Est-ce que je peux placer un mot ?
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Est-ce que je peux placer un mot ?
Dominique Fourcade Est-ce que je peux placer un mot ? P.O.L 33, rue Saint-André-des-Arts, Paris 6e EST-CE QUE J’PEUX PLACER UN MOT ? (notes sur le thème) est-ce que je peux placer un mot ? et à qui poser la question ? il faudrait identifier la puissance qui autorise c’est qui c’est qui et qu’est-ce que placer un mot Avril 1998 : je me trouve dans le temps qui suit l’écriture d’un livre, halo de mort qui l’entoure et se prolonge après sa parution, des mois durant. Nocif au possible. Toute parole est sucée par lui, engloutie par cet aspirateur informe qui a nom Le sujet monotype. On ne mesure jamais l’ombre d’un livre. Rayon d’action. Ni son absence de finalité. Sa bestialité. Il me tire vers l’arrière – mais le pire est qu’il est également en avant de moi. Harcèlement sexuel, fellation. Pire encore, le mal n’est pas là. la puissance qui délivre la puissance qui délire maman montre-moi tu toi tu toi donnez-moi une gifle, montrez-moi montre-toi maman vous vous je suis l’enfant arriéré et sa mère aggeu aggeu dis aggeu mon chéri arreu il a dit arreu aggaggaguigui je suis l’enfant ct la mère arriérée vous m’emmerdez avec votre langue bébé vous m’assénez qu’on ne parle pas la bouche pleine mais comment parler la bouche vide de mots Surtout pas un mot dont ce serait le métier de pleurer aux funérailles ni un autre de rire aux noces – non – un mot dont le métier serait d’être une perte un naufrage de faire un métier de mot de s’exercer à disparaître, est-ce que j’peux Monsieur la puissance un vers-prose de dilution, maman-Monsieur – qu’estce que vous dites un mais pas deux et à condition qu’il n’ait pas l’air trop effaré ? J’ai bien entendu. est-ce que j’peux placer un mot au col de l’utérus églantiers comment vous situer sans autre forme de procès parmi ronces comment sinon au jugé les mots blé vert les faire tenir en haut de la colline et les mots flaques où les poser le long du chemin en redites par ce temps de chien page je te soupçonne des pires glissements de terrain puis-je, touchant l’aviron à peine Je reviens si vous permettez à cette question de la merde : si vous m’emmerdez vous allez m’entendre, ce qui signifie que je vais mettre ma langue dans la merde et puis l’étaler avec ou sans votre autorisation. Voici comment la question se pose : je n’ai jamais eu de langue maternelle (vous vous rappelez, la merde à laquelle je faisais allusion), c’est pourquoi j’ai un accent si prononcé. Mutti, le seul vrai mot, tous les autres mots sont de la foutaise, je n’ai jamais pu le placer (me manquait la confiance). Tout au contraire, il m’a fallu constamment me l’ôter de la bouche. Tout ce qui touche à Mütterlich, à Muttersprache, à mütternel en somme, j’ignore. Zone interdite Je poursuis, toujours avec votre permission : je n’ai donc pas de première langue, je n’ai que des secondes langues. Et la question est : mes secondes langues où les loger sinon non loin de l’absence de la première rien que des mots labo. Ainsi parle JE plusieurs langues étrangères, je ne parle que ça, et les petites salopes ne communiquent pas entre elles, c’est laborieux de traducteur aucun dans ces conditions vous comprenez pourquoi écrire (qui ne se peut qu’une fois enlevé le mot mater), écrire (avec la permission du temps et de l’espace) est, dis-je, une affaire très absentuée. pour résumer : tout près de l’accent se loge ma langue l’une de mes tout près de l’absent ce qui revient à suggérer, c’est le moment, que l’accent n’est là que pour pallier l’absente tel un sein délogé à coups de langue et désormais sans soutien Immanquablement le raid vous revient dessus on n’avait qu’à pas écrire un livre.