Les Etats-Unis l Europe et le numerique

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Les Etats-Unis l Europe et le numerique
Les États-Unis, l’Europe et le numérique
Intervenants :
Xavier Couture, Directeur des contenus, Orange
Après des études de sociologie des médias, Xavier Couture débute sa carrière dans la presse. Puis il
se dirige vers l'audiovisuel, au sein de TF1 et d'Eurosport, avant d'assurer la présidence du groupe
CANAL+ en 2002-2003. Il exerce ensuite plusieurs fonctions dans le groupe Endémol. Consultant
auprès de la direction générale d'Orange depuis 2007, il rejoint le groupe France Télécom en mai
2008, en tant que directeur des contenus.
Il a publié plusieurs écrits allant du roman au livret d'opéra, en passant par un essai sur la
télévision.
Fabienne Fourquet, Director International Digital Media, groupe AETN (U.S.A.)
Fabienne Fourquet est en charge de la stratégie internationale de distribution numérique des
chaînes, programmes et produits pour mobile, web, télévision & VOD au sein du groupe AETN (jointventure de ABC, Hearst & NBC).
Jean-Noël Jeanneney, Président de l'Université de l'image. Historien et sociologue, Jean-Noël
Jeanneney enseigne à l’Institut politique de Paris l’histoire politique et l’histoire de médias. Il est
l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire des médias. Il a été p-dg de Radio France et a travaillé
pour la chaîne Histoire. De 2002 à 2007, il est président de la Bibliothèque Nationale de France. Il
est président Europartenaires.
« Multiplication des écrans et déploiement de la connaissance » : en clôture de l'Université de
l'image, Jean-Noël Jeanneney dresse un panorama des problématiques soulevées par les rencontres,
projections et conférences.
Les deux intervenants sont conviés tout d’abord à réagir à une proposition de définition du « Global
Media » : est-ce l’autre nom de la crise de la télévision ? Derrière la convergence, y a-t-il trois
grandes conséquences, délinarisation, désintermédiation, dérégulation.
Pour Fabienne Fourquet, qui vit aux États-Unis depuis 8 ans, le « Global Média » est un mot
nouveau. Historiquement, Napster a révolutionné le web en proposant du contenu musical illégal.
Quand les professionnels ont vu les ravages du piratage sur l’industrie de la musique, puis le
piratage de contenus audiovisuels sur des sites comme YouTube en 2002-2003, ils se sont dits que
l’une des solutions était l’attaque : trouver des modèles légaux, publicité, paiement, abonnement…
En 2004-2005, ils ont commencé à mettre des contenus professionnels sur le Net. Avec l’arrivée des
mobiles, ils envisagent des partenariats avec des opérateurs tels que Orange. Nous sommes
actuellement au croisement de cette évolution, TV, Net, mobile. Ces technologies ont un impact
extraordinaire. On constate une prolifération de vidéos de bonne qualité, un grand intérêt du
public.
Le Global Media est mouvement irréversible et formidable, reconnaît Xavier Couture, mais il recèle
un danger : outre les problèmes de financement des contenus, se pose celui de la relation entre le
public et les marques médias. Internet fait voler en éclat l’intermédiation des médias. Autrefois, la
télévision se confondait avec le contenant, le meuble. Dans le Global Media, ce lien tend à
disparaître, l’œuvre devient centrale. Il faut réinventer l’intermédiation. Mais laquelle et avec quel
financement ? L’économie du Global media est un sujet complexe et difficile. Seule
l’intermédiation de marques fortes permet de continuer à financer la création.
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Le groupe AETN édite des chaînes thématiques réputées, History Channel, Biography Channel, etc.
Ils produisent 1 000 heures de programmes HD par an, qu’ils peuvent distribuer sur les plates-formes
numériques. Ils créent également des programmes courts adaptés à ces plates-formes. Leur
stratégie est d’essayer d’emmener leurs publics sur tous les réseaux. Dans ce nouvel équilibre où les
gens ont accès à de nombreux programmes, cette logique verticale est bénéfique, affirme Fabienne
Fourquet. Ils créent des partenariats avec des opérateurs pour essayer d’exploiter au mieux chaque
plate-forme et se développent à l’international (Grande-Bretagne…).
Ce modèle de verticalité fonctionne, souligne Xavier Couture : c’est un lien organisé autour de
marques fortes. De son côté, Orange, qui dispose d’un réseau téléphonique puissant, a pu se poser
la question dès les années 2000 d’y acheminer de la vidéo : première expérience d’ADSL en 2002,
puis lancement de son bouquet MaligneTV en 2003. Ces réseaux numériques ont changé la
grammaire de la télévision : chaque spectateur peut interagir avec le programme. Après avoir
démontré sa capacité à distribuer vidéos et services, Orange lance en 2008 son offre Orange cinéma
séries (cinq chaînes dédiées au cinéma et aux séries TV). La technologie, les réseaux, les nouveaux
modes de consommation représentent un défi pour la création : cette offre très novatrice tente d’y
répondre. Services à la demande pour chaque chaîne (télévision de rattrapage, compléments de
programmes…), disponibles à la fois sur le téléviseur, le PC et le mobile, Orange est l’interprète des
4 écrans. Pour l’instant, leur programmation est traditionnelle, mais, selon lui, l’opérateur va
progressivement s’investir dans des créations innovantes, des programmes délinéarisés, avec de
jeunes producteurs, de jeunes talents de toutes origines.
La conclusion de l’Université de l’image revient naturellement à son président, Jean-Noël
Jeanneney. Il resitue cette vertigineuse nouveauté du numérique dans la continuité de la culture.
Que nous apprend l’invention de l’imprimerie ? La transmission du savoir, l’utilité de disperser la
pensée, la préoccupation de trouver son chemin dans cette masse, la lutte contre la censure, la
rétribution de la création… autant de points de comparaison avec l’émergence des 4 écrans.
Le numérique induit quelques grandes interrogations. Tout d’abord, la priorité de la diffusion :
réduire les inégalités d’accès à la diffusion dans le monde et toucher le plus grand public possible.
Ensuite, la course de vitesse entre le développement de cette offre d’images qui nous dévore et
leur classement : trouver un fil d’Ariane et des médiateurs telle la BnF. La question de la création
est aussi vitale : quel sens, quel contenu ? Et comment situer l’amateur par rapport au professionnel
? L’accès de beaucoup de gens aux technologies de production représente à la fois une richesse et
un risque de nivellement. Enfin, il ne faut pas oublier de redécouvrir le charme de la lenteur face à
cette accélération de la vitesse…
L’universalité proposée par les 4 écrans est positive, mais, si tout peut circuler sur la Toile, le
public a soif de validation. Tout cela conduit à une vison dynamique des 4 écrans et à la grande
question de la formation, où l’État doit jouer son rôle.
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