Seuls ceux qui ont soif entreront dans le Royaume

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Seuls ceux qui ont soif entreront dans le Royaume
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Seuls ceux qui ont soif entreront dans le
Royaume
dimanche 23 mars 2014, par Père Alain Dumont
• Livre de l’Exode 17,3-7
« Le peuple avait soif. Ils récriminèrent contre Moïse. »
• Psaume 95(94),1-2.6-7ab.7d-8a.9
« Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ? »
• Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 5,1-2.5-8
« Frères, Dieu a fait de nous des justes par la foi. »
• Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 4,5-42
« Jésus lui dit : “Donne-moi à boire.” »
lire l’intégralité des textes de ce dimanche
Il est rare en France que nous ayons à dire : "J’ai soif !"... Nos terres sont
gorgées d’eau, trop même... Avoir soif est beaucoup plus angoissant qu’avoir faim. Nous
sommes composés de 70% d’eau, allant de 90% d’eau dans le sang à 1% dans l’émail des dents...
Sans l’eau, pas d’échanges métaboliques et donc pas de vie. La déshydratation peut vous
entraîner à la mort en moins d’une semaine, et en moins de trois jours si vous ne mangez pas
non plus... Bref.
Nos anciens — qui n’étaient pas aussi débiles que notre époque présomptueuse le pense et
l’affirme haut et fort sans sourciller le moins du monde — le savaient, pour qui l’eau était
synonyme de vie. De vie reçue. De dépendance vitale. La chose est tellement enracinée
anthropologiquement que dans les régions où l’on n’a jamais soif, c’est-à-dire où il n’y a qu’à
tourner un bouton pour que coule l’eau en abondance ; une eau saine, potable — ce que la Bible
appelle “eau vive”, une eau salubre qui ne donne pas la mort — ; quand on n’a même plus à aller
puiser au puits, on oublie la valeur de l’eau, et l’on oublie la valeur de la vie. Il est certain que
dans le désert, vous ne "dégustez" pas : vous buvez, et l’eau a plus de prix alors que tous nos
"Puligny Montrachet", nos "Chablis" et autres “Mercureys” ! Nous vendons nos bouteilles à 10,
20, 30, 50 euros la bouteille, sans avoir soif ! Combien serions-nous prêts à payer une bouteille
d’eau si nous avions vraiment soif ?
Je me permets de vous proposer un exercice pour midi : ne mettez pas de vin
sur la table, et ne goûtez que de l’eau. Regardez là, cette eau vive que vous avez reçue
gratuitement, que vous pouvez boire à pleine gorgée sans que jamais elle n’altère votre raison,
ni vos tissus, ni votre foie. Contemplez là, cette eau vive et demandez-vous par qui elle vous est
offerte ; qui la fait tomber du ciel, et pourquoi Il la fait tomber... Vous verrez alors que vous
commencerez à vous poser des questions que même la plus grande bouteille de “Château
Yquem” ne vous fera jamais vous poser ! Car lorsque vous buvez un vin, si grand soit-il, vous le
gardez pour vous. Le vin ne féconde rien ! Il n’est qu’un produit ! Certes, il réjouit le cœur de
l’homme, comme dit le Psaume, mais il ne donne pas la vie ! Le vin ne mène pas à DIEU quand
on a oublié ce qu’avoir soif veut dire. En revanche, quand on se rappelle d’avoir soif, alors le vin
dit la surabondance de cette eau qui peut, par surcroît, vous offrir le vin. Alors seulement le vin
devient un signe à son tour, mais pas sans que nous ne soyons passé par l’étape de la vraie soif !
La soif d’eau ! La soif d’eau vive !
Et le plus étonnant dans cette affaire, c’est que DIEU Lui-même, en Jésus, nous dit qu’Il a soif...
On dit souvent que tant qu’on est pas passé par l’épreuve, on ne comprend pas l’épreuve des
autres. C’est la même chose ici : si nous n’avons jamais soif, si l’eau n’est là que pour nous
rincer la bouche entre deux dégustations, on ne comprend pas ce que Jésus nous dit de DIEU
qui a soif. Et l’on en vient même à disserter sur la qualité du vin que le curé met dans le Calice,
parce qu’il a "bien de la chance, le curé, de se taper une rasade de vin pendant la messe !"... Si
vous saviez combien ça me fait mal d’entendre ce genre de plaisanterie de comptoir de la part
des chrétiens pour qui ce vin, si précieux, si vénérable, n’est en définitif rien d’autre que "du
vin". Si nous en restons là, si le vin est devenu opaque de toute vertu divine, c’est parce que,
nantis que nous sommes sans plus le voir, nous avons oublié d’avoir soif.
Alors il faut que Jésus prononce ces mots pour nous les redonner, afin que nous
marchions jusqu’à Pâques. Et le plus étrange, c’est que pour l’heure, c’est à nous qu’il les dit à
travers la Samaritaine. DIEU a soif de nous ! Il a soif de nous sentir vivre, non pas sans y penser,
mais en éprouvant cette Vie. Car c’est la joie d’un Père que de voir vivre pleinement ses enfants,
gouter la vie comme on goute l’eau à la source. Et c’est sa tristesse la plus grande de les voir
dépérir, non parce qu’il n’y a pas d’eau, mais parce qu’ils la dédaignent...
Enfin, ces mots, nous les réentendrons sur la croix. Ils sont le cri de l’homme qui se sait enfin
dépendant de DIEU. Il sont le cri de l’homme adulte vers DIEU dont il sait que de DIEU seul, il
peut recevoir la Vie. Une Vie qui ne s’achète pas. Une Vie dont il nous faut avoir soif, car le
Royaume de DIEU n’est rien d’autre qu’une Source. Si vous n’avez jamais soif, vous n’entrerez
pas dans le Royaume...
Alors aujourd’hui, souvenons-nous d’avoir soif. Inscrivons-le dans notre chair et remercions le
Seigneur de nous rappeler à cette attitude fondamentale qui, seule, nous ouvre à l’éternité — si
c’est là ce que nous désirons, bien entendu —. l’Eucharistie est le sacrement offert à ceux qui
ont soif et qui savent ce que la Gratitude signifie, elle qui rythme notre carême et qui, je
l’espère, rythmera désormais toute notre vie communautaire.
Avec mon affection fraternelle,
† Père Alain.