Intervention d`Alain DELOCHE

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Intervention d`Alain DELOCHE
Réunion du Club Perspectives Public, Privé du 27 février 2001
FIEHP
Intervention d’Alain DELOCHE
Le Président
Le Professeur Alain Deloche a acquis au cours de sa longue carrière une compétence reconnue dans
le domaine de la chirurgie cardiaque. Il est aujourd'hui chef de service à l’hôpital européen Georges
Pompidou. Par ailleurs, il est également riche d’une carrière humanitaire, consacrée notamment aux
enfants du monde entier, en particulier des pays émergents.
La Chaîne de l'Espoir : ici et là-bas
Professeur Alain DELOCHE
Chirurgien cardiaque
Président de la Chaîne de l'Espoir
Je vous propose de réfléchir sur une thématique intéressante, celle des problèmes que rencontre la
médecine « là-bas », ce « là-bas » représentant les deux tiers de la planète. J’aimerais que cette
séance aboutisse à un engagement de certains, à nos côtés, dans cette réflexion. Je souhaite également
vous présenter l’action dite « humanitaire » de la Chaîne de l'Espoir non pas sous l’angle
humanitaire mais sous celui de la logique médicale et de la stratégie, afin de vous faire partager les
difficultés et les problématiques auxquelles nous sommes confrontés.
A quelques heures d’avion de l’ex-hôpital Broussel et de ses salles super-équipées, nos collègues de
certains pays sont confrontés à des problèmes à la fois simples et pourtant souvent
insurmontables : problème de douilles, d’ampoules, etc. Les deux tiers de la planète sont en panne.
La cible de l’association la Chaîne de l'Espoir est constituée par les enfants susceptibles de
bénéficier d’un geste chirurgical codifié, permettant d’obtenir, si ce n’est la guérison, du moins une
amélioration nette de leur santé, de diminuer, voire d’éliminer les contraintes médicamenteuses et de
permettre le retour à une vie sociale normale. Les spécialités sont diverses, même si le cardiaque
domine.
L’un des fléaux de notre planète est l’insuffisance cardiaque chez l’enfant. L’enfant cardiaque a
d’ailleurs été déclaré fléau mondial par l’OMS. Ce fléau se caractérise par deux maladies
prédominantes : les valvulopathies rhumatismales et les infections congénitales non traitées. Dans ce
dernier cas, il s’agit d’enfants non traités les premiers mois de leur vie et ayant passé le cap de la
première ou de la deuxième année. Dans le domaine cardiaque, quatre ou cinq maladies représentent
90 % des consultations.
La maladie bleue, en Afrique ou en Asie, n’est qu’une tétralogie de Fallot. En effet, les autres enfants
bleus n’ont pas survécu. Les enfants bleus présentent une cardiopathie cyanogène et un souffle. Le
diagnostic ne nécessite donc pas d’échographie. Les patients sont facilement catégorisés à l’occasion
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des consultations. L’enfant bleu est un vrai problème social, tout comme l’enfant cardiaque de
manière générale.
Les autres spécialités sont :
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•
•
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La chirurgie réparatrice, qui tient une large place. Les séquelles de brûlures constituent un
véritable fléau.
La chirurgie orthopédique et la chirurgie de la main ;
La neurochirurgie, qui traite entre autres de l’hydrocéphalie ;
La chirurgie viscérale.
Notre domaine est celui des spécialités chirurgicales de l’enfant, et notre action est axée sur les
maladies reconnues au plan mondial.
Nous avons deux angles pour aborder le problème.
I.
Ici : faire venir l’enfant en France pour le traiter
Il s’agit d’une activité que nous pratiquons depuis 10 ans. Elle semble simple, mais je vais
décortiquer les étapes et les obstacles que nous devons surmonter.
Nous avons opéré 1 131 enfants cardiaques en dix ans, et un bon nombre d’enfants dans les autres
spécialités.
Des conventions ont été signées avec 23 pays situés en Afrique, en Asie, particulièrement au
Cambodge, au Vietnam et en Thaïlande, et en Europe de l’Est.
Il est impossible de travailler avec tous les pays. La première des exigences est de disposer dans ces
pays ans de relais suffisamment forts sur le plan médical, généralement des pédiatres et des comités
médicaux chargés de détecter les enfants, de constituer un dossier et de se charger du suivi postopératoire au retour de l’enfant.
Par ailleurs, afin de répondre aux formalités administratives, il est nécessaire de disposer de relais
administratifs dans chaque pays, avec des conventions officielles. L’enfant transféré doit ainsi être
en règle en termes de visa.
1. Le circuit de la Chaîne de l'Espoir
L’enfant est repéré sur place. Un dossier complet est constitué et adressé en France à un comité
médical multidisciplinaire qui procède à un choix en se basant sur des critères prédéterminés et
codifiés.
En France, il nous faut être protégé administrativement.
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a. Les obstacles administratifs
La plupart des enfants ne possèdent pas de passeport. Il est donc obligatoire de leur trouver un
passeport afin d’obtenir un visa de sortie. Il faut également l’autorisation parentale, indispensable
sur le plan de la responsabilité – d’où l’importance des relais locaux.
Les problèmes administratifs existent également du côté français. En matière de visa, l’association a
gagné la confiance du service des visas, basé à Nantes. Il lui est ainsi possible d’obtenir en huit jours
un visa d’entrée sur le territoire. Pour chaque enfant, un fax doit être envoyé aux ministères de
l’Intérieur, des Affaires étrangères et de la Santé.
L’enfant ne reste en France que six à huit semaines. Aucune adoption n’est possible. Nous avons
ainsi pris en charge des enfants orphelins qui ont été adoptés en rentrant dans leur pays. D’une part,
la possibilité d’adoption en France serait ingérable ; d’autre part, elle contribuerait à brouiller
l’action et à la détourner de son objectif premier et de sa raison d’être.
b. Le transport
La plupart des transferts d’enfants de l’étranger posent le problème de la prise en charge. Sur le plan
juridique, c’est la Chaîne de l'Espoir qui s’engage financièrement à couvrir les soins de l’enfant. En
cas de problème, les ministères savent donc vers qui se tourner et qui attaquer. Cela est important
pour le visa. La Chaîne de l'Espoir n’a donc besoin de donner aucune provision. Elle est la caution
juridique et financière.
Nous tentons par tous les moyens de diminuer les coûts, et avons obtenu un certain nombre de
gratuités. Nous avons ainsi passé des accords avec Air France, Nouvelles Frontières et certaines
lignes nationales. Néanmoins, quelques coûts de transports restent à assumer. Il est en effet
impossible d’afficher une totale gratuité sur un mouvement d’enfants aussi important.
Sur le plan des conditions juridiques de transfert, toutes les compagnies d’aviation doivent, pour
transporter un enfant malade, disposer des certificats du correspondant de la compagnie en matière
médicale. En effet, en cas de malaise de l’enfant, l’avion doit atterrir où qu’il soit. Une escale Air
France impromptue représente 650 000 francs. Air France se protège donc, et demande souvent que
l’enfant ou le groupe d’enfants dispose d’un accompagnant, si possible médical. Cette exigence ne
s’adresse pas spécifiquement à nous, mais à tous les transferts d’enfant malade. Généralement, les
accompagnants sont des volontaires d’Aviation sans frontière, une association de navigants. Ce sont
des hôtesses de l’air qui accompagnent les enfants durant leurs congés.
Nous avons codifié les conditions de transports de l’enfant cardiaque en avion, en particulier de
l’enfant bleu, qui bénéficie d’un protocole thérapeutique de voyage : Valium, bêtabloquants, etc. Il
s’agit d’éviter la syncope.
c. L’accueil en France : les familles d’accueil
Ce sont des familles d’accueil qui prennent l’enfant en charge dès l’aéroport. Il s’agit d’un
formidable acte de bénévolat et d’engagement. Par ailleurs, en termes de logique financière, ce
dispositif est imparable sur le plan du coût.
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Ces familles sont sélectionnées par un comité. Des rencontres ont notamment lieu avec des
psychologues. Si, au cours d’un entretien, le mot « adoption » est prononcé, la famille est éliminée.
Ces familles sont préparées psychologiquement à l’accueil d’un enfant malade dans des conditions
particulières. Une seule candidature sur vingt est retenue.
Ces familles amènent l’enfant dans différents centres de soin, toujours en ambulatoire, le reprennent,
et se dévouent à lui.
La famille amène par exemple l’enfant à 7 heures 30 pour une échographie à l’hôpital Necker, elle le
reprend à 8 heures 30 pour arriver au bloc opératoire à 6 heures 30, c'est-à-dire une heure avant
l’opération. Elle amène l’enfant tôt le matin et le suit psychologiquement.
Des liens très forts se nouent entre la famille et l’enfant, mais les familles sont psychologiquement
très préparées. L’enfant n’a droit qu’à un cadeau. Il se produit en effet toujours une désadaptation
psychologique de l’enfant, qui ne doit donc pas être gâté. Il doit se laver les dents, se coucher à
l’heure, ne pas regarder la télévision, etc. La famille lui parle sans cesse de ses parents en lui
montrant des photographies. La démarche est donc très codifiée, même s’il est impossible d’éviter
tous les débordements. Les adieux sont toujours un moment très fort.
Sur le plan sociologique, suivant leur âge, certaines mères des familles d’accueil se comportent
comme des mamies, d’autres comme des mamans. Ces familles habitent la plupart du temps dans les
banlieues de grandes villes, que ce soit Paris ou les grandes villes de province.
d. Les soins
Nous avons depuis dix ans établi un montage au sein duquel nous jonglons officiellement entre
l’activité publique et l’activité libérale. Il est hors de question de se baser sur la gratuité, qui ne peut
permettre d’instituer un système pérenne. Il s’agit en fait de payer au plus faible coût.
Une convention a été passée avec l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris. Il y a une dizaine
d’années, des énarques ont planché des jours durant sur la question, et en ont conclu que le prix de
journée devait être divisé en deux : une moitié payée par l’Assistance publique sur ses fonds
propres (il s’agit donc de sa part d’une action humanitaire) ; l’autre moitié à la charge de la Chaîne de
l'Espoir.
Le calcul est fait sur la base de 150 enfants opérés annuellement, ce qui représente une somme de
750 000 francs pour l’Assistance publique. Le système est donc bloqué par la fixation de ce quota.
Les deux partenaires ont intérêt à ce que l’enfant reste le moins longtemps possible à l’hôpital.
Il a donc fallu travailler les durées de séjours dans tous les centres hospitaliers concernés.
Puisque le coût équivaut au prix de journée, l’enfant entre à l’hôpital à 6 heures 30 le matin pour être
opéré à 8 heures, le bilan ayant été fait précédemment, alors qu’aucun malade français ne rentre à
l’hôpital à 6 heures, contrairement à la pratique américaine. De même, alors qu’aucun patient en
réanimation n’est envoyé dans un autre établissement, c’est pourtant le cas de l’enfant pris en
charge par la Chaîne de l'Espoir.
La durée moyenne de séjour affichée, pour 937 enfants cardiaques, et de 29 heures en chirurgie
cardiaque.
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Tous les coûts ont été travaillés, de l’entrée de l’enfant à sa sortie.
L’enfant subit un bilan ambulatoire à l’hôpital Necker entre 8 heures et 17 heures, effectué par un
staff médico-chirurgical de grande qualité.
Le système libéral entre en jeu à partir du moment où l’enfant sort de réanimation. Le prix de
journée y est très faible, et les actes codifiés ne sont pas très coûteux. L’enfant est souvent orienté
vers la clinique Juvet de Wils, où la tarification est basée sur l’acte. Or il n’y a pas d’acte, ou peu.
Par ailleurs, les honoraires diffèrent selon les cliniques. Dans certaines, il n’y en a pas. Au total, la
somme n’est pas considérable.
Concernant le transport, le tarif du Samu est de 6 335 francs. Nous avons passé des accords avec
des ambulances qui assurent le transport pour 437 francs. Une infirmière accompagne l’enfant dans
le véhicule jusqu’à la clinique, pour résoudre les éventuels problèmes. Aucun accident n’est jamais
survenu.
La convention passée avec l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris s’étend à toute l’Assistance
publique, à tous les hôpitaux. Nous bénéficions de fiches d’entrée particulières, ainsi que d’une
codification particulière, ceci nous permettant d’être dans les règles.
Nous affichons des coûts au dixième du coût normal.
L’enfant reste environ huit jours en post-opératoire, dans une structure de court séjour, avant de
rejoindre ensuite sa famille d’accueil. Il subit ensuite un certain nombre de consultations et de
contrôles. Une décision de départ est ensuite prise. Un protocole médicamenteux est élaboré, avec
éventuellement don de médicaments permettant à l’enfant de suivre un traitement d’une durée de
deux ou trois mois.
Nous cherchons évidemment à étendre le système. Nous venons ainsi de signer un accord avec
l’Institut mutualiste Montsouris. Nous travaillons également avec la clinique chirurgicale de
Boulogne-Billancourt, qui nous offre un plateau de très haut niveau. Il est vrai que toutes les
structures ne peuvent répondre à nos besoins du fait de notre spécialisation en chirurgie de l’enfant.
Nous venons également de passer d’autres accords, notamment à Marseille.
Nous avons exporté le système tel quel en Grande-Bretagne. Les seules différences résident dans
l’obligation faite aux familles d’accueil d’obtenir l’accord du Ministère de l’Intérieur et, sur le plan
des coûts, dans le fait que le régime est celui forfait, conformément à la pratique anglo-saxonne.
Le système existe également en Belgique, et s’implante cette année en Allemagne et en Italie.
2. Quelques chiffres…
50 % des enfants pris en charge par la Chaîne de l'Espoir sont issus d’Afrique noire. Elle prédomine
donc, mais pas de façon écrasante.
Concernant le domaine des interventions, la chirurgie cardiaque domine, mais les autres spécialités
sont présentes, et ce de façon constamment en progression depuis quelques années.
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La moyenne d’âge des enfants est de 9,3 ans. Il n’y a pas d’enfants de moins de quatre ans.
Les cas de cardiopathie congénitale représentent environ 55 % des affections et les cardiopathies
rhumatismales, principalement des insuffisances mitrales, 44 %.
Sur un an, en 2000, le coût moyenné sur 142 enfants est de 24 950 francs, dont 3 770 francs de coût
de fonctionnement. D’une année sur l’autre, ces moyennes restent pratiquement identiques. Il est
toujours gênant d’afficher des frais de fonctionnement. Ils tiennent compte du salarié de
l’association en charge de la procédure.
Le coût en matière de soins-hospitalisation est de 12 200 francs, ce qui signifie que nous sommes
pratiquement au plancher en la matière.
Pour information, le coût moyen d’un transfert sanitaire d’un enfant en chirurgie cardiaque est de
l’ordre de 140 ou 150 000 francs. Cela ne signifie évidemment pas grand-chose car nous
fonctionnons en prix de journée dans le secteur public.
Pour l’anecdote, aucune autorité juridique ne peut faire sortir un enfant venu d’Algérie et entrant à
l’Assistance publique, en raison du fait que la responsabilité de l’Assistance publique serait engagée
en cas d’accident de voiture. On ne peut donc faire sortir l’enfant que pour le mettre dans un avion
en partance pour l’Algérie. Il doit de surcroît être escorté d’un accompagnateur s’il est mineur ou
posséder une autorisation. On rencontre donc souvent ces enfants traînant dans les services, pour un
coût de 10 000 francs par jour.
Chaque enfant pose problème. Nous déplorons malheureusement quelques échecs. En chirurgie
cardiaque, la mortalité est de 1,4 %. Un accident est en effet toujours possible. Nous avons donc
travaillé les frais de transfert de corps. Nous ne sommes pas tenus par la famille de rapatrier le
corps, mais nous le faisons toujours. Vous pouvez constater que tout doit être pris en considération.
La stratégie médicale rejoint la logique économique : nos patients sont sélectionnés. Utiliser l’hôpital
ou certains centres libéraux essentiellement comme un plateau technique et ensuite le dégager
constitue en tout cas une réflexion intéressante.
II. Là-bas : soigner et opérer les malades dans leur pays
Il est inutile d’opérer un enfant en France s’il existe dans son pays des structures aptes à le prendre
en charge.
1. L’enseignement
Le premier réflexe est d’effectuer des actions de retour.
Cela passe par des démonstrations et l’apport de matériaux. Certaines échographies dégagées
peuvent être rachetées pour 1 franc symbolique. Elles sont ensuite remises en état par Hewlett
Packard, le plus important fournisseur en matériel et en équipement.
Les amphithéâtres sont remplis d’étudiants.
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Un certain nombre de missions de chirurgie sont effectuées, déplaçant de nombreuses personnes
selon les spécialités : orthopédie infantile au Vietnam, etc.
Avec Alain Carpentier, nous réfléchissons depuis dix ans à la problématique de l’enfant cardiaque
dans le monde.
En matière de cardiopathie congénitale, les principales affections sont :
•
shunt gauche-droit
Il s’agit de la maladie la plus fréquente, qui consiste en une communication inter-ventriculaire.
Cette infection congénitale est la plus répandue dans le monde.
•
cardiopathie cyanogènes (T4F)
Il s’agit de la tétralogie de Fallot.
•
obstacles éjectionnels
•
divers
Le cap de la deuxième année est le plus souvent fatal dans le cas des cardiopathies congénitales
complexes, qui doivent être prises en charge le plus souvent dès la naissance. Les enfants que nous
rencontrons, âgés de quatre ans au minimum, sont donc des survivants.
Sur le plan des valvulopathies rhumatismales, les incidences sont connues. Il s’agit d’un fléau OMS
reconnu, touchant des centaines de milliers d’enfants.
Ces infections rhumatismales nécessitent la plupart du temps une opération, si possible une
intervention conservatrice, mise au point par Alain Carpentier, qui a ainsi transformé le destin de
centaines de milliers d’enfants.
Les principales infections en la matière sont :
•
atteinte mitrale
Elle représente 80 % des cas.
•
atteinte aortique
Elle se rencontre rarement de façon isolée et est souvent combinée à l’atteinte mitrale.
•
poly-valvulopathies
2. Les idées directrices
Nous nous intéressons à la cardiopathie du sujet jeune. Le sujet est considéré comme âgé à partir de
28 ans.
La cardiologie performante est à la base de tout. On ne peut évoluer sans maniement de l’écho
Doppler.
La chirurgie est essentiellement réparatrice, donc non coûteuse en prothèses.
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Le centre éventuellement construit doit être médico-chirurgical.
La logique médicale est couplée à l’intégration des coûts. L’hôpital n’est pas livré clé en main, mais
on étudie son exploitation possible.
La chirurgie cardiaque pose le problème des plateaux techniques, d’équipement, de maîtrise des
dépenses et de définition des ressources.
Il faut toujours rechercher la réduction des coûts. Il est par exemple possible de faire appel à du
matériel réutilisable. Ainsi, au Cambodge, les casaques sont en tissu. Les seringues sont réutilisées.
Il faut également rechercher la simplification extrême des procédures. Par exemple, le sang frais
remplace les plaquettes. La banque du sang est constituée des donneurs de la famille.
La sélection des malades s’impose.
La chirurgie est conservatrice, car il est impossible de faire autrement.
La question des salaires est un vrai problème. En France, les salaires représentent 70 à 77 % du
budget d’un hôpital. Au Sénégal, au Cambodge ou au Vietnam, la masse salariale tombe aux alentours
de 20 %. L’action sur le consommable est donc particulièrement intéressante.
3. L’Institut du Cœur d’Ho Chi Minh Ville (Vietnam)
Il a été bâti en 1990 par Alain Carpentier.
a. Le médical
Plus de 10 000 enfants ont été opérés jusqu’à présent. Cinq opérations à cœur ouvert sont
pratiquées quotidiennement. L’équipe vietnamienne travaille à un rythme extrêmement rapide.
Les statistiques concernant la nature des maladies donnent des résultats similaires à celles
concernant les enfants opérés en France, qui proviennent pourtant d’une vingtaine de pays. Il existe
donc des tendances générales en la matière.
Les opérations à cœur fermé, sans circulation extracorporelle, ne sont plus pratiquées en France
depuis de nombreuses années. Or ces procédures, comme l’intervention de Dunlop pour les enfants
bleus, sont une merveille pour ces pays. Elles y sont très bien adaptées et se révèlent fort peu
onéreuses, l’équivalent d’une sous-clavière. L’enfant n’est pas guéri, mais est amélioré.
Le nombre de prothèses est très limité. Les réparations sont privilégiées.
Le shunt gauche droit représente 75 % des maladies des enfants. Les shunt droit gauche et les
tétralogies Fallot représentent 18 % des interventions. Les affections complexes représentent
seulement 1 % des interventions (ventricule unique ou autre).
Les atteintes aortiques isolées ne représentent que 5,1 % des cas. Les atteintes mitrales prédominent
fortement.
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Ces chiffres portent sur 2 800 cas et intéressent de nombreuses personnes à travers le monde.
En matière de mortalité, les pics concernent les patients de moins d’un an, qui rencontrent des
problèmes en matière de réanimation, et ceux de plus de 55 ans, voire ceux de plus de 46 ans. La
mortalité la plus faible concerne les populations de six à trente ans.
b. L’économique
Avec Alain Carpentier, Monsieur Lemoine et Olivier Braud, nous avons établi des classements par
pathologie et par malade. Nous avons constitué des classes économiques.
Le système de recouvrement des coûts est très particulier. L’Institut ne perçoit aucun subside
public. Nous travaillons donc sur des bases forfaitaires, comprises entre 1 000 et 1 500 dollars par
enfant.
Nous avons classé les groupes de pathologie et les coûts affichés. Nous avons ainsi obtenu trois
classes. La classe 1 est celle des opérations à 4 000 francs ; la classe 2 celle des opérations à 5 000
francs, et la classe 3 celle des opérations à plus de 6 500 francs. Nous opérons principalement les
patients des classes 1 et 2, économiquement les plus stables, et sur lesquelles nous tenons nos prix.
Une opération à cœur fermé coûte 1 700 francs tout compris.
Nous étudions les opérations en fonction de cette répartition.
L’Institut du Cœur est un hôpital vietnamien doté d’un statut dérogatoire.
Il y a dix ans, à l’arrivée d’Alain Carpentier, tous les hôpitaux étaient publics et l’accès aux soins
était soi-disant gratuit. En réalité, il fallait payer pour se faire soigner et les indigents n’avaient donc
pas accès aux soins.
Il existe certes des fonds publics, mais la chirurgie cardiaque ne peut les consommer alors que
certaines maladies comme le choléra continuent de sévir.
Certains malades peuvent certes payer, mais ce n’est pas le cas général. Il n’existe de surcroît pas
d’assurance sociale. C’est l’assurance familiale qui en fait office. La vente d’une tête de bétail peut
ainsi servir à financer une opération.
Une opération affichée à 1 500 dollars au Cambodge ou au Sénégal peut être négociée.
Pour l’anecdote, je me trouvai un jour, au Vietnam, en compagnie d’un enfant malade de cinq ans, de
sa mère et du médecin asiatique. Les interactions se font en effet toujours à trois. Le médecin
occidental ne s’adresse pas directement au patient ou à sa famille, mais passe par l’intermédiation du
médecin vietnamien. La mère était assez élégante, et portait au doigt une jolie bague. Lorsque
j’abordai le problème du coût, la mère me demanda s’il lui fallait vendre sa bague. Je répondis par
l’affirmative, ce qui ne se serait évidemment pas fait en France, où la question du coût aurait été
reportée à plus tard. Il n’existe pas de système gratuit. Par ailleurs, une enquête sociale est effectuée,
car il n’y a pas toujours de bague pour financer l’opération…
A l’Institut du Cœur, qui paie pour l’enfant soigné gratuitement ? Il convient ici de rendre hommage
au génie d’Alain Carpentier, qui a eu une idée à laquelle je ne croyais pas. Il a créé au Vietnam un
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centre de médecine destiné aux expatriés. Ainsi, la diarrhée d’un Japonais permet de financer une
tétralogie de Fallot. En cas de maladie, les Japonais ou les Australiens expatriés préfèrent en effet
consulter des médecins occidentaux, et non des médecins vietnamiens. Les tarifs de ce centre sont
très élevés.
Le véritable problème est d’ordre comptable.
2 000 enfants sont inscrits en permanence sur les listes d’attente.
Nous avons donc beaucoup réfléchi aux modes d’exploitation.
4. En projet : le Centre de Cardiologie de Phnom Penh (Cambodge)
a. Présentation générale
L’expérience vietnamienne nous a beaucoup aidé.
Nous avons commis une erreur au Vietnam, en raison d’une certaine timidité et d’un esprit trop
« service public », notion totalement inconnue, voire incompréhensible, au Vietnam. Au début de
l’aventure, on a failli nous donner la direction de l’Institut du Cœur, mais nous sommes finalement
entrés dans l’enfer de la codirection. Les deux directeurs français, Olivier Braud, énarque de la Cour
des comptes et Monsieur Lemoine, Inspecteur des finances, doivent en permanence « déminer le
terrain » : factures « mises sous le coude », etc. Nous avons commis l’erreur de ne pas prendre
fermement la direction de l’Institut.
Au Cambodge, nous sommes en train de bâtir le cousin de cet Institut.
Au niveau architectural, il convient de noter que nous avons conceptualisé l’architecture au fil des
ans. Tout d’abord, nous nous intégrons dans l’architecture locale. La superficie du Centre est
équivalente à celle d’un terrain de football. Il n’y a pas d’équipements superficiels tels que les
ascenseurs.
Les travaux s’étaleront sur un an. Le chantier sera livré courant mars 2001.
Une équipe de réanimateurs, de cardiologues et d’autres spécialistes s’est penchée sur l’architecture
du centre, conçu comme un centre médico-chirurgical.
Le plateau technique est la partie sur laquelle est porté l’effort technologique. Nous bâtissons du
neuf car il est très compliqué de transformer l’existant. Ce plateau est doté de l’asepsie, de l’air
conditionné pulsé, d’une unité de réanimation, de blocs opératoires, etc. Nous sommes très vigilants
concernant le problème des infections nosocomiales, bien qu’elles soient assez rares.
En revanche, le secteur de l’hospitalisation est très léger. Il n’y a ainsi pas d’oxygène.
Il y a donc deux secteurs : celui de l’hospitalisation et le plateau technique.
Par rapport à l’Institut du Cœur, nous avons créé au Centre de Cardiologie un secteur VIP, affiché
comme tel. La clientèle étrangère ne souhaite pas se mélanger au peuple.
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Je précise qu’il y a 40 000 consultations annuelles à l’Institut du Cœur du Vietnam.
Le Centre est également doté d’une salle de cours et de réunion.
b. Présentation économique
Dans ce genre d’aventure, nous manions également les investissements.
Nous demandons aux partenaires de participer. Concernant le Vietnam, la mairie de Saigon, très
riche, a offert le terrain et a bâti le dur. Concernant le Cambodge, le gouvernement de Phnom Penh a
donné le terrain, d’une valeur d’environ un million de dollars.
Le coût total du projet est de 20 millions de francs. Cette somme n’est pas énorme. Le bâtiment et
les équipements reviennent à 5 millions de francs, ce qui ne représente pas grand-chose. Il s’agit là
du résultat d’incessantes batailles destinées à récupérer tout ce qui peut l’être.
Ces 20 millions de francs sont entièrement couverts par trois dons privés. Il s’agit donc d’un projet
totalement privé. La Coopération française n’a pas souhaité s’engager. En revanche, le drapeau
français flotte bien au-dessus du Centre…
Nous avons peut-être commis une erreur : nous avons installé une unité d’angiographie. Etant
donnée la mobilisation du syndicat des radiologues, on nous a offert une BMW pour le prix d’une
Clio d’occasion, à savoir une angiographie, de seconde main certes, mais qui n’en constitue pas
moins une offre superbe. Le Ministère de la Santé a souhaité que nous l’acceptions et que nous
l’installions. Avant celle-ci, il n’y avait pas d’angiographie à Ho Chi Minh Ville.
Un tel équipement peut cependant s’avérer intéressant dans le cadre du recouvrement des coûts. Il
est en effet possible que les malades souffrant d’ischémie, qui se rendent habituellement à
Singapour, viennent au Centre. Au Vietnam comme au Sénégal ou au Cambodge, une partie de la
population se fait opérer en clinique. Il y a des personnes extrêmement riches. N’Mumba gagne
semble-t-il un million de dollars par jour. Il a fait construire un centre de dialyse uniquement parce
que sa grand-mère était en insuffisance rénale.
Concernant le statut du centre, nous avons été très vigilants et avons retenu la leçon vietnamienne. Il
s’agit d’un hôpital khmer à but non lucratif.
Il est pourvu d’une autonomie de gestion, et tout est permis pour arriver à l’équilibre financier. Le
Ministère de la Santé nous a indiqué qu’il nous soutenait, notamment en matière de transfert de
personnels, mais qu’il refusait tout investissement et tout financement.
Le Centre a passé une convention avec le Ministère de la Santé et l’hôpital Calmette.
Le Conseil d'administration est franco-khmer, et la direction est française. Le Ministre de la Santé y
tient. Il a exigé une direction française contractuelle pendant quatre ans au minimum.
Il existe un accord avec la faculté de médecine dans le cadre de stages.
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Le recouvrement des coûts est une expérience pilote. Il s’agit pour nous d’apprendre. Un certain
nombre d’instances existantes sont curieuses de voir comment il est possible, sur un tel projet, de
parvenir à l’équilibre financier.
Il y a un centre pour expatriés, étendu à une population dite « VIP ».
L’idée de l’exploitation est de trouver des subsides. La Chaîne de l'Espoir ne peut plus être
responsable de l’exploitation. Cela est impensable. Cet hôpital existe, est doté d’un Conseil
d'administration et est conforme à la loi khmère. Pour supporter les coûts, il y a les supports privés
internationaux, les malades payants, et la Fondation médicale cambodgienne royale, qui reçoit un
certain nombre de subsides destinés à prendre en charge les enfants pauvres.
Les charges sont l’amortissement, le consommable qui est prédominant, les frais de personnel
(formation, salaire) et de fonctionnement.
En matière de salaire, nous avons opté pour une base fixe et un intéressement à l’activité pour un
certain nombre de médecins, ce qui avait été impossible à mettre en place au Vietnam. Le salaire d’un
cardiologue khmer peut ainsi atteindre 3 000 dollars mensuels.
Dans ce système, l’enfant pauvre est pris en charge. Ce n’est pas la structure qui s’en occupe. La
Fondation médicale cambodgienne royale peut offrir un certain nombre d’enfants au Centre, selon
une base forfaitaire établie. Ce système n’offre pas une grande liberté.
Les dépenses engagées pour un enfant sont estimées à 2 000 dollars, mais cela est encore à l’étude.
Les vrais forfaits seront établis après deux à trois mois de fonctionnement, lorsque les coûts réels
auront été évalués.
5. Conclusion
Je vous ai fait partager ces aventures lointaines qui nous ébranlent et constituent un véritable défi.
La structure publique n’est pas très bien reçue à l’étranger. La France peut s’offrir un grand hôpital
public, mais cela est impossible à envisager au Vietnam ou au Sénégal. Si un tel hôpital se
construisait, les pauvres ne pourraient y être soignés.
Questions de la salle
Le Président
La Chaîne de l'Espoir prend en charge les enfants, couvre les dépenses, mais comment se procure-telle les fonds nécessaires ?
Comment vit cette Chaîne de l'Espoir ?
Paris, le 27 février 2001
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Réunion du Club Perspectives Public, Privé du 27 février 2001
FIEHP
Alain DELOCHE
Elle vit principalement de dons individuels. Il s’agit de marketing direct. Il existe environ 80 000
donateurs réguliers. Le budget annuel de la Chaîne de l'Espoir se situe aux alentours de 22 millions de
francs annuels, ce qui n’est rien comparé aux budgets des monstres de l’humanitaire. A titre de
comparaison, le budget de Médecins du monde est d’environ 250 millions de francs.
Nous sommes des petits, faiblement aidés par les institutionnels et vivant essentiellement de dons et
de partenariats. Cela est vrai pour la France, la Grande-Bretagne et la Belgique. Ainsi, le festival de
Montreux de l’été 2001 sera fait en notre honneur.
Cette dépendance au privé nous oblige à faire de la télévision. Nous n’existons en effet que par les
médias.
Le Président
On peut donc faire de l’humanitaire et savoir compter…
Monsieur DECORTE
Il est vrai qu’il s’agit d’une petite entreprise humanitaire.
Qui sont les partenaires ? Y a-t-il des organismes publics ?
Alain DELOCHE
Il n’y en a pas. Un organisme privé comme le nôtre n’est pas bien reçu dans les instances publiques.
Notre action ne correspond pas au créneau de l’Union européenne, sauf en matière de formations où
un partenariat commence à naître. La Coopération française n’a que peu d’argent.
Concernant le Centre de Cardiologie de Phnom Penh, nous avons reçu un don anonyme de l’Union
des banques suisses. Nous ignorons d’où il provient.
Nous avons également des partenariats avec des entreprises intéressées, comme les laboratoires
Servier.
Le Président
La Chaîne de l'Espoir est-elle une association reconnue d’utilité publique ?
Alain DELOCHE
Elle est quasi d’utilité publique. Il s’agit d’une association de bienfaisance assimilée fiscalement à
une association d’utilité publique.
Paris, le 27 février 2001
13
Réunion du Club Perspectives Public, Privé du 27 février 2001
FIEHP
Monsieur DECORTE
Qui est destiné à être opéré sur place, et qui est destiné à être opéré en France ?
Alain DELOCHE
A partir du moment où l’Institut du Cœur a été ouvert au Vietnam, aucun enfant vietnamien n’est
venu en France. Il s’agit là du but recherché. Il est vrai cependant que la rentabilité vietnamienne est
assez exceptionnelle.
Par ailleurs, je vous ai exposé le schéma chirurgical, mais il existe également un schéma orthopédique.
Daniel SIDI, cardio-pédiatre, Vice-Président de la Chaîne de l'Espoir
La phase pendant laquelle les enfants viennent en France constitue une phase préparatoire,
indispensable à la création des liens et à la formation des équipes, mais temporaire.
Il est certain que sur place, on ne peut procéder à des opérations très périlleuses ou sur de très
jeunes enfants. Cependant, 90 % des enfants sont opérés sur place. Les 10 % restants sont
accompagnés par le chirurgien formé par nos soins.
En matière de financement, si l’Institut fonctionne bien et que les gens n’ont plus besoin de se faire
opérer à l’étranger, le bénéfice réalisé est destiné à être reversé à la Fondation, afin de soigner
d’autres enfants, d’augmenter la technologie du Centre, etc. Il est possible à terme que 80 % de
l’humanitaire se fasse sur les revenus du Centre.
Monsieur DECORTE
Y a-t-il encore beaucoup de chirurgiens non spécialisés qui pratiquent la chirurgie cardiaque à
l’Institut du Cœur ?
Alain DELOCHE
Il n’y en a plus. Nous les avons formés durant quatre ans.
Monsieur DECORTE
L’Institut est donc complètement autonome.
Alain DELOCHE
Nous avons deux vastes projets, au Mozambique et au Sénégal. Nous ne voulons pas nous
essouffler.
Paris, le 27 février 2001
14
Réunion du Club Perspectives Public, Privé du 27 février 2001
FIEHP
Avec les pédiatres, nous avons eu l’idée d’un hôpital panafricain pédiatrique, pilote en Afrique. Il
s’agit d’une idée assez révolutionnaire.
Construire un hôpital n’est rien. Trouver de l’argent est en effet toujours possible. C’est
l’exploitation qui pose problème. D’une part, se poser en tant qu’organisme de service public ne
donne aucun résultat ; d’autres part, nous ne pouvons fonder une structure entièrement à but
lucratif.
Monsieur DECORTE
De tels propos sont iconoclastes en France.
Alain DELOCHE
Je ne parle pas de la France, mais de pays comme le Cambodge.
Notre système de santé est incompréhensible dans ces pays. La notion de service public y est
inconnue.
Il est donc nécessaire de trouver une solution médiane tout en faisant en sorte que ces structures
naissantes accèdent à l’autonomie.
De ces objectifs découlent des mesures comme la prime aux infirmières. A l’hôpital Calmette, les
infirmières touchent cinq ou six dollars par mois. Elles ne sont donc que très peu présentes à
l’hôpital, car elle doivent trouver des fonds ailleurs. A titre indicatif, envoyer un enfant à l’école
coûte cinquante dollars.
Il est indispensable d’intégrer l’ensemble de ces données.
Nos centres ont besoin d’une technologie médicale et une compétence médicale affichée de bon
niveau.
Le Président
Le taux de mortalité est de 1,4 %. Cela signifie donc que les patients sont fortement sélectionnés.
Alain DELOCHE
Ce chiffre concerne uniquement aux opérations réalisées en France.
Le Président
Vous procédez également à une sélection des patients sur place. En effet, les conditions dans
lesquelles s’effectuent les opérations ont disparu depuis cinquante ans dans les pays occidentaux.
Paris, le 27 février 2001
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Réunion du Club Perspectives Public, Privé du 27 février 2001
FIEHP
Daniel SIDI
Les malades opérés en France sont sélectionnés. Ce sont des cas difficiles : patients trop jeunes,
opération nécessitant une technologie avancée, circulation extracorporelle, etc. Nous ne faisons venir
en France que les patients dont les chances de guérison nous semblent certaines.
Alain DELOCHE
Nous procédons également à une sélection des patients à l’Institut du Cœur du Vietnam.
Daniel SIDI
La sélection au Vietnam existe également. Il s’agit d’un procédé cruel, notamment lorsqu’il s’agit
d’annoncer aux parents qu’il serait déraisonnable d’opérer leur enfant. Un mort à l’Institut est un
véritable drame. L’activité s’arrête. Il faut donc veiller à ne pas décourager les équipes. Ce n’est pas
la même chose en Afrique, pour des raisons culturelles.
Alain DELOCHE
Il y a obligatoirement sélection. Si une mère de famille de 32 ans se présente à nous en état
d’insuffisance mitrale avancée, que nous savons qu’une prothèse chère ne l’améliorera pas beaucoup
et qu’elle ne réintégrera pas une vie normale, nous aurons tendance, lors de la consultation, à
prononcer les mots fatidiques : « traitement médical ».
Cela est terrible.
Le Président
Cela ne serait pas imaginable dans nos pays…
Alain DELOCHE
Cela est certain, mais nous sommes pris dans l’engrenage d’une certaine logique et de ses
contraintes. N’oublions pas que 2 000 enfants sont en permanence inscrits sur la liste d’attente…
Daniel SIDI
Nous avions fait une étude au Sénégal pour Terre des Hommes. Nous avons repris la liste de tous
les patients opérés par cette organisation et avons constaté que 55 % des patients ayant reçu une
prothèse et ayant été considérés par Terre des Hommes comme étant en bonne santé étaient décédés
au bout de cinq ans.
Paris, le 27 février 2001
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Réunion du Club Perspectives Public, Privé du 27 février 2001
FIEHP
Ce sont les interventions les plus chères qui donnent les moins bons résultats. On retrouve le bon
rapport qualité-prix en sélectionnant les bons patients et en pratiquant une chirurgie de
reconstruction sans prothèse.
Le Président
Vous obtenez des résultats, mais le taux de mortalité est cependant à un certain niveau.
Alain DELOCHE
Le taux de mortalité n’est pas énorme. Il est inférieur à 5 %.
Martine AOUSTIN
Vous êtes-vous posé la question de la pérennité de votre action, non à trois ou quatre ans, mais à
plus long terme ?
A l’occasion d’une mission en Côte d’Ivoire, j’ai retrouvé certains établissements, dont l’un,
superbe, avait été construit à Abidjan par les Canadiens. Ces derniers l’avaient abandonné et il avait
été repris par les autochtones dans des conditions de bien moindre qualité.
Alain DELOCHE
Vous me posez la bonne question et je n’ai pas de réponse. Cela ne dépend que de nous. Pour le
moment, au Vietnam, on note le début d’une lassitude, qui n’est pas encore généralisée mais qui
existe.
En dehors de la formation, notre effort porte sur la gestion, afin que celle-ci puisse être pérennisée.
Beaucoup de structures ont été données à l’Afrique, qui ne possédait pas la clé de l’exploitation. La
deuxième leçon, après la technologie médicale transférée, porte donc sur l’exploitation.
Il est certain que nous sommes plein d’interrogations à ce sujet.
Daniel SIDI
Il existe à ce propos un double niveau de réponse.
Concernant la pérennité de l’efficacité de la structure médicale, nous sommes assez sereins à propos
de pays comme le Vietnam. L’Afrique est un autre problème.
Concernant la pérennité de l’action humanitaire, il faut admettre qu’elle est plus hypothétique.
Paris, le 27 février 2001
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Réunion du Club Perspectives Public, Privé du 27 février 2001
FIEHP
Alain DELOCHE
Nous sommes attaqués de toutes parts, mais j’ai l’avantage, avec Daniel Sidi, de rencontrer un
certain nombre de pédiatres fort réputés.
Pensez-vous raisonnable de faire de la chirurgie cardiaque dans des pays émergents alors que les
problèmes de santé publique ne sont pas pris en charge ? Des problèmes de santé primaire ne sont
en effet pas assurés.
Nous avons ainsi été attaqué dans un article du Figaro, auquel nous n’avons d’ailleurs pas eu la
possibilité de répondre. Il s’agit là d’un vrai débat.
Si une association présente à l’Union européenne un projet d’action de prévention du sida, elle se
verra octroyée 1million de dollars. En revanche, si une association désire s’occuper d’enfants
cardiaques, cela pose problème.
Par ailleurs, je précise que nous mettons en place, si possible, la prévention du RA dans le cadre des
différents projets. Cela est déjà effectif au Vietnam.
A notre propos, on parle d’ « auto-satisfecit des chirurgiens cardiaques », on s’interroge sur la
nécessité de notre action.
Daniel SIDI
Les résultats des actions menées à coup de centaines de millions de dollars dans le domaine de la
santé primaire sont en général affligeants, excepté les projets de vaccination. En revanche, la
réalisation du transfert de technologie est extrêmement encourageante pour le pays, elle le porte et
améliore son niveau sanitaire.
Par ailleurs, on ne peut demander à Alain Deloche de mener des campagnes de vaccination. Chacun
doit faire ce qu’il sait faire.
Il est certain que l’un (actes de santé élaborés) ne va pas sans l’autre (soins de santé primaire), mais
les deux actions peuvent être menées séparément et de front, chacune par les personnes
compétentes en la matière.
Ces attaques relèvent d’un véritable racisme. Elles reviennent en effet à considérer qu’une partie de
l’humanité n’a droit qu’à la vaccination et à la nourriture. Tant pis si elle est malade.
Martine AOUSTIN
Ce n’était pas une accusation, mais une simple question.
Le Président
Jean-Pierre Alfandari, parlez-nous de la coopération que vous aviez mis en place avec le Maroc.
Paris, le 27 février 2001
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Réunion du Club Perspectives Public, Privé du 27 février 2001
FIEHP
Jean-Pierre ALFANDARI
Alain Deloche a répondu à tous les problèmes, en particulier sur le fait de sélectionner quelques
personnes dans un pays où les populations meurent de faim – cela ne concerne pas le Maroc – pour,
dix ans plus tard, s’apercevoir que les personnes opérées sont décédées.
On comprend les attaques.
La seule réponse est que ce qu’a accompli le Professeur Alain Deloche est extraordinaire. L’être
humain a besoin de faire autre chose que ce qu’il a fait toute sa vie durant. Il a envie de mener des
actions positives. Cependant, cela n’intéresse que les gens qui déjà vivent bien et sont riches de leurs
expériences, de leur métier, de leur vécu.
Lorsque l’on se rend dans ces pays émergents, on comprend que les gens ne comprennent pas notre
action et notre logique. Ils agissent avant tout pour vivre, et tous leurs actes sont guidés par cet
objectif. Ils ne comprennent donc pas quelle peut être notre motivation, si elle ne répond pas à ce
besoin originel. Ils sont déboussolés.
Professeur Deloche, vous vous faites plaisir et vous faites avancer l’intelligence, par la formation et
les méthodes opératoires ou d’hospitalisation que vous avez instituées.
Nous sommes tous dans un vaste creuset, dans lequel nous bénéficions tous les uns des autres.
Alain DELOCHE
Dans les pays que nous côtoyons depuis plus de dix ans, l’enfant cardiaque entre dans une logique
thérapeutique, qu’on le veuille ou non.
La logique de santé publique et de prévention procède d’un choix sanitaire du pays, mais non des
familles. Or, du fait de la mondialisation de la communication, les familles, même les plus pauvres,
entrent dans la thérapeutique sans qu’on leur dise quoi que ce soit. Cependant, le traitement moyen
d’un enfant cardiaque tourne aux alentours de 20 à 25 dollars mensuels, ce qui représente une somme
énorme, sachant par ailleurs que le traitement n’est pas forcément adapté. Par ailleurs, le système de
solidarité est essentiellement familial ou clanique. L’enfant cardiaque devient donc une charge pour
sa famille, qui se ruinera pour lui et ne l’abandonnera jamais.
Sur un plan médical, du moment que l’enfant est entré dans cette logique thérapeutique et si la
solution à son problème est chirurgicale, autant aller jusqu’au bout de la logique. Il est essentiel de
comprendre ce point.
De surcroît, Daniel Sidi dit toujours que tirer la médecine vers le haut est très stimulant. De même,
Bertrand, qui a passé de nombreuses années à Abidjan, soutient que le préventif est très étroitement
lié au curatif. L’un entraîne l’autre, cela engendre une stimulation, notamment intellectuelle, et
suscite un espoir pour les jeunes. La chirurgie cardiaque, comme la cardiologie ou l’orthopédie,
interroge de nombreux domaines, comme celui de la transfusion. Ainsi, la grande leçon de la chirurgie
cardiaque est le potassium. Parfois, dans le cadre de certaines missions, on marchande le potassium
le soir. Non. Il s’agit d’un résultat incontournable qui demande un appareil automatique coûtant
63 000 francs.
Paris, le 27 février 2001
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Réunion du Club Perspectives Public, Privé du 27 février 2001
FIEHP
Daniel SIDI
Il existe une contre-indication à la tétralogie de Fallot : les vasodilatateurs. Or les pharmaciens et les
laboratoires ont envahi l’Afrique de Lopril. Tous les patients atteints de Fallot sont traités au
Lopril, alors qu’il s’agit de la contre-indication absolue, ce médicament leur coûtant par ailleurs 30
dollars par mois. Ils reçoivent ainsi un médicament contre-indiqué simplement parce qu’il a bonne
réputation et qu’il permet de déculpabiliser les parents.
Aucun de ces enfants malades n’est scolarisé, car le budget familial est englouti par le Lopril. Or une
intervention de Fallot ne coûte que 80 dollars à l’Institut du Cœur, ce qui représente à peine deux ou
trois mois de traitement au Lopril. Six mois plus tard, l’enfant n’est plus bleu, les enfants de la
famille retournent à l’école, et la famille a retrouvé l’espoir.
Par ailleurs, ces interventions nous donnent une grande crédibilité car les gens en voient les résultats
et s’aperçoivent donc de leur efficacité.
Faire une commissure à cœur fermé à un patient atteint d’un rétrécissement mitral ne coûte rien. Le
patient repart de bon pied et le lendemain 300 personnes se pressent à la consultation.
Si par ailleurs on prêche qu’il faut traiter l’angéite, que la maladie peut être évité, et si on a acquis
une certaine crédibilité, on franchit ainsi une étape supplémentaire.
Il s’agit également d’un combat de la médecine par rapport aux pratiques médicinales en cours dans
les villages, notamment en Afrique.
L’efficacité de nos interventions nous confère une grande crédibilité auprès de la population, sans
qu’il soit besoin d’engager des sommes folles dans des campagnes publicitaires, comme la campagne
télévisée que j’ai vue au Mozambique à propos du sida, qui a coûté deux millions de dollars dans un
pays où il n’y a même pas d’électricité.
Danièle DESGRIPPES-KIMON
A la Chaîne de l'Espoir, je m’occupe des soins enfants en France.
Je lance un appel auprès de vous, afin que, si cela est possible, vous puissiez accueillir en phase
post-opératoire, dans une structure médicalisée, pour une huitaine de jours, les enfants opérés soit à
l’Institut Montsouris soit à l’HEGP. Ces enfants nécessitent une surveillance cardiologique. Nous
travaillons également en chirurgie orthopédique et viscérale.
Le Président
Nous avons commencé à réfléchir à ce propos et nous allons diffuser une note explicative auprès des
établissements. Qu’en est-il de la prise en charge financière ?
Paris, le 27 février 2001
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Réunion du Club Perspectives Public, Privé du 27 février 2001
FIEHP
Danièle DESGRIPPES-KIMON
Nous souhaiterions, dans la mesure des possibilités, nous baser sur un tarif d’environ 500 francs par
jour, ce qui correspond à une somme d’environ 5 000 francs pour l’ensemble du séjour, dans
l’intérêt de l’enfant.
Jean-Pierre ALFANDARI
Concernant Paris, où se situent géographiquement les familles d’accueil ?
Danièle DESGRIPPES-KIMON
Elles se situent à la périphérie parisienne, et rendent quotidiennement visite aux enfants durant leur
séjour en clinique.
L’implantation géographique des établissements n’a jusqu’à présent pas posé de problème.
Daniel SIDI
Il est d’ailleurs possible de choisir la famille d’accueil en fonction de la proximité entre son lieu de
résidence et l’établissement destiné à accueillir l’enfant en phase post-opératoire.
Danièle DESGRIPPES-KIMON
C’est d’ailleurs généralement ce qui se passe.
Le Président
Je vous rassure, il ne s’agit pas d’un guet-apens. Nous ne vous avons pas invité pour vous
demander une participation financière, mais nous ne pouvions pas ne pas évoquer le problème.
Raymond GATELMAND
J’ai été passionné par le récit que vous avez fait de votre entreprise, que nous connaissions mal à
travers les journaux. Vous avez fait allusion à des critiques. Elles sont inévitables, particulièrement
lorsque l’on mène une bonne action.
Vous avez prononcé les termes « direction médicale », et vous en êtes le prototype, car vous
semblez maîtriser parfaitement, de la conception à l’exploitation, un sujet sur lequel nous nous
étions penché en pensant que la conjonction du médecin, du praticien, du spécialiste, du chirurgien
que vous êtes était nécessaire pour diriger un établissement. Pourriez-vous développer cet aspect de
la question, car il est peut-être possible de s’en inspirer, bien que le rôle des médecins ait été
progressivement réduit depuis 1962, c'est-à-dire depuis que l’on a commencé à appauvrir la fonction
Paris, le 27 février 2001
21
Réunion du Club Perspectives Public, Privé du 27 février 2001
FIEHP
des médecins directeurs départementaux de la santé, dont le rôle a été réduit à celui de conseiller –
écouté ou non – du préfet.
Par ailleurs, vous avez développé la notion de forfait, d’une tarification par pathologie.
Alain DELOCHE
Il s’agit d’une tarification par pathologies groupées.
Raymond GATELMAND
On semble aujourd'hui s’orienter vers cette solution.
Alain DELOCHE
Dans la plupart des pays dont nous parlons, les directions médicales des établissements sont
occupées par des médecins, ainsi que les directions d’hôpital. Certains se sont convertis.
La création d’écoles de directeurs d’hôpitaux répondrait à un grand besoin et serait plus qu’un acte
humanitaire.
La stratégie médicale ayant été très étroitement couplée à la logique économique, la direction
médicale devient très pesante.
Au Vietnam, nous avons quelque peu abandonné la direction médicale. Alain Carpentier était
Président du Conseil d'administration, et nous avons hésité à créer une direction médicale française.
J’en ai été responsable un temps, mais son fonctionnement laissait à désirer. Nous avons donc
promu des médecins vietnamiens, mais il ne s’agissait pas d’une véritable direction médicale. C’est à
ce niveau que nous avons subi une sorte d’échec, à vouloir reproduire les schémas que nous
connaissions : Exploitation, Direction médicale, Direction des finances, etc.
Néanmoins, nous retenons que pour ce genre de projet, la stratégie médicale joue énormément dans
l’impulsion et les conséquences. Ce point est passionnant.
Concernant la notion de gestion, il n’existe pas de directeurs d’hôpitaux formés de façon moderne
dans ces pays. Il s’agit là d’une formation à mettre en place.
Pour l’anecdote, la future directrice du Centre, venue d’un pays communiste, a été envoyée par mes
soins à Monaco pour se familiariser avec les forfaits. Monaco est en effet le seul établissement
possédant une base forfaitaire. Il a d’ailleurs fort bien établi la base forfaitaire pour le Vietnam.
Nous avons des pathologies groupées sur la base du forfait, mais il est obligatoire de rester à un
forfait chirurgie cardiaque. Que signifie un tel forfait ? En réalité, ce sont autant des groupes
d’opérations que de pathologies. Il s’agit d’une formule hybride, un peu différente du forfait par
pathologie, mais qui s’en rapproche et qui est nécessaire.
Paris, le 27 février 2001
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Réunion du Club Perspectives Public, Privé du 27 février 2001
FIEHP
Madame CHAMBIER
Le débat sur le détournement des fonds accordés à la santé primaire (vaccination) par la médecine de
pointe est très intéressant. Il repose sur l’idée fausse que l’on sait prendre des décisions et que l’on
connaît à l’avance les conséquences de ces décisions. On introduit ainsi une pseudo rationalité dans
les choix de priorités, entraînant un conflit entre médecine primaire et de pointe. Or les deux
médecines se complètent et l’une entraîne l’autre.
Par ailleurs, vous avez montré comment vous aviez tiré les prix vers le bas, en sous-entendant que
cela pouvait être étendu. Pour ma part, je n’y crois pas du tout. Les militants, au sein d’un espace
restreint, peuvent accomplir des prouesses. Si cet espace est agrandi, des péréquations sont opérées
et l’esprit militaire se perd. Il ne me semble pas que l’on puisse extrapoler à un grand ensemble ce
que vous avez merveilleusement réussi dans votre activité.
Daniel SIDI
Cela est vrai, car avec le prix que nous pratiquons en France pour les enfants, nous volons
l’Assistance publique.
L’acte chirurgical coûte 50 000 francs à la communauté et il ne nous coûte que 5 000 francs en raison
de la convention de moitié prix que nous avons passée.
Alain DELOCHE
Nous avons discuté avec les instances publiques afin de savoir s’il était possible d’établir une base
forfaitaire. Or cela est impossible dans notre pays.
Nous n’escroquons pas l’Assistance publique. En fait, ces enfants coûtent 13 358 francs en termes
de matériel, sans parler des salaires. Nous désirions donc une base forfaitaire. L’expérience a été
tentée à Bordeaux, mais elle a dû être abandonnée car elle risquait de faire jurisprudence. Pratiquer le
forfait dans un hôpital public pour des enfants de la Chaîne de l'Espoir était la porte ouverte à la
généralisation d’une telle pratique. Cela n’a donc pas été possible, ni à Bordeaux, ni même à
Marseille.
Ce système fonctionne pourtant parfaitement en Grande-Bretagne.
Jean-Pierre ALFANDARI
Nous avons une association qui regroupe les 21 cliniques pratiquant la chirurgie cardiaque en France,
ce qui représente 10 000 interventions annuelles à cœur ouvert. Pourquoi ne pas créer un parrainage
entre des opérés du cœur de ces cliniques et les enfants de la Chaîne de l'Espoir ? L’expérience peut
ne pas porter ses fruits, mais elle peut être tentée.
Daniel SIDI
Il s’agit là d’une excellente idée.
Paris, le 27 février 2001
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Réunion du Club Perspectives Public, Privé du 27 février 2001
FIEHP
Martine AOUSTIN
A l’époque où j’exerçais des fonctions à la CNAM, nous avions réfléchi à la forfaitisation du secteur
chirurgical, en nous inspirant de l’exemple monégasque et d’un certain nombre d’établissements
d’autres régions. Il existe une difficulté complémentaire en France : la sélection en cours dans les
pays que vous évoquez n’existe pas. Il y a donc une difficulté à mesurer le forfait sur des éléments
destinés à une population, notamment adulte, très diverse, avec des complications lourdes. Cela
génère de grandes difficultés quant à la matérialisation, au contenu, à la définition et à la déclinaison
des pathologies au sein des forfaits. Nous rencontrions beaucoup moins de difficultés chez l’enfant,
pour qui les choses semblent beaucoup plus systématiques.
Il n’est pas simple de trouver des forfaits suffisamment lissés techniquement, qui soient cohérents
quant au risque pris pour une population très large.
Alain DELOCHE
J’ai demandé à plusieurs directeurs de l’Assistance publique s’il n’était pas possible de parvenir à
une base forfaitaire, si ce n’est pour les Français, du moins pour les patients étrangers, assez
nombreux dans certains centres. Cette base serait d’ailleurs très utile en matière d’attractivité de
l’offre. Ainsi, à Bruxelles, le forfait pour un enfant est de 54 000 francs. Les enfants se font donc
tous opérer à Bruxelles, à Milan, à Glasgow, voire en Tunisie.
Il est vrai qu’il a pu y avoir certains problèmes, notamment d’impayés.
J’ai récemment proposé à Monsieur Gobolin, qui ne m’a pas encore répondu, la mise en place d’une
base forfaitaire pour les étrangers. Pourquoi faire payer 10 000 francs le prix de journée à un étranger
alors qu’il est possible de trouver une base forfaire harmonisée avec celles des établissements de
Milan, de Glasgow et de Bruxelles, qui ne sont pas tous des organismes privés ? Public et privé se
réunissent en ce cas.
Au Sénégal, il existe un certain nombre d’offres, mais il faut définir un prix à l’avance. Dans le cas
contraire, cela est ingérable.
Il est possible de procéder à l’américaine, en incluant dans le forfait une couverture d’assurance
risque. Il est vrai que cela est très complexe.
Il s’agit en tout cas d’une suggestion que je tiens à faire.
Daniel SIDI
Le rôle d’un centre et d’une structure aussi vaste que l’Assistance publique est de procéder à ces
calculs. C’est le problème d’une compagnie d’assurance d’établir des forfaits. S’il y a par exemple
50 000 opérés, l’Assistance publique doit connaître le prix moyen. D’une année sur l’autre, il est
possible de niveler. C’est la loi des grands nombres, dont il faut faire profiter l’individu. Je ne
comprends pas pourquoi l’Assistance publique ne définit pas un forfait. Certains opérés coûtent
cher, d’autres moins.
Paris, le 27 février 2001
24
Réunion du Club Perspectives Public, Privé du 27 février 2001
FIEHP
Jean-Pierre ALFANDARI
Un établissement privé, notamment dans le domaine de la chirurgie cardiaque, perçoit des ressources
morcelées en prix de journée, en frais de salle d’opération, etc. La somme des ressources est connue
par les GHM. Il suffit de diviser la somme des ressources par le nombre de GHM. Cela donne un
prix. C’est d’ailleurs ce qui a été fait aux Etats-Unis.
Aujourd'hui, on s’égare en recherchant le pourquoi du comment. Aux Etats-Unis, un coût par
établissement et par pathologie a été défini.
Concernant l’inégalité des prix, laissons faire la presse. Elle saura demander à chaque établissement
pourquoi ses prix sont plus élevés ou moins élevés qu’ailleurs, et saura analyser les résultats de
chaque GHM.
Nous sommes trop axés sur la recherche de l’epsilon : les prix sont plus chers dans le Nord, les
salaires et les loyers sont plus élevés à Paris, etc.
Cela est vrai pour l’Assistance publique de Paris et pour les hôpitaux. Il suffirait de diviser le chiffre
d'affaires de l’établissement par le nombre de GHM.
Le Président
Cela pourrait également être fait pour les cliniques.
Jean-Pierre ALFANDARI
Bien entendu. Cela peut être fait partout.
Eventuellement, s’il y a une masse amorphe, elle pourrait être calculée en pourcentage de la somme,
ce qui permettrait de juger l’établissement par l’importance de cette masse amorphe.
Le Président
Le problème est que les prix différeraient d’un établissement à l’autre.
Jean-Pierre ALFANDARI
Les prix sont déjà différents, mais on refuse de voir et d’accepter cette différence.
Madame CHAMBIER
Le prix de journée est déjà un forfait.
Paris, le 27 février 2001
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Réunion du Club Perspectives Public, Privé du 27 février 2001
FIEHP
Jean-Pierre ALFANDARI
Cela n’est pas suffisant.
Le Président
Je précise que l’établissement d’Abidjan conçu par les Canadiens a été construit par Monsieur
Cavalbuig…
François FERRACCI
J’ai récemment rencontré des médecins d’Abidjan à l’occasion d’un colloque à Brazzaville, organisé
en novembre par la Croix-Rouge française. J’ai constaté les conditions dramatiques existant à
Brazzaville. Je me souviens également d’un médecin français, qui écrit souvent pour le Monde, et qui
travaille à Abidjan. Il a été contaminé par le sida car, en Côte d’Ivoire, les praticiens ne peuvent
même pas changer de gants. Ils manquent de tout. Les conditions sont dramatiques, et tout médecin
se rendant dans ces pays y est confronté.
Le Président
Les médecins ne sont tout de même pas touchés par le sida dans l’exercice de leurs fonctions…
François FERRACCI
Un certain nombre de praticiens ont été contaminés en Afrique par le virus du sida. Ils n’ont pas la
possibilité de changer de gants en cours d’opérations, car les stocks sont insuffisants.
Le Président
Je ne pensais pas que la réunion de ce soir vous passionnerait autant. Cela tient au talent du
Professeur Alain Deloche, à son enthousiasme, à son dévouement et à sa compétence. Je le remercie.
Compte rendu réalisé par la société Hors Ligne, une division du groupe Ubiqus - 01 44 14 15 00
Paris, le 27 février 2001
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INDEX
L’orthographe des noms et termes suivants n’a pu être vérifiée :
Bertrand.......................................................19
clinique Juvet de Wils....................................5
hôpital Broussel.............................................1
l’écho Doppler...............................................7
l’intervention de Dunlop...............................8
Lopril...........................................................20
Madame CHAMBIER...........................23,25
Monsieur Cavalbuig.....................................26
Monsieur DECORTE........................13,14,15
Monsieur Gobolin.......................................24
Monsieur Lemoine....................................9,10
N’Mumba....................................................11
Olivier Braud............................................9,10