SO(S) ROMANTIC Joanne Caux

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SO(S) ROMANTIC Joanne Caux
SO(S) ROMANTIC
Joanne Caux
A la mémoire d’Emmanuel MERLE.
Lettre à F
Impossible de t’aimer.
Impossible de t’abandonner.
Impossible de vivre sans toi.
Impossible de reconquérir ton cœur…
Il arrive qu’on tombe à nouveau sous le charme de l’autre, il arrive qu’on couche ensemble,
il arrive qu’on se dispute, il arrive qu’on s’ignore, il arrive même qu’on soit amis… Mais on
ne peut jamais revenir en arrière. Changer le passé reste impossible, sauf que le passé est
parfois la seule chose sur laquelle on puisse s’appuyer pour vivre au présent et construire au
futur.
Me réconcilier avec mon passé, c’est ce que préconise mon psy, ainsi que le reste de mon
entourage. Je ne veux rien savoir. Je ne veux pas d’une autre histoire. Je ne veux pas fermer
les yeux. Je ne veux pas qu’on reste « bons amis ». Ce serait comme trahir la personne que
j’ai été, une personne naïve mais pleine d’espoir. J’étais fière de cette personne et je veux
croire qu’elle existe encore. Je veux croire que cette partie de moi n’est pas complètement
morte, et avec elle notre amour. Si je ne peux changer le passé, je peux toujours en réécrire
les souvenirs. Je peux agir au présent. Je peux penser au futur. Tant que nos deux cœurs
battent encore, je peux et je dois changer la fin de l’histoire. C’est ce que je m’apprête à
faire.
Je le fais pour toi, pour nous, pour tous ceux qui ne veulent pas baisser les bras, pour tous les
romantiques qui s’assument, et ceux qui s’ignorent. Je le fais pour les fous, les têtes de mule,
les optimistes, les pessimistes, les hommes et les femmes, les jeunes et les vieux. Je le fais pour
tous ceux qui croient encore en l’amour, et aussi pour donner du courage à ceux qui n’y
croient plus. Je serai votre guide, je vous montrerai comment réaliser vos rêves. Je prouverai
que l’impossible est un écran derrière lequel se cachent les lâches pour pleurer. Je sais que
ce sera difficile. Je sais que je vais souffrir à cause de tout ça. J’aurai des coups de cafard,
des moments de panique, des insomnies peut-être. Je travaillerai sans relâche. Je me
plaindrai parfois. Je pleurerai sûrement : fatiguée, joyeuse ou découragée. Mais cette fois je
le jure, ces larmes ne seront pas vaines.
Aujourd’hui j’ai pris la décision de changer mon destin. Je serai écrivain. J’écrirai notre
histoire, l’histoire de ce premier amour qui a changé ma vie. Je prie pour que mes mots
parviennent jusqu’à toi, pour que tu les entendes vraiment, pour que tu les comprennes peutêtre. Je prie pour avoir une chance de t’aimer à nouveau. Je prie… Pourquoi ? Je ne crois
pas en Dieu. Je crois en nous, au hasard des rencontres, aux surprises de la vie.
Je vais maintenant te raconter mes souvenirs, notre histoire telle que je l’ai vécue, telle
qu’elle m’a émue, telle que je la vois toutes ces années après. Je sais que ta mémoire n’est
pas infaillible, heureusement tu peux compter sur la mienne, pour le meilleur comme pour le
pire.
J’ai sans doute trop attendu pour te dire ce que je ressentais pour toi. Il est trop tard, n’est-ce
pas ? Chut ! S’il te plait, ne dis rien. S’il te plaît, ne m’en veux pas… Merci de m’avoir permis
de devenir qui je suis. Ce livre est pour toi, ma truffe.
Ta Jocko
Partie I :
Les romantiques ont la tête ailleurs
1
Au début de cette histoire, j’ai 20 ans. Je suis le prototype même de la jeune fille sage et
innocente qui se cherche un peu. Je n'ai aucune envie de partir faire du rodéo au Texas. C’est
pourtant la destination qu’on m’a assignée pour mon semestre d’échange à l’université :
Baylor University Campus. Je suis en Master 1, ou Bac+4 comme dirait la génération X. Par
conséquent, il ne me reste plus beaucoup de temps pour profiter de la vie étudiante… et
surtout pour voir le loup ! Je commence à flipper de finir ma vie vieille fille. Mais ne sautons
pas les étapes, les préliminaires c’est important. Faut d’abord que tu fasses connaissance du
groupe d’étudiants français embarqués dans le même périple que moi : La Baylor Team.
Concentre-toi et imagine-toi : 3 mecs et 3 nanas qu’a priori rien ne prédestinait à se
rencontrer.
Il y a Marie. Une beauté brune au regard électrique cerclé de khôl noir. Signe distinctif :
utilise à profusion l’expression désuète « Nom d’un chien ! » avec un petit accent du Havre,
reconnaissable entre tous grâce à son célèbre trémolo-vomito. Vient ensuite Maddison ou
Maddie, avec sa longue crinière de cheveux châtains aux reflets dorés lui faisant comme un
rideau de lumière tombant jusqu’aux reins. Son signe distinctif : un rire très communicatif
quand elle balance sa tête en arrière et frappe le sol du pied pour appuyer son hilarité. Elle a
aussi tendance à suremployer l’expression « Grave ! » à toutes les sauces possibles et
imaginables. Marie et Maddie sont tellement inséparables qu’on les a surnommées les
M&M’s.
Toutes deux se trouvent très grandes et élancées avec en prime une magnifique poitrine à des
années lumières de mon pauvre 90A. Le seul point commun que j’ai avec ces filles, c’est ma
taille. Franchement, quelles sont les chances pour que, sur un groupe de 6 étudiants, 3 soit des
filles et que ces 3 filles mesurent toutes presque 1m80 ? Et quelles chances pour que les 3
mecs ne dépassent pas quant à eux les 1m75 ? Non pas que ça me dérange plus que ça, mais
ça me donne parfois l’impression (désagréable) de ne pas être tout à fait dans la norme. Enfin,
ce n’est pas comme si je ne savais pas que j’étais aux antipodes de cette foutue norme, mais
disons que je ne perds pas espoir. Pour en revenir aux présentations, il y a donc 3 demiportions (tout est relatif !) avec nous : Joseph, Valentin et F.
Joseph est un être atypique. Plongé dans sa bulle, il a l’air complètement déconnecté du
monde mais possède une impressionnante culture générale : le tube digestif du tricératops,
tout ça. Signes distinctifs : a failli finir à l’hosto après avoir essayé de se shooter avec de la
noix de muscade, porte des petites lunettes rondes de geek qui lui donne l’allure d’un savant
fou et se passionne pour le surf qu’il pratique en combi dans la Manche à côté de l’EPR, ce
qui peut peut-être expliquer son comportement étrangement lunaire de temps à autre, qui sait.
Passons à Valentin, habilement surnommé « Chabite » à cause de son obsession pour les…
chats. Valentin est l’un de mes préférés de la bande, c’est quelqu’un de très gentil et tourné
vers les autres. Pédé comme un sac à dos, soit dit en passant. Signes distinctifs : 1. Fier
militant UMP ; 2. Petit cheveu sur la langue qui confère encore plus de charme à son accent
Frenchie ; 3. Fâcheuse tendance à raconter à qui veut l’entendre ses prouesses sexuelles dans
les détails (en long, en large, en travers… et par derrière).
Et pour finir, F… La première fois que je l’ai rencontré en vrai, j’ai dû me pincer très fort les
lèvres pour m’empêcher de rire. F a une démarche chaloupée à la Chuck Norris, avec une
casquette de gangsta américain surplombée d’une énorme paire d’écouteurs. On ne le dira
jamais assez, mais certains vêtements ne sont pas du tout faits pour être portés par des blancs :
le jean baggy, les chaussures de skate aux couleurs autrefois flashy, aujourd’hui défraîchies,
le sweat à capuche et les lunettes en toc ne devraient pourvoir être portés qu’à l’occasion
d’une soirée déguisée sur le thème Pimp my ride, ou à la limite lors d’un concert de Boobaffe.
Enfin je devrais rajouter que, passée cette première impression, cet enfoiré a, pour être tout à
fait honnête, un petit air de séducteur façon James Dean avec sa cigarette au bec et ses yeux
bleus ravageurs. Le pire c’est encore son sourire, une véritable pub pour Oh My Diamant à
faire pâlir Arielle Dombasle et sa taille d’hippocampe. Rien que d’y penser, je sens comme
des nuées de papillons faire vrombir leurs petites ailes dans mon estomac, bizarre non ?
C’était la présentation officielle de mes personnages, j’espère que t’as bien suivi. Prends 5
minutes pour écrire les noms sur un bout de papier si t’as un peu de mal, parait que ça aide.
Quoi, j’oublie quelque chose ? Oh ! J’en aurais presque oublié de me présenter. Moi c’est
Joanne. Ou Jocko. Jo pour les intimes. Mon signe distinctif ? Derrière mon masque
impassible, il parait que je cache bien mon jeu…