Différend Héritiers Lemoine - United Nations

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Différend Héritiers Lemoine - United Nations
REPORTS OF INTERNATIONAL
ARBITRAL AWARDS
RECUEIL DES SENTENCES
ARBITRALES
Différend Héritiers Lemoine — Décisions nos 116 et 143
31 October 1951 and 26 September 1952
VOLUME XIII pp. 291-297
NATIONS UNIES - UNITED NATIONS
Copyright (c) 2006
DIFFÉREND HÉRITIERS LEMOINE — DÉCISIONS N°9 116 ET 143
RENDUES RESPECTIVEMENT' EN DATE DES 31 OCTOBRE 1951
ET 26 SEPTEMBRE 1952
Demande en rétablissement de ressortissants d'une Nation Unie dans leurs
droits de propriété en application de l'article 78 du Traité de Paix — Participation
de ressortissants d'une Nation Unie dans une Société italienne — Sindacato — Définition et effets — Compétence de la Commission de Conciliation — En matière
d'appréciation de l'appartenance des biens et de la qualité d'ayant droit — Quant
aux litiges concernant l'existence d'une participation dans une Société italienne.
Claim under Article 78 of Treaty of Peace for restoration of United Nations
nationals in their rights of property — Participation of United Nation nationals in
Italian Company — Sindacalo — Definition and effects—Jurisdiction of Conciliation Commission — As to determining ownership of property and rightful claimant
— As to disputes concerning existence ofparticipation in Italian Company.
DÉCISION N° 116 DU 31 OCTOBRE 19511
PROCÈS-VERBAL DE DÉSACCORD
La Commission de Conciliation franco-italienne instituée en exécution de
l'article 83 du Traité de Paix,
Entre le Gouvernement français représenté par M. Henri MAYRAS, Auditeur
de l r e classe au Conseil d'Etat, Agent du Gouvernement français, requérant,
Et le Gouvernement italien représenté par M. Stefano VARVESI, Avvocato
dello Stato, Agent du Gouvernement italien, défendeur,
Par requête en date du 24 février 1951, enregistrée au Secrétariat de la Commission le 16 avril 1951 sous le nD 89, l'Agent du Gouvernement français
agissant clans l'intérêt de:
1. — M. Jacques Lemoine, avocat, demeurant à Péronne,
2. — M. Jean Lemoine, docteur en médecine, demeurant aussi à Péronne,
3. — M m e Gabriel Léon Rochard. née Lemoine, demeurant à Sainte-Honorine-des-Perthes (Calvados), frères et sœurs, ressortissants français, cohéritiers de
M m e Fernande Caron, ressortissante française, épouse succesivement de M. Lutz,
puis de M. Lemoine,
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Recueil des décisions, troisième fascicule, p. 165.
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DÉCISIONS DE LA COMMISSION DE CONCILIATION FRANCO-ITALIENNE
A demandé à la Commission de Conciliation de dire que M m e Fernande
Caron, épouse Lemoine, était bien au 10 juin 1940 propriétaire des 2/5 des
parts de la Société en commandite Rossât et Arnaldi et que ses cohéritiers
susdits doivent être rétablis dans leurs droits en application des dispositions
de l'article 78 du Traité de Paix;
Expose que le 17 février 1892, à Arma di Taggia (Imperia) fut constituée
avec pour objet la fabrication et la vente de produits céramiques, une société
en commandite, au capital de 100 000 lires entre MM. Eugène Rossât (2/5)
et Vincenzo Arnaldi (1/5) associés commandités, gérants, et Madame Fernande
Caron (2/5) commanditaire, dont l'apport consistait en plusieurs immeubles
dont elle avait hérité en Italie, de M. Bridau, décédé le 22 mai 1891 ;
Que cette société, formée pour une durée de dix années, fut prorogée le
20 avril 1901 pour une durée de 30 ans;
Qu'au décès de M. Rossât, survenu le 6 juillet 1892, sa quote-part passa
à sa fille Valentine Rossat et, après le décès de celle-ci qui survint le 16 novembre
1900, échut au comte Federico délia Lenguaglia;
Qu'après le décès de Vincenzo Arnaldi, et après plusieurs successions, la part
de celui-ci échut finalement au comte Francesco Naselli Feo ;
Que la composition de la Société est établie le 24 juillet 1925 par la déclaration
en vue d'inscription à la Chambre de Commerce d'Imperia de la Société
en commandite simple Rossat et Arnaldi; le comte Francesco Naselli Feo
et le comte délia Lenguaglia figuraient comme commandités; M m e Fernande
Caron apparaissait toujours comme seule associée commanditaire avec 2/5
des parts ;
Qu'à la mort du comte délia Lenguaglia en 1926, le comte Naselli Feo hérita
des intérêts que celui-ci possédait dans la Société et que, de ce fait, il se trouva
réunir les 3/5 des parts;
Que le capital social fut, en 1929, porté à 300 000 lires et qu'il fut fait face
à l'augmentation de capital par:
1°) Un prélèvement de L. 84 000 sur le compte courant du comte Naselli Feo,
2°) Un prélèvement de L. 56 000 sur le compte courant de M m e Fernande
Caron, épouse Lemoine;
Qu'une déclaration de modification des statuts déposés à la Chambre de
Commerce d'Imperia, le 1 er avril 1935, par le comte Naselli Feo indique que
le capital était réparti à cette époque de la façon suivante:
L. 180 000 au comte Naselli Feo,
L. 120 000 à M m e Caron veuve Lemoine;
Que cette situation n'avait pas été modifiée le 10 juin 1940, date de la déclaration de guerre de l'Italie à la France;
Que le 12 octobre 1940, la Société Rossat et Arnaldi fut, par un décret du Ministre des Corporations rendu en application de la loi de guerre du 8 juillet
1938, placée sous le régime du sindacato en raison de l'importance des intérêts
français appartenant à M m e Lemoine et l'avocat Mario Garaccioni nommé
sindacatore ;
Que le comte Naselli Feo, seul gérant, détenteur des 3/5 des parts, jugea
les circonstances favorables pour évincer M m e Fernande Caron; qu'il fit, dans
ce dessein dresser à Arma di Taggia, dès le début des hostilités entre la France
et l'Italie, un acte de notoriété signé de quatre témoins qui attestèrent qu'à
leur connaissance la Société en commandite simple Rossat et Arnaldi, qui avait
fait l'objet d'une inscription à la Chambre de Commerce n'avait, en réalité,
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jamais existé sous cette forme et qu'elle était simplement une société de fait
dont le seul propriétaire effectif était le comte Naselli Feo qui la gérait et l'administrait;
Qu'acceptant cet acte, le sindacatore Mario Garaccioni adressa au Ministre
des Corporations, en date du 20 janvier 1941, un rapport où, après avoir relevé
que la dame Caron Lemoine figurait au rôle de l'impôt sur le revenu en tant
qu'associée et que son nom figurait au cadastre comme propriétaire des immeubles de la Société, il concluait de façon fort inattendue à l'inexistence de
la participation de M me Caron-Lemoine qui se serait désintéressée complètement
de l'affaire depuis 20 ans;
Qu'au vu de ce rapport le Ministre des Corporations abrogea, le 3 mai 1941,
le décret de sindacato; que, grâce à cette abrogation qui reconnaissait explicitement au comte Naselli Feo l'entière propriété de l'affaire, celui-ci se comporta
depuis lors comme le seul maître de la Société;
Que les héritiers de M m e Fernande Caron-Lemoine, qui était décédée pendant
les hostilités, après avoir tenté en vain d'obtenir du comte Naselli Feo des renseignements sur la Société dont leur ayant cause était commanditaire, s'adressèrent au Gouvernement français pour obtenir le rétablissement de leurs droits;
que la Délégation en Italie de l'Office des Biens et Intérêts privés intervint
auprès du Ministère des Affaires Etrangères par une note en date du 12 mai
1948, n° 238; que ce Ministère répondit que la Société avait été placée sous
sindacato par décret susmentionné en raison de l'existence présumée, dans cette
société, d'intérêts français; mais que devant la « preuve » apportée par le comte
Naselli Feo qu'il était le seul propriétaire de l'affaire la mesure avait été rapportée; que, par note du 1 er août 1948, l'Ambassade de France prévint le Ministère
des Affaires Etrangères que si les héritiers de M m e Lemoine ne recouvraient
pas leurs droits le litige serait soumis à la Commission de Conciliation;
Et conclut après avoir rappelé que la Commission de Conciliation s'est
reconnue compétente par sa décision n° 4 1 pour apprécier l'appartenance
des biens au 10 juin 1940 et dire qui est ayant droit au sens du Traité, en formulant les conclusions alternatives suivantes:
1°) Dans le cas où la Commission de Conciliation estimerait que le retrait,
par le Gouvernement italien, de la mesure de sindacato, liée à la reconnaissance
du droit de propriété exclusif d'un ressortissant italien sur un bien appartenant
en réalité à un ressortissant français, constituerait un transfert de propriété
de la nature de ceux que vise l'article 78, par. 3, du Traité de Paix:
Plaise à la Commission déclarer ledit transfert de propriété annulable, et
condamner le Gouvernement italien à en prononcer l'annulation, ainsi qu'à
remettre les héritiers de M m e Caron veuve Lemoine en possession des parts
qui leur reviennent dans la Société en commandite simple Rossât et Arnaldi;
2°) Dans le cas où la Commission estimerait, au contraire, que le retrait de
la mesure de sindacato n'a pu affecter l'existence de la réalité du droit de propriété reconnu à la dame Caron veuve Lemoine, dans la Société Rossât et
Arnaldi, des 2/5 de l'actif:
Plaise à la Commission dire que l'intéressée était légitimement propriétaire
desdites parts au 10 juin 1940 et que ses cohéritiers doivent être rétablis dans
leurs droits en vertu de l'article 78 du Traité de Paix;
Vu le mémoire en réponse présenté par l'Agent du Gouvernement italien le
7 août 1951, par lequel, après avoir remarqué que, selon la thèse de l'Agent du
Gouvernement français, l'obligation du Gouvernement italien en la cause, au
1
Supra, p. 44.
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DÉCISIONS DE LA COMMISSION DE CONCILIATION FRANCO-ITALIENNE
sens de l'article 78 du Traité de Paix, dépendait du fait que les diverses informations recueillies par lui à peu de mois de distance l'auraient déterminé
successivement à: 1) soumettre la Société Rossât et Arnaldi au régime du sindacato; 2) à révoquer cette mesure, observe qu'en tout état de cause pour que le
Gouvernement italien puisse être rendu responsable d'un dommage causé à un
bien d'un ressortissant d'une Nation Unie, il faut que soit démontré que le dommage résulte d'une cause imputable à ce Gouvernement qui se place, dans les
hypothèses prévues par l'article 78; que le Gouvernement italien a usé de son
pouvoir discrétionnaire dans l'appréciation des diverses informations recueillies
par lui sur la nationalité des capitaux inclus dans la Société Rossât et Arnaldi;
qu'il n'a, ni par l'apposition ni par la révocation du sindacato, modifié la situation préexistante; qu'il n'a pris aucune mesure de violence ou de contrainte
à l'encontre des droits des héritiers Lemoine; que ceux-ci n'ont souffert aucun
dommage résultant directement de la guerre; que la guerre aurait constitué
seulement le moment favorable à l'occasion duquel le comte Naselli Feo aurait
réalisé ses desseins, mais que ceci ne suffit pas à engager la responsabilité internationale du Gouvernement italien; que si les héritiers Lemoine étaient titulaires
des droits au 10 juin 1940, ils le sont encore, qu'il n'y a pas lieu à restitution
parce que nul ne les a spoliés; que les héritiers Lemoine doivent s'adresser à la
juridiction ordinaire pour faire valoir leurs droits;
Vu le mémoire en réplique de l'Agent du Gouvernement français en date
du 1 er septembre 1951, par lequel tend a démontrer que la responsabilité du
Gouvernement italien est engagée, en l'espèce, non par l'apposition d'une
mesure de guerre, mais bien au contraire, par le retrait d'une telle mesure;
qu'en plaçant sous smdacato la Société Rossât et Arnaldi le Gouvernement italien,
appliquant légalement une disposition de la loi de guerre, reconnaissait ainsi
explicitement l'existence d'intérêts français, donc ennemis, dans cette affaire;
qu'en opérant ultérieurement le retrait de cette mesure sur le rapport manifestement inexact du sindacatore, par le motif que M m e Caron veuve Lemoine n'avait
plus possédé aucune participation dans l'affaire, il a permis au comte Naselli
Feo de se comporter en maître de celle-ci; que les obligations qu'impose à
l'Italie l'article 78 du Traité de Paix ne se bornent pas à l'annulation des
mesures prises à l'encontre des biens des ressortissants des Nations Unies,
mais comprennent celles de remettre effectivement en possession ces ressortissants après annulation des mesures prises à leur encontre; qu'en l'espèce, s'il y
a bien eu annulation de la mesure de sindacato, il n'y a pas eu, par contre, remise
en possession des héritiers Lemoine; bien au contraire, grâce à l'annulation du
sindacato, le gérant italien a pu s'intituler seul propriétaire de l'actif; que le
Gouvernement italien a une part de responsabilité dans la voie de fait commise
par le comte Naselli Feo; que, contrairement à ce qu'affirme l'Agent du Gouvernement italien, les héritiers Lemoine ont subi un dommage car, à tout le
moins, ils ont été indûment privés de la part qui leur revenait dans les bénéfices
de l'exploitation et ce de 1940 à 1951 :
Les Agents des Gouvernements entendus en leurs explications orales le
26 septembre 1951 ;
EXAMINÉ les article 78 et 83 du Traité de Paix;
RETIENT COMME ÉTABLI que la Société en commandite simple Rossât et
Arnaldi, avec siège à Arma di Taggia, a été placée, en exécution des dispositions
de la loi de guerre du 8 juillet 1938, sous le régime du sindacato par un décret du
Ministre des Corporations en raison de l'existence de participations françaises dans le capital social ; qu'il n'est pas non plus contesté que la mesure de
sindacato a été levée par décret du 3 février 1941 sur le rapport du sindacatore;
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CONSIDÉRANT que, dans la suite: du délibéré, les Représentants des deux
Gouvernements ont constaté leur désaccord sur les questions suivantes:
1°) La responsabilité du Gouvernement italien est-elle engagée par le fait
d'avoir, sur le rapport du sindacatore précédemment commis par ce Gouvernement, en application des dispositions de la loi de guerre du 8 juillet 1938
visant les biens et intérêts ennemis, au contrôle de la Société Rossât et Arnaldi,
abrogé la mesure de sindacato si, comme le soutient l'Agent du Gouvernement
français, il en est résulté un préjudice pour les ayants droit français?
2°) Le préjudice prétendu porté aux intérêts des ayants droit français, que
l'Agent du Gouvernement français impute au Gouvernement italien, du fait
de l'abrogation de la mesure de sindacato, est-il assimilable à une perte ou
dommage résultant de mesures spéciales prises pendant la guerre à l'encontre
des biens des ressortissants des Nations Unies et qui ne visaient pas les biens
italiens, pour lesquels le paragraphe 4 d de l'article 78 du Traité de Paix
prévoit l'attribution d'une indemnité?
DÉCIDE
I. — II sera fait appel au Tiers Membre dont le concours est prévu par l'article 83 du Traité de Paix pour résoudre le différend existant entre le Gouvernement français et le Gouvernement italien concernant la réclamation présentée
au Gouvernement italien par les héritiers Lemoine, et ayant fait l'objet de la
requête n° 89.
II. — Le présent procès-verbal de désaccord sera, conformément aux dispositions de l'article 19 du règlement de procédure, remis aux Agents des
Gouvernements français et italien.
FAIT à Paris, au Palais-Royal, le 31 octobre 1951.
Le Représentant de l'Italie
à la Commission de Conciliation
italo-française :
Le Représentant de la France
à la Commission de Conciliation
franco-italienne :
(Signé) SORRENTINO
(Signé) PÉRIER DE FÉRAL
DÉCISION N" 143 DU 26 SEPTEMBRE 1952X
La Commission de Conciliation franco-italienne instituée en exécution de
l'article 83 du Traité de Paix, et composée de:
MM. Guy PÉRIER DE FÉRAL, Conseiller d'Etat, Représentant du Gouvernement français, Antonio SORRENTINO, Président de Section honoraire au Conseil
d'Etat, Représentant du Gouvernement italien et Plinio BOLLA, Président
honoraire du Tribunal fédéral suisse, Tiers Membre désigné par les Gouvernements français et italien,
Dans l'affaire introduite par requête en date du 24 février 1951 par l'Agent
du Gouvernement français, agissant dans l'intérêt de M. Jacques Lemoine,
avocat, demeurant à Péronne, M. Jean Lemoine, docteur en médecine, demeurant aussi à Péronne, et Madame Gabriel-Léon Rochard, née Lemoine,
Recueil des décisions, quatrième fascicule, p. 114.
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DÉCISIONS DE LA COMMISSION DE CONCILIATION FRANCO-ITALIENNE
demeurant à Sainte-Honorine-des-Perthes (Calvados), ressortissants français,
cohéritiers de Madame Fernande Caron, ressortissante française, épouse successivement de M. Lutz, puis de M. Lemoine,
Vu les conclusions de la requête tendant à ce que la Commission de Conciliation dise que M m e Fernande Caron, épouse Lemoine, était bien, au 10 juin
1940, propriétaire des 2/5 des parts de la société en commandite Rossât et
Arnaldi et que ses cohéritiers susdits doivent être rétablis dans leurs droits en
application des dispositions de l'article 78 du Traité de paix;
Vu le réponse du Gouvernement italien, lequel conclut au rejet de la demande;
Vu la procès-verbal de désaccord du 31 octobre 1951, auquel il est référé
pour ce qui concerne l'exposé des faits et de l'argumentation des Agents des
deux Gouvernements;
Ouï les Agents des deux Gouvernements à Paris au cours de l'audience du
20 juin 1952;
CONSIDÉRANT
Que, le 22 octobre 1940, la société Rossât et Arnaldi fut, par décret du Ministre italien des Corporations rendu en application de la loi de guerre, placée
sous le régime du sindacato, ledit Ministère ayant estimé qu'il existait dans cette
société des intérêts appartenant à des ressortissant français, et plus précisément
à M m e Lemoine;
Que, par décret du 3 mai 1941, le Ministre italien des Corporations abrogea
la mesure de sindacato prise à l'égard de la société Rossât et Arnaldi, au vu
d'un rapport du sindacatore, lequel concluait à l'inexistence de la participation
de M m e Lemoine;
Que tant l'apposition que l'abrogation de la mesure de sindacato susdite ne
peuvent avoir pour effet de modifier les droits de propriété auxquels prétendent
les parties intéressées ;
Qu'en effet le sindacato prévu par la loi de guerre italienne est une mesure
destinée uniquement à placer sous le contrôle de l'Etat des intérêts ennemis ou
présumés ennemis, sans qu'elle puisse modifier la titularité de ces intérêts,
telle qu'elle résulte du droit privé ou public applicable;
Que le litige qui s'est élevé entre les consorts Lemoine et le sieur Naselli-Feo
au sujet de l'existence d'une participation de la dame Lemoine, et maintenant
de ses héritiers, dans la société Rossât et Arnaldi échappe à la compétence de
la Commission de Conciliation;
Qu'il ne s'agit pas d'un litige portant sur l'application ou l'interprétation
du Traité de Paix, mais bien d'un litige de droit privé;
Que certes la Commission de Conciliation s'est reconnue compétente pour
apprécier l'appartenance des biens au 10 juin 1940 et dire qui est ayant droit
au sens du Traité;
Que toutefois elle n'a admis cette compétence que lorsque la question de
l'appartenance des biens au 10 juin 1940 se présentait comme une question
préjudicielle, de laquelle dépendait la solution de la question principale portant
sur l'application ou l'interprétation du Traité de Paix;
Que tel n'est pas le cas de l'espèce;
Que la responsabilité du Gouvernement italien ne peut audit cas se trouver
engagée du fait d'une mesure de guerre qui a été abrogée, et dont le Gouvernement français ne prétend pas qu'elle aurait, alors qu'elle déployait ses effets,
causé un dommage à la dame Lemoine ou à ses héritiers;
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Que d'ailleurs, l'Agent du Gouvernement italien a reconnu devant la Commission, au cours de la séance du 20 juin 1952, que la levée du sïndacato n'avait
pu avoir pour effet de modifier l'étendue des droits des héritiers de la dame
Lemoine née Caron dans la société Rossât et Arnaldi, tels qu'ils pouvaient exister
au 10 juin 1940;
Qu'il y a lieu de prendre acte de cette déclaration;
Qu'il appartient, en conséquence, aux consorts Lemoine de se pourvoir,
s'ils s'y croient fondés, devant les tribunaux compétents pour faire reconnaître
les droits auxquels ils prétendent dans la société Rossât et Arnaldi, avec toutes
conséquences ;
DÉCIDE
I. — La requête du Gouvernement français est rejetée.
II. — La présente décision est définitive et obligatoire.
FAIT à San Remo, le 26 septembre 1952.
Le Tiers Membre de la Commission de Conciliation franco-italienne
:
(Signé) Plinio BOIXA
Le Représentant de l'Italie
à la Commission de Conciliation
italo-française :
Le Représentant de la France
à la Commission de Conciliation
franco-italienne :
(Signé) SORRENTINO
(Signé) PÉRIER DE FÉRAL