Le grand-père et sa petite
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Le grand-père et sa petite
Le grand-père et sa petite-fille Notre première petite-fille Audrey Natalie est née le 25 décembre 1997. Mon mari était alors âgé de 66 ans et nous ne connaissions pas encore le nom de l’insidieuse maladie qui le rongeait depuis plusieurs années déjà. Le fait d’être grand-père a été pour lui un immense bonheur. C’est nous qui gardions la petite pendant la semaine. Tous les jours, quel que soit le temps, mon mari sortait le matin et l’après-midi pour se promener avec Audrey. Quelquefois je les accompagnais. Une relation très profonde s’est tissée entre le grand-père et sa petite-fille. Il lui arrivait souvent de s’asseoir sur un banc et de chanter à Audrey des comptines pour enfants. Elle s’endormait ensuite paisiblement. Ce fut une période très heureuse pour lui. Mais au bout de trois ans, tout a basculé: mon mari est sorti faire un petit tour dans le quartier avec Audrey qui l’accompagnait sur son tricycle. Comme à l’accoutumée, ils ont fait leur petite halte habituelle au restaurant. A un moment, Audrey a voulu rentrer mais le grand-père s’est mis en tête de rester. La petite a pris toute seule le chemin du retour, ce qui impliquait notamment de traverser une rue très fréquentée. Un homme a récupéré l’enfant en pleurs et l’a ramenée à la maison. A partir de ce moment-là, il était clair pour moi que je ne pourrais plus jamais confier Audrey à la garde de mon mari. Cette décision a été pour lui d’autant plus difficile à accepter qu’il n’avait pas conscience de ce qui lui arrivait. A compter de ce jour, je les accompagnais à chaque fois qu’ils sortaient. 1 C’est ainsi que les années passèrent jusqu’à ce que le diagnostic soit enfin posé en 2002: démence frontotemporale et vasculaire. A Noël 2011, toute la famille était rassemblée. Notre fille, la mère d’Audrey, jouait du violon. Tout à coup, mon époux s’est mis à pleurer. Il a regardé Audrey qui s’est alors avancée vers lui et l’a serré dans ses bras. C’est une fille sensible et elle adorait son grand-père. Compte tenu du fait que mon époux était depuis longtemps dans l’incapacité de montrer la moindre émotion, ce fut pour nous tous un moment merveilleux: il savait encore qui nous étions. Il a pu s’éteindre en paix à la maison en mai 2012. Audrey avait alors 15 ans et était assise avec moi à son chevet. Elle a longtemps tenu la main de son grand-père pour l’accompagner dans son dernier sommeil. Elle regarde très souvent toutes les belles photos qui ont été prises avec son cher grand-père car l’OUBLI n’existe pas. 2