LA FORMATION DES EDUCATEURS SPECIALISES A L`ARFRIPS
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LA FORMATION DES EDUCATEURS SPECIALISES A L`ARFRIPS
LA FORMATION DES EDUCATEURS SPECIALISES A L’ARFRIPS La formation des éducateurs spécialisés s’inscrit dans les fondamentaux et valeurs de l’ARFRIPS Fondées sur un idéal de solidarité, d’égalité, et de progrès social pour tous, les références du travail social semblent aujourd’hui se modifier en profondeur. L'exclusion, la précarisation des situations, le naufrage de certains territoires, la perte des étayages ou supports nécessaires à la vie des individus, les souffrances individuelles et collectives, les sentiments d'injustice et d'abandon, de disqualification, de discrimination et d'absence de reconnaissance n'ont jamais sans doute étaient si puissants sauf à une période d'émergence du capitalisme et de la question sociale. Il y a, nous disent les historiens, des éléments de convergence entre ces deux périodes de notre histoire. La différence tient sans doute à ce que la solidarité représentée par le travail social et l'intervention sociale existent, et œuvrent pour éviter le basculement aux personnes considérées d'une manière ou d'une autre comme surnuméraires, de se trouver en situation de mort sociale. Travail social 1 et intervention sociale font en sorte « que nos sociétés soient encore humaines1 » . Une conception forte et renouvelée du travail social et de l'intervention sociale. Puisque ces changements existent « bien sur il faut que les formations au travail social s'adaptent et tiennent compte des évolutions et des enjeux actuels », ils doivent nous inciter à la réflexion mais en nous rappelant que « le fondement même des professions sociales » tient à leur fonction de médiation, de lien entre la société et des personnes en difficultés d'existence subjective. La constante est que le travail social intervient sur cette zone incertaine où la subjectivité, le lien de l'individu au collectif, son identité, deviennent objet d'intervention. De nouvelles compétences sont attendues des travailleurs sociaux et des intervenants sociaux qui sont prises en compte via la diversification de l’accès aux qualifications. L’enjeu de la formation des travailleurs sociaux en général, des éducateurs spécialisés en particulier, est de transmettre et favoriser la construction de capacités à penser l’ action en lien à la fois au monde dans lequel ils sont amenés à intervenir et aux personnes, groupes avec qui ils sont en relation, dans une complexité humaine et sociale importante qui nécessite un positionnement éthique et donc politique, au risque sinon d’intervenir de manière instrumentale. Savoir – savoir être – savoir faire : la formation comme l’exercice du métier tente de réunir des enjeux qui ne sont pas d’emblée unis mais qui sont incontournables. L’éducateur spécialisé est toujours pris dans des tensions inhérentes au métier, entre l’individuel et le social, la pratique et le théorique, l’individuel et le collectif, l’implication et la distance, la pensée et l’action… tensions dont les registres différents ne doivent ni se confondre, ni s’exclure, entre les missions qui lui sont confiées par la commande sociale et institutionnelle et le souci de « prendre soin », dans une dimension éthique des personnes ou des groupes avec qui il est en relation. Il convoque aussi le professionnel dans son savoir être, et sa capacité à percevoir et différencier ses propres enjeux mis en jeux dans la relation afin que la résolution de cette tension puisse traduit ainsi dans l’acte éducatif, toujours posé en définitive par un acteur, l’éducateur impliqué au regard de l’autre (la personne ou le groupe dont il s’occupe) et au regard de la société (l’équipe, l’institution, l’autorité publique). Il va être amené à travailler dans des situations complexes, au plus près de personnes et de groupes vulnérables, souffrants qui vont le confronter inévitablement à sa propre subjectivité, à l’imprévu, l’impuissance, à la répétition, aux phénomènes de résistances du fait même de la place de professionnel occupée dans le champ social, et quels que soient les idéaux d’autonomie et d’émancipation des métiers. L’éducateur spécialisé tient compte aussi de l’environnement social Des personnes et des trajectoires de vie, de 1 Extrait du projet d’établissement de l’ARFRIPS Page 1 2 l’habitus Dans son travail d’observation et d’écoute, il aura à déconstruire ses propres représentations des personnes en difficulté et à prendre en compte les questions de dominations intégrées par ces mêmes personnes. Il aura en même temps à soutenir les ressources et les dynamiques à l’œuvre chez chacun et dans les groupes, dans les dynamiques territoriales ou dans les réseaux, à inventer, proposer, mettre en perspective des projets, ouvrir des possibilités, accompagner, agir. Il aura donc à combiner différentes facettes de situations complexes, « être compétent, c’est savoir mobiliser différentes types de savoirs, en situation 3 complexe de travail, savoir les combiner entre eux, savoir les transposer dans des situations évolutives ». Parce que l’être humain est un être de raison réflexive, d’éducabilité en devenir, de pouvoir en puissance et d’inconscient pulsionnel, la richesse et la difficulté du métier d’éducateur spécialisé oblige à penser la complexité et à accepter l’imprévu car aucune maîtrise n’est envisageable dans les relations humaines. Mais le positionnement est aussi politique au sens où la formation vise à aider l’éducateur en formation à construire des assises réflexives et personnelles suffisantes, une compétence combinant capacité à agir et à penser pour qu’il puisse exercer son métier en développant sa part de créativité et son attention à l’autre, en lien avec son environnement professionnel (équipe, institution, réseaux…) et sa capacité à contextualiser son action., Nous cherchons comme finalité à développer chez les personnes en formation, leurs capacités à « modifier » les pratiques d’exercice de leurs activités quotidiennes. Les personnes en formation sont alors susceptibles d’intervenir sur les orientations opérées à partir de positions sociales occupées et reliant les activités quotidiennes aux enjeux sociaux globaux. Il s’agit de coconstruire avec des personnes qui savent, peuvent et veulent agir, sur des situations, par l’échange, la confrontation, l’enrichissement de tous. Elles sont alors en capacités de faire des propositions d’actions sur leur environnement. Autrement dit, l’ARFRIPS se doit d’être exigeante dans la transmission de cette posture éducative, dans ce développement des compétences professionnelles prenant en compte les évolutions et la commande publique et sociale. Ce que l’on pourrait appeler les compétences génériques de l’éducateur spécialisé. Le temps de la formation est aussi un temps d’expérimentation. 2 3 Au sens de Pierre Bourdieu. G. Le Bortef, in Formation, Santé Social, n°35, juillet 1998 Page 2 La formation et la pédagogie Pédagogiquement, la formation propose donc des espaces, des outils techniques et réflexifs qui soutiennent ces allers retours entre implication et mise à distance dans toute la temporalité de la formation. Elle vise à renforcer la dimension créative du métier d’éducateur spécialisé, en particulier la première année de formation au travers des ateliers d’écriture, des stages de médiations et techniques éducatives. Ce projet pédagogique s’adresse à tout éducateur en formation quel que son mode d’accès à la formation et son statut : formation initiale, apprentissage, formation continue. Les passerelles professionnelles (Moniteurs 4 éducateurs ayant deux ans d’expérience éducative, les diplômés de niveau III du CASF ) et les parcours VAE rejoignent les parcours complets en cours de formation selon un projet de personnalisé ou modularisé de formation. La formation, s’appuie sur : 1- « L’alternance intégrative » est au fondement des métiers du social et de l’éducatif. La pratique professionnelle garantit l’apprentissage au plus proche des réalités professionnelles. La formation d’ES est conçue depuis l’origine en alternance stages – établissement de formation. Parce que les apports de connaissance en établissement de formation n’ont de sens que mis en confrontation avec la pratique, l’expérience de la personne en formation, ce qu’elle en fait, ce qu’elle en comprend, que l’intégration se fasse dans un sens pratique – théorie ou inversement selon les moments, les objets de formation. Il s’agit bien de développer les qualités réflexives par rapport à sa pratique. Les stages ne sont pas seulement destinés à « donner corps » aux apports théoriques dispensés en établissement de formation, mais doivent favoriser l’interrogation critique tant des pratiques que des savoirs par les personnes en formation. Le rythme d’’alternance des stages sur les sites qualifiants avec les temps de formation dite théorique en établissement de formation est construit dans ce nouveau projet de telle sorte que les étudiants, montent progressivement en responsabilité et en autonomie : le stage 1 (14 semaines en semestres 1 et 2) est conçu comme une découverte, le stage optionnel (4 semaines en semestre 2 déductibles des stages suivants) vise à favoriser des expériences périphériques au secteur (humanitaires, mobilité européenne ou international…) sur la base d’un projet de l’étudiant, le stage 2 (34 à 36 semaines en semestres 3-4-5) est un stage long qui permet une responsabilisation progressive et conséquente de l’étudiant dans sa professionnalisation, le stage 3 (8 à 10 semaines en semestre 5-6) vise une démarche d’autonomie et de projet de l’étudiant (mobilité européenne ou internationale, stages collectifs, approfondissement….) L’alternance à l’intérieur même des stages vise à favoriser les allers retours sur l’expérience (toutes les 3 ou 4 semaines) avec des espaces de travail en établissement de formation permettant les mises en réflexion de la pratique : des temps de réflexions en petits groupes, des temps d’enseignements théoriques, des travaux de groupes et des travaux individuels à partir des éléments du référentiel métier et des apports des sciences humaines. Les réformes sont venues donner / reconnaître aux terrains (de stages ou professionnels) une place à part entière dans la formation avec la définition de sites qualifiants : l’exigence que le terrain soit lieu de formation, mette en œuvre les conditions d’accueil et de formation des stagiaires au regard des référentiels qu’ils doivent maintenant connaître. L’alternance est donc pensée dans les rapports des sites qualifiants à l’ARFRIPS comme étant des temps de travail de co-construction : assemblée générale des sites qualifiants, rencontres systématiques des référents professionnels avec les formateurs référents à l’ARFRIPS (stage 1 et 3) ou sur le site qualifiant (sur le stage 2). 4 CASF : code de l’action sociale et des familles, niveau III : assistant de service social ‘DEASS) , éducateur spécialisé (DEES), éducateur technique spécialisé (DEETS), conseillère en économie sociale et familiale (CESF) et éducateur de jeunes enfants (DEEJE). Page 3 Il y aura à articuler la réflexion avec la mission « sites qualifiants » engagée par l’ARFRIPS (entre autres journée d’étude sur l’alternance intégrative ?). 2 - L’engagement, l’implication de la personne en formation s’expérimente dans une dynamique de groupe. Parce que le métier d’éducateur spécialisé implique d’avoir à faire avec la souffrance de l’autre, parce que l’éducateur spécialisé travaille rarement seul mais en équipe, la dimension collective est un élément structurant de la formation . Celle-ci t temps privilégié pour expérimenter ce qu’il en est de prendre une place parmi d’autres, de faire une place à l’autre et de s’inscrire dans l’échange, et le travail commun : - Le groupe « promotion » (40 à 50 personnes) accompagnée par les mêmes formateurs est le groupe de référence pour toute la durée de formation. Des petits groupes de références garantissent une permanence durant toute la formation, des groupes par sessions thématiques ou sur des objets de travail communs sont amenés à se constituer y compris en inter-promotions. - La permanence et le rythme régulier de certains groupes favorise un climat de confiance, possibilité d’exposition et d’échanges au regard des questions du métier et des situations rencontrées, et une possibilité de repérer des phénomènes de groupes susceptibles de se passer aussi dans le milieu professionnel (répétition, tensions, rejet…). Espace d’attachement, port d’attache de la formation, ce sont aussi des espaces de co-formation (connaissance du secteur, savoir partagé…). On trouve ici les groupes de suivi de la formation, les groupes cliniques, les groupes d’études de situations (même groupe, même formateur d’une douzaine de personnes). Il s’agit au travers de ces groupes de nature différente, d’un accompagnement individuel au processus de formation, en groupe. - L’ouverture à d’autres groupes, d’autres personnes (inter-promotion, interprofessions avec les Assistantes de service sociales par exemple) favorise la mobilité intellectuelle (et physique : les cours pouvant être « ailleurs » qu’à l’ARFRIPS) indispensable à tout professionnel du social. On trouve ici des temps de formation avec les autres promotions d’éducateurs spécialisés (session cliniques, sessions thématiques...). 3 - La pluralité des approches en sciences humaines garantit la possibilité d’une construction professionnelle éclairée. Le rapport à l’université vient renforcer et reconnaître cette démarche. Il apparait fondamental d’éclairer le jugement des éducateurs en formation, de leur permettre de développer leur sens critique. Les apports théoriques des sciences humaines proposés aux éducateurs en formation se réfèrent ainsi aux différentes disciplines des sciences humaines (sociologie, psychologie clinique, sciences de l’éducation, anthropologie, psychanalyse, philosophie, …). De même l’ARFRIPS, diversifie, à l’intérieur même des disciplines la plus grande pluralité afin de favoriser le développement d’une pensée réflexive et critique personnelle, seule garante d’une autonomie de l’acteur et du futur professionnel. Il s’agira pour l’éducateur en formation de construire ses propres questionnements, de rechercher des articulations quelquefois problématiques dans les apports proposés, de développer, dans un espace de responsabilité et de jeu son esprit critique, d’apprendre à « faire avec » la complexité, l’inconfort du doute. Les partenariats contractés avec les facultés de Sciences de l’éducation, Sociologie et Psychologie, donnent leur visibilité à ces contenus pluridisciplinaires constitutifs de la formation des éducateurs spécialisés. Les trois facultés valident au regard de nos contenus, et de leur participation au projet, la possibilité des équivalences structurelles liées à notre projet pédagogique et confirment la richesse de la pluridisciplinarité de la formation : - L3 en sciences de l’éducation, (sous condition d’inscription à l’ISPEF en troisième année de formation) ; - accès en L3 de sociologie avec obtention d’une demi L3 (sous condition d’inscription à l’ISPEF en troisième année de formation) ; - accès en L3 de psychologie avec obtention d’une demi L3 (sur attestation ARFRIPS et obtention du DEES). L’enjeu de ces partenariats est de créer et faciliter les conditions de futures mobilités professionnelles des Page 4 éducateurs spécialisés qui pourront ainsi au cours de leur vie professionnelle, s’ils le souhaitent, requestionner leur pratiques, repenser leurs parcours professionnels ou reprendre des études universitaires à un niveau reconnaissant la qualité de la formation professionnelle initiale. 4 – La pluriprofessionnalité et le partenariat avec l’Ecole d’Assistantes de Service Social de Rockefeller La pluriprofessionnalité est au cœur des pratiques du travail social où les différents métiers se rencontrent, se côtoient de manière complémentaire à partir de situations particulières. Le projet de faire se rencontrer durant la formation des professionnels de métier différents durant la formation, déjà existant à l’ARFRIPS, est confirmé dans sa vision dynamique et l’intérêt qu’il y a à favoriser dès l’entrée en formation l’expérience de l’autre et de la confrontations des expériences. Cette perspective trouve également toute sa place dans les projets de coopération entre établissements de formation et les perspective de « troncs communs » de formation par niveau. Maintenir la mutualisation d’enseignements communs aux formations d’assistantes de service social et d’éducateur spécialisés dans notre projet de formation reprend les éléments d’origine du partenariat avec l’Institut de Formation aux Pratiques Sociales de l’Ecole Rockefeller. Ces deux métiers restent spécifiques bien que requérant des compétences communes. Il s’agit donc de permettre tout au long de la formation de faire travailler ensemble des travailleurs sociaux destinés à des professions différentes et à se rencontrer sur le terrain professionnel dans leurs fonctions complémentaires. Les modalités d’organisation de ces enseignements communs, compte tenu du nombre inégal d’étudiants des deux formations (trois promotions sont concernées par le projet ES pour une promotion d’ASS) se répartiront de la manière suivante : Une seule promotion d’ES sera concernée en première et troisième année par les cours communs ES/ASS quand les deux autres promotions d’ES auront des cours commun. En seconde année, le module « Travail Social en Actes » qui couvre les semestres 3 et 4, permettra à ce que l’ensemble des ES puisse rencontrer au cours de sa formation des ASS. La pluriprofessionnalité pourra probablement se penser ensuite aussi au sein de l’ARFRIPS, avec les ETS, les animateurs, autres diplômes du secteur social de niveau III. 5 – L’inscription de la mobilité internationale, européenne dans la formation La révision du projet pédagogique, est l’occasion aussi de nous mettre aussi en conformité avec une inscription de la formation des ES dans l’espace européen de l’enseignement supérieur tel que les textes ne vont pas tarder à le confirmer. Il s’agit pour cela de faciliter la lisibilité des systèmes d’équivalences en appliquant le système européens de crédits capitalisables (ECTS) et transférables à hauteur de 180 crédits sur les trois ans, avec délivrance du supplément au diplôme tel qu’il nous sera proposé par nos réseaux (AFORTS/GNI). Nous aurons donc à ajuster notre projet à un rythme semestriel de validation des travaux. Surtout, nous avons déjà commencé à faciliter les départs en stages des étudiants en formation initiale. L’architecture de formation, telle que nous l’avons construite laisse ouvertes les possibilités de mobilités lors du stage optionnel ou du dernier stage, en lien avec le projet de l’étudiant. Cette dimension devient donc un élément constitutif du projet. Page 5