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Compte rendu de la 5ème Conférence Villes durables Mercredi 17 janvier 2012 Thématique : Malmö, ville la plus durable du monde ? Intervenants : Ilmar Reepalu, urbaniste de formation, est Président du conseil municipal de la ville de Malmö (équivalent de la position de maire). Il est considéré comme l'artisan principal de la transformation de Malmö, la troisième ville de Suède avec 300 000 habitants, passée en deux décennies du statut de ville en déclin à celui de centre de culture et de technologie verte. Illmar Reepalu est également, au sein de l’Union européenne, Président de la Commission for Environment, Climate Change and Energy (ENVE) du Comité des régions*. Cette Commission permet aux représentants de collectivités locales et régionales de discuter des politiques énergétiques et de promouvoir les bonnes pratiques. * Assemblée des représentants locaux et régionaux de l'Union européenne, créée suite au Traité de Maastricht en 1994. Introduction Homme d‘action et de conviction, Ilmar Reepalu est venu présenter, sans se départir d’un certain humour, la démarche avant tout pragmatique et volontariste qui a permis la renaissance de la ville qu’il dirige depuis 1994. Aidée du WWF et des habitants, la municipalité a réhabilité les quartiers laissés en friche par la crise industrielle des années 90. Aujourd'hui, ils apparaissent comme des vitrines susceptibles d'inspirer d'autres grandes villes. La municipalité s'est également fixée l'objectif, d'ici à 2030, de satisfaire l'ensemble des besoins énergétiques de la ville à partir d'énergies renouvelables, produites localement ou dans la région pour l'essentiel. Malmö, une ville profondément réinventée Malmö présentait le profil classique d’une ville industrielle : une économie florissante fondée d’abord sur le textile et des chantiers navals considérés parmi les plus performants au monde jusqu’à la fin des années 80. Ce qui l’est moins, c’est la manière dont la ville, frappée de plein fouet par la crise dans les années 92/93 - en 5 ans elle est passée d’une situation de plein emploi à un taux de chômage de 32% de sa population - a su se transformer pour rebondir et incarner aujourd’hui un dynamisme envié par de nombreuses métropoles. Symbole actuel de Malmö, la tour « Turning Torso », est une œuvre architecturale choisie pour venir réinvestir l’espace laissé vide par la « grue Kockum ». Cette grue a été démontée lors du transfert des chantiers navals vers la Corée et était aux yeux des habitants de Malmö ce que la tour Eiffel est aux Parisiens. La nouvelle tour incarne le renouveau de Malmö plus internationale et cosmopolite (30% des habitants sont nés à l’étranger et 164 nationalités y sont présentes). En effet, l’économie de la ville s’appuie aujourd’hui sur un tourisme en forte croissance, la distribution, les services et les entreprises de technologie propre. 1 Västra Hamnen, un projet de développement durable révolutionnaire, créé ex nihilo 2001, une année charnière pour Malmö : la ville a été choisie pour accueillir l’exposition Bo01 sur la ville de demain. Objectif : construire un quartier avec une autosuffisance énergétique totale. Il a été créé de toutes pièces sur le terrain des friches industrielles de l’ancien port, après une phase de dépollution. C’est le quartier de Västra Hamnen. « Nous avons décidé de changer ce quartier pour construire un modèle, la première exposition sur le logement fondée sur le développement durable : environ 1 000 appartements, 100 % basés sur l’énergie renouvelable produite localement. » témoigne Ilmar Reepalu. « Nous avions notre propre société de production d’électricité. Il y avait cinq centrales nucléaires qui appartenaient à la ville. Il y avait aussi beaucoup d’hydro-électricité au nord de la Suède ». Immense défi… Sur le plan du financement, Malmö a bénéficié d’un apport de 27 millions d’euros du gouvernement suédois. L’Union Européenne (2 millions d’euros) et l’Agence suédoise de l’énergie ont contribué aux mesures énergétiques. Dès le départ, le projet, qui a fait l’objet d’une planification au niveau régional, s’est assigné des objectifs ambitieux et a imposé de fortes contraintes à ses partenaires : - construction écologique : l’ensemble des matériaux de construction utilisés doivent être réutilisables en cas de destruction des bâtiments. Les promoteurs ont dû s’engager et signer une charte de qualité drastique, les autorisations de construire n’étant accordées que sur garantie d’un haut niveau de qualité environnementale. - autosuffisance énergétique avec 100% d’énergie locale renouvelable. La majeure partie des besoins en chauffage est ainsi couverte par un aquifère* souterrain servant de réserve de chaleur pour l’hiver, l’utilisation de l’eau de mer et de panneaux solaires. Une centrale éolienne et des panneaux photovoltaïques fournissent l’électricité. * couche de terrain ou roche, suffisamment poreuse (qui permet le stockage de l'eau) et perméable (où l'eau circule librement) - objectifs de recyclage : les déchets sont valorisés et transformés en biogaz, dans une logique progressive et d’amélioration constantes des objectifs. « En 2000, la moitié des déchets, 550 tonnes par personne pour les déchets domestiques, et la même quantité en déchets industriels étaient intégrées dans les sites et une partie recyclée. En 2008, 4,2 % des déchets étaient mis en enfouissement contre 2,4 % aujourd'hui, donc presque tout est valorisé ! ». A noter qu’un système de vide-ordures pneumatiques permet de récupérer et traiter 60 % du total des ordures ménagères. - transports : le quartier a été planifié pour réduire les besoins en transport et notamment la place de la voiture. Priorité aux piétons et aux cyclistes, aux carburants écologiques -les bus roulent au biogaz- et au train. Ilmar Reepalu souligne la reconversion du rail : « des lignes de train fermées pendant de longues années ont été remises en service. Nous avons augmenté la circulation des trains de 300 %, du jamais vu dans le monde. Clairement le choix a été fait d’investir dans le rail et non pas dans la construction de parkings en centre-ville… C'est une solution gagnantgagnant ». - respect de la biodiversité : une volonté de préserver la diversité conjuguée à une gestion adaptée de l’eau, notamment pour atténuer les effets du ruissellement des eaux pluviales, a permis la création de nombreuses toitures et murs végétalisés. Ont aussi été aménagés des habitats pour différentes espèces d’animaux de manière à favoriser la diversité de vie naturelle (nichoirs, espaces protégés pour les grenouilles…) Augustenborg, autre exemple d’éco-quartier : une réhabilitation écologique Si Västra Hamnen figure à la une du palmarès écologique de Malmö, le travail de réhabilitation durable du quartier populaire d’Augustenborg, en forte dégradation depuis sa construction dans les années 50, suscite également l’intérêt des observateurs. Le projet d’Ekostaden a consisté dans les années 2000, à transformer un quartier rélégué et stigmatisé (chômage très élevé de 65% en 1998, forte dépendance vis à vis des aides sociales..) en impliquant les habitants au cœur du projet. D’un point de vue environnemental, l’approche est assez similaire à celle de Västra Hamnen : objectifs de gestion, valorisation et autoépuration de 70 % des eaux de pluie, système de tri et collecte visant à recycler 90% des déchets du quartier, réduction de la dépendance automobile, créations de toitures 2 végétalisées sur des bâtiments industriels et de recyclage. Ce dernier point a permis à la fois de répondre à un problème récurrent d’inondation, mais aussi d’améliorer l’isolation et l’esthétique des bâtiments ainsi que la biodiversité. L’originalité de l’approche réside dans l’implication des habitants. Le projet s’est appuyé sur la recherche d’un consensus (groupes de travail, processus de gouvernance formelle) sur l’implication des écoles, l’utilisation des ressources locales et la valorisation des compétences des habitants. Des moyens ont été déployés pour l’initiation au respect de l’environnement. Au final, la réhabilitation écologique doit pouvoir dynamiser un projet de quartier qui prend en compte les problématiques économiques et sociales. Quel bilan pour l’écoquartier à l’épreuve de la réalité? Quel bilan peut-on tirer aujourd’hui de ces expérimentations? Si Västra Hamnen est incontestablement un succès et a rempli ses objectifs du point de vue de l’architecture, de la gestion des transports et des déchets, de la biodiversité… c’est du point de vue de l’énergie que l’on enregistre une déception, les projections initiales de consommation ne s’étant pas avérées réalistes. Mais cette expérience a permis de réadapter les calculs théoriques pour l’avenir. Du point de vue des habitants, pour la plupart sensibles aux questions environnementales, l’insatisfaction porte surtout sur le niveau de chauffage, ce qui explique en partie la consommation énergétique supérieure aux prévisions. A noter que la moitié des résidents opte pour les transports en commun plutôt qu’utiliser leur voiture pour se rendre au centre ville. A Augustenborg, si le quartier s’est amélioré du point de vue de l’esthétique, de la qualité de vie pour ses habitants et de son désenclavement, le bilan reste mitigé car le changement fondamental dont il a besoin est de nature économique et sociale et notamment la baisse du chômage. Ilmar Reepalu incarne d’abord l’enthousiasme et une forte volonté politique. Son témoignage confirme que l’aventure ambitieuse de Västra Hamnen ne peut s’envisager qu’au prix d’un courage politique et de choix radicaux qui conjuguent une vision écologique et des objectifs économiques et sociaux. Sans cette vision, Malmö ne serait pas aujourd’hui classée en seconde position au palmarès des villes européennes sur le plan de l’esprit d'entreprise. « Nous sommes une ville à la fois durable, créatrice d’emplois et animée de l'esprit d'entreprise. On le voit, on peut réussir à être à la fois performant sur le plan économique et performant sur le plan de la protection de l'environnement. Nous avons créé 35 000 emplois en 10 ans à Malmö, ce dont nous sommes très fiers, des emplois créés par des entreprises extrêmement soucieuses de l'environnement. » C’est aussi à une volonté sans faille que l’on doit la transformation radicale de la ville qui a choisi d’accompagner la mutation et l’évolution des habitants. « Lorsque nous avons démarré, 18 % des habitants avaient un diplôme universitaire. Cette proportion est passée à 35 % aujourd'hui, elle a donc doublé dans l'intervalle. Nous avons aujourd’hui une université pluridisciplinaire qui attire les meilleurs chercheurs, les meilleurs cerveaux et un pôle universitaire de recherche, dans les sciences environnementales et la recherche médicale ». Et de rappeler que ses opposants ne voulaient pas investir dans ce pôle au centre ville mais « loin, dans les champs de maïs. On m'a objecté à 1 000 reprises que mon projet était trop cher, mais j'y tenais, je voulais que cette université soit un symbole fort, soit l'emblème de notre ville. » Si la réussite économique de la vitrine écologique de Malmö est incontestable, la reproductibilité d’un projet tel que Västra Hamnen reste questionnée par les experts, compte tenu des contraintes de réalisation de départ –très haut niveau d’exigence – et le coût par conséquent très élevé sur le plan financier. 3