Le Débarquement de vive force de l`Ile d`Elbe

Transcription

Le Débarquement de vive force de l`Ile d`Elbe
Le Débarquement de vive force
de l’Ile d’Elbe
(17 juin 1944)
L
e 16 juin au matin, tout est prêt.
Il fait un temps magnifique.
Pendant que les véhicules et les canons s'embarquent à Porto-Vecchio avec le BLT 3, le 4e RTS et les
Tabors, le personnel des premières vagues quitte
les abords de l'extraordinaire cimetière de Bastia,
tout éventré, par les bombes de septembre 1943, et
une longue théorie d'hommes pesamment chargés
défile sur les trois kilomètres qui séparent les
"Areas" du port.
A midi, le BLT 1 et le BLT 2, le Bataillon de Choc
et le Groupe de commandos ont pris place à bord
des LCI qui, par une attention de la Royal Navy
particulièrement appréciée des passagers ont
arboré à la corne, le pavillon français.
LCI sur les LCA. La nuit est sombre déjà; les hommes
tâtonnent pour sauter dans les bateaux d'assaut
rangés le long du bord.
On a stoppé, les LCI sont immobiles et leurs formes noires paraissent immenses dans l'obscurité.
Bientôt, moteurs au ralenti, les LCA s'éloignent,
se mettent en cercle pour se rassembler, puis disparaissent, en file derrière le feu rouge du bateau
guide.
Silence.
Les Sénégalais dorment comme des enfants, dans
les postes ou à même le pont.
Ce silence écrasant que ne trouble pas le moindre
clapotis, est la seule différence entre cette nuit-ci et
les nuits d'exercices d'Ajaccio.
Sur rade, le général
de Lattre de Tassigny à
bord d'une chaloupe,
passe en revue ces
hommes bien décidés à
ne pas faire mentir la
tradition de l'Arme : "Des
cœurs de matelots, des
âmes de soldats".
Le général Magnan
embarque sur le bateau
de Commandement de
l'amiral Troubridge puis,
à petite allure chaque
LCI traînant en remorque ses deux bateaux
Ile d’Elbe, 1944. De gauche à droite :
d'assaut, la flottille fait
Col. Olié, gén. Henry Martin;comt Gilles, gén de Lattre de Tassigny, gén. Magnan
route vers le sud, sur la
Vers minuit des rafales de balles traçantes silmer Tyrrhénienne, plus calme, un peu plus brulonnent le ciel vers le nord. On tend l'oreille pour
meuse et plus verte que la Méditerranée de l'ouest.
évaluer la distance ; ce doit être loin, on n'entend
Avant la nuit on aperçoit la flottille venant de Porrien.
to-Vecchio, puis le pain de sucre de Monte-Christo, et
on met le cap au nord.
A 2h, les LCA sont revenus. Ils ont rencontré
une canonnière ennemie, celle, sans doute, qui
Le silence succède d'un coup au brouhaha joyeux
était signalée à Marina di Campo et qu'un groupe
qui régnait à bord.
de marins anglais a pour mission d'enlever à
Puis, vers 21h30, un piétinement sur les tôles,
l'abordage Echange de rafales, court combat naquelques chocs assourdis sur les légers blindages,
val à la mitrailleuse.
les détachements du Bataillon de choc passent des
© FNAOM-ACTDM / CNT-TDM
1
Mais l'ennemi se retire et Ton saura plus tard
qu'il ramenait vers Marina di Campo, la garnison
de l'Ile de Pianosa.
Le Bataillon de Choc a débarqué sans incident.
Les yeux écarquillés dans le noir, on cherche à
apercevoir les fusées qu'ils doivent lancer quand
ils auront terminé la rude escalade des falaises
du Mont Poro et de Capo délia Stella.
Les LCA se remplissent rapidement de nouveau, et emportent vers leur destin les premières
et deuxièmes vagues du BLT 2.
Brusquement, vers 3 h 30, le ciel s'illumine de
fusées ambrées en grappes, et le profil des côtes
en dents de scie se détache sur la lueur blanchâtre. Ce sont sans doute les signaux attendus du
Bataillon de Choc. On apprendra bientôt que c'est
le signal d'alerte générale pour la garnison de
l'Ile.
La flottille est à trois milles au plus de la côte.
Moteurs en route, les cinq LCI formant la troisième vague repartent. Le 316 en tête, ils longent
de près la falaise de la Foce quand, à 4h, se déclenche le tonnerre des bateaux-rocket qui accompagnent la première vague de LCA et qui larguent
ensemble l'enfer de leurs quatre mille tubes.
Une immense lueur rouge, puis plus rien. Quelques lourdes minutes passent.
Puis une mitrailleuse, deux, trois, se mettent en
action. Bientôt, une multitude de projectiles traçants rouges, blancs, verts s'entrecroisent dans
toutes les directions. Les explosions des tirs d'arrêt de 152 des batteries de côte se confondent
avec les arrivées de mortiers et les détonations
des bengalores. Le vacarme est assourdissant.
Un halo rougeâtre, celui de l'incendie de deux
LCA, touchés par des PAK 88 filtre à travers le rideau de fumée émis par les LCS anglais.
A 4 h 30, les cinq LCI de la troisième vague
s'échouent au milieu de ce tumulte.
Bientôt deux d'entre eux, atteints par des 88,
flambent. On voit les hommes environnés de
flammes sauter à la mer, leur fusil à la main.
La troisième vague ne peut débarquer, quatre
des LCI battent en arrière et se retirent, laissant
le cinquième en feu sur la plage. Il brûlera jusqu'au soir, avec son pavillon tricolore à la corne.
La situation est critique.
A gauche, devant Marina, tout a bien marché. Le
village est conquis, le point d'appui qui le défend
sera nettoyé à 5h.
Mais à droite, à la Foce, l'atterrissage a eu lieu
trop à l'ouest. Les équipages, arrêtés par un épais
réseau et un champ de mines dense, n'ont pu gagne: l'abri de la falaise pour manœuvrer par l'est le
point d'appui ennemi. Les hommes sont cloués au
sol et les unités sont décimées.
Il n'est pas question d'insister de ce côté, d'autant que les détachements du Bataillon de Choc, débarqués avec du retard, n'ont pas encore pu remplir
leur mission de neutralisation des batteries de côte,
Ce n'est qu'à 5h30, que la batterie de la Punta
Bardella est détruite et celle du Monte Poro mise non
© FNAOM-ACTDM / CNT-TDM
d'état d'agir. A Enfola vers la même heure trois
pièces sur quatre sont mises hors d'usage.
A Fonza, il n'y a personne. Ripalti tirera encore
longtemps. A Pina, l'opération ne réussit pas. Il faudra du temps pour faire taire ces pièces.
En attendant, les deux vagues débarquées peuvent
se croire abandonnées, car la flottille a repris
le large.
Pas pour longtemps, car à la Spiaggia di Fonza
dite "Plage verte", le Groupe de Commandos a débarqué sans encombre, quoiqu'avec du retard. On
fera passer la troisième vague par là. Le BLT I débarquera aussi, ainsi que les Tabors et le 4e RTS.
Puisque le temps s'y prête, on va masquer les observatoires et les batteries ennemies, encore intactes par un nuage de fumée. Les bateaux canons,
de leur côté, feront le reste.
A partir de 5h30, c'est une ruée vers la plage
verte, où débarquent pêle-mêle, Sénégalais, Marocains, Sapeurs.
Mais chacun a tellement préparé son ouvrage
qu'aussitôt à terre les unités escaladent les pentes
et partent chacune vers leur mission.
A 7h, le BLT 2 réussit à dégager la plage de la
Foce, le BLT 1 se prépare à attaquer le Monte Bacile, le groupe de Commandos lient le Mente Tambone et par la cote 319 progresse vers le Monte
San Martine.
Le 4e RTS à son tour, se regroupe vers les
hauts, quelque peu mélangé avec les Tabors qui
s'orientent vers la Spiaggia-Grande et l'isthme de
Capo-Della Stella.
Quant au bateau-canon allemand, il a été enlevé à l'abordage, par les marins anglais. Victoire
payée chèrement car le bateau a sauté sous les
pieds des vainqueurs qui ont, de plus, rencontré
de nombreuses mines sur la petite jetée de Marina.
A 10h, le Monte Bacile est pris, après trois assauts par le l/13e RTS, le P.C. du BLT 2 est à Pila,
la 5e Cie du 13e BTS aborde le Monte Castello et
la côte 251
La situation, à présent va évoluer favorablement Après un nouveau nettoyage de Marina, le
matériel et les véhicules vont pouvoir débarquer. Les
premières jeeps apparaissent sur les routes à 14
h, et à 17 h le BLT 2 (5e Cie) s'empare de Procchio en Liaison avec un petit groupe du Bataillon
de Choc, et anéantit le point d'appui de la plage
nord. La voie de Porto Ferraio est ouverte.
De son côte, le Bataillon de Choc pousse sur le
Monte Perone, prend part au nettoyage de Procchio
et empêche les Allemands de faire jouer les destructions de Marciana Marina.
Le soir, la moitié ouest de l'Ile est conquise...
... Après une nuit nerveuse et agitée, au milieu
des incendies allumés dans le maquis par les
obus, la progression reprend.
Le 4e RTS s'empare de la Villa Napoléon…
Lt-colonel Gilles
(général de C.A. décédé en 1951)
2