les aplombs vus par le maréchal - Equi

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les aplombs vus par le maréchal - Equi
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LES
COMPAGNONS DU DEVOIR
LES APLOMBS
VUS PAR LE
MARÉCHAL-FERRANT
PAR PHILIPPE VANSCHEPDAEL ET LES COMPAGNONS MARÉCHAUX-FERRANTS DU DEVOIR
DESSINS DE VÉRONIQUE BABONNEAU
1ES APtOMBS VUS PAR LE MARECHAL-FERRANJ
SOMMAIRE
SOMMAIRE
1
Introduction ............................................................................................ 1
2
Notions biologiques et hippologiques de base.......................................3
3
Quelques notions essentielles de biomécanique
statique et dynamique.............................................................................7
4
Les étapes de l'étude des aplombs........................................................ 12
5
L'étude des aplombs ............................................................................. 13
5.1 Généralités ............................................................................................ 13
5.2 Les différents types de déviations ........................................................ 17
5.3 L'étude des aplombs des membres thoraciques ................................. 22
5-3.1 Dans la vue frontale ................................................................... 22
5-3.2 Dans la vue sagittale .................................................................. 46
5.4 L'étude des aplombs des membres pelviens ........................................ 57
5.4.1 Dans la vue caudale .................................................................. 57
5.4.2 Dans la vue sagittale .................................................................. 66
6
Quelques éléments pratiques et conclusion ........................................ 75
Quelques références bibliographiques ............................................... 79
— COMPAGNONS MARECHAUX-FERRANfS DU DEVOIR DU TOUR DE FRANCE
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LES APLOMBS VUS PAR LE MARECHAL-FERRANï
INTRODUCTION
1. INTRODUCTION
Ah, les aplombs... Quel sujet !
Curieusement, aussi complexe et déterminant soit-il pour le confort de nos chevaux
de loisir ou de sport, le sujet est généralement traité en quelques pages assez
succinctes que dessins ou croquis plus ou moins heureux tentent d'expliciter, car
le poids de l'histoire nous fait croire qu'il se réduit à ce minimum jadis enseigné aux
hommes de troupe des régiments de cavalerie.
Mais comprendre les aplombs équins ne saurait se réduire à évaluer une position
du membre ou du pied par rapport à une ligne imaginaire. En effet, si cette
méthode a l'avantage d'être simple et pratique, elle a aussi l'inconvénient de figer
les aplombs et de ne les considérer que dans deux dimensions. Or, le cheval est
fait pour bouger dans l'espace.
En plus du classique examen en statique, les aplombs ne peuvent pas faire
l'économie d'un examen en dynamique et dans les trois dimensions. Un aplomb
bien compris n'est donc pas le résultat d'une comparaison avec le modèle
idéalement dessiné sur les planches d'hippologie mais bien celui d'une réflexion
nourrie par de nombreuses observations. Reste encore à déterminer si l'aplomb
constaté est naturel ou acquis, compensatoire ou antalgique, bref, amendable
ou non..
Puisse cette étude aider les maréchaux-ferrants et leurs partenaires à améliorer
leur qualité d'observation et de compréhension des aplombs. De cette qualité
dépend le bon entretien de l'appareil locomoteur équin, certes par ses éventuelles
corrections, mais mieux encore par une anticipation davantage guidée par
le confort que par l'esthétique.
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NOTIONS BIOLOGIQUES ET HIPPOLOGIQUES
2. NOTIONS BIOLOGIQUES
ET HIPPOLOGIQUES DE
BASE
La branche de ¥ hippologie qui étudie la conformation du cheval se nomme
l'extérieur. C'est ce que la biologie appelle plus précisément le phénotype.
Le phénotype d'un être vivant, ce sont toutes les caractéristiques visibles de son
corps. Il est important de bien distinguer le phénotype au.génotype (ou génome),
lequel est uniquement l'ensemble des facteurs héréditaires qui constituent cet être
vivant et qui lui sont transmis par ses parents.
La conformation du cheval résulte de l'hérédité, mais aussi du milieu. Elle peut
varier dans le temps, selon les multiples influences de celui-ci.
Chez le cheval domestique, l'hérédité et le milieu sont essentiellement régulés
par l'homme (sélection des reproducteurs, alimentation, conditions de vie et de
travail, soins, négligences diverses, etc.).
L'étude de la conformation s'intéresse aux proportions et aux orientations
des différentes régions du corps, en allant du général au particulier.
La conformation du cheval, et plus spécialement celle de ses membres, revêt
une importance considérable parce que si celle-ci est correcte, sa fonction la plus
utile pour l'homme (sa locomotion) sera également correcte.
Dans ces circonstances, la liberté des mouvements est assurée au mieux et ceux-ci
requièrent un minimum d'énergie. En conséquence, les performances sportives
pourront s'exprimer facilement et surtout longtemps.
Finalement, d'un point de vue purement maréchal, ce cheval (sauf négligences,
incompétences ou mésaventures) ne présentera pas de problème, ni au niveau
de ses pieds, ni à celui de ses allures.
En revanche, une conformation défectueuse entraîne une distribution anormale
des charges, en particulier sur les articulations et sur les boîtes cornées, et une
locomotion plus ou moins ralentie et perturbée. Ces conséquences handicapent
l'expression des performances et réduisent la longévité du système locomoteur.
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NOTIONS BIOLOGIQUES ET HIPPOLOGIQUES
Fig. 1 : L'archétype de la beauté absolue selon l'hippologie. Corps dans
un carré, « cheval qui a du cadre ». Orientation verticale des membres.
Fig. 2 : Beauté de bronze.
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D'un point de vue maréchal, une conformation défectueuse entraîne donc une
série de problèmes au niveau des pieds et/ou des allures qu'il convient généralement de pallier par une ferrure spécifiquement adaptée. Celle-ci est destinée à
aider le cheval à mieux s'équilibrer et donc à conserver une locomotion aussi bonne
que possible.
L'appréciation de la fonction locomotrice du cheval doit donc débuter par
une appréciation de sa conformation générale (le modèle). Elle est suivie par
une observation approfondie de la conformation des membres ET de leurs modes
de fonctionnement (ce que nous nommons les allures).
C'est ce que la maréchalerie appelle l'ÉTUDE DES APLOMBS.
En hippologie, la beautéest l'aspect extérieur d'une région ou d'un organe bien
adapté à sa fonction.
Pour l'hippologie, la beauté absolue ou idéale est celle qui devrait être observée
chez tous les individus et qui devrait convenir à toutes les disciplines équestres.
C'est une notion purement théorique. Seuls les chevaux de bronze ou de marbre
de nos places publiques sont susceptibles de répondre exactement aux critères de
la beauté absolue (fig. 1 et 2) !
La beauté est une notion relative. Il convient de tenir compte des nombreux
critères physiologiques individuels qui, de surcroît, varient en fonction du travail
précis pour lequel le cheval a été sélectionné.
Par exemple, on ne juge pas avec les mêmes critères de beauté l'orientation de
l'épaule (angle de la scapula sur l'horizontale) d'un cheval de course au galop
et celle d'un cheval de course au trot, ni l'orientation de la croupe d'un cheval
sauteur avec celle d'un tractionneur.
La défectuosité en hippologie désigne une région ou un organe mal adapté,
ou carrément inadapté à sa fonction. La défectuosité est donc pathogénique(1).
Mais, comme la beauté, la défectuosité est une notion fort relative. En effet, tout
dépend de son ampleur, du type de travail auquel le cheval est soumis et de
l'intensité de celui-ci.
(1) Qui est susceptible de générer une maladie.
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NOTIONS BIOLOGIQUES ET HIPPOLOGIQUES
Par exemple :
• le piedtrop petitpar rapport au format du cheval est inévitablement une cause
de surcharge pour cet organe ;
• un pied trop large et trop plat est totalement inadapté à un travail en région
montagneuse ;
• un cheval au paturon long et incliné est peut-être confortable à monter, mais
cette conformation surcharge les talons et l'appareil suspenseur et fléchisseur,
surtout si le cheval travaille aux allures rapides ;
• un cheval au paturon court et redressé surcharge ses phalanges, en particulier
s'il travaille intensément sur un sol dur ;
• un cheval « fait en plongeant », c'est-à-dire avec une arrière-main plus haute
que l'avant-main, surcharge cette dernière. Utilisé pour un travail classique
de manège, ce cheval risque de « forger », utilisé de manière nettement plus
intensive, il risque carrément de se blesser.
Notons encore qu'en cas de défectuosités d'aplombs, /'/ n'est pas rare de noter
la présence plus ou moins discrète de tares, la tare étant l'expression extérieure
d'un phénomène de surcharge ou d'usure organique (d'où la nécessité pour
le maréchal-ferrant de savoir les identifier) (fig. 3).
Fig. 3 : Tares : molettes tendineuse et articulaire du boulet.
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NOTIONS DE BIOMÉCANIQUE
3. QUELQUES NOTIONS
ESSENTIELLES DE BIOMÉCANIQUE
STATIQUE ET DYNAMIQUE
Des observations et des expérimentations réalisées principalement à la charnière
des XIXe et XXe siècles ont démontré quatre choses essentielles :
A. Chez le cheval h l'arrêt, les pieds antérieurs supportent 60 % du poids du corps
et les pieds postérieurs supportent les 40 % restants. La position du centre de
gravité est donc frontale.
Le centre de gravité du cheval, c'est le centre des forces exercées par la pesanteur
sur toutes les parties de son corps.
En station ordinaire, le centre de gravité est situé sur le plan médian, ± 1 5 cm
en arrière d'une droite qui réunirait les deux coudes (fig. 4).
Fig. 4 : Position du centre de gravité.
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NOTIONS DE BIOMÊCANIQUE
La position du centre de gravité nous montre :
• que l'avant-main est davantage faite pour supporter le poids du corps.
C'est d'ailleurs pour cela que les pieds antérieurs ont une surface d'appui
plus grande et sont donc légèrement plus ronds et plus inclinés que
les postérieurs ;
• que /'arrière-main est davantage faite pour la propulsion. C'est pour cela
que les pieds postérieurs sont plus pointus, plus redressés et ont une surface
d'appui légèrement inférieure à celle des antérieurs, ce qui leur permet de
mieux s'ancrer dans le sol.
Il faut observer que le cheval à l'arrêt peut volontairement déplacer son centre de
gravité. Ainsi, en redressant son encolure, il le fait reculer. De ce fait, il décharge
ses membres antérieurs.
B. La forme de la base de sustentation varie selon les conditions de l'appui
de chaque pied. En 1846, l'Anglais MOORCROFT a démontré que la base de
sustentation a tendance à s'élargir quand on surélève le côté externe du sabot et
à se rétrécir quand on surélève l'interne. Quand l'animal est mis au pas, ceci devient
une réalité bien mesurable pour bon nombre de chevaux.
On appelle base de sustentation du cheval la surface définie par l'appui de ses
pieds. A l'arrêt, elle est théoriquement rectangulaire (fig. 5).
Ces observations montrent que les conditions de l'appui du pied - c'est-à-dire
la longueur du sabot et son plan d'appui — influencent directement l'orientation
des membres.
Fig. 5 : Base de sustentation du cheval à l'arrêt.
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NOTIONS DE BIOMÉCANIQUE
CP
Fig. 6 : Position normale
du centre de pression (CP).
Fig. 7 : Effets des modifications de l'aplomb
sur la position du centre de pression.
C. Le centre de pression du pied (CP), mesuré a l'arrêt chez un cheval bien
conformé et bien paré, est placé sur l'axe de sa longueur, à ± 2 cm en arrière de
l'apex de la fourchette (fig. 6). Mais le plan d'appui du pied influence la position
du centre de pression. Ainsi, le rehaussement des talons déplace les pressions en
direction de ces derniers, le rehaussement de la pince en direction de celle-ci (fig. 7),
et le rehaussement d'un quartier en direction du quartier surélevé. Cependant,
ces déplacements restent très limités à l'arrêt (expériences du Français PADER,
1892) (fig. 8).
Le centre dépression du pied (ou point de moment nul), c'est, à sa face plantaire,
le lieu où s'équilibrent toutes les forces d'appui verticales qui s'exercent au niveau
de sa surface d'appui sur le sol. Sa position témoigne donc des charges subies.
Fig. 8 : La recherche du centre
de pression selon Pader.
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NOTIONS DE BIOMÉCANIQUE
Ceci nous enseigne que :
Du point de vue statique, un cheval est correctement conformé et paré quand
le centre de pression du pied occupe sa position normale, et quand la ligne droite
qui relie le centre de suspension du membre h ce centre de pression est verticale.
Cette ligne droite est appelée axe directeur du membre.
Le centre de suspension du membre antérieur est situé au centre de la scapula.
Le centre de suspension du membre postérieur est situé au niveau de l'articulation
coxo-fémorale (fig. 9).
D. En statique et en dynamique, les changements de position du centre de
pression du pied se font de la même manière que les déplacements du boulet.
Or, ceux-ci varient selon les conditions de l'appui du pied ET selon la conformation du cheval (expériences du Belge LlÉNAUX, 1907).
Ceci montre que pour équilibrer correctement un cheval, non seulement il doit
être paré en tenant compte de sa conformation individuelle, mais aussi que la base
d'appui de son pied doit être construite en tenant compte des déplacements de son
boulet.
Fig. 9 : Axes directeurs des membres.
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NOTIONS DE BIOMÉCANIQUE
REMARQUES
Lors du mouvement, le centre de gravité du cheval se déplace dans les trois
plans principaux. Ces déplacements du centre de gravité dépendent de l'allure :
allures marchées ou allures sautées. Si le centre de gravité se déplace forcément avec
le corps du cheval vers l'avant, il faut aussi observer qu'il oscille verticalement
sous l'effet de la pesanteur. Une grande part de l'énergie cinétique2 qui en résulte est
absorbée par les muscles locomoteurs (notamment suite aux flexions articulaires)
et même emmagasinée par l'appareil de soutien du boulet, pour ensuite être
restituée en fin de propulsion.
Finalement, le centre de gravité se déplace également de gauche à droite dans
le plan frontal, le cheval qui se meut en ligne droite devant le placer au-dessus
de son pied. Mais, à l'exception du pas où elles sont plus notables, les oscillations
latérales du corps sont faibles parce que c'est surtout le membre qui - pour
des raisons de stabilité - va venir se placer au plus près de la ligne de gravité.
C'est-à-dire qu'à l'appui, le membre se met en léger varus et force ainsi le pied
en légère éversion (fig. 10).
Fig. 10 : Cheval au trot avec membres rentrants.
- Relatif au mouvement.
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ÉTUDE DES APLOMBS
4.
ETAPES DE L'ETUDE
APLOMBS
Les aplombs du membre et ceux du pied ayant l'un sur l'autre des actions
réciproques, la simple observation de la direction des membres à l'arrêt ne
permet pas, à elle seule, de préciser la véritable conformation du cheval.
Pour la maréchalerie, l'étude des aplombs va donc reposer sur trois étapes.
A. L'étude des aplombs en statique ou « de pied ferme », c'est-à-dire l'observation
à l'arrêt, à l'appui quadripédal libre, sur un sol horizontal et dans les deux plans
(c'est-à-dire des quatre côtés) :
• de l'orientation générale des membres par rapport au corps, et les uns par
rapport aux autres ;
• de l'orientation et de la proportion de chacun des rayons osseux (il y en a
sept par membre) ;
• de l'orientation des sabots par rapport au sol et par rapport au reste du doigt.
B. L'étude des aplombs en dynamique ou « en marche », c'est-à-dire l'observation
dans les deux plans en ligne droite sur un sol horizontal, au pas et au trot :
• de la trajectoire générale de chaque membre au soutien ;
• des trajectoires de chaque pied, boulet, genou et jarret au soutien ;
• du mode de mise en charge de chaque pied au cours de l'appui ;
• du mode de mise en charge de chaque doigt/boulet au cours de l'appui.
C. L'étude des aplombs « pied levé », c'est-à-dire pour chaque sabot, l'observation
et/ou la mesure :
• de ses proportions générales et de celles de ses différentes régions ;
• de l'orientation de son plan d'appui dans les deux plans ;
• de la position de ses six principaux points d'équilibre (les « divisions »).
Pour un maximum de détails sur ces notions, voyez nos publications Et si cela
venait de la tournure du fer et Savoir lire et comprendre la boîte cornée.
On voit donc que, pour effectuer correctement une véritable analyse des aplombs,
on ne peut pas se contenter d'un examen rapide. Il est indispensable de prendre
du temps et de procéder de manière rigoureuse.
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ÉTUDE DES APLOMBS
5. L'ETUDE DES APLOMBS
5.1. GENERALITES
L'aplomb idéal tel que décrit dans les manuels d'hippologie est un standard
purement théorique. C'est celui qui répond aux critères de la beauté absolue.
L'aplomb naturel est celui qui accompagne naturellement - dans le sens de
conforme à son génotype et aux résultats de son développement - les beautés
et les défectuosités relatives d'un individu ayant terminé sa croissance.
Selon que les beautés ont, ou n'ont pas, plus d'importance que les défectuosités,
cet aplomb naturel peut être régulier ou correct, plus ou moins irrégulier ou
imparfait, ou carrément défectueux.
Deux choses extrêmement importantes doivent ici retenir notre attention.
A- Les aplombs, qualifiés d'irréguliers et de défectueux par l'hippologie,
peuvent être :
• naturels, tels que définis ci-dessus ;
• accidentels, quand ils résultent de défectuosités temporaires susceptibles
d'être rectifiées. Les négligences du propriétaire et/ou une maréchalerie mal
comprise ou mal maîtrisée en sont les causes principales ;
• acquis, quand ils résultent d'une pathologie ayant entraîné des modifications
définitives de l'anatomie.
B. Le cheval à l'arrêt se tient dans la position qui lui assure le meilleur confort.
Pour ce faire, il peut changer partiellement l'orientation de ses rayons osseux.
C'est-à-dire que ses aplombs se modifient dans le but d'équilibrer ou de
tenter d'équilibrer l'ensemble des contraintes biomécaniques en compression
et en traction.
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ÉTUDE DBS APLOMBS
Nous avons déjà souligné plus haut que les soins apportés au pied par la
maréchalerie influencent directement les aplombs, puisque par le parage et par
le fer, elle agit sur les conditions de l'appui du pied, et donc sur les forces qui
déterminent l'orientation des rayons osseux. Ces forces agissent passivement
— c'est-à-dire uniquement en fonction de la biomécanique articulaire et de celle
de « l'appareil de soutien du membre » — et/ou activement — c'est-à-dire en
faisant en plus appel a l'action de certains muscles, et ce, en fonction d'un
inconfort ressenti.
En effet, il est important de rappeler que les membres antérieurs et postérieurs du
cheval disposent chacun d'un « appareil de soutien » bien particulier. À l'appui,
ces dispositifs sont responsables de tensions ligamentaires qui servent à étayer
mécaniquement les membres en utilisant un strict minimum d'énergie musculaire, ce qui autorise notamment le cheval à dormir debout sur trois pieds.
Fig. 11 : Appareils de support des membres.
Ces deux appareils sont donc constitués d'une série de structures ligamentaires
destinées à stabiliser le membre dans le plan sagittal. C'est-à-dire à contrôler
le plus passivement possible la direction du paturon (autrement dit la flexion/
extension du boulet et du pied) et par là, la flexion/extension de toutes les autres
articulations du membre (fig. 11).
Nous noterons que dans le plan frontal, cet étalement mécanique est assuré par
la forme des articulations et par leurs ligaments collatéraux.
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ÉTUDE DES APLOMBS
Rappelons également que cet étayage des membres dans le plan sagittal est
beaucoup plus passif au niveau des membres antérieurs qu'au niveau de leurs
homologues postérieurs où il reste plus musculaire, et ce malgré le « système
réciproque ». En effet, si durant la période de soutien du membre, ce système a
pour effet de solidariser automatiquement entre elles les flexions/extensions
du grasset et du jarret, au cours de l'appui il engendre des tensions opposées qui
servent à stabiliser le membre. Et ce n'est QUE SI le cheval bloque volontairement
sa rotule que l'étaiement du membre pelvien devient quasiment passif.
Finalement, il est extrêmement important d'observer que c'est quand le centre
de suspension du membre est a la verticale du centre normal de pression du pied
que ce contrôle des angles articulaires est le plus mécanique, donc le plus
confortable pour le cheval.
Quand la station implique l'action de certains muscles, on parle à'aplombs
compensatoires. Et même & aplombs antalgiques quand ils sont manifestement
destinés à atténuer une douleur. Si à court terme ces aplombs soulagent le cheval,
à long terme ils induisent généralement de véritables cercles vicieux.
Par exemple, prenons un cheval qui ressent une douleur au niveau des talons
de ses membres antérieurs. Pour se soulager, il peut se tenir sous-lui de devant.
Mais cet aplomb antalgique concentre l'appui sur la pince, d'où souvent des talons
de plus en plus haut. Et au final, ces derniers vont subir de plus en plus de charges
et la morphologie naturelle de la boîte cornée va se modifier. De surcroît, afin de
lutter contre le déséquilibre ainsi produit, il va devoir se tenir sous-lui de derrière.
Tout l'équilibre de la station et de la locomotion est donc ainsi progressivement
perturbé.
De tous ces éléments découlent forcément des risques importants de simplification
et de généralisation tels : « un panard doit se parer a l'externe », « un cagneux
a l'interne », « un pied trop droit en talons », « un pied trop incliné en pince »,
• le pied doit toujours se poser aplat », « les talons bas doivent être compensés »,
* le quartier redressé est le quartier surchargé qui doit être paré », etc.
Observons aussi que les aplombs peuvent également être le résultat d'un dressage,
visant à « placer » temporairement le cheval d'une manière plus avantageuse
-a-vis des critères de la beauté absolue ou d'autres critères relatifs aux standards
ne race particulière).
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ÉTUDE DES APLOMBS
Notons encore qu'en mouvement, les forces d'appui s'exercent avec nettement
plus d'intensité, alors que les lois de l'équilibre réduisent assez fort les possibilités
de compensations - mais sans pour autant les faire disparaître totalement -, d'où
la nécessité d'observer les aplombs en marche. D'autant plus que cette observation
du cheval en mouvement peut révéler des mises en charge totalement différentes
de celles observées à l'arrêt. Ces différences permettent d'expliquer des usures du
fer et/ou des déformations de la boîte cornée et/ou des problèmes d'interférences
entre les membres et/ou avec le sol, qui sont apparemment illogiques en statique.
L'extérieur ne fait pas de distinction entre les aplombs naturels, accidentels
et acquis. Or, cette différenciation est totalement essentielle en maréchalerie !
Parce que celle-ci a pour devoir de rectifier les aplombs défectueux accidentels.
Mais elle ne peut pas « corriger » un aplomb présentant une défectuosité naturelle
ou un aplomb défectueux acquis. Cependant, vu qu'ils sontpathogéniques, il est
indispensable quelle en tienne compte pour y pallier.
La régularité des aplombs doit donc être le résultat d'une sélection rigoureuse et d'une
maintenance parfaite dès le plus jeune âge et non d'une « maréchalerie cosmétique ».
Celle-ci est en grande partie alimentée par un concept courant, mais totalement
erroné, qui considère que si les aplombs paraissent corrects, ils sont corrects.
REMARQUES
On entend par ferrure palliative l'application de fers qui, par leur géométrie
et en particulier par leur base d'appui, permettent d'atténuer les faiblesses et/ou
les compensations qui résultent d'un défaut d'aplomb naturel ou acquis. Ainsi,
par exemple, un paturon long exige de reculer la base d'appui, un pied en
éversion demande de la déplacer du côté médial, celui en inversion du côté latéral,
(voir pages 37 et 39 pour les définitions du pied en éversion et en inversion), etc.
Chez les poulains, on parle d'anomalies d'aplomb :
'périnatales, quand celles-ci se présentent dès la naissance ou rapidement
après celle-ci ; • développementales, quand celles-ci apparaissent au cours de
la croissance.
Il existe une branche de la maréchalerie orthopédique qui a pour intention de
rectifier ces défauts d'aplomb. Cependant, en ce qui concerne les anomalies
dans le plan frontal, et vu la rapidité à laquelle s'effectue la maturité des cartilages
de croissance (physes), les délais d'intervention sur les défauts angulaires sont
extrêmement courts.
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LES APLOMBS VUS PAR LE MARËCHAL-FERRANT
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Par exemple, un varus du boulet doit quasiment être considéré comme acquis
dès l'âge de 3 mois, et la plage d'intervention utile pour corriger un valgus du
genou ou du jarret se situe entre 4 et 8 mois (pour la définition des mots varus et
valgus, voir page 19).
Dans le plan sagittal, les différentes anomalies en flexion, qui s'accompagnent
le plus souvent d'altérations de l'appareil fléchisseur et suspenseur, doivent
également être amendées le plus rapidement possible. Après l'âge de deux ans, elles
sont acquises.
5.2. LES DIFFÉRENTS TYPES DE DÉVIATIONS
Les possibilités de variations d'aplombs entre les individus, et même entre les
membres controlatéraux du même individu, sont pratiquement illimitées.
Par souci de simplification, l'extérieur classe les principaux aplombs du cheval à
l'arrêt dans un nombre limité de cas de figure. Pour ce faire, l'observateur se sert
des lignes d'aplomb qui sont des verticales imaginaires issues de quelques points
de repères anatomiques, principalement la pointe de l'épaule et la pointe de
la fesse. Et il les désigne par des expressions qui ne sont pas toujours bien définies.
Il en découle un très grand risque d'imprécisions et de confusions (fig. 12).
jNwxn et Ixruf - g. tinârn -
/7^. 72 : Présentation « classique » des aplombs (extrait d'un manuel d'hippologie de la fin du XIX" siècle).
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LES APLOMBS VUS PAR LE MAKECHAL-FERRANT
ÉTUDE DES APLOMBS
L'utilisation de lignes d'aplomb s'avère cependant un procédé qui, outre l'avantage
d'être simple, permet de donner des indications générales intéressantes, tout
particulièrement en ce qui concerne la répartition des charges statiques sur le pied,
le poids tombant selon la verticale.
Mais cette méthode s'avère beaucoup trop floue du point de vue anatomique,
biomécanique et orthopédique. Il est donc souvent indispensable d'être nettement plus précis.
C'est-à-dire qu'il faut, pour chaque membre et pour chaque étage osseux :
• distinguer différents types de défectuosités d'orientation et de proportion ;
• évaluer si ces déformations vont dans le même sens, en s'associant et en
s'additionnant les unes aux autres, ou au contraire voir si elles s'opposent.
Ainsi, dans la vue sagittale, il est indispensable de préciser les longueurs des
différents rayons osseux - ceux-ci sont autant de bras de levier - ET d'observer
et comparer attentivement leurs orientations respectives.
Orientation
correcte.
Déviation
angulaire en valgus
ou varus.
Déviation
en rotation.
Désaxage.
Fig 13 : Observation des axes articulaires.
Dans les vues frontale et caudale, il faut bien reconnaître que l'on rencontre très
rarement l'aplomb idéal, celui qui, à partir de l'avant-bras ou de la jambe, aligne
parfaitement les axes des différents rayons osseux.
En plus de l'orientation générale du membre, il faut - malgré leurs très fréquentes
associations - tenter de distinguer a chaque étage articulaire quatre possibilités
(fîg. 13) :
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• une orientation correcte : les axes supérieur et inférieur de l'articulation sont
dans le prolongement l'un et l'autre ;
• une déviation articulaire angulaire : dite en varus, quand le rayon inférieur
est dévié du côté médial, elle est dite en valgus quand le rayon inférieur
est dévié du côté latéral. Comme les rayons osseux ne sont plus alignés,
ces déviations entraînent pour l'articulation en cause :
- au cours de l'appui : des excès de pression du côté refermé de l'angle,
et des tractions ligamentaires anormales du côté ouvert ;
- au cours des flexions/extensions : des mouvements anormaux (en endorotation/exorotation). Il en découle souvent des déviations de la trajectoire
du pied ainsi que des posés et des départs anormaux de ce dernier (d'où
parfois aussi une usure irrégulière du sabot ou du fer) ;
• une déviation en rotation : il s'agit ici d'une torsion de l'articulation ou
de l'axe du rayon inférieur, vers l'interne ou vers l'externe. Dans ces
circonstances, les phases de l'appui et du soutien ne s'exercent plus paral
lèlement au plan médian du corps, mais en oblique (en diagonale) par rapport
à ce dernier. D'où également la possibilité de contraintes en compression et
en traction, de modifications de la trajectoire du pied, et des posés/départs
anormaux (d'où parfois aussi une usure irrégulière du sabot ou du fer) ;
• une déviation axiale : /'/ s'agit d'un désaxage des axes articulaires : le rayon
inférieur étant décalé du côté latéral.
Cette déviation se manifeste surtout au niveau du carpe, beaucoup plus
rarement au niveau du tarse et exceptionnellement au niveau de l'articulation
interphalangienne distale. Elle entraîne surtout des excès de pression du côté
médial.
Il est fréquent que les défectuosités observées au niveau de chaque articulation
aillent dans le même sens. Ceci induit pour l'ensemble du membre des contraintes
du même genre qui forcément s'additionnent.
Par exemple, on va souvent rencontrer une association valgus (du genou et/ou
du boulet) + rotation externe, ou une association sous-lui du devant + doigt courtjointe.
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Mais il faut savoir que les défectuosités peuvent également aller dans des sens
opposés. Ces associations induisent des contraintes inverses à chaque niveau
articulaire concerné.
Les conséquences de ce type de conformation peuvent être plus graves et plus
difficiles à gérer que dans la situation précédente. Et dans les cas les plus sérieux,
on parle parfois d'un aplomb « en Z ».
On peut, par exemple, rencontrer une rotation externe + valgus du genou + varus
du boulet.
Malheureusement, l'hippologie ne fait quasi aucune distinction entre toutes
ces possibilités. Dans ces circonstances, l'observateur ne voit bien souvent
qu'un « cheval panard », ou au contraire un « cheval cagneux », alors que l'abord
orthopédique, et donc maréchal, doit - comme nous l'avons vu plus haut —
être différent dans chaque cas.
Fig. 14 : Aplomb en « coup de vent ».
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L'hippologie présente également les défauts d'aplombs comme étant symétriques
dans chaque bipède antérieur ou postérieur.
Cependant, il y a toujours - de façon plus ou moins évidente - un certain nombre
de dissymétries au niveau des membres, et ce, aussi bien dans un plan que dans
l'autre. Il est donc indispensable que l'observateur considère chaque fois le cheval
des quatre côtés successivement et qu'il soit très attentif à noter toutes ces
différences.
D'autant plus qu'assez souvent elles s'expriment également au niveau de la conformation des sabots, ceux-ci étant plus ou moins inégaux.
N. B. : chez les poulains quand, dans le plan frontal, les défauts d'aplombs sont
visiblement opposés au niveau des deux genoux ou des deux jarrets, certains
parlent d'aplombs « en coup de vent » (fig. 14).
En conclusion, l'étude approfondie des aplombs va permettre :
• d'estimer si la base de sustentation du cheval observé est solide ;
• de déterminer comment les pressions se répartissent au niveau de ses boîtes
cornées ;
• de comprendre leurs conséquences sur les articulations, les ligaments et
les tendons ;
• d'expliquer d'éventuelles anomalies d'allures ;
• d'appréhender des problèmes musculosquelettiques, y compris au niveau du
rachis ;
• et, finalement, de parer et ferrer l'animal en tenant compte de tous ces critères.
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