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Fédération
Les femmes du troisième millénaire
Membre du Comité Français ONG/ONU
Café de Flore du 11 septembre 2012
Invitée : Nathalie RHEIMS, écrivaine
«Laisser les cendres s’envoler»
Compte-rendu rédigé par Monique RAIKOVIC
Nathalie Rheims est venue nous présenter son roman
intitulé « Laisser les cendres s’envoler », paru aux éditions
Léo Scheer. C’était, alors, son quatorzième et dernier
ouvrage publié. Sans doute un quinzième est-il en
préparation car cette auteure nous a dit ne plus pouvoir
vivre sans écrire. Comme tout écrivain, elle puise la matière
de ses récits dans son imaginaire qu’alimentent
continument ses sentiments, ses expériences, sa culture, sa
vie en somme.
UN ROMAN EST TOUJOURS UNE FICTION,
À LA RIGUEUR, UNE AUTOFICTION.
La couverture du livre de Nathalie Rheims au titre mélancolique de « Laisser les cendres
s’envoler » porte la mention « roman ». En définissant ainsi ce récit, l’éditeur indique au
lecteur qu’il ne s’agit ni d’une autobiographie, ni d’un reportage journalistique, ni bien
entendu, d’un témoignage destiné à un quelconque tribunal ! Certes… Mais, le personnage
principal s’exprime à la première personne. D’où la propension irrépressible du lecteur à
voir l’auteure en ce personnage et ce, d’autant plus spontanément que le peu qu’on sait de
la vie de Nathalie Rheims se prête à ce rapprochement.
S’arrêter à ce type de lecture reviendrait à tenir pour négligeable le métier de l’écrivain, ce
travail qui implique à la fois la réflexion, la mémoire, l’imaginaire et le talent de celui ou de
celle qui écrit. Nathalie Rheims a pu tirer un roman d’un événement douloureux de sa
propre histoire parce qu’elle est aussi écrivaine. Et ce qui compte, maintenant, c’est
davantage le roman qu’elle-même. Parce que les générations à venir le liront pour l’intrigue,
sans chercher à identifier des personnes derrière les personnages. De même qu’aujourd’hui,
un lecteur ordinaire ne se soucie pas des personnes derrière les personnages d’un Stendal
ou d’un Balzac !
« Femmes 3000 » rassemble les femmes du troisième millénaire pour augmenter leur participation dans la vie
publique, économique et sociale, développer des projets qui les rendent visibles, faire reconnaître leurs compétences.
Femmes 3000 38, Rue des Mathurins 75008 Paris - Tél. : 06 03 39 23 61
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DE LA FICTION À LA RÉALITÉ,
ET RETOUR
Le pouvoir déformant de l’empathie
Il est néanmoins difficile, sinon impossible, d’imposer au lecteur d’aujourd’hui cette prise
de distance entre soi et un personnage tiré de soi quand on appartient par sa mère, à cette
famille de princes de la Finance européenne que sont les Rothschild, et par son père,
Maurice Rheims, membre de l’Académie française, au monde des Arts et des Lettres ! Ainsi,
ai-je lu ce récit en une nuit en oubliant qu’il s’agissait d’un roman... Et l’auteure ayant su
éveiller mon empathie, j’ai
refermé le livre en
pensant : « Ils l’ont
« Je pourrais vivre sans produire [des films], mais je ne le
assassinée ! », « Ils »
pourrais sans écrire »
désignant « l’Artiste » et
« Elle », l’usurpatrice du collier de perles, leur victime étant la mère de l’auteure … Je me
suis même dit que Nathalie Rheims n’avait pas pu ne pas penser cela !... Et il m’a fallu un
moment pour admettre que je venais de lire non un témoignage mais un roman !
Surfant sur Internet, j’ai découvert l’identité de « l’Artiste », lequel avait acquis une
notoriété certaine avant qu’il ne rencontre la mère de Nathalie Rheims. J’y ai appris du
même coup que Nathalie Rheims et sa sœur avaient contesté en justice la part successorale
concédée par leur mère à cet homme et avaient perdu le procès qu’elles lui avaient intenté.
J’ai pu, constater également que Nathalie Rheims décrit les réalisations de « l’Artiste » telles
que la personne à l’origine de ce personnage conceptualisait et créait ses œuvres.
Bien entendu, l’auteure n’a pu brosser du personnage de son roman qu’un portrait
psychologique aux couleurs des sentiments que lui avait inspiré et lui inspirait encore cet
homme auquel sa mère avait accordé un amour dont elle s’était sentie dépossédée. Mais la
réalité des situations mise au service de la subjectivité de l’auteure fait que le lecteur
d’aujourd’hui établit spontanément un amalgame entre « l’Artiste », personnage du roman
et ce plasticien dont les créations se rattachent au courant du Land Art, et qui est devenu le
second mari de la mère de l’auteure…
Il n’y a pas d’âge pour le dépit amoureux et la haine
Dans cette perspective, me semble-t-il, ce n’est plus la solitude douloureuse d’une petite
fille puis d’une femme en qui continue de crier une petite fille - « Je me suis sentie
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plaquée », nous a dit Nathalie Rheims – qui nourrit l’intrigue, mais bien plutôt la haine que la
romancière a conçue à l’égard de celui qui lui avait « pris » sa mère, une haine qui a grandi
en même temps qu’elle et qu’elle laisse exploser dans ce roman en une subtile vengeance,
égratignant au passage ceux qu’elle rend responsables du comportement de sa mère, ce clan
qui n’a jamais considéré celle-ci comme une des leurs à part entière. Une haine d’amoureuse
contre celui qui lui a volé l’objet de son amour.
Et la réalité l’emporte sur la fiction.
C’est là, certes, un point de vue situé dans le temps. De plus, c’est le mien. Les lecteurs de
demain ne seront plus des contemporains de l’auteure. Ils recevront donc autrement ce
roman. Mais aujourd’hui, il me semble que Nathalie Rheims s’est servie de l’écriture pour
formuler, voire exorciser la
haine que lui inspirait cet
homme.
« Plus on est astreint à se taire, plus on est appelé à
En effet, un jour, l’Artiste lui a
pratiquer cette expression silencieuse qu’est l’écriture. »
adressé une lettre d’une grande
violence, d’un grand mépris, nous a-t-elle relaté, lors de sa venue au Café de Flore,
événement qu’elle rapporte d’ailleurs dans le roman. Elle voulait répondre. Mais elle a
d’abord tenu à en parler à un des siens – son oncle dans le roman – qui lui a remis un coffret
en lui conseillant d’y ranger la lettre, d’attendre huit jours et de ne répondre que si, ce délai
passé, elle le souhaitait toujours. « Effectivement, huit jours plus tard, je n’avais plus envie
de répondre. Mais, maintenant, avec ce livre, je réponds » Et elle fait dire à son personnage :
« Je rentrai chez moi en tenant le tombeau dans lequel cette lettre serait ensevelie. Lorsque
je l’ai relue, dix ans après, l’étincelle des souvenirs a enflammé le bûcher, il était temps
d’écrire ce roman. Rien ne pouvait plus m’arrêter, ni la peur des représailles, ni la
bienséance ».
Mais la haine est comme une grenade dans la main qui vient de la dégoupiller. Elle peut
exploser en emportant la main… D’après Internet encore, le plasticien qui a servi de modèle
à « l’Artiste » a contacté un avocat avec l’intention de porter plainte contre Nathalie Rheims
et ce roman. Puis, il a renoncé. Il ne serait pas sorti indemne d’un tel procès, c’est certain.
Mais Nathalie Rheims, non plus, peut-être…
La fiction aide à la maturation des sentiments.
Alors que ce qui est le plus important dans cette histoire, c’est le roman, en tant que roman
et seulement en tant que roman. Parce que l’auteur y esquisse en lignes nettes et élégantes,
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sans fioritures inutiles, un milieu
social à une époque donnée,
incitant le lecteur à s’interroger sur
ses propres positions par rapport
aux situations évoquées.
Ainsi écrit-elle – fait-elle dire à
« Je », son personnage principal - :
« Pour quelle raison ceux qui
bénéficient de tous les privilèges
recherchent-ils encore plus que les
autres, le malheur ? Est-ce l’effet
du désœuvrement ou le signe que
rien n’est jamais gratuit, qu’il y a
toujours un prix à payer ? ». Une question comme un caillou lancé dans l’étang des peurs du
lecteur et qui fait surgir à la surface des cercles de questions sans réponse.
C’est ce qui a dû arriver à ce lecteur, sans doute passablement « jacobin » qui - sur internet
toujours- a noté: « Pauvre petite fille riche ! ». Du moins, ce besoin de laisser un
commentaire prouve-t-il que ce livre ne l’a pas laissé indifférent. Et c’est cela l’essentiel,
c’est cela qui donne sens, donc vie, au livre.
Dans le roman, l’héroïne est âgée de 13 ans quand, un matin, le maître d’hôtel de ses
parents, lui annonce que « sa mère est partie » - « Partie où ? » demande-t-elle - « Je crois
que Madame a pris un appartement », lui répond-il. Mais, dans la réalité – selon Internet,
encore -, Nathalie Rheims aurait eu 17 ans à ce moment-là, un âge où l’on commence
généralement à avoir moins besoin d’une mère faisant fonction d’ange gardien ! Mais, du
point de vue de l’intrigue, dans ce contexte extrêmement policé, la petite fille face au maître
d’hôtel incarne beaucoup plus intensément solitude et abandon que ne l’aurait fait une très
jeune femme riche ! Et puis, Nathalie Rheims s’est peut-être sentie démunie, fragile, telle
une petite fille perdue, abandonnée, lors du départ de sa mère. Telle une petite fille de
13ans.
Dans le roman, l’héroïne est très solitaire, évoluant dans un monde d’adultes aussi raffinés
que distants. Mais dans la réalité, Nathalie Rheims avait une sœur et un frère. Quand une
adhérente de Femmes 3000 lui a demandé comment ceux-ci avaient réagi au départ de leur
mère, elle a expliqué que sa sœur se trouvait aux États-Unis « quand cela est arrivé ». « Et
mon frère a développé un lymphome à petites cellules un an après le départ de ma mère », at-elle ajouté avant de déclarer : « Je pense qu’on reste tout au long de sa vie les petits de ses
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parents, qu’il n’y a pas d’âge pour avoir besoin d’appeler sa mère… Moi, je n’ai plus ma mère.
J’en ai fait le deuil depuis longtemps. Et c’est très bien comme ça. » De même qu’elle trouve
que, dans son cas, « ne jamais avoir tenté la maternité, c’est très bien comme ça ».
On l’imagine passant devant la vitrine d’une librairie et y apercevant un exemplaire de
« Laisser les cendres s’envoler » puis, s’éloignant en pensant : « C’est très bien comme ça »…
Car il y a en elle, maintenant, le besoin et le bonheur d’écrire. Et, « c’est très bien comme
ça ».
MAIS QUI EST VRAIMENT L’ECRIVAINE
NATHALIE RHEIMS ?
S’exprimer à travers la parole des autres d’abord, à travers
l’écriture ensuite.
Nathalie Rheims est née en 1959. « En 1976, à 17 ans, vous entrez au conservatoire de la rue
Blanche, a rappelé Domitille de Veyrac. Vous entamez une carrière de comédienne de théâtre
et d’actrice de téléfilms qui durera sept ans. Puis, en 1985, vous devenez productrice de
télévision avec, notamment, sur France 2, une émission sur l’art, « Haute curiosité »,
coproduite avec Léo Scheer et présentée par Claude Sérillon et Maurice Rheims. Devenue
ensuite la compagne et la collaboratrice du producteur-réalisateur Claude Berri, vous avez
créé avec celui-ci la société Cinéma Hirsch Production. Enfin, et surtout, en 1999, vous publiez
votre premier roman, « L’un pour l’autre » (édition Galilée) qui recevra le Prix du Gai Savoir.
Depuis, vous n’avez plus cessé
d’écrire et de publier des récits
« Les livres sont plus forts que nous et nos personnages
fortement marqués par des
nous échappent. »
événements de votre vie, tout
particulièrement le
quatorzième et dernier, « Laisser les cendres s’envoler » où vous faites allusion au départ de
votre mère, au sentiment d’abandon qui en est résulté pour vous, mais aussi, au silence qui a
entouré ce sentiment d’abandon dans cette famille Rothschild à laquelle vous appartenez, où
le silence est la règle d’or, justement. »
L’écriture, un outil au service du besoin de dire.
« Pour moi, produire c’était travailler avec Claude Berri, a tenu alors à préciser Nathalie
Rheims. Après sa disparition j’ai monté ma propre société pour me prouver que tout ce que
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nous avions réalisé ne l’avait pas été en vain. Mais je pourrais vivre sans produire alors que je
ne le pourrais pas sans écrire. Ce besoin m’est venu un an après la mort de ma mère. Écrire
était pour moi la seule possibilité de formuler des choses que je ne pouvais exprimer au
moyen de la parole. Mon premier texte, « L’un pour l’autre », consacré à Charles Denner, a
été rejeté par deux grandes maisons d’édition avant d’être accepté par les éditions Galilée.
Je suis convaincue que dans le monde des Lettres comme ailleurs, on ne réussit jamais tout
seul. Je suis la partie émergée d’un iceberg qui inclut, entre autres, mon éditeur, en
l’occurrence et depuis 2003, Léo Scheer.
« Pour moi, écrire est un travail d’artisan. Quand je me mets à écrire, j’ouvre ma boîte à
outils. Or avec les années, le savoir écrire, le savoir utiliser au mieux ces outils ne cesse de
croître. J’écris en musique, avec un casque sur les oreilles. Parvenir à formuler sa pensée de la
manière la plus exacte, sur le ton le plus juste, sans fausse note, est ce qu’il y a de plus
difficile à atteindre. Chaque écrivain a sa propre musique qu’on devrait pouvoir reconnaître
en passant de l’un à l’autre de ses livres. Je ne me relis pas quand j’avance dans mon
intrigue. Tant pis pour les fautes d’orthographe ! Mais, chaque soir, j’envoie à mon éditeur
les pages écrites dans la journée et nous en discutons ensemble. Et je laisse à mon attachée
de presse le soin de parler de mes livres en mon nom.
« Plus on est astreint à se taire, plus on est appelé à pratiquer cette expression silencieuse
qu’est l’écriture. L’écriture est pour moi transgressive, toujours. Sinon, elle n’est pas.
« Parce qu’on est la main qui écrit, on s’attend à ce que le livre ne parle qu’à soi. Mais les
livres sont plus forts que nous. Et nos personnages nous échappent. Ainsi, mon héroïne de
« Laisser les cendres s’envoler » est-elle beaucoup plus forte que moi…
Un message bien reçu par ceux dont parle l’auteure ?
À notre question concernant la manière dont son entourage familial recevait ses romans,
Nathalie Rheims répond en mentionnant d’emblée sa sœur : « Elle lit mes livres et nous en
discutons ensemble », explique-t-elle. Puis, « Mon père a lu le livre qui parlait de lui et il m’a
dit : c’est bien ». Puis, après un temps d’hésitation : « Quant aux autres membres de ma
famille… Je ne suis pas sûre qu’ils me lisent. J’ai été néanmoins convoquée par un oncle, très
gentil, qui m’a demandé si j’étais tout à fait sûre de l’exactitude de quelques unes des
situations que je rapportais…Dans ma famille, on nous apprend à parler en silence, sans
jamais trahir les secrets. D’ailleurs, ces secrets, je ne les transgresse pas. Jamais. On nous
apprend aussi à ne pas crâner, à ne pas parler de ce qu’on fait. Ça écrase l’égo sous une
presse ! Je ne mourrai pas écrasée sous le poids des compliments de ma famille ! »
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Mais, Nathalie Rheims a croisé « des figures masculines très fortes,
des hommes très protecteurs, très bienveillants » selon ses propres
termes. Ces compagnons de route lui ont certainement apporté
tout le soutien et l’attention dont elle avait besoin en tant
qu’écrivaine.
L’écriture comme moyen de résister aux chocs de
l’existence.
L’une d’entre nous a relevé qu’en lisant ce récit, elle s’était demandé si cet abandon n’avait
pas été une chance pour l’écrivaine en Natalie Rheims. Celle-ci voit plutôt dans son salut par
l’écriture une manière de résistance au malheur. « Ce qu’Anouilh appelle la résilience », ditelle. « J’ai également eu la chance de ne pas naître de l’autre côté du périphérique, poursuitelle. J’ai compris cela très tôt !
La personne, qui nous a
élevées, ma sœur et moi, et
« On dit que j’écris pour les femmes. Mais j’écris des
que j’ai considérée comme ma
romans et ce sont surtout les femmes qui lisent les
romans. »
mère, était communiste et elle
nous emmenait dans des
meetings ! Je sais donc parfaitement qu’être né dans le milieu où je suis née est une chance.
Je ne suis pas une rebelle. Mais ce que j’ai vécu à travers ma relation à ma mère m’a
déterminée très jeune à faire mon chemin comme je l’entendais. Mon père aurait voulu
m’inscrire dans un rallye quand j’étais adolescente, mais je l’ai averti que s’il faisait cela, je
fuguerais et qu’il ne me reverrait jamais !
« Je recycle ce qui m’arrive. Le départ de ma mère aurait pu me détruire. Mais je recycle dans
l’écriture. La mort de Claude Berri a été une épreuve terrible. Mais je recycle… Mais je n’écris
pas qu’à partir de ma propre histoire ! Sur mes quatorze romans, quatre seulement peuvent
être qualifiés de récits personnels ».
L’écriture est une voix, elle a besoin d’une écoute.
L’effet salutaire de cette transmutation en écriture de moments cruciaux de votre vie est-il
dépendant ou indépendant du fait que vous soyez lue ou non ? Lui avons-nous demandé.
« Est-ce qu’on écrit pour soi, comme on se met au piano pour soi, sans penser à devenir
concertiste ? Non. Pas en ce qui me concerne. Mon écriture n’est pas à visée thérapeutique !
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Je n’ai pas échappé à la névrose, bien entendu. J’ai suivi une thérapie. J’ai recyclé cette
expérience dans « Le Chemin des sortilèges ».
« Si j’écris, c’est pour être lue. J’ai besoin d’être lue pour me sentir reconnue. Sinon, je
n’écrirais pas, je ferais autre choses. Chacun a besoin de se sentir reconnu dans le regard de
ses parents et tout particulièrement dans celui de sa mère. On dit que j’écris pour les
femmes. Mais j’écris des romans et ce sont surtout les femmes qui lisent les romans. Et, peutêtre qu’effectivement, je cherche dans chacune de mes lectrices, le regard de ma mère…
Cette fois, avec « Laisser les cendres s’envoler », j’ai écrit surtout pour toutes les petites filles
qui sommeillent en mes lectrices et qui ont une mère, quelle que soit cette mère...
« L’écriture est une voix qui se lit et il faut hurler plus fort que les autres pour être entendu.
Pour y parvenir, il faut éprouver comme vital le besoin d’écrire.
« Et puis, c’est un métier. C’est mon métier.
Et l’écrivaine a besoin d’être reconnue, mais seulement de ses
lecteurs !
On lui demande ce qui lui a valu d’avoir reçu la Légion d’Honneur. Elle répond qu’elle n’en
connait pas la raison, qu’elle en est la première étonnée, puis ajoute : « Ça ne se demande
pas, ça ne se refuse pas non plus. Mais je ne vois vraiment pas pourquoi et pourquoi moi ! Je
n’ai pas fait la guerre, je n’ai rien accompli d’exceptionnel… » Peut-être pour son action en
faveur du cinéma d’auteur au côté de Claude Berri ? Mais elle ne s’est pas attardée
davantage sur le sujet. Ne nous a-t-elle pas dit que, dans sa famille, on ne « crâne» pas, on
ne parle pas de ce qu’on fait ? Par ailleurs, en tant que citoyenne, Nathalie Rheims se sent
probablement parfaitement intégrée dans le tissu social ! Et, peut-être, même, ne souhaitet-elle pas être connue sur ce plan. Ne déclare-t-elle pas : « Je suis un peu sociopathe. Je ne
sors pas beaucoup. Mais
l’écriture me déculpabilise, mes
livres me permettant de
« L’écriture est, pour moi, transgressive, toujours. »
rencontrer des gens d’horizons
très variés. Et ça, c’est bien. »
Et « c’est très bien comme ça ! »
Entre deux livres ? Lui demande-t-on.
« Entre mes livres, je m’oublie en tant qu’écrivaine. Plus exactement, je me confronte à des
personnes qui réalisent des choses dans d’autres domaines que l’écriture, dans des films
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notamment. Et je suis très attirée par bien d’autres choses encore que le cinéma d’auteur, les
religions par exemple, mais aussi le fantastique et le Merveilleux avec un grand M… »
J’ajouterai en guise de conclusion : « Et c’est très bien comme ça » !
Sans doute, la mère de Nathalie Rheims aurait pu, elle aussi, conclure ainsi, les propos ici
rassemblés. On peut imaginer de même l’écho des voix de Marie d’Agoult et de ses filles,
Claire et Louise, nous atteignant à travers les siècles avec les mêmes mots : « Et c’est très
bien comme ça ! »
COMME UN ECHO, MARIE d’AGOULT,
SES FILLES, CLAIRE ET LOUISE
En rédigeant ce compte-rendu de la venue de Nathalie Rheims à l’un de nos Cafés de Flore,
j’ai beaucoup pensé à Marie d’Agoult qui avait quitté son mari et ses deux filles, Louise et
Claire en 1833, pour vivre avec Franz Liszt, dont elle a eu trois enfants. Mes souvenirs de
lecture ont défilé dans ma mémoire : Marie d’Agoult et Georges Sand…Leur complicité, leurs
querelles… Le salon littéraire
de Marie d’Agoult… Le soutien
amoureux de Louis Tribert…
« Je recycle ce qui m’arrive dans l’écriture. Le
Une vie d’héroïne
départ de ma mère aurait pu me détruire. Mais je
romantique. Mais je n’avais
recycle. La mort de Claude Berri a été une épreuve
aucun souvenir de Louise ni
terrible. Mais je recycle… »
de Claire…
Sur internet, j’ai trouvé que Louise, née en 1828, était morte à l’âge de 6 ans, en 1834, c’està-dire un an après le départ de sa mère. Bien entendu, cette proximité des deux
événements incite à se poser des questions quand on a lu « Laisser les cendres s’envoler » !
Claire, née en 1830, épousera le marquis Guy de Charnacé (1825-1909) et mourra en 1912, à
82 ans.
L’éclat de la liaison de Marie d’Agoult et de Franz Liszt reste d’autant plus vif que
l’autoritaire Cosima Wagner en a été le fruit… C’est toute une époque, tout un monde
musical qui ressurgit à travers leur histoire.
Je ne suis pas certaine qu’on se souviendrait de Marie d’Agoult en tant qu’écrivaine et
encore moins en tant que femme, si elle n’avait pas été l’amante de Franz Liszt. La mère de
Nathalie Rheims ne connaîtra certainement pas un destin analogue à celui de Marie
d’Agoult…
Sans le roman de Nathalie Rheims, je ne me serais jamais préoccupée de Louise ni de Claire
d’Agoult, je ne me serais jamais demandée si elles avaient été gravement blessées par cet
« Femmes 3000 » rassemble les femmes du troisième millénaire pour augmenter leur participation dans la vie
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abandon, comme l’avait été leur père, le comte Charles d’Agoult… Les conseils d’éducation
de Jean-Jacques Rousseau avaient, en effet, commencé à modifier les relations entre parents
et enfants. Claire et Louise avaient donc pu goûter au bonheur de se sentir aimer par leur
mère comme par leur père…
Je me suis demandé aussi comment Nathalie Rheims aurait vécu le départ de sa mère si
celle-ci l’avait abandonnée pour un artiste majeur, un homme d’un talent analogue à celui
de Liszt… Mais, de son vivant, Franz Liszt, impressionnait-il davantage la haute société
parisienne que le modèle de « l’Artiste » du roman, celle d’aujourd’hui ?... Et un enfant qui
se sent abandonné se moque certainement de la gloire de celui ou de celle pour qui on
l’abandonne…
Sans doute faut-il que se nouent et se dénouent ainsi des destinées pour que les romans
existent !
Monique RAIKOVIC
Bibliographie de Nathalie Rheims
L’un pour l’autre, Galilée, 1999, Folio, 2001
Lettre d’une amoureuse morte, Flammarion, 2000
Les Fleurs du silence, Flammarion, 2001, Folio, 2004
L’Ange de la dernière heure, Flammarion, 2002, Folio, 2005
Lumière invisible à mes yeux, Éditions Léo Scheer, 2003
Le Rêve de Balthus, Fayard-Léo Scheer, 2004, Folio, 2007
Le Cercle de Megiddo, Éditions Léo Scheer, 2005, Le livre de Poche, 2007
L’Ombre des autres, Éditions Léo Scheer, 2006
Journal intime, Éditions Léo Scheer, 2007
Le Chemin des sortilèges, Éditions Léo Scheer, 2008
Claude, Éditions Léo Scheer, 2009
Car ceci est mon sang, Éditions Léo Scheer, 2010
Le fantôme du fauteuil, Éditions Léo Scheer, 2010
Laisser les cendres s’envoler, Éditions Léo Scheer, 2012
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