2 Coûts et effets de différentes thérapies pour les troubles mentaux Régions de la Banque mondiale Afrique subsaharienne Amérique latine et Caraïbes Moyen-Orient et Afrique du Nord Europe et Asie centrale Asie du Sud Asie de l’Est et Pacifique Effet total (AVCI gagnées par an par million d’habitants) Schizophrénie : antipsychotiques anciens plus thérapie psychosociale 254 373 364 353 300 392 Psychose maniacodépressive : stabilisateurs d’humeur anciens plus thérapie psychosociale 312 365 322 413 346 422 1 174 1 953 1 806 1 789 1 937 1 747 245 307 287 307 284 330 1 985 2 998 2 779 2 862 2 867 2 891 Dépression : traitement dynamique par nouveaux antidépresseurs (IRS ; génériques) Crises de panique : nouveaux antidépresseurs (IRS ; génériques) Effet total des interventions Coût total (millions de dollars par an et par million d’habitants) Schizophrénie : antipsychotiques anciens plus thérapie psychosociale 0,47 1,81 1,61 1,32 0,52 0,75 Psychose maniacodépressive : stabilisateurs d’humeur anciens plus thérapie psychosociale 0,48 1,80 1,23 1,39 0,62 0,95 Dépression : traitement dynamique par nouveaux antidépresseurs (IRS ; génériques) 1,80 4,80 3,99 3,56 2,81 2,59 Crises de panique : nouveaux antidépresseurs (IRS ; génériques) 0,15 0,27 0,21 0,23 0,16 0,20 2,9 8,7 7,0 6,5 4,1 4,5 Schizophrénie : antipsychotiques anciens plus thérapie psychosociale 544 206 226 267 574 522 Psychose maniacodépressive : stabilisateurs d’humeur anciens plus thérapie psychosociale 647 203 262 298 560 446 Dépression : traitement dynamique par nouveaux antidépresseurs (IRS ; génériques) 652 407 452 502 690 675 1 588 1 155 1 339 1 350 1 765 1 649 Coût total des interventions Rapport coût-efficacité (AVCI gagnées par million de dollars dépensé) Crises de panique : nouveaux antidépresseurs (IRS ; génériques) Source : DCP2, chapitre 31, p. 622. Note : IRS = inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine Intervenir sur les maladies non transmissibles, les facteurs de risque et les comportements | 137 vent être menées pour élargir la gamme des interventions disponibles, réduire le coût des interventions actuelles, découvrir des traitements d’un meilleur rapport coût-efficacité, et, si possible, trouver des moyens de prévenir ou guérir ces troubles débilitants. CONCLUSION « Les pays à revenu faible ou intermédiaire ne peuvent pas se permettre d’attendre pour s’attaquer aux maladies non transmissibles et aux traumatismes. » 138 | Priorités en matière de santé Les pays à revenu faible ou intermédiaire ne peuvent pas se permettre d’attendre pour s’attaquer aux maladies non transmissibles et aux traumatismes. Ces problèmes sanitaires représentent déjà une part importante de la charge de morbidité dans la plupart des pays, et risquent de s’aggraver encore au fur et à mesure que ces pays diminueront la prévalence des maladies infectieuses et les taux de mortalité et de morbidité maternelle et infantile qui restent aujourd’hui élevés. La prévention joue un rôle essentiel et passe souvent par des politiques publiques multisectorielles. Elle peut consister à informer pour promouvoir une meilleure hygiène de vie, à réglementer l’industrie agroalimentaire pour décourager l’emploi de matières grasses et d’huiles nocives pour la santé, à adopter des politiques des transports urbains qui favorisent la bicyclette et le port de casques, à imposer des taxes élevées sur les produits du tabac et les boissons alcoolisées, ou à mener des actions culturelles visant à réduire le caractère socialement infamant des troubles du développement. Pour les autres problèmes, il existe de nombreuses interventions présentant un bon rapport coût-efficacité, qui doivent être développées. Lorsque aucun traitement n’est disponible ou efficace au plan économique, des travaux de recherche doivent être entrepris. La prévention, la prise en charge et le traitement, et enfin la recherche, sont des activités toutes facilitées par l’existence d’un système de santé solide et opérant. Si les pays parviennent à renforcer suffisamment leurs systèmes de santé pour améliorer la couverture des interventions en matière de maladies infectieuses et d’affections maternelles et infantiles, il devrait être possible de poursuivre ce renforcement pour répondre aux besoins générés dans le futur par les maladies non transmissibles. Les deux prochains chapitres examinent la panoplie de mesures qui existent pour développer et consolider les systèmes de soins de santé afin qu’ils soient à même de relever ces défis. Chapitre 6 La mise en œuvre des interventions Même fondée sur des recherches approfondies et organisée dans le plus grand détail, une intervention reste sans effet s’il n’existe pas de mécanismes permettant de la mettre en œuvre. Que ce soit pour garantir le bon déroulement des interventions ou pour optimiser leur coût, les mécanismes d’exécution jouent un rôle essentiel. Ils varient beaucoup d’un pays à l’autre en fonction de facteurs généraux tels que les caractéristiques économiques, politiques et culturelles nationales, mais aussi de l’existence ou non d’un système de santé fonctionnel. Bien qu’il soit parfois possible de mener des interventions en santé publique de façon isolée, dans la majorité des cas, ce type d’interventions forment un réseau de services qui fonctionnent mieux lorsqu’ils sont coordonnés. Le dépistage ne sert à rien si aucun traitement n’est assuré ensuite, adresser les patients à des spécialistes n’a pas de sens s’ils ne peuvent pas accéder aux soins dont ils ont besoin, et les centres de traitement sont débordés si l’on néglige les soins préventifs essentiels. Dans un monde statique, les choix à faire sur la structure d’un système de santé nécessiteraient de trouver le bon équilibre entre spécialisation et intégration, entre un niveau de prise en charge et un autre. Mais le monde est en mouvement, c’est pourquoi le développement du système de santé doit être envisagé comme un processus graduel, débutant par l’utilisation des institutions, des ressources et du personnel existants pour construire une plateforme de mise à disposition de soins qui, au fil du temps, complète, élargit et renforce le tissu de services et d’interventions offerts. Ce chapitre analyse les problèmes que posent la mise en œuvre et l’aboutissement des interventions en santé publique. Il décrit et évalue les méthodes utilisables pour fournir des soins à différents niveaux, puis présente quelques éléments du système de santé qui doivent impérativement fonctionner à tous ces niveaux. On y verra également comment intégrer les soins dispensés à différentes classes d’âge de population. 139 NIVEAUX DE PRISE EN CHARGE « Les programmes de proximité peuvent réduire le coût et les barrières qui empêchent l’accès de la population aux services… » Les interventions en matière de santé ont un impact sur les individus soit en leur apportant un service chez eux, à l’école ou sur leur lieu de travail, soit en les encourageant à aller consulter dans un établissement de santé. Les programmes de proximité peuvent réduire le coût et les barrières qui empêchent l’accès de la population aux services, tandis que les soins primaires généraux peuvent servir d’interface entre les programmes de proximité et les services de soins cliniques individuels, en ambulatoire ou en hospitalisation. Il faut enfin des hôpitaux de district et des hôpitaux de recours pour dispenser des soins plus spécialisés ou plus chers, afin de relayer les services de proximité et les services de soins primaires lorsque ceux-ci ne disposent pas des équipements ou du personnel spécialisé nécessaires. Services de proximité « Les programmes de proximité … sont généralement concentrés sur … la maternité sans risques, … la nutrition, et … la prévention et …[les] traitements simples. » Dans beaucoup de pays, un certain nombre de programmes de santé ont tenté de créer des liens entre les familles et des relais locaux d’intervention sanitaire1. Ces programmes ne remplacent pas un système de santé, mais ils permettent d’approcher les familles pour leur apporter des informations et des ressources. Ils exploitent aussi d’autres formes de capital, par exemple le travail bénévole, les savoirs locaux, et la confiance des individus dans la communauté locale. Les programmes de proximité peuvent comprendre tout un éventail d’interventions, mais ils sont généralement concentrés sur les services liés à la maternité, à la nutrition, et à la prévention et aux traitements simples. Ils englobent le plus souvent les services suivants : • • • • • • • soins prénatals, santé génésique et nutrition maternelle, allaitement maternel, alimentation complémentaire, surveillance et promotion de la croissance, supplémentation en micronutriments, distribution alimentaire d’appoint avec les moyens locaux ou des moyens extérieurs, • thérapie de réhydratation par voie orale, • vaccination, • vermifugation. 1 140 | Priorités en matière de santé Cette partie est basée sur le chapitre 56 du DCP2. Ensemble, ces interventions diminuent des facteurs de risque tels que la malnutrition qui représentent pas moins de 40 % de la charge de morbidité dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Les programmes de proximité sont organisés de différentes manières, en particulier en ce qui concerne le statut et le nombre d’agents communautaires. À l’une des extrémités du spectre, on trouve des programmes de proximité qui reposent beaucoup sur les ressources locales et le bénévolat. Par exemple, la Thaïlande a recruté et formé 60 000 villageois animateurs de santé bénévoles ayant pour mission de mobiliser et superviser 600 000 villageois éducateurs de santé, chargés ensuite de 20 enfants chacun en moyenne (encadré 6.1). À l’autre bout du spectre, certains pays recrutent des agents dans les communautés ciblées, mais qui deviennent ensuite des employés du système de santé. Au Costa Rica par exemple, des agents de santé ont été recrutés et employés à temps plein par le programme de santé rurale de l’État, à raison de deux agents à plein temps pour 350 enfants. D’après les évaluations du DCP2, on peut obtenir de bons résultats avec un agent de santé communautaire rémunéré à plein temps pour environ 500 enfants, et un bénévole à temps partiel pour 10 à 20 enfants. En dehors des questions de personnel, les programmes de proximité ont un autre choix important à faire : distribuer ou non des rations alimentaires d’appoint pour traiter la malnutrition. Une distribution alimentaire d’appoint peut aider un programme de santé de proximité à atteindre ses objectifs lorsqu’elle vient compléter d’autres services, mais elle peut aussi devenir le centre du programme au détriment des autres services de santé. Dans certaines communautés, la distribution alimentaire d’appoint entre dans le cadre d’un programme plus large portant sur la supplémentation en micronutriments, l’éducation préscolaire, la surveillance de la croissance, et parfois l’amélioration des disponibilités alimentaires locales. À l’inverse, cette composante s’est retrouvée prédominante dans certains programmes de proximité comme le Programme intégré de développement du jeune enfant en Inde. Les programmes de proximité ont besoin aussi de trouver un équilibre entre la promotion de la santé et les soins curatifs. Lorsque les établissements de soins primaires sont éloignés ou mal approvisionnés, les agents communautaires peuvent être amenés à fournir des soins curatifs directs, ce qui leur fait négliger le travail de promotion de la santé. Dans ce cas, les structures de proximité peuvent être adaptées et « médicalisées » par l’ajout de modules de diagnostic et de traitement. Bien que cette solution puisse permettre aux populations d’accéder à des services dont elles seraient privées autrement, elle empêche les programmes de proximité de se consacrer à leur mission première qui est de promouvoir la santé. Les agents de santé communautaires peuvent non seulement encourager une bonne hygiène « … on peut obtenir de bons résultats avec un agent de santé communautaire rémunéré à plein temps pour environ 500 enfants, et un bénévole à temps partiel pour 10 à 20 enfants. » « Les agents de santé communautaires peuvent non seulement encourager une bonne hygiène de vie et promouvoir la prévention, mais aussi susciter une demande pour des services appropriés à d’autres niveaux. » La mise en œuvre des interventions | 141 Encadré 6.1 Des programmes de santé de proximité dans trois pays L’exemple de l’Indonésie, des Philippines et de la Thaïlande donne une idée de ce que les programmes de proximité peuvent réaliser, en l’occurrence sur la prévalence de l’insuffisance pondérale chez les enfants de 2 ans. Des trois pays, c’est la Thaïlande qui a obtenu les meilleurs résultats. Le ministère thaïlandais de la Santé publique a dépensé environ 11 dollars par bénéficiaire et par an pour constituer un réseau de chefs d’équipe bénévoles et d’agents communautaires bénévoles représentant environ 1 % de la population. Bien que le pourcentage d’enfants avec une insuffisance pondérale soit influencé par un ensemble de facteurs sociétaux et individuels, le fait qu’il ait diminué rapidement en Thaïlande après le lancement du programme de proximité montre que celui-ci a joué un rôle. En Indonésie en revanche, le programme national villageois a dépensé un peu moins (environ 2 à 11 dollars par enfant et par an) et a porté en grande partie sur la distribution de rations alimentaires d’appoint. Il a eu certains effets, mais plus lents et moins homogènes. Enfin, les Philippines ont lancé un programme national qui n’a pas été mis en œuvre complètement et n’a consacré que 0,40 dollar par enfant et par an dans les zones ciblées. La prévalence de l’insuffisance pondérale chez les enfants n’a pas beaucoup baissé pendant cette période. Prévalence de l’insuffisance pondérale chez les enfants 50 Indonésie 40 Philippines 30 20 10 1970 Thaïlande 1980 1990 Année 2000 Source pour la figure : ACC/SCN 2004 ; Mason, Rivers, et Helwig 2005. Source pour le texte : DCP2, chapitre 56. a. - 2 écarts-types 142 | Priorités en matière de santé 2010 de vie et promouvoir la prévention, mais aussi susciter une demande pour des services appropriés à d’autres niveaux. Enfin, les programmes de proximité doivent s’efforcer d’optimiser la couverture compte tenu du niveau d’encadrement réalisable. Un programme qui doit encadrer des dizaines de milliers de bénévoles nécessite des centaines de chefs d’équipe. D’après le DCP2, il faut compter environ un chef d’équipe pour 20 agents de santé communautaires. Si l’encadrement est assuré par les établissements de santé primaires, il risque de devenir un fardeau trop lourd, alors que, bien organisé, il peut constituer un facteur de succès déterminant. Pour donner de bons résultats, les programmes de santé doivent s’appuyer sur les pratiques locales. En Thaïlande, les services de santé sont associés aux organisations religieuses au niveau des villages. En Indonésie, les organisations sociales jouent un rôle important. Au Bangladesh, des ONG ayant fait du bon travail dans certains domaines comme la sécurité alimentaire et l’éducation ont commencé à s’impliquer dans la santé. Au Costa Rica, au Honduras et à la Jamaïque, les services de santé nationaux avaient déjà une présence locale suffisante pour lancer des programmes de santé de proximité. Les structures locales peuvent accomplir beaucoup de choses, mais seulement si elles bénéficient d’une assistance suffisante (conseils et ressources) de la part des niveaux plus centraux. Pour obtenir des effets durables, il faut assurer la formation et l’encadrement de ces structures, et leur fournir les produits dont elles ont besoin, pendant une période prolongée. Cela signifie en général établir une liaison entre les agents de santé communautaires et les établissements de soins primaires. Le succès des actions de proximité en matière de santé dépend donc du contexte local, notamment du niveau de développement des infrastructures, des services et des ressources socioéconomiques. En Indonésie par exemple, les programmes de proximité ont été amenés à se recentrer sur la fourniture de services cliniques individuels du fait des insuffisances du système de soins primaires. Au Costa Rica au contraire, où le système de soins primaires est plus performant, les programmes de santé de proximité ont pu s’occuper davantage de la prévention et de la promotion de la santé. « Pour donner de bons résultats, les programmes de santé doivent s’appuyer sur les pratiques locales. » Soins primaires généraux Le terme « soins primaires » se rapporte à plusieurs aspects différents, bien qu’apparentés, des systèmes de santé2. Dans certains contextes, il fait référence à certaines activités, telles que la vaccination et les soins prénatals. 2 Cette partie est basée sur le chapitre 64 du DCP2. La mise en œuvre des interventions | 143 « …[les] soins primaires … doivent servir d’interface entre les familles et les programmes de proximité d’une part, et les hôpitaux et les politiques de santé nationales de l’autre. » Dans d’autres, il correspond à un niveau de prise en charge exigeant relativement peu de compétences et de moyens techniques. Pour certains pays, il s’agit d’une stratégie permettant de structurer et organiser les soins de santé. Ailleurs, c’est une manière de voir les choses, une philosophie. Le concept général de soins primaires comprend un ensemble d’initiatives en rapport avec la Déclaration d’Alma Ata sur les soins de santé primaires adoptée par l’OMS en 1978. Plus récemment, la Commission Macroéconomie et Santé de l’OMS a exposé la nécessité de mettre en place des services proches des clients. Malgré les variations qui existent dans le contenu du terme « soins primaires », l’idée commune est qu’une palette de services de soins de santé doivent servir d’interface entre les familles et les programmes de proximité d’une part, et les hôpitaux et les politiques de santé nationales de l’autre. Depuis la Déclaration d’Alma Ata de 1978, l’OMS, la Banque mondiale et certains pays ont affiné le concept de soins primaires généraux et établi de nouvelles listes d’interventions pouvant être comprises dans ce vocable. Le DCP2 constate que les soins primaires généraux se sont uniformisés au fil des ans. Ils comprennent les soins liés à la maternité (soins prénatals, aide à l’accouchement par un professionnel de santé qualifié, planning familial, etc.), les interventions ciblées sur les maladies infantiles (maladies pouvant être prévenues par un vaccin, infections respiratoires aiguës, diarrhée, malnutrition, etc.), et la prévention et le traitement des principales maladies infectieuses. La liste est reprise de nombreuses études réalisées sur l'efficience économique des interventions et sur les axes prioritaires pour réduire la charge de morbidité mondiale (tableau 6.1). Cependant, les établissements de santé locaux qui sont équipés exclusivement pour accomplir ce type de tâches risquent de ne pas répondre à la demande locale pour d’autres soins curatifs, ou de passer complètement à côté d’importants problèmes sanitaires locaux. C’est pourquoi les spécialistes de la santé publique soulignent la nécessité d’avoir une équipe d’encadrement locale chargée de planifier les services de soins et d’aide nécessaires à une population définie, comprenant entre 10 000 et 50 000 personnes. Cette équipe peut fixer les priorités et suivre l’évolution de la situation, et veiller aussi à ce que les priorités nationales soient en phase avec les besoins et la demande locale en matière de promotion de la santé et de traitement. En pratique, il n’est pas facile d’organiser ce type d’action locale dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, pour plusieurs raisons : • souvent, les établissements de soins primaires ne disposent pas des moyens nécessaires pour fonctionner correctement. • les postes restent parfois vacants, ou certains membres du personnel peuvent être absents. 144 | Priorités en matière de santé Tableau 6.1 Liste d’interventions présentant un bon rapport coût-efficacité (en dollars) Coût par AVCI Interventions Pays à faible revenu Pays à revenu intermédiaire Santé publique Programme élargi de vaccination Plus (c’est-à-dire incluant le vaccin contre l’hépatite B et un apport en vitamine A) 15–22 32–38 Programme de santé scolaire 25–32 48–54 Programme de lutte contre le tabagisme et l’abus d’alcool 44–70 57–70 Programme de prévention du sida 4–6a 16–23a Autres interventions en santé publique (information, communication, et éducation sur certains facteurs de risque et comportements ayant des effets sur la santé, et incluant la lutte antivectorielle et surveillance épidémiologique) — — Total 18 — Services cliniques Chimiothérapie antituberculeuse 4–6 6–9 Prise en charge intégrée de l’enfant malade 38–63 63–127 Planning familial 25–38 127–190 1–4 13–19 Traitement des maladies sexuellement transmissibles Soins prénatals et liés à l’accouchement Soins limités (traitement des infections et des traumatismes légers ; pour les problèmes plus graves, ils comprennent le diagnostic, le conseil, le traitement de la douleur et le traitement curatif en fonction des ressources disponibles) Total 38–63 76–139 253–380 507–760 168 Source : DCP2, chapitre 64, tableau 64.2. Note : — = non disponible, les auteurs n’ayant sans doute pas pu compiler les données au niveau national. a. Rapport coût-efficacité sous-estimé du fait que l’analyse porte sur la probabilité de transmission à d’autres personnes seulement la première année. La mise en œuvre des interventions | 145 « …les structures de soins primaires généraux seraient capables de répondre à 90 % de la demande de soins de santé dans les pays en développement. » • les produits ne sont pas toujours livrés ou peuvent être périmés. • les établissements sont parfois mal entretenus. • en plus des services de santé publics, la population va souvent s’adresser à des guérisseurs traditionnels, à des pharmaciens et à des professionnels de santé privés. Cette fragmentation peut rendre la surveillance et la planification difficiles à gérer. À condition de disposer de ressources financières, institutionnelles et humaines suffisantes et bien utilisées, les structures de soins primaires généraux seraient capables de répondre à 90 % de la demande de soins de santé dans les pays en développement. L’impact direct des soins de santé primaires est bien établi. Ainsi, au Libéria, au Niger et en République démocratique du Congo, des réductions locales de 5 à 32 % de la mortalité juvénile ont été attribuées à la mise à disposition de soins primaires généraux dans les zones concernées. Un système de soins primaires généraux qui fonctionne bien contribue directement au succès du système de santé dans son ensemble, car il sert de relais entre la prise en charge locale et les soins dispensés aux niveaux suivants, c’est-à-dire dans les hôpitaux de district puis les hôpitaux de recours. Hôpitaux de district Dans la plupart des pays, la majorité des services d’hospitalisation sont assurés par les hôpitaux de district3. Ces hôpitaux sont généralement prévus pour desservir une population comprise entre 100 000 et 1 million d’habitants et offrent des services plus sophistiqués, plus techniques et plus spécialisés que ceux disponibles dans les établissements de soins primaires, mais pas aussi spécialisés que les services fournis par les hôpitaux de recours. La gamme des services offerts par les hôpitaux de district comprend le diagnostic, le traitement, les soins, le conseil et la réeducation. Du fait de la technicité de ces services, les hôpitaux doivent avoir du personnel formé et expérimenté dans les domaines de la médecine familiale et des soins de santé primaires, de l’obstétrique, des maladies mentales, de l’ophtalmologie, de la réeducation, de la chirurgie, de la pédiatrie et de la gériatrie. Ces services exigent d’importants investissements en installations, en matériel et en encadrement. Les hôpitaux de district peuvent également assurer une information en matière de santé, de la formation et un soutien administratif et logistique aux programmes de soins de santé primaires et de proximité. Lorsque la zone desservie par un hôpital de district coïncide 3 146 | Priorités en matière de santé Cette partie est basée sur le chapitre 65 du DCP2. avec une unité territoriale, il peut se voir chargé d’autres missions de santé publique sur le territoire correspondant. La force de l’hôpital de district réside dans le fait qu’il réunit en un lieu unique des compétences et des moyens permettant de soigner des affections qui sont soit rares soit difficiles à traiter. C’est aussi un lieu où sont concentrés le savoir et les outils de diagnostic nécessaires pour évaluer si un patient doit être orienté vers un établissement plus spécialisé. Toutefois, un hôpital de district ne peut tirer parti de cette force que s’il est correctement intégré à d’autres niveaux de prise en charge qui fonctionnent bien aussi. Si les établissements de soins primaires ne satisfont pas les besoins locaux, par exemple, les patients vont les court-circuiter et submerger les hôpitaux d’un flot de demandes de services qui pourraient être fournis plus efficacement dans d’autres structures. Les établissements de soins primaires doivent également identifier les patients ayant besoin d’être dirigés vers un hôpital. Il est enfin indispensable de disposer de modes de transport rapides et appropriés, car il ne sert à rien de savoir diagnostiquer une affection et adresser un patient dans un centre plus spécialisé si le patient est bloqué dans un village reculé. En même temps, la concentration de ressources que l’on trouve dans les hôpitaux de district peut être problématique. Trop souvent, ces hôpitaux profitent à la population qui vit à proximité, et ne sont pas faciles d’accès pour les pauvres et les populations dispersées dans les zones rurales. Les hôpitaux de district peuvent fournir des services plus équitablement lorsque leur concentration de ressources est accessible à tous, c’est-à-dire lorsqu’on résout les problèmes d’accès générés par la pauvreté, la mauvaise qualité des services, le prix des transports ou l’éloignement géographique. Le coût des soins dispensés dans les hôpitaux de district dépend des salaires versés au personnel, des taux d’utilisation et des autres missions de santé confiées aux hôpitaux. Les salaires, même quand ils sont bas, représentent généralement la plus grande part des coûts récurrents des hôpitaux. Lorsque les taux d’utilisation sont élevés, le coût fixe moyen par journée-patient est inférieur. À certains endroits, le taux d’utilisation de l’hôpital se situe en dessous de 50 %, et la capacité inutilisée représente une perte économique importante pour le système de santé. Ailleurs, certains hôpitaux sont surchargés, et même si les coûts moyens en sont diminués, cela entraîne une dépréciation plus rapide des installations. Les autres tâches dévolues aux hôpitaux augmentent aussi les coûts. Il peut s’agir de former les nouveaux professionnels de santé ou d’assurer leur formation continue, de superviser, d’assister ou de gérer les services primaires, ou encore d’élaborer et de mettre en œuvre des campagnes de santé publique au niveau du district. « Trop souvent, les hôpitaux de district … ne sont pas faciles d’accès pour les pauvres et les populations dispersées dans les zones rurales. » La mise en œuvre des interventions | 147 « …un hôpital de district implanté au Kenya, dans une communauté rurale … desservait 2 223 enfants, dépensait environ 10 dollars par patient, et sauvait selon son estimation 215 vies pour un coût moyen par vie sauvée de 104 dollars… » « …dans les anciennes républiques soviétiques et en Chine, les hôpitaux publics sont devenus tellement dépendants des paiements de l’usager qu’ils fonctionnent en pratique comme des organismes privés. » 148 | Priorités en matière de santé Les études de coût permettent d’établir une échelle des coûts enregistrés dans les hôpitaux des pays à revenu faible ou intermédiaire. L’une d’elles constate qu’un hôpital tanzanien a dépensé environ 4 dollars par patient et par jour, mais indique que son financement était insuffisant et qu’il faudrait un peu plus de 12 dollars par patient et par jour pour assurer une prise en charge correcte selon les propres critères du prestataire. Des chercheurs ont évalué le coût des soins en hospitalisation à environ 9 dollars par patient et par jour au Kenya, et à près de 16 dollars par patient et par jour au Bangladesh. En Afrique du Sud, les coûts s’étalaient entre 40 et 97 dollars par patient et par jour dans cinq districts différents. Le DCP2 évalue le rapport coût-efficacité des soins dispensés par les hôpitaux de district. Malgré le caractère approximatif de l’exercice, il donne une idée de l’ordre de grandeur possible. À partir d’une étude réalisée sur un hôpital de district implanté au Kenya, dans une communauté rurale bénéficiant d’un accès relativement satisfaisant aux services de santé, il conclut que l’hôpital desservait 2 223 enfants, dépensait environ 10 dollars par patient, et sauvait selon son estimation 215 vies pour un coût moyen par vie sauvée de 104 dollars, soit un coût par AVCI gagnée d’environ 4 à 5 dollars seulement. Les méthodes utilisées pour améliorer les soins dispensés par les hôpitaux de district ne sont pas les mêmes partout. Dans beaucoup de pays, la responsabilité de ces hôpitaux a été transférée aux pouvoirs locaux dans le cadre de la décentralisation des services publics. Ailleurs, les hôpitaux se voient accorder un plus grand pouvoir de décision, parfois même financier. Dans certaines régions d’Asie centrale et d’Asie de l’Est, en particulier dans les anciennes républiques soviétiques et en Chine, les hôpitaux publics sont devenus tellement dépendants du paiement de l’usager qu’ils fonctionnent en pratique comme des organismes privés. La plupart des hôpitaux publics reçoivent des budgets qui sont fonction de leurs effectifs et de leur taille, mais certaines réformes ont introduit un remboursement basé sur le nombre et la complexité des services fournis, avec des résultats mitigés. Ailleurs, on s’efforce d’améliorer la qualité des soins dans les hôpitaux. L’un des objectifs est de réduire les maladies contractées à l’hôpital, qui constituent un grave problème dans les pays démunis d’Afrique subsaharienne, où les transfusions sanguines et la réutilisation des aiguilles peuvent provoquer une contamination par le VIH, l’hépatite et d’autres infections. Améliorer la sécurité transfusionnelle coûterait moins de 8 dollars par AVCI gagnée. Les hôpitaux de district sont soumis à différentes pressions qui affectent la manière dont ils remplissent leur mission. Certaines les obligent à intervenir comme s’ils étaient des centres primaires, tandis que d’autres les poussent à fonctionner comme des centres de gestion de la santé publique. Pour arriver à un bon compromis, il faut équilibrer correctement les investissements réalisés dans les hôpitaux de district et dans les autres niveaux de prise en charge. Hôpitaux de recours Le niveau de prise en charge suivant est l’hôpital de recours, qui fournit des soins cliniques complexes aux patients adressés par les structures de proximité, les établissements de soins primaires et les hôpitaux de district4. La mission d’orientation relie les différents niveaux de prise en charge dans les deux sens. Les établissements des trois premiers niveaux dirigent les malades vers un hôpital spécialisé. Dans l’autre sens, l’hôpital de recours fournit une assistance et des informations aux niveaux inférieurs, et redirigent les patients sur eux le cas échéant. Pour que les relations entre les différents niveaux de prise en charge puissent fonctionner le mieux possible, les hôpitaux de recours doivent assurer plusieurs formes de soutien, notamment des conseils sur les patients à orienter vers tel ou tel niveau, les soins à dispenser après la sortie de l’hôpital, et la prise en charge des affections chroniques sur une longue durée. Les professionnels de santé doivent être formés de façon coordonnée à utiliser des protocoles communs, et une assistance technique doit être assurée par des techniciens et des médecins qualifiés. Les hôpitaux de recours peuvent également apporter aux autres établissements une aide importante en matière de gestion et d’administration, servant de plaque tournante pour les médicaments et les autres fournitures médicales, les services d’analyses médicales, la passation des marchés, la collecte des données issues des systèmes d’information sanitaire, et la surveillance épidémiologique. Parfois, ils organisent le transport des fournitures médicales et du personnel, ou même s’occupent de gérer les finances, les salaires et les ressources humaines d’établissements de niveau inférieur. D’autres fonctions importantes confiées aux hôpitaux de recours sont la recherche et la formation. Dans les pays industriels, les hôpitaux de recours peuvent mettre au point de nouvelles technologies, mais dans les pays en développement, le travail de recherche concernera plus probablement l’expérimentation et l’introduction de technologies mises au point ailleurs, c’est-à-dire consistera à vérifier qu’elles restent opérantes et valides dans un contexte différent. Les hôpitaux de recours deviennent le canal de diffusion de ces technologies en formant le nouveau personnel et en assurant la formation continue du personnel en place dans différents établissements. La recherche apporte une contribution essentielle lorsqu’elle travaille à atténuer les problèmes de santé de la région en tenant 4 « Pour que les relations entre les différents niveaux de prise en charge puissent fonctionner le mieux possible, les hôpitaux de recours doivent assurer plusieurs formes de soutien… » Cette partie est basée sur le chapitre 66 du DCP2. La mise en œuvre des interventions | 149 compte des contraintes technologiques locales car, en général, les pays industriels et les groupes pharmaceutiques n’engagent pas ce type de recherches si le retour sur investissements prévisible n’est pas suffisant. Les activités de recherche aident également à attirer et retenir les spécialistes dont tout pays a besoin pour traiter les cas complexes et former de nouveaux spécialistes. Tout comme les hôpitaux de district, les hôpitaux de recours des pays à revenu faible ou intermédiaire sont souvent amenés à offrir une gamme complète de services, depuis les plus spécialisés jusqu’au traitement de base en médecine ambulatoire. La demande de soins de base vient des patients qui cherchent à court-circuiter des établissements de niveau inférieur manquant de matériel ou de personnel compétent. Les coûts et l’efficacité des hôpitaux de recours dépendent beaucoup de l’étendue des services qu’ils assurent, des salaires du personnel, et des taux d’utilisation. En règle générale, ils ont tendance à coûter plus cher que les hôpitaux de district parce qu’ils traitent des cas plus complexes, ont des facteurs de production plus onéreux, et font également de l’enseignement et de la recherche. Les études montrent que le coût d’une journée d’hospitalisation peut être deux à cinq fois plus élevé dans un hôpital de recours que dans un hôpital de district. Les hôpitaux de recours sont souvent implantés dans de grands centres urbains, ce qui renforce l’inégalité d’accès aux soins spécialisés dont sont victimes les populations rurales et les citoyens pauvres en général. Ces hôpitaux étant par définition spécialisés, il n’est pas possible de corriger ces inégalités en construisant des établissements supplémentaires. Si l’on veut parvenir à une certaine équité dans l’accès aux services des hôpitaux de recours, il faut améliorer l’orientation des patients vers ces hôpitaux et réduire les obstacles financiers, notamment les coûts de transport, qui pénalisent les pauvres. Il est important d’établir un équilibre et une coordination appropriés entre les investissements et les fonctions affectés aux hôpitaux de recours et ceux affectés aux hôpitaux de district, aux centres de soins primaires et aux agents de santé communautaires. De même que les hôpitaux de recours ne peuvent pas fonctionner correctement si les autres niveaux ne remplissent pas leurs missions, les structures de soins de proximité, les centres de soins primaires et les hôpitaux de district ne peuvent pas être performants quand ils n’ont pas la possibilité d’aiguiller les cas complexes vers des hôpitaux spécialisés. Si les niveaux inférieurs de prise en charge ont certainement besoin d’être renforcés, ce n’est sans doute pas dû au niveau excessif des dotations allouées aux hôpitaux de recours, mais plutôt à un financement insuffisant de l’ensemble du système de santé publique. 150 | Priorités en matière de santé SERVICES ET RESSOURCES COMMUNS À TOUS LES NIVEAUX Bien que des types de services différents soient associés à chaque niveau du système de santé, certains services doivent pouvoir être fournis par toutes les structures. Le DCP2 passe en revue un large éventail de ces services communs et des problèmes qu’ils posent. Nous examinons ici trois d’entre eux. Chirurgie La chirurgie évoque souvent des interventions à haute technicité pouvant être extrêmement coûteuses5. Par ailleurs, la chirurgie n’est pas spécifique à une maladie ou un facteur de risque particulier, ni cantonnée à un niveau de prise en charge donné. De ce fait, les responsables de la santé publique ont souvent négligé son potentiel. Le DCP2 remet la chirurgie à l’honneur en tant que service d’un bon rapport coût-efficacité pour traiter un grand nombre d’affections courantes. Selon le DCP2, environ 12 % des problèmes de santé dans le monde sont associés à des troubles pour lesquels la chirurgie pourrait apporter une aide. Ces troubles sont responsables de la perte de 21 AVCI pour 1 000 habitants dans les Amériques, et de 38 AVCI pour 1 000 habitants en Afrique. Les traumatismes représentent 38 % de ces affections, suivies par les tumeurs malignes et les anomalies congénitales. Les affections pouvant être traitées par la chirurgie se répartissent en quatre grandes catégories : « …12 % des problèmes de santé dans le monde sont associés à des troubles pour lesquels la chirurgie pourrait apporter une aide. » • les interventions chirurgicales destinées à empêcher la mort ou un dysfonctionnement chez les victimes de traumatismes ; • les complications obstétricales ; • le traitement des troubles abdominaux constituant une urgence vitale ; • le traitement hors urgence des troubles simples tels que hernies, pieds bots et cataractes. Le DCP2 définit la chirurgie comme l’ensemble des services faisant intervenir des sutures, des incisions, des excisions, des manipulations et d’autres actes invasifs nécessitant une anesthésie locale, régionale ou générale. Cette définition porte expressément sur les actes chirurgicaux, et non sur les personnes qui les exécutent ni sur les établissements où ils sont pra5 Cette partie est basée sur le chapitre 67 du DCP2. La mise en œuvre des interventions | 151 « …[le coût de] la chirurgie qui serait pratiquée dans un centre médical de proximité hypothétique desservant une population de 20 000 personnes… est estimé entre 150 et 350 dollars par AVCI gagnée. » 152 | Priorités en matière de santé tiqués. On admet donc qu’un grand nombre de catégories différentes d’agents de santé peuvent pratiquer des actes chirurgicaux s’ils sont convenablement formés, et que cela peut se faire dans différents lieux à condition qu’ils soient correctement équipés. Pour certaines affections comme la cataracte ou le trachome, la chirurgie peut être utilisée dans le cadre de campagnes où une équipe d’agents est formée au dépistage et à l’exécution d’interventions simples au moyen d’installations mobiles (encadré 6.2). Des actes chirurgicaux simples peuvent également être pratiqués dans des centres de soins primaires pour traiter les blessures, les complications obstétricales ou les anomalies congénitales. Les hôpitaux de district et les hôpitaux de recours peuvent être configurés pour réaliser des opérations chirurgicales plus complexes si nécessaire. Le DCP2 donne une estimation du rapport coût-efficacité de la chirurgie qui serait pratiquée dans un centre médical de proximité hypothétique desservant une population de 20 000 personnes. Il traiterait approximativement 4 000 dossiers de chirurgie par an et son personnel serait composé d’un infirmier, d’une sage-femme qualifiée, et d’un aide-soignant. Il serait compétent pour traiter les coupures et contusions simples, extraire des corps étrangers, drainer des abcès, soigner des brûlures bénignes, fournir une assistance lors des accouchements normaux, et traiter des traumatismes simples. Le coût de ces services est estimé entre 150 et 350 dollars par AVCI gagnée. Les actes chirurgicaux plus complexes, notamment la chirurgie abdominale et thoracique, les blessures à la tête, les complications obstétricales et les brûlures, seraient prises en charge par les hôpitaux de district pour un coût estimé à 40 dollars par AVCI gagnée en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne, à 70 dollars par AVCI gagnée dans la région Asie de l’Est et Pacifique, et à près de 100 dollars par AVCI gagnée dans les autres régions. Le coût par AVCI gagnée des services chirurgicaux assurés dans les hôpitaux de district est moins élevé que dans les établissements de soins primaires en raison des économies d’échelle. Les coûts fixes des actes chirurgicaux pratiqués dans les hôpitaux de district sont supérieurs, mais l’hôpital peut être configuré pour gérer un nombre de dossiers de chirurgie beaucoup plus important. La réalité de ces économies dans la pratique dépend des taux d’utilisation effectivement atteints. Il est clair que la chirurgie peut constituer une composante importante de la stratégie nationale de santé publique. Elle peut éviter des décès et des handicaps chroniques chez les victimes de blessures si elle est pratiquée suffisamment vite et bien ; elle peut réduire le risque de mortalité et d’invalidité lié à un accouchement difficile, à une hémorragie prepartum ou postpartum, et à d’autres complications obstétricales ; elle peut remédier à un large éventail d’urgences médicales ; et la chirurgie réglée peut avoir un impact notable sur la qualité de vie pour des affections telles que la cata- Encadré 6.2 Le traitement de la cataracte en Inde Le traitement de la cataracte figure parmi les mieux documentés des cas d’interventions chirurgicales pratiquées dans un cadre de proximité. L’Inde emploie des camps mobiles pour faire bénéficier les populations rurales d’une chirurgie de la cataracte bon marché et performante. Le nombre d’interventions a plus que doublé en 5 ans, passant de 1,2 million en 1991–1992 à 2,7 millions en 1996–1997. Le coût s’est élevé à environ 97 dollars par patient dans les camps, contre 176 dollars dans les hôpitaux universitaires et 54 dollars dans les hôpitaux non publics. La chirurgie de la cataracte coûte en Inde moins de 25 dollars par AVCI gagnée et présente donc un excellent rapport coût-efficacité. Source : Adapté du chapitre 67 du DCP2. racte, les infections auriculaires, les pieds bots, les hernies et les hydrocèles. La chirurgie peut donc représenter un élément important, efficace par rapport aux coûts, d’un système de santé opérant et d’une politique de santé publique, à condition que les établissements concernés soient correctement pourvus en personnel et en matériel. « La chirurgie peut donc représenter un élément important, efficace par rapport aux coûts, d’un Services médicaux d’urgence Comme la chirurgie, les services médicaux d’urgence sont constitués d’un ensemble d’interventions qui ne sont pas spécifiques à un problème médical ou à un niveau de prise en charge particulier6. Leur point commun est que les résultats dépendent fortement du délai d’intervention. Les services médicaux d’urgence traitent des problèmes médicaux soudains qui nécessitent une intervention immédiate sous peine d’entraîner la mort ou une invalidité. Bien qu’ils soient souvent associés aux ambulances, aux unités hospitalières de soins d’urgence, aux technologies modernes et à des coûts élevés, en pratique, les services médicaux d’urgence ne sont pas toujours synonymes de transport rapide et de gestes effractifs. En réalité, la prise en charge des urgences peut souvent être améliorée grâce à une meilleure planification, à la formation appropriée des premiers intervenants, à des moyens de communications et à des solutions de transport originales. Les urgences sont souvent générées par des blessures, des complications obstétricales et des infections survenant de façon soudaine, mais aussi des négligences dans le traitement d’affections lentes et chroniques. Les problèmes de santé nécessitant le recours à des services médicaux d’urgence ont donc été en grande partie évoqués dans les chapitres précédents, 6 système de santé opérant et d’une politique de santé publique… » Cette partie est basée sur le chapitre 68 du DCP2. La mise en œuvre des interventions | 153 « Les problèmes de santé nécessitant le recours à des services médicaux d’urgence … représentent 36 % … [des] AVCI.. » « …les soins d’urgence nécessitent d’investir dans des installations permettant de traiter les patients une fois leur état stabilisé. » 154 | Priorités en matière de santé notamment les affections maternelles et les blessures causées par les accidents de la route. Au total, ces troubles représentent 36 % de la charge de morbidité mesurée en AVCI. Environ un tiers de ces AVCI sont dues à des blessures, un autre tiers sont liées à des maladies chroniques comme le diabète, les MCV et l’asthme, et le dernier tiers est associé aux maladies transmissibles et aux affections maternelles. Les services médicaux d’urgence comprennent un spectre continu de soins allant du premier contact avec les patients jusqu’au moment où leur état est stabilisé. Il s’agit pour commencer d’évaluer rapidement la situation pour déterminer les interventions les plus appropriées, d’organiser le transport rapide du malade vers l’établissement le mieux adapté à son état, et de fournir des premiers soins. Une fois que le patient arrive dans un établissement, les services d’urgence continuent jusqu’à ce que son état soit stabilisé. La nature des services d’urgence varie considérablement selon les pays et les régions. Dans beaucoup de zones rurales pauvres, des guérisseurs traditionnels comme les rebouteux peuvent assurer les premiers secours, et le transport peut se faire en canoë ou en charrette. Dans les villes riches en revanche, ils font souvent intervenir du personnel paramédical arrivant en ambulance. L’important n’est pas de faire aussi bien que les technologies les plus sophistiquées, mais d’améliorer l’organisation et la planification des soins d’urgence, ce qui est réalisable à moindre coût et relèverait le taux d’utilisation des ressources, la qualité des soins reçus et les résultats obtenus. Le DCP2 expose un certain nombre de problèmes qui empêchent les pays à revenu faible ou intermédiaire de fournir des soins d’urgence corrects, ainsi que différentes solutions originales susceptibles d’y remédier. Tout d’abord, les soins d’urgence nécessitent d’investir dans des installations permettant de traiter les patients une fois leur état stabilisé. Organiser le transport rapide d’un patient vers un établissement de soins mal équipé ou surchargé ne sert pas à grand chose. C’est pourquoi, là encore, il est important de pouvoir compter sur un système de santé qui fonctionne correctement. En second lieu, l’existence de moyens de communication rapides peut être déterminante pour la survie des patients. Dans les lieux dépourvus de téléphones traditionnels, de simples radiotéléphones ou, de plus en plus, des téléphones cellulaires peuvent être utilisés. Les télécommunications sont importantes pour coordonner les soins entre le site de prise en charge initiale et l’établissement où le patient va être soigné, et permettent aussi aux premiers intervenants de consulter d’autres professionnels de santé et d’obtenir des avis spécialisés sur le lieu de l’urgence. Troisièmement, une bonne planification peut réduire le délai d’intervention et améliorer la prise en charge. Il suffit parfois de s’assurer qu’il existe des cartes suffisamment précises, que les maisons portent des numéros et que les noms des rues sont signalés par des panneaux. Lors d’une étude réalisée à Kuala Lumpur, on s’est aperçu que les équipes d’intervention d’urgence ne parvenaient pas à localiser le patient dans 20 % des cas. Quatrièmement, un moyen de transport doit être accessible dans un délai très bref. Les véhicules équipés de brancards sont l’idéal, mais beaucoup d’autres types de véhicules peuvent convenir. Au Malawi, une ambulance tirée par une bicyclette, imaginée à l’origine pour transporter les urgences obstétricales, a été généralisée au transport de patients souffrant de toutes les catégories d’urgences, y compris les traumatismes. Les études ont montré que le principal facteur de survie était moins lié à la rapidité du transport qu’à l’efficacité des soins vitaux prodigués par l’équipe d’intervention. Les dispositifs d’urgence demandent du personnel qualifié et motivé ayant à sa disposition le matériel et les médicaments dont il a besoin, ainsi que des équipes d’appui chargées du travail de coordination et de gestion. Lorsque les moyens existent, ces dispositifs peuvent fonctionner avec du personnel employé à plein temps et des transports motorisés. Là où les ressources sont limitées, on peut faire quand même beaucoup de choses avec des méthodes simples et viables. Il est ainsi possible de réduire sensiblement les temps d’intervention en recrutant et en formant des citoyens motivés souvent confrontés à des urgences, par exemple des chauffeurs de transports publics (encadré 6.3). Le DCP2 analyse les données disponibles sur l’utilisation d’intervenants non professionnels formés en association avec des bénévoles formés. Cette solution nécessiterait le recrutement de 7 500 premiers intervenants non professionnels et de 150 paramédicaux bénévoles pour desservir une population d’un million d’habitants. Les premiers intervenants non professionnels pourraient être formés en une demi-journée, tandis que le personnel paramédical bénévole suivrait une formation sur 25 jours. Des cours de remise à niveau devraient être organisés tous les trois ans pour les deux catégories d’intervenants, afin de maintenir leur niveau de compétences et de motivation. Le rapport coût-efficacité d’un programme de ce type pourrait être excellent, puisqu’il coûterait entre 73 et 706 dollars par décès évité, ou entre 3 et 27 dollars par année de vie sauvée. L’emploi d’une ambulance augmente sensiblement les coûts, mais le rapport coût-efficacité reste cependant acceptable. En milieu urbain, la hausse des coûts est compensée par un taux d’utilisation supérieur. D’après le DCP2, l’utilisation d’ambulances en ville coûterait seulement 60 dollars par année de vie sauvée en Asie du Sud, environ 111 dollars par année de vie sauvée dans la région Amérique latine et Caraïbes, et 176 dollars par année de vie sauvée au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. En milieu rural, un service d’ambulance coûterait entre deux et trois fois plus par année de vie sauvée en raison des taux d’utilisation inférieurs. « …à Kuala Lumpur, … les équipes d’intervention d’urgence ne parvenaient pas à localiser le patient dans 20 % des cas. » « …[le rapport coût-efficacité d’un programme utilisant des] intervenants non professionnels formés en association avec des bénévoles formés… pourrait être excellent, puisqu’il coûterait entre 73 et 706 dollars par décès évité, ou entre 3 et 27 dollars par année de vie sauvée. » La mise en œuvre des interventions | 155 « Au cours des 50 dernières années, le nombre de médicaments permettant de prévenir et traiter les maladies a considérablement augmenté. » Les États ne doivent pas négliger leurs services médicaux d’urgence. Améliorer la planification et les communications et former davantage de bénévoles est un minimum qui peut augmenter notablement les chances de survie dans les situations d’urgences. Ces services, eux aussi, nécessitent une coordination à l’intérieur du système de santé afin de relier les lieux d’accident et les autres sites d’urgences aux différents niveaux de prise en charge. Pour avoir un rapport coût-efficacité satisfaisant, les stratégies employées doivent être adaptées à la situation locale, qu’il s’agisse de former des chauffeurs de bus aux premiers secours, de recruter des vélotaxis ou d’équiper du personnel paramédical professionnel. Médicaments Au cours des 50 dernières années, le nombre de médicaments permettant de prévenir et traiter les maladies a considérablement augmenté7. Certains ont évité à des millions de personnes de contracter la diphtérie, le tétanos, la polio ou la rougeole. D’autres ont soigné des infections bactériennes ou virales comme la pneumonie, la tuberculose et le VIH/SIDA. Il existe aujourd’hui une vaste classe de médicaments disponibles pour traiter des maladies chroniques telles que le diabète, les MCV et la dépression. D’autres sont essentiellement destinés aux soins palliatifs. Il n’y a pas de bonne prise en charge des patients sans médicaments. Pour faire en sorte que les personnes qui en ont besoin aient accès à des médicaments appropriés, il faut résoudre différents problèmes : • des problèmes financiers, notamment le financement d’activités élémentaires de recherche et développement, la définition et la protection des droits de propriété intellectuelle, et la tarification des médicaments afin de les rendre accessibles ; • des problèmes logistiques liés à l’approvisionnement, à l’entreposage et à la distribution ; • des problèmes cliniques, à savoir veiller à ce que les prescriptions soient convenables et que les patients les suivent effectivement ; • des problèmes d’incitation, car il est important d’encourager les compagnies pharmaceutiques, les prestataires de santé privés, les pharmacies et les services de santé financés ou gérés par l’État, à participer à la recherche, au développement et au marketing des médicaments. La disponibilité des médicaments est extrêmement inégale et aggrave les inégalités en matière de répartition des soins de santé à travers le monde. 7 156 | Priorités en matière de santé Cette partie est basée sur les chapitres 4, 6, 55 et 72 du DCP2. Encadré 6.3 Améliorer la prise en charge des traumatismes en l’absence de dispositif structuré de transport en ambulance Contexte : on a cherché à évaluer l’efficacité d’un programme reposant sur le dispositif existant, bien qu’informel, de transport préhospitalier au Ghana. Dans ce pays, la majorité des blessés sont transportés à l’hôpital par un véhicule de type commercial, par exemple un taxi ou un bus. Méthodes : un total de 335 chauffeurs de véhicules commerciaux ont suivi une formation élémentaire aux premiers secours, d’une durée de 6 heures. L’efficacité de cette formation a été évaluée en comparant la prise en charge des traumatismes avant l’arrivée à l’hôpital, avant et après la formation, d’après les déclarations des chauffeurs. Résultats : des entretiens de suivi ont été menés auprès de 71 chauffeurs, en moyenne 10,6 mois après la formation. Soixante et un pour cent d’entre eux ont indiqué qu’ils avaient dispensé des premiers secours depuis leur formation. On a constaté une forte amélioration dans la fourniture des premiers secours par rapport à ce qui était rapporté avant la formation (tableau 1). Tableau 1 Secours d’urgence dispensés avant et après la formation aux premiers secours Type de secours Protection sur le lieu de l’accident Dégagement des voies aériennes Arrêt d’une hémorragie Pose d’une attelle Triage Dispensés avant la formation (%) 7 2 4 1 7 Dispensés après la formation (%) 35 35 42 16 21 Source: Mock et al. 2002 La formation a fait appel à un volume modeste de travail bénévole et de cadeaux en nature, par exemple le transport jusqu’au lieu de formation. Son coût réel s’est élevé à 3 dollars par participant. Conclusions : même en l’absence de services médicaux d’urgence structurés, il est possible d’améliorer la prise en charge préhospitalière des traumatismes en exploitant les transports préhospitaliers existants, même informels. Source : DCP2, chapitre 68, encadré 68.1. « Quelque 30 % de la Quelque 30 % de la population du globe n’a pas accès de façon régulière à des médicaments essentiels, cette proportion variant entre 26 % en Asie du Sud-Est (à l’exclusion de l’Inde), 29 % dans la Région OMS de la Méditerranée orientale, et 47 % en Afrique, jusqu’à 65 % en Inde. À l’inverse, les 15 % d’habitants de la planète qui vivent dans les pays à revenu population du globe n’a pas accès de façon régulière à des médicaments essentiels… » La mise en œuvre des interventions | 157 « La liste des médicaments essentiels … privilégie les solutions les moins chères pour traiter des maladies prioritaires. » 158 | Priorités en matière de santé élevé comptent pour 90 % dans la consommation mondiale de médicaments (en valeur). Les sociétés pharmaceutiques privées et les pouvoirs publics des pays à revenu élevé privilégient la mise au point de médicaments répondant aux problèmes de santé de leurs pays. Sur les 1 325 nouveaux médicaments mis sur le marché entre 1975 et 1997, seulement 11 ont été développés spécifiquement pour des maladies tropicales. Au cours de la dernière décennie, quelques initiatives internationales ont tenté de remédier à cette répartition inégale des bienfaits des médicaments. Certaines cherchent à améliorer l’accès à des médicaments essentiels qui existent déjà, comme c’est le cas du GAVI et du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. D’autres ont pour objectif de promouvoir la recherche et le développement de nouveaux vaccins, de nouveaux traitements, ou de traitements médicamenteux plus faciles à administrer. Il s’agit de l’initiative DNDi de Médecins Sans Frontières visant à relancer la recherche et développement de médicaments pour les maladies négligées, des travaux de recherche d’organismes publics sur la mise au point d’un vaccin contre le paludisme, et des nouvelles thérapies étudiées pour la tuberculose résistante aux antibiotiques. Le principal objectif d’une politique pharmaceutique doit être d’augmenter l’accès aux médicaments efficaces, d’améliorer et de garantir leur qualité, et de promouvoir des pratiques de prescription rationnelles de la part des prestataires, et des pratiques de consommation rationnelles de la part des patients. L’OMS a aidé un grand nombre de pays à revenu faible ou intermédiaire à adopter des politiques nationales qui définissent une liste de médicaments essentiels, garantissent leur accessibilité économique, réglementent leur qualité, encouragent des achats réguliers, et encouragent leur utilisation rationnelle. La liste des médicaments essentiels constitue un élément important de la politique pharmaceutique, parce qu’elle privilégie les solutions les moins chères pour traiter des maladies prioritaires. Elle simplifie ainsi le processus d’approvisionnement, d’achat, de formation et d’utilisation. Les recommandations de l’OMS comprennent une liste de 320 médicaments dans 559 formulations. La plupart des pays qui ont utilisé ces recommandations ont établi une liste de moins de 300 médicaments, allant de 180 au Libéria, à 389 dans l’État indien du Karnataka. Comme la liste de médicaments, la liste de vaccins recommandés s’est également allongée au fil du temps avec l’apparition de nouveaux vaccins. La grande majorité des pays continue de s’en tenir aux vaccins du PVE (contre la tuberculose, la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la polio et la rougeole) mais, depuis, l’OMS en a recommandé d’autres, dont celui contre l’hépatite B, le Hib et la fièvre jaune dans les pays d’endémie. Les procédures de passation de marchés doivent permettre non seulement d’obtenir le meilleur prix mais aussi de garantir la qualité des médicaments et la fiabilité de l’approvisionnement. Pour cette raison, les pays abandonnent de plus en plus les appels d’offres ouverts, dans lesquels le prix est le premier critère de sélection et où la qualité et la fiabilité sont jugés en second lieu, pour des appels d’offres restreints, où ceux qui répondent aux appels d’offre doivent présenter des informations sur leur fiabilité, leur stabilité financière, la qualité de leur production et leurs performances passées. Seuls les fabricants présélectionnés peuvent participer à la deuxième étape qui consiste à obtenir des offres et à sélectionner la moins chère. D’une manière générale, la tendance du prix des médicaments est à la baisse. Cela est dû en partie au cycle naturel du développement des médicaments. Un nouveau médicament est habituellement protégé par un brevet, qui limite l’offre et maintient les prix élevés jusqu’à ce que le brevet arrive à expiration ou qu’une licence obligatoire soit instaurée, et que des fabricants de médicaments génériques puissent pénétrer sur le marché et les concurrencer. Certains prix ont véritablement chuté suite à des négociations collectives et à la pression de la communauté internationale et du public, en particulier pour les médicaments destinés à soigner la tuberculose et le VIH/SIDA, dont quelques-uns ont vu leur prix baisser de plus de 90 % ces dernières années. Acheter des médicaments génériques en gros est de loin la meilleure solution pour optimiser les dépenses d’un budget national limité. Lorsque des médicaments génériques sont disponibles avec la qualité et les posologies qui conviennent, ils sont nettement moins chers que les médicaments d’origine. Une étude réalisée en Malaisie a constaté que 13 médicaments d’origine étaient 4 à 45 fois plus chers que les équivalents génériques qui figuraient dans la liste de médicaments essentiels de ce pays. Pour permettre aux États de mieux négocier, des informations sur les prix sont désormais disponibles au niveau international sur les sites Web. Différents programmes internationaux ont été lancés pour améliorer l’accessibilité économique des médicaments essentiels dans les pays à revenu faible ou intermédiaire : le Fonds des Nations Unies pour l’enfance a mis en place un programme d’achat de vaccins qui gère 40 % de la demande mondiale, l’Organisation panaméricaine de la santé gère un fonds renouvelable pour la région Amérique latine et Caraïbes, et le Programme d’achats groupés du Conseil de coopération du Golfe aide six États du golfe Persique à organiser leurs appels d’offres et leurs dispositifs logistiques. L’achat ne représente qu’une partie du coût de la mise à disposition des médicaments, et le supplément qui s’ajoute ensuite pour tenir compte des frais locaux peut être assez considérable. Au Sri Lanka, les coûts locaux majorent de 64 % le prix importé des médicaments. Au Kenya, la La mise en œuvre des interventions | 159 « … pas moins de la moitié des échecs des thérapies médicamenteuses sont dus au non-respect du traitement par le patient. » « La seconde moitié des échecs … proviennent d’erreurs du personnel médical ou des pharmaciens. » 160 | Priorités en matière de santé composante locale dépasse 100 % du prix importé. Les études tendent à montrer que ces niveaux de majoration entre le prix importé et le prix de détail sont courants. Pour les réduire, il est nécessaire de modifier la politique fiscale, par exemple accorder des exonérations de droits d’importation ou de taxes à la valeur ajoutée, de prendre des mesures pour réduire les coûts de transport, et de réglementer le marché. Une fois que les médicaments ont été sélectionnés et achetés, ils doivent être convenablement entreposés et distribués. Lorsqu’ils sont distribués par des prestataires publics, l’État doit gérer un certain nombre de questions logistiques, à savoir prévoir la demande, transférer les médicaments sur les lieux où l’on en a besoin, veiller à ce qu’ils soient entreposés dans des emballages appropriés en respectant les niveaux de température et d’humidité prescrits, et prévoir la destruction des médicaments périmés. Pour cela, les pays ont recours à différentes méthodes, consistant par exemple à distribuer des kits prédéfinis de médicaments selon un calendrier déterminé, avec des systèmes plus souples et plus complexes au moyen desquels les établissements de santé peuvent passer des commandes. Les vaccins posent des problèmes particuliers, notamment la gestion d’une chaîne du froid pour garantir que les vaccins soient maintenus à une température convenable jusqu’à leur utilisation. Lorsque les médicaments sont distribués par des pharmacies privées, le rôle des pouvoirs publics consiste à surveiller les canaux de distribution pour vérifier que les informations fournies avec le conditionnement sont exactes, que les moyens de stockage utilisés sont propres à maintenir la qualité des produits, et que les médicaments périmés sont détruits. Les étapes suivantes concernent la prescription et l’utilisation. Le bon médicament doit être prescrit en fonction de l’état du patient, lequel doit se conformer aux doses et à la durée de traitement qui lui ont été indiquées. D’après le DCP2, pas moins de la moitié des échecs des thérapies médicamenteuses sont dus au non-respect du traitement par le patient. Contrôler que le patient suit sa prescription participe de la qualité des services de santé. À cet égard, on constate de meilleurs résultats lorsque le système de santé tient compte des attitudes, du niveau d’instruction et de la culture du lieu, que les agents de santé s’adressent aux patients avec respect et dans un langage clair, et que la population reçoit aide et information. La seconde moitié des échecs enregistrés dans les thérapies médicamenteuses proviennent d’erreurs du personnel médical ou des pharmaciens. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la surprescription de médicaments est aussi courante dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, qui pourtant ne peuvent guère se permettre de gaspiller ce genre de produits, que dans les pays à revenu élevé. L’analyse de programmes de PCIME conduits dans différents pays a montré qu’améliorer la formation des agents de santé donnait des résultats identiques ou meilleurs que la moyenne, et que les coûts étaient souvent moins élevés parce qu’un agent mieux formé utilisait les médicaments de façon plus rationnelle et prescrivait moins de médicaments inutiles (encadré 6.4). Il s’avère aussi très souvent que les médecins qui délivrent des médicaments en prescrivent davantage que les médecins n’en délivrant pas, ce qui va dans le sens de la recommandation générale selon laquelle les actes de prescription et de délivrance doivent être séparés dans toute la mesure du possible. La surconsommation de médicaments contre les maladies infectieuses et l’inobservance des prescriptions peuvent toutes deux avoir des conséquences catastrophiques sur l’efficacité des soins, parce qu’elles accélèrent l’émergence de pathogènes résistants aux médicaments. Les antipaludéens les moins chers commencent déjà à devenir inefficaces, d’où la nécessité de faire appel aux ACT, plus onéreux. Des souches pharmacorésistantes de tuberculose sont déjà apparues, appelant le recours plus fréquent à des polythérapies et des traitements médicamenteux de seconde intention. Beaucoup d’infections dont la résistance augmente sont des maladies courantes dans les pays à revenu faible ou intermédiaire mais pas dans les pays à revenu élevé. De ce fait, la demande de recherche de nouveaux traitements pour remplacer les anciens est moins forte. Des mesures doivent être prises pour ralentir l’émergence de souches pharmacorésistantes, mesures qui améliorent simultanément la qualité des soins. L’établissement de prescriptions appropriées et l’observance des traitements améliorent les taux de guérison et limitent la propagation des infections. À cette fin, un ensemble de programmes de sensibilisation doivent être mis en place à l’intention des prestataires publics et privés et des dispensaires. Il faut également assurer un approvisionnement fiable en médicaments, réduire les obstacles financiers pour les ménages à faible revenu, et améliorer la communication avec les patients pour les amener à mieux observer les prescriptions. Enfin, il importe de mettre fin à l’ajout systématique d’agents antimicrobiens dans la nourriture des animaux, suivant les recommandations de l’OMS. « La surconsommation de médicaments contre les maladies infectieuses et l’inobservance des prescriptions … accélèrent l’émergence de souches résistantes aux médicaments. » INTÉGRATION DES SERVICES SUR LE CYCLE DE VIE Après avoir examiné les services de santé par niveau et fonction, le DCP2 donne des informations sur les actions menées pour intégrer la prise en charge tout au long des différentes étapes de la vie. Les nouveau-nés, les enfants, les adolescents, et les femmes en âge de procréer se caractérisent tous par des groupes de risques et de problèmes médicaux spécifiques qui demandent un ensemble approprié de mesures prophylactiques et théraLa mise en œuvre des interventions | 161 peutiques. Le chapitre 4 a abordé la question des affections maternelles et néonatales. La présente section s’intéresse à certains chapitres du DCP2 qui traitent de la prise en charge intégrée de classes d’âge particulières. Prise en charge intégrée des maladies de l’enfant (PCIME) « La prise en charge intégrée des maladies de l’enfant comprend trois composantes : améliorer le travail des agents de santé, améliorer les systèmes de santé, et améliorer les pratiques familiales et collectives. » Après la période néonatale, la majorité des décès chez les enfants de moins de cinq ans sont dus à des diarrhées, à des pneumonies, au paludisme et à d’autres maladies infectieuses, ainsi qu’à la malnutrition8. Compte tenu de la forte prévalence de la comorbidité et de l’existence d’interventions efficaces, des efforts ont été entrepris pour intégrer les actions sanitaires ciblées sur les enfants. L’initiative la plus remarquable dans ce domaine est le programme PCIME, lancé par l’OMS et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance au milieu des années 90 et mis en œuvre depuis lors dans une douzaine de pays. La prise en charge intégrée des maladies de l’enfant comprend trois composantes : améliorer le travail des agents de santé, améliorer les systèmes de santé, et améliorer les pratiques familiales et collectives. Pour la première, il s’agit de former les agents à utiliser un guide du traitement qui leur apprend à rechercher les signaux d’alerte, à évaluer l’état des patients de façon approfondie, puis à mettre en œuvre les interventions appropriées. La formation apprend également aux agents de santé à combiner les soins préventifs et curatifs, par exemple en vérifiant que les enfants qui viennent consulter pour une maladie respiratoire sont à jour de leurs vaccins et convenablement nourris. La deuxième composante concerne les améliorations à apporter au système de santé pour que l’approvisionnement en médicaments et l’encadrement soient satisfaisants, que le personnel bénéficie de formations, que les services d’orientation des patients fonctionnent, et que des systèmes d’information sanitaire soient en place. La troisième composante, à savoir l’amélioration des pratiques familiales et collectives, consiste à promouvoir de bonnes pratiques d’allaitement et une meilleure nutrition, et à expliquer à la population pourquoi il est important d’avoir une bonne hygiène, d’utiliser des moustiquaires audessus des lits, de faire boire les malades et d’aller consulter quand il le faut (figure 6.1). Les évaluations du programme PCIME montrent avant tout combien il est difficile de mettre en œuvre une stratégie intégrée de formation, de renforcement du système de santé et d’implication de la population, dans des pays handicapés par le manque de ressources et par des institutions publiques peu performantes. La plupart des pays qui ont officiellement 8 162 | Priorités en matière de santé Cette partie est basée sur le chapitre 63 du DCP2. Figure 6.1 Organisation de la prise en charge intégrée des maladies de l’enfant Établissement de soins ambulatoires Rechercher les signaux d’alerte • Convulsions • Léthargie ou inconscience • Incapacité de boire ou de donner le sein Évaluer les principaux symptômes • Toux ou difficulté à respirer • Diarrhée • Fièvre • Problèmes d’oreille Vérifier les vaccinations, évaluer l’état nutritionnel et les problèmes d’alimentation potentiels Rechercher les éventuels autres problèmes Classer les troubles et identifier les mesures à prendre en suivant les schémas de traitement repérés par des couleurs Rose Orientation urgente vers un établissement de recours Établissement de soins ambulatoires • Dispenser un traitement • Donner des instructions aux parents • Diriger l’enfant vers un établissement de recours Jaune Traitement dans l’établissement de soins ambulatoires Établissement de soins ambulatoires • Soigner les infections locales • Donner des médicaments par voie orale • Donner des instructions et des explications à la personne qui va soigner l’enfant • Suivi Rose Orientation urgente vers un établissement de recours Vert Prise en charge à domicile Domicile La personne s’occupant de l’enfant reçoit des instructions sur la manière de : • Donner des médicaments par voie orale • Soigner les infections locales à domicile • Continuer à alimenter le malade • Savoir quand revenir consulter d’urgence • Suivi Établissement de recours • Assurer le triage et le traitement des urgences • Diagnostic • Traitement • Surveillance et suivi Source : OMS, UNICEF 2001 (DCP2, chapitre 63, figure 63.1). La mise en œuvre des interventions | 163 « …[en] Tanzanie, … les districts qui ont mis en œuvre le programme PCIME ont amélioré la prise en charge des enfants et fait baisser la mortalité de 13 % en dépensant moins ou autant que les districts ayant adopté la PCIME ne l’ont pas complètement appliquée. Des trois composantes, c’est la formation des agents de santé qui a été la mieux appliquée. La Tanzanie fait partie des exemples les plus réussis : les districts qui ont mis en œuvre le programme PCIME ont amélioré la prise en charge des enfants et fait baisser la mortalité de 13 % en dépensant moins ou autant que les districts ayant appliqué les programmes de santé traditionnels (encadré 6.4). Toutefois, le potentiel de la prise en charge intégrée n’a pas pu être valorisé la plupart du temps, pour plusieurs raisons : le programme n’a pas bénéficié de ressources suffisantes, les systèmes de santé n’ont pas pu fournir le personnel et l’encadrement nécessaires, et aucun pays n’a vraiment réussi à infléchir le comportement des familles pour ce qui est de dispenser des soins aux malades à domicile, d’aller consulter au bon moment, et d’améliorer les pratiques alimentaires. appliqué les programmes de santé traditionnels. » Programmes de santé et de nutrition scolaires Les enfants scolarisés composent un autre sous-groupe bien défini dont les problèmes de santé peuvent être regroupés autour d’un nombre gérable de Encadré 6.4 Améliorer l’utilisation des antimicrobiens dans le cadre de la PCIME Les médicaments antimicrobiens, notamment les antibiotiques et les antipaludéens, sont indispensables à la survie de millions d’enfants. En administrant rapidement à un enfant de moins de cinq ans un médicament adapté à son état, on peut lui sauver la vie. Pour ralentir l’apparition de pharmacorésistances, il importe de veiller à ce que ces médicaments ne soient pas prescrits sans nécessité, et que les patients qui les reçoivent suivent leur traitement jusqu’au bout. D’après les données d’études d’observation réalisées dans des établissements de santé primaires sélectionnés de façon aléatoire au Brésil, en Ouganda et en Tanzanie, les enfants soignés par des agents de santé formés à la PCIME ont, par rapport aux enfants soignés par des agents n’ayant pas encore reçu de formation à la PCIME, beaucoup plus de chances de recevoir des prescriptions appropriées d’antimicrobiens et de recevoir la première dose de médicament avant de quitter l’établissement de santé, et les personnes qui s’occupent d’eux à la maison ont beaucoup plus de chances d’avoir reçu des recommandations sur la manière d’administrer le médicament et d’être capable, au moment de quitter l’établissement de santé, de décrire correctement la manière dont le médicament devra être donné à la maison. La formation à la PCIME est une intervention efficace pour améliorer l’usage rationnel des médicaments antimicrobiens pour les enfants malades amenés en consultation dans des centres de santé primaires, dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Source : DCP2, chapitre 63, encadré 63.2. 164 | Priorités en matière de santé maladies et de facteurs de risque9. Leur présence dans un établissement scolaire permet de les toucher à l’intérieur d’une infrastructure préexistante. En outre, il y a plus d’enseignants que d’infirmiers dans la plupart des pays à revenu faible ou intermédiaire. Le coût marginal par enfant des interventions sanitaires en milieu scolaire est donc exceptionnellement bas, à moins de 1 dollar par an pour le programme d’action le plus simple. Organiser des interventions sanitaires ciblées sur les enfants scolarisés peut donc être une solution intéressante sur le plan du rapport coût-efficacité. Les programmes de santé scolaires complètent également la mission éducative de l’école dans la mesure où il faut être en bonne santé et bien se nourrir pour pouvoir bien apprendre. Ainsi, des campagnes de vermifugation menées dans les écoles ont permis d’améliorer l’assiduité et les résultats scolaires des élèves. En même temps, l’éducation est une composante importante de nombreux programmes de santé préventifs, visant par exemple à sensibiliser les enfants à l’importance de l’hygiène, à la sécurité routière, à l’intérêt des moustiquaires, et à la nutrition, et à leur transmettre certains messages sur la sexualité et les risques sanitaires associés. Il s’agit ici de limiter le recours à un diagnostic clinique. Alors que la pratique médicale traditionnelle est axée sur le traitement après diagnostic, cette démarche considère que, sur le plan technique et économique et du point de vue de l’équité, il est souvent préférable de fournir massivement certains services, par exemple vermifuger et apporter une supplémentation en micronutriments, que de procéder à des examens diagnostiques. « Alors que la pratique médicale traditionnelle est axée sur le traitement après diagnostic, …sur le plan technique et économique et du point de vue de l’équité, il est souvent préférable de fournir massivement certains services, par exemple vermifuger et apporter une supplémentation en micronutriments… » Adolescents et jeunes adultes Les taux de mortalité chez les adolescents sont habituellement faibles par rapport aux autres classes d’âge. La charge de morbidité est associée pour l’essentiel à la dépression, aux traumatismes causés par les accidents de la route, et aux chutes. Néanmoins, l’adolescence est une période charnière pour ce qui est d’adopter ou d’éviter certains comportements qui augmentent le risque ultérieur de maladies. Les facteurs de risque qui apparaissent souvent à l’adolescence sont notamment le tabagisme, la consommation excessive d’alcool, les mauvaises habitudes alimentaires, le fait d’être victime d’abus sexuels, et les rapports sexuels non protégés. En Afrique subsaharienne, il est particulièrement important d’intervenir sur cette classe d’âge du fait de l’épidémie de VIH/SIDA qui y sévit. Dans cette région, 63 % des AVCI pour les jeunes femmes âgées de 15 à 29 ans sont liées à des maladies sexuelles et des problèmes de santé génésique. « Les facteurs de risque qui apparaissent souvent à l’adolescence sont notamment le tabagisme, la consommation excessive d’alcool, les mauvaises habitudes alimentaires, le fait d’être victime d’abus sexuels, et les rapports 9 Cette partie est basée sur le chapitre 58 du DCP2. sexuels non protégés. » La mise en œuvre des interventions | 165 « Les interventions ciblées sur les adolescents sont souvent problématiques... Il s’agit de modifier des comportements à risque parfois encouragés par la tradition ou au contraire par les mœurs modernes. » 166 | Priorités en matière de santé Les mariages précoces avec des hommes plus âgés et les rapports sexuels non protégés augmentent beaucoup la probabilité pour une jeune fille de contracter le VIH/SIDA et d’autres infections sexuellement transmissibles. Les interventions ciblées sur les adolescents sont souvent problématiques, parce que la plupart des risques à cet âge ne sont pas faciles à réduire par des soins préventifs ou curatifs. Il s’agit de modifier des comportements à risque parfois encouragés par la tradition ou au contraire par les mœurs modernes. En règle générale, l’objectif doit être d’informer et rendre les jeunes capables de prendre de bonnes décisions, leur fournir un ensemble de services de santé pour les aider à prendre ces décisions, par exemple des moyens contraceptifs, et mettre en place un environnement social, juridique et réglementaire qui, d’une part, encourage les jeunes à ne pas adopter des comportements néfastes pour leur santé et, d’autre part, qui les protège contre certains dangers, par exemple en interdisant la publicité pour le tabac. Il existe relativement peu de programmes ciblés sur les adolescents et les jeunes adultes qui aient été mis en œuvre sur une grande échelle. Les interventions les plus courantes portent sur l’hygiène sexuelle et la santé génésique, et notamment sur la prévention du VIH/SIDA. Parmi ces programmes, une majorité ont été appliqués en milieu scolaire. Les programmes de sensibilisation des adolescents à la nutrition, aux problèmes de santé mentale et aux méfaits du tabac se rencontrent plus fréquemment dans les pays à revenu élevé. Les services sont souvent répartis entre plusieurs programmes. Par exemple, un programme de planning familial géré par une ONG traitera de la grossesse des adolescentes, tandis que le ministère des Transports s’efforcera d’améliorer la sécurité routière et que la nutrition sera abordée dans le cadre d’une intervention ciblée sur la santé maternelle. À l’heure actuelle, il existe assez peu de données sur le rapport coût-efficacité des programmes de santé nationaux à l’intention des adolescents et des jeunes adultes. Au Bangladesh, le Newlyweds Program a encouragé les jeunes mariés à diminuer leur fertilité. La Nouvelle-Zélande a mis en place un programme de prévention du suicide chez les adolescents. La Mongolie a introduit des cours d’éducation sexuelle à partir de la troisième année d’école pour faire face à l’augmentation des MST, attribuée à une sexualité précoce, à la violence sexuelle et aux messages sexistes diffusés dans les médias. En Afrique du Sud, l’initiative Love Life a sensibilisé les jeunes de 12 à 17 ans à l’importance de l’hygiène sexuelle et d’une bonne hygiène de vie, avec un certain succès puisque les évaluations réalisées ont montré que les jeunes étaient mieux informés des risques pour la santé, commençaient leur vie sexuelle plus tard, avaient moins de partenaires, montraient une plus grande volonté d’utiliser des préservatifs, et communiquaient davantage avec leurs parents sur les questions sexuelles. Ce type de programmes nécessite de coordonner un ensemble complexe d’interventions. Par ailleurs, les solutions préconisées pour lutter contre les comportements à risque qui sont visés peuvent être en contradiction avec les objectifs poursuivis par les pouvoirs publics et avec les opinions de leaders religieux, des parents ou des enseignants. Pour aborder cette classe d’âge de façon intégrée, on retiendra quelques principes essentiels : impliquer les jeunes dans le processus d’élaboration des programmes, les faire participer en tant qu’éducateurs, rendre les services de santé attrayants et accueillants, et prendre en compte les inégalités entre les sexes. En résumé, les interventions sanitaires offrent un meilleur rapport coût-efficacité lorsqu’elles sont assurées par un système de santé qui fonctionne bien, et ne sont d’aucune utilité quand elles ne sont pas mises en œuvre correctement. Dans ce chapitre, nous avons passé en revue quelques-uns des problèmes qui se posent pour organiser des services de santé par niveau, par fonction ou pour répondre aux besoins d’une classe d’âge particulière. D’une manière générale, le DCP2 montre que les différentes composantes du système de santé fonctionnent mieux quand elles sont interconnectées et à même de fournir un spectre complet de soins dans les lieux appropriés et avec le personnel qui convient. Pour cela, il faut des dispositifs pour générer et échanger des informations, gérer la qualité et le personnel, mobiliser des fonds et les affecter correctement. La mise en œuvre des interventions | 167 Chapitre 7 Les piliers du système de santé Un système de santé est plus qu’un ensemble d’installations et de consultations médicales. C’est une structure à l’intérieur de laquelle des personnes, des institutions et des organisations travaillent en interaction pour mobiliser et affecter des ressources en vue de prévenir et soigner des maladies et des traumatismes. Pour que cette structure puisse fonctionner, elle doit s’appuyer sur un certain nombre de piliers, allant d’une fonction publique bien gérée à un vaste système de communications. Le présent chapitre s’intéresse à quatre de ces piliers : l’information, la gestion, les ressources humaines et le financement. INFORMATION, SURVEILLANCE ET RECHERCHE On n’insistera jamais assez sur l’importance du travail de collecte, de traitement et d’exploitation des données pour faire progresser la santé1. Ainsi qu’il a été noté au chapitre 1, une grande part des avancées qui ont permis de prolonger la vie et améliorer sa qualité sont dues au progrès technique, et notamment à une meilleure compréhension des maladies et des moyens d’y faire face de façon efficace sur le plan économique. Si, comme on peut le penser, la génération et l’application des informations et du savoir peuvent être facilités et devenir plus systématiques, il devrait être possible d’accélérer l’amélioration de la santé humaine et l’élimination des inégalités en matière de santé. Information et surveillance Dans le secteur de la santé, les décideurs — qu’il s’agisse d’agents de santé dans les petits centres médicaux, de gestionnaires dans les grands hôpi1 Cette partie est basée sur les chapitres 4, 5, 6, 53 et 54 du DCP2. 169 « …moins de la moitié des naissances et un tiers seulement des décès sont consignés dans les registres nationaux d’état civil. » « Les statistiques des services de santé sont indispensables pour gérer les services de santé publique, repérer les tendances en matière de santé et affecter au mieux les ressources. » 170 | Priorités en matière de santé taux, de directeurs de la sécurité des médicaments, de responsables politiques locaux ou de ministres de la Santé — se posent un certain nombre de questions dont il faut partir pour analyser les besoins en matière d’information. Ces questions sont, par exemple : la recrudescence récente des cas de grippe est-elle le début d’une nouvelle épidémie ? Est-ce que 90 % des enfants de moins de cinq ans du pays sont couverts par les vaccins recommandés ? Quelles seront les principales causes de décès probables dans les 10 à 20 prochaines années ? Quels comportements sociaux contribuent le plus à la propagation des MST ? Où vont les dépenses publiques affectées à la santé ? Quelles sont les interventions qui permettent de lutter efficacement contre telle ou telle maladie ? Existe-t-il des méthodes plus efficaces par rapport aux coûts ? Les informations nécessaires pour répondre à ces questions proviennent généralement des six principales sources suivantes : • Les registres d’état civil fournissent des données sur les naissances et les décès, ainsi que sur les mariages, les divorces et les migrations. Les informations sur les naissances, les décès et les migrations sont particulièrement importantes pour pouvoir analyser correctement les politiques de santé : sans elles, il est impossible de suivre l’évolution de la population et de calculer des indicateurs élémentaires tels que les taux d’incidence d’une maladie. Toutefois, l’enregistrement de ces données de base est incomplet dans la plupart des pays : moins de la moitié des naissances et un tiers seulement des décès sont consignés dans les registres nationaux d’état civil. • Les statistiques des services de santé comprennent des informations sur les consultations des patients, les services fournis et les diagnostics. Les établissements de santé récoltent une grande partie de ces informations pour un usage local, mais elles sont rarement collectées sous une forme normalisée ou transmises à une base de données nationale. Les statistiques des services de santé sont indispen-sables pour gérer les services de santé publique, repérer les tendances en matière de santé et affecter au mieux les ressources. • La surveillance de la santé publique comprend un vaste éventail d’activités destinées à suivre l’évolution des maladies et y réagir. Elle fait souvent intervenir l’établissement d’une liste de maladies que les prestataires de soins de santé doivent obligatoirement déclarer aux autorités nationales. Il s’agit en général de maladies infectieuses qui peuvent être rares mais exigent une réaction immédiate. Un autre type de surveillance, appelé surveillance sentinelle, utilise des échantillons de prestataires de soins ou des établissements de santé qui acceptent de notifier tous les cas d’une maladie donnée. Bien qu’intéressante pour les grands programmes de santé publique, la surveillance sentinelle ne permet pas de détecter des menaces sanitaires rares ou nouvelles. La surveillance peut se fonder sur des prestataires de soins rapportant les cas observés avec des symptômes particuliers, ou sur des analyses de laboratoire correspondant à des diagnostics donnés. En règle générale, la surveillance fonctionne mieux lorsque de nombreuses sources sont intégrées dans un système incluant la détection, le suivi, l’analyse et la réaction. • Les données des recensements, lorsqu’elles sont fiables et collectées régulièrement, permettent de calculer des taux importants et de constituer des échantillons valides. • Les enquêtes auprès des ménages représentent un bon moyen d’obtenir des informations sur la démographie, les caractéristiques sociales et la dynamique de population à intervalles réguliers entre les recensements. Elles peuvent également être élargies pour collecter des informations importantes sur certains comportements ou problèmes de santé particuliers. • Le suivi des ressources consiste à mesurer et gérer les ressources humaines, les installations, les produits et les finances. Il repose sur un ensemble de méthodes de communication d’informations et d’activités de collecte de données. Les informations sur les professionnels de santé correspondent aux emplois occupés dans le secteur de la santé publique, mais doivent souvent inclure également les activités des professionnels de santé ayant une pratique privée. De la même façon, les flux financiers injectés dans le système de santé doivent prendre en compte non seulement les informations sur les budgets publics mais aussi les dépenses de santé privées, notamment l’argent utilisé par les ménages pour payer les consultations et les médicaments, les primes d’assurance maladie et les dépenses de recherche et développement du secteur pharmaceutique. Quelle que soit la manière dont les données sont collectées, il est important qu’elles le soient au moment opportun et à des intervalles de temps appropriés. La surveillance des flambées d’épidémies infectieuses doit être rapide et constante afin que l’alerte puisse être donnée à temps. En revanche, la surveillance des facteurs de risque comportementaux peut nécessiter des intervalles de temps plus longs. Lorsqu’on cherche à mettre en place un système d’information sanitaire, il est tentant de vouloir obtenir des données très détaillées sur la situation sanitaire et les services de santé dans tous les sites existants, mais cela ne permet pas forcément d’obtenir des données fiables et faciles à analyser. En choisissant un échantillon de sites sûrs du point de vue de l’exactitude et de l’exhaustivité des données, on obtient souvent des infor- « La surveillance des flambées d’épidémies infectieuses doit être rapide et constante …, [alors que] la surveillance des facteurs de risque comportementaux peut nécessiter des intervalles de temps plus longs. » Les piliers du système de santé | 171 mations de meilleure qualité qu’en visant l’universalité sans que l’organisation suive. Sous réserve que les sites aient été choisis par une méthode d’échantillonnage adaptée, les informations qu’ils fournissent permettront de réaliser des extrapolations valides pour l’ensemble de la population. Beaucoup de pays ont ainsi commencé à améliorer leurs systèmes d’enregistrement des faits d’état civil en se concentrant sur un échantillon de districts présélectionnés, dans le but de fournir des données de bonne qualité utilisables pour effectuer des analyses et prendre des décisions au niveau national, tout en travaillant à étendre et améliorer l’enregistrement des faits d’état civil dans d’autres districts afin que le système, à terme, devienne universel. La normalisation est aussi un moyen d’améliorer l’utilité du travail de collecte de données. Fixer des normes communes facilite la consignation, la communication et l’analyse des informations. Cela permet également de rationaliser les formations et le développement des matériels et des logiciels. Aux États-Unis par exemple, l’U.S. Centers for Disease Control and Prevention a élaboré des normes relatives à la communication automatique des résultats d’analyses de laboratoire pour les maladies à déclaration obligatoire, et a diffusé des logiciels les utilisant, qui sont employés dans un grand nombre de pays. Ce type d’initiative a davantage de chances d’aboutir lorsque les normes sont mises au point de façon ouverte, et que les autres pays et les agences internationales sont encouragés à la fois à les améliorer et à favoriser leur adoption. L’évolution de la technologie redéfinit et élargit la manière dont les informations sont collectées, stockées et traitées. Ainsi, il existe aujourd’hui des techniques plus économiques, plus rapides et plus simples pour obtenir et analyser des échantillons de tissus, qui permettent de diagnostiquer des maladies et de collecter des données épidémiologiques dans un ensemble de lieux et de situations beaucoup plus large que ce qui était possible auparavant, et les nouvelles technologies de communication permettent de transmettre rapidement des données très récentes, à condition que le matériel et le personnel soient capables de les utiliser correctement. Le DCP2 affirme que les principaux obstacles à l’amélioration des systèmes d’information dans les pays à revenu faible ou intermédiaire tiennent moins aux technologies qu’aux investissements nécessaires pour assurer la formation et la coordination du personnel. Les compétences requises pour faire fonctionner et exploiter un système d’information sanitaire performant ne se limitent pas à savoir concevoir une étude, construire des échantillons et utiliser le matériel et le logiciel : il faut également des compétences en gestion, en recherche médicale et en épidémiologie de terrain, et des connaissances dans des domaines comme l’économie et la sociologie. Les initiatives internationales peu172 | Priorités en matière de santé vent contribuer à développer ces compétences. L’U.S. Centers for Disease Control and Prevention et l’OMS coordonnent ainsi un programme de formation d’épidémiologistes de terrain dans plus de 30 pays. En matière de la lutte contre les maladies, certains exemples témoignent de l’importance d’avoir des professionnels qualifiés et une bonne communication. L’épidémie de SRAS (syndromes respiratoires aigus sévères) s’est déclarée en Chine en novembre 2002 et s’est propagée au Canada, à HongKong (Chine), au Viet Nam, à Singapour et à d’autres pays en l’espace de cinq mois. Pour arriver à enrayer cette première nouvelle pandémie du XXIe siècle, il fallait à la fois une collaboration pleine et entière entre scientifiques et responsables politiques de nombreux pays, et la transmission rapide et fiable des données de surveillance au niveau national et entre les pays. La pandémie mondiale a pris fin en juillet 2003 après plus de 8 000 patients atteints dans 26 pays et 5 continents, et 774 décès confirmés. Si l’épidémie de SRAS — maladie que l’on ne sait pas encore guérir ni prévenir par un vaccin — a pu être maîtrisée, c’est grâce aux efforts structurés de professionnels de santé compétents et dévoués ayant accès à des moyens de communication efficaces (pour plus de détails, voir le chapitre 53 du DCP2). Pour être utiles, les informations sanitaires doivent être intégrées d’une manière qui facilite l’analyse et qui déclenche des réponses et des actions. Par exemple, le Bureau régional pour l’Afrique de l’OMS travaille avec un certain nombre de pays pour relier les données épidémiologiques et de laboratoire au processus décisionnel, dans le cadre d’une stratégie intégrée de surveillance épidémiologique qui a permis de contrer la menace de la fièvre Ebola en Ouganda (encadré 7.1). Aux Philippines, le système de surveillance détecte régulièrement des flambées épidémiques, notamment de choléra et de typhoïde (encadré 7.2). Plus récemment, la grippe aviaire de type A H5N1 en Asie du Sud-Est est suivie de très près par plusieurs pays et l’OMS, et des plans sont en cours d'élaboration pour éviter la survenue d'une nouvelle pandémie en cas de contamination inter-humaine. Enfin, il faut de l’argent pour mettre en place et faire fonctionner les systèmes d’information sanitaire. Un système d’information complet et performant peut coûter seulement 3 dollars par habitant dans certains pays, mais c’est souvent déjà trop cher pour un pays à faible revenu dont la totalité du budget de la santé publique est du même ordre de grandeur (tableau 7.1). Heureusement, un grand nombre de programmes internationaux sont conscients de ce problème et financent des activités en rapport avec l’information sanitaire à travers leurs prêts et leurs dons. L’information sanitaire est également intéressante pour améliorer l’efficacité des services de santé. Une étude réalisée au Mali en milieu rural a « Si l’épidémie de SRAS — maladie que l’on ne sait pas encore guérir ni prévenir par un vaccin — a pu être maîtrisée, c’est grâce aux efforts structurés de professionnels de santé compétents et dévoués ayant accès à des moyens de communication efficaces… » « Un système d’information complet et performant peut coûter seulement 3 dollars par habitant … » Les piliers du système de santé | 173 Encadré 7.1 Une épidémie de fièvre Ebola enrayée en Ouganda En octobre 2000, un début d’épidémie de fièvre hémorragique Ebola a été repéré dans le district de Gulu, dans le nord de l’Ouganda. L’épidémie a pu être enrayée grâce au signalement et à la reconnaissance rapides du problème, suivis d’une réaction adaptée. La surveillance de la santé publique était difficile à assurer, d’une part parce que Gulu était une zone politiquement instable, et d’autre part parce que, devant une infection, la population réagissait en allant voir des guérisseurs traditionnels ou en fuyant, ce qui ne faisait que propager davantage l’épidémie. Les hôpitaux manquaient aussi désespérément de matériel face à une multitude de patients infectés en même temps. Le Gouvernement ougandais a mobilisé l’armée pour aider à repérer les cas, et sollicité l’aide de l’OMS, de l’U.S. Centers for Disease Control and Prevention, et d’autres équipes internationales. Les agents de santé ougandais ont soigné les malades en prenant des risques pour euxmêmes. Avec 425 cas identifiés, il s’agit de l’épidémie de fièvre Ebola la plus importante jamais enregistrée. Seulement 53 % des patients sont morts, un chiffre très inférieur aux 88 % de décès lors des épidémies précédentes. Le succès de l’intervention témoigne des investissements consentis par le ministère ougandais de la Santé pour former un corps d’agents de santé compétents et motivés grâce à son partenariat dynamique Public Health School Without Walls, qui associe l’université Makerere, la Fondation Rockefeller, le U.S. Centers for Disease Control and Prevention, et l’OMS. Il a aussi été rendu possible par la mise en œuvre réussie d’une stratégie intégrée de surveillance épidémiologique.. Source : Adapté du chapitre 53 du DCP2. Encadré 7.2 Le système national philippin de surveillance épidémiologique Vers la fin des années 80, le système informatique de gestion intégrée du ministère philippin de la Santé détectait moins d’une épidémie par an sur une population de plus de 60 millions d’habitants. En 1989, le ministère a élaboré un système national de surveillance épidémiologique sous la forme d’un dispositif de surveillance sentinelle relayé par les hôpitaux, englobant à la fois les flux de données et le personnel nécessaires pour que le système de surveillance fonctionne correctement. Après les résultats prometteurs de l’étude pilote, le ministère a créé des postes et une structure d’encadrement pour des médecins, des infirmiers et des employés administratifs chargés de la surveillance sentinelle dans des unités régionales d’épidémiologie et de surveillance (RESU) intégrées au système de santé publique. Pour la seule année 1995, le système a détecté et analysé officiellement quelque 80 épidémies, dont 25 poussées de typhoïde et 5 de choléra confirmées par des analyses bactériologiques. Lorsque les Philippines ont mis en place une surveillance de la sérologie VIH et des risques comportementaux associés, les personnels des RESU ont réalisé des enquêtes dans leurs communautés. En intégrant les fonctions de surveillance selon les compétences des personnels, le ministère de la Santé a évité la juxtaposition de plusieurs systèmes verticaux, souvent synonyme de travail en double, de gaspillage des ressources et de problèmes de viabilité (White et McDonnell 2000). Source : DCP2, chapitre 53, p. 1004 174 | Priorités en matière de santé montré par exemple que le coût des programmes de vaccination des enfants dans les zones couvertes par des systèmes d’information locaux s’élevait à seulement 1,47 dollar par enfant, contre 2,79 dollars par enfant dans les zones non couvertes. De même, dans la province sud-africaine du Cap-Oriental, l’amélioration de la gestion et du suivi des médicaments a diminué de 39 % le nombre de ruptures de stock de médicaments essentiels ; des milliers de patients ont ainsi pu bénéficier d’un meilleur traitement en ayant accès aux médicaments dont ils avaient besoin. Le Programme tanzanien d’interventions essentielles en santé publique (TEHIP) vient démontrer le bon rapport coût-efficacité des systèmes d’information sanitaire. Ce programme a appris aux agents de santé et aux responsables de la santé publique à utiliser des informations pour définir les priorités et mieux gérer les interventions déjà en place (encadré 7.3). Le coût du programme s’est élevé à environ 0,80 dollar par personne dans les districts où il a été mis en œuvre. Si l’on regarde uniquement la baisse consécutive de la mortalité chez les enfants de moins de cinq ans, le programme a coûté 68,50 dollars par AVCI gagnée. Toutefois, le rapport « …au Mali … le coût des programmes de vaccination des enfants dans les zones [rurales] couvertes par des systèmes d’information locaux s’élevait à seulement 1,47 dollar par enfant, contre 2,79 dollars par enfant dans les zones ne disposant pas de ce type de systèmes. » Tableau 7.1 Coût des sous-systèmes indispensables à un système d’information sanitaire Coût total (USD millions) Sous-systèmes du système d’information sanitaire Coût par habitant (USD) Pays à faible revenu Pays à revenu élevé Pays à faible revenu Pays à revenu élevé 4,8 25,9 0,16 1,66 0 0 0 0 Recensements 7,5 30,0 0,25 1,0 Enquêtes auprès des ménages 0,6 1,0 0,02 0,03 Registres d’état civil 1,5 6,0 0,05 0,20 Suivi des ressources 1,5 3,0 0,05 0,10 15,9 65,9 0,53 2,99 Statistiques des services de santé Surveillance de la santé publique (incluse dans les statistiques des services de santé) Total Source : DCP2, chapitre 54, p. 1024 Note : Ce tableau est basé sur une population de 30 millions d’habitants. Le coût des enquêtes auprès des ménages est fondé sur les enquêtes démographiques et de santé des années 2001-2003 (Macro International, communications personnelles). Les coûts varient selon la taille de l’échantillon et la longueur de l’instrument d’enquête ; Macro International évalue le coût moyen à 100 dollars par personne participant à l’enquête. L’hypothèse est de 6 000 participants pour un pays à faible revenu, et de 10 000 participants pour un pays à revenu élevé. Le coût estimé de l’enregistrement des faits d’état civil est basé sur des sites de surveillance démographique. Dans les pays à revenu élevé, le coût annuel est supposé être quatre fois plus cher. Le coût du suivi des ressources est basé sur les comptes nationaux de la santé (Abt Associates, communications personnelles) et sur le système égyptien de suivi des dépenses budgétaires. Le coût des ressources humaines et celui des produits sont considérés être du même ordre. Les piliers du système de santé | 175 coût-efficacité était probablement supérieur du fait des améliorations de l’état de santé des adultes et de la baisse générale de la morbidité qu’il a entraînées. Recherche et développement Si l’on veut que les systèmes d’information sanitaire influencent les choix cliniques, la gestion du système de santé et la politique publique, ils doivent être utiles aux décideurs. Mais ils doivent également fournir des informations et générer des questions pour la recherche fondamentale qui permet de mieux comprendre les maladies, d’améliorer les techniques de prévention, de diagnostic et de traitement, et d’améliorer les méthodes de prestation et d’organisation des services de soins de santé. La recherche en santé est une affaire mondiale. Les États sont de plus en plus conscients que leurs propres efforts de recherche en santé ont tout à gagner d’une collaboration plus étroite avec les chercheurs d’autres pays, d’études menées sur plusieurs sites, d’un travail d’équipe et de formations communes. Cinq chapitres du DCP2 sont consacrés au fait que la science, la mise au point de nouveaux produits et la capacité d’analyse sont essentielles au progrès économique et social. Le DCP2 estime qu’il n’est pas judicieux de considérer la recherche comme une activité nationale ou locale, et qu’il convient au contraire de créer un système mondial de recherche en matière de santé, avec un programme d’action international. Encadré 7.3 Le programme tanzanien d’interventions essentielles en santé publique Le TEHIP est un partenariat entre le ministère tanzanien de la Santé et le Centre de recherches pour le développement international du Canada. Le projet a été mis en place pour examiner la faisabilité d’une méthode de planification sanitaire à l’échelon des districts, basée sur des données factuelles. Mettant à l’épreuve le postulat du Rapport sur le développement dans le monde 1993 : Investir dans la santé publié par la Banque mondiale (1993), le TEHIP a permis à des responsables de la planification sanitaire de deux des 117 districts de la Tanzanie, de recueillir et utiliser des données sur la charge de morbidité et le rapport coût-efficacité des interventions pour optimiser l’emploi fait des investissements nationaux dans la santé. Ce travail a notamment nécessité de collecter des données par du porte-à-porte et de former ou apporter une aide technique aux responsables afin de leur permettre d’analyser et d’exploiter les données pour prendre des décisions. Les districts couverts par le TEHIP ont affecté des services aux maladies à forte prévalence, ce qui a eu pour effet de tripler les taux d’utilisation des centres médicaux et d’améliorer l’efficacité des traitements. Pour une augmentation des dépenses de seulement 0,80 dollar par habitant, les gestionnaires de santé de district ont obtenu une réduction de 47 % des taux de mortalité infantile. Source : DCP2, chapitre 54. 176 | Priorités en matière de santé Le DCP2 identifie plusieurs domaines de recherche future qui nécessitent un large éventail d’outils, de l’épidémiologie de terrain à la génomique, et des sciences comportementales à la biochimie. Les programmes de recherche évoqués tout au long du DCP2 et résumés au chapitre 5 comprennent des domaines faisant déjà partie des priorités internationales actuelles, et des sujets prometteurs qui devraient leur être ajoutés. Les maladies infectieuses figurent au premier rang des priorités à l’ordre du jour à l’échelle mondiale. Un grand nombre de programmes de recherche concernent le VIH/SIDA, le paludisme et la tuberculose. La recherche porte sur l’épidémiologie et les facteurs de risque associés à ces maladies, ainsi que sur la mise au point de moyens diagnostiques, de vaccins et de traitements nouveaux ou meilleurs. Elle s’intéresse également aux programmes de modification des comportements et de conseil, et à la meilleure façon de mettre des interventions efficaces à la disposition des pays à faible revenu et dont les institutions sont peu développées. L’absence d’évolution sensible des priorités de la recherche sur ces maladies montre combien celles-ci sont complexes et omniprésentes dans les pays les plus pauvres. La recherche fondamentale sur les maladies infectieuses existantes et sur leur mode d’évolution est également nécessaire pour se préparer et savoir réagir face à des maladies infectieuses émergentes. Depuis 1970, 32 nouvelles maladies infectieuses ont été recensées, parmi lesquelles l’hépatite C, la maladie du légionnaire, la fièvre Ebola, le virus Nipah, le SRAS, et des souches particulières de la grippe aviaire et du choléra. Par ailleurs, des inquiétudes sont apparues quant à l’usage possible de maladies infectieuses à des fins terroristes ou hostiles. Outre les maladies infectieuses, un autre pan important du programme de recherche mondial concerne les affections maternelles et néonatales, qui nécessitent de se pencher sur l’offre de services de santé élémentaires. La recherche sur le financement, la mise à disposition, la gestion et l’exécution des services de santé est indispensable si l’on veut pouvoir proposer des interventions efficaces sur le plan économique. En l’absence de progrès dans ce domaine, il sera impossible d’atteindre les objectifs fixés en matière de santé au niveau international, par exemple les ODM portant sur la réduction de la mortalité maternelle et infantile. Pour ce qui est des grands problèmes sanitaires des pays en développement qui ne comptent pas encore dans les priorités du programme de recherche mondial, le DCP2 tire la sonnette d’alarme sur les MCV, les troubles neuropsychiatriques, l’obésité, le diabète et les cancers, qui pèsent déjà lourdement et de plus en plus dans la charge de morbidité des régions en développement. Le DCP2 identifie plusieurs axes de recherche prioritaires concernant ces affections : mieux comprendre les causes des mala- « Depuis 1970, 32 nouvelles maladies infectieuses ont été recensées… » « La recherche sur le financement, la mise à disposition, la gestion et l’exécution des services de santé est indispensable si l’on veut pouvoir proposer des interventions efficaces sur le plan économique. » Les piliers du système de santé | 177 « …beaucoup d’interventions ayant permis de lutter avec succès contre des maladies non transmissibles dans les pays à revenu élevé s’avèrent transposables dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, mais ce transfert de savoir est compliqué par des différences sur le plan de la culture, des ressources et des institutions. » 178 | Priorités en matière de santé dies non transmissibles, en particulier les effets du régime alimentaire, du mode de vie, de l’obésité, et de la consommation de tabac et d’alcool, savoir transférer dans un autre contexte des interventions qui se sont révélées efficaces ailleurs, et trouver de nouvelles méthodes pour prendre en charge des maladies chroniques comme le diabète et la dépression, d’une manière qui améliore la qualité de vie des patients et qui empêche ou atténue l’aggravation de leur état de santé. Plus on dispose de connaissances fondamentales sur les maladies et les interventions sanitaires, mieux on sait adapter à des environnements différents des programmes et des mesures qui ont donné de bons résultats ailleurs. Ainsi, beaucoup d’interventions ayant permis de lutter avec succès contre des maladies non transmissibles dans les pays à revenu élevé s’avèrent transposables dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, mais ce transfert de savoir est compliqué par des différences sur le plan de la culture, des ressources et des institutions. La recherche peut remédier au problème et permettre ainsi à d’autres pays de bénéficier de ces interventions. Enfin, les systèmes de santé eux-mêmes constituent un sujet de recherche important. On peut par exemple réduire le gaspillage et améliorer la santé en trouvant les arrangements institutionnels les plus aptes à dégager des ressources pour des interventions sanitaires utiles. La recherche peut identifier des moyens plus efficaces pour former et motiver les agents de santé et pour élaborer des politiques susceptibles de retenir le personnel hautement qualifié. Elle peut également évaluer différentes manières de mobiliser et affecter les ressources financières publiques à la santé, et apporter une meilleure compréhension des mécanismes d’incitation propres à encourager ou décourager l’innovation médicale. Dans son tour d’horizon des problèmes de santé mondiaux, le DCP2 signale une convergence croissante de certains problèmes de santé entre pays riches et pauvres. Une partie de cette convergence est due au phénomène général de mondialisation, et notamment à la rapidité des déplacements et des échanges commerciaux qui fait qu’une flambée d’épidémie infectieuse peut se propager ailleurs en très peu de temps. Mais elle s’explique aussi par la charge de morbidité imputable aux maladies non transmissibles et aux blessures, qui est forte de part et d’autre. Les bénéfices tirés de la recherche sur ces problèmes de santé ne peuvent être confinés par des frontières artificielles, et les observations faites dans les pays pauvres présentent autant d’intérêt que celles faites dans les pays plus riches. Pour que cette vision mondiale de la recherche en santé progresse, il importe d’encourager et soutenir les capacités scientifiques dans tous les pays, d’échanger et développer les savoirs en utilisant les technologies et les institutions par des voies nouvelles, de fixer des priorités mondiales afin d’orienter les investissements dans le recherche et le développement, et de défendre la liberté de l’investigation scientifique (encadré 7.4). GESTION DES SERVICES DE SANTÉ Bien que les pays cherchent avant tout à augmenter la quantité des soins dispensés — par exemple, le nombre de vaccinations ou de consultations, ou les taux de couverture — les services de santé peuvent être inutiles, générer des gaspillages, voire même avoir des effets négatifs s’ils ne conviennent pas à l’affection ciblée ou ne correspondent pas au meilleur savoir médical2. Se préoccuper de la qualité des soins n’est donc pas un luxe que seuls les pays à revenu élevé peuvent se permettre, mais constitue un autre pilier du système de santé qui a un impact très fort sur le rapport coût-efficacité et l’équité des interventions. De fait, la qualité de la prise en charge est un élément déterminant du progrès technique intangible qui est à l’origine de tant d’améliorations enregistrées dans le secteur de la santé au cours des 50 dernières années. Même avec peu de moyens, il est possible d’améliorer la qualité. La qualité des soins laisse à désirer dans beaucoup de systèmes de santé, qu’il s’agisse de pays à revenu faible, intermédiaire ou élevé. Une étude réalisée sur les soins pédiatriques en Papouasie-Nouvelle-Guinée a montré que 24 % seulement des agents de santé travaillant dans les centres de « Se préoccuper de la qualité des soins n’est … pas un luxe que seuls les pays à revenu élevé peuvent se permettre, mais constitue un autre pilier du système de santé qui a un impact très fort sur le rapport coût-efficacité et l’équité des interventions. » 2 Cette partie est basée sur les chapitres 70 et 73 du DCP2. Encadré 7.4 Un tournant dans la collaboration internationale en matière de recherche Les mesures prises récemment au niveau international pour faire face aux épidémies de SRAS et de grippe aviaire représentent un tournant important dans la collaboration mondiale en matière de recherche. Elles ont en effet exigé une surveillance nationale sur le plan épidémiologique et au niveau des laboratoires, des échanges d’informations sans précédent à tous les niveaux du système de santé, et une collaboration entre cliniciens, épidémiologistes, chercheurs en laboratoire et responsables de la surveillance vétérinaire afin d’élaborer rapidement des stratégies d’intervention efficaces. Ces deux exemples ont montré qu’il est indispensable de disposer d’informations fiables et précises pour pouvoir donner l’alerte rapidement et prendre des mesures sanitaires appropriées. Ils soulignent également le caractère hautement prioritaire que doit revêtir la création de systèmes nationaux de surveillance sanitaire et de réseaux de laboratoires compétents qui puissent être intégrés dans un système de surveillance épidémiologique à l’échelle de la planète. Source: Adapté du DCP2, chapitre 4 Les piliers du système de santé | 179 « Au Pakistan, seulement 56 % des prestataires de soins se sont montrés capables de diagnostiquer une diarrhée virale, et seulement 35 % prescrivaient des traitements conformes aux normes. » « Les problèmes de qualité ont un caractère systémique et sont la conséquence d’un manque de savoir, de communication, de formation, d’encadrement et d’incitations. » « … la qualité peut être améliorée beaucoup plus vite que les autres facteurs qui contribuent à une bonne santé, notamment les revenus, l’éducation, les nouvelles technologies ou les infrastructures. » 180 | Priorités en matière de santé soins étaient capables de prescrire correctement un traitement contre le paludisme, et les examens cliniques observés par les enquêteurs étaient suffisamment approfondis dans seulement 1 % des cas. Au Pakistan, seulement 56 % des prestataires de soins se sont montrés capables de diagnostiquer une diarrhée virale, et seulement 35 % prescrivaient des traitements normalisés. En Indonésie, une étude a conclu que 60 % des décès de nourrissons étaient dus à de mauvaises pratiques médicales, contre 37 % dus à des contraintes économiques. Aux États-Unis, l’Institute of Medicine a constaté des carences graves dans la prise en charge médicale, responsables de plus de 40 000 décès chaque année, avec de nombreuses erreurs au niveau du diagnostic, du traitement prescrit et des soins dispensés. La mauvaise qualité des soins n’est pas la faute des professionnels de santé pris individuellement et n’est pas due uniquement à l’absence de moyens. Les problèmes de qualité ont un caractère systémique et sont la conséquence d’un manque de savoir, de communication, de formation, d’encadrement et d’incitations. Ces problèmes persistent lorsque les organisations prestataires de soins ne sont pas en mesure de contrôler la qualité et de prendre des mesures pour corriger la situation. Parfois, le système d’incitations favorise la mauvaise qualité des soins, par exemple lorsque la vente des médicaments est une source de revenu importante pour les prestataires de soins. Dans d’autres cas, la mauvaise qualité des soins est simplement due à des pratiques non conformes aux connaissances modernes. Il convient alors de mesurer les résultats obtenus en matière de santé et les mettre en relation avec la pratique clinique afin que les problèmes puissent être identifiés et que des stratégies soient élaborées pour y remédier. En un sens, ce constat est positif pour les pays à revenu faible ou intermédiaire. En règle générale, la qualité peut être améliorée beaucoup plus vite que les autres facteurs qui contribuent à une bonne santé, notamment les revenus, l’éducation, les nouvelles technologies ou les infrastructures. Pour évaluer la qualité des services de santé, on collecte habituellement des données sur les caractéristiques structurelles de la mise à disposition des soins, sur les processus de prise en charge et sur les résultats obtenus. Les caractéristiques structurelles supposées avoir un impact sur la qualité sont le nombre et le type d’infrastructures, d’équipements et de fournitures, et le personnel. Ces indicateurs structurels peuvent être relativement faciles à collecter, mais ils ont aussi montré leurs limites comme facteurs prédictifs de la qualité et des résultats obtenus. Pour avoir des soins de qualité, une bonne structure est nécessaire mais pas suffisante. Les processus de prise en charge traduisent la manière dont le personnel applique le savoir moderne au diagnostic, à la prévention et au traitement des maladies et des handicaps. La qualité des processus de soins peut être mesurée en observant le travail des professionnels de santé pour voir s’ils suivent les protocoles scientifiquement validés lorsqu’ils posent un diagnostic et prescrivent un traitement. Le processus d’interaction entre les patients et les personnes qui s’occupent d’eux peut également influer sur la façon dont les patients se conforment à la prescription médicale et aux conseils qui leur ont été donnés, et donc sur les résultats finaux. Bien que les processus de prise en charge soient souvent plus difficiles et plus coûteux à mesurer que les caractéristiques structurelles, ils tendent à avoir un lien plus direct avec les résultats obtenus en matière de santé. Pour l’Institute of Medicine des États-Unis, la qualité de la prise en charge se définit selon les six dimensions suivantes : « Bien que les processus • • • • avec les résultats obtenus l’innocuité pour le patient, la pertinence (l’utilité médicale scientifiquement prouvée), l’attention portée au patient (respect et écoute), la rapidité de prise en charge (un minimum de délai et d’obstacles pour accéder aux soins), • la rationalité (le moins de matériel, de fournitures, d’idées et d’énergie gaspillés), • l’équité (un accès aux soins uniforme entre les sexes, les groupes ethniques, les lieux et les classes socioéconomiques). Différentes interventions sont possibles pour agir sur ces six dimensions. Elles comprennent des mesures directes visant par exemple à identifier les soins appropriés et vérifier si les prestataires individuels ou les groupes de prestataires suivent les pratiques normalisées fondées sur des faits. Parmi les interventions directes, des formations ont été dispensées avec un suivi assuré par des pairs qui viennent observer les consultations et les soins prodigués dans un établissement de santé. D’autres interventions, indirectes, ont visé à faire évoluer le comportement des prestataires en modifiant les caractéristiques structurelles ou le système d’incitations financières du système de santé ou de l’organisation concernée. Rémunérer les prestataires en fonction des performances peut les inciter à améliorer la qualité des soins. Des pourcentages relativement faibles de rémunération au mérite (entre 3 et 10 % de la rémunération totale) s’avèrent avoir des effets significatifs sur le comportement des prestataires au Cambodge, en Haïti et au Nicaragua, ainsi qu’aux États-Unis. Le Mexique et l’Ouganda ont instauré avec succès un système de reconnaissance des mérites professionnels sans rémunération pour encourager l’amélioration de la prise en charge. Une autre intervention indirecte consiste à définir des normes légales pour les soins. L’agrément, le renouvellement périodique de la certification des connaissances et des compétences, et la réglementation administrative permettent d’établir des normes minimales en contrôlant la prise d’exerci- de prise en charge soient souvent plus difficiles et plus coûteux à mesurer que les caractéristiques structurelles, ils tendent à avoir un lien plus direct en matière de santé. » « Rémunérer les prestataires en fonction des performances peut les inciter à améliorer la qualité des soins. Des pourcentages relativement faibles de rémunération au mérite … s’avèrent avoir des effets significatifs sur le comportement des prestataires au Cambodge, en Haïti et au Nicaragua, ainsi qu’aux États-Unis. » Les piliers du système de santé | 181 « La formation professionnelle … semble avoir peu d’impact sur les indicateurs de santé à moins d’être associée à des politiques qui encouragent les professionnels de santé à modifier leurs pratiques pour tenir compte des connaissances qui leur ont été apportées. » 182 | Priorités en matière de santé ce et en fixant les conditions de renouvellement des autorisations d’exercer. Toutefois, même si elles empêchent des personnes non qualifiées d’exercer, ces mesures n’ont pas eu globalement d’impact important sur l’amélioration de la qualité des soins chez les professionnels autorisés à exercer. Les poursuites judiciaires pour faute professionnelle peuvent apporter des améliorations, mais les incertitudes et les effets pervers liés à la voie judiciaire en font une solution brutale et coûteuse. La surveillance professionnelle, l’examen par les pairs et les inspections représentent des moyens plus efficaces pour recueillir des informations sur la qualité des soins, mais elles n’améliorent pas nécessairement le comportement et la pratique des prestataires. En revanche, former les professionnels de santé à utiliser des protocoles et des recommandations fondés sur des données factuelles est une méthode qui s’est révélée prometteuse dans les pays à revenu élevé. Aux Pays-Bas par exemple, l’application de directives relatives à la prise en charge des patients a été bénéfique aux personnes souffrant d’asthme et d’obstruction pulmonaire chronique. L’éducation ciblée et la formation professionnelle constituent le moyen le plus direct d’influer sur les pratiques médicales. La formation continue a suscité de grands espoirs, mais elle semble avoir peu d’impact sur les indicateurs de santé à moins d’être associée à des politiques qui encouragent les professionnels de santé à modifier leurs pratiques pour tenir compte des connaissances qui leur ont été apportées. L’un des problèmes les plus difficiles à résoudre pour une politique publique est d’améliorer la qualité des soins dispensés par les médecins privés. Il s’agit d’une question cruciale dans de nombreux pays où le secteur privé assure la plus grande part de la fourniture des soins de santé primaires. En Inde par exemple, les professionnels de santé privés sont les premiers à examiner la plupart des patients présentant des symptômes de tuberculose. De ce fait, à moins que le secteur public ne trouve des solutions pour améliorer le repérage des cas, le dépistage et l’orientation des patients par les médecins privés, il sera impossible de lutter efficacement contre la tuberculose. Les secteurs de la santé ont entrepris des réorganisations pour améliorer la qualité des soins dispensés, adoptant notamment des techniques de gestion modernes telles que la gestion de la qualité totale, les modèles d’amélioration collaboratifs et les cycles « planifier-exécuter-évaluer-intégrer » d’autres secteurs. Lorsqu’elles sont mises en œuvre correctement, ces mesures permettent d’obtenir des taux de couverture plus élevés, de meilleurs schémas de prescription et un plus grand respect des recommandations cliniques (encadré 7.5). Les interventions qui améliorent la qualité des soins ont un coût : le coût direct des ressources humaines et physiques impliquées, et le coût généré par les réorganisations. Le DCP2 évalue le rapport coût-efficacité des mesures prises pour améliorer la prise en charge des patients atteints de pneumonie et de diarrhée. Il constate que ce rapport dépend beaucoup de l’écart qui existe entre la pratique actuelle et la situation optimale, et du niveau de prévalence de la maladie. Lorsque les pratiques sont très insatisfaisantes et que la prévalence est élevée, le rapport coût-efficacité des interventions visant à augmenter l’utilisation de bons protocoles pour soigner les pneumonies est compris entre 132 et 800 dollars par vie sauvée. Pour le traitement des diarrhées par la TRO, le rapport coût-efficacité va de 14 à 500 dollars par vie sauvée. Dans d’autres cas, les interventions font faire des économies, comme par exemple la diminution des surprescriptions et des traitements inutiles (voir l’encadré 6.4). « … le rapport coûtefficacité des interventions visant à augmenter l’utilisation de bons protocoles pour soigner les pneumonies est compris entre 132 et 800 dollars par vie sauvée. RESSOURCES HUMAINES Le progrès technique est souvent associé à de nouveaux équipements sophistiqués, comme les appareils d’IRM et les scanners, ou à de nouveaux médicaments, par exemple des vaccins ou des anticoagulants, mais il se manifeste aussi par une amélioration des capacités à prévenir, diagnostiquer et soigner les maladies et les blessures3. Il est par conséquent indispensable d’investir dans les personnes qui assurent les services de soins si l’on veut faire des progrès dans le traitement de la maladie et des blessures. Les pays à revenu faible ou intermédiaire ont particulièrement du mal à mobiliser et retenir des professionnels de santé dans tous les secteurs, que ce soit sur le plan du recrutement, de la formation, des politiques salariales, de la fidélisation, des récompenses, de la motivation et des affectations. Il sera difficile d’atteindre les ODM fixés en matière de santé et de nutrition si les États ne parviennent pas à développer sensiblement les effectifs et les compétences des agents de santé. Pour ne citer que quelques exemples, la réduction de la mortalité maternelle et néonatale passera par une augmentation importante des accouchements assistés par une sagefemme, l’amélioration de la couverture des programmes de vaccination nécessitera sans doute davantage de personnel, et la prévention et le traitement de la tuberculose, du VIH/SIDA et du paludisme exige aussi des professionnels qualifiés. Une partie du problème auquel de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire sont confrontés tient au manque de professionnels de santé. Par exemple, tandis que les pays à revenu élevé disposent en moyenne de 283 médecins pour 100 000 habitants et que la moyenne mondiale s’établit à 146 médecins pour 100 000 habitants, le Pérou en compte 10, la 3 Pour le traitement des diarrhées par la TRO, le rapport coût-efficacité va de 14 à 500 dollars par vie sauvée. » « Il est … indispensable d’investir dans les personnes qui assurent les services de soins si l’on veut faire des progrès dans le traitement de la maladie et des blessures. » Cette partie est basée sur les chapitres 3, 71 et 73 du DCP2. Les piliers du système de santé | 183 Encadré 7.5 Au Pérou, l’amélioration de la qualité des soins a permis de réduire la mortalité maternelle et infantile Face à l’échec des précédentes tentatives de formation visant à améliorer la qualité des services de santé, le ministère péruvien de la Santé, avec l’aide de l’USAID et la participation d’institutions locales, a élaboré un programme d’action national original. Il a été mis en œuvre par des équipes pluridisciplinaires dans quelque 2 500 établissements de santé, dont 88 hôpitaux. Le programme comprenait plusieurs axes de travail : a) normaliser les soins, b) assurer la disponibilité des fournitures, c) mieux utiliser les systèmes d’information existants, d) promouvoir une large participation du personnel à l’application de plans d’action locaux, et e) mesurer la satisfaction des clients et traiter les réclamations. La principale activité de formation montrait comment utiliser une technique participative de résolution de problème. À la fin des trois années du programme (1996–1999), la demande de services de santé s’était considérablement développée, la motivation et la satisfaction des patients et des agents de santé avaient progressé, et les recettes des établissements étaient en hausse. Dans les zones couvertes par le programme d’amélioration de la qualité, les taux de mortalité maternelle ont baissé de 25 % entre 1997 et 1999, mais aucune évolution n’a été enregistrée dans les zones non couvertes, et les inégalités régionales en matière de mortalité maternelle sont restées identiques. Source : Adapté du DCP2, chapitre 65 Papouasie-Nouvelle-Guinée — 7, le Népal — 4, et 10 pays d’Afrique subsaharienne ont moins de 3 médecins pour 100 000 habitants. Les infirmiers sont également en nombre insuffisant. Dans les pays à revenu élevé, on en trouve en moyenne 750 pour 100 000 habitants, avec une moyenne mondiale de 334 infirmiers, mais il n’y en a que 67 en Papouasie-NouvelleGuinée, 6 au Pérou, 5 au Népal, et moins de 20 pour 100 000 habitants dans 11 pays d’Afrique subsaharienne. Dans beaucoup de pays à revenu faible ou intermédiaire, le nombre relativement faible de professionnels de santé est inégalement réparti parmi la population. D’une manière générale, il est difficile de poster des médecins et même des infirmiers dans des zones rurales reculées, et les professionnels de santé ont tendance à être concentrés dans les grands centres urbains. Les systèmes de santé publics doivent se battre pour empêcher le personnel qualifié de partir travailler dans le privé, ou pour des agences internationales et des programmes d’aide. Bon nombre de professionnels de santé émigrent dans des pays plus riches, où ils bénéficient de salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail. Les professionnels de santé qui restent dans leur pays ont recours à différentes stratégies pour compenser les emplois mal rémunérés et les mauvaises conditions de travail. Dans beaucoup de pays, l’absentéisme constitue un réel problème, souvent dû au fait que les agents de santé exercent d’autres activités rémunératrices à l’intérieur ou à l’extérieur du secteur de la santé. Les médecins, en particulier, ont souvent deux emplois : un emploi 184 | Priorités en matière de santé salarié dans le secteur public, et une pratique privée qui leur permet de toucher des honoraires. Ceux qui restent dans le secteur public font parfois payer les patients en toute illégalité pour compléter leurs revenus modestes. Le faible niveau de productivité est en outre aggravé par le manque de compétences, d’encadrement, de formation continue et de fournitures médicales de base, et par la vétusté des installations. Face à ces problèmes de ressources humaines, les États adoptent différentes stratégies, notamment en créant de nouvelles professions, en modifiant le système d’incitations financières et non financières, et en procédant à des réorganisations. Le DCP2 relève la grande diversité de ces réformes, en évaluant les interventions elles-mêmes ainsi que leur degré d’application et de pertinence par rapport au contexte. Les pays qui tentent de remédier à la pénurie d’agents de santé qualifiés en formant davantage de docteurs et d’infirmiers constatent parfois que la pénurie persiste en raison de taux de départ élevés. Pour dissuader les agents de santé de partir travailler dans le privé ou d’émigrer vers des États où ils seront mieux payés, certains pays ont modifié leurs programmes d’enseignement afin de réduire l’adaptabilité des diplômes professionnels. La formation peut être adaptée à certains besoins médicaux nationaux sans être nécessairement reconnue au plan international. De cette manière, les pays peuvent diminuer les risques de voir les personnels qu’ils ont formés partir à l’étranger. Dans le domaine de la gestion des ressources humaines, un grand nombre d’innovations portent sur la création de nouvelles professions de santé, c’est-à-dire de catégories d’agents de santé assurant des fonctions qui étaient traditionnellement réservées aux médecins et aux infirmiers. Les associations professionnelles résistent souvent à ces évolutions pour protéger leurs valeurs et leurs emplois, mais les études réalisées sur les pays en développement ont montré que, dans certains cas, les infirmiers des établissements de soins primaires sont capables d’assurer beaucoup de fonctions aussi bien que les médecins, sans plus de risques pour le patient. Pour empêcher les migrations internes et externes, le Zimbabwe a introduit un nouveau grade d’« infirmier en soins primaires », qui a moins de qualifications que l’infirmier général. Le Malawi a créé la profession d’« agent clinique », dont la formation médicale, si elle n’est pas complète, lui permet d’exécuter un certain nombre d’actes médicaux, notamment chirurgicaux et anesthésiques. Il y a un peu plus de risques lorsqu’une césarienne est réalisée en urgence par un agent clinique au lieu d’un médecin, mais ces risques sont très inférieurs à ceux qui existeraient si aucune intervention n’était pratiquée à temps. Il est naturellement préférable de recruter et garder des médecins entièrement qualifiés lorsque cela est possible, mais dans les secteurs totalement dépourvus de services médicaux, former et poster des professionnels moins qualifiés peut faire une grande différence. « … les infirmiers des établissements de soins primaires sont capables d’assurer beaucoup de fonctions aussi bien que les médecins, sans plus de risques pour le patient. » Les piliers du système de santé | 185 « La Chine est parvenue à améliorer la prise en charge des patients tuberculeux en payant les médecins de village pour chaque cas identifié et traité. » 186 | Priorités en matière de santé La création de nouvelles catégories d’agents de santé est un thème récurrent dans le DCP2. Le chapitre 68 expose la manière dont il est possible de développer l’accès aux services de soins d’urgence afin de réduire la charge de morbidité élevée associée aux traumatismes, et cela en faisant appel à des chauffeurs de bus et de taxi auxquels on fournit une formation et un accompagnement. Le chapitre 56 s’intéresse au rôle que les agents de santé communautaires peuvent jouer pour surveiller la croissance des enfants et dispenser une éducation nutritionnelle, et dépister de nombreuses affections courantes en dirigeant éventuellement les patients vers une consultation spécialisée. Le chapitre 26 évoque le besoin d’avoir des sages-femmes qualifiées n’ayant pas suivi une formation médicale complète. Dans certaines situations, si l’on veut fournir un service, il est plus important de se préoccuper des compétences et des méthodes techniques nécessaires que du titre de la personne assumant la fonction. Certains États ont également modifié leur système d’incitations financières et non financières. Relever les salaires coûte souvent cher car la masse salariale représente entre 50 et 80 % des coûts récurrents, mais lorsque les mesures d’incitation financière sont ciblées sur des objectifs précis, elles peuvent être utiles. En Thaïlande par exemple, les pouvoirs publics ont réussi à améliorer la desserte des zones rurales en versant des primes aux médecins prêts à travailler sur des sites excentrés, et en instaurant d’autres formes d’incitations (relations contractuelles différentes, logement, évaluation par des pairs et reconnaissance professionnelle). D’autres mesures ont consisté à augmenter les salaires en fonction des performances. Il s’agissait parfois de réformes de la fonction publique prévoyant des évaluations périodiques avec versement éventuel d’augmentations de salaires ou de primes en fonction des performances. Ailleurs, des gratifications sont versées selon le nombre de services fournis ou la réalisation d’objectifs de performance. La Chine est parvenue à améliorer la prise en charge des patients tuberculeux en payant les médecins de village pour chaque cas identifié et traité (encadré 7.6). Dans d’autres cas, la rémunération liée aux performances peut avoir des effets négatifs. Ainsi, dans la province de Shandong où des incitations avaient été mises en place pour augmenter les recettes des hôpitaux, les progrès constatés se sont avérés dus en partie à une augmentation des soins inutiles. Les incitations non financières peuvent être aussi efficaces que les mesures financières pour modifier le comportement du personnel. On peut par exemple accorder aux agents productifs des possibilités de formation ou de promotion, reconnaître publiquement leurs mérites professionnels, verser des primes utilisables pour améliorer les conditions de travail locales, leur déléguer des responsabilités, s’occuper de l’éducation des personnes à charge ou fournir un logement. Un grand nombre de pays ont lancé des réformes structurelles pour modifier toute l’organisation du recrutement et de l’emploi des ressources humaines. La tendance mondiale est à la décentralisation des activités de santé vers les échelons locaux. Ce transfert de responsabilités intervient souvent dans le cadre d’une réforme politique générale à l’intérieur de laquelle le secteur de la santé, comme les autres secteurs de services publics, doit s’intégrer. La décentralisation peut exacerber les problèmes liés au paiement et à la fidélisation des agents de santé, à moins que le transfert de responsabilités aux pouvoirs locaux ne s’accompagne de dotations budgétaires suffisantes. Certains pays ont également engagé de grandes réformes de la fonction publique afin d’améliorer la rémunération et la supervision des employés du secteur public et d’empêcher davantage les départs. Malheureusement, les études montrent que rares sont les réformes de la fonction publique de ce type à avoir apporté des améliorations importantes. Les mesures prises par l’Ouganda et la Zambie pour séparer les agents de santé des autres catégories de fonctionnaires se sont heurtées à une violente opposition politique et n’ont pas été appliquées. Encadré 7.6 Les gratifications financières en Chine En Chine, les médecins de village jouent un rôle très important dans le diagnostic, le traitement et la surveillance des patients. Dans les années 80, la plupart exerçaient dans un cadre privé car les systèmes d’assurance communaux s’étaient effondrés et les autorités locales ne versaient pas de salaires. Leurs revenus dépendant de la vente de médicaments et de services, il semblait difficile de mettre en place un dispositif de prise en charge gratuite des patients tuberculeux, même si les médecins recevaient les médicaments gratuitement. Un système de gratification a donc été instauré, par lequel les médecins de village recevaient 1 dollar pour chaque patient inscrit au programme de traitement, 2 dollars supplémentaires pour chaque examen de frottis réalisé dans le dispensaire local d’accueil des tuberculeux après 2 mois, et encore 4 dollars pour chaque patient ayant suivi le traitement jusqu’au bout. Les résultats ont été suivis au moyen d’un système de communication de données, et la qualité du traitement et les informations notifiées ont été vérifiées par des examens et des visites aléatoires. Le succès du programme est incontestable, avec un taux de guérison des nouveaux cas s’élevant à 95 % au bout de 2 ans. Les gratifications ont également été très largement utilisées en Chine dans les hôpitaux et même dans les programmes de santé publique, mais les études montrent qu’elles peuvent avoir des effets pervers. Dans la province de Shandong, le système de primes appliqué aux médecins hospitaliers avait été modifié : auparavant lié à la quantité de services fournis, le montant des primes a été calculé en fonction des recettes générées. Ce changement s’est traduit par une forte augmentation des recettes des hôpitaux, mais une étude séparée a révélé qu’environ 20 % des recettes provenaient de soins inutiles. Source : DCP2, chapitre 3, encadré 3.4. Les piliers du système de santé | 187 « Pour gérer des ressources humaines, il importe de comprendre qu’elles se trouvent sur un marché concurrentiel. » « … il est difficile de trouver de l’argent pour financer les interventions en santé publique, d’une part Enfin, beaucoup d’États sous-traitent des services de santé à des ONG ou des prestataires privés, parfois avec un certain succès sur le plan de la couverture et de la qualité des services. L’Afrique du Sud a obtenu de bons résultats en sous-traitant la gestion de plusieurs hôpitaux à une société privée, et le Cambodge également en passant des contrats de performances avec des ONG pour la fourniture de services de soins primaires. Toutefois, dans d’autres cas, l’incapacité de l’administration à contrôler le travail des fonctionnaires s’est simplement déplacée sur le contrôle de l’exécution des contrats, aboutissant à une situation où les ONG et les prestataires privés recevaient des fonds sans s’acquitter de leurs obligations. Les modèles traditionnels de planification des ressources humaines ont eu tendance à être mécanistes, partant du principe que les personnes ayant reçu une formation de médecin ou d’infirmier pouvaient être facilement affectées sur n’importe quel site où l’on avait besoin d’eux. Ces modèles n’ont pas pris en compte le vaste éventail d’opportunités qui se présente à un professionnel de santé dans son propre pays aussi bien qu’à l’étranger. Pour gérer des ressources humaines, il importe de comprendre qu’elles se trouvent sur un marché concurrentiel. Les professionnels de santé sont toujours motivés par leur vocation, mais ils sont aussi sensibles aux avantages financiers et non financiers, aux conditions de travail et aux possibilités d’évolution professionnelle. La création de nouvelles catégories d’emploi offre des perspectives prometteuses pour satisfaire une partie des besoins en agents de santé qualifiés. Par ailleurs, les expériences menées en matière de gestion du personnel et de réorganisation déboucheront peutêtre sur des modalités de recrutement, de fidélisation et d’affectation des agents de santé permettant d’obtenir de meilleurs résultats. parce que certains soins de santé coûtent cher, et d’autre part parce que la capacité des pays à revenu faible ou intermédiaire à augmenter les recettes publiques est relativement limitée. » FINANCEMENT L’argent représente un autre défi de taille pour les pays à revenu faible ou intermédiaire4. Le problème est double : il faut à la fois mobiliser suffisamment de fonds pour faire fonctionner le système de santé, et utiliser ces fonds à bon escient. Or, il est difficile de trouver de l’argent pour financer les interventions en santé publique, d’une part parce que certains soins de santé coûtent cher, et d’autre part parce que la capacité des pays à revenu faible ou intermédiaire à augmenter les recettes publiques est relativement limitée. Le financement des dépenses de santé coûte cher. En 2001, quelque 3 billions de dollars ont été dépensés pour la santé dans le monde, mais avec de 4 188 | Priorités en matière de santé Cette partie est basée sur les chapitres 11, 12 et 13. très grandes disparités géographiques. Seulement 12 % de ce total ont bénéficié aux populations des pays à revenu faible ou intermédiaire, alors qu’elles représentent 84 % de la population mondiale et 92 % de la charge de morbidité. Les pays à faible revenu ont dépensé environ 25 dollars par habitant en 2001, contre 176 dollars pour les pays à revenu intermédiaire et 1 527 dollars pour les pays à revenu élevé, mais il ne s’agit que de moyennes. Les pays les plus pauvres du monde, comme l’Éthiopie et le Népal, se trouvent tout en bas de l’échelle avec 2 ou 3 dollars tout au plus, tandis que le Canada, le Japon, les États-Unis et l’Europe occidentale dépensent entre 2 000 et 5 000 dollars par habitant. Il existe une forte corrélation entre les dépenses de santé et le revenu national. Les pays les plus riches non seulement dépensent davantage pour la santé, mais ils y consacrent une part plus importante de leur revenu. Ainsi, en moyenne, les pays d’Afrique subsaharienne affectent environ 4,5 % de leur revenu national à la santé, contre 7,7 % en moyenne dans les pays à revenu élevé. D’autre part, les pays riches financent un plus grand pourcentage de leurs dépenses de santé au moyen de mécanismes publics. Les recettes fiscales et les cotisations d’assurance sociale financent 70 % des dépenses de santé dans les pays à revenu élevé, mais seulement 50 % en moyenne dans les pays à faible revenu. Par ailleurs, alors que les assurances de santé financent une part importante des dépenses de santé privées dans les pays à revenu élevé, ces dépenses sont payées en grande majorité par les ménages dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Les pays à revenu faible ou intermédiaire n’ont pas beaucoup de possibilités d’augmenter leurs recettes fiscales. Ces dernières représentent 14,5 % du PIB dans les pays à faible revenu, contre 26,5 % dans les pays à revenu élevé. Les impôts assis sur les rémunérations qui servent à financer l’assurance maladie et l’assurance vieillesse, c’est-à-dire les cotisations de sécurité sociale, sont encore plus limités dans les pays à faible revenu où l’emploi structuré occupe une place généralement modeste. Les cotisations de sécurité sociale représentent moins de 1 % du PIB dans les pays à faible revenu, contre 7,2 % du PIB dans les pays à revenu élevé. Les taxes prélevées sur les ventes de certains produits tels que l’alcool et le tabac peuvent être considérées à la fois comme des interventions en matière de santé et comme des sources de revenu. Le DCP2 montre que le fait d’augmenter le prix de l’alcool et du tabac est un moyen très efficace sur le plan économique pour décourager la consommation dangereuse d’alcool et le tabagisme, et donc réduire la charge de morbidité associée à ces comportements. En même temps, les taxes sur l’alcool et le tabac peuvent accroître les revenus de l’État. Dans certains pays, ces taxes sont officiellement affectées au financement de campagnes de santé publique « … alors que les assurances de santé financent une part importante des dépenses de santé privées dans les pays à revenu élevé, ces dépenses sont payées en grande majorité par les ménages dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. » « … [les] recettes fiscales … représentent 14,5 % du PIB dans les pays à faible revenu, contre 26,5 % dans les pays à revenu élevé. » Les piliers du système de santé | 189 « …le financement public a contribué de façon essentielle à la quasitotalité, sinon la totalité, des succès obtenus en matière de santé publique à travers le monde… » « … dans les systèmes où les services publics sont officiellement gratuits, les patients et leurs familles peuvent être obligés de payer pour bénéficier des services, ou invités à apporter leur propre nourriture, leur couchage, voire leurs fournitures médicales. » 190 | Priorités en matière de santé visant à encourager la population à arrêter de fumer ou à boire plus raisonnablement. Les financements publics jouent un rôle important dans les services de santé, en particulier dans les pays à revenu élevé et même aux États-Unis où l’assurance de santé publique pour les personnes âgées (Medicare), les pauvres (Medicaid) et les militaires (Veterans Administration) représente plus de la moitié du total des dépenses de santé. Le financement public des services de santé se justifie à plus d’un titre. Les économistes ont démontré que les marchés des services de santé ne fonctionnaient pas correctement lorsqu’ils étaient livrés à eux-mêmes. Par exemple, les consommateurs ne peuvent pas facilement chercher les meilleurs services de soins au meilleur prix comme ils le feraient pour d’autres types de services. En outre, les marchés privés sont peu susceptibles de consacrer suffisamment de moyens à des mesures de prévention qui ont un impact important sur l’état de santé collectif d’une population, comme la vaccination des enfants ou la lutte contre les risques environnementaux. Le financement public fournit également à la société un instrument de politique publique qui peut servir à créer des incitations afin d’améliorer la qualité des soins, de contenir les coûts, de corriger les inégalités ou d’améliorer l’accès. Il faut tout de même rappeler que le financement public a contribué de façon essentielle à la quasi-totalité, sinon la totalité, des succès obtenus en matière de santé publique à travers le monde (voir le chapitre 2 du présent ouvrage ainsi que le chapitre 8 du DCP2). L’implication de l’État dans les services de santé n’est pas la panacée, mais c’est la principale voie que beaucoup de pays ont choisi, et le DCP2 estime que le financement public se justifie pour au moins certains services de santé dans tous les pays. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où les dépenses publiques sont peu élevées, l’accès aux soins dépend souvent de la capacité d’un ménage à payer pour en bénéficier. C’est le cas non seulement avec les prestataires privés, mais souvent aussi avec les prestataires publics. Les services de santé publics font souvent payer l’usager pour recouvrir une partie de leurs coûts, mais même dans les systèmes où les services publics sont officiellement gratuits, les patients et leurs familles peuvent être obligés de payer pour bénéficier des services, ou invités à apporter leur propre nourriture, leur couchage, voire leurs fournitures médicales. Le DCP2 ne tranche pas la question de la facturation des services de santé à l’usager dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Certains chapitres font valoir que les effets négatifs, à savoir que les gens risquent de ne pas aller se faire soigner, annulent le bénéfice obtenu par l’augmentation des recettes. Certains chapitres défendent même l’idée des prix négatifs, c’est-à-dire le fait de payer les gens pour les encourager à réclamer des soins curatifs ou préventifs, en donnant un certain nombre d’exemples concluants. Au Tadjikistan par exemple, les patients pauvres atteints de tuberculose recevaient des rations alimentaires d’appoint quand ils suivaient correctement le traitement médicamenteux prescrit, ce qui a amélioré le taux d’observance. Autre exemple de succès, le Gouvernement mexicain verse une allocation aux familles pauvres à condition que leurs enfants soient entièrement vaccinés, soient amenés régulièrement en consultation pour un bilan de santé et fréquentent l’école avec assiduité. Néanmoins, la facturation de l’usager a également un impact sur la productivité des services de soins là où elle permet d’assurer la disponibilité des médicaments ou de réduire l’absentéisme, et elle peut alors contribuer à maintenir des services utilisés par les pauvres. Globalement, le DCP2 adopte une attitude pragmatique, encourageant les pays à éliminer les obstacles financiers limitant l’accès aux soins dans toute la mesure du possible, et à veiller à ce que, là où la facturation de l’usager est pratiquée, elle améliore effectivement la productivité et la qualité des soins auxquels les pauvres ont accès. Les recommandations du DCP2 en ce qui concerne le financement de la santé diffèrent totalement pour les pays à faible revenu et pour ceux à revenu intermédiaire. Dans les pays à faible revenu, les possibilités de financer des services de soins corrects et universels sont très limitées par le niveau absolu des revenus et des recettes fiscales. Au cours de la dernière décennie, différentes études ont évalué les coûts pour fournir des services de santé de base. Elles sont parvenues à la conclusion que, pour assurer un ensemble de services de santé capables d’améliorer sensiblement la santé de la population, il en coûterait entre 12 et 50 dollars par habitant et par an. Ces montants, accessibles à la plupart des pays à revenu intermédiaire, sont hors de portée pour les pays à faible revenu sans une aide extérieure massive. La problématique de la santé dans les pays à faible revenu est donc multiforme. D’un côté, ils doivent augmenter leurs revenus intérieurs, sans espérer gagner plus de 1 ou 2 % du PIB. De l’autre, il leur faut utiliser de façon optimale les ressources dont ils disposent, d’origine nationale ou étrangère. C’est cette deuxième stratégie — obtenir le plus de gains possibles des dépenses de santé actuelles et nouvelles — qui a motivé le projet DCP. Dans les pays à revenu intermédiaire, les problèmes de financement ne se posent pas de la même manière, et les États ont davantage de moyens économiques et institutionnels pour y faire face. Ces pays peuvent financer la plupart de leurs dépenses de santé par des sources internes, mais ils ont différentes solutions pour organiser le financement des services de santé, avec des conséquences importantes sur le plan de l’équité et de la productivité. Le choix des mécanismes de financement utilisés a aussi des implications majeures sur les personnes qui supporteront les coûts des soins de santé : ces coûts peuvent être partagés par l’ensemble de la population, pro- « … pour assurer un ensemble de services de santé capables d’améliorer sensiblement la santé de la population, il en coûterait entre 12 et 50 dollars par habitant et par an. » Les piliers du système de santé | 191 « … dans les pays à faible revenu …, l’aide au développement ciblée sur le secteur de la santé représentait en moyenne 20 % du total des dépenses de santé, contre 3 % dans les pays à revenu intermédiaire. » 192 | Priorités en matière de santé curant une véritable assurance de santé aux personnes ayant la malchance de tomber malade, ou retomber principalement sur les malades euxmêmes. Certains pays font le choix de financer leurs services de santé par les recettes fiscales générales, et d’autres par des impôts assis sur les rémunérations et des systèmes d’assurance sociale. Les pays à revenu intermédiaire ont souvent recours aux deux pour des groupes de population différents. Des initiatives ont également été engagées pour encourager la souscription d’assurances de santé privées. Il existe des arguments très forts en faveur d’une répartition des risques financiers associés au paiement des soins de santé entre un maximum de population. Cette mutualisation permet de payer les frais de santé des pauvres et des malades avec les impôts et les primes versés par les personnes mieux portantes et plus riches. Le chapitre 12 du DCP2 examine ces différentes approches. Le rôle joué par l’aide au développement dans la politique de santé est beaucoup plus important dans les pays à faible revenu que dans les pays à revenu intermédiaire. Dans les premiers, l’aide au développement ciblée sur le secteur de la santé représentait en moyenne 20 % du total des dépenses de santé, contre 3 % dans les pays à revenu intermédiaire. Dans 13 pays d’Afrique subsaharienne, la part des financements extérieurs dans les dépenses de santé était supérieure à 30 %. Globalement, l’aide internationale au développement a reculé dans les années 90 et représentait seulement 0,25 % du revenu national brut des pays riches, malgré leurs engagements publics de contribuer à cette aide à hauteur de 0,70 % de leur revenu total. En dépit de cette tendance générale, l’aide au développement destinée au secteur de la santé a augmenté durant la dernière décennie, mais elle reste insuffisante pour atteindre les objectifs internationaux en matière de santé. L’aide internationale à la santé serait ainsi passée de 6,7 milliards de dollars en 1997–1999, à environ 9,3 milliards de dollars en 2002. Cette somme comprend des fonds d’agences bilatérales de développement et de banques multilatérales de développement, mais aussi et de plus en plus, de fondations privées telles que la Fondation Bill & Melinda Gates, ainsi que de nouveaux programmes internationaux parmi lesquels le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et le GAVI. Toutefois, ce sont entre 60 et 70 milliards de dollars par an d’aide au développement dont la santé aurait besoin pour atteindre les objectifs fixés dans les ODM, c’est-à-dire beaucoup plus que ce dont on dispose aujourd’hui. Une grande part du débat sur l’aide internationale au développement, comme sur l’utilisation des ressources nationales d’ailleurs, tourne toujours autour de la même question : comment faire pour qu’elle produise un maximum d’effet. Le DCP2 passe en revue un ensemble d’initiatives dont l’objectif est de rendre l’aide au développement plus efficace en l’affectant à des mesures d’un bon rapport coût-efficacité, mais aussi en réduisant les coûts de transaction, en améliorant la coordination et en renforçant l’adhésion des pays. Les pistes les plus prometteuses sont notamment les programmes soumis à des critères de performance, dans lesquels les fonds sont décaissés en fonction des résultats obtenus, par exemple la couverture de vaccination atteinte. D’autres actions associent les gouvernements des pays hôtes à des agences internationales et des acteurs nationaux en vue d’élaborer et suivre des plans sectoriels coordonnés liés à la réduction de la pauvreté et à l’amélioration des indicateurs de santé. Les nouveaux fonds créés par les initiatives mondiales sont ciblés sur des maladies particulières et des problèmes affectant les pays à faible revenu. La communauté internationale s’efforce également d’encourager la recherche et le développement de vaccins et de médicaments, pas uniquement à travers des financements directs, mais aussi en s’engageant sur des achats futurs. Quel que soit le pays, les modes de financement choisis pour la santé influent beaucoup sur le fonctionnement du système de santé. Néanmoins, les pays à revenu faible ou intermédiaire peuvent faire davantage avec l’argent dont ils disposent en affectant leurs ressources à des interventions d’un bon rapport coût-efficacité, et en mobilisant des fonds supplémentaires pour financer les améliorations recherchées. Dans le cas des pays à faible revenu, les problèmes sanitaires actuels ne pourront être résolus que si les pays riches honorent les engagements qu’ils ont pris d’augmenter l’aide internationale au développement ciblée sur la santé, malgré les difficultés que représente pour les pays à faible revenu le fait d’avoir à absorber ces fonds et à les utiliser d’une manière qui améliore effectivement la santé de leurs populations. Les piliers du système de santé | 193 Chapitre 8 Des pistes pour agir D’immenses progrès doivent être accomplis dans le secteur de la santé, et d’immenses progrès sont possibles. Le DCP2 rappelle les grandes réalisations du siècle dernier dans le domaine de la santé humaine. Les interventions en santé publique ont permis de réduire la mortalité infantile, de prévenir des épidémies et de prendre en charge des maladies chroniques. Quelle que soit la perspective adoptée — étude historique ou analyse de cas particuliers — le DCP2 fait apparaître clairement que ces avancées sont dues pour une grande part au progrès technique au sens large, c’est-à-dire non seulement à des innovations médicales mais également à des initiatives de santé publique, à des améliorations dans l’organisation et le financement de la mise à disposition des soins, et à des changements bénéfiques dans d’autres secteurs. Ce serait une erreur d’attendre que la croissance économique soit là pour agir, alors que l’on peut faire beaucoup en développant le savoir et en appliquant celui déjà acquis. Toutefois, les succès passés ne doivent pas faire oublier l’ampleur et la gravité des problèmes qui restent à résoudre. Dans beaucoup de cas, il s’agit de combattre des maladies infectieuses qui frappent surtout les populations pauvres. Le VIH/SIDA occupe le devant de la scène par l’importance du désordre social qu’il génère dans les pays à forte prévalence, et par l’urgence des multiples actions qu’il nécessite pour prévenir et soigner la maladie. La charge de morbidité due au paludisme reste obstinément élevée malgré des décennies de lutte pour la réduire, et l’émergence de pathogènes résistants transforme en cible perpétuellement mouvante le combat contre des maladies infectieuses comme le paludisme et la tuberculose. Certaines difficultés font immédiatement pointer du doigt les carences des systèmes de santé. Le DCP2 rappelle que le risque qu’une femme décède en mettant un enfant au monde est 500 fois plus grand dans un pays à faible revenu que dans un pays à revenu élevé — l’écart le plus extrême de tous les indicateurs de santé — et que la mortalité maternelle ne pourra être abaissée que s’il existe tout un spectre de services accessibles permet195 « Les pays à revenu faible ou intermédiaire peuvent également anticiper … la hausse des décès causés par les accidents de la circulation et les pollutions environementales, et doivent prendre aujourd’hui des mesures efficaces par rapport aux coûts, pour éviter des morts inutiles demain. » tant de réduire les facteurs de risque et les complications. Pour réduire la mortalité infantile, en particulier durant la période néonatale, il faudra que des mesures publiques soient prises afin de garantir un accès équitable à un ensemble de services de soins élémentaires de bonne qualité. Les maladies non transmissibles frappent autant les pays en développement que les pays développés, avec notamment une importante charge de morbidité commune due aux MCV et au diabète. Seule une collaboration étroite permettra d’identifier les meilleures façons de prévenir et soigner ces maladies afin de répondre à la menace qu’elles représentent. Les pays à revenu faible ou intermédiaire peuvent également anticiper les tendances déjà observées dans les pays à revenu élevé, par exemple la hausse des décès causés par les accidents de la circulation et les pollutions environnementales, et doivent prendre aujourd’hui des mesures efficaces par rapport aux coûts, pour éviter des morts inutiles demain. Lorsque les savoirs et les ressources sont utilisés de façon inégale, il en résulte des écarts de santé injustifiés entre riches et pauvres, que ce soit à l’intérieur d’un même pays ou au niveau international. Parmi tous les obstacles à surmonter, le plus difficile est peut-être d’arriver à ce que les bénéfices du progrès scientifique et technique soient partagés rapidement à travers le monde. Bien qu’il n’existe pas de solution universelle pour choisir et organiser les meilleures interventions, certaines généralités se dégagent néanmoins du DCP2 : • Le seul moyen d’éliminer les inégalités de santé entre riches et pauvres est d’agir sur les principaux problèmes sanitaires par des interventions d’un bon rapport coût-efficacité et accessibles à tous. • Le succès des interventions en santé publique requiert un financement public suffisant. • Si l’on veut faire disparaître les grandes disparités actuelles en matière de santé, il faut renforcer l’aide financière et technique internationale en quantité et en qualité. • L’amélioration de la santé passe souvent par une collaboration avec d’autres secteurs tels que les transports, l’éducation, l’agriculture, les services de police et la finance. • Renforcer les systèmes de santé démultiplie l’impact des dépenses en améliorant le rapport coût-efficacité des interventions et en permettant une meilleure intégration des services. • Il importe de développer les connaissances en sciences fondamentales, en sciences appliquées et en gestion afin que la recherche et le développement puissent alimenter le progrès dans le futur. 196 | Priorités en matière de santé Deux messages essentiels ressortent du travail de recherche et d’analyse accompli par le DCP2. Le premier est que, si l’on veut réduire les inégalités criantes qui existent en matière de santé, il est nécessaire de consacrer davantage de moyens à des interventions efficaces dans les pays à faible revenu. Avec davantage de moyens, on peut aller vacciner, vermifuger, pratiquer des TRO ou réaliser d’autres interventions offrant un très bon rapport coût-efficacité, dans des lieux qui n’étaient pas couverts jusqu’alors. Avec davantage de moyens, il devient possible d’étendre la couverture des services de santé de base et de la rendre plus équitable. Des moyens supplémentaires peuvent également être injectés dans la recherche, en donnant la priorité aux maladies pour lesquelles il n’existe pas encore d’intervention efficace sur le plan économique, et aux problèmes à résoudre pour assurer des services de santé corrects dans les pays où les institutions sont défaillantes. Le second message est que l’on pourrait faire beaucoup plus pour améliorer la santé avec les ressources actuelles, en utilisant plus systématiquement les interventions dont le bon rapport coût-efficacité est avéré. Le DCP2 démontre que les moyens dont on dispose aujourd’hui peuvent permettre d’obtenir des gains importants en matière de santé lorsque l’on sait exploiter les connaissances acquises sur le rapport coût-efficacité des interventions en santé publique. Il y a un gaspillage de ressources lorsque le choix se porte sur des interventions inappropriées ou que le faible niveau de qualité des soins devient une norme admise. En faisant un état des lieux documenté des charges de morbidité, du rapport coût-efficacité de différentes interventions et des solutions pratiques utilisables pour les mettre en œuvre, le DCP2 donne des pistes pour faire mieux, même dans des situations difficiles. Avant d’exploiter les informations, les analyses et les stratégies exposées dans le DCP2, il convient d’évaluer attentivement le contexte local, notamment les caractéristiques des maladies présentes, les capacités institutionnelles et les ressources disponibles. En se basant à la fois sur le DCP2 et sur leurs connaissances de la situation locale, les acteurs concernés à de nombreux niveaux différents — des parlementaires et des ministres de la Santé aux administrateurs d’hôpitaux, aux professionnels de santé et aux citoyens — seront à même de définir les priorités, choisir les interventions pertinentes, trouver de meilleures modalités pratiques, améliorer la gestion et savoir mieux mobiliser les ressources, afin que les effets bénéfiques du progrès technique sur la santé puissent être partagés par tous. « … si l’on veut réduire les inégalités criantes qui existent en matière de santé, il est nécessaire de consacrer davantage de moyens à des interventions efficaces dans les pays à faible revenu. » « …l’on pourrait faire beaucoup plus pour améliorer la santé avec les ressources actuelles, en utilisant plus systématiquement les interventions dont le bon rapport coûtefficacité est avéré. » Des pistes pour agir | 197 Bibliographie Abdool, R. 1998. “Alcohol Policy and Problems in Mauritius.” Paper prepared for the World Health Organization Alcohol Policy in Developing Societies Project, World Health Organization, Geneva. Afukaar, F. K. 2003. “Speed Control in LMICs: Issues, Challenges, and Opportunities in Reducing Road Traffic Injuries.” Injury Control and Safety Promotion 10 (1–2): 77–81. Breman, J. G., M. S. Alilio, and A. Mills. 2004. “Conquering the Intolerable Burden of Malaria: What’s New, What’s Needed: A Summary.” American Journal of Tropical Medicine and Hygiene 71 (2 suppl.): 1–15. Hinkle, L. E., and A. Herrou-Aragon. 2001. “How Far Did Africa’s First Generation Trade Reforms Go?” World Bank, Washington, DC. Holding, P. A., and P. K. Kitsao-Wekulo. 2004. “Describing the Burden of Malaria on Child Development: What Should We Be Measuring and How Should We Be Measuring It?” American Journal of Tropical Medicine and Hygiene 71 (2 suppl.): 71–79. Hossain, M. B., and J. F. Phillips. 1996. “The Impact of Outreach on the Continuity of Contraceptive Use in Rural Bangladesh.” Studies in Family Planning 27 (2): 98–106. Ichikawa, M., W. Chadbunchachai, and E. 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Cernada. 1992. “Fertility and Family Planning in Bangladesh.” Journal of Family Planning 38 (4): 53–64. 200 | Priorités en matière de santé Ronsmans, C., A. Endang, S. Gunawan, A. Zazri, J. McDermott, M. Koblinsky, and T. Marshall. 2001. “Evaluation of a Comprehensive Home-Based Midwifery Programme in South Kalimantan, Indonesia.” Tropical Medicine and International Health 6 (10): 799–810. Supramaniam, V., V. Belle, and J. Sung. 1984. “Fatal Motorcycle Accidents and Helmet Laws in Peninsular Malaysia.” Accident Analysis and Prevention 16 (3): 157–62. UNAIDS (Joint United Nations Programme on HIV/AIDS). 1997. Blood Safety and AIDS: UNAIDS Point of View. Geneva: UNAIDS. UNDP (United Nations Development Programme). 2004. Thailand’s Response to HIV/AIDS: Progress and Challenges. Bangkok UNDP. “Mauritius: 1999–2000 Budget Increased.” U.S. Department of State, Washington, DC. USAID (United States Agency for International Development). 2002. What Happened in Uganda? 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Avant d’intégrer le corps professoral de l'UCSF, le Dr. Jamison avait enseigné à l’Université de la Californie à Los Angeles, et avait passé de nombreuses années à la Banque mondiale, occupant les fonctions d’économiste principal au département de la recherche, de chef de la division des politiques d’éducation, et de chef de la division de la population, de la santé et de la nutrition. En 1992–1993, il est revenu brièvement à la Banque mondiale où il a occupé le poste de directeur du Bureau du Rapport sur le développement dans le monde et comme auteur principal du « Rapport sur le développement dans le monde : investir dans la santé » publié par la Banque mondiale en 1993. Ses publications portent sur la théorie économique, la santé publique et l’éducation. Il a fait ses études à l’Université Stanford (licence de philosophie ; maîtrise de sciences de l’ingénieur) et à Harvard (doctorat en économie, sous la direction de K.J. Arrow). En 1994, il a été élu membre de l’Institut de médecine de l’Académie nationale des sciences des États-Unis. Joel G. Breman, M.D., D.T.P.H., est conseiller scientifique principal du Fogarty International Center qui fait partie des Instituts nationaux de la santé (NIH) des États-Unis, et co-rédacteur en chef du Projet sur les priorités en matière de lutte contre les maladies. Il a étudié à l’Université de Californie à Los Angeles (USCLA), à la Keck School of Medicine de l’Université de la Californie du Sud, et à la London School of Hygiene and 203 Tropical Medicine. Le Dr Breman a suivi ses études médicales au County Medical Center de l’USCLA ; il s’est spécialisé en maladies infectieuses au Boston City Hospital de la faculté de médecine de l’Université Harvard, et en épidémiologie aux Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Il a travaillé dans le domaine de l’éradication de la variole en Guinée (1967–1969), à l’Organisation pour la coordination et la coopération pour la lutte contre les grandes endémies au Burkina Faso (1972–1976), et à l’Organisation mondiale de la santé à Genève (1977–980) où il était chargé de la recherche sur l’orthopoxvirus et de la certification de l’éradication. En 1976, en République démocratique du Congo (ex-Zaïre), le Dr Breman a mené des recherches sur la première flambée épidémique de la fièvre hémorragique Ebola. Après la confirmation de l’éradication de la variole en 1980, le Dr Breman est revenu aux CDC où il a engagé des travaux sur l’épidémiologie du paludisme et la lutte contre ce dernier. Le Dr Breman a rejoint le Fogarty International Center en 1995 et il y a servi comme directeur du Programme international de formation et de recherche sur les maladies infectieuses émergentes, et comme conseiller scientifique principal. Il a été membre de nombreux groupes consultatifs, occupant notamment les fonctions de président du Groupe consultatif de l’OMS sur le monkeypox humain, et de membre de la Commission internationale de l’OMS sur la certification de l’éradication de la dracunculose (ver de Guinée). Le Dr Breman est l’auteur de plus d’une centaine de publications sur les maladies infectieuses et le renforcement des capacités en matière de recherche dans les pays en développement. Il a été rédacteur scientifique invité de deux suppléments de l’American Journal of Tropical Medicine and Hygiene parus sous les titres The Intolerable Burden of Malaria: A New Look at the Numbers (2001) et The Intolerable Burden of Malaria: What’s New, What’s Needed (2004). Anthony R. Measham est co-rédacteur en chef du Projet sur les priorités de lutte contre les maladies au Fogarty International Center, affilié aux NIH ; directeur adjoint du Projet sur la communication relative aux priorités en matière de santé du Population Reference Bureau de Washington ; et membre représentant la Banque mondiale au sein du Groupe de travail de l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination. Originaire du Royaume-Uni, le Dr Measham a pratiqué la médecine familiale à Dartmouth en Nouvelle-Écosse (Canada), avant de consacrer le reste de sa carrière, jusqu’aujourd’hui, à la santé internationale. Il a exercé pendant 15 ans comme médecin résident dans les pays en développement pour le compte du Conseil de la population (en Colombie), de la Ford Foundation (au Bangladesh) et de la Banque mondiale (en Inde). Au début de sa carrière dans le domaine de la santé internationale, il était directeur 204 | Priorités en matière de santé adjoint du Center for Population and Family Health de l’Université Columbia de New York, de 1975 à 1977. Il a ensuite été employé pendant 17 ans dans les services de la Banque mondiale, où il a occupé les fonctions de conseiller, santé, de1984 à 1988, et de responsable des politiques et de la recherche de la Division de la santé, de la nutrition et de la population de 1988 à 1993. Pendant une grande partie de sa carrière, le Dr Measham a œuvré à fournir de l’assistance technique, à effectuer des recherches et des analyses, et à aider à élaborer des projets dans plus d’une vingtaine de pays en développement, principalement dans les domaines de la santé maternelle et infantile, du planning familial et de la nutrition. Il a été l’un des rédacteurs de Disease Control Priorities in Developing Countries, 1re édition (1993), et il est l’auteur d’une soixantaine de monographies, de chapitres de livres et d’articles de revues. Le Dr Measham est diplômé de la faculté de médecine de l’Université Dalhousie d’Halifax, en Nouvelle-Écosse (Canada). Il est titulaire d’une maîtrise ès sciences, d’un doctorat en santé publique de l’Université de la Caroline du Nord à Chapel Hill, et est membre de l’American Board of Preventive Medicine and Public Health. Parmi ses distinctions honorifiques on peut citer son élection à l’Alpha Omega Alpha Honor Medical Society ; sa nomination au poste de professeur spécial de santé internationale à la faculté de médecine de l’Université de Nottingham au RoyaumeUni ; et sa désignation comme ancien étudiant de médecine de l’année de l’Université Dalhousie en 2000–2001. Sir George Alleyne, M.D., F.R.C.P., F.A.C.P. (Hon.), D.Sc. (Hon.), est directeur émérite de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) qu’il a dirigée de 1995 à 2003. Originaire de la Barbade, le Dr Alleyne est titulaire d’un diplôme en médecine de l’Université des West Indies (UWI) obtenu en 1957. Il a suivi une formation supérieure en médecine interne au Royaume-Uni et a effectué des travaux de recherche postdoctorale dans ce pays ainsi qu’aux États-Unis. Il est entré dans le monde de la médecine universitaire à l’UWI en 1962, et durant sa carrière il a entre autres effectué des recherches au sein de l’Unité de recherche tropicale sur le métabolisme en vue de son doctorat en médecine. Il a été nommé professeur de médecine à l’UWI en 1972, et quatre ans plus tard, il est devenu directeur du département de médecine. Il est professeur émérite de l’UWI. Il a rejoint l’OPS en 1981; en 1983, il a été nommé directeur du Secteur des programmes de santé, et directeur adjoint de l’OPS en 1990. Les publications scientifiques du Dr Alleyne ont trait à sa recherche sur la physiologie rénale et la biochimie, ainsi que sur divers aspects de la médecine clinique. Pendant son mandat de directeur de l’OPS, ses activités Les rédacteurs | 205 et ses publications ont porté sur des questions telles que l’équité en matière de santé, la santé et le développement, et les fondements de la coopération internationale dans le domaine de la santé. Il s’est également intéressé à plusieurs aspects de la santé dans les Caraïbes et aux problèmes auxquels est confronté le secteur de la santé dans cette région. Il est membre de l’Institut de médecine et recteur de l’Université des West Indies. Le Dr Alleyne a reçu de nombreux prix décernés en reconnaissance de ses travaux, notamment de prestigieuses médailles et distinctions honorifiques nationales conférées par nombre de pays des Amériques. En 1990, il a été fait Knight Bachelor par Sa Majesté la reine Elizabeth II pour ses services à la médecine. En 2001, il a reçu l’Order of the Caribbean Community, la plus haute distinction que puisse obtenir un ressortissant des Caraïbes. Mariam Claeson, M.D., M.P.H., est coordinatrice du Programme de lutte contre le sida pour la région Asie du Sud de la Banque mondiale depuis janvier 2005. Elle a été spécialiste principale en santé publique du Réseau santé, nutrition, population et développement humain de la Banque mondiale (1998–2004) ; à ce titre, elle a dirigé le programme de travail sur les objectifs de développement pour le Millénaire (ODM) du Réseau — qui vise à appuyer l’accélération des progrès dans les pays —, notamment le secrétariat conjoint Banque mondiale/OMS du Forum de haut niveau sur les ODM relatifs à la santé. Elle a été coauteur de l’appel à l’action du groupe d’études Bellagio sur la survie des enfants, lancé en 2003 et intitulé Knowledge into Action for Child Survival, ainsi que du rapport de la Banque mondiale paru sous le titre The Millennium Development Goals for Health: Rising to the Challenges (2005). Elle a été membre du What Works Working Group hébergé par le Center for Global Development et dont les travaux ont débouché sur le rapport Millions Saved: Proven Successes in Global Health (2005). Le Dr Claeson a été coauteur du chapitre sur la santé du guide de référence Poverty Reduction Strategy, qui préconise une approche de la santé maternelle et infantile et de la nutrition fondée sur le cycle de vie. En tant que coordinatrice du groupe thématique sur la santé publique (1998–2002), elle a piloté l’élaboration du document de stratégie intitulé Public Health and World Bank Operations et elle a promu les approches multisectorielles de la santé infantile au sein de la Banque mondiale ainsi que dans les activités, les travaux d’analyse et les opérations de prêt appuyés par la Banque dans les pays. Avant de rejoindre la Banque mondiale, le Dr Claeson était en service à l’OMS de 1987 à 1995, où elle a occupé pendant les dernières années le poste de chef de programme au sein du Programme mondial de lutte 206 | Priorités en matière de santé contre les maladies diarrhéiques de l’OMS. Elle possède plusieurs années d’expérience sur le terrain, pour avoir travaillé dans les pays en développement dans les domaines de la pratique clinique au niveau du district rural (en Tanzanie, au Bangladesh et au Bhoutan) ; de la gestion des programmes nationaux de vaccination et de lutte contre les maladies diarrhéiques (Éthiopie 1984–1986) ; et des projets de développement du secteur de la santé dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. David B. Evans est économiste de formation. Entre 1980 et 1990, il a travaillé dans le monde universitaire, d’abord au sein des départements des sciences économiques, puis dans une faculté de médecine, tout en œuvrant comme consultant auprès de la Banque mondiale, de l’OMS et du gouvernement. De 1990 à 1998, il a parrainé et effectué des recherches sur les aspects sociaux et économiques des maladies tropicales et sur la lutte contre ces dernières, dans le cadre du Programme spécial UNICEF/PNUD/Banque mondiale/OMS sur la recherche et la formation concernant les maladies tropicales. Il est par la suite devenu directeur des Bases factuelles et information à l’appui des politiques, avant d’entrer au Département de financement des systèmes de santé de l’OMS où il s’occupe actuellement d’un éventail d’activités liées à la mise au point de stratégies et de politiques appropriées de financement de la santé. Il s’agit notamment du projet WHO-CHOICE (« Choisir des interventions d’un bon rapport coût-efficacité » de l’OMS) qui a procédé à l’évaluation et à la publication d’informations sur les coûts et l’efficacité de plus de 700 interventions en matière de santé, les coûts de l’amplification des interventions, les dépenses et les comptes de santé, l’ampleur de la catastrophe financière et de l’appauvrissement liés aux paiements remboursables des frais de santé, et de l’évaluation de l’impact des divers types de moyens utilisés pour mobiliser des fonds en faveur de la santé, les réunir et s’en servir pour fournir ou acquérir des services et des interventions. Il a abondamment publié dans ces domaines. Prabhat Jha est titulaire de la chaire de recherche du Canada sur la santé et le développement de l’Université de Toronto (Canada). Il est directeurfondateur du Centre for Global Health Research du Michael’s Hospital, professeur agrégé au département des sciences de la santé publique de l’Université de Toronto et chercheur au McLaughlin Centre for Molecular Medicine. Le Dr Jha est également professeur extraordinaire de l’Université de Lausanne en Suisse. Le Dr Jha est le principal auteur de Curbing the Epidemic: Governments and the Economics of Tobacco Control et co-rédacteur de Tobacco Control in Developing Countries. Ces deux ouvrages sont parmi Les rédacteurs | 207 les publications les plus influentes sur la lutte contre le tabagisme. Le Dr Jha est le chercheur principal d’une étude prospective portant sur un million de décès en Inde et consistant en un examen de la mortalité liée au tabagisme et à la consommation d’alcool, aux taux de fécondité, à la pollution intérieure et à d’autres facteurs de risque dans 2,3 millions de ménages et chez 15 millions de personnes. Il s’agit de la plus vaste étude prospective du monde sur la santé (www.cghr.org/project.htm). Le Dr Jha a en outre mené des études sur la transmission du VIH dans divers pays, se concentrant surtout sur la description des facteurs de risque liés à la transmission du VIH, et sur les interventions permettant de prévenir la propagation de l’épidémie du VIH. Ses études ont bénéficié de subventions de plus de 5 millions de dollars octroyées dans le cadre de processus d’évaluation par les pairs. Le Dr Jha a publié abondamment dans le domaine du tabagisme, du VIH/SIDA et de la santé des populations pauvres du monde. Parmi les distinctions honorifiques qu’il a reçues, on peut citer une médaille d’or décernée par la Fondation pour la promotion de la santé (2000) de Pologne, le prix des « Top 40 Canadians under age 40 » (2004), et le prix d’excellence en recherche du premier ministre de l’Ontario (2004). Le Dr Jha est chercheur à l’Université de Toronto et à l’Université McMaster au Canada. Il est titulaire d’un doctorat en médecine de l’Université du Manitoba (Canada) et d’un Ph.D. en épidémiologie et en santé publique de l’Université d’Oxford (Angleterre) où il a étudié en tant que boursier de la Fondation Rhodes au Magdalen College. Anne Mills est professeur d’économie et de politique de la santé à la London School of Hygiene and Tropical Medicine. Elle possède plus de 20 ans d’expérience en recherche liée à l’économie de la santé dans les pays en développement, et elle a abondamment publié dans les domaines de l’économie de la santé et de la planification de la santé, notamment des ouvrages sur le rôle du gouvernement dans la santé dans les pays en développement, la planification de la santé au Royaume-Uni, la décentralisation, la recherche sur l’économie de la santé dans les pays en développement, et l’agencement des secteurs public et privé. Dans ses plus récents travaux de recherche, elle s’intéresse à l’organisation et au financement des systèmes de santé, notamment l’évaluation des relations contractuelles entre les secteurs public et privé, et à l’application des techniques d’évaluation économique pour améliorer l’efficacité des programmes de lutte contre les maladies. Elle a œuvré considérablement à appuyer les activités de recherche en matière d’économie de la santé du Programme de recherche sur les maladies tropicales de l’OMS. Elle est fondatrice et directrice du Health 208 | Priorités en matière de santé Economics and Financing Programme, lequel est devenu l’un des meilleurs groupes du monde dans le domaine de la conception et de l’application des théories et des techniques de l’économie de la santé pour accroître les connaissances sur la meilleure manière d’améliorer l’équité et l’efficacité des systèmes de santé des pays en développement. Elle a servi comme conseillère auprès d’un nombre d’organismes multilatéraux et bilatéraux, notamment le ministère de Développement international du Royaume-Uni et l’Organisation mondiale de la santé. Elle a supervisé la création de l’Alliance pour la recherche sur les politiques et les systèmes de santé et elle en préside le conseil d’administration. Plus récemment, elle a été membre de la Commission Macroéconomie et Santé, et coprésidente de son groupe de travail sur l’« amélioration des résultats en matière de santé chez les pauvres ». Philip Musgrove est rédacteur adjoint de la rubrique santé mondiale de la revue Health Affairs, qui est publiée par le Project HOPE de Bethesda au Maryland (États-Unis). De 2002 à 2005, il a été l’un des rédacteurs du Projet sur les priorités en matière de lutte contre les maladies du Fogarty International Center, affilié aux NIH. Il a travaillé pour la Banque mondiale (1990–2002) — servant entre autres en détachement auprès de l’Organisation mondiale de la santé (1999–2001) — et il occupait le poste d’économiste principal au moment de sa retraite. Il avait auparavant été conseiller en économie de la santé à l’Organisation panaméricaine de la santé (1982–1990), et agrégé de recherche à la Brookings Institution et à Resources for the Future (1964–1981). Le Dr Musgrove est professeur auxiliaire à la School of Advanced International Studies de l’Université Johns Hopkins, et il a enseigné à l’Université George Washington, à l’American University et à l’Université de Floride. Il est diplômé du Haverford College (B.A., 1962, summa cum laude), de l’Université Princeton (M.P.A., 1964) et de la Massachusetts Institute of Technology (Ph.D., 1974). Le Dr Musgrove a travaillé sur des projets de réforme de la santé en Argentine, au Brésil, au Chili et en Colombie, tout comme il a traité de divers problèmes qui se posent dans les domaines de l’économie de la santé, du financement de la santé, de l’équité en matière de santé et de la nutrition. Il a notamment publié 50 articles dans des revues économiques et de santé, et des chapitres dans 20 ouvrages. Les rédacteurs | 209 Comité consultatif de rédaction J. R. Aluoch Professeur, Nairobi Women’s Hospital, Nairobi, Kenya Jacques Baudouy Directeur, Santé, nutrition et population, Banque mondiale, Washington, États-Unis Fred Binka Directeur exécutif, INDEPTH Network, Accra, Ghana Mayra Buvinić Directeur, Parité des sexes et développement, Banque mondiale, Washington, États-Unis David Challoner, coprésident Secrétaire aux affaires étrangères, Institut de médecine, Académies nationales des États-Unis, Gainesville, Floride, États-Unis Sharon Hrynkow Directeur par intérim, Fogarty International Center, Instituts nationaux de la santé, Bethesda, Maryland, États-Unis Gerald Keusch, Président et Doyen, Santé mondiale School of Public Health de l’Université de Boston, Boston, Massachusetts, États-Unis Kiyoshi Kurokawa Président, Conseil des sciences du Japon (SCJ), Kanawaga, Japon Peter Lachmann Ancien Président, Académie des sciences médicales du Royaume-Uni, Cambridge, Royaume-Uni Guy de Thé, coprésident Directeur de la recherche et professeur émérite, Institut Pasteur, Paris, France Mary Ann Lansang Directeur exécutif, INCLEN Trust International, Inc., Manille, Philippines Timothy Evans Directeur général adjoint, Bases factuelles et information à l’appui des politiques, Organisation mondiale de la santé, Genève, Suisse Christopher Lovelace Directeur, représentation nationale en République kirghize et du Développement humain en Asie centrale, Banque mondiale, Bichkek, République kirghize Richard Horton Rédacteur, The Lancet, Londres, Royaume-Uni 211 Anthony Mbewu Directeur exécutif, Conseil de la recherche médicale de l’Afrique du Sud, Tygerberg, Afrique du Sud Rajiv Misra Ancien Ministre de la Santé du Gouvernement indien, Haryana, Inde G. B. A. Okelo Secrétaire général et directeur exécutif, Africa Academy of Sciences, Nairobi, Kenya Perla Santos Ocampo Président, Académie nationale des sciences et de la technologie, San Juan, Philippines Sevket Ruacan Directeur général, Hôpital MESA, Ankara, Turquie Pramilla Senanayake Président, conseil de la Fondation Forum mondial pour la recherche en santé, Colombo, Sri Lanka Chitr Sitthi-amorn Directeur, Institut de la recherche en santé/Doyen, faculté de santé publique, Université de Chulalongkorn, Bangkok, Thaïlande Sally Stansfield Codirecteur, Stratégies en matière de santé mondiale, Bill & Melinda Gates Foundation, Seattle, Washington, États-Unis Misael Uribe Président, Académie nationale de médecine du Mexique, Mexico, Mexique Zhengguo Wang Professeur, Académie de l’ingénierie de Chine, Daping, Chine Witold Zatonski Professeur, Fondation pour la promotion de la santé, Varsovie, Pologne Jaime Sepúlveda, président Directeur, Instituts nationaux de la santé du Mexique, Cuernavaca, Mexique Ont également contribué à la rédaction William D. Savedoff et Anne-Marie Smith, Social Insight 212 | Priorités en matière de santé Table des matières, Priorités en matière de lutte contre les maladies dans les pays en développement, 2e édition 1. Investir dans la santé Dean T. Jamison 2. Efficience économique des interventions : aperçu des principaux messages Ramanan Laxminarayan, Jeffrey Chow, et Sonbol A. Shahid-Salles 3. Renforcer les systèmes de santé Anne Mills, Fawzia Rasheed, et Stephen Tollman 4. Priorités de la recherche mondiale et de la mise au point des interventions Barry R. Bloom, Catherine M. Michaud, John R. La Montagne, et Lone Simonsen 5. Sciences et technologies de la lutte contre les maladies : hier, aujourd'hui et demain David Weatherall, Brian Greenwood, Heng Leng Chee, et Prawase Wasi 6. Priorités de la mise au point des produits Adel Mahmoud, Patricia M. Danzon, John H. Barton, et Roy D. Mugerwa 7. Approches économiques de la valorisation de la recherche en matière de santé mondiale David Meltzer 8. Améliorer la santé des populations : leçons tirées de l'expérience Carol Ann Medlin, Mushtaque Chowdhury, Dean T. Jamison, et Anthony R. Measham 213 9. Objectifs de développement pour le Millénaire relatifs à la santé : que faudra-t-il pour accélérer les progrès ? Adam Wagstaff, Mariam Claeson, Robert M. Hecht, Pablo Gottret, et Qiu Fang 10. Disparités entre les sexes dans le domaine de la santé Mayra Buvinić, André C. Médici, Elisa Fernández, et Ana Cristina Torres 11. Politiques budgétaires pour la promotion de la santé et la prévention des maladies Rachel Nugent et Felicia Knaul 12. Financer les systèmes de santé au 21e siècle George Schieber, Cristian Baeza, Daniel Kress, et Margaret Maier 13. Récentes tendances et innovations dans le domaine de l'aide au développement en faveur de la santé Robert Hecht et Raj Shah 14. Considérations déontologiques sur l'affectation des ressources, la recherche, et la mise au point de nouveaux produits Dan W. Brock et Daniel Wikler 15. Analyse économique pour l'établissement des priorités Philip Musgrove et Julia Fox-Rushby 16. Tuberculose Christopher Dye et Katherine Floyd 17. Infections transmises sexuellement Sevgi O. Aral et Mead Over, avec Lisa Manhart et King K. Holmes 18. Prévention et traitement du VIH/SIDA Stefano Bertozzi, Nancy S. Padian, Jeny Wegbreit, Lisa M. DeMaria, Becca Feldman, Helene Gayle, Julian Gold, Robert Grant, et Michael T. Isbell 19. Maladies diarrhéiques Gerald T. Keusch, Olivier Fontaine, Alok Bhargava, Cynthia Boschi-Pinto, Zulfiqar A. Bhutta, Eduardo Gotuzzo, Juan Rivera, Jeffrey Chow, Sonbol A. Shahid-Salles, et Ramanan Laxminarayan 20. Maladies pouvant être prévenues par un vaccin Logan Brenzel, Lara J. Wolfson, Julia Fox-Rushby, Mark Miller, et Neal A. Halsey 214 | Priorités en matière de santé 21. Vaincre le paludisme Joel G. Breman, Anne Mills, Robert W. Snow, Jo-Ann Mulligan, Christian Lengeler, Kamini Mendis, Brian Sharp, Chantal Morel, Paola Marchesini, Nicholas J. White, Richard W. Steketee, et Ogobara K. Doumbo 22. Maladies tropicales faisant l'objet d'éradication : trypanosomiase, filariose lymphatique, onchocercose et lèpre J. H. F. Remme, P. Feenstra, P. R. Lever, André C.Médici, C. M. Morel, M. Noma, K. D. Ramaiah, F. Richards, A. Seketeli, G. Schmunis, W. H. van Brakel, et A. Vassall 23. Maladies tropicales ne faisant pas l'objet de mesures de lutte adéquates : dengue, leishmaniose, et trypanosomiase africaine P. Cattand, P. Desjeux, M. G. Guzmán, J. Jannin, A. Kroeger, A.C. Médici, P. Musgrove, M. B. Nathan, A. Shaw, et C. J. Schofield 24. Infections helminthiques : infections helminthiques et bilharziose transmises par le sol Peter J. Hotez, Donald A. P. Bundy, Kathleen Beegle, Simon Brooker, Lesley Drake, Nilanthi de Silva, Antonio Montresor, Dirk Engels, Matthew Jukes, Lester Chitsulo, Jeffrey Chow, Ramanan Laxminarayan, Catherine Michaud, Jeff Bethony, Rodrigo CorreaOliveira, Xiao Shuhua, Alan Fenwick, et Lorenzo Savioli 25. Infections respiratoires aiguës chez les enfants Eric A. F. Simoes, Thomas Cherian, Jeffrey Chow, Sonbol A. Shahid-Salles, Ramanan Laxminarayan, et T. Jacob John 26. Affections maternelles et périnatales Wendy J. Graham, John Cairns, Sohinee Bhattacharya, Colin H. W. Bullough, Zahidul Quayyum, et Khama Rogo 27. Survie des nouveau-nés Joy E. Lawn, Jelka Zupan, Geneviève Begkoyian, et Rudolf Knippenberg 28. Arrêt de croissance, cachexie, et troubles dus à la carence en micronutriments Laura E. Caulfield, Stephanie A. Richard, Juan A. Rivera, Philip Musgrove, et Robert E. Black 29. Interventions contre le cancer dans le cadre des services de santé dans les pays en développement Martin L. Brown, Sue J. Goldie, Gerrit Draisma, Joe Harford, et Joseph Lipscomb Table des matières, Priorités en matière de lutte contre les maladies dans les pays en développement, 2e édition | 215 30. Diabète : la pandémie et les solutions potentielles K. M. Venkat Narayan, Ping Zhang, Alka M. Kanaya, Desmond E. Williams, Michael M. Engelgau, Giuseppina Imperatore, et Ambady Ramachandran 31. Troubles mentaux Steven Hyman, Dan Chisholm, Ronald Kessler, Vikram Patel, Harvey Whiteford 32. Troubles neurologiques Vijay Chandra, Rajesh Pandav, Ramanan Laxminarayan, Caroline Tanner, Bala Manyam, Sadanand Rajkumar, Donald Silberberg, Carol Brayne, Jeffrey Chow, Susan Herman, Fleur Hourihan, Scott Kasner, Luis Morillo, Adesola Ogunniyi, William Theodore, et Zhen-Xin Zhang 33. Maladies cardiovasculaires Thomas Gaziano, K. Srinath Reddy, Fred Paccaud, Susan Horton et Vivek Chaturvedi 34. Affections héréditaires de l'hémoglobine David Weatherall, Olu Akinyanju, Suthat Fucharoen, Nancy Olivieri, et Philip Musgrove 35. Maladies respiratoires des adultes Frank E. Speizer, Susan Horton, Jane Batt, et Arthur S. Slutsky 36. Maladies du rein et du système urinaire John Dirks, Giuseppe Remuzzi, Susan Horton, Arrigo Schieppati, et S. Adibul Hasan Rizvi 37. Maladies de la peau Roderick Hay, Sandra E. Bendeck, Suephy Chen, Roberto Estrada, Anne Haddix, Tonya McLeod, et Antone Mahé 38. Maladies et affections orales et craniofaciales Douglas Bratthall, Poul Erik Petersen, Jayanthi Ramanathan Stjernswärd, et L. Jackson Brown 39. Blessures involontaires Robyn Norton, Adnan A. Hyder, David Bishai, et Margie Peden 40. Violence interpersonnelle Mark L. Rosenberg, Alexander Butchart, James Mercy, Vasant Narasimhan, Hugh Waters, et Maureen S. Marshall 41. Alimentation en eau, assainissement et promotion de l'hygiène Sandy Cairncross and Vivian Valdmanis 216 | Priorités en matière de santé 42. Pollution intérieure Nigel Bruce, Eva Rehfuess, Sumi Mehta, Guy Hutton, et Kirk Smith 43. Pollution de l'air et de l'eau : charge et stratégies de combat Tord Kjellström, Madhumita Lodh, Tony McMichael, Geetha Ranmuthugala, Rupendra Shrestha, et Sally Kingsland 44. Prévention des maladies chroniques grâce à l'alimentation et au changement de mode de vie Walter C. Willett, Jeffrey P. Koplan, Rachel Nugent, Courtenay Dusenbury, Pekka Puska, et Thomas A. Gaziano 45. Fardeau croissant du risque lié à l'hypertension artérielle, au cholestérol et au poids corporel Anthony Rodgers, Carlene M. M. Lawes, Thomas Gaziano, et Theo Vos 46. Tabacomanie Prabhat Jha, Frank J. Chaloupka, James Moore, Vendhan Gajalakshmi, Prakash C. Gupta, Richard Peck, Samira Asma, et Witold Zatonski 47. Alcoolisme Jürgen Rehm, Dan Chisholm, Robin Room, et Alan D. Lopez 48. Abus d'opiacés illicites Wayne Hall, Chris Doran, Louisa Degenhardt, et Donald Shepard 49. Troubles d'apprentissage et du développement Maureen S. Durkin, Helen Schneider, Vikram S. Pathania, Karin B. Nelson, Geoffrey Clive Solarsh, Nicole Bellows, Richard M. Scheffler, et Karen J. Hofman 50. Perte de vision et d'audition Joseph Cook, Kevin D. Frick, Rob Baltussen, Serge Resnikoff, Andrew Smith, Jeffrey Mecaskey, et Peter Kilima 51. Efficience économique des interventions contre les infections musculo-squelettiques Luke B. Connelly, Anthony Woolf, et Peter Brooks 52. Maîtrise de la douleur chez les patients souffrant de cancer et du sida Kathleen M. Foley, Judith L. Wagner, David E. Joranson, et Hellen Gelband Table des matières, Priorités en matière de lutte contre les maladies dans les pays en développement, 2e édition | 217 53. Surveillance de la population : un outil pour cibler et contrôler les interventions Peter Nsubuga, Mark E. White, Stephen B. Thacker, Mark Anderson, Steve B. Blount, Claire Broome, Tom Chiller, Victoria Espitia, Rubina Imtiaz, Dan Sosin, Donna F. Stroup, Robert V. Tauxe, Maya Vijayaraghavan, et Murray Trostle 54. Informations pour améliorer la prise de décision en matière de santé Sally K. Stansfield, Julia Walsh, Ndola Prata, et Timothy Evans 55. Pharmacorésistance Ramanan Laxminarayan, Zulfiqar Bhutta, Adrian Duse, Philip Jenkins, Thomas O'Brien, Iruka N. Okeke, Ariel Pablo-Mendez, et Keith P. Klugman 56. Programmes de santé et de nutrition en milieu communautaire J.B. Mason, D. Sanders, P. Musgrove, Soekirman, et R. Galloway 57. Contraception Ruth Levine, Ana Langer, Nancy Birdsall, Gaverick Matheny, Merrick Wright, et Angela Bayer 58. Programmes de santé et de nutrition en milieu scolaire Donald Bundy, Sheldon Shaeffer, Matthew Jukes, Kathleen Beegle, Amaya Gillespie, Lesley Drake, Seung-hee Frances Lee, Anna-Maria Hoffman, Jack Jones, Arlene Mitchell, Cream Wright, Delia Barcelona, Balla Camara, Chuck Golmar, Lorenzo Savioli, et Malick Sembene 59. Programmes de santé des adolescents Elizabeth Lule, James E. Rosen, Susheela Singh, James C. Knowles, et Jere R. Behrman 60. Santé au travail Linda Rosenstock, Mark Cullen, et Marilyn Fingerhut 61. Atténuation des catastrophes naturelles et secours aux sinistrés Claude de Ville de Goyet, Ricardo Zapata Marti, et Claudio Osorio 62. Maîtrise et éradication Mark Miller, Scott Barrett, et D. A. Henderson 63. Prise en charge intégrée de l'enfant malade Cesar G. Victora, Taghreed Adam, Jennifer Bryce, et David B. Evans 218 | Priorités en matière de santé 64. Soins primaires généraux Stephen Tollman, Jane Doherty, et Jo-Ann Mulligan 65. Hôpitaux de district Mike English, Claudio F. Lanata, Isaac Ngugi, et Peter C. Smith 66. Hôpitaux de recours Martin Hensher, Max Price, et Sarah Adomakoh 67. Chirurgie Haile T. Debas, Richard Gosselin, Colin McCord, et Amardeep Thind 68. Services d'urgence médicale Olive C. Kobusingye, Adnan A. Hyder, David Bishai, Manjul Joshipura, Eduardo Romero Hicks, et Charles Mock 69. Médecine complémentaire et parallèle Haile T. Debas, Ramanan Laxminarayan, et Stephen E. Straus, MD 70. Améliorer la qualité des soins dans les pays en développement John W. Peabody, Mario M. Taguiwalo, David A. Robalino, et Julio Frenk 71. Agents de santé : bâtir et motiver la main-d'œuvre Charles Hongoro and Charles Normand 72. Assurer l'approvisionnement en médicaments et en vaccins appropriés Susan Foster, Richard Laing, Bjorn Melgaard, et Michel Zaffran 73. Gestion stratégique des services cliniques Alexander S. Preker, Martin McKee, Andrew Mitchell, et Suwit Wilbulpolprasert Table des matières, Priorités en matière de lutte contre les maladies dans les pays en développement, 2e édition | 219 Table des matières, Charge de morbidité mondiale et facteurs de risque 1. Mesure de la charge de morbidité mondiale et des facteurs de risque, 1990–2001 Alan D. Lopez, Colin D. Mathers, Majid Ezzati, Dean Jamison, et Christopher J. L. Murray 2. Caractéristiques démographiques et épidémiologiques des principales régions, 1990–2001 Alan D. Lopez, Stephen Begg, et Ed Bos 3. Charge de morbidité et mortalité par affection : données, méthodes et résultats pour 2001 Colin D. Mathers, Alan D. Lopez, et Christopher J. L. Murray 4. Quantification comparative de la mortalité et de la charge de morbidité attribuables à quelques grands facteurs de risque Majid Ezzati, Stephen Vander Hoorn, Alan D. Lopez, Goodarz Danaei, Anthony Rodgers, Colin Mathers, et Christopher J. L. Murray 5. Analyses de sensibilité et d’incertitude des estimations de charge de morbidité et de facteurs de risque Colin D. Mathers, Joshua A. Salomon, Majid Ezzati, Stephen Begg, Stephen Vander Hoorn, et Alan D. Lopez 6. Intégrer les décès survenant peu après la naissance aux estimations de la charge de morbidité mondiale Dean T. Jamison, Sonbol A. Shahid-Salles, Julian Jamison, Joy E. Lawn, et Jelka Zupan Table des matières, Priorités en matière de lutte contre les maladies dans les pays en développement, 2e édition | 221 Photos Conception de la couverture : Naylor Design Photo de couverture : Dominic Sansoni, Banque mondiale Chapitre 1, page 1 : Dominic Sansoni, Banque mondiale Chapitre 2, page 25 : Curt Carnemark, Banque mondiale Chapitre 3, page 41 : Dominic Sansoni, Banque mondiale Chapitre 4, page 61 : Tran Thi Hoa, Banque mondiale Chapitre 5, page 105 : Ray Witlin, Banque mondiale Chapitre 6, page 139 : Alan Gignoux, Banque mondiale Chapitre 7, page 169 : Anatoliy Rakhimbayev, Banque mondiale Chapitre 8, page 195 : Curt Carnemark, Banque mondiale Table des matières, Priorités en matière de lutte contre les maladies dans les pays en développement, 2e édition | 223