«Une SNCB unique sinon rien»

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«Une SNCB unique sinon rien»
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FOCUS
RéfoRME DE LA STRUCTURE DE LA SNCB
«Une SNCB unique sinon rien»
mant la Holding, le ministre
est en train de renforcer ce qui
ne va pas. Ce modèle existe
déjà aux Pays-Bas. Et les Néerlandais nous disent que ça ne
marche pas. Ils veulent revenir
en arrière.»
BRUXELLES Les trains
circulent bien ce matin. Le
préavis de grève déposé
la semaine dernière par
le front commun syndical de la SNCB a été levé
«pour calmer le jeu». Les
représentants des travailleurs viendront avec
une nouvelle proposition
le 16 novembre prochain.
Metro a rencontré les
représentants de la CGSPCheminots: Michel Abdissi, président (photo, à
gauche), et Serge Piteljon,
secrétaire général.
Donc,
votre
proposition
c’est: un seul patron et des
comptabilités séparées...
MA: «C’est bien cela. Un seul
patron et deux parties opérationnelles.»
D’ici le 16 novembre, il n’y
aura aucune action?.
Serge Piteljon: «Nous rendrons un document pour cette
date et nous espérons que le
ministre tiendra aussi sa parole
de son côté.»
Belga / N. Lambert
Pas de grève cette semaine.
Les négociations sur la future
structure de la SNCB continuent. Quel est le calendrier des
prochaines semaines?
Michel Abdissi: «Lors de la
dernière réunion la semaine
dernière, si je puis parler de
réunion puisque ça n’a duré
qu’une demi-heure, le ministre
des Entreprises publiques Paul
Magnette (PS) nous a demandé
un travail au niveau du front
commun pour le 16 novembre.
Nous, nous allons faire ce travail au sein de notre organisation, la CGSP. Ensuite, nous
mettrons cela en commun avec
le syndicat chrétien avant de le
présenter au ministre.»
«Le monde ferroviaire est attentif
à ce qui se passe en Belgique»
Sinon?
SP: «Certains veulent laisser
croire que les cheminots sont
rapidement sur la balle et mènent trop d’actions. Ce n’est
pas le cas. Nous essayons d’être
constructifs et de mener à bien
cette réforme de la structure de
la SNCB. Ce qui nous étonne
toujours, c’est que l’on pensait
avoir été clair sur notre intention d’avoir une structure intégrée avec un seul patron.»
l’Europe prépare le 4e paquet
ferroviaire. Mais on ne sait pas
encore quelle forme il prendra, à l’exception de quelques
orientations. Il y a tout le
processus démocratique qui
doit se mettre en place. Rien
n’indique donc aujourd’hui
que le 4e paquet exigera cette
séparation... à moins que le
ministre anticipe et sache déjà
quel sera le vote du Parlement
européen! Donc, nous, on
s’en tient à ce qui existe aujourd’hui. Et rien ne prévoit
l’obligation d’avoir une séparation verticale. Rien.»
Est-ce juridiquement possible? L’Union Européenne
exige une séparation des activités réseau et train...
MA: «Bien sûr que oui! Rien ne
dit qu’il faut absolument une
structure désintégrée.»
SP: «Vous parlez de l’Europe. Je
préside le groupe européen du
dialogue social. Pour l’instant,
Le premier paquet prévoit
une séparation de la gestion
de trains et des voies, si je
puis résumer ainsi...
SP: «Une séparation comptable,
oui. Et c’est tout. L’Allemagne
et l’Autriche, par exemple,
ont maintenu une structure
unique (avec néanmoins une
ouverture à la concurrence,
ndlr.). Mais ces éléments-là ne
sont pas pris en compte par
le gouvernement. Les représentants des usagers disant la
même chose que nous, on ne
les écoute pas non plus. Les
Français aussi vont choisir une
structure intégrée!»
Pourquoi le ministre veut-il
dès lors une structure bicéphale à tout prix?
SP: «Ca, vous lui demanderez...
Pour nous, cela n’a aucun sens.
Je connais assez bien le sujet au
niveau européen et, je le répète,
rien ne prévoit une telle séparation. Le ministre anticipe donc
une décision qui va peut-être
tomber, en 2017 au plus tôt,
si elle tombe. Rien n’indique
qu’il faille se précipiter sur un
modèle bicéphale. Le monde
ferroviaire est très attentif à
ce qui est en train de se passer
en Belgique. Tous les syndicats
sentent que c’est le ballon d’essai pour essayer de faire passer
une partie de ce qui pourrait se
trouver dans le 4e paquet.»
Et si le 4e paquet passe, vous
faites quoi?
SP: «On ne sait pas à quoi il
ressemblera! Moi, je suis un démocrate. je ne sais pas anticiper
comme cela. J’ai le sentiment
qu’il faut attendre que le processus soit vraiment engagé.»
Revenons un peu en arrière.
Pourquoi les syndicats avaient-ils accepté la structure en
trois entités (SNCB, Infrabel
et Holding)?
SP: «C’était dans le cadre du
premier paquet qui prévoyait
une séparation comptable. La
présence de la Holding permettait le maintien de l’unicité de
l’entreprise et un fonctionnement intégré. Des conventions
permettaient de garantir ce
travail intégré. Hélas, au l du
temps, ces conventions n’ont
plus été respectées... En suppri-
«Nous négocions pour un chemin de fer performant»
Le Boston Consulting Group,
qui n’est pas réputé pour sa
proximité avec nos idées, a
sorti une étude qui précise
bien que ce n’est ni la libéralisation, ni la modi cation de
structures qui apportera une
plus-value en terme de performance. Ce sont bien les investissements! Et c’est là que l’on
fait pour l’instant du tort au
chemin de fer.»
Il existe un nouveau plan
de transport pour l’an prochain...
MA: «Oui, le plan 2013-2025.
Il faut s’attendre à des réduc-
Belga / N. Lambert
Quel message avez-vous
envie d’envoyer aux navetteurs?
MA: «Que toutes nos actions
sont mises en place pour défendre une structure ef cace
qui améliorera la ponctualité, la sécurité, etc. C’est ensemble, usagers et cheminots,
que nous y arriverons. Nous
voulons leur dire que nous
sommes en train de négocier
pour un chemin de fer performant.»
SP: «Des études l’ont démontré, il n’existe aucune preuve
empirique qu’une structure
divisée est plus performante.
tions du nombre de trains.»
SP: «Et depuis 30 ans, on
a perdu à la SNCB environ
30.000 équivalents temps
plein (ETP). 1.000 emplois par
an en moyenne!»
n
Au-delà de la structure, quelles sont les craintes de vos afliés?
MA: «Que le personnel soit
recruté séparément. L’avantage d’une structure intégrée,
c’est la mobilité du personnel
en interne. Si on doit séparer,
cette mobilité n’existerait plus.
Ce serait contre-productif. Le
danger, c’est qu’Infrabel et la
SNCB fassent eux-mêmes le
recrutement. On promet aux
syndicats que les statuts seront
préservés. Mais, si on recrute
séparément, le plus riche aura
tendance à modi er les barèmes à son avantage et la garantie du statut unique risque
de passer à la trappe.»
SP: «Lorsque l’on a créé les
trois structures, les trois CEO
s’étaient engagés à collaborer.
On a vu le résultat. Dès lors,
nous craignons les mêmes
problèmes avec la structure
bicéphale. Nous souhaitons
par ailleurs l’instauration d’un
système de sanctions si le CEO
ne tient pas ses engagements.»
Le tra c fret est déjà libéralisé. Qu’en pensez-vous?
SP: «C’est une catastrophe! Le
système du wagon isolé est
quasi abandonné. Ces wagons
doivent passer par une gare de
triage où l’on compose le train.
C’est plus lent et plus cher que
la route, qui est beaucoup plus
exible. Mais ça évite d’avoir
un nombre invraisemblable de
camions! Dès lors, quand on a
libéralisé le système du wagon
isolé, on a créé les conditions
pour que le rail perde des parts
de marché. Il y a eu là une
volonté dogmatique de libéraliser à tout prix. Donc, si l’on
veut maintenant éviter d’avoir
des milliers de camions en
plus sur les routes, il va falloir
passer par des nancements
publics.»
Quel message avez-vous envie
d’envoyer à Paul Magnette...
à moins que vous attendiez
son successeur?
MA: «Il a l’air de s’arc-bouter
sur son plan. La date de son départ vers Charleroi est annoncée
pour début décembre. Nous,
on se pose des questions. Si les
documents sont sur la table à la
mi-novembre, ça va être dif cile
d’aboutir en deux semaines.
S’il faut faire le gros-œuvre
avec une première personne et
les nitions avec une autre, ça
risque d’amener des dif cultés.
Nous serons peut-être contraints
de sif er la n de la récréation.
Mais gardons espoir, nous verrons bien comment le ministre
recevra notre travail et comment il pourrait le défendre au
niveau du gouvernement.»
Benoît Toussaint
/// www.paroledecheminot.be

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