Frédéric DUMAS, Université Stendhal Grenoble III

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Frédéric DUMAS, Université Stendhal Grenoble III
Frédéric DUMAS
Les modalités de la représentation de soi dans Advertisements for Myself de N. Mailer
Les modalités de la représentation de soi
dans Advertisements for Myself de Norman Mailer
Frédéric Dumas, Université Stendhal Grenoble III
Advertisements for Myself est un recueil publié en 1959 recouvrant la déjà vaste
production de Mailer. Ce n’est pas une anthologie, car certains textes sont originaux ;
le volume agrège entre autres des extraits de romans, de pamphlets, de poèmes, de
critiques portant sur certains de ces textes et de la publicité. Chacune des cinq
parties se compose d’écrits introduits par un « advertisement » plus ou moins
développé qui en présente généralement la genèse et/ou un commentaire ponctuel ;
on trouve aussi sept « Advertisements for Myself », plus centrés sur l’auteur luimême. Le processus de définition de soi qui s’y ébauche englobe non seulement la
persona « Mailer », mais aussi celui qui est amené et appelé à actualiser cette
identité.
Car l’auteur apparaît extrêmement soucieux de son marketing et prétend tout mettre
en œuvre pour plaire à un large lectorat. L’enjeu est de taille : « a serious writer is
certain to be considered major if he is also a best seller; in fact, most readers are
never convinced of his value until his books do well. » (241) Puisque le statut de
l’auteur repose sur le succès de son livre, de la qualité du lecteur dépend le sort de
l’écrivain. Les identités des deux instances sont irrémédiablement imbriquées.
Advertisements for Myself représente une tentative audacieuse consistant pour
Mailer à cerner son lecteur type. Cette tentative est déclinée tout au long de
l’ouvrage, qui s’interroge sans cesse sur l’identité du destinataire le mieux à même
d’apprécier tel ou tel texte. Étant donné la grande diversité des genres abordés dans
le volume, l’image de ce lecteur va changer au gré des pages, sans jamais atteindre
l’unité. Le caractère hybride d’Advertisements for Myself a donc pour corrélat celui de
son propre lecteur. On aboutit alors à la situation peu courante où le lecteur
empirique doit lui-même constamment se positionner par rapport à la définition du
lecteur modèle qu’apporte le texte.
Dans la mesure où Mailer se (re)présente en tant qu’auteur américain, il se trouve
d’autant plus concerné par la question de son utilité au sein d’une culture dominée
par les valeurs strictement matérialistes du monde des affaires. Malgré ses
fanfaronnades, il se révèle transpercé par la problématique énoncée par Sartre dans
Qu’est-ce que la littérature ?, présentant l’écrivain comme « consommateur étranger
dans une collectivité laborieuse, […] l’image même du parasitisme. » (134) C’est
pourquoi Advertisements for Myself est aussi une entreprise destinée à accorder à
son auteur un rôle social plus utile : ses 532 pages composent un gigantesque texte
publicitaire et un nouveau produit commercialisé, tous deux parfaitement adaptés à
une économie de marché. Ainsi l’auteur s’offre-t-il une chance de rédemption, en se
muant en vendeur et en publicitaire. Il ne vante d’ailleurs pas seulement la gamme
Mailer, mais aussi l’homme lui-même, pour qui la confession est une stratégie
narrative.
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La représentation du lecteur
C’est au lecteur que s’adresse nommément la toute première page de texte
proprement dit, après la dédicace. « A note to the reader » (7) en définit trois types :
celui qui ne lit que les préfaces, le spécialiste, qui souhaite trouver une œuvre
structurée à la taxinomie précise, et enfin celui qui ne souhaite pas prendre de
risque, et ne recherche que le meilleur de chaque auteur.
Pour ces derniers, Mailer a établi une sélection de ce qu’il tient pour les meilleures
parties de son livre. Pour les autres, il propose deux tables des matières ; les
amateurs de préfaces pourront choisir l’approche chronologique, et les spécialistes
une démarche taxinomique, faisant appel à des appellations formelles consacrées,
telles que « fiction », « essays and articles », « interviews », « poetry », etc.
L’auteur propose ainsi d’aborder son ouvrage par trois biais radicalement
différents et, ce faisant, en encourage apparemment une lecture déstructurée.
Néanmoins, bien qu’il avoue s’identifier parfois avec ceux qui ne lisent des livres que
la préface, il n’en qualifie pas moins cette attitude de « vice » commis par des
« literary frauds » (7). Nonobstant l’humour, il est effectivement difficile pour qui
serait tenté d’adopter une telle démarche de ne pas se sentir coupable, et de ne pas
se rendre compte que l’auteur condamne une attitude aussi malhonnête. Quant à
ceux qui envisageraient de ne lire que quelques morceaux choisis, tout en
prétendant respecter leur point de vue, Mailer ne manque pas de leur signaler leur
erreur :
For those who care to skim nothing but the cream of each author, and so to miss
the pleasure of liking him at his worst, I will take the dangerous step of listing
what I believe are the best pieces in this book. (7)
Il n’en conseille alors que très peu, ce qui encourage le lecteur à renoncer à une telle
tentation, totalement inappropriée à un volume d’une telle taille.
S’il invite effectivement à aborder son livre avec beaucoup de liberté, Mailer n’en
renonce donc pas pour autant à exercer son contrôle ; le lecteur est indirectement
mené à constater que l’approche autoriale — chronologique — semble être la
meilleure. Ceci est en accord avec la théorie d’Umberto Eco, selon laquelle « prévoir
son Lecteur Modèle [c’est-à-dire implicite] ne signifie pas uniquement ‘espérer’ qu’il
existe, cela signifie aussi agir sur le texte de façon à le construire. » (Eco, 69)
Au fil des pages, Mailer signale dans divers « advertisements » qui devrait être le
destinataire idéal de son texte. Puisque l’on ne saurait supposer qui effectivement
suit ses conseils, et qui lit quoi et à quel moment, ses messages s’adressent à tout
lecteur s’aventurant alors dans le texte. Ce dernier en retire à chaque fois des
conseils de lecture, mais est aussi régulièrement amené à se demander à quel type
de lecteur il correspond. Un tel questionnement prend la dimension d’un défi quasi
permanent, puisque l’on est régulièrement appelé à prendre position a priori sur des
textes que l’on n’a pas encore lus. Il s’agit alors de se situer par rapport aux trois
cadres définis par Mailer en début de volume, ou de se fier aux indications
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ponctuelles de l’auteur. Or, de telles indications s’avèrent généralement renfermer
les réponses aux choix suggérés. Ainsi, dès le début, Mailer invite-t-il son lecteur à
faire preuve de sens critique en lui signalant la possibilité de vérifier la véracité de ce
qu’il écrit :
The reader who is curious to test my claims this instant is advised to turn to the
pages of “The White Negro,” and to the portion of my new novel which ends this
book. He can then decide after a few hours of his finest attention if he is likely to
agree. But those who want a sense of clear focus, like to know left from right, and
up from not-so-up, may find it more restful to enter this book by degrees. (17)
En d’autres termes, celui qui serait tenté de relever le défi est prévenu qu’il risque bel
et bien de perdre son temps et, pour ne rien arranger, qu’il appartiendra alors
paradoxalement à la catégorie des gens dépourvus de sens critique. Ce jugement
est d’autant plus irrémédiable qu’il a pour origine la référence en la matière, c’est-àdire l’auteur lui-même.
Au bout du compte, il semble que la provocation de Mailer lui interdise la possibilité
de forger un lecteur modèle au fil des pages, puisqu’il finit par mettre dans le même
sac tous les destinataires de ses livres, ainsi que tous les destinataires de tous les
livres en général :
[...] our literary gardeners, our publishers, editors, reviewers and general
flunkeys, are drunks, cowards, respectables, prose couturiers, fashion-mongers,
old maids, time servers and part-time pimps [...]. The audiences are not much
better—they seem to consist in nine parts of the tense senseless victims of a
mass-media culture, incapable of confronting a book unless it is successful. The
other part, that developed reader in ten with education, literary desire, a library,
and a set of acquired prejudices is worse, for he lacks the power to read with a
naked eye. [...] [his] real delight is in the abysmal taste of the majority [...]. (475)
Advertisements for Myself s’achève donc sur le rejet de la tentative de définition de
l’identité du lecteur implicite, projet certes non formulé en tant que tel, mais ne faisant
pas moins partie intégrante d’un dessein plus large et plus aisément identifiable : la
promotion de l’auteur lui-même, qui passe tout d’abord sous couvert de la
confession.
La confession en tant que stratégie narrative
« Advertisement for Games and Ends » expose bien des analogies entre la guerre et
la littérature, à travers la narration des patrouilles effectuées par l’auteur aux
Philippines lors de la Seconde guerre mondiale. Cet encart est loin de contribuer à
bâtir l’image d’une persona intrépide car, dans ce contexte, l’héroïsme relevait
uniquement d’une construction mentale inconsciente :
Later, in sleep, perhaps, we would give a dramatic line to what we had seen—the
high hill we had not climbed would lay its shadows over the route, and the small
river hidden by brush whose banks we had avoided took to itself the marrow of a
likely mystery. (389)
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Seuls les chefs de patrouilles talentueux étaient en mesure de faire sens d’une
intuition qui, bien que partagée par tous, serait sinon demeurée au stade potentiel.
Mailer ne prétend pas avoir fait partie de ces chefs éclairés. Il devait à l’époque
compter sur de tels meneurs d’hommes, dont les processus mentaux relevaient
grandement de l’aventure psychédélique et dont les initiatives, au bout du compte,
transcendaient le contexte militaire :
there was a squad leader or two who had a nose for where to take us and having
slept the night on the uncertain conclusions of what he had seen the day before,
he would work the structure of an art in his sleep: small facts, experience, and
the touch of his instinct would have their unconscious war, and leave him in the
morning with a new sense of form which was the record of that psychic war (…).
(389-390)
Apparemment, ce texte ne saurait relever de l’autocélébration, puisque le héros est
le chef de patrouille et Mailer un simple exécutant. Cet excès de modestie,
cependant, constitue un nouveau stratagème destiné à éclairer le propre talent de
Mailer, qui montre ici à quel point l’initiative de son supérieur a contribué à inspirer
l’auteur en herbe qu’il était alors. En réalité, la constante mise en avant des propres
incursions de Mailer dans des territoires mentaux inexplorés (qu’ils soient de nature
psychédélique ou créative) transforme tous les personnages en faire-valoir. Si
l’auteur confesse ses déficiences passées, ce n’est pas tant pour monter à quel point
il a depuis gagné en stature, mais plutôt combien ses mentors ressemblaient alors à
ce qu’il est à présent. Étant donné l’âge de Mailer en 1959, Advertisements for
Myself compose le portrait de l’artiste en tant que jeune homme, et le chef de
patrouille est un avatar de l’auteur lui-même, qui se considère comme un pionnier
dans un monde littéraire qui a beaucoup en commun avec un champ de bataille.
Conduire les autres à suivre ses instincts est le devoir d’un bon soldat, tout comme
celui d’un bon écrivain. Telle est la condition pour devenir un individu achevé : « if he
[the squad leader] had a bit of the artist in him, and the good ones always did, he
would gamble on his perception because it was the only way for him to grow. » (390)
Dès lors, le lecteur est prévenu que l’auteur-soldat d’expérience le mène dans une
opération de type thérapeutique qui, bien heureusement, ne comporte que des
risques limités, car « a good squad leader looked for a bit of trouble to keep himself
cool, and it was remarkable how seldom one ran into an ambush. » (390)
Comme souvent dans le cas de Mailer, une telle entreprise relève grandement de la
provocation. Dans toute guerre, l’ennemi se voit endosser des caractéristiques
extrêmes qui dénotent les obsessions des accusateurs eux-mêmes. Tel est le cas du
rejet total de l’idéologie WASP, exacerbé au point de sacrifier tout appel à la raison
dans un « advertisement » plus proche de la harangue enflammée que d’un discours
rationnel : « the Protestant is the embodiment of the great will which deadened the
flesh (in all cruelty and no taste, one must insist that cancer has been their last
contribution to civilization.) » (388)
En temps de paix comme en temps de guerre, la force pure l’emporte sur la raison et
les « Square citadels of Protestantism » (388) doivent tomber avant l’avènement d’un
collaborationnisme rampant :
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these Protestants who are the center of power in our land (…) must finally be
against the freedom of the body and the democracy of the flesh, they must go
with the Russians rather than the Hip, for the Soviet sense of science and formal
procedure will be more attractive to them (…). (388)
L’œuvre de Mailer est donc une arme contre les dirigeants politiques WASP,
réactionnaires, et incapables de déchiffrer les rapports des artistes qui, eux,
patrouillent à l’avant-garde de l’expérience contemporaine. Un tel aveuglement à
l’intuition artistique va invariablement à l’encontre du cours de l’histoire ; Mailer se
présentant comme la personnification de cet artiste, sa diatribe est de toute évidence
dirigée contre ceux que son discours ne parvient pas à convaincre.
Notons que sa stratégie narrative offre de nombreuses analogies avec la stratégie
militaire, le lecteur se retrouvant dans la situation d’un fantassin subissant une série
d’exercices savamment planifiée, alternant marches forcées et moments de repos.
Considérant par exemple que la traversée de son fameux « White Negro » a mis les
forces de ses troupes à rude épreuve, le stratège annonce que ce qui suit
bears the same relation to a patrol that a rest-camp does to a battlefield […] the
reader is entitled to an easy time for a while. So the short stories, light articles
and fragment of a play which begins this part of the book are intended to be
entertaining. (390)
À son tour, ce bivouac textuel conduit à « another difficult terrain called Notes
Toward a Psychology Of The Orgy which I cannot recommend to everyone, for some
of the ideas are too large, and the essays are as cryptic as their title. » (390)
Mailer utilise Advertisements for Myself pour évaluer la totalité de son œuvre, ce qui
revient à évaluer sa propre valeur personnelle, non seulement en tant qu’écrivain,
mais aussi en tant qu’homme. C’est pourquoi bien que la plupart de ses
« advertisements » soient marqués par une grande exubérance, certains passages
s’apparentent quant à eux à d’humbles confessions. Tel est le cas, notamment,
lorsque Mailer se rend compte qu’en cas de danger physique un auteur à succès ne
brillera pas nécessairement par son courage :
I had had humility breathed into me by the war. After four serious years of taking
myself seriously at Harvard, the army gave me but one lesson over and over
again: when it came to taking care of myself, I had little to offer next to the
practical sense of an illiterate sharecropper. (91)
D’autre part, tout en chantant souvent les louanges de son propre talent, Mailer n’en
méprise pas moins sa réputation de jeune prodige des lettres américaines :
At eighteen Capote was already doing work which was beautiful, whereas ‘The
Greatest Thing in the World’ reads like the early work of a young man who is
going to make a fortune writing first-rate action, western, gangster, and suspense
pictures. (70)
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Alors qu’il s’apprête à conclure Advertisements for Myself, il prétend douter de
pouvoir à nouveau produire une œuvre importante. Son mea-culpa combine alors
l’apitoiement sur soi, une absence totale de repentir et une reconnaissance
impitoyable de ses péchés :
you have to care about other people to share your perception with them,
especially if it’s a conception which can give them life, and now there are too
many times when I no longer give a good goddam for most of the human race.
(476)
Poursuivant sur le registre de l’auto flagellation, il fait des gorges chaudes de ses
propres défauts :
As I add up the accounts, I cannot like myself too much, for I was cowardly when
I should have been good, and too brave on many a bad chance, and I spent my
first thirty years abusing my body, and the last six in forced marches on my brain,
and so I am more stupid today than I ought to be, my memory is half-gone and
my mind is slow; from fear and vanity I paid out too much for what I managed to
learn. (477)
Cette confession, néanmoins, doit s’appréhender dans le contexte d’une stratégie
globale qui ne laisse rien au hasard. Envolées de modestie et (autres ?) grands
moments de mauvaise foi restent tout entier au service d’une campagne autopromotionnelle.
Advertisements for Myself en tant que produit, catalogue et méta création
Mailer reconnaît qu’Advertisements for Myself n’est pas sa première opération de ce
type et que certaines des précédentes ne furent pas couronnées de succès. Lors de
la publication de The Deer Park, Hemingway, Graham Greene and Philip Rahv,
parmi d’autres, ne daignèrent même pas répondre lorsqu’ils reçurent leur exemplaire
dédicacé ; Mailer considère cette opération un « fiasco » (267).
Advertisements for Myself est un catalogue d’échantillons destiné à une nouvelle
campagne publicitaire. Dans le jargon des cinéphiles, le volume fonctionne à la fois
comme un trailer — une sélection d’éléments déjà publiés — et comme un teaser. Il
donne en effet avant même sa sortie un extrait de la pièce tirée de The Deer Park,
qui ne devrait être publiée que l’année suivante et qui, en toute modestie, « has a
chance to affect the history of the American theatre » (442). La stratégie du vendeur,
ici, est de donner à l’acheteur potentiel « a taste of the play in my collection » (442),
qu’il prétend être de qualité inférieure à celle du produit fini. Il faut cependant le croire
sur parole, puisque la pièce est encore en chantier. Cette démarche est typique de
celle du vendeur-histrion dont la seule référence objective est lui-même, et dont
l’attitude tautologique ne peut que lui donner raison : si le client apprécie
l’échantillon, il prendra les réserves évoquées dans la présentation pour de la
véritable modestie. Dans le cas contraire, le défaut sera à imputer au seul échantillon
et non au produit lui-même, car on peut penser que la qualité supérieure de la
version définitive suffira à en justifier l’achat. Dans les deux cas le client en saura gré
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au vendeur, qui se sera montré suffisamment honnête pour l’avoir prévenu d’une
vérité apparemment si peu commerciale.
Le haut de la gamme Mailer est un roman encore à venir ; l’auteur l’annonce dès la
première page, y fait allusion tout au long du volume, et lui confère une dimension
mythique. Car malgré ses prétendus accès de doute et de modestie, Mailer se fixe
toujours les plus hauts objectifs :
if I have one ambition above all others, it is to write a novel which Dostoevsky
and Marx; Joyce and Freud; Stendhal, Tolstoy, Proust and Spengler; Faulkner,
and even old Hemingway might come to read, for it would carry what they had to
tell another part of the way. (477)
Une telle hubris porte à sourire et empêche de prendre les prétentions de l’auteur
pour de la fatuité. La veine humoristique parcourt le livre et se retrouve notamment
lorsque, voulant se distinguer de ses collègues-concurrents écrivains, Mailer donne
dans le registre de la publicité comparative : « So far as I know, this is the first time
any of us has talked out in public about his competitors with the same words one
might use in the living room. Hence, an historic document. » (390-391)
Le lecteur a l’assurance que ce qu’il lit est bien du véritable Mailer. Car l’auteur
affirme avoir gardé le contrôle absolu de son produit, depuis la création (de l’idée
originale au travail d’écriture), le placement et la négociation auprès des
distributeurs, jusqu’au processus de fabrication industrielle. Il révèle même ses
réactions les plus intimes à la réception de son texte par le lecteur : euphorie,
dépression, constipation, consommation de drogues, etc.1
Mailer paraît accepter difficilement les critiques négatives, qu’il estime souvent
basées sur des malentendus. C’est ce qu’il entreprend de montrer dans l’anecdote
d’un texte provocateur envoyé à Harvard, dont il cite un extrait :
For the last few years I have continued to run in that overcrowded mob of
unconscionable egotists who are ill determined to become the next great
American writer. But, given the brawl, the wasting of will, ad the sapping of one’s
creative rage by our most subtle and dear totalitarian time, […] I do not know that
I would be so confident as to place the bet on myself any longer nor indeed on
any of my competitive peers. (18)
Il propose ensuite sa propre analyse :
Yes, I wanted to say, my creative rage is being sapped […]. Much of this
meaning depended on the word “sapping” with its connotations of weakening,
enervating, deadening—that word was the nerve of my paragraph. (18-19)
Il révèle alors que « the ‘sapping of one’s creative rage’ » se retrouva imprimé dans
le compte-rendu officiel sous « the ‘slapping of one’s creative age’ ».2 Cette coquille
1
Three or four years of constipated work, lack of confidence, cowardly sweetness and bouts
of churlishness were the results of these dumb intimations. I was obliged to work from the
guts; literally; I gave up my appendix in 1952 and came down with a bad liver in 1954. (106)
2
C’est moi qui souligne.
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hilarante compose en fait une malfaçon dans le produit textuel final, et fournit à
Mailer l’occasion de fustiger les errements de la critique universitaire :
As the years go by and I become a little more possible for Ph.D. mills, graduate
students will begin to write about the slapping of my creating rage, of Mailer’s
vision of his rage as his shield, when what I was trying to say was simply, “the
shits are killing us.” (19)
Cette allusion drolatique fait écho à plusieurs autres, qui épinglent les défauts des
critiques défavorables à Mailer. Maxwell Geismar, par exemple, est mentionné page
240 pour avoir appelé Barbary Shore Barbary Coast, ce qui tend à dénoter son
incompétence. Page 245, les éreintements de Hollis Alpert (The Saturday Review) et
de Paul Pickrel (Harper’s) sont partiellement basés sur des citations inexactes de
The Deer Park.
De tels commentaires métacritiques reflètent l’ultime tentative de Mailer pour
conserver le contrôle de ses œuvres. Il tente d’influencer le consommateur (en le
mettant tout particulièrement en garde contre les dangers d’une lecture hâtive) et va
jusqu’à tenter de modifier l’appréciation du produit après sa consommation (en
rejetant de façon proleptique la critique universitaire ou professionnelle).
Le masque de l’autoportrait
Mailer estime que l’auto promotion est constitutive de sa profession, car le lectorat
méjugeant d’un auteur risque bel et bien de briser l’élan créatif de ce dernier :
An author’s personality can help or hurt the attention readers give to his books,
and it is sometimes fatal to one’s talent not to have a public with a clear
recognition of one’s size. (21)
Il est donc crucial pour l’auteur de savoir se vendre, ce qui n’implique pas pour
autant le renoncement à ses principes. Dans la mesure où le produit n’est autre que
lui-même (Advertisements for Myself), le discours de Mailer se joue forcément sur le
registre de l’autobiographie. Malgré les apparences, cependant, son « First
Advertisement for Myself » ne relève pas du pacte autobiographique, car l’écrivain y
annonce clairement que la dimension mégalomaniaque de son projet l’emportera sur
la sincérité. Son autoportrait est destiné à être placardé sur la place publique. Mailer
ne fait pas pénitence, mais allégeance à sa propre représentation de lui-même :
In sitting down to write a sermon for this collection, I find arrogance in much of
my mood […]. The sour truth is that I am imprisoned with a perception which will
settle for nothing less than making a revolution in the consciousness of our time.
[...] it is then obvious that I would go as far as to think it is my present and future
work which will have the deepest influence of any work being done by an
American novelist in these years. […] I think we can all agree it would cheat this
collection of its true interest to present myself as more modest than I am. (17)
L’écrivain qui prétend se dépeindre se contente d’exhiber son enfermement dans
une persona trop sûre d’elle. La vérité est qu’il ne dira pas la vérité : rien de bien
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nouveau pour le lecteur, déjà inévitablement mis au fait des fanfaronnades de Mailer
par un vaste épitexte.
Toutefois, au détour de la première page, l’arrogance du ton laisse fugitivement
place au doute : « To write about myself is to send my style through a circus of
variations and postures, a fireworks of virtuosity designed to achieve… I do not even
know what. » (18) Cette chute du grandiose à l’aveu d’impuissance a beau être
fugace, elle ne s’inscrit pas moins dans le cadre d’une problématique identitaire à la
résonance des plus graves, et semble ici totalement déplacée. Elle relève en fait du
lapsus, confirmé par la phrase suivante, elle aussi fort révélatrice : « Leave it that I
become an actor, a quick-change artist, as if I believe I can trap the Prince of Truth in
the act of switching a style. » (18) Le passage abrupt de la fragilité à l’arrogance aura
laissé le temps d’entrapercevoir un « Mailer » indéfini le temps d’un changement de
masque, terme auquel « persona » doit d’ailleurs son étymologie. L’enjeu de
l’écriture d’Advertisements for Myself est de mettre l’auteur en mesure d’affirmer son
identité. Ce projet impliquant un changement de poses permanent, la lecture
profonde de ce volume devra donc se faire dans les rares espaces de liberté, de
dérapages ou de non dits, que va laisser filtrer un discours dont l’auteur nous
annonce qu’il s’est efforcé de le rendre des plus flamboyants. Le contrôle autorial
sera particulièrement dur à déjouer. Dans son étude de l’autoportrait, Michel
Beaujour déclare que « l’autoportraitiste ne sait jamais clairement où il va, ce qu’il
fait. »3 L’exemple précédent illustre tout à fait cette thèse, d’autant plus qu’à ce
moment, les rodomontades de Mailer n’ont pas encore pris la dimension pontifiante
qu’elles atteignent souvent par ailleurs dans ce volume, et qu’on peut les prendre,
selon une autre formule de Beaujour, comme une « hyperbole humoristique au sein
de la méditation. »4
Les toutes premières lignes de Advertisements for Myself révèlent un auteur en proie
à un trouble identitaire aigu :
Defeat has left my nature divided, my sense of time is eccentric, and I contain
within myself the bitter exhaustions of an old man, and the cocky arguments of a
bright boy. So I am everything but my proper age of thirty-six [...]. (17)
Ce personnage névrotique est tout à fait conscient de son état, d’autant plus qu’il
annonce plus loin avoir envisagé d’abandonner sa carrière pour devenir
psychanalyste (108), et que ses « advertisements » dénotent un travail permanent
d’analyse de l’inconscient : « My self-analysis was still going at locomotive speed »
(277). Le fait que l’écrivain soit conscient des enjeux identitaires de son projet
consolide évidemment l’emprise autoriale ; en contrepartie, il confirme que les
dérapages et les incohérences que saura détecter un lecteur attentif n’en seront que
plus précieux. Les intonations introspectives, quant à elles, n’en seront que plus
pertinentes.
3
BEAUJOUR, Michel. Miroirs d’encre (rhétorique de l’autoportrait), Le Seuil (Collection
Poétique), Paris, 1980, p. 10.
4
op. cit., p. 74.
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On peut établir que la démarche de Mailer ne relève pas de la stricte
autobiographie ; nous avons déjà noté l’absence de pacte, qui rend le texte
incompatible avec la conception de Philippe Lejeune. L’auteur lui-même est
catégorique : « It is certainly not my aim to make this a thoroughgoing
autobiography. » (107) Une telle remarque pourrait bien sûr relever de la mauvaise
foi, mais force est de constater que le corpus des « advertisements » ne correspond
pas non plus à la définition de l’autobiographie par Jacques Lecarme, c’est-à-dire
« l’histoire d’une personnalité depuis les commencements, la genèse d’une identité
jamais complètement stabilisée. »5 On a plutôt affaire ici à des récits
autobiographiques, c’est-à-dire des textes n’appartenant pas à la fiction et dont la
matière première est la vie de l’auteur.
Mailer considère en fait qu’autobiographie et écriture lui sont antinomiques ; il s’agit
pour lui de préserver son expérience personnelle de façon à la transmuer par
l’écriture, seul vecteur identitaire. Voici par exemple ce qu’il relate des circonstances
de l’écriture de « The White Negro », qu’il considère comme l’une de ses meilleures
créations :
Before I wrote the piece [...], I happened to have a week in Mexico [...]. But I will
not try to give even a hint of that time. Whatever proves to be alive for one’s
writing—love, violence, drugs, sex, loss, work, death, defeat, victory or
something unimportant to anyone else—comes from those few moments which
reach the psychic crossroads of the mind and there become a nucleus of new
imagination. It is costly to strip such memory of its detail, for one loses the power
to project the best of one’s imagination out into a creative space larger than the
items of one’s life. (335)
En fait, si la quête de l’auteur se nourrit logiquement de son expérience concrète,
celle-ci ne prend donc sens qu’une fois transmuée en texte, y compris en fiction ;
voici à ce sujet un court extrait d’interview reproduit dans Advertisements for Myself :
Q. If you were to be exiled to a desert island and could take only five books with
you, what would they be?
A. [...] if one is left alone on a desert island it’s hardly feasible to learn very much
more from books. One can only contemplate nature, become mystic and seek to
penetrate more deeply into one’s own primitive nature. So, I would take my five
novels not because they are so very good, but because they are the best
documents I would have about myself with which to take that self-exploratory
journey to the questions of the self. (276)
Ainsi, pour Mailer, les romans sont des documents majeurs dans une démarche de
recherche de soi, même si cela s’est longtemps accompli à son corps défendant :
For six years I had been writing novels in the first person; it was the only way I
could begin a book [...]. Worse, I seemed unable to create a narrator in the first
person who was not overdelicate, oversensitive, and painfully tender, which was
an odd portrait to give, because I was not delicate, not physically [...]. (237)
5
LECARME Jacques, LECARME-TABONE Éliane, L’autobiographie, Paris, Armand Colin,
Collection U, série « Lettres », 1997, p. 40.
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Malgré les différences, le narrateur est donc bien l’alter ego de l’auteur, qui se trouve
placé dans un cercle vicieux, puisqu’il échoue dans sa représentation de lui-même
tout en ne disposant d’aucune autre source d’inspiration. C’est pourquoi l’immense
succès de The Naked and the Dead, son premier livre, le laisse en proie à la plus
grande angoisse : « there was nothing left in the first twenty-four years of my life to
write about; one way or another, my life seemed to have been mined and melted into
the long reaches of the book. » (92) L’auteur se confond avec ses livres, et ceci
englobe la profession tout entière ; « Farrell, Dos Passos and Steinbeck were the
novel for me in that sixty days before I turned seventeen. » (27)6 Plus tard, ce
processus devait évoluer, notamment sous l’influence des drogues. Il écrivit The
Deer Park sous pression, en état de « drug-hipped paranoia » (242), et finit par
prendre ses distances avec l’expérience personnelle ; à présent l’enjeu n’était plus la
recherche de soi, mais la préservation de l’unité du moi, sous peine de sombrer dans
la schizophrénie : « My imagination had been committed—to stop would leave half
the psyche in limbo. » (243) On note au passage que l’accroc à la concordance des
temps — « would leave » au lieu de « would have left » — dénote que ce point de
vue reste valable en toutes circonstances. Cette tendance schizophrénique, dont les
symptômes les plus manifestes sont la dislocation de la personnalité et la perte totale
du contact avec la réalité, pouvait d’ailleurs déjà se deviner en filigrane dans la
citation du premier paragraphe du volume : « Defeat has left my nature divided, my
sense of time is eccentric. » (17)
Quelques pages plus loin, Mailer rassure avec humour les lecteurs qui,
éventuellement, s’inquièteraient de son équilibre psychique : « Six weeks later, when
The Deer Park came out, I was no longer feeling eighty years old, but a vigorous
hysterical sixty-three [...]. » (245)
Si tous les genres abordés par Mailer et dont Advertisements for Myself présente un
florilège composent pour l’auteur le corpus de sa recherche identitaire, celle-ci risque
bien de passer inaperçue chez un lecteur qui ne possède pas les clefs référentielles.
Advertisements for Myself constitue une tentative de pallier ce manque, en livrant
quelques éléments autobiographiques susceptibles d’éclairer les passages clefs de
l’œuvre de Mailer. Pour ce dernier, si le fait de prétendre se livrer sans masque
procure sans doute un exutoire à un exhibitionnisme de notoriété publique, sa
logique n’en est pas moins véritablement littéraire. Il considère en effet qu’un grand
auteur se doit de faire de lui-même la matière fondamentale de son œuvre.
Hemingway, pour qui il entretient des sentiments quasi filiaux, « [has] known the
value of his own work, and he fought to make his personality enrich his books. » (21)
La création littéraire est donc aussi un combat qui passe tout d’abord par la
connaissance de soi. Ensuite, il importe de savoir se transformer en un produit
attractif de façon à accroître la qualité de sa production et, au bout du compte, de la
vendre le mieux possible : « Truman Capote did it bravely when he began [...].
James Jones did it, and did it well. Kerouac would deserve ears and tail if he weren’t
an Eisenhower gypsy. » (21) Mailer justifie donc sa démarche en affirmant que c’est
aussi celle de ses illustres prédécesseurs ; il se positionne sur le même terrain, sur
un ton de confession roublarde : « I, in my turn, would love to be one of the colorful
6
C’est moi qui souligne.
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old-young men of American letters, but I have a changeable personality, a sullen
disposition, and a calculating mind. » (21-22) Ce commentaire réflexif est bien en
réalité un commentaire métadiscursif, dans la mesure où il jauge l’homme et sa
capacité à rendre compte de lui-même dans un contexte de stratégie textuelle où la
notion de planification — de calcul — dénote finalement un savoir-faire souhaitable.
Quant à la personnalité de Mailer, le fait qu’il prétende ne pas parvenir à la cerner ne
s’avère pas dissuasif pour le lecteur, bien au contraire, puisqu’il laisse présager un
combat intérieur des plus divertissants.
Advertisements for Myself cristallise la problématique identitaire complexe d’un
auteur pour qui la recherche de soi passe par la tentative de définition de son lecteur.
Cette tentative est vouée à l’échec dès le départ, en raison d’un contrôle autorial
absolu, incompatible avec l’approche libérale prônée par ailleurs. Quant à sa propre
recherche, se refusant à jeter totalement le masque d’une persona arrogante (ou se
rendant compte qu’une telle attitude relèverait tout autant de la supercherie), il en a
effectivement fait une démonstration magistrale de son talent : technique, esthétique
et surtout polémique. Advertisements for Myself laisse donc une impression
paradoxale. En n’y dévoilant que très peu de lui-même, Mailer parvient à se protéger
tout en plaçant son œuvre sous une perspective nouvelle ; au bout du compte,
néanmoins, sa quête identitaire aura surtout contribué au mythe de sa persona.
Des confidences de Mailer, voici probablement l’une des plus enrichissantes :
a hint of the best and the worst of what really happened over the years of these
advertisements may live in this last part which has nothing and everything to do
with me.
Here, and with this, I find myself forced to bring to an end whatever trace of an
autobiography has slipped into these advertisements. […] The confession is
over—I sense that to give any more of what happened to me in the last few years
might make for five thousand good words, but could also strip me of fifty
thousand better ones. (335-336)
Tout en avouant une nouvelle faiblesse, Mailer semble aussi irrémédiablement
frustrer son lecteur, qui n’a d’autre option que d’imaginer en vain ce que pourraient
être les cinq mille mots que l’auteur n’écrira jamais. Étant donné son esprit
calculateur — et le caractère fondamentalement promotionnel de son ouvrage —
Mailer cherche à éveiller l’intérêt de son client pour mieux le convier à décrypter cet
hypotexte défendu dans ses œuvres à venir. Cependant l’analogie entre écrivain et
promoteur de ventes a ses limites. Si l’auteur fait la promotion de ses textes, ce n’est
pas pour que les lecteurs les achètent, mais plutôt pour qu’ils se les approprient —
littéralement.
Sources
BEAUJOUR, Michel. Miroirs d’encre (rhétorique de l’autoportrait), Le Seuil
(Collection Poétique), Paris, 1980.
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ECO, Umberto. Lector in Fabula. Bompiani, Milan, 1979, Éditions Grasset &
Fasquelle, 1985.
LECARME Jacques, LECARME-TABONE Éliane, L’autobiographie, Paris, Armand
Colin, Collection U, série « Lettres », 1997.
MAILER, Norman. Advertisements for Myself. Cambridge /Mass/: Harvard University
Press, 1959, 1992.
SARTRE, Jean-Paul. Qu’est-ce que la littérature ?, Paris, Gallimard, 1948,
Folio/Essais, 1997.
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